Avoir de la gratitude

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/41J8pTpvz9L._SX303_BO1,204,203,200_.jpgUn Ă©clairage de Bertrand Vergely

Et si nous reconnaissions aujourd’hui tout ce que nous avons reçu des autres et qui fait que nous sommes vivant

Et si nous exprimions cette reconnaissance dans un mouvement de vie bienfaisante Ă  la fois pour ceux Ă  qui nous l’exprimons, mais aussi pour nous-mĂȘme.

Car, au cƓur de ce mouvement, il y a une dynamique Ă  la fois personnelle et collective oĂč nous pouvons percevoir l’inspiration de l’Esprit

C’est dire comme il est bon d’entendre parler de gratitude, et d’en dĂ©couvrir la portĂ©e et les effets.

Ainsi avons nous accueilli avec reconnaissance une intervention de Florence Servan-Schreiber Ă  Ted X Paris sur « le pouvoir de la gratitude » (1). Cet exposĂ© est remarquable parce qu’il allie une compĂ©tence de psychologue ayant accĂšs aux meilleures sources et une dĂ©marche personnelle exprimĂ©e dans un esprit de recherche, de dialogue, de conviction et d’authenticitĂ©. Dans son livre : « Retour Ă  l’émerveillement » (2), Bertrand Vergely aborde le mĂȘme sujet dans une approche complĂ©mentaire, une approche philosophique, spirituelle, thĂ©ologique (3). Il nous donne Ă  voir le sens profond de ce mouvement.

Merci

Quoi de plus naturel que de dire : « merci » ! Et  si on peut le dire souvent, il y a comme une joie qui s’épanche, un Ă©lan de reconnaissance et de sympathie. C’est une expression de la vie quotidienne. Et c’est effectivement dans ce contexte que Bertrand Vergely nous en montre l’importance. Ce n’est pas seulement une expression du cƓur, c’est aussi un mouvement qui s’inscrit dans la vie sociale, l’embellit et la pacifie. « Il est beau de dire merci. Cela permet de clore quelque chose et d’ouvrir autre chose. Dans le monde de la violence, on ne dit pas merci. Pire, on ne se fait grĂące de rien, on est « sans merci ». On se poursuit sans rĂ©pit, on se persĂ©cute, on ne s’épargne rien. Cela rĂ©vĂšle la profondeur du merci. Prononcer ce mot, c’est passer de la guerre Ă  la paix, de la haine Ă  la rĂ©conciliation, de l’inimitiĂ© Ă  la relation. On pourrait poursuivre la lutte, la haine, la persĂ©cution. On dĂ©cide de ne pas le faire et de revenir Ă  la logique des Ă©changes et du don ».

Les « mercis » ponctuent une vie quotidienne dans laquelle on reçoit et on donne, on donne et on reçoit. C’est en quelque sorte un marqueur de civilitĂ©, une expression de vie civilisĂ©e. « Logique dans laquelle on se salue rĂ©ciproquement. On donne et on reçoit. On offre et on dit merci. Il s’agit lĂ  d’une rĂ©volution obĂ©issant Ă  un constat lucide. Ou l’on persiste Ă  vivre dans la violence, ou on y renonce et on vit  ».

Dire merci s’inscrit ainsi dans une vie sociale ou le partage se rĂ©alise dans une relation rĂ©ciproque. «  C’est le « pacte de rĂ©ciprocité » insĂ©parable d’un pacte de non violence ainsi que le rappelle Marcel Mauss dans son « Essai sur le don ». « La relation rĂ©ciproque annule la violence. Personne ne prenant sans donner et ne donnant sans prendre. Il n’y a ni dominant, ni dominĂ©. Le remerciement prend sa source dans une telle logique et donne la logique de l’invitation sue laquelle repose la vie sociale. On a Ă©tĂ© invitĂ©. On invite Ă  son tour
 Cette politesse fait en sorte que personne ne sacrifie l’autre ou ne soit sacrifiĂ© par lui
 Profondeur du merci. Il raconte ce qui perd l’humanitĂ©. Il raconte ce qui la sauve. Nous mourrons de ne jamais dire « merci », nous ressuscitons en le disant ».

Gratitude

Mais l’expression de notre reconnaissance dĂ©passe de beaucoup l’ordinaire de la vie quotidienne.

« La gratitude va plus loin que le merci. Comme montre l’expĂ©rience, on est dans la gratitude quand on fait plus que remercier quelqu’un. On est dans un tel Ă©tat parce que l’on a reçu quelque chose d’exceptionnel. Quand quelqu’un nous a sauvĂ© la vie, nous Ă©prouvons de la gratitude, une profonde, une extrĂȘme gratitude. On se situe lĂ  dans la plus grande profondeur qui soit
 Notre cƓur est rempli de gratitude. Nous rendons grĂące. Nous avons conscience du miracle en nous sentant petit devant l’immense
 L’existence est un miracle permanent. Nous ne nous en rendons pas assez compte ».

Cette gratitude a une portĂ©e sociale. Elle a aussi une dimension spirituelle. « Quand il n’est pas dĂ©primĂ©, l’homme moderne rouspĂšte. Il est mĂ©content, indignĂ©, rĂ©voltĂ© et il le fait savoir. Jamais il ne dit merci. Il pense que tout lui est du ». Bertrand Vergely voit lĂ  un manque profond, jusqu’à un drame spirituel. « Il y a une ingratitude profonde dans le cƓur humain. Au lieu de remercier, l’ingrat proteste. Il poursuit Dieu de sa vindicte en lui reprochant non seulement d’avoir ratĂ©, mais crĂ©Ă© le monde. L’existence de l’humanitĂ© est pour lui un crime de lĂšse-humanitĂ©.

On va loin quand on a un moment de gratitude en remerciant le Ciel d’exister. On touche au drame inconscient de l’humanitĂ©. Celle-ci a un compte Ă  rĂ©gler avec Dieu comme avec elle-mĂȘme. Elle n’est pas heureuse d’exister. On sort de cette logique meurtriĂšre en ayant un peu de gratitude et en ouvrant les yeux. Oui, il est miraculeux de vivre (4). L’univers, la vie, l’humanitĂ© sont des miracles permanents. Nous-mĂȘmes, nous sommes des miracles vivants. Nous devrions ĂȘtre morts cent fois, nous sommes encore lĂ . Nous sommes des miraculĂ©s. Sans que nous le sachions, sans nous en rendre compte, nous avons Ă©tĂ© sauvĂ©s cent fois ».

Bertrand Vergely nous entraine plus loin encore dans une dimension mĂ©taphysique. « Si le mot « merci » permet de mettre fin Ă  la guerre qui fait rage entre les hommes sur terre, le mot « gratitude » permet de mettre fin Ă  celle qui fait rage entre les hommes et le Ciel. Il est courant de penser que la mĂ©taphysique est inutile et que nous n’en avons pas besoin pour vivre. Il s’agit d’une erreur profonde : elle est indispensable et l’on vit mal quand on s’en passe . L’ĂȘtre humain est un arbre qui relie le Ciel et la Terre. Privons-le de la Terre, il s’écroule. Privons-le du Ciel, il Ă©touffe.

La  gratitude est vitale. Elle signifie la paix avec le Ciel. et avec celle-ci, la libertĂ©. Il est beau de voir le monde avec gratitude
 Tout Ă©tant un miracle, tout vit. Tout se met Ă  vivre. On a alors envie de vivre et de se rĂ©jouir de l’existence de l’humanité ».

Dire merci, exprimer de la gratitude tĂ©moignent du mĂȘme esprit, de la mĂȘme sensibilitĂ© et s’inscrivent dans une dĂ©marche commune. Si Bertrand Vergely les distingue, ce n’est pas seulement en fonction de l’intensitĂ© de ces deux expressions, c’est parce qu’il les situe dans un contexte plus large.  Nous sommes de plus en plus nombreux Ă  partager une vision de la sociĂ©tĂ© comme un tissu de relations.  « Si l’Esprit est rĂ©pandu sur toute la crĂ©ation, il fait de toutes les crĂ©atures avec Dieu et entres elles, cette communautĂ© de la crĂ©ation dans laquelle toutes les crĂ©atures communiquent, chacune Ă  sa maniĂšre entre elles et avec Dieu » dĂ©clare le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann qui cite Martin Buber : « Au commencement Ă©tait la relation » (5). Bertrand Vergely montre l’importance de la gratitude dans le plein dĂ©roulement des relations. Et comme JĂŒrgen Moltmann, Richard Rohr (6) ou d’autres, il se fonde sur une thĂ©ologie trinitaire  et met en Ă©vidence le rĂŽle de l’incarnation. « La vie est relation
 Cela veut dire que le Ciel et la Terre sont liĂ©s. Dieu a crĂ©e l’univers et l’homme pour s’unir Ă  eux
 il a crĂ©Ă© pour transmettre, pour rayonner, pour diffuser. Il a bĂąti un pont entre lui et son autre, en l’occurrence l’univers et l’homme
 Qui s’applique, bĂątit des ponts, il reprend le geste divin de la crĂ©ation » ( p 253-254). La gratitude, comme la louange sur laquelle elle dĂ©bouche, participent Ă  cette Ɠuvre.

Il est temps maintenant d’apporter un tĂ©moignage concret de la maniĂšre dont la gratitude accompagne une vie pleine malgrĂ© les Ă©preuves. C’est le tĂ©moignage d’Odile Hassenforder dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (7) : « Que c’est bon d’exister pour admirer, m’émerveiller, adorer. C’est gratuit. Je n’ai qu’à recevoir, en profiter, goĂ»ter sans culpabilitĂ©, sans besoin de me justifier (Justifier quoi ? de vivre ?). D’un sentiment de reconnaissance jaillit une louange joyeuse, une adoration au crĂ©ateur de l’univers dont je fais partie, au Dieu qui veut le bonheur de ses crĂ©atures. Alors mon ego n’est plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place, reliĂ© Ă  un « tout » sans prĂ©tention  (Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit son chemin. Comme il est Ă©crit dans un psaume : « Cette journĂ©e est pour moi un sujet de joie
 Une joie pleine en ta prĂ©sence, un plaisir Ă©ternel auprĂšs de toi, mon Dieu
 Louez l’Eternel, car il est bon. Son amour est infini (Psaume 16.118) ». Expression personnelle, la gratitude nous invite au dĂ©passement, Ă  une participation  à  plus grand que nous, Ă  la reconnaissance de la prĂ©sence divine.  Comme l’écrit Bertrand Vergely : « Il est beau de voir le monde avec gratitude. Tout Ă©tant miracle, tout vit, tout se met Ă  vivre. On a alors envie de vivre et de se rĂ©jouir de l’existence de l’humanité ».

Jean Hassenforder

 

RĂ©cits de vie et gouvernance participative

A travers un service du courrier, Obama, président, dialogue avec les citoyens américains.

pour rĂ©pondre aux besoins, encore faut-il Ă©couter leur expression. Cette Ă©coute est nĂ©cessaire pour identifier les besoins dans toute la complexitĂ© humaine dans laquelle elle se manifeste. C’est bien lĂ  la tache essentielle des Ă©lus et Ă©videmment du premier d’entre eux, le prĂ©sident. Certes, il y a diffĂ©rentes maniĂšres d’identifier et d’analyser les besoins, par exemple une enquĂȘte, une expression des mĂ©dia, mais rien ne remplace une Ă©coute directe des gens. Et plus gĂ©nĂ©ralement, la participation appelle le dialogue. Cette expression des citoyens peut prendre diffĂ©rentes formes. Un livre rĂ©cent (1) vient aujourd’hui nous prĂ©senter une expĂ©rience : le service du courrier qui recevait des milliers de lettres adressĂ©es au prĂ©sident Obama par des  citoyens amĂ©ricains.

Le service du courrier

 Tout au long de l’histoire amĂ©ricaine, il y a toujours eu des citoyens qui ont Ă©crit au prĂ©sident . Mais cette correspondance s’est considĂ©rablement amplifiĂ©e au cours du temps. Et le service a pris un importance majeure avec l’arrivĂ©e d’Obama Ă  la prĂ©sidence . Ce dĂ©veloppement s’inscrit dans la vague militante qui a portĂ© et accompagnĂ© l’élection. Ainsi, la participation Ă  cette entreprise tĂ©moigne d’une forte mobilisation, d’un engagement comme celui de Fiona devenue responsable de ce service.

« Au total, le service de la correspondance prĂ©sidentielle ou OPC comme tout le monde l’appelait, requĂ©rait l’action coordonnĂ©e de 50 employĂ©s, de 36 stagiaires et d’une armĂ©e de 300 volontaires se relayant pour faire face Ă  la dizaine de millier de lettres et de messages quotidiens. Il appartenait Ă  Fiona en tant que directrice de l’opĂ©ration de faire tourner la boutique » (p 86). Ces lettres parlent des rĂ©alitĂ©s de la vie qui interpellent le prĂ©sident. Ces messages sont lus attentivement et cotĂ©s selon le sujet choisi en vue d’y apporter une rĂ©ponse. Cependant la grande affaire, c’est de choisir chaque jour dix lettres auxquelles le prĂ©sident rĂ©pondra.

Si la crĂ©ation du service a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e par une lente Ă©volution, si elle est advenue dans un grand moment politique, elle est d’abord la rĂ©sultante d’une volontĂ© personnelle, celle du prĂ©sident Barack Obama. Le service a Ă©tĂ© organisĂ© par des hommes qui l’ont accompagnĂ© dans sa dĂ©marche politique. Et sa dĂ©cision de lire chaque jour dix lettres et d’y rĂ©pondre, a Ă©tĂ© emblĂ©matique.

Barack Obama

Barack Obama a surgi dans l’histoire amĂ©ricaine comme la rĂ©ponse Ă  une espĂ©rance que puissent hommes et femmes ĂȘtre respectĂ©s dans leur originalitĂ© personnelle et leur existence sociale et politique. Dans son accession Ă  la prĂ©sidence, Barack Obama a apportĂ© une rĂ©ponse : « Yes, we can ». Oui , nous pouvons. Son Ă©lection nous est apparue comme un tournant dans l’histoire des Etats-Unis (2), une ouverture pour le monde. Aussi, Ă  plusieurs reprises, avons-nous Ă©voquĂ©, sur ce blog, les activitĂ©s et les expressions de ce prĂ©sident (3). L’attention qu’Obama a portĂ© au courrier lors de sa prĂ©sidence est une manifestation de son empathie et de son engagement au service de l’humain. C’est une facultĂ© d’écoute permettant une meilleure identification des besoins et, donc, une capacitĂ© d’y rĂ©pondre. Ainsi, nous dit-il, « Ce serait un exercice intĂ©ressant d’identifier le nombre d’initiatives
 dont la plupart Ă©taient de portĂ©e limitĂ©e
. qui aboutirent Ă  une modification ou qui provoquĂšrent au moins une discussion sur la maniĂšre dont nous fonctionnons. Un nombre non nĂ©gligeable , je pense » (p 196). Certaines lettres ont suscitĂ© des rĂ©actions visibles. « Je me rappelle une rencontre. Une merveilleuse famille. Un pĂšre et une mĂšre relativement jeunes avec deux enfants, et, au moment oĂč je suis arrivĂ©, la mĂšre a fondu en larmes. Elle m’a serrĂ© dans ses bras et dit : « Si on est ici, c’est grĂące Ă  vous ». J’ai rĂ©pondu : « Comment ça ? ». « Mon mari ici prĂ©sent a servi dans l’armĂ©e et souffrait d’un syndrome post-traumatique assez grave et je craignais qu’il n’en sorte pas, mais vous avez demandĂ© Ă  l’administration des vĂ©tĂ©rans de nous appeler directement et c’est ce qui l’a conduit Ă  se faire soigner ». C’est le genre d’occasions qui nous rappelle que cette fonction a quelque chose de spĂ©cial » (p 196). « Quand les gens reçoivent une rĂ©ponse, ils ont le sentiment que leurs vies et leurs prĂ©occupations ont de l’importance. Et ça, ça peut changer dans une faible mesure, et parfois plus largement, le regard qu’ils portent sur la vie » (p 196). Parce qu’Obama portent un profond respect aux gens, les gens le ressentent, et lui expriment une considĂ©ration qui va jusqu’à lui faire part de leur Ă©volution personnelle. « Parfois les gens me font part  d’une forme de transformation qu’ils ont vĂ©cu. Il y a plusieurs lettres de personnes me confiant avoir grandi dans des familles se mĂ©fiant des personnes d’une origine diffĂ©rente, d’un autre milieu. Les lettres me relatent l’évolution que leurs auteurs ou leurs proches ont connue aprĂšs avoir constatĂ© que l’image d’eux qu’on leur renvoyait n’était pas celle qu’ils imaginaient » (p197).

Parce qu’Obama respecte profondĂ©ment les gens et que ceux-ci peuvent lui manifester du respect en retour, il peut se crĂ©er une forme de communautĂ© en retour. Ainsi Ă©crit Obama : « Les lettres qui me tiennent Ă  cƓur sont, je crois, celles qui opĂšrent des liens, qui parlent de la vie des gens, de leurs valeurs, de ce qui leur importe » (p 197). Cette attention tĂ©moigne d’une confiance et d’une bienveillance dont fait preuve le prĂ©sident : « Ces lettres disent que les gens sont pleins de bontĂ© et de sagesse. Il suffit d’y faire attention. Ce qui est parfois difficile de faire quand on est Ă  l’intĂ©rieur d’une bulle, mais cette petite porte me l’aura rappelĂ© chaque jour » (p 207).

 

Les lettres : une expression de la vie américaine dans toute sa diversité

Ce livre publie ainsi un grand nombre de lettres par pĂ©riodes chronologiques. Si elles comportent telle interprĂ©tation ou telle louange, elles s’appuient gĂ©nĂ©ralement sur une expression de la vie de ceux qui Ă©crivent. C’est un recueil de rĂ©cits de vie qui tĂ©moignent de la diversitĂ© des situations. Certes, il y a des inflexions dans les contenus. Lorsque Obama accĂšde Ă  la prĂ©sidence, il doit faire face Ă  une grave rĂ©cession. Il y a du chĂŽmage. Beaucoup de gens souffrent dans leurs conditions de vie. Et comme le redressement ne peut ĂȘtre immĂ©diat, on entend une plainte et parfois une dĂ©ception.

Cependant, il y a aussi ds demandes plus classiques. « Il y a des lettres rĂ©currents comme celles des anciens combattants demandant de l’aide, celles des jeunes accablĂ©s par des dettes rĂ©currentes essayant de savoir s’ils sont Ă©ligibles Ă  une aide ou une autre, des militaires ou des familles de militaires aux prises avec une dĂ©cision du dĂ©partement de la dĂ©fense
 » (p 195). « La loi sur la protection de patients et des soins abordables » surnommĂ©e « Obamacare », a suscitĂ© un courrier abondant. Des vies ont Ă©tĂ© sauvĂ©es.

Bien souvent, ces lettres tĂ©moignent d’une expĂ©rience de vie originale. Elles expriment des prises de conscience auxquelles le prĂ©sident est associĂ© parce qu’elles soutiennent des causes qu’il soutient ou des pistes qu’il ouvre . Ces lettres couvrent un champ trĂšs vaste. Des valeurs s’y expriment, le meilleur de l’idĂ©al amĂ©ricain tel que Barack Obama en tĂ©moigne. En voici quelques exemples.

 

Des récits de vie

Ces lettres en grand nombre portent toutes un message. Et, pour chacune d’elle, l’auteure nous permet de la situer dans son contexte et de percevoir le dialogue qui s’établit entre les personnes et le prĂ©sident. Ce livre nous apporte un ensemble de rĂ©cits de vie qui nous rapportent les problĂšmes, Ă©conomiques, sociaux er culturels vĂ©cus par des amĂ©ricains et les idĂ©aux qui les animent.

Marnie Hazelton

Marnie Hazelton, mĂšre cĂ©libataire, quinquagĂ©naire, a derriĂšre elle une tradition familiale qui l’engage dans « une vie de service », des parents et des grands-parents afro-amĂ©ricains, « Elle Ă©tait la derniĂšre reprĂ©sentante d’une histoire marquĂ©e par le courage et la lutte » (p 165). Puis, elle devient enseignante dans des Ă©coles dĂ©favorisĂ©es Ă  New-York. C’est un idĂ©al qui la pousse. En 2011, elle Ă©coute attentivement le dernier discours d’Obama sur l’état de l’Union : «  Ce qui aura le plus d’impact sur la rĂ©ussite d’un enfant, c’est l’homme ou la femme qui se tient devant lui dans la salle de classe. A l’attention de tous les jeunes gens qui Ă©coutent ce soir et qui  hĂ©sitent pour leur carriĂšre professionnelle, si vous voulez influer sur la vie d’un enfant, devenez enseignant. Votre pays a besoin de vous » (p 164). « Une bĂątisseuse de nation, une patriote, voilĂ  ce qu’elle Ă©tait » (p 164). HĂ©las la rĂ©cession avait frappĂ© les Etats-Unis et il fallait du temps pour que la politique d’Obama porte tous ses fruits. A l’échelon local, il y a encore des coupes budgĂ©taires. Elle perd son emploi et entre alors dans une pĂ©riode difficile .

C’est alors qu’elle dĂ©cide d’écrire au PrĂ©sident Obama.

« Cher monsieur le Président

Mes parents reprĂ©sentent le meilleur de l’AmĂ©rique .

Mon pĂšre a servi. Ma mĂšre a rĂ©pondu Ă  l’appel de John F Kennedy Ă  servir ». Plusieurs des mes aĂŻeux ont combattu pour les Etats-Unis. « J’ai marchĂ© dans les pas de ma mĂšre et suis devenu enseignante. « Une bĂątisseuse de nation ».

Monsieur le PrĂ©sident, vous devez recevoir des milliers de lettres narrant les malheurs des chĂŽmeurs et il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire Ă  l’échelle individuelle. J’ai perdu mon emploi parce que les fonds de relance attribuĂ©s aux Ă©coles sont Ă©puisĂ©s.

J’aimerais que vous me disiez ce que je dois faire maintenant pour subvenir aux besoins de ma famille alors que le marchĂ© de l’emploi dans l’éducation est inondĂ© de milliers d’enseignants licenciĂ©s Ă  cause des coupes budgĂ©taires et que j’ai  consacrĂ© les onze derniĂšres annĂ©es de ma vie Ă  bĂątir la nation et Ă  Ă©duquer les enfants de l’AmĂ©rique » (p 167). Elle fut trĂšs surprise de recevoir une rĂ©ponse personnelle du prĂ©sident : « Merci de votre dĂ©vouement Ă  l’éducation. Je sais que la situation actuelle peut paraĂźtre dĂ©courageante, mais la demande pour des enseignantes et des personnes avec vos compĂ©tences grandira au fur et Ă  mesure que la conjoncture et le financement des Ă©tats rebondiront. En attendant, je suis de tout cƓur avec vous » (p 170).

Cette phrase : « je suis de tout cƓur avec vous » alla droit au coeur de Marnie. La lettre du prĂ©sident lui redonna courage et l’accompagna dans les Ă©pisodes qui ont suivi jusqu’à la prĂ©senter dans un jeu tĂ©lĂ©visĂ©. Treize mois aprĂšs avoir Ă©tĂ© congĂ©diĂ©e, elle reçut la demande d’un district scolaire dans lequel elle avait dĂ©jĂ  travaillĂ©. « RevigorĂ©e, rĂ©inventĂ©e, quand elle revint dans la salle de classe, elle montra Ă  ses Ă©lĂšves le mot du prĂ©sident Obama. C’était une occasion de leur apprendre quelque chose. Elle dit aux enfants : « Je suis de tout coeur avec vous ». Et elle l’a rĂ©pĂ©tĂ© Ă  tout le monde autour d’elle. Finalement, elle devint directrice du district qui l’avait autrefois mise Ă  pied.

Marjorie McKinney

MariĂ© Ă  un gĂ©ologue de l’UniversitĂ© de Caroline du Nord, Marjorie avait aidĂ© son mari pendant toute sa carriĂšre. Cette association avait toujours reposĂ© sur un consentement mutuel.

« Ce jour, elle s’était rendu Ă  Albany pour collecter des images de fossile Ă  la demande de Ken ». Pour regagner sa voiture, elle commença Ă  s’engager dans une immense place devant le musĂ©e. « Il y avait une personne au loin qui se dirigea vers elle. Il avait l’air jeune. Il Ă©tait noir. Il portait un sweat Ă  capuche . D’un geste brusque, il rabattit la capuche masquant son visage ». Marjorie eut trĂšs peur avec une immense envie de fuir » . En arrivant en mĂȘme temps Ă  la cage d’escalier, il la regarda. « DĂ©sagrĂ©able le vent, hein ! » dit-il, avant d’ajouter qu’il y avait un passage souterrain pour piĂ©tons qui reliait le musĂ©e au parking au cas oĂč elle ne le saurait pas. La prochaine fois qu’il ferait froid, elle gagnerait peut-ĂȘtre Ă  le prendre, suggĂ©ra-t-il. C’était  tout. Il Ă©tait parti. Un truc qui pouvait sembler anodin. Un truc banal ». Mais pour Marjorie, cela marqua une rupture dans sa reprĂ©sentation d’elle-mĂȘme. « Pourquoi avais-je eu peur de ce charmant jeune homme ? ». Tout simplement parce qu’il Ă©tait noir . Je n’avais aucune raison d’avoir peur de lui. J’étais atterrĂ©e. Ce n’était pas quelque chose que j’aurais cru ressentir un jour. Ce fut un tournant dans ma vie parce que je me suis rendu compte que j’étais raciste. Et il fallait que je trouve le moyen de m’en dĂ©barrasser » (p 209).

Une bonne partie du problĂšme pour Marjorie, c’est qu’elle pensait s’en ĂȘtre dĂ©barrassĂ©e (p 210). Et elle avait dĂ©jĂ  parcouru un chemin en ce sens. En effet, elle avait vĂ©cu son enfance dans le sud profond, Birmingham Ă  une Ă©poque oĂč le monde Ă©tait divisĂ© en deux : blanc ou noir. Cela paraissait naturel. Elle prit conscience de l’injustice en rencontrant Ă  l’universitĂ© un ami, un Ă©tudiant allemand beaucoup plus ĂągĂ© qu’elle. Elle venait d’une ville oĂč rĂ©gnait une sĂ©grĂ©gation trĂšs dure. Son ami allemand lui expliqua le racisme, l’intolĂ©rance, la haine, lui parla de son pays, de sa vie, des jeunesses hitlĂ©riennes
 « Elle le remercia pour tout ce qu’il lui avait expliquĂ© Ă  la cantine ce jour-lĂ  et pour avoir donnĂ© une nouvelle orientation Ă  sa vie. « Tu en avais besoin » lui dit-il » (p 218). DĂšs lors, « Marjorie s’engagea dans le mouvement des droits civiques. Toute sa vie, elle chercha Ă  voir au delĂ  de la race. Et, parmi ses enfants adoptĂ©s, deux d’entre eux Ă©taient mĂ©tis (p 212). « Imaginez un peu. Avec tout ce bagage, tout ce chemin parcouru avec Ken et les enfants. Et puis, elle est Ă  Albany. Il fait froid. Et elle a dĂ©couvert ce puits de laideur installĂ© en en elle, tel un vers qui s’éveille Ă  la vie ». Ă  la suite d’un fait divers mettant en Ă©vidence la persistance des sentiments racistes et d’un discours trĂšs digne d’Obama Ă  ce sujet. Elle dĂ©cida de lui Ă©crire. Elle lui raconta son parcours et l’incident qu’elle avait vĂ©cu.

Monsieur le PrĂ©sident. J’espĂšre que d’autres personnes qui auront entendu vos paroles auront davantage conscience de la peur qui se tapit chez beaucoup d’entre nous. Elle est irrationnelle, mais elle est lĂ . J’espĂšre que j’aurais oubliĂ© cette course Ă  Albany et le jeune homme rencontrĂ© par cette froide journĂ©e. Vos franches paroles de la semaine derniĂšre comptent beaucoup pour moi. Merci » (p 215).

La rĂ©ponse d’Obama vint en ces termes : « Merci pour cette lettre murement rĂ©flĂ©chie. Votre histoire illustre ce qui me rend optimiste pour le pays ».

 

Yolanda

Aider les gens en dĂ©tresse Ă  revenir dans une vie vivable et sociable, tel peut ĂȘtre un objectif bienfaisant de l’action politique. Et il peut en rĂ©sulter une expression de gratitude. Yolanda fait partie de ceux qui ont luttĂ© pour vivre et savent reconnaĂźtre l’aide qu’ils ont reçue .

Yolanda « avait dĂ©jĂ  Ă©crit il y a quelques annĂ©es pour parler au prĂ©sident de sa situation d’ancienne combattante handicapĂ©e du fait qu’elle vivait dans sa voiture et qu’elle faisait constamment des cauchemars liĂ©s aux traumatismes sexuels subis pendant qu’elle Ă©tait dans la marine. « Monsieur le prĂ©sident, vous et votre cabinet avez fait une dĂ©claration nationale pour que les Ă©tats travaillent Ă  mettre fin au problĂšme des sans-abris. Je vous avais fait part de ma priĂšre silencieuse de vouloir devenir un membre productif de notre sociĂ©tĂ©, d’ĂȘtre capable de vivre, d’y payer un loyer, bref d’y prendre part » (p 236). Or ce dĂ©sir a Ă©tĂ© exaucĂ©. « C’est avec des larmes de reconnaissance que je peux vous dire que j’ai signĂ© aujourd’hui un bail au Veteran’s village pour deux piĂšces
.Aujourd’hui j’ai pleurĂ© des larmes de joie. J’étais si fiĂšre de pouvoir leur donner le mandat postal pour le loyer
 Tout ça, c’est grĂące Ă  vous et Ă  votre administration. Je ne suis pas un numĂ©ro. Je ne suis pas une saletĂ© sur laquelle des gens crachent. Je ne suis pas oubliĂ©e
. J’ai maintenant un endroit oĂč vivre, un chez moi. Je vais me montrer Ă  la hauteur de ce don gracieux qui m’a Ă©tĂ© fait. Merci ! » (p 236). Une expression de dignitĂ© dans la gratitude et la confiance.

« Barack Obama et les citoyens américains en toutes lettres » (1), ce livre de Jeanne Marie Laskas, nous permet de partager à travers la publication de cette vaste correspondance, des centaines de lettres, une expression constructive et encourageante.

Si Obama rencontre des oppositions, il est en gĂ©nĂ©ral respectĂ©. Ces lettres manifestent un grand respect . Ainsi s’établit une confiance rĂ©ciproque . Courage, dignitĂ© et confiance se manifestent dans ces rĂ©cits de vie. Cette lecture n’est pas seulement agrĂ©able. Elle communique la bienveillance qui s’y exprime.

J H

 

 

 

Un Esprit sans frontiĂšres

 ReconnaĂźtre la prĂ©sence et l’Ɠuvre de l’Esprit

Si on reconnaĂźt de plus en plus l’interconnexion qui caractĂ©rise notre univers et Ă  laquelle nous participons, il y a dans cette prise de conscience un potentiel d’ouverture par rapport Ă  la perception d’une force transcendante, Ă  l’écoute d’une voix d’amour. C’est pourquoi, dans la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui, la prĂ©sence de l’Esprit peut davantage ĂȘtre reconnue.

En christianisme, en terme d’Esprit saint, l’Esprit est reconnu  comme un acteur personnel de la communion divine et comme catalyseur et inspiration de l’Eglise. Mais si ces termes sont approximatifs avec l’intention de parler Ă  tous, n’est-ce pas dire ainsi combien nous avons besoin de mieux connaĂźtre et reconnaĂźtre l’Esprit divin. Nous trouvons cet Ă©clairage dans un livre que JĂŒrgen Moltmann, le thĂ©ologien de l’espĂ©rance, a consacrĂ© Ă  l’Esprit saint sous un titre significatif : « L’Esprit qui donne la vie » (1).

Ce livre est pour nous une source d’inspiration qui Ă©claire notre existence. Comme l’Ɠuvre de JĂŒrgen Moltmann dans son ensemble, cet ouvrage ouvre des horizons multiples. Dans ce texte et selon Moltmann, nous nous interrogeons sur les barriĂšres qui ont fait obstacle Ă  la reconnaissance de la place et de l’Ɠuvre de l’Esprit. DĂ©couvrons ces barriĂšres pour les dĂ©passer et entrer dans un processus bienfaisant. « L’auteur cherche Ă  Ă©laborer une thĂ©ologie de l’Esprit susceptible de dĂ©passer la fausse alternative, souvent rĂ©itĂ©rĂ©e dans les Eglises entre la RĂ©vĂ©lation divine qu’elles ont pour mission de sauvegarder et les expĂ©riences humaines de l’Esprit. Il entend ainsi mettre en valeur les dimensions cosmiques et culturelles de l’Esprit « crĂ©ateur et recrĂ©ateur » qui transgresse toutes les frontiĂšres Ă©tablies » (page de couverture).

 

Par delĂ  les barriĂšres

L’Esprit de Dieu est Ă  l’Ɠuvre dans l’expĂ©rience humaine par delĂ  les exclusivismes institutionnels. Il n’est pas seulement l’Esprit de la rĂ©demption, mais aussi l’Esprit de la crĂ©ation. Il se dĂ©ploie malgrĂ© les limites Ă©rigĂ©es par des institutions inquiĂštes. L’histoire rĂ©cente nous montre cette tension. « Il ne peut ĂȘtre question d’un « oubli » de l’Esprit aux Temps modernes ; au contraire, le rationalisme et le piĂ©tisme des LumiĂšres furent tout aussi enthousiastes que le christianisme pentecĂŽtiste aujourd’hui. Ce furent les craintes des Eglises Ă©tablies Ă  l’égard de « l’esprit de liberté » religieux aussi bien qu’irrĂ©ligieux, du monde moderne qui conduisirent Ă  une rĂ©serve de plus en plus grande en matiĂšre de doctrine de l’Esprit saint
Seul fut dĂ©clarĂ© « saint » cet Esprit qui est liĂ© Ă  la mĂ©diation ecclĂ©siale et institutionnelle  » (p 17). Encore aujourd’hui, dans certains cercles, on peut observer cet exclusivisme. « Dans la thĂ©ologie et la piĂ©tĂ© protestante, comme dans la thĂ©ologie et la piĂ©tĂ© catholique, il existe une tendance qui consiste Ă  concevoir l’Esprit Saint uniquement comme l’Esprit de la rĂ©demption  dont le lieu est l’Eglise et qui donne aux hommes la certitude de la bĂ©atitude Ă©ternelle de leur Ăąme. Cet Esprit sauveur est mis Ă  l’écart de la vie corporelle comme de la vie naturelle » (p 25).

 

Esprit de rédemption. Esprit de création

L’Esprit Saint n’est pas seulement rĂ©dempteur, mais aussi crĂ©ateur. « Si l’Esprit Saint Ă©tait seulement l’Esprit de l’Eglise et de la foi, cela restreindrait « la communion de l’Esprit Saint » et aurait pour consĂ©quence que, dans son expĂ©rience de l’Esprit, l’Eglise deviendrait incapable de communiquer avec le monde ».

Pourquoi cette conception rĂ©duite de l’Ɠuvre de l’Esprit ? Elle tient Ă©galement Ă  une focalisation sur les expĂ©riences intĂ©rieures de l’ñme dans une attitude marquĂ©e par l’influence de la philosophie platonicienne. C’est la perspective, non pas chrĂ©tienne, mais gnostique d’une Ăąme, Ă  la mort, « libĂ©rĂ©e de cette vallĂ©e de larmes et de cette enveloppe corporelle caduque, et introduite dans le ciel des bienheureux ». En regard, l’Eglise ancienne a adoptĂ© la rĂ©surrection de la chair. « Or, si la rĂ©demption est la rĂ©surrection de la chair  et la crĂ©ation nouvelle de toutes choses, alors l’Esprit du Christ qui sauve ne peut ĂȘtre un autre esprit que l’Esprit crĂ©ateur qu’est la « Ruah Yahweh » selon une expression hĂ©braĂŻque »  Il y a une unitĂ© entre l’agir de Dieu dans la crĂ©ation, la rĂ©demption et la sanctification de toutes choses
L’Esprit rĂ©dempteur est aussi l’Esprit de la rĂ©surrection et de la crĂ©ation nouvelle de toutes choses  ».

Ainsi, « l’expĂ©rience de la rĂ©surrection et la relation Ă  la puissance divine ne conduisent pas Ă  une spiritualitĂ© qui exclut les sens, qui est tournĂ©e vers l’intĂ©rieur, hostile au corps et sĂ©parĂ©e du monde, mais Ă  une vitalitĂ© nouvelle de l’amour de la vie » (p 27).

 

Transcendance et immanence

Les reprĂ©sentations de Dieu ont naturellement une grande influence. Certaines reprĂ©sentations peuvent avoir une influence  trĂšs nĂ©gative. Et on peut s’interroger en se souvenant de la personne de JĂ©sus : «On reconnaĂźt l’arbre Ă  ses fruits ». Ainsi, si on croit en un Dieu si transcendant qu’il en devient inaccessible, on ne peut percevoir l’Esprit de Dieu dans l’expĂ©rience humaine. Dans un contexte de dĂ©bat thĂ©ologique, pour le thĂ©ologien Karl Barth, « II n’y avait pas de continuité  entre la crĂ©ature et le crĂ©ateur, pas mĂȘme dans le souvenir qu’a l’ñme humaine de son origine, comme le disait Augustin » (p 22). La rĂ©vĂ©lation vient d’en haut et s’impose Ă  l’homme. JĂŒrgen Moltmann s’interroge sur cette discontinuitĂ© entre l’Esprit de Dieu et l’esprit de l’homme. « Je ne parviens pas Ă  percevoir d’alternative de principe entre la rĂ©vĂ©lation de Dieu Ă  des hommes et l’expĂ©rience de Dieu faite par des hommes. Comment un homme pourrait-il parler d’un Dieu si Dieu ne se rĂ©vĂšle pas ? Comment un homme pourrait-il parler d’un Dieu dont il n’existe aucune expĂ©rience humaine ? » (p 22). Et il nous invite Ă  percevoir la prĂ©sence de Dieu en terme d’immanence et de transcendance. « C’est voir l’immanence de Dieu dans l’expĂ©rience humaine et la transcendance de l’homme en Dieu. Parce que l’Esprit de Dieu est en l’homme, l’esprit de l’homme dans son autotranscendance est orientĂ© vers Dieu. Celui qui schĂ©matise rĂ©vĂ©lation et expĂ©rience en en faisant une alternative aboutit Ă  des rĂ©vĂ©lations qui ne peuvent faire l’objet d’une expĂ©rience et Ă  des expĂ©riences dĂ©pourvues de rĂ©vĂ©lation » (p 24).

 

Pour une thĂ©ologie de l’expĂ©rience

L’affirmation constante du lien de l’Esprit Ă  l’institution ecclĂ©siale « a conduit Ă  l’appauvrissement des communautĂ©s, Ă  la dĂ©sertion des Eglise et Ă  l’émigration de l’Esprit vers les groupes spontanĂ©s et vers les expĂ©riences personnelles 
Les hommes ne font pas l’expĂ©rience de l’Esprit de façon extĂ©rieure  seulement dans leur communautĂ© ecclĂ©siale, mais de façon intĂ©rieure dans l’expĂ©rience qu’ils font d’eux-mĂȘmes Ă  savoir dans le fait que « l’amour de Dieu a Ă©tĂ© rĂ©pandu dans nos cƓurs par l’Esprit saint
 (Romains 5.5). Cette expĂ©rience personnelle de l’Esprit, beaucoup de personnes l’expriment par de simples mots : « Dieu m’aime ». Ainsi JĂŒrgen Moltmann est amenĂ© Ă  dĂ©velopper une thĂ©ologie de l’expĂ©rience (p 37).

« Il n’y a pas de paroles de Dieu sans expĂ©riences humaines de l’Esprit. C’est pourquoi les paroles de la Bible et les paroles de la prĂ©dication de l’Eglise doivent ĂȘtre rĂ©fĂ©rĂ©s Ă©galement aux expĂ©riences des hommes d’aujourd’hui pour que ceux-ci ne soient pas seulement des auditeurs de la Parole (K Rahner), mais deviennent eux-mĂȘmes des locuteurs de la Parole
 Mais cela n’est possible que si l’on voit la Parole et l’Esprit dans leur rapport mutuel et non pas comme une voie Ă  sens unique » (p 18).

 

Une dimension cosmique

« Les recherches nouvelles conduisant Ă  une « thĂ©ologie Ă©cologique », Ă  une « christologie cosmique », et Ă  la redĂ©couverte du corps ont pour point de dĂ©part la comprĂ©hension hĂ©braĂŻque de l’Esprit de Dieu
. L’expĂ©rience de Dieu qui donne vie et qui est faite dans la foi du cƓur et dans la communion  de l’amour conduit d’elle-mĂȘme au delĂ  des frontiĂšres de l’Eglise vers la redĂ©couverte de ce mĂȘme Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les Ă©cosystĂšmes de la terre ».  Ainsi notre vision s’élargit jusqu‘à une dimension cosmique. «L’expĂ©rience de la communautĂ© de l’Esprit conduit nĂ©cessairement la chrĂ©tientĂ© par delĂ  d’elle-mĂȘme, vers la communautĂ© plus grande de toutes les crĂ©atures de Dieu. La communion de la crĂ©ation, dans laquelle toutes les crĂ©ations existent les unes avec les autres, les unes pour les autres,  les unes par les autre set les unes dans les autres,  est la communion de l’Esprit saint » » (2). C’est une interpellation pour les Eglises. « Face Ă  la menace d’une « fin de la nature », les Eglise dĂ©couvriront la signification cosmique du Christ et de l’Esprit ou bien  se feront complices de la destruction  de la crĂ©ation terrestre de Dieu. » . C’est un nouveau regard. « La dĂ©couverte de l’ampleur cosmique de l’Esprit conduit au respect de la dignitĂ© de toutes les crĂ©atures dans lesquelles Dieu est prĂ©sent par son Esprit » (p 28).

 

La personnalitĂ© de l’Esprit

Bien entendu, nous nous posons la question : comment l’Esprit saint s’inscrit-il dans la rĂ©alitĂ© divine ? C’est une question qui a suscitĂ© de grands dĂ©bats thĂ©ologiques. Elle ne peut ĂȘtre exprimĂ©e ici en quelques lignes d’autant que nous sommes dĂ©pourvus d’expertise thĂ©ologique. On se reportera donc au chapitre de JĂŒrgen Moltmann consacrĂ© Ă  l’expĂ©rience trinitaire de l’Esprit  (p 90-113).

Dans son livre le plus rĂ©cent : « The living God and the fullness of life » (3), Moltmann dĂ©crit ainsi cette expĂ©rience trinitaire de Dieu : « La foi chrĂ©tienne est une vie en communion avec Christ. JĂ©sus, le fils de Dieu, appelle Dieu : Abba, cher pĂšre ». D’autre part, en communion avec Christ, nous ressentons un encouragement Ă  vivre, une puissance de guĂ©rison. Nous savons que nous sommes consolĂ©s et nous sommes en phase avec le grand oui de Dieu Ă  la vie. Nous recevons ainsi les Ă©nergies de l’Esprit de Dieu. L’Esprit qui donne la vie « entre Ă  flots dans nos cƓurs » (Rom 5.5)
 (p 61). Nous faisons ainsi l’expĂ©rience de ces trois dimensions dans la communion avec Christ. Nous vivons avec JĂ©sus, le Fils de Dieu et avec Dieu, le PĂšre de JĂ©sus-Christ et avec Dieu, l’Esprit de vie. Ainsi, nous ne croyons pas seulement en Dieu, nous vivons en Dieu, c’est Ă  dire dans l’histoire trinitaire de Dieu avec nous » ( p 62).

Mais oĂč voyons-nous l’unitĂ© de Dieu ? « Elle Ă©merge de la relation interne entre Dieu le Fils, Dieu le PĂšre et l’Esprit de Dieu ». En chaque personne divine, nous voyons la prĂ©sence des autres. Elles sont ainsi tellement interreliĂ©es qu’elles ne peuvent ĂȘtre sĂ©parĂ©es.  Cette vĂ©ritĂ© est exprimĂ©e par JĂ©sus lorsqu’il dit : « Le PĂšre et moi, nous sommes un » (Jean 16-30). Ce n’est pas seulement une unitĂ© de vouloir, c’est aussi une interrelation : « Afin qu’ils puissent ĂȘtre un. Comme toi, PĂšre, est en moi, et moi en  toi » (Jean 17-20). C’est une inhabitation rĂ©ciproque, un don mutuel. « L’idĂ©e israĂ©lite de la « Shekinah » et le concept patristique de la « perichoresis » sont des reprĂ©sentations de ces inhabitations rĂ©ciproques ». Cette communion s’étend Ă  nous. « L’amour est la vraie force qui dĂ©passe les frontiĂšres. Celui qui vit dans l’Esprit de Dieu vit en Dieu et Dieu en lui ou elle » (p 63). Au total, si on perçoit l’Esprit saint Ă  travers ce qu’il opĂšre, sa personnalitĂ© ne se comprend qu’à partir de ses relations au PĂšre et au Fils. « Car l’ĂȘtre-personne est toujours ĂȘtre-en-relation. Les relations qui constituent l’ĂȘtre-personne de l’Esprit doivent ĂȘtre cherchĂ©es dans la Trinité » (L’Esprit qui donne la vie p 30).

 

Vers un monde nouveau

Les prophĂštes d’IsraĂ«l, EzĂ©chiel et JĂ©rĂ©mie, mettent en Ă©vidence l’action transformatrice de l’Esprit. Ainsi JĂ©rĂ©mie Ă©crit : « Des jours viennent oĂč je conclurai avec la communautĂ© d’IsraĂ«l et la communautĂ© de Juda, une nouvelle alliance
 Je dĂ©poserai la loi au fond d’eux-mĂȘmes l’inscrivant dans leur ĂȘtre. Je deviendrai Dieu pour eux et eux, ils deviendront mon peuple. Ils ne s’instruiront plus entre eux, rĂ©pĂ©tant : « Apprenez Ă  connaĂźtre le Seigneur », car ils me connaitront tous, petits et grands » (JĂ©rĂ©mie 31.31-33). « Ici la connaissance mĂ©diatisĂ©e cĂšde la place Ă  la connaissance immĂ©diate, et le vouloir de Dieu mĂ©diatisĂ© cĂšde la place au vouloir qui va de soi. Cela suppose un avenir dans lequel Dieu lui-mĂȘme est manifestĂ© de façon immĂ©diate et universelle et dans lequel l’Esprit de Dieu pĂ©nĂštre Ă©galement les profondeurs du cƓur de l’homme et leur donne vie » (p 87-88). Cette vision se rĂ©alise dans l’expĂ©rience de la PentecĂŽte (4). « Les dons de l’Esprit sont rĂ©pandus sur le peuple entier si bien que sont abolis les privilĂšges traditionnels des hommes par rapport aux femmes, des maitres par rapport aux serviteurs et des adultes par rapport aux enfants »  « Quand Dieu deviendra dĂ©finitivement prĂ©sent par l’Esprit, le peuple tout entier deviendra un peuple prophĂ©tique ». Et, comme il est aussi Ă©crit, « Je rĂ©pandrai mon Esprit sur toute chair », cette expression « toute chair » va au delĂ  du genre humain et induit tout ce qui est vivant 
L’effusion de l’Esprit de Dieu conduit par consĂ©quent Ă  la nouvelle naissance de toute vie et de la communautĂ© de tout ce qui est vivant sur la terre » (p 88) .

C’est ainsi que JĂŒrgen Moltmann peut nous ouvrir un horizon qui nous transporte dans un espace oĂč les barriĂšres s’effacent et ou une communion universelle apparaĂźt.

« L’expĂ©rience de Dieu qui est attendue de la venue de l’Esprit est

1 Universelle. Elle n’est pas particuliĂšre, mais se rapporte Ă  toute chair selon les dimensions de la crĂ©ation.

2 Totale. Elle n’est plus partielle, mais opùre dans le cƓur de l’homme, dans les profondeurs de l’existence humaine

3 Permanente. Elle n’est plus historique et passagĂšre,  mais Ă©voquĂ©e comme le « repos » et « l’habitation » de Dieu

4 ImmĂ©diate. Elle n’est plus mĂ©diatisĂ©e par la rĂ©vĂ©lation et la tradition, mais fondĂ©e sur la rĂ©vĂ©lation de Dieu et sa gloire » ( p 88).

Au terme de ce parcours, nous pouvons demander comment il sera reçu non  seulement par les lecteurs croyants, mais aussi par les lecteurs en attente. En effet, chez certains de nos contemporains, nous pouvons observer un  dĂ©sir de communion et d’unitĂ©, une recherche de transformation intĂ©rieure dans l’amour allant de pair avec une reconnaissance du vivant dans la nature.

Dans ce texte, nous voyons comment la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann dĂ©passe un hĂ©ritage de divisions pour relier des rĂ©alitĂ©s jusque lĂ  sĂ©parĂ©es, dans une perspective d’unification Ă  la lumiĂšre d’un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. L’Esprit saint est un Esprit qui donne la vie. Il Ă©chappe Ă  tout exclusivisme clĂ©rical. En tant qu’Esprit de crĂ©ation, il est Ă  l’Ɠuvre dans tous les ĂȘtres vivants,  dans tous les humains. Dieu n’est pas lointain et inaccessible. L’Esprit de Dieu se manifeste dans l’expĂ©rience humaine. Il ne nous dĂ©tourne pas de notre vie humaine, mais il nous encourage Ă  vivre pleinement. Dans la relation avec le Christ, il nous invite Ă  entrer dans une vie nouvelle et dans la dimension de la rĂ©surrection. C’est une spiritualitĂ© qui induit les sens et conduit Ă  la vitalitĂ© nouvelle de l’amour de la vie. A une Ă©poque oĂč l’on prend conscience de la menace qui pĂšse sur la nature. JĂŒrgen Moltmann pointe sur la prĂ©sence de l’Esprit dans les animaux, les plantes, les Ă©cosystĂšmes de la terre. C’est une invitation Ă  vivre en harmonie avec les ĂȘtres vivants et Ă  respecter leur dignitĂ©. La vision de l’Esprit saint, telle que nous la propose JĂŒrgen Moltmann, est celle d’un Esprit qui communique la vie. C’est une vision qui rĂ©pond Ă  nos profondes aspirations. C’est une vision qui porte une dynamique en Ă©cho Ă  ce chant prĂ©sent dans notre mĂ©moire : « Dans le monde entier, le Saint Esprit agit
 Au fond de mon cƓur, le Saint Esprit agit  » (5)

Jean Hassenforder

 

(1)            JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie Une pneumatologie intĂ©grale. Cerf, 1999

(2)            « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

(3)            JĂŒrgen Moltmann. The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016.  PrĂ©sentation : https://vivreetesperer.com/?p=2697

(4)            « La PentecÎte : une communauté qui fait tomber les barriÚres » : https://vivreetesperer.com/?p=2390

(5)            « Dans le monde entier, le Saint Esprit agit  » https://www.conducteurdelouange.com/chants/consulter/70

 

Voir aussi ce tĂ©moignage d’Odile Hassenforder, paru dans « Sa prĂ©sence dans ma vie » : « Dieu, puissance de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1405

 

BlaBlaCar. Un nouveau mode de vie

Le covoiturage : un lieu de rencontre et de solidarité, une respiration

 David habite Dreux. Il est souvent appelé à se déplacer. David nous raconte ici comment il a découvert et expérimenté BlaBlaCar.

« Une amie m’en avait parlĂ© et proposĂ© de limiter ainsi les frais de voyage des grandes vacances. Je n’ai pas acceptĂ© croyant ainsi prĂ©servĂ© ma libertĂ©. C’est, il y a quelques mois, que j’ai expĂ©rimentĂ© BlablaCar, car, pour de bon, Ă©tant privĂ© de voiture.

BlaBlaCar, c’est un site internet (1) qui propose des petits et longs trajets dans toute la France et mĂȘme au delĂ . Il prĂ©sente de petites annonces avec le nom, l’ñge, des Ă©lĂ©ments biographiques des conducteurs comme des passagers. Il suffit de s’inscrire Ă  une annonce proposant un trajet et comme conducteur, il suffit de proposer un trajet et d’attendre que des passagers s’inscrivent. Le trajet coĂ»te au passager et rapporte au conducteur environ la moitiĂ© du coĂ»t rĂ©el pour une personne, ce qui fait moins d’un quart des prix des billets de train.

Le site modĂšre lui mĂȘme les prix en indiquant si les prix sont verts, oranges ou rouges, c’est-Ă -dire s’ils sont bon marchĂ©, moyens ou un peu chers. Lorsqu’on est passager, on paie par carte bleue auprĂšs du site qui reverse la somme au conducteur en y ajoutant une commission.

 BlaBlaCar existe dĂ©jĂ  depuis quelques annĂ©es et, il y a quelque temps, le service de mise en relation et de gestion des trajets se faisait sans facturer des commissions. A cet Ăąge d’or de BlaBlaCar selon les anciens utilisateurs de BlablaCar, appelĂ©s « ambassadeurs » ou « experts », il n’y avait pas au dĂ©part de frais de commission, et l’argent se donnait de la main Ă  la main au dĂ©but ou Ă  la fin du trajet. Pour ceux qui dĂ©butent ou les habituĂ©s plus rĂ©cents, la commission fait partie du systĂšme. Depuis quelques annĂ©es, l’entreprise française BlaBlaCar a maintenant 60 salariĂ©s et a professionnalisĂ© et sĂ©curisĂ© le systĂšme Ă  la fois au niveau de la sĂ©curitĂ© des membres du rĂ©seau en obligeant Ă  l’identification complĂšte, aussi en mettant en place une Ă©valuation des conducteurs et des passagers les uns par les autres, en amĂ©liorant le systĂšme de rĂ©servation qui est opĂ©rationnel Ă  100%. Ce service est une partie de la commission facturĂ©e. L’autre partie de la commission, et c’est lĂ  un dĂ©bat de sociĂ©tĂ©, sert Ă  provisionner la TVA. C’est lĂ  oĂč les chauffeurs de taxi, les voitures avec chauffeurs et la SNCF sont concernĂ©s et « indignĂ©s » parce que le trajet en BlaBlaCar, c’est un constat, sont de 2 Ă  6 fois moins chers, mais ne sont pas soumis Ă  la mĂȘme TVA. Il y a actuellement un vide juridique en France sur ce point de fiscalitĂ©. Donc, en attendant que l’état adopte une position fiscale par rapport Ă  ce nouveau type d’entreprise, BlablaCar provisionne par cette commission un Ă©ventuel coup de frein qu’obtiendrait la SNCF par exemple contre ce nouveau concurrent qui lui prend un nombre de passagers suffisamment important pour qu’elle rĂ©agisse auprĂšs de l’état d’une part, et que, d’autre part, elle crĂ©e sur son propre site de rĂ©servation et de billet un service de covoiturage. C’est dire si la tendance est d’actualité ».

Peut-on aller au travail en Blablacar ? « Personnellement j’y suis allĂ© plusieurs fois avec des conducteurs qui allaient au travail eux aussi. Cela m’a permis de rencontrer un employĂ© de la SNCF, une contrĂŽleuse de la RATP, un restaurateur, un expert comptable, un informaticien du ministĂšre de la dĂ©fense qui se rendait Ă  Balard, un professeur de mĂ©canique, un chef d’entreprise, des Ă©tudiants en Ă©conomie, en Ă©cole vĂ©tĂ©rinaire. J’ai aussi rencontrĂ© des personnalitĂ© surprenantes comme cette retraitĂ©e de 80 ans repartant d’un colloque Ă  Paris pour la Bretagne et conduisant d’une façon  hĂ©sitante dans l’agglomĂ©ration et, bien sĂ»r, avec une vieille voiture. Elle m’a parlĂ© longuement de son colloque sur « le dĂ©veloppement personnel et les neurosciences ». J’ajoute que j’ai Ă©tĂ© aussi covoiturĂ© par un quinquagĂ©naire d’éducation protestante libĂ©rale qui m’a entretenu des bienfaits du chamanisme et des rites tantriques pendant une heure et demie.

Habitant Dreux, je constate que la liaison Bretagne, Normandie, Ile de France est particuliĂšrement peuplĂ©e et animĂ©e. Plusieurs trajets par jour sont proposĂ©s. J’ai pu constater aussi cet Ă©tĂ© en allant en vacances dans le sud en BlaBlaCar qu’il Ă©tait extrĂȘmement facile et Ă©conomique de dĂ©cider en trois heures de monter dans une voiture pour Nice, Montpellier, NĂźmes, Perpignan. J’ai mĂȘme hĂ©sitĂ© Ă  aller en Espagne.

Ce qui m’a le plus frappĂ©, c’est que la plupart de temps passĂ© dans ce covoiturage est l’occasion d’une vraie rencontre interpersonnelle, ce qui n’est pas rien, dans notre sociĂ©tĂ© et n’arrive pas dans les transports en commun. Quelques utilisateurs, dont moi parfois, sont dans le pragmatisme, mais la plupart du temps, et c’est indiquĂ© dans l’annonce, des covoitureurs sont prĂȘts Ă  faire un dĂ©tour de 15 Ă  30 minutes pour raccompagner le passager Ă  son domicile ou Ă  son lieu de travail, sont prĂȘts Ă  Ă©couter de la musique ou pas, Ă  parler un peu, beaucoup ou pas, et de fumer ou pas dans la voiture, tout cela Ă©tant prĂ©cisĂ© par de petites icĂŽnes appropriĂ©es sur le site. Il m’est arrivĂ© cet Ă©tĂ© sur la route de retour des vacances, revenant du pont de Millau,  de faire route avec un couple qui circulait en deux voitures ; J’ai circulĂ© avec le monsieur (kinĂ©). Nous nous sommes arrĂȘtĂ©s au restaurant avec sa compagne. Surpris que son compagnon discute autant avec son passager BlaBlaCar, elle m’a demandĂ© si je voulais bien poursuivre le trajet dans sa voiture pour discuter avec elle aprĂšs avoir discutĂ© avec lui.  Et c’est comme cela qu’un couple donne du travail d’accompagnement pastoral et un magnifique retour de vacances Ă  un pasteur heureux de reprendre son rĂŽle d’encouragement en retournant Ă  sa paroisse. Comme souvent on se demande les uns les autres « ce qu’on fait dans la vie » et que l’on en vient Ă  parler de « ce que l’on fait dans la vie », lorsque je dis que je suis pasteur, il y a, en gĂ©nĂ©ral , soit un mouvement d’évitement, soit un regain d’intĂ©rĂȘt. Si c’est l’évitement, je reparle d’autre chose. Si c’est l’intĂ©rĂȘt, la conversation s’engage. Le plus frĂ©quent est un mĂ©lange des deux attitudes. C’est le mĂȘme phĂ©nomĂšne que lorsqu’on dit tout de go qu’on est chrĂ©tien. Ce que je trouve intĂ©ressant de mon cĂŽtĂ©, c’est de voir quelquefois les gens s’ouvrir d’eux-mĂȘme d’une maniĂšre familiĂšre et simple sur ce qui est au cƓur de leur vie, et c’est fou la libertĂ© de parole et de questionnement lorsqu’on parle Ă  un inconnu. C’est alors qu’on fait connaissance. Des gens m’ont parlĂ© de Dieu, mais rarement. La grand-mĂšre retraitĂ©e m’a parlĂ© du besoin de libĂ©ration de l’humain. Cependant, il ne m’est pas arrivĂ© jusqu’ici de rencontrer des chrĂ©tiens engagĂ©s. Je trouve Ă©tonnant de n’avoir rencontrĂ© aucun chrĂ©tien, mĂȘme sociologique, aprĂšs une quarantaine de voyages. En tout cas, la rĂ©flexion Ă©thique, la bonne rĂ©flexion morale est une constante sur ce rĂ©seau. Et les dialogues sont trĂšs respectueux.

Ayant le besoin de me dĂ©placer, j’ai fait le constat  que BlaBlaCar est non seulement un moyen de faire des Ă©conomies, mais aussi un lieu de solidaritĂ©. J’ai pris conscience de quelque chose que je voudrais mentionner presque comme une confession ou un aveu. Lorsque mon amie m’avait parlĂ© la toute premiĂšre fois de prendre des passagers dans ma voiture pour partir en vacances et allĂ©ger mes propres frais de route, j’avais dit non. Je n’ai dĂ©couvert BlaBlaCar que 6 mois plus tard en n’ayant plus de voiture. Or, cette dĂ©couverte de BlaBlaCar, le cĂŽtĂ© pratique, l’esprit de serviabilitĂ© du conducteur qui vous dĂ©pose jusqu’à chez vous, l’intĂ©rĂȘt des Ă©changes humains, les contacts pris et les voyages agrĂ©ables Ă  plusieurs m’ont amenĂ© Ă  me dire que globalement ces six derniers mois en Blablacar ont Ă©tĂ© bien plus agrĂ©ables que les six mois prĂ©cĂ©dents tout seul dans ma voiture. J’avais voulu rester « tout seul dans ma voiture » croyant protĂ©ger mon confort, ma libertĂ© et ma vie privĂ©e. Je me demande aujourd’hui tout en disposant Ă  nouveau d’une voiture, si je ne vais pas continuer de pratiquer BlaBlaCar une fois sur deux, sinon plus souvent. Proposer une Ă  trois places Ă  bord ne prend que trois minutes, me rapporterait pour chaque passager de ÂŒ Ă  la Âœ du prix du trajet. Aller de Dreux Ă  Paris  pour un prix entre 5 et 8 euros pour 100 km en Ă©tant dĂ©posĂ© Ă  une bouche de mĂ©tro ou de RER, restera trĂšs pratique.

Si je pousse un peu plus loin ma rĂ©flexion, je me demande si je n’ai pas Ă©tĂ© victime d’un phĂ©nomĂšne qui finalement n’existe pas qu’en AmĂ©rique : le phĂ©nomĂšne du tout voiture. J’avais un peu oubliĂ© la marche Ă  pied, le vĂ©lo et la possibilitĂ© de lire. L’expĂ©rience BlaBlaCar m’a permis un retour Ă  ces fondamentaux pour la bonne santĂ© et de constater qu’ils avaient disparu avec le tout voiture. Je conserverai de cette expĂ©rience ma discipline quotidienne de la marche Ă  pied. Quant Ă  la possibilitĂ© de partager un trajet en covoiturage, c’est une respiration. Des contraintes et un espace de convivialitĂ© sont partagĂ©s. J’ai bien peur que, sous couvert de confort et de libertĂ© avec le tout voiture, on se choisisse en fait une situation d’isolement, de repli de soi dans une relation peut-ĂȘtre fusionnelle, voire idolĂątre avec sa chĂšre voiture. En passant, et ce n’est pas rien, BlaBlaCar, c’est un mode de vie Ă©cologique, plutĂŽt responsable ».

 Contribution de David Gonzalez

(1) BlaBlaCar : http://www.covoiturage.fr/

Sur ce blog, autre contribution de David Gonzalez : « Chagall, Dieu et l’amour » : https://vivreetesperer.com/?p=1260

Sur ce blog, voir aussi :

« Une rĂ©volution de l’ĂȘtre ensemble »  PrĂ©sentation du livre d’Anne-Sophie Novel et StĂ©phane Riot : « Vive la co-rĂ©volution. Pour une sociĂ©tĂ© collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

« Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1534

« Anne-Sophie Novel, militante Ă©cologiste et pionniĂšre de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975

« OuiShare, communautĂ© leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866

 

Une vie qui ne disparait pas !

La mort d’un proche nous atteint au plus profond de nous-mĂȘme. Notre relation avec lui est suspendue. L’expression de son amour Ă  travers sa personne physique nous est ĂŽtĂ©e. Et la manifestation de notre amour pour lui est dĂ©sormais sans rĂ©ponse. Alors se pose Ă  nous une question cruciale : Qu’est-il advenu de cet ĂȘtre cher ? Dans le dĂ©sert du doute engendrĂ© par la mĂ©connaissance d’une conscience supĂ©rieure, beaucoup de gens souffrent de ce qui leur apparaĂźt une chute dans le nĂ©ant. La foi chrĂ©tienne nous apporte une rĂ©ponse. Cependant, on constate des diffĂ©rences importantes dans la formulation de cette rĂ©ponse, parfois des absences et des contradictions. Il y a bien des embĂ»ches comme la peur engendrĂ©e par l’image d’un Dieu redoutable ou la perspective d’une barriĂšre qui s’élĂšverait entre les vivants et les morts. Face Ă  la confusion, il y un grand besoin d’éclairage. Nous prĂ©sentons ici un tĂ©moignage, celui d’une recherche de sens et la rĂ©ponse qui a Ă©tĂ© trouvĂ©e.

 

« Partie ! Elle Ă©tait partie. Il savait qu’elle Ă©tait partie vers la plĂ©nitude de la communion avec un Dieu, communion d’amour.  Le souffle de l’Esprit s’était manifestĂ© dans les tĂ©moignages au cours de la cĂ©lĂ©bration.  Ce dĂ©part Ă©tait donc Ă©clairĂ© par une conviction pacifiante. Dans les derniers mois, il avait menĂ© la lutte avec elle au coude Ă  coude.  En grĂące, sa force et sa joie de vivre l’avait encouragĂ© et Ă©clairé . Ce lien d’amour Ă©tait-il rompu ? Des discours, des propos laissaient entendre qu’il devrait attendre sa propre mort pour renouer avec sa prĂ©sence. Et, jusque lĂ , un grand vide. Alors plusieurs mois de dĂ©chirement s’en suivirent. Au carrefour de plusieurs cultures chrĂ©tiennes, il entendait des propos diffĂ©rents. Les avis Ă©taient partagĂ©s. Certains de ses amis, sous l’emprise de doctrines rigides, Ă©taient embarrassĂ©s. Leurs marques d’affection s’accompagnaient d’un grand silence. Et d’ailleurs, pour rĂ©pondre aux attentes, il est bien utile de s’ĂȘtre dĂ©jĂ  posĂ© de vraies questions. L’expĂ©rience manquait. Dans d’autres cercles, en d’autres influences thĂ©ologiques, la bontĂ© se traduisait en encouragements qui le touchait : « Elle t’accompagne ». Mais lui, en dĂ©sir d’honnĂȘtetĂ©, il voulait ne pas cĂ©der Ă  la facilitĂ© et pouvoir fonder son jugement sur une vraie comprĂ©hension biblique et thĂ©ologique. C’est alors que la lecture du livre de JĂŒrgen Moltmann : « In the end.. the beginning »(1) intervint providentiellement. Elle lui donnait la rĂ©ponse. La prĂ©sence demeurait sur un certain registre. Non pas une fixation fusionnelle, une communication prĂ©cise, et non plus une priĂšre Ă  elle directement adressĂ©e. Non, tout simplement une seconde prĂ©sence dans la communion en Christ. Pouvoir adorer et louer  Dieu en communion avec elle..et beaucoup d’autres. Et puis, il retrouva un texte d’elle oĂč s’adressant au mari d’une amie dĂ©cĂ©dĂ©e, elle parlait de celle-ci en terme de transfiguration dans la communion des saints. Dans les derniĂšres annĂ©es, elle avait croisĂ© la pensĂ©e de Moltmann et, dans ses Ă©crits personnels, il y avait bien des affinitĂ©s avec cette pensĂ©e : une anticipation de la vie, une force et une joie de vivre
 Peu Ă  peu, il remontait la pente. L’affection reçue comptait. Et cependant, en dehors de quelques amis, proches et ouverts, il trouvait peu d’interlocuteurs pour partager sa rĂ©flexion. Pourtant, Ă  l’époque, le seul Ă©clairage des textes ne lui suffisait pas. Un jour, providentiellement, il reçut un soutien fondĂ© sur une expĂ©rience analogue. Ce soutien lui donna de l’assurance. Ce fut un tournant dĂ©cisif ».

 

Ce tĂ©moignage dĂ©bouche sur une mĂ©ditation Ă  partir de la thĂ©ologie de JĂŒrgen Moltmann (2) dont nous prĂ©senterons par la suite quelques aspects, car elle apporte une vision Ă  la fois cohĂ©rente et pacifiante fondĂ©e sur la parole biblique et inspirĂ©e par la puissance de l’amour de Dieu en Christ.

« Dieu si grand, si bon, si puissant dans son amour ! Christ mort et ressuscitĂ© a remportĂ© la victoire sur la mort. L’Esprit qui donne la vie remplit tout l’univers et renverse les barriĂšres.  La vie circule. La communion dans l’amour qui se manifeste dans un Dieu trinitaire se rĂ©pand au delĂ  et irrigue la rĂ©alitĂ© spirituelle. Il n’y a point de mur de sĂ©paration entre les vivants et les morts, mais une communion en Dieu, en Christ. La grĂące de Dieu est plus forte que le mal et elle l’emportera dans la seconde crĂ©ation oĂč « Dieu sera tout en tous ».   Dans les Ă©preuves et les souffrances engendrĂ©es par le deuil, quel rĂ©confort et quelle espĂ©rance ! »

 

JH

 

Sources

(1)            Moltmann  (JĂŒrgen). In the end, the beginning. The life of hope. Fortress press, 2004 (Ce livre est en cours de traduction aux Ă©ditions Empreinte ) . PrĂ©sentation du livre sur le site de TĂ©moins : « Vivre dans l’espoir. Dans la fin
un commencement » http://www.temoins.com/ressourcement/vivre-dans-l-espoir-dans-la-fin-un-commencement.html

(2)            « La vie par delĂ  la mort », sur le blog prĂ©sentant la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : L’Esprit qui donne la Vie http://www.lespritquidonnelavie.com/

 

Autres ressources

° On pourra lire aussi un article Ă©clairant de Jean-Claude Schwab sur le site : expĂ©rience et thĂ©ologie : « L’ĂȘtre intime. En quĂȘte de l’ « ĂȘtre intime » et du « corps spirituel ». ExpĂ©riences actuelles Ă  la lumiĂšre de la transfiguration, la rĂ©surrection et l’ascension de JĂ©sus ». http://www.experience-theologie.ch/reflexions/ressourcement/letre-intime/

° Un livre Ă©mouvant rendant compte d’un cheminement spirituel Ă©crit par la thĂ©ologienne, Lytta Basset : Basset (Lytta). Ce lien qui ne meurt jamais. Albin Michel, 2007