par jean | Fév 25, 2019 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Un Ă©clairage de Bertrand Vergely
Et si nous reconnaissions aujourdâhui tout ce que nous avons reçu des autres et qui fait que nous sommes vivant
Et si nous exprimions cette reconnaissance dans un mouvement de vie bienfaisante Ă la fois pour ceux Ă qui nous lâexprimons, mais aussi pour nous-mĂȘme.
Car, au cĆur de ce mouvement, il y a une dynamique Ă la fois personnelle et collective oĂč nous pouvons percevoir lâinspiration de lâEsprit
Câest dire comme il est bon dâentendre parler de gratitude, et dâen dĂ©couvrir la portĂ©e et les effets.
Ainsi avons nous accueilli avec reconnaissance une intervention de Florence Servan-Schreiber Ă Ted X Paris sur « le pouvoir de la gratitude » (1). Cet exposĂ© est remarquable parce quâil allie une compĂ©tence de psychologue ayant accĂšs aux meilleures sources et une dĂ©marche personnelle exprimĂ©e dans un esprit de recherche, de dialogue, de conviction et dâauthenticitĂ©. Dans son livre : « Retour Ă lâĂ©merveillement » (2), Bertrand Vergely aborde le mĂȘme sujet dans une approche complĂ©mentaire, une approche philosophique, spirituelle, thĂ©ologique (3). Il nous donne Ă voir le sens profond de ce mouvement.
Merci
Quoi de plus naturel que de dire : « merci » ! Et  si on peut le dire souvent, il y a comme une joie qui sâĂ©panche, un Ă©lan de reconnaissance et de sympathie. Câest une expression de la vie quotidienne. Et câest effectivement dans ce contexte que Bertrand Vergely nous en montre lâimportance. Ce nâest pas seulement une expression du cĆur, câest aussi un mouvement qui sâinscrit dans la vie sociale, lâembellit et la pacifie. « Il est beau de dire merci. Cela permet de clore quelque chose et dâouvrir autre chose. Dans le monde de la violence, on ne dit pas merci. Pire, on ne se fait grĂące de rien, on est « sans merci ». On se poursuit sans rĂ©pit, on se persĂ©cute, on ne sâĂ©pargne rien. Cela rĂ©vĂšle la profondeur du merci. Prononcer ce mot, câest passer de la guerre Ă la paix, de la haine Ă la rĂ©conciliation, de lâinimitiĂ© Ă la relation. On pourrait poursuivre la lutte, la haine, la persĂ©cution. On dĂ©cide de ne pas le faire et de revenir Ă la logique des Ă©changes et du don ».
Les « mercis » ponctuent une vie quotidienne dans laquelle on reçoit et on donne, on donne et on reçoit. Câest en quelque sorte un marqueur de civilitĂ©, une expression de vie civilisĂ©e. « Logique dans laquelle on se salue rĂ©ciproquement. On donne et on reçoit. On offre et on dit merci. Il sâagit lĂ dâune rĂ©volution obĂ©issant Ă un constat lucide. Ou lâon persiste Ă vivre dans la violence, ou on y renonce et on vitâŠÂ ».
Dire merci sâinscrit ainsi dans une vie sociale ou le partage se rĂ©alise dans une relation rĂ©ciproque. « Câest le « pacte de rĂ©ciprocité » insĂ©parable dâun pacte de non violence ainsi que le rappelle Marcel Mauss dans son « Essai sur le don ». « La relation rĂ©ciproque annule la violence. Personne ne prenant sans donner et ne donnant sans prendre. Il nây a ni dominant, ni dominĂ©. Le remerciement prend sa source dans une telle logique et donne la logique de lâinvitation sue laquelle repose la vie sociale. On a Ă©tĂ© invitĂ©. On invite Ă son tour⊠Cette politesse fait en sorte que personne ne sacrifie lâautre ou ne soit sacrifiĂ© par lui⊠Profondeur du merci. Il raconte ce qui perd lâhumanitĂ©. Il raconte ce qui la sauve. Nous mourrons de ne jamais dire « merci », nous ressuscitons en le disant ».
Gratitude
Mais lâexpression de notre reconnaissance dĂ©passe de beaucoup lâordinaire de la vie quotidienne.
« La gratitude va plus loin que le merci. Comme montre lâexpĂ©rience, on est dans la gratitude quand on fait plus que remercier quelquâun. On est dans un tel Ă©tat parce que lâon a reçu quelque chose dâexceptionnel. Quand quelquâun nous a sauvĂ© la vie, nous Ă©prouvons de la gratitude, une profonde, une extrĂȘme gratitude. On se situe lĂ dans la plus grande profondeur qui soit⊠Notre cĆur est rempli de gratitude. Nous rendons grĂące. Nous avons conscience du miracle en nous sentant petit devant lâimmense⊠Lâexistence est un miracle permanent. Nous ne nous en rendons pas assez compte ».
Cette gratitude a une portĂ©e sociale. Elle a aussi une dimension spirituelle. « Quand il nâest pas dĂ©primĂ©, lâhomme moderne rouspĂšte. Il est mĂ©content, indignĂ©, rĂ©voltĂ© et il le fait savoir. Jamais il ne dit merci. Il pense que tout lui est du ». Bertrand Vergely voit lĂ un manque profond, jusquâĂ un drame spirituel. « Il y a une ingratitude profonde dans le cĆur humain. Au lieu de remercier, lâingrat proteste. Il poursuit Dieu de sa vindicte en lui reprochant non seulement dâavoir ratĂ©, mais crĂ©Ă© le monde. Lâexistence de lâhumanitĂ© est pour lui un crime de lĂšse-humanitĂ©.
On va loin quand on a un moment de gratitude en remerciant le Ciel dâexister. On touche au drame inconscient de lâhumanitĂ©. Celle-ci a un compte Ă rĂ©gler avec Dieu comme avec elle-mĂȘme. Elle nâest pas heureuse dâexister. On sort de cette logique meurtriĂšre en ayant un peu de gratitude et en ouvrant les yeux. Oui, il est miraculeux de vivre (4). Lâunivers, la vie, lâhumanitĂ© sont des miracles permanents. Nous-mĂȘmes, nous sommes des miracles vivants. Nous devrions ĂȘtre morts cent fois, nous sommes encore lĂ . Nous sommes des miraculĂ©s. Sans que nous le sachions, sans nous en rendre compte, nous avons Ă©tĂ© sauvĂ©s cent fois ».
Bertrand Vergely nous entraine plus loin encore dans une dimension mĂ©taphysique. « Si le mot « merci » permet de mettre fin Ă la guerre qui fait rage entre les hommes sur terre, le mot « gratitude » permet de mettre fin Ă celle qui fait rage entre les hommes et le Ciel. Il est courant de penser que la mĂ©taphysique est inutile et que nous nâen avons pas besoin pour vivre. Il sâagit dâune erreur profonde : elle est indispensable et lâon vit mal quand on sâen passe . LâĂȘtre humain est un arbre qui relie le Ciel et la Terre. Privons-le de la Terre, il sâĂ©croule. Privons-le du Ciel, il Ă©touffe.
La gratitude est vitale. Elle signifie la paix avec le Ciel. et avec celle-ci, la libertĂ©. Il est beau de voir le monde avec gratitude⊠Tout Ă©tant un miracle, tout vit. Tout se met Ă vivre. On a alors envie de vivre et de se rĂ©jouir de lâexistence de lâhumanité ».
Dire merci, exprimer de la gratitude tĂ©moignent du mĂȘme esprit, de la mĂȘme sensibilitĂ© et sâinscrivent dans une dĂ©marche commune. Si Bertrand Vergely les distingue, ce nâest pas seulement en fonction de lâintensitĂ© de ces deux expressions, câest parce quâil les situe dans un contexte plus large. Nous sommes de plus en plus nombreux Ă partager une vision de la sociĂ©tĂ© comme un tissu de relations. « Si lâEsprit est rĂ©pandu sur toute la crĂ©ation, il fait de toutes les crĂ©atures avec Dieu et entres elles, cette communautĂ© de la crĂ©ation dans laquelle toutes les crĂ©atures communiquent, chacune Ă sa maniĂšre entre elles et avec Dieu » dĂ©clare le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann qui cite Martin Buber : « Au commencement Ă©tait la relation » (5). Bertrand Vergely montre lâimportance de la gratitude dans le plein dĂ©roulement des relations. Et comme JĂŒrgen Moltmann, Richard Rohr (6) ou dâautres, il se fonde sur une thĂ©ologie trinitaire  et met en Ă©vidence le rĂŽle de lâincarnation. « La vie est relation⊠Cela veut dire que le Ciel et la Terre sont liĂ©s. Dieu a crĂ©e lâunivers et lâhomme pour sâunir Ă eux⊠il a crĂ©Ă© pour transmettre, pour rayonner, pour diffuser. Il a bĂąti un pont entre lui et son autre, en lâoccurrence lâunivers et lâhomme⊠Qui sâapplique, bĂątit des ponts, il reprend le geste divin de la crĂ©ation » ( p 253-254). La gratitude, comme la louange sur laquelle elle dĂ©bouche, participent Ă cette Ćuvre.
Il est temps maintenant dâapporter un tĂ©moignage concret de la maniĂšre dont la gratitude accompagne une vie pleine malgrĂ© les Ă©preuves. Câest le tĂ©moignage dâOdile Hassenforder dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (7) : « Que câest bon dâexister pour admirer, mâĂ©merveiller, adorer. Câest gratuit. Je nâai quâĂ recevoir, en profiter, goĂ»ter sans culpabilitĂ©, sans besoin de me justifier (Justifier quoi ? de vivre ?). Dâun sentiment de reconnaissance jaillit une louange joyeuse, une adoration au crĂ©ateur de lâunivers dont je fais partie, au Dieu qui veut le bonheur de ses crĂ©atures. Alors mon ego nâest plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place, reliĂ© Ă un « tout » sans prĂ©tention (Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit son chemin. Comme il est Ă©crit dans un psaume : « Cette journĂ©e est pour moi un sujet de joie⊠Une joie pleine en ta prĂ©sence, un plaisir Ă©ternel auprĂšs de toi, mon Dieu⊠Louez lâEternel, car il est bon. Son amour est infini (Psaume 16.118) ». Expression personnelle, la gratitude nous invite au dĂ©passement, Ă une participation à  plus grand que nous, Ă la reconnaissance de la prĂ©sence divine.  Comme lâĂ©crit Bertrand Vergely : « Il est beau de voir le monde avec gratitude. Tout Ă©tant miracle, tout vit, tout se met Ă vivre. On a alors envie de vivre et de se rĂ©jouir de lâexistence de lâhumanité ».
Jean Hassenforder
par jean | Août 4, 2020 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
A travers un service du courrier, Obama, président, dialogue avec les citoyens américains.
pour rĂ©pondre aux besoins, encore faut-il Ă©couter leur expression. Cette Ă©coute est nĂ©cessaire pour identifier les besoins dans toute la complexitĂ© humaine dans laquelle elle se manifeste. Câest bien lĂ la tache essentielle des Ă©lus et Ă©videmment du premier dâentre eux, le prĂ©sident. Certes, il y a diffĂ©rentes maniĂšres dâidentifier et dâanalyser les besoins, par exemple une enquĂȘte, une expression des mĂ©dia, mais rien ne remplace une Ă©coute directe des gens. Et plus gĂ©nĂ©ralement, la participation appelle le dialogue. Cette expression des citoyens peut prendre diffĂ©rentes formes. Un livre rĂ©cent (1) vient aujourdâhui nous prĂ©senter une expĂ©rience : le service du courrier qui recevait des milliers de lettres adressĂ©es au prĂ©sident Obama par des citoyens amĂ©ricains.
Le service du courrier
 Tout au long de lâhistoire amĂ©ricaine, il y a toujours eu des citoyens qui ont Ă©crit au prĂ©sident . Mais cette correspondance sâest considĂ©rablement amplifiĂ©e au cours du temps. Et le service a pris un importance majeure avec lâarrivĂ©e dâObama Ă la prĂ©sidence . Ce dĂ©veloppement sâinscrit dans la vague militante qui a portĂ© et accompagnĂ© lâĂ©lection. Ainsi, la participation Ă cette entreprise tĂ©moigne dâune forte mobilisation, dâun engagement comme celui de Fiona devenue responsable de ce service.
« Au total, le service de la correspondance prĂ©sidentielle ou OPC comme tout le monde lâappelait, requĂ©rait lâaction coordonnĂ©e de 50 employĂ©s, de 36 stagiaires et dâune armĂ©e de 300 volontaires se relayant pour faire face Ă la dizaine de millier de lettres et de messages quotidiens. Il appartenait Ă Fiona en tant que directrice de lâopĂ©ration de faire tourner la boutique » (p 86). Ces lettres parlent des rĂ©alitĂ©s de la vie qui interpellent le prĂ©sident. Ces messages sont lus attentivement et cotĂ©s selon le sujet choisi en vue dây apporter une rĂ©ponse. Cependant la grande affaire, câest de choisir chaque jour dix lettres auxquelles le prĂ©sident rĂ©pondra.
Si la crĂ©ation du service a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e par une lente Ă©volution, si elle est advenue dans un grand moment politique, elle est dâabord la rĂ©sultante dâune volontĂ© personnelle, celle du prĂ©sident Barack Obama. Le service a Ă©tĂ© organisĂ© par des hommes qui lâont accompagnĂ© dans sa dĂ©marche politique. Et sa dĂ©cision de lire chaque jour dix lettres et dây rĂ©pondre, a Ă©tĂ© emblĂ©matique.
Barack Obama
Barack Obama a surgi dans lâhistoire amĂ©ricaine comme la rĂ©ponse Ă une espĂ©rance que puissent hommes et femmes ĂȘtre respectĂ©s dans leur originalitĂ© personnelle et leur existence sociale et politique. Dans son accession Ă la prĂ©sidence, Barack Obama a apportĂ© une rĂ©ponse : « Yes, we can ». Oui , nous pouvons. Son Ă©lection nous est apparue comme un tournant dans lâhistoire des Etats-Unis (2), une ouverture pour le monde. Aussi, Ă plusieurs reprises, avons-nous Ă©voquĂ©, sur ce blog, les activitĂ©s et les expressions de ce prĂ©sident (3). Lâattention quâObama a portĂ© au courrier lors de sa prĂ©sidence est une manifestation de son empathie et de son engagement au service de lâhumain. Câest une facultĂ© dâĂ©coute permettant une meilleure identification des besoins et, donc, une capacitĂ© dây rĂ©pondre. Ainsi, nous dit-il, « Ce serait un exercice intĂ©ressant dâidentifier le nombre dâinitiatives⊠dont la plupart Ă©taient de portĂ©e limitĂ©eâŠ. qui aboutirent Ă une modification ou qui provoquĂšrent au moins une discussion sur la maniĂšre dont nous fonctionnons. Un nombre non nĂ©gligeable , je pense » (p 196). Certaines lettres ont suscitĂ© des rĂ©actions visibles. « Je me rappelle une rencontre. Une merveilleuse famille. Un pĂšre et une mĂšre relativement jeunes avec deux enfants, et, au moment oĂč je suis arrivĂ©, la mĂšre a fondu en larmes. Elle mâa serrĂ© dans ses bras et dit : « Si on est ici, câest grĂące Ă vous ». Jâai rĂ©pondu : « Comment ça ? ». « Mon mari ici prĂ©sent a servi dans lâarmĂ©e et souffrait dâun syndrome post-traumatique assez grave et je craignais quâil nâen sorte pas, mais vous avez demandĂ© Ă lâadministration des vĂ©tĂ©rans de nous appeler directement et câest ce qui lâa conduit Ă se faire soigner ». Câest le genre dâoccasions qui nous rappelle que cette fonction a quelque chose de spĂ©cial » (p 196). « Quand les gens reçoivent une rĂ©ponse, ils ont le sentiment que leurs vies et leurs prĂ©occupations ont de lâimportance. Et ça, ça peut changer dans une faible mesure, et parfois plus largement, le regard quâils portent sur la vie » (p 196). Parce quâObama portent un profond respect aux gens, les gens le ressentent, et lui expriment une considĂ©ration qui va jusquâĂ lui faire part de leur Ă©volution personnelle. « Parfois les gens me font part  dâune forme de transformation quâils ont vĂ©cu. Il y a plusieurs lettres de personnes me confiant avoir grandi dans des familles se mĂ©fiant des personnes dâune origine diffĂ©rente, dâun autre milieu. Les lettres me relatent lâĂ©volution que leurs auteurs ou leurs proches ont connue aprĂšs avoir constatĂ© que lâimage dâeux quâon leur renvoyait nâĂ©tait pas celle quâils imaginaient » (p197).
Parce quâObama respecte profondĂ©ment les gens et que ceux-ci peuvent lui manifester du respect en retour, il peut se crĂ©er une forme de communautĂ© en retour. Ainsi Ă©crit Obama : « Les lettres qui me tiennent Ă cĆur sont, je crois, celles qui opĂšrent des liens, qui parlent de la vie des gens, de leurs valeurs, de ce qui leur importe » (p 197). Cette attention tĂ©moigne dâune confiance et dâune bienveillance dont fait preuve le prĂ©sident : « Ces lettres disent que les gens sont pleins de bontĂ© et de sagesse. Il suffit dây faire attention. Ce qui est parfois difficile de faire quand on est Ă lâintĂ©rieur dâune bulle, mais cette petite porte me lâaura rappelĂ© chaque jour » (p 207).
Les lettres : une expression de la vie américaine dans toute sa diversité
Ce livre publie ainsi un grand nombre de lettres par pĂ©riodes chronologiques. Si elles comportent telle interprĂ©tation ou telle louange, elles sâappuient gĂ©nĂ©ralement sur une expression de la vie de ceux qui Ă©crivent. Câest un recueil de rĂ©cits de vie qui tĂ©moignent de la diversitĂ© des situations. Certes, il y a des inflexions dans les contenus. Lorsque Obama accĂšde Ă la prĂ©sidence, il doit faire face Ă une grave rĂ©cession. Il y a du chĂŽmage. Beaucoup de gens souffrent dans leurs conditions de vie. Et comme le redressement ne peut ĂȘtre immĂ©diat, on entend une plainte et parfois une dĂ©ception.
Cependant, il y a aussi ds demandes plus classiques. « Il y a des lettres rĂ©currents comme celles des anciens combattants demandant de lâaide, celles des jeunes accablĂ©s par des dettes rĂ©currentes essayant de savoir sâils sont Ă©ligibles Ă une aide ou une autre, des militaires ou des familles de militaires aux prises avec une dĂ©cision du dĂ©partement de la dĂ©fense⊠» (p 195). « La loi sur la protection de patients et des soins abordables » surnommĂ©e « Obamacare », a suscitĂ© un courrier abondant. Des vies ont Ă©tĂ© sauvĂ©es.
Bien souvent, ces lettres tĂ©moignent dâune expĂ©rience de vie originale. Elles expriment des prises de conscience auxquelles le prĂ©sident est associĂ© parce quâelles soutiennent des causes quâil soutient ou des pistes quâil ouvre . Ces lettres couvrent un champ trĂšs vaste. Des valeurs sây expriment, le meilleur de lâidĂ©al amĂ©ricain tel que Barack Obama en tĂ©moigne. En voici quelques exemples.
Des récits de vie
Ces lettres en grand nombre portent toutes un message. Et, pour chacune dâelle, lâauteure nous permet de la situer dans son contexte et de percevoir le dialogue qui sâĂ©tablit entre les personnes et le prĂ©sident. Ce livre nous apporte un ensemble de rĂ©cits de vie qui nous rapportent les problĂšmes, Ă©conomiques, sociaux er culturels vĂ©cus par des amĂ©ricains et les idĂ©aux qui les animent.
Marnie Hazelton
Marnie Hazelton, mĂšre cĂ©libataire, quinquagĂ©naire, a derriĂšre elle une tradition familiale qui lâengage dans « une vie de service », des parents et des grands-parents afro-amĂ©ricains, « Elle Ă©tait la derniĂšre reprĂ©sentante dâune histoire marquĂ©e par le courage et la lutte » (p 165). Puis, elle devient enseignante dans des Ă©coles dĂ©favorisĂ©es Ă New-York. Câest un idĂ©al qui la pousse. En 2011, elle Ă©coute attentivement le dernier discours dâObama sur lâĂ©tat de lâUnion : « Ce qui aura le plus dâimpact sur la rĂ©ussite dâun enfant, câest lâhomme ou la femme qui se tient devant lui dans la salle de classe. A lâattention de tous les jeunes gens qui Ă©coutent ce soir et qui hĂ©sitent pour leur carriĂšre professionnelle, si vous voulez influer sur la vie dâun enfant, devenez enseignant. Votre pays a besoin de vous » (p 164). « Une bĂątisseuse de nation, une patriote, voilĂ ce quâelle Ă©tait » (p 164). HĂ©las la rĂ©cession avait frappĂ© les Etats-Unis et il fallait du temps pour que la politique dâObama porte tous ses fruits. A lâĂ©chelon local, il y a encore des coupes budgĂ©taires. Elle perd son emploi et entre alors dans une pĂ©riode difficile .
Câest alors quâelle dĂ©cide dâĂ©crire au PrĂ©sident Obama.
« Cher monsieur le Président
Mes parents reprĂ©sentent le meilleur de lâAmĂ©rique .
Mon pĂšre a servi. Ma mĂšre a rĂ©pondu Ă lâappel de John F Kennedy Ă servir ». Plusieurs des mes aĂŻeux ont combattu pour les Etats-Unis. « Jâai marchĂ© dans les pas de ma mĂšre et suis devenu enseignante. « Une bĂątisseuse de nation ».
Monsieur le PrĂ©sident, vous devez recevoir des milliers de lettres narrant les malheurs des chĂŽmeurs et il nây a pas grand chose que vous puissiez faire Ă lâĂ©chelle individuelle. Jâai perdu mon emploi parce que les fonds de relance attribuĂ©s aux Ă©coles sont Ă©puisĂ©s.
Jâaimerais que vous me disiez ce que je dois faire maintenant pour subvenir aux besoins de ma famille alors que le marchĂ© de lâemploi dans lâĂ©ducation est inondĂ© de milliers dâenseignants licenciĂ©s Ă cause des coupes budgĂ©taires et que jâai consacrĂ© les onze derniĂšres annĂ©es de ma vie Ă bĂątir la nation et Ă Ă©duquer les enfants de lâAmĂ©rique » (p 167). Elle fut trĂšs surprise de recevoir une rĂ©ponse personnelle du prĂ©sident : « Merci de votre dĂ©vouement Ă lâĂ©ducation. Je sais que la situation actuelle peut paraĂźtre dĂ©courageante, mais la demande pour des enseignantes et des personnes avec vos compĂ©tences grandira au fur et Ă mesure que la conjoncture et le financement des Ă©tats rebondiront. En attendant, je suis de tout cĆur avec vous » (p 170).
Cette phrase : « je suis de tout cĆur avec vous » alla droit au coeur de Marnie. La lettre du prĂ©sident lui redonna courage et lâaccompagna dans les Ă©pisodes qui ont suivi jusquâĂ la prĂ©senter dans un jeu tĂ©lĂ©visĂ©. Treize mois aprĂšs avoir Ă©tĂ© congĂ©diĂ©e, elle reçut la demande dâun district scolaire dans lequel elle avait dĂ©jĂ travaillĂ©. « RevigorĂ©e, rĂ©inventĂ©e, quand elle revint dans la salle de classe, elle montra Ă ses Ă©lĂšves le mot du prĂ©sident Obama. CâĂ©tait une occasion de leur apprendre quelque chose. Elle dit aux enfants : « Je suis de tout coeur avec vous ». Et elle lâa rĂ©pĂ©tĂ© Ă tout le monde autour dâelle. Finalement, elle devint directrice du district qui lâavait autrefois mise Ă pied.
Marjorie McKinney
MariĂ© Ă un gĂ©ologue de lâUniversitĂ© de Caroline du Nord, Marjorie avait aidĂ© son mari pendant toute sa carriĂšre. Cette association avait toujours reposĂ© sur un consentement mutuel.
« Ce jour, elle sâĂ©tait rendu Ă Albany pour collecter des images de fossile Ă la demande de Ken ». Pour regagner sa voiture, elle commença Ă sâengager dans une immense place devant le musĂ©e. « Il y avait une personne au loin qui se dirigea vers elle. Il avait lâair jeune. Il Ă©tait noir. Il portait un sweat Ă capuche . Dâun geste brusque, il rabattit la capuche masquant son visage ». Marjorie eut trĂšs peur avec une immense envie de fuir » . En arrivant en mĂȘme temps Ă la cage dâescalier, il la regarda. « DĂ©sagrĂ©able le vent, hein ! » dit-il, avant dâajouter quâil y avait un passage souterrain pour piĂ©tons qui reliait le musĂ©e au parking au cas oĂč elle ne le saurait pas. La prochaine fois quâil ferait froid, elle gagnerait peut-ĂȘtre Ă le prendre, suggĂ©ra-t-il. CâĂ©tait tout. Il Ă©tait parti. Un truc qui pouvait sembler anodin. Un truc banal ». Mais pour Marjorie, cela marqua une rupture dans sa reprĂ©sentation dâelle-mĂȘme. « Pourquoi avais-je eu peur de ce charmant jeune homme ? ». Tout simplement parce quâil Ă©tait noir . Je nâavais aucune raison dâavoir peur de lui. JâĂ©tais atterrĂ©e. Ce nâĂ©tait pas quelque chose que jâaurais cru ressentir un jour. Ce fut un tournant dans ma vie parce que je me suis rendu compte que jâĂ©tais raciste. Et il fallait que je trouve le moyen de mâen dĂ©barrasser » (p 209).
Une bonne partie du problĂšme pour Marjorie, câest quâelle pensait sâen ĂȘtre dĂ©barrassĂ©e (p 210). Et elle avait dĂ©jĂ parcouru un chemin en ce sens. En effet, elle avait vĂ©cu son enfance dans le sud profond, Birmingham Ă une Ă©poque oĂč le monde Ă©tait divisĂ© en deux : blanc ou noir. Cela paraissait naturel. Elle prit conscience de lâinjustice en rencontrant Ă lâuniversitĂ© un ami, un Ă©tudiant allemand beaucoup plus ĂągĂ© quâelle. Elle venait dâune ville oĂč rĂ©gnait une sĂ©grĂ©gation trĂšs dure. Son ami allemand lui expliqua le racisme, lâintolĂ©rance, la haine, lui parla de son pays, de sa vie, des jeunesses hitlĂ©riennes⊠« Elle le remercia pour tout ce quâil lui avait expliquĂ© Ă la cantine ce jour-lĂ et pour avoir donnĂ© une nouvelle orientation Ă sa vie. « Tu en avais besoin » lui dit-il » (p 218). DĂšs lors, « Marjorie sâengagea dans le mouvement des droits civiques. Toute sa vie, elle chercha Ă voir au delĂ de la race. Et, parmi ses enfants adoptĂ©s, deux dâentre eux Ă©taient mĂ©tis (p 212). « Imaginez un peu. Avec tout ce bagage, tout ce chemin parcouru avec Ken et les enfants. Et puis, elle est Ă Albany. Il fait froid. Et elle a dĂ©couvert ce puits de laideur installĂ© en en elle, tel un vers qui sâĂ©veille Ă la vie ». Ă la suite dâun fait divers mettant en Ă©vidence la persistance des sentiments racistes et dâun discours trĂšs digne dâObama Ă ce sujet. Elle dĂ©cida de lui Ă©crire. Elle lui raconta son parcours et lâincident quâelle avait vĂ©cu.
Monsieur le PrĂ©sident. JâespĂšre que dâautres personnes qui auront entendu vos paroles auront davantage conscience de la peur qui se tapit chez beaucoup dâentre nous. Elle est irrationnelle, mais elle est lĂ . JâespĂšre que jâaurais oubliĂ© cette course Ă Albany et le jeune homme rencontrĂ© par cette froide journĂ©e. Vos franches paroles de la semaine derniĂšre comptent beaucoup pour moi. Merci » (p 215).
La rĂ©ponse dâObama vint en ces termes : « Merci pour cette lettre murement rĂ©flĂ©chie. Votre histoire illustre ce qui me rend optimiste pour le pays ».
Yolanda
Aider les gens en dĂ©tresse Ă revenir dans une vie vivable et sociable, tel peut ĂȘtre un objectif bienfaisant de lâaction politique. Et il peut en rĂ©sulter une expression de gratitude. Yolanda fait partie de ceux qui ont luttĂ© pour vivre et savent reconnaĂźtre lâaide quâils ont reçue .
Yolanda « avait dĂ©jĂ Ă©crit il y a quelques annĂ©es pour parler au prĂ©sident de sa situation dâancienne combattante handicapĂ©e du fait quâelle vivait dans sa voiture et quâelle faisait constamment des cauchemars liĂ©s aux traumatismes sexuels subis pendant quâelle Ă©tait dans la marine. « Monsieur le prĂ©sident, vous et votre cabinet avez fait une dĂ©claration nationale pour que les Ă©tats travaillent Ă mettre fin au problĂšme des sans-abris. Je vous avais fait part de ma priĂšre silencieuse de vouloir devenir un membre productif de notre sociĂ©tĂ©, dâĂȘtre capable de vivre, dây payer un loyer, bref dây prendre part » (p 236). Or ce dĂ©sir a Ă©tĂ© exaucĂ©. « Câest avec des larmes de reconnaissance que je peux vous dire que jâai signĂ© aujourdâhui un bail au Veteranâs village pour deux piĂšcesâŠ.Aujourdâhui jâai pleurĂ© des larmes de joie. JâĂ©tais si fiĂšre de pouvoir leur donner le mandat postal pour le loyer⊠Tout ça, câest grĂące Ă vous et Ă votre administration. Je ne suis pas un numĂ©ro. Je ne suis pas une saletĂ© sur laquelle des gens crachent. Je ne suis pas oubliĂ©eâŠ. Jâai maintenant un endroit oĂč vivre, un chez moi. Je vais me montrer Ă la hauteur de ce don gracieux qui mâa Ă©tĂ© fait. Merci ! » (p 236). Une expression de dignitĂ© dans la gratitude et la confiance.
« Barack Obama et les citoyens américains en toutes lettres » (1), ce livre de Jeanne Marie Laskas, nous permet de partager à travers la publication de cette vaste correspondance, des centaines de lettres, une expression constructive et encourageante.
Si Obama rencontre des oppositions, il est en gĂ©nĂ©ral respectĂ©. Ces lettres manifestent un grand respect . Ainsi sâĂ©tablit une confiance rĂ©ciproque . Courage, dignitĂ© et confiance se manifestent dans ces rĂ©cits de vie. Cette lecture nâest pas seulement agrĂ©able. Elle communique la bienveillance qui sây exprime.
J H
par jean | Mar 18, 2018 | ARTICLES, Vision et sens |
 ReconnaĂźtre la prĂ©sence et lâĆuvre de lâEsprit
Si on reconnaĂźt de plus en plus lâinterconnexion qui caractĂ©rise notre univers et Ă laquelle nous participons, il y a dans cette prise de conscience un potentiel dâouverture par rapport Ă la perception dâune force transcendante, Ă lâĂ©coute dâune voix dâamour. Câest pourquoi, dans la sociĂ©tĂ© dâaujourdâhui, la prĂ©sence de lâEsprit peut davantage ĂȘtre reconnue.
En christianisme, en terme dâEsprit saint, lâEsprit est reconnu comme un acteur personnel de la communion divine et comme catalyseur et inspiration de lâEglise. Mais si ces termes sont approximatifs avec lâintention de parler Ă tous, nâest-ce pas dire ainsi combien nous avons besoin de mieux connaĂźtre et reconnaĂźtre lâEsprit divin. Nous trouvons cet Ă©clairage dans un livre que JĂŒrgen Moltmann, le thĂ©ologien de lâespĂ©rance, a consacrĂ© Ă lâEsprit saint sous un titre significatif : « LâEsprit qui donne la vie » (1).
Ce livre est pour nous une source dâinspiration qui Ă©claire notre existence. Comme lâĆuvre de JĂŒrgen Moltmann dans son ensemble, cet ouvrage ouvre des horizons multiples. Dans ce texte et selon Moltmann, nous nous interrogeons sur les barriĂšres qui ont fait obstacle Ă la reconnaissance de la place et de lâĆuvre de lâEsprit. DĂ©couvrons ces barriĂšres pour les dĂ©passer et entrer dans un processus bienfaisant. « Lâauteur cherche Ă Ă©laborer une thĂ©ologie de lâEsprit susceptible de dĂ©passer la fausse alternative, souvent rĂ©itĂ©rĂ©e dans les Eglises entre la RĂ©vĂ©lation divine quâelles ont pour mission de sauvegarder et les expĂ©riences humaines de lâEsprit. Il entend ainsi mettre en valeur les dimensions cosmiques et culturelles de lâEsprit « crĂ©ateur et recrĂ©ateur » qui transgresse toutes les frontiĂšres Ă©tablies » (page de couverture).
Par delĂ les barriĂšres
LâEsprit de Dieu est Ă lâĆuvre dans lâexpĂ©rience humaine par delĂ les exclusivismes institutionnels. Il nâest pas seulement lâEsprit de la rĂ©demption, mais aussi lâEsprit de la crĂ©ation. Il se dĂ©ploie malgrĂ© les limites Ă©rigĂ©es par des institutions inquiĂštes. Lâhistoire rĂ©cente nous montre cette tension. « Il ne peut ĂȘtre question dâun « oubli » de lâEsprit aux Temps modernes ; au contraire, le rationalisme et le piĂ©tisme des LumiĂšres furent tout aussi enthousiastes que le christianisme pentecĂŽtiste aujourdâhui. Ce furent les craintes des Eglises Ă©tablies Ă lâĂ©gard de « lâesprit de liberté » religieux aussi bien quâirrĂ©ligieux, du monde moderne qui conduisirent Ă une rĂ©serve de plus en plus grande en matiĂšre de doctrine de lâEsprit saintâŠSeul fut dĂ©clarĂ© « saint » cet Esprit qui est liĂ© Ă la mĂ©diation ecclĂ©siale et institutionnelleâŠÂ » (p 17). Encore aujourdâhui, dans certains cercles, on peut observer cet exclusivisme. « Dans la thĂ©ologie et la piĂ©tĂ© protestante, comme dans la thĂ©ologie et la piĂ©tĂ© catholique, il existe une tendance qui consiste Ă concevoir lâEsprit Saint uniquement comme lâEsprit de la rĂ©demption dont le lieu est lâEglise et qui donne aux hommes la certitude de la bĂ©atitude Ă©ternelle de leur Ăąme. Cet Esprit sauveur est mis Ă lâĂ©cart de la vie corporelle comme de la vie naturelle » (p 25).
Esprit de rédemption. Esprit de création
LâEsprit Saint nâest pas seulement rĂ©dempteur, mais aussi crĂ©ateur. « Si lâEsprit Saint Ă©tait seulement lâEsprit de lâEglise et de la foi, cela restreindrait « la communion de lâEsprit Saint » et aurait pour consĂ©quence que, dans son expĂ©rience de lâEsprit, lâEglise deviendrait incapable de communiquer avec le monde ».
Pourquoi cette conception rĂ©duite de lâĆuvre de lâEsprit ? Elle tient Ă©galement Ă une focalisation sur les expĂ©riences intĂ©rieures de lâĂąme dans une attitude marquĂ©e par lâinfluence de la philosophie platonicienne. Câest la perspective, non pas chrĂ©tienne, mais gnostique dâune Ăąme, Ă la mort, « libĂ©rĂ©e de cette vallĂ©e de larmes et de cette enveloppe corporelle caduque, et introduite dans le ciel des bienheureux ». En regard, lâEglise ancienne a adoptĂ© la rĂ©surrection de la chair. « Or, si la rĂ©demption est la rĂ©surrection de la chair et la crĂ©ation nouvelle de toutes choses, alors lâEsprit du Christ qui sauve ne peut ĂȘtre un autre esprit que lâEsprit crĂ©ateur quâest la « Ruah Yahweh » selon une expression hĂ©braĂŻque »⊠Il y a une unitĂ© entre lâagir de Dieu dans la crĂ©ation, la rĂ©demption et la sanctification de toutes chosesâŠLâEsprit rĂ©dempteur est aussi lâEsprit de la rĂ©surrection et de la crĂ©ation nouvelle de toutes chosesâŠÂ ».
Ainsi, « lâexpĂ©rience de la rĂ©surrection et la relation Ă la puissance divine ne conduisent pas Ă une spiritualitĂ© qui exclut les sens, qui est tournĂ©e vers lâintĂ©rieur, hostile au corps et sĂ©parĂ©e du monde, mais Ă une vitalitĂ© nouvelle de lâamour de la vie » (p 27).
Transcendance et immanence
Les reprĂ©sentations de Dieu ont naturellement une grande influence. Certaines reprĂ©sentations peuvent avoir une influence trĂšs nĂ©gative. Et on peut sâinterroger en se souvenant de la personne de JĂ©sus : «On reconnaĂźt lâarbre Ă ses fruits ». Ainsi, si on croit en un Dieu si transcendant quâil en devient inaccessible, on ne peut percevoir lâEsprit de Dieu dans lâexpĂ©rience humaine. Dans un contexte de dĂ©bat thĂ©ologique, pour le thĂ©ologien Karl Barth, « II nây avait pas de continuitĂ©Â entre la crĂ©ature et le crĂ©ateur, pas mĂȘme dans le souvenir quâa lâĂąme humaine de son origine, comme le disait Augustin » (p 22). La rĂ©vĂ©lation vient dâen haut et sâimpose Ă lâhomme. JĂŒrgen Moltmann sâinterroge sur cette discontinuitĂ© entre lâEsprit de Dieu et lâesprit de lâhomme. « Je ne parviens pas Ă percevoir dâalternative de principe entre la rĂ©vĂ©lation de Dieu Ă des hommes et lâexpĂ©rience de Dieu faite par des hommes. Comment un homme pourrait-il parler dâun Dieu si Dieu ne se rĂ©vĂšle pas ? Comment un homme pourrait-il parler dâun Dieu dont il nâexiste aucune expĂ©rience humaine ? » (p 22). Et il nous invite Ă percevoir la prĂ©sence de Dieu en terme dâimmanence et de transcendance. « Câest voir lâimmanence de Dieu dans lâexpĂ©rience humaine et la transcendance de lâhomme en Dieu. Parce que lâEsprit de Dieu est en lâhomme, lâesprit de lâhomme dans son autotranscendance est orientĂ© vers Dieu. Celui qui schĂ©matise rĂ©vĂ©lation et expĂ©rience en en faisant une alternative aboutit Ă des rĂ©vĂ©lations qui ne peuvent faire lâobjet dâune expĂ©rience et Ă des expĂ©riences dĂ©pourvues de rĂ©vĂ©lation » (p 24).
Pour une thĂ©ologie de lâexpĂ©rience
Lâaffirmation constante du lien de lâEsprit Ă lâinstitution ecclĂ©siale « a conduit Ă lâappauvrissement des communautĂ©s, Ă la dĂ©sertion des Eglise et Ă lâĂ©migration de lâEsprit vers les groupes spontanĂ©s et vers les expĂ©riences personnelles âŠLes hommes ne font pas lâexpĂ©rience de lâEsprit de façon extĂ©rieure seulement dans leur communautĂ© ecclĂ©siale, mais de façon intĂ©rieure dans lâexpĂ©rience quâils font dâeux-mĂȘmes Ă savoir dans le fait que « lâamour de Dieu a Ă©tĂ© rĂ©pandu dans nos cĆurs par lâEsprit saint⊠(Romains 5.5). Cette expĂ©rience personnelle de lâEsprit, beaucoup de personnes lâexpriment par de simples mots : « Dieu mâaime ». Ainsi JĂŒrgen Moltmann est amenĂ© Ă dĂ©velopper une thĂ©ologie de lâexpĂ©rience (p 37).
« Il nây a pas de paroles de Dieu sans expĂ©riences humaines de lâEsprit. Câest pourquoi les paroles de la Bible et les paroles de la prĂ©dication de lâEglise doivent ĂȘtre rĂ©fĂ©rĂ©s Ă©galement aux expĂ©riences des hommes dâaujourdâhui pour que ceux-ci ne soient pas seulement des auditeurs de la Parole (K Rahner), mais deviennent eux-mĂȘmes des locuteurs de la Parole⊠Mais cela nâest possible que si lâon voit la Parole et lâEsprit dans leur rapport mutuel et non pas comme une voie Ă sens unique » (p 18).
Une dimension cosmique
« Les recherches nouvelles conduisant Ă une « thĂ©ologie Ă©cologique », Ă une « christologie cosmique », et Ă la redĂ©couverte du corps ont pour point de dĂ©part la comprĂ©hension hĂ©braĂŻque de lâEsprit de DieuâŠ. LâexpĂ©rience de Dieu qui donne vie et qui est faite dans la foi du cĆur et dans la communion de lâamour conduit dâelle-mĂȘme au delĂ des frontiĂšres de lâEglise vers la redĂ©couverte de ce mĂȘme Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les Ă©cosystĂšmes de la terre ». Ainsi notre vision sâĂ©largit jusquâĂ une dimension cosmique. «LâexpĂ©rience de la communautĂ© de lâEsprit conduit nĂ©cessairement la chrĂ©tientĂ© par delĂ dâelle-mĂȘme, vers la communautĂ© plus grande de toutes les crĂ©atures de Dieu. La communion de la crĂ©ation, dans laquelle toutes les crĂ©ations existent les unes avec les autres, les unes pour les autres, les unes par les autre set les unes dans les autres, est la communion de lâEsprit saint » » (2). Câest une interpellation pour les Eglises. « Face Ă la menace dâune « fin de la nature », les Eglise dĂ©couvriront la signification cosmique du Christ et de lâEsprit ou bien se feront complices de la destruction de la crĂ©ation terrestre de Dieu. » . Câest un nouveau regard. « La dĂ©couverte de lâampleur cosmique de lâEsprit conduit au respect de la dignitĂ© de toutes les crĂ©atures dans lesquelles Dieu est prĂ©sent par son Esprit » (p 28).
La personnalitĂ© de lâEsprit
Bien entendu, nous nous posons la question : comment lâEsprit saint sâinscrit-il dans la rĂ©alitĂ© divine ? Câest une question qui a suscitĂ© de grands dĂ©bats thĂ©ologiques. Elle ne peut ĂȘtre exprimĂ©e ici en quelques lignes dâautant que nous sommes dĂ©pourvus dâexpertise thĂ©ologique. On se reportera donc au chapitre de JĂŒrgen Moltmann consacrĂ© Ă lâexpĂ©rience trinitaire de lâEsprit (p 90-113).
Dans son livre le plus rĂ©cent : « The living God and the fullness of life » (3), Moltmann dĂ©crit ainsi cette expĂ©rience trinitaire de Dieu : « La foi chrĂ©tienne est une vie en communion avec Christ. JĂ©sus, le fils de Dieu, appelle Dieu : Abba, cher pĂšre ». Dâautre part, en communion avec Christ, nous ressentons un encouragement Ă vivre, une puissance de guĂ©rison. Nous savons que nous sommes consolĂ©s et nous sommes en phase avec le grand oui de Dieu Ă la vie. Nous recevons ainsi les Ă©nergies de lâEsprit de Dieu. LâEsprit qui donne la vie « entre Ă flots dans nos cĆurs » (Rom 5.5)⊠(p 61). Nous faisons ainsi lâexpĂ©rience de ces trois dimensions dans la communion avec Christ. Nous vivons avec JĂ©sus, le Fils de Dieu et avec Dieu, le PĂšre de JĂ©sus-Christ et avec Dieu, lâEsprit de vie. Ainsi, nous ne croyons pas seulement en Dieu, nous vivons en Dieu, câest Ă dire dans lâhistoire trinitaire de Dieu avec nous » ( p 62).
Mais oĂč voyons-nous lâunitĂ© de Dieu ? « Elle Ă©merge de la relation interne entre Dieu le Fils, Dieu le PĂšre et lâEsprit de Dieu ». En chaque personne divine, nous voyons la prĂ©sence des autres. Elles sont ainsi tellement interreliĂ©es quâelles ne peuvent ĂȘtre sĂ©parĂ©es. Cette vĂ©ritĂ© est exprimĂ©e par JĂ©sus lorsquâil dit : « Le PĂšre et moi, nous sommes un » (Jean 16-30). Ce nâest pas seulement une unitĂ© de vouloir, câest aussi une interrelation : « Afin quâils puissent ĂȘtre un. Comme toi, PĂšre, est en moi, et moi en toi » (Jean 17-20). Câest une inhabitation rĂ©ciproque, un don mutuel. « LâidĂ©e israĂ©lite de la « Shekinah » et le concept patristique de la « perichoresis » sont des reprĂ©sentations de ces inhabitations rĂ©ciproques ». Cette communion sâĂ©tend Ă nous. « Lâamour est la vraie force qui dĂ©passe les frontiĂšres. Celui qui vit dans lâEsprit de Dieu vit en Dieu et Dieu en lui ou elle » (p 63). Au total, si on perçoit lâEsprit saint Ă travers ce quâil opĂšre, sa personnalitĂ© ne se comprend quâĂ partir de ses relations au PĂšre et au Fils. « Car lâĂȘtre-personne est toujours ĂȘtre-en-relation. Les relations qui constituent lâĂȘtre-personne de lâEsprit doivent ĂȘtre cherchĂ©es dans la Trinité » (LâEsprit qui donne la vie p 30).
Vers un monde nouveau
Les prophĂštes dâIsraĂ«l, EzĂ©chiel et JĂ©rĂ©mie, mettent en Ă©vidence lâaction transformatrice de lâEsprit. Ainsi JĂ©rĂ©mie Ă©crit : « Des jours viennent oĂč je conclurai avec la communautĂ© dâIsraĂ«l et la communautĂ© de Juda, une nouvelle alliance⊠Je dĂ©poserai la loi au fond dâeux-mĂȘmes lâinscrivant dans leur ĂȘtre. Je deviendrai Dieu pour eux et eux, ils deviendront mon peuple. Ils ne sâinstruiront plus entre eux, rĂ©pĂ©tant : « Apprenez Ă connaĂźtre le Seigneur », car ils me connaitront tous, petits et grands » (JĂ©rĂ©mie 31.31-33). « Ici la connaissance mĂ©diatisĂ©e cĂšde la place Ă la connaissance immĂ©diate, et le vouloir de Dieu mĂ©diatisĂ© cĂšde la place au vouloir qui va de soi. Cela suppose un avenir dans lequel Dieu lui-mĂȘme est manifestĂ© de façon immĂ©diate et universelle et dans lequel lâEsprit de Dieu pĂ©nĂštre Ă©galement les profondeurs du cĆur de lâhomme et leur donne vie » (p 87-88). Cette vision se rĂ©alise dans lâexpĂ©rience de la PentecĂŽte (4). « Les dons de lâEsprit sont rĂ©pandus sur le peuple entier si bien que sont abolis les privilĂšges traditionnels des hommes par rapport aux femmes, des maitres par rapport aux serviteurs et des adultes par rapport aux enfants »⊠« Quand Dieu deviendra dĂ©finitivement prĂ©sent par lâEsprit, le peuple tout entier deviendra un peuple prophĂ©tique ». Et, comme il est aussi Ă©crit, « Je rĂ©pandrai mon Esprit sur toute chair », cette expression « toute chair » va au delĂ du genre humain et induit tout ce qui est vivant âŠLâeffusion de lâEsprit de Dieu conduit par consĂ©quent Ă la nouvelle naissance de toute vie et de la communautĂ© de tout ce qui est vivant sur la terre » (p 88) .
Câest ainsi que JĂŒrgen Moltmann peut nous ouvrir un horizon qui nous transporte dans un espace oĂč les barriĂšres sâeffacent et ou une communion universelle apparaĂźt.
« LâexpĂ©rience de Dieu qui est attendue de la venue de lâEsprit est
1 Universelle. Elle nâest pas particuliĂšre, mais se rapporte Ă toute chair selon les dimensions de la crĂ©ation.
2 Totale. Elle nâest plus partielle, mais opĂšre dans le cĆur de lâhomme, dans les profondeurs de lâexistence humaine
3 Permanente. Elle nâest plus historique et passagĂšre, mais Ă©voquĂ©e comme le « repos » et « lâhabitation » de Dieu
4 ImmĂ©diate. Elle nâest plus mĂ©diatisĂ©e par la rĂ©vĂ©lation et la tradition, mais fondĂ©e sur la rĂ©vĂ©lation de Dieu et sa gloire » ( p 88).
Au terme de ce parcours, nous pouvons demander comment il sera reçu non seulement par les lecteurs croyants, mais aussi par les lecteurs en attente. En effet, chez certains de nos contemporains, nous pouvons observer un dĂ©sir de communion et dâunitĂ©, une recherche de transformation intĂ©rieure dans lâamour allant de pair avec une reconnaissance du vivant dans la nature.
Dans ce texte, nous voyons comment la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann dĂ©passe un hĂ©ritage de divisions pour relier des rĂ©alitĂ©s jusque lĂ sĂ©parĂ©es, dans une perspective dâunification Ă la lumiĂšre dâun Dieu, communion dâamour et puissance de vie. LâEsprit saint est un Esprit qui donne la vie. Il Ă©chappe Ă tout exclusivisme clĂ©rical. En tant quâEsprit de crĂ©ation, il est Ă lâĆuvre dans tous les ĂȘtres vivants, dans tous les humains. Dieu nâest pas lointain et inaccessible. LâEsprit de Dieu se manifeste dans lâexpĂ©rience humaine. Il ne nous dĂ©tourne pas de notre vie humaine, mais il nous encourage Ă vivre pleinement. Dans la relation avec le Christ, il nous invite Ă entrer dans une vie nouvelle et dans la dimension de la rĂ©surrection. Câest une spiritualitĂ© qui induit les sens et conduit Ă la vitalitĂ© nouvelle de lâamour de la vie. A une Ă©poque oĂč lâon prend conscience de la menace qui pĂšse sur la nature. JĂŒrgen Moltmann pointe sur la prĂ©sence de lâEsprit dans les animaux, les plantes, les Ă©cosystĂšmes de la terre. Câest une invitation Ă vivre en harmonie avec les ĂȘtres vivants et Ă respecter leur dignitĂ©. La vision de lâEsprit saint, telle que nous la propose JĂŒrgen Moltmann, est celle dâun Esprit qui communique la vie. Câest une vision qui rĂ©pond Ă nos profondes aspirations. Câest une vision qui porte une dynamique en Ă©cho Ă ce chant prĂ©sent dans notre mĂ©moire : « Dans le monde entier, le Saint Esprit agit⊠Au fond de mon cĆur, le Saint Esprit agitâŠÂ » (5)
Jean Hassenforder
(1)           JĂŒrgen Moltmann. LâEsprit qui donne la vie Une pneumatologie intĂ©grale. Cerf, 1999
(2)           « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151
(3)           JĂŒrgen Moltmann. The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016. PrĂ©sentation : https://vivreetesperer.com/?p=2697
(4)           « La PentecÎte : une communauté qui fait tomber les barriÚres » : https://vivreetesperer.com/?p=2390
(5)           « Dans le monde entier, le Saint Esprit agitâŠÂ » https://www.conducteurdelouange.com/chants/consulter/70
Voir aussi ce tĂ©moignage dâOdile Hassenforder, paru dans « Sa prĂ©sence dans ma vie » : « Dieu, puissance de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1405
par jean | Déc 22, 2014 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Le covoiturage : un lieu de rencontre et de solidarité, une respiration
 David habite Dreux. Il est souvent appelé à se déplacer. David nous raconte ici comment il a découvert et expérimenté BlaBlaCar.
« Une amie mâen avait parlĂ© et proposĂ© de limiter ainsi les frais de voyage des grandes vacances. Je nâai pas acceptĂ© croyant ainsi prĂ©servĂ© ma libertĂ©. Câest, il y a quelques mois, que jâai expĂ©rimentĂ© BlablaCar, car, pour de bon, Ă©tant privĂ© de voiture.
BlaBlaCar, câest un site internet (1) qui propose des petits et longs trajets dans toute la France et mĂȘme au delĂ . Il prĂ©sente de petites annonces avec le nom, lâĂąge, des Ă©lĂ©ments biographiques des conducteurs comme des passagers. Il suffit de sâinscrire Ă une annonce proposant un trajet et comme conducteur, il suffit de proposer un trajet et dâattendre que des passagers sâinscrivent. Le trajet coĂ»te au passager et rapporte au conducteur environ la moitiĂ© du coĂ»t rĂ©el pour une personne, ce qui fait moins dâun quart des prix des billets de train.
Le site modĂšre lui mĂȘme les prix en indiquant si les prix sont verts, oranges ou rouges, câest-Ă -dire sâils sont bon marchĂ©, moyens ou un peu chers. Lorsquâon est passager, on paie par carte bleue auprĂšs du site qui reverse la somme au conducteur en y ajoutant une commission.
 BlaBlaCar existe dĂ©jĂ depuis quelques annĂ©es et, il y a quelque temps, le service de mise en relation et de gestion des trajets se faisait sans facturer des commissions. A cet Ăąge dâor de BlaBlaCar selon les anciens utilisateurs de BlablaCar, appelĂ©s « ambassadeurs » ou « experts », il nây avait pas au dĂ©part de frais de commission, et lâargent se donnait de la main Ă la main au dĂ©but ou Ă la fin du trajet. Pour ceux qui dĂ©butent ou les habituĂ©s plus rĂ©cents, la commission fait partie du systĂšme. Depuis quelques annĂ©es, lâentreprise française BlaBlaCar a maintenant 60 salariĂ©s et a professionnalisĂ© et sĂ©curisĂ© le systĂšme Ă la fois au niveau de la sĂ©curitĂ© des membres du rĂ©seau en obligeant Ă lâidentification complĂšte, aussi en mettant en place une Ă©valuation des conducteurs et des passagers les uns par les autres, en amĂ©liorant le systĂšme de rĂ©servation qui est opĂ©rationnel Ă 100%. Ce service est une partie de la commission facturĂ©e. Lâautre partie de la commission, et câest lĂ un dĂ©bat de sociĂ©tĂ©, sert Ă provisionner la TVA. Câest lĂ oĂč les chauffeurs de taxi, les voitures avec chauffeurs et la SNCF sont concernĂ©s et « indignĂ©s » parce que le trajet en BlaBlaCar, câest un constat, sont de 2 Ă 6 fois moins chers, mais ne sont pas soumis Ă la mĂȘme TVA. Il y a actuellement un vide juridique en France sur ce point de fiscalitĂ©. Donc, en attendant que lâĂ©tat adopte une position fiscale par rapport Ă ce nouveau type dâentreprise, BlablaCar provisionne par cette commission un Ă©ventuel coup de frein quâobtiendrait la SNCF par exemple contre ce nouveau concurrent qui lui prend un nombre de passagers suffisamment important pour quâelle rĂ©agisse auprĂšs de lâĂ©tat dâune part, et que, dâautre part, elle crĂ©e sur son propre site de rĂ©servation et de billet un service de covoiturage. Câest dire si la tendance est dâactualité ».
Peut-on aller au travail en Blablacar ? « Personnellement jây suis allĂ© plusieurs fois avec des conducteurs qui allaient au travail eux aussi. Cela mâa permis de rencontrer un employĂ© de la SNCF, une contrĂŽleuse de la RATP, un restaurateur, un expert comptable, un informaticien du ministĂšre de la dĂ©fense qui se rendait Ă Balard, un professeur de mĂ©canique, un chef dâentreprise, des Ă©tudiants en Ă©conomie, en Ă©cole vĂ©tĂ©rinaire. Jâai aussi rencontrĂ© des personnalitĂ© surprenantes comme cette retraitĂ©e de 80 ans repartant dâun colloque Ă Paris pour la Bretagne et conduisant dâune façon hĂ©sitante dans lâagglomĂ©ration et, bien sĂ»r, avec une vieille voiture. Elle mâa parlĂ© longuement de son colloque sur « le dĂ©veloppement personnel et les neurosciences ». Jâajoute que jâai Ă©tĂ© aussi covoiturĂ© par un quinquagĂ©naire dâĂ©ducation protestante libĂ©rale qui mâa entretenu des bienfaits du chamanisme et des rites tantriques pendant une heure et demie.
Habitant Dreux, je constate que la liaison Bretagne, Normandie, Ile de France est particuliĂšrement peuplĂ©e et animĂ©e. Plusieurs trajets par jour sont proposĂ©s. Jâai pu constater aussi cet Ă©tĂ© en allant en vacances dans le sud en BlaBlaCar quâil Ă©tait extrĂȘmement facile et Ă©conomique de dĂ©cider en trois heures de monter dans une voiture pour Nice, Montpellier, NĂźmes, Perpignan. Jâai mĂȘme hĂ©sitĂ© Ă aller en Espagne.
Ce qui mâa le plus frappĂ©, câest que la plupart de temps passĂ© dans ce covoiturage est lâoccasion dâune vraie rencontre interpersonnelle, ce qui nâest pas rien, dans notre sociĂ©tĂ© et nâarrive pas dans les transports en commun. Quelques utilisateurs, dont moi parfois, sont dans le pragmatisme, mais la plupart du temps, et câest indiquĂ© dans lâannonce, des covoitureurs sont prĂȘts Ă faire un dĂ©tour de 15 Ă 30 minutes pour raccompagner le passager Ă son domicile ou Ă son lieu de travail, sont prĂȘts Ă Ă©couter de la musique ou pas, Ă parler un peu, beaucoup ou pas, et de fumer ou pas dans la voiture, tout cela Ă©tant prĂ©cisĂ© par de petites icĂŽnes appropriĂ©es sur le site. Il mâest arrivĂ© cet Ă©tĂ© sur la route de retour des vacances, revenant du pont de Millau, de faire route avec un couple qui circulait en deux voitures ; Jâai circulĂ© avec le monsieur (kinĂ©). Nous nous sommes arrĂȘtĂ©s au restaurant avec sa compagne. Surpris que son compagnon discute autant avec son passager BlaBlaCar, elle mâa demandĂ© si je voulais bien poursuivre le trajet dans sa voiture pour discuter avec elle aprĂšs avoir discutĂ© avec lui. Et câest comme cela quâun couple donne du travail dâaccompagnement pastoral et un magnifique retour de vacances Ă un pasteur heureux de reprendre son rĂŽle dâencouragement en retournant Ă sa paroisse. Comme souvent on se demande les uns les autres « ce quâon fait dans la vie » et que lâon en vient Ă parler de « ce que lâon fait dans la vie », lorsque je dis que je suis pasteur, il y a, en gĂ©nĂ©ral , soit un mouvement dâĂ©vitement, soit un regain dâintĂ©rĂȘt. Si câest lâĂ©vitement, je reparle dâautre chose. Si câest lâintĂ©rĂȘt, la conversation sâengage. Le plus frĂ©quent est un mĂ©lange des deux attitudes. Câest le mĂȘme phĂ©nomĂšne que lorsquâon dit tout de go quâon est chrĂ©tien. Ce que je trouve intĂ©ressant de mon cĂŽtĂ©, câest de voir quelquefois les gens sâouvrir dâeux-mĂȘme dâune maniĂšre familiĂšre et simple sur ce qui est au cĆur de leur vie, et câest fou la libertĂ© de parole et de questionnement lorsquâon parle Ă un inconnu. Câest alors quâon fait connaissance. Des gens mâont parlĂ© de Dieu, mais rarement. La grand-mĂšre retraitĂ©e mâa parlĂ© du besoin de libĂ©ration de lâhumain. Cependant, il ne mâest pas arrivĂ© jusquâici de rencontrer des chrĂ©tiens engagĂ©s. Je trouve Ă©tonnant de nâavoir rencontrĂ© aucun chrĂ©tien, mĂȘme sociologique, aprĂšs une quarantaine de voyages. En tout cas, la rĂ©flexion Ă©thique, la bonne rĂ©flexion morale est une constante sur ce rĂ©seau. Et les dialogues sont trĂšs respectueux.
Ayant le besoin de me dĂ©placer, jâai fait le constat que BlaBlaCar est non seulement un moyen de faire des Ă©conomies, mais aussi un lieu de solidaritĂ©. Jâai pris conscience de quelque chose que je voudrais mentionner presque comme une confession ou un aveu. Lorsque mon amie mâavait parlĂ© la toute premiĂšre fois de prendre des passagers dans ma voiture pour partir en vacances et allĂ©ger mes propres frais de route, jâavais dit non. Je nâai dĂ©couvert BlaBlaCar que 6 mois plus tard en nâayant plus de voiture. Or, cette dĂ©couverte de BlaBlaCar, le cĂŽtĂ© pratique, lâesprit de serviabilitĂ© du conducteur qui vous dĂ©pose jusquâĂ chez vous, lâintĂ©rĂȘt des Ă©changes humains, les contacts pris et les voyages agrĂ©ables Ă plusieurs mâont amenĂ© Ă me dire que globalement ces six derniers mois en Blablacar ont Ă©tĂ© bien plus agrĂ©ables que les six mois prĂ©cĂ©dents tout seul dans ma voiture. Jâavais voulu rester « tout seul dans ma voiture » croyant protĂ©ger mon confort, ma libertĂ© et ma vie privĂ©e. Je me demande aujourdâhui tout en disposant Ă nouveau dâune voiture, si je ne vais pas continuer de pratiquer BlaBlaCar une fois sur deux, sinon plus souvent. Proposer une Ă trois places Ă bord ne prend que trois minutes, me rapporterait pour chaque passager de ÂŒ Ă la Âœ du prix du trajet. Aller de Dreux Ă Paris pour un prix entre 5 et 8 euros pour 100 km en Ă©tant dĂ©posĂ© Ă une bouche de mĂ©tro ou de RER, restera trĂšs pratique.
Si je pousse un peu plus loin ma rĂ©flexion, je me demande si je nâai pas Ă©tĂ© victime dâun phĂ©nomĂšne qui finalement nâexiste pas quâen AmĂ©rique : le phĂ©nomĂšne du tout voiture. Jâavais un peu oubliĂ© la marche Ă pied, le vĂ©lo et la possibilitĂ© de lire. LâexpĂ©rience BlaBlaCar mâa permis un retour Ă ces fondamentaux pour la bonne santĂ© et de constater quâils avaient disparu avec le tout voiture. Je conserverai de cette expĂ©rience ma discipline quotidienne de la marche Ă pied. Quant Ă la possibilitĂ© de partager un trajet en covoiturage, câest une respiration. Des contraintes et un espace de convivialitĂ© sont partagĂ©s. Jâai bien peur que, sous couvert de confort et de libertĂ© avec le tout voiture, on se choisisse en fait une situation dâisolement, de repli de soi dans une relation peut-ĂȘtre fusionnelle, voire idolĂątre avec sa chĂšre voiture. En passant, et ce nâest pas rien, BlaBlaCar, câest un mode de vie Ă©cologique, plutĂŽt responsable ».
 Contribution de David Gonzalez
(1) BlaBlaCar : http://www.covoiturage.fr/
Sur ce blog, autre contribution de David Gonzalez : « Chagall, Dieu et lâamour » : https://vivreetesperer.com/?p=1260
Sur ce blog, voir aussi :
« Une rĂ©volution de lâĂȘtre ensemble » PrĂ©sentation du livre dâAnne-Sophie Novel et StĂ©phane Riot : « Vive la co-rĂ©volution. Pour une sociĂ©tĂ© collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1394
« Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1534
« Anne-Sophie Novel, militante Ă©cologiste et pionniĂšre de lâĂ©conomie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975
« OuiShare, communautĂ© leader dans le champ de lâĂ©conomie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866
par jean | Fév 15, 2012 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
La mort dâun proche nous atteint au plus profond de nous-mĂȘme. Notre relation avec lui est suspendue. Lâexpression de son amour Ă travers sa personne physique nous est ĂŽtĂ©e. Et la manifestation de notre amour pour lui est dĂ©sormais sans rĂ©ponse. Alors se pose Ă nous une question cruciale : Quâest-il advenu de cet ĂȘtre cher ? Dans le dĂ©sert du doute engendrĂ© par la mĂ©connaissance dâune conscience supĂ©rieure, beaucoup de gens souffrent de ce qui leur apparaĂźt une chute dans le nĂ©ant. La foi chrĂ©tienne nous apporte une rĂ©ponse. Cependant, on constate des diffĂ©rences importantes dans la formulation de cette rĂ©ponse, parfois des absences et des contradictions. Il y a bien des embĂ»ches comme la peur engendrĂ©e par lâimage dâun Dieu redoutable ou la perspective dâune barriĂšre qui sâĂ©lĂšverait entre les vivants et les morts. Face Ă la confusion, il y un grand besoin dâĂ©clairage. Nous prĂ©sentons ici un tĂ©moignage, celui dâune recherche de sens et la rĂ©ponse qui a Ă©tĂ© trouvĂ©e.
« Partie ! Elle Ă©tait partie. Il savait quâelle Ă©tait partie vers la plĂ©nitude de la communion avec un Dieu, communion dâamour. Le souffle de lâEsprit sâĂ©tait manifestĂ© dans les tĂ©moignages au cours de la cĂ©lĂ©bration. Ce dĂ©part Ă©tait donc Ă©clairĂ© par une conviction pacifiante. Dans les derniers mois, il avait menĂ© la lutte avec elle au coude Ă coude. En grĂące, sa force et sa joie de vivre lâavait encouragĂ© et Ă©clairĂ©Â . Ce lien dâamour Ă©tait-il rompu ? Des discours, des propos laissaient entendre quâil devrait attendre sa propre mort pour renouer avec sa prĂ©sence. Et, jusque lĂ , un grand vide. Alors plusieurs mois de dĂ©chirement sâen suivirent. Au carrefour de plusieurs cultures chrĂ©tiennes, il entendait des propos diffĂ©rents. Les avis Ă©taient partagĂ©s. Certains de ses amis, sous lâemprise de doctrines rigides, Ă©taient embarrassĂ©s. Leurs marques dâaffection sâaccompagnaient dâun grand silence. Et dâailleurs, pour rĂ©pondre aux attentes, il est bien utile de sâĂȘtre dĂ©jĂ posĂ© de vraies questions. LâexpĂ©rience manquait. Dans dâautres cercles, en dâautres influences thĂ©ologiques, la bontĂ© se traduisait en encouragements qui le touchait : « Elle tâaccompagne ». Mais lui, en dĂ©sir dâhonnĂȘtetĂ©, il voulait ne pas cĂ©der Ă la facilitĂ© et pouvoir fonder son jugement sur une vraie comprĂ©hension biblique et thĂ©ologique. Câest alors que la lecture du livre de JĂŒrgen Moltmann : « In the end.. the beginning »(1) intervint providentiellement. Elle lui donnait la rĂ©ponse. La prĂ©sence demeurait sur un certain registre. Non pas une fixation fusionnelle, une communication prĂ©cise, et non plus une priĂšre Ă elle directement adressĂ©e. Non, tout simplement une seconde prĂ©sence dans la communion en Christ. Pouvoir adorer et louer Dieu en communion avec elle..et beaucoup dâautres. Et puis, il retrouva un texte dâelle oĂč sâadressant au mari dâune amie dĂ©cĂ©dĂ©e, elle parlait de celle-ci en terme de transfiguration dans la communion des saints. Dans les derniĂšres annĂ©es, elle avait croisĂ© la pensĂ©e de Moltmann et, dans ses Ă©crits personnels, il y avait bien des affinitĂ©s avec cette pensĂ©e : une anticipation de la vie, une force et une joie de vivre⊠Peu Ă peu, il remontait la pente. Lâaffection reçue comptait. Et cependant, en dehors de quelques amis, proches et ouverts, il trouvait peu dâinterlocuteurs pour partager sa rĂ©flexion. Pourtant, Ă lâĂ©poque, le seul Ă©clairage des textes ne lui suffisait pas. Un jour, providentiellement, il reçut un soutien fondĂ© sur une expĂ©rience analogue. Ce soutien lui donna de lâassurance. Ce fut un tournant dĂ©cisif ».
Ce tĂ©moignage dĂ©bouche sur une mĂ©ditation Ă partir de la thĂ©ologie de JĂŒrgen Moltmann (2) dont nous prĂ©senterons par la suite quelques aspects, car elle apporte une vision Ă la fois cohĂ©rente et pacifiante fondĂ©e sur la parole biblique et inspirĂ©e par la puissance de lâamour de Dieu en Christ.
« Dieu si grand, si bon, si puissant dans son amour ! Christ mort et ressuscitĂ© a remportĂ© la victoire sur la mort. LâEsprit qui donne la vie remplit tout lâunivers et renverse les barriĂšres. La vie circule. La communion dans lâamour qui se manifeste dans un Dieu trinitaire se rĂ©pand au delĂ et irrigue la rĂ©alitĂ© spirituelle. Il nây a point de mur de sĂ©paration entre les vivants et les morts, mais une communion en Dieu, en Christ. La grĂące de Dieu est plus forte que le mal et elle lâemportera dans la seconde crĂ©ation oĂč « Dieu sera tout en tous ».  Dans les Ă©preuves et les souffrances engendrĂ©es par le deuil, quel rĂ©confort et quelle espĂ©rance ! »
JH
Sources
(1)           Moltmann (JĂŒrgen). In the end, the beginning. The life of hope. Fortress press, 2004 (Ce livre est en cours de traduction aux Ă©ditions Empreinte ) . PrĂ©sentation du livre sur le site de TĂ©moins : « Vivre dans lâespoir. Dans la finâŠun commencement » http://www.temoins.com/ressourcement/vivre-dans-l-espoir-dans-la-fin-un-commencement.html
(2)           « La vie par delĂ la mort », sur le blog prĂ©sentant la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : LâEsprit qui donne la Vie http://www.lespritquidonnelavie.com/
Autres ressources
° On pourra lire aussi un article Ă©clairant de Jean-Claude Schwab sur le site : expĂ©rience et thĂ©ologie : « LâĂȘtre intime. En quĂȘte de lâ « ĂȘtre intime » et du « corps spirituel ». ExpĂ©riences actuelles Ă la lumiĂšre de la transfiguration, la rĂ©surrection et lâascension de JĂ©sus ». http://www.experience-theologie.ch/reflexions/ressourcement/letre-intime/
° Un livre Ă©mouvant rendant compte dâun cheminement spirituel Ă©crit par la thĂ©ologienne, Lytta Basset : Basset (Lytta). Ce lien qui ne meurt jamais. Albin Michel, 2007