par jean | Sep 11, 2012 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Société et culture en mouvement |
Un regard nouveau pour un monde nouveau
« Petite Poucette » de Michel Serres.
On mesure, Ă la lecture de ce compte-rendu lâimportance que nous accordons Ă ce livre. En effet, en prĂ©sence dâune rĂ©alitĂ© qui change, il nous aide Ă changer notre regard . Mais il ne sâagit pas dâun changement limitĂ©. De fait, nous sommes engagĂ© dans une mutation qui induit et requiert une rĂ©volution mentale. Michel Serres est un bon guide, car il nâest pas seulement un bon observateur, mais aussi un Ă©pistĂ©mologue, connaisseur des mĂ©thodes et des rĂ©sultats de la science. Ce livre est aussi le fruit dâune aptitude Ă la sympathie. Il sait voir avec le cĆur. Et câest pourquoi, en communion avec Petite Poucette, il est capable de regarder vers lâavenir et donc dâen percevoir la venue. Certes, on peut sâinterroger sur telle ou telle proposition, mais il y a dans ce livre une dimension Ă©pique qui suscite lâĂ©merveillement. Aussi, cette pensĂ©e interpelle les acteurs dans diffĂ©rents champs dâactivitĂ©.
Dans bien des domaines, nous sommes confrontĂ©s aux blocages et aux rĂ©sistances des mentalitĂ©s. Combien le monde de lâĂ©cole est encore loin aujourdâhui de lâhorizon qui s dĂ©couvre Ă travers le livre de Michel Serres. En politique , il y a bien quelques figures pionniĂšres qui Ă©voquent la dĂ©mocratie participative et lâintelligence collective. On pense, par exemple, Ă SĂ©golĂšne Royal. Il y a un long chemin Ă parcourir.
Et, dans le domaine religieux, combien les institutions sont encore, pour la plupart, modelĂ©es par lâhĂ©ritage du passĂ©Â : hiĂ©rarchie descendante de haut en bas, sacralisation des formulations, communication asymĂ©trique. La mentalitĂ© patriarcale est encore prĂ©gnante. Alors, lĂ aussi des voix sâĂ©lĂšvent pour libĂ©rer le message de vie portĂ© par lâEvangile, de la gangue religieuse dans lequel il est trop souvent enfermĂ©. On entend bien Michel Serres lorsquâil Ă©voque : « lâintuition novatrice et efficace » (p 25) par delĂ lâencombrement des connaissances. Les formulations rigides, rĂ©pĂ©titives, impĂ©ratives, sans lien avec la vie et enfermĂ©es sur elles-mĂȘmes sont de plus en plus contestĂ©es. Un nouvel entendement apparaĂźt et se rĂ©pand. Ainsi, aux Etats-Unis, Diane Butler Bass vient de publier un livre sur « Le christianisme aprĂšs la religion » (1). Elle met en Ă©vidence les effets pervers des dogmatismes et elle met en Ă©vidence le dĂ©veloppement dâune « foi expĂ©rientielle » Cette valorisation de lâexpĂ©rience ne rejoint elle pas celle de lâintuition ? On peut Ă©voquer ici la dĂ©marche pionniĂšre du thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann . DĂšs les annĂ©es 1970, il a Ă©crit un livre intitulĂ© « Le Seigneur de la danse » (2). Ce livre nous parle de jeu et de libertĂ©. Il Ă©voque la Sagesse de Dieu qui dĂ©clare : « Je faisais ses dĂ©lices, jour aprĂšs jour et je jouais sans cesse devant lui » (Proverbes 8.30) . Moltmann mentionne le philosophe grec HĂ©raclite : « La cours du monde est un enfant qui joue et qui place les pions ça et lĂ . Câest un royaume de lâenfant ». Cet Ă©loge du jeu rappelle une des intuitions de Michel Serres qui est rejoint par Moltmann dans sa critique des excĂšs de la pensĂ©e analytique.
ThĂ©ologien de lâespĂ©rance, JĂŒrgen Moltmann nous permet de regarder vers lâavenir en voyant lâoeuvre de Dieu qui vient vers nous et nous invite Ă aller de lâavant (3). Dans son livre, « Petite Poucette », Michel Serres nous dĂ©crit lâĂ©mergence dâune « nouvelle maniĂšre dâĂȘtre et de connaĂźtre » . Câest un phĂ©nomĂšne nouveau et de grande ampleur. « LibĂ©rĂ©e des relations asymĂ©triques, une circulation nouvelle fait entendre les notes, quasi musicales, de sa voix (p 52). Tout le monde communique avec tout le monde en rĂ©seaux innombrables . Ce tissu de voix sâaccorde Ă celui de la Toile, les deux bruissent en phase » (p 59). La pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann nous apporte en Ă©cho un Ă©clairage thĂ©ologique. « Lâessence de la crĂ©ation dans lâEsprit est par consĂ©quent la « collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de lâEsprit dans la mesure oĂč elle font connaĂźtre « lâaccord gĂ©nĂ©ral »⊠Etre vivant, signifie exister en relation avec les autres. Vivre, câest la communication dans la communion ». (4)
Bien sĂ»r, il y a aujourdâhui des menaces, des tensions, des peurs. Dâailleurs, Michel Serres a Ă©crit Ă©galement un livre sur « Le Temps des crises » (5) : « Mais que rĂ©vĂšle le sĂ©isme financier et boursier qui nous secoue aujourdâhui ? Si nous vivons une crise, aucun retour en arriĂšre nâest possible. Il faut donc inventer de nouveau » (6). « Petite Poucette » nous montre un vieux monde en train de dĂ©pĂ©rir et un nouveau monde en train de naĂźtre. Comme les institutions censĂ©es nous apporter du sens sont elles-mĂȘmes engoncĂ©es dans lâhĂ©ritage du passĂ©, câest le message initial qui se rappelle Ă nous en Ă©cho Ă la rĂ©volution mentale en cours aujourdâhui. Et quel est ce message ? Câest la figure de la PentecĂŽte . « Ils furent tous remplis de lâEsprit et se mirent Ă parler dans diffĂ©rentes langues selon que lâEsprit leur donnait de sâexprimer » (Livre des Actes 2.4). Et leurs paroles furent entendues et comprises par des gens du monde entier. Pour nous, il y a une analogie entre cette expĂ©rience initiale de lâEsprit et lâeffervescence qui se manifeste aujourdâhui et que Michel Serres dĂ©crit en ces termes : « Pour la premiĂšre fois de lâhistoire, on peut entendre la voix de tous. La parole humaine bruit dans lâespace et le temps » (p 58).
J H
(1)           Christianity after religion. The end of the church and the birth of a new spiritual awakening. Harper One, 2012. Mise en perspective sur le site de TĂ©moins : « La montĂ©e dâune nouvelle conscience spirituelle ». .http://www.temoins.com/etudes/la-montee-d-une-nouvelle-conscience-spirituelle.-d-apres-le-livre-de-diana-butler-bass-christianity-after-religion.html
(2)            Moltmann (JĂŒrgen). Le Seigneur de la danse. Essai sur la joie dâĂȘtre libre. Le Cerf, 1972 (Foi Vivante). RĂ©Ă©ditĂ©Â .
(3)           Vie et Ćuvre de JĂŒrgen Moltmann dâaprĂšs son autobiographie : « A broad place » : « Une thĂ©ologie pour notre temps » sur le site : « LâEsprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695
(4)            JĂŒrgen Moltmann est lâauteur de plusieurs livres en rapport avec le thĂšme de cet article : « LâEsprit qui donne la vie » et « Dieu dans la crĂ©ation » (Editions du Cerf). Les citations sont empruntĂ©es au livre : Dieu dans la crĂ©ation (p 25 et p 15)
(5)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Serres (Michel). Le temps des crises. Le Pommier, 2009. (Manifestes)
(6)           Cette recherche de nouveautĂ© est en cours selon les compĂ©tences des uns et des autres . Ainsi lâĂ©conomiste, Daniel Cohen vient de publier un livre : « Homo economicusâŠÂ », oĂč il met lâaccent sur les dĂ©gradations et les menaces, et notamment sur les incidences nĂ©fastes de la montĂ©e des inĂ©galitĂ©s au cours des derniĂšres dĂ©cennies. Son apprĂ©ciation dâinternet est mitigĂ©e (p 157-161). A raison, Daniel Cohen montre les consĂ©quences fĂącheuses de la prĂ©dominance du modĂšle de « lâhomo economicus » : « Dans lâĂ©quilibre entre compĂ©tition et coopĂ©ration, il faut redonner vie Ă la seconde en rĂ©enchantant le travail, en remettant Ă plat les frontiĂšres du gratuit et du payant, en repensant la coopĂ©ration internationale, Ă commencer par celle de lâEurope » (p 206): Cohen (Daniel). Homo economicus, prophĂšte (Ă©garĂ©) des temps nouveaux. Albin Michel, 2012. Nous renvoyons Ă©galement ici Ă la vision prospective et dynamique de JĂ©rĂ©mie Rifkin dans son livre : « La TroisiĂšme RĂ©volution industrielle » . Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=354     Michel Serres, bien au fait de la conjoncture actuelle, ne mĂ©connaĂźt pas les menaces actuelles, mais, dans la prise en compte Ă la fois dâune histoire de longue durĂ©e et de la mutation technologique et culturelle actuelle, il choisit de proposer une vision positive, prospective et mobilisatrice.
Suite et fin des trois contributions précédentes : La grande mutation dans la transmission des savoirs. Vers une société participative . Vers un nouvel usage et un nouveau visage du savoir.
par jean | Juin 6, 2014 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Société et culture en mouvement |
communautĂ© leader dans le champ de lâĂ©conomie collaborative
En considĂ©rant le monde dâaujourdâhui, les prĂ©occupations ne manquent pas. Les menaces abondent. Et, en France mĂȘme, on perçoit crainte et dĂ©sarroi. Les rĂ©centes Ă©lections europĂ©ennes ont manifestĂ© une poussĂ©e de crispations identitaires. Mais lâorientation de notre rĂ©flexion dĂ©pend beaucoup de notre regard. Si nous sommes inspirĂ©s par une espĂ©rance qui va au delĂ des turbulences et des orages marquant notre immĂ©diat, alors nous pourrons ĂȘtre attentifs aux Ă©mergences qui prĂ©parent un avenir meilleur. Nous prĂȘterons attention aux tendances positives. Le dĂ©veloppement de lâĂ©conomie collaborative en France paraĂźt ainsi exprimer un changement prometteur dans les reprĂ©sentations et les comportements. Ă cet Ă©gard, lâapparition, puis la croissance rapide de la communautĂ© « OuiShare » est un phĂ©nomĂšne particuliĂšrement significatif.
En 2012, Anne-Sophie Novel et StĂ©phane Riot publient un livre qui, Ă partir de lâapparition de nouveaux comportements, exprime la vision dâune sociĂ©tĂ© collaborative : « Vive la Co-rĂ©volution. Pour une sociĂ©tĂ© collaborative  » (1). Ils mettent en Ă©vidence lâĂ©closion de nombreuses entreprises qui dĂ©veloppent des pratiques de partage. Cette rĂ©volution tranquille traduit la montĂ©e dâune maniĂšre nouvelle dâenvisager la vie. Ainsi, avons- nous prĂ©sentĂ© ce livre dans ce blog sous le titre : « Une rĂ©volution de lâĂȘtre ensemble  » (2), expression elle-mĂȘme empruntĂ©e Ă cet ouvrage innovant et visionnaire. En 2013, Anne-Sophie Novel publie un second livre : « Le vie share. Mode dâemploi » (3). Elle dĂ©finit son livre comme « un espace dâexploration et de discussions sur les alternatives qui sâoffrent Ă nous pour vivre autrement et sâadapter aux crises ». « Cet ouvrage prolonge et complĂšte sous un angle pratique le premier livre : « Vive la Co-rĂ©volution ». Et elle note que ce travail est soutenu par « OuiShare », la communautĂ© internationale de lâĂ©conomie collaborative. Effectivement, le groupe « OuiShare », crĂ©Ă© en janvier 2012, a grandi rapidement. Anne-Sophie Novel continue Ă analyser et Ă commenter le dĂ©veloppement de lâĂ©conomie collaborative sur un blog qui sâinscrit dans lâespace du journal « Le Monde » : « MĂȘme pas mal ! Partage dâalternatives pour mode de vie en temps de crise » (4).
Ouishare : une communauté émergente qui prend forme
Oui au partage . Oui, nous partageons. Cette affirmation se traduit sous le terme franco-anglais : Ouishare. Ă lâautomne 2011, un petit groupe se rĂ©unit chaque mois. Ce sont « des amis qui se sont rencontrĂ©s Ă travers Antonin qui a lancĂ© le premier blog français sur lâĂ©conomie collaborative ». Et, en janvier 2012, la communautĂ© « OuiShare » est crĂ©Ă© Ă Paris. La croissance va ĂȘtre extrĂȘmement rapide, puisquâen deux ans, OuiShare est devenue « un leader international dans le champ de lâĂ©conomie collaborative qui a rapidement Ă©voluĂ©, passant dâune poignĂ©e de personnes enthousiastes, Ă un mouvement global dans 25 pays en Europe, AmĂ©rique Latine et Moyen Orient avec un rĂ©seau des 50 experts connecteurs engagĂ©s avec 2000 membres et contributeurs Ă travers le monde » (5).
        Comment la communautĂ© OuiShare se prĂ©sente-t-elle aujourdâhui ?
        « OuiShare a pour mission dâapporter aux citoyens, aux institutions publiques et aux entreprises la capacitĂ© de dĂ©velopper une Ă©conomie collaborative fondĂ©e sur le partage, la collaboration et lâouverture en sâappuyant sur des communautĂ©s et des rĂ©seaux horizontaux. Nous croyons que cette Ă©conomie peut rĂ©soudre une bonne part des dĂ©fis complexes auxquels le monde fait face et permettre Ă chacun dâaccĂ©der aux ressources et aux opportunitĂ©s dont il a besoin pour vivre.
        Comme communautĂ© globale, non tournĂ©e vers la recherche du profit, les activitĂ©s de OuiShare consistent Ă construire une communautĂ©, produire de la connaissance, discuter de projets en rapport avec la communautĂ© et avec lâĂ©conomie collaborative, offrir un soutien aux individus et aux organisations Ă travers une formation et des services professionnels ».
        OuiShare trouve son identité dans un ensemble de valeurs qui inspirent comportements et orientations.
« Voici les principes qui nous unissent. Ces principes ne sont pas apparus en un jour, mais ils sont le produit dâun long processus qui a commencĂ© au second sommet de OuiShare Ă Rome en novembre 2012. Cette liste exprime un mouvement et elle continuera Ă Ă©voluer. Ces valeurs se dĂ©clinent autour des termes suivants :
° Transparen ce
° Ouvertur e : organisation non hiérarchique à laquelle chacun peut se joindre et participer. Un processus qui est fondé sur le gouvernement des pairs
° Rencontre avec les gens de la vie rĂ©elle : lâinternet ne peut remplacer le contact avec la vie rĂ©elle
° InventivitĂ© « Permanent Beta » : Ouishare est une expĂ©rience avec une approche de start up. Avec curiositĂ© et ouverture, nous nous efforçons dâentreprendre continuellement des choses nouvelles
° Inclusio n : Ouishare bénéficie de contributions trÚs variées
° Indépendanc e : refus de toute dépendance ; pas de partenariats exclusifs
° Action  : agir sans attendre
° Jeu  : le travail ne doit pas ĂȘtre ennuyeux
° Feedbac k : contribue à la participation
° Impac t : accélérer le mouvement vers une économie plus participative
Cette liste exprime bien un accent sur le partage, lâouverture et la crĂ©ativitĂ©.
On peut observer dans OuiShare une dynamique dâassociation et de participation . Cette dynamique est facilitĂ©e par lâengagement de membres plus engagĂ©s dans un travail dâanimation et de mise en contact : une cinquantaine de « connecteurs ». Le terme : connection est lui-mĂȘme significatif. Cette communautĂ© se dĂ©veloppe dans une connection en rĂ©seau. Mais le processus ne repose pas seulement sur internet. Les organisateurs insistent sur lâimportance des rencontres et ils organisent des Ă©vĂšnements qui permettent aux membres de faire connaissance et de partager leurs expĂ©riences et leurs projets.
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FĂȘte 2014 de OuiShare : lâĂąge des communautĂ©s
Et câest ainsi que, du 5 au 7 mai 2014, Ă Paris, au Cabaret Sauvage, a eu lieu la fĂȘte 2014 de OuiShare : « LâĂąge des communautĂ©s  ». Venant de 50 pays, 1000 participants sây sont retrouvĂ©s. Un moment trĂšs dense avec 120 sessions et 140 contributeurs, mais aussi des espaces oĂč la convivialitĂ© et la crĂ©ativitĂ© ont pu sâexprimer en tĂ©moignant de la vitalitĂ© dâune jeune gĂ©nĂ©ration (6). On pourra accĂ©der Ă cette rĂ©flexion commune Ă travers une remarquable politique de communication associant diffĂ©rents apports : vidĂ©os, e books, mais aussi graphismes sur des registres diffĂ©rents oĂč lâexpression personnelle est bien prĂ©sente (7). OuiShare publie Ă©galement un magazine. La crĂ©ativitĂ© se dĂ©ploie.
Dans la reconfiguration actuelle du rapport entre individus et entitĂ©s sociales, on assiste aujourdâhui Ă la montĂ©e dâaspirations nouvelles comme un dĂ©sir de convivialitĂ© et une recherche de sens (8). Le dĂ©veloppement de la communautĂ© OuiShare tĂ©moigne dâun changement en profondeur dans les reprĂ©sentations et les comportements. Cette Ă©mergence se rĂ©alise Ă travers la convergence dâacteurs agissant dans des champs diffĂ©rents. OuiShare est une communautĂ© connectĂ©e qui favorise et suscite la crĂ©ativitĂ© et lâesprit dâinitiative chez les participants. On pourra interprĂ©ter ce phĂ©nomĂšne sur diffĂ©rents registres (9). Et le processus Ă lâĆuvre dans cette communautĂ© peut faire Ă©cole dans dâautres champs. Dans le climat français actuel, oĂč morositĂ© et manque de confiance se font sentir, lâĂ©mergence de OuiShare est une bonne nouvelle.
J H
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(1)           Novel (Anne-Sophie), Riot (Stéphane). Vive la CO-révolution. Pour une société collaborative. Alternatives, 2012 (ManifestÎ)
(2)           Sur ce blog : PrĂ©sentation du livre : Vive la Co-rĂ©volution » « Une rĂ©volution de « lâĂȘtre ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=1394
Egalement sur ce blog, une interview de Pippa Soundy Ă propos du livre : « Vive la Co-rĂ©volution » : « Pour une sociĂ©tĂ© collaborative. Un avenir pour lâhumanitĂ© dans lâinspiration de lâEsprit » : https://vivreetesperer.com/?p=1534
(3)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Novel (Anne-Sophie). La vie share. Mode dâemploi. Consommation, partage et modes de vie collaboratifs. Alternatives, 2013 (ManifestĂŽ)
(4)           Blog de Anne-Sophie Novel (M blog) : « MĂȘme pas mal ! Partage dâalternatives pour mode de vie en temps de crise » : http://alternatives.blog.lemonde.fr/
(5)           Site de Ouishare : http://ouishare.net/en
(6)           Présentation du festival 2014 de OuiShare dans sa dynamique et sa diversité sur le site : We demain (Une revue. Un site. Une communauté) : http://www.wedemain.fr/La-generation-co-prepare-l-avenir-au-OuiShare-Fest_a512.html
La revue : We Demain promeut lâĂ©conomie collaborative, les recherches innovantes et les causes Ă©cologiques.
(7)           Une politique de communication pour transmettre tout lâapport du festival : http://magazine.ouishare.net/2014/05/ouishare-fest-collaborative-economy/
(8)           « Emergence dâespaces conviviaux et aspirations contemporaines », sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/parcourir-le-site/recherche-et-innovation/etudes/1012–emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie.html
(9)           Sur ce blog, nous trouvons inspiration dans la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann. Dans le livre : « Dieu dans la crĂ©ation » (Cerf, 1988), Moltmann reconnaĂźt lâEsprit de Dieu Ă lâĆuvre dans la crĂ©ation, dans le monde et dans lâhumanitĂ©. Il Ă©crit : « Tout existe, vit et se meut dans lâautre, lâun dans lâautre, lâun avec lâautre, lâun pour lâautre, dans les structures cosmiques de lâEsprit divin⊠Lâ« essence » de la crĂ©ation dans lâEsprit est par consĂ©quent la « collaboration », et les structures manifestent la prĂ©sence de lâEsprit, dans la mesure oĂč elles font reconnaĂźtre lâ« accord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (M Buber) (p 25). Câest dire lâimportance de tout mouvement qui tend vers la collaboration et le partage.
par jean | Août 7, 2016 | ARTICLES , Beauté et émerveillement , Emergence écologique , Hstoires et projets de vie , Vision et sens |
« Blueturn » : la terre vue du ciel
Selon Jean-Pierre Goux
Nous avons de plus en plus conscience du caractĂšre exceptionnel de cette terre qui accueille notre humanitĂ© et qui est maintenant notre « maison commune » (1). Les photos de la terre vue du ciel participent au dĂ©veloppement de cette vision. Dans une intervention Ă la rencontre FED X Vaugirard Road 2016 sur le thĂšme : « Penser lâinvisible », Jean-Pierre Goux nous prĂ©sente un parcours de prĂšs de vingt ans dans lequel il a militĂ© pour une meilleure visibilitĂ© de ces photos : « Voir la terre comme vous ne lâavez jamais vue » (2). En dĂ©couvrant combien le regard sur cette planĂšte peut ĂȘtre chargĂ© dâĂ©motion et porter un potentiel de grĂące et dâamour, on suit avec passion lâaventure de Jean-Pierre Goux dâautant plus que celui-ci la retrace avec beaucoup dâhumour et dâĂ©motion.
Pour commencer, Jean-Pierre Goux nous prĂ©sente une photo de la terre vue du ciel dans sa globalitĂ©. « Vous avez tous vu cette photographie au moins sur la couverture de vos livres dâhistoire, et sans doute bien ailleurs, car cette photo est la plus reproduite de toute lâhistoire de lâhumanitĂ©. Pourquoi ? Elle est unique. Câest la seule quâon ait de la terre toute Ă©clairĂ©e ». Ou, du moins, câest la seule quâon avait jusquâĂ lâannĂ©e derniĂšre. « En effet, elle a Ă©tĂ© prise en 1972 par les astronautes de la mission Apollo 17, la derniĂšre des missions Apollo. Dans les missions prĂ©cĂ©dentes, la terre nâĂ©tait jamais complĂštement Ă©clairĂ©e. Elle sâappelle : « Blue marble ». Donc câest la premiĂšre photo quâon a eu, mais câest aussi la derniĂšre ».
Câest une photo qui a tout changĂ©, nous dit Jean-Pierre Goux. « Pour la premiĂšre fois , lâhumanitĂ© voyait sa maison. Elle dĂ©couvrait que la terre Ă©tait ronde. On le savait. On nous lâavait dit. On en qavait la preuve. Cette photo nous a aussi fait comprendre que notre planĂšte Ă©tait magnifique, mais quâelle Ă©tait aussi fragile, perdue dans une identitĂ© noire et lugubre. Elle nous adonnĂ© envie de la protĂ©ger. Cette photo a dĂ©marrĂ© un mouvement quâon appelle la conscience planĂ©taire. Elle est intervenue en 1972 quand les problĂšmes environnementaux devenaient globaux et a contribuĂ© au dĂ©veloppement du mouvement Ă©cologiste. Malheureusement, les effets de cette photo se sont estompĂ©s avec les dĂ©cennies ».
J P Goux nous raconte alors comment il en est venu Ă sâinterroger personnellement sur cette photo. « Mon histoire avec la terre a dĂ©marrĂ©, il y a une vingtaine dâannĂ©es, en 1996. Un ami dâĂ©cole dâingĂ©nieurs, qui faisait un stage Ă lâaĂ©rospatiale, mâoffre un livre qui a changĂ© ma vie. Je nâimaginais pas Ă lâĂ©poque quâil allait mâemmener aussi loin. Ce livre, il sâappelait : « Clairs de terre ». Il a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© par lâassociation des « explorateurs de lâespace » (une association des anciens astronautes). En feuilletant ce livre, jâai vu des photos de la terre vue de lâespace, Ă couper le souffle. Mais ce qui mâa surtout intriguĂ©, câĂ©taient les textes qui Ă©taient Ă cĂŽtĂ© de ces photos. CâĂ©taient des citations dâastronautes dâune poĂ©sie extraordinaire qui semblaient avoir Ă©tĂ© saisis par la grĂące, mais surtout par un amour que je nâavais jamais autant vu pour la terre. Je me suis dit quâil y avait lĂ quelque chose Ă exploiter pour changer les choses et rendre le monde meilleurâŠÂ ». Ainsi, pendant des dizaines et des dizaines de citations, on voit des hommes et des femmes de toutes nationalitĂ©s manifester un amour incommensurable pour la terre.      Quelque chose paraissait les avoir touchĂ©. Cet effet a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©Â et porte le nom dâ « overview effect » (3). Il a Ă©tĂ© montrĂ© scientifiquement que lâeffet combinĂ© de lâapesanteur, de la peur, du silence, et de lâexposition au grand large de la terre tournant avec un rythme lancinant, crĂ©e toutes les conditions pour une expĂ©rience mystique, extatique, une expĂ©rience qui a marquĂ© Ă vie ceux qui lâont vĂ©cue. Ces astronautes Ă©taient persuadĂ©s que la terre est un ĂȘtre vivant, interconnectĂ© et quâil fallait absolument le prĂ©server⊠Le seul problĂšme, câest quâil nây avait que 500 personnes qui avaient vĂ©cu cette transformation !!!
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A cette Ă©poque, Al Gore Ă©tait vice-prĂ©sident des Etats-Unis, trĂšs investi dans lâĂ©cologie. En 1998, deux mois aprĂšs le protocole de Kyoto, et se demandant comment sensibiliser les gens au dĂ©fi du changement climatique, « Une nuit, inspirĂ© par « Blue marble » et ce que cette photo avait changĂ© quand il Ă©tait plus jeune, il eut le rĂȘve dâenvoyer une sonde dans lâespace pour filmer la terre en temps rĂ©el et diffuser les images sur internet pour que les gens voient le visage illuminĂ© de GaĂŻa ». En rĂ©ponse, la Nasa sâengagea dans ce projet.
« Le problĂšme, câest que pour avoir ces images, câest trĂšs compliquĂ© parce que, si vous voulez avoir en temps rĂ©el des images de la terre complĂštement Ă©clairĂ©e, il faut ĂȘtre sur lâaxe terre-soleil, parce que câest le seul axe oĂč la terre est complĂštement Ă©clairĂ©e. Si vous ĂȘtes trop prĂšs du soleil, la force du soleil vous attire. Si vous ĂȘtes trop prĂšs de la terre, la force de la terre vous attire. En fait, il nây a quâun point qui correspond entre les deux, le point de Lagrange L1 oĂč les deux forces sâannulent. Mais il est Ă 1,5 million kilomĂštres de la terre. La Nasa a relevĂ© le dĂ©fi et construit un satellite adĂ©quat. Cependant Al Gore ayant Ă©tĂ© dĂ©fait aux Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines en 2000, le projet fut interrompu par le nouveau pouvoir politique. Jean-Pierre Gout, alors chercheur mathĂ©maticien aux Etats-Unis, fut profondĂ©ment déçu, car il attendait de cette initiative un renouveau de la sensibilisation Ă la conscience planĂ©taire. Mais il ne perdit pas confiance et continua Ă suivre les Ă©vĂšnements. En 2013, il dĂ©couvre que lâadministration Obama relance le projet sous une autre forme. Câest le projet « Discovr ». LâexĂ©cution est confiĂ©e Ă la firme « Space X ». En juin 2015, le satellite atteint sa destination. Et, en septembre 2015, un site web commence Ă diffuser des photos de la terre au rythme de 10 Ă 20 photos par jour. Cependant cette performance nâest pas vraiment mise en valeur. « Personne nâa parlĂ© de ces photos. Personne ne les a utilisĂ©es. Aucun « overview effect » nâa Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©. Un grand dĂ©sarroi mâa habitĂ©. Tout ça pour ça ! ».
Et puis, Ă nouveau, Jean-Pierre Goux est inspirĂ©. Il prend contact avec un ami, le mĂȘme qui lui avait passĂ© le livre : « Clairs de Terre ». Cet ami accepte de travailler avec lui, via internet « On a passĂ© des nuits Ă voir ce quâon pouvait faire avec ces images , via internet. Un soir : eurĂȘka ! Si on disposait plusieurs images de la terre prises sous diffĂ©rents angles et quâon les projetait sur une sphĂšre en les interpolant, on devrait pouvoir crĂ©er cette fameuse vidĂ©o Ă laquelle jâaspirais. On y a travaillĂ© plusieurs nuits et, un soir, on a vu la terre tourner pour la premiĂšre fois devant nos yeux. On Ă©tait Ă©merveillĂ©Â ! ».
Les deux chercheurs ont dĂ©cidĂ© de tester les rĂ©actions des gens. Ils ont mis la vidĂ©o sur internet et ils lâont taggĂ©e : la Nasa. « Quelques heures aprĂšs, on a reçu un mail de la Nasa qui nous fĂ©licitait en nous demandant comment on avait rĂ©alisĂ© cette vidĂ©o : Quand on a Ă©tĂ© en contact avec le responsable de la mission « Discovr », cela a Ă©tĂ© pour nous un des moments les plus forts de notre parcoursâŠÂ ».
Jean Pierre-Goux a rĂ©alisĂ© son rĂȘve et nous le communique. « Ce rĂȘve, câest quâon sâapproprie tous ces images en partageant le sentiment dâun bien collectif quâon doit protĂ©ger. On a crĂ©Ă© un projet : « Blueturn » (le tournant bleu) et sur le site : blueturn.earth (4), on peut trouver toutes ces images, toutes ces vidĂ©os. Avec ces images, on espĂšre gĂ©nĂ©rer un nouvel enthousiasme autour de cette planĂšte et surtout des projets artistiques, mĂ©ditatifs et Ă©ducatifs inĂ©dits. On espĂšre que ces projets pourront plonger chacun de nous dans un « overview effect » et nous amener au prochain niveau de conscience planĂ©taire. Quand les astronautes de la mission Apollo 17 ont pris la photo « Blue marble », ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Nous non plus. Ces images sont les vĂŽtres. A vous de jouer ! ». Nous participons Ă ce mouvement.
J H
(1)           « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151
(2)           « Voir la terre comme vous ne lâavez jamais vue ». Talk de Jean-Pierre Goux au colloque : « Penser lâinvisible » organisĂ© par Ted X Vaugirard Road. 13 juillet 2016                               https://www.youtube.com/watch?v=Boe8F09OvWI
(3)           Overview effect : Description sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Overview_effect  On pourra Ă©galement consulter des vidĂ©os exprimant lâexpĂ©rience dâacteurs anglophones : https://www.youtube.com/watch?v=CHMIfOecrlo
(4)           Blueturn.earth : Blueturn : the whole earth experience : http://blueturn.earth
par jean | Juin 17, 2020 | ARTICLES , Emergence Ă©cologique |
Une nouvelle maniĂšre de vivre en harmonie avec le vivant
« En route pour lâautonomie alimentaire » (1), tel est le titre dâun livre rĂ©cent de François Rouillay et de Sabine Becker . Prendre ce chemin, câest rĂ©pondre au dĂ©sĂ©quilibre dâune existence humaine oĂč le contact sâest rompu entre la terre nourriciĂšre et lâassiette de nos repas et oĂč la continuitĂ© de notre alimentation est soumise Ă la menace dâune rupture dans nos chaines dâapprovisionnement Ă©clatĂ©es dans la distance gĂ©ographique et soumises aux alĂ©as de la spĂ©culation.
Cependant, ce livre nous dit bien plus. Car emprunter le chemin de lâautonomie alimentaire, câest Ă©galement sâengager dans un nouveau genre de vie , une vie en phase avec la nature nourriciĂšre. Et tout ceci implique une nouvelle Ă©thique qui fonde une approche collaborative : « prendre soin de soi, de lâautre et de la terre ». (p 62)
Ainsi ce livre : « En route pour lâautonomie alimentaire » est ambitieux, mais il est aussi rĂ©aliste. Le sous-titre nous en informe : « Guide pratique Ă lâusage des familles, villes et territoires » . En effet, nous nâavançons pas dans lâinconnu. Le chemin est dĂ©jĂ reconnu et balisĂ© par de nombreuses initiatives collaboratives. Et ceux qui sont dĂ©jĂ impliquĂ©s dans ces initiatives oĂč la prĂ©sence du vivant engendre du bonheur peuvent accĂ©der Ă une joie que les auteurs mettent en lumiĂšre : « Lorsque nous sommes connectĂ©s par le partage, cette Ă©nergie, ce carburant, cette essence qui rĂ©sident en nous nous permet dâavancer, d âĂ©voluer, de faire tomber nos barriĂšres, nos zones dâombre. La joie est une immense force qui nous conduit vers lâamour libĂ©rĂ© de nos peurs et autres pollutions psychiques, vers lâamour semblable Ă celui de lâenfantâŠ. » (p 195).
Ce livre nous permet dâentrer dans une recherche oĂč la vie se reconstruit diffĂ©remment : un volet participatif, un volet Ă©ducatif, un volet coopĂ©ratif et un volet rĂ©gĂ©nĂ©ratif . A chaque fois, nous dĂ©couvrons de belles expĂ©riences dans une grande variĂ©tĂ© dâapproches du « permis de vĂ©gĂ©taliser la ville en paysage nourricier », aux « poulaillers participatifs », aux « ateliers de cuisine » et aux « zones dâactivitĂ© nourriciĂšre ». Câest une collaboration inventive.
Les auteurs : une approche pionniÚre
Auteur du livre avec Sabine Becker , François Rouillay a Ă©tĂ© un pionnier de cette approche au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Il raconte comment, Ă un moment propice, oĂč, consultant en politiques publiques, il sâinterrogeait Ă leur sujet, il a dĂ©couvert une approche innovante qui dĂ©bute dans une petite ville anglaise. Effectivement, elle est nĂ©e Ă Todmorden quand deux mĂšres de famille, subissant le dĂ©clin Ă©conomique et social du nord de lâAngleterre, ont dĂ©cidĂ© de rĂ©agir et de crĂ©er un mouvement pour planter lĂ©gumes et fruits dans la ville en vue dâoffrir une nourriture Ă partager . François Rouillay sâest engagĂ© pour dĂ©velopper cette expĂ©rience en France en suscitant un mouvement : « Les incroyables comestibles » . « Il sâagissait de fabriquer des bacs de nourriture Ă partager sur un domaine privĂ© ouvert au public ou visible depuis la rue qui enverrait un signal trĂšs fort dâoffrande de nourriture que lâon aurait soi-mĂȘme mise en terre » (p 19). Pendant trois ans, François Rouillay a Ă©tĂ© lâanimateur de ce mouvement , travaillant « dans la foi absolue que celui-ci aurait un effet transformateur dans les quartiers et dans les villes. Et ce fut le cas » (p 19). Le mouvement sâest alors rĂ©pandu Ă vive allure. En trois ans, il sâest propagĂ© en France et Ă lâinternational dans plus de 800 villes et 30 pays. A lâĂ©poque, nous avons rapportĂ© sur Vivre et espĂ©rer une interview de François Rouillay en pleine action :
https://vivreetesperer.com/incroyable-mais-vrai-comment-les-incroyables-comestibles-se-sont-developpes-en-france/ Ce fut une vĂ©ritable Ă©popĂ©e. François Rouillay a ainsi « accompagnĂ© des centaines et des centaines de groupes ». Malheureusement, cette activitĂ© sâest rĂ©vĂ©lĂ©e Ă©puisante et a portĂ© atteinte Ă la vie privĂ©e de François.  En mars 2015, « il dĂ©cide de passer la main aprĂšs trois annĂ©es de bĂ©nĂ©volat ». Une nouvelle Ă©tape commence pour François Rouillay. Il rencontre Sabine Becker. La perspective sâĂ©largit. En conjuguant la compĂ©tence de chacun, ils induisent le dĂ©veloppement dâun mouvement pour lâautonomie alimentaire.
Sabine Becker a exercĂ©, pendant trente-deux ans, la profession dâingĂ©nieure urbaniste dans diffĂ©rentes collectivitĂ©s publiques. Au vu des obstacles rencontrĂ©s, elle a pris conscience que son activitĂ© professionnelle « nâĂ©tait pas juste » et « elle a cherchĂ© Ă comprendre pourquoi ». « Une grande quĂȘte sâen est suivie qui mâa conduite Ă Ă©tudier le fonctionnement de lâĂȘtre humain dans les diffĂ©rentes dimensions qui le composent. Je me suis Ă©galement formĂ©e Ă la connaissance des Ă©nergies dans le monde vivant des humains, mais aussi des rĂšgnes vĂ©gĂ©tal, animal et minĂ©ral » (p 23). « Ma vision est devenue holistique et mon regard est appliquĂ© au travail sur soi, au travail collectif et aux territoires » (p 24).
François Rouillay et Sabine Becker se sont ainsi rejoints, « lui dans le domaine de la participation citoyenne au service de lâautonomie alimentaire et donc de la restauration de la santĂ© des personnes, des sols et de la biodiversitĂ©, et, elle, dans le domaine holistique du fonctionnement humain en matiĂšre comportemental sur les plans Ă©motionnel et mental (p 24). Ensemble, Ă la suite des expĂ©riences passĂ©es, ils ont dĂ©gagĂ© une vision du retour Ă lâautonomie alimentaire et Ă©laborĂ© des stratĂ©gies pour sa mise en Ćuvre. « Il sâagissait pour nous de diffuser la connaissance Ă partir de mĂ©thodes pĂ©dagogiques accessibles au plus grand nombre, dâexpĂ©rimenter des techniques de fabrication de sol nourricier en milieu urbain et pĂ©riurbain et dâanimer des rĂ©seaux de personnes volontaires engagĂ©es dans lâagriculture urbaine et la transition alimentaire sur les territoires » (p 24).
Câest dans ce but que François Rouillay et Sabine Becker ont crĂ©Ă© « LâUniversitĂ© francophone de lâautonomie alimentaire » et le site francophone qui en est lâexpression : http://www.autonomiealimentaire.info
Et câest ainsi quâils en sont venus Ă publier ce livre : « En route vers lâautonomie alimentaire ». Cet ouvrage prĂ©sente la feuille de route de 21 actions rĂ©sultant de nombreuses expĂ©riences et rĂ©flexions et permettant le retour Ă lâautonomie alimentaire de maniĂšre individuelle et collective.
Pour des paysages nourriciers
DĂ©velopper lâautonomie alimentaire, câest non seulement faire face Ă des dĂ©sĂ©quilibres insĂ©curisant, câest Ă©tablir une relation bienfaisante avec la nature pourvoyeuse de nourriture . Comment envisager cette autonomie ? Câest « la capacitĂ© dâun territoire urbain Ă produire une nourriture saine permettant de rĂ©pondre aux besoins quotidiens primordiaux des habitants âŠ. Il sâagit dâobtenir, Ă travers une production locale constituĂ©e de fruits, de lĂ©gumes, de lĂ©gumineuses, de noix, de diverses cĂ©rĂ©ales, dâĆufs et de viandes, si nous sommes loin de la mer, de poissons dâĂ©levage en eau douce, ainsi que de produits laitiers et dâhuiles vĂ©gĂ©tales ; le tout Ă©tant rĂ©coltĂ©, voire transformĂ© sur ce territoire, ou situĂ© dans une proche pĂ©riphĂ©rie (moins dâune heure de trajet), Ă©levĂ© et cultivĂ© selon des mĂ©thodes respectueuse de la santĂ© et de lâenvironnement » (p 37).
Or, une telle politique requiert un nouvel amĂ©nagement de lâespace. Et cet amĂ©nagement dĂ©pend lui-mĂȘme de notre niveau de conscience. Les auteurs mettent en Ă©vidence les dĂ©viations qui sont intervenues au cours des derniĂšres dĂ©cennies. « Comment se fait-il quâau cours des cinquante derniĂšres annĂ©es nous soyons passĂ©s des espaces nourriciers aux espaces verts dâornement ? » . Et, par ailleurs, « les entrĂ©es de nos villes forment des espaces pĂ©riurbains vouĂ©s invariablement aux zones commerciales avec leurs parkings et leurs ronds points » (p 47). En regard, le dĂ©veloppement de lâautonomie alimentaire requiert une conscience collective. « Et lâun des moyens pour y contribuer est tout simplement de rendre les paysages nourriciers âŠ.. ». « A plus grande Ă©chelle que celle des bacs de nourriture, cela permettrait de mettre en Ă©vidence le lien entre le sol et lâassiette et nous en redonnerait le goĂ»t » (p 68). Tout au long de ce livre, nous voyons comment des paysages nourriciers peuvent apparaĂźtre et se dĂ©velopper. Et, par exemple, une des premiĂšres actions recommandĂ©es, câest dâobtenir lâautorisation de planter lĂ©gumes et fruitiers dans la ville auprĂšs des collectivitĂ©s publiques. Câest « le permis de vĂ©gĂ©taliser la ville en espace nourricier » (p 17). « Le permis de vĂ©gĂ©taliser est une pratique rĂ©cente que le mouvement international : « Incredible edible » (Incroyables comestibles ) a grandement contribuĂ© Ă gĂ©nĂ©raliser. Il exprime avant tout une volontĂ© politique dâouvrir lâespace public Ă la participation citoyenne pour lâagriculture urbaine. Pour des questions de sĂ©curitĂ© et de responsabilitĂ©, il a progressivement Ă©tĂ© accompagnĂ© de protocoles (conventions simplifiĂ©es entre des citoyens dĂ©sireux de jardiner la ville et les services techniques de la collectivitĂ©) et dâune procĂ©dure administrative (p 67) . En France, de nombreuses villes ont maintenant officialisĂ© leur permis de vĂ©gĂ©taliser .
Une dynamique associative
Ce livre nous indique un chemin : en route vers lâautonomie alimentaire. Mais le mouvement en ce sens est dĂ©jĂ Â bien engagĂ©. Et il manifeste une dynamique associative. Celle-ci sâest dĂ©jĂ rĂ©vĂ©lĂ©e dans la rapide expansion du mouvement des « Incroyables comestibles » qui a gagnĂ© ville aprĂšs ville. La mĂȘme force anime les nombreuses et diverses initiatives qui apparaissent dans ce livre. Câest le commun dĂ©nominateur des volets « participatif, Ă©ducatif, coopĂ©ratif, rĂ©gĂ©nĂ©ratif » de la feuille de route (p 6-7). Et ainsi les maĂźtres-mots sont bien : collaboration, coopĂ©ration, participation, partage. Ainsi parle-t-on de « vergers et de jardins partagĂ©s », de « pĂ©piniĂšres citoyennes participatives » et mĂȘme de « poulaillers participatifs ». Ainsi cette collaboration sâexerce en divers domaines et Ă des Ă©chelles diffĂ©rentes. François Rouillay nous rapporte le fonctionnement dâun poulailler participatif au QuĂ©bec . « Sept familles sây impliquent en intervenant Ă tour de rĂŽle pendant une semaine pour prĂ©parer la moulĂ©e, donner Ă manger, nettoyer et « cueillir » les Ćufs. Le service revient toutes les sept semaines » ( p 110).
Tout ce mouvement, si divers dans ses expressions, sâinscrit dans « une vision commune partagĂ©e » : « Nous ne sommes absolument pas dans une dĂ©marche autarcique dâindividualitĂ©s en repli⊠La logique cosmique des choses nous indique que nous sommes interdĂ©pendants les uns des autres âŠ. Nous avons besoin les uns des autres pour rendre possible lâexpression dâune intelligence collective autour dâune vision commune partagĂ©e » (p 193).
Ce livre tĂ©moigne dâune vision. Elle sâexprime notamment dans lâĂ©pilogue : « Voir les choses dans leur ensemble ; les fondements : eau, sol, semences, arbres ; lâhomme est le gardien des Ă©quilibres ; lâunivers est un lieu de crĂ©ation et dâabondance » (p 197-199). Ce sont des pensĂ©es directrices qui orientent notre marche vers une sociĂ©tĂ© nouvelle, un nouveau genre de vie, une Ă©thique.
En mĂȘme temps, Ă travers ce livre, on reconnaĂźt le levain dans la pĂąte dâaujourdâhui comme lâĂ©crit le prĂ©facier, Fabien Tournan : « Le fil conducteur de ce guide porte sur lâĂ©mersion de ce qui existe dĂ©jĂ , qui est lĂ partout dans le monde, expĂ©rimentĂ©, enseignĂ©, mais masquĂ© par le vacarme du modĂšle marchand qui domineâŠ. Il nous conduit Ă nous reconnecter Ă la terre, Ă celle qui nous nourrit, que nous devons prĂ©server, entretenir, celle dont nous devons prendre soin. Câest un livre qui nous invite ainsi Ă rencontrer la paix » (p 10) . Avec François Rouillay et Sabine Becker, entrons dans ce beau voyage.
(1) François Rouillay et Sabine Becker . En route pour lâautonomie alimentaire. Guide pratique Ă lâusage des familles, villes et territoires Terre vivante, 2020
Aujourdâhui, le 12 juin 2020, François Rouillay fait le point dans une vidĂ©o : « Autonomie alimentaire. Comment sâimpliquer ? » :
https://www.youtube.com/watch?v=nE9kU0d93YA&feature=youtu.be&fbclid=IwAR1Xx0IHD6Tu9QKn-RltCDF1F_XGdutACjK2qKiTE0jMPp3BUaKQu78NTTI
J H
Voir aussi :
« Vers une économie symbiotique » : https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/
par jean | Déc 11, 2015 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Vision et sens |
Nos comportements, nos actions dĂ©pendent de nos reprĂ©sentations, de notre maniĂšre de voir. Et de mĂȘme, nos engagements dĂ©pendent de notre capacitĂ© dâavoir confiance et dâespĂ©rer, de voir le positif (1). Ainsi, ce que nous vivons et ce que nous faisons dĂ©pendent pour une bonne part de notre regard. A cet Ă©gard, dans cette vidĂ©o du CCFD-Terre Solidaire pour une collecte de dons Ă lâoccasion de NoĂ«l (2), la courte mĂ©ditation de Guy Aurenche : « Changer de regard » nous paraĂźt particuliĂšrement propice Ă la rĂ©flexion sur lâimportance de notre maniĂšre de voir.
« LâhumanitĂ© toute entiĂšre sâest-elle Ă©chouĂ©e sur une plage de Turquie ?
Dans lâinformation qui nous arrive, difficile de voir des lueurs dâespoir.
Cette information nous enferme dans la fatalité et nous aveugle.
Pourtant, changer de regard, câest dĂ©jĂ changer le monde.
Voir que la misĂšre et la faim ont des causes structurelles et quâon peut donc les combattre
Voir pour rendre la dignité à ceux et à celles qui se battent et qui ne sont pas que des victimes
Voir pour soutenir ceux et celles qui inventent leur moyen de vivre : une coopérative, une banque de semences, des formations pour les jeunes
Voir quâun autre monde est possible, quâil existe dĂ©jĂ âŠ
Un monde oĂč nous sommes tous humains contre la faim.
La parole de Guy Aurenche nous appelle Ă dĂ©placer notre attention, Ă passer dâune focalisation sur les catastrophes et de lâaccablement correspondant, Ă Â une entrĂ©e dans un mouvement de solidaritĂ© et de libĂ©ration
Ici, changer de regard, câest entrer dans une vision nouvelle. Cette vision nâest pas seulement mobilisatrice, elle est crĂ©atrice. Un nouveau monde apparaĂźt.  « Changer de regard, câest dĂ©jĂ changer le monde⊠Voir quâun autre monde est possible, quâil existe dĂ©jĂ âŠÂ »
J H
(1)           Sur le blog : « LâEsprit qui donne la vie » : « Agir et espĂ©rer. EspĂ©rer et agir ». LâespĂ©rance comme motivation et accompagnement de lâaction : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=900
(2)           Une vidéo du CCFD-Terre solidaire : « Noël contre la faim » : http://noelcontrelafaim.org/changerderegard/?url=player&utm_medium=EMAIL&utm_source=CCFD&utm_campaign=avent&utm_term=noel
Guy Aurenche est président du CCFD-Terre solidaire. Sur ce blog, une contribution de Guy Aurenche : « Briser la solitude » : https://vivreetesperer.com/?p=716               Voir aussi sur le site de Témoins : « la fraternité sauvera le monde » : http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/la-fraternite-sauvera-le-monde.html