Vivre en harmonie avec la nature

Écologie, théologie et spiritualité

 

Face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur la nature, une conscience écologique est apparue et se développe aujourd’hui. Ce mouvement appelle et comporte une dimension spirituelle. Car la crise que connaît la nature est liée aux comportements humains et donc aux représentations qui en sont l’origine.

 

Dans un entretien entre le Dalaï Lama et Stéphane Hessel récemment publié sous le titre : « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit. » (1), le problème est abordé d’emblée. Stéphane Hessel exprime le malaise occidental dans une interprétation du facteur religieux : « Dans la foi chrétienne et juive, Dieu a donné pour mission aux êtres humains de nommer les objets de la nature, de dire : ceci est une forêt, cela est un arbre… Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. L’homme n’est pas le maître de la nature. Il en est seulement une composante. Et, à  partir de là, on peut penser que l’esprit qui prévaut dans le monde n’est pas seulement l’esprit de l’homme. L’homme peut le capter en partie, mais l’esprit ne lui appartient pas à lui seul » (p 11).

Ce questionnement nous amène à nous interroger sur la manière dont les textes bibliques ont été interprétés à travers le temps et quelle est leur véritable signification. C’est la tâche qui a été entreprise depuis plusieurs décennies par le théologien Jürgen Moltmann (2) qui a trouvé en France un « passeur » et un médiateur, en la personne d’un écologiste chrétien, Jean Bastaire, à travers la publication d’une anthologie de textes intitulée : « Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique » (3).

Comment vivre en harmonie avec la nature ? Dans un livre récent : « Ethik der Hoffnung » (2010), traduit et publié en anglais en 2012 sous le titre : « Ethics of hope » (4) (Éthique de l’Espérance), Jürgen Moltmann nous présente une réflexion éthique dans la vision de l’Espérance chrétienne. Ce livre consacre trois grandes sections à l’éthique de la vie, à l’éthique de la terre et à l’éthique de la paix.

Dans son approche des rapports de l’homme et de la nature, il nous appelle à passer « de la domination à la communauté » (p 66-69).

 

Sortir de la domination.

        

         « La crise que nous vivons n’est pas seulement une crise écologique. Elle ne peut être résolue seulement par la technologie. Une inversion dans nos convictions et nos valeurs fondamentales est nécessaire tout comme une inversion dans notre manière de vivre ».

Il importe d’examiner et de corriger les déviations qui sont intervenues dans nos représentations religieuses en provoquant des effets néfastes sur nos manières de vivre et sur nos comportements.

En effet, « En Europe occidentale, depuis la Renaissance, Dieu a été envisagé de plus en plus à sens unique comme le « Tout puissant ». L’omnipotence est devenue un attribut prééminent de la Divinité. Dieu est le Seigneur et maître, le monde est sa propriété et Dieu peut y faire tout ce qu’il lui plait. Dans la tradition occidentale, Dieu est entré de plus en plus dans la sphère de la transcendance et le monde a alors été perçu comme purement immanent et terrestre. Le monde a perdu le mystère qui entoure la création divine… Cette révolution a entraîné la sécularisation du monde et de la nature ».

Ce changement dans la représentation dominante de Dieu a engendré une transformation de la représentation de l’homme dans son rapport avec la nature : « Comme image de Dieu sur la terre, l’être humain a été amené à se voir lui-même en correspondance comme maître et seigneur, à s’élever au dessus du monde devenu un objet passif et à le subjuguer ».

Or, de fait, l’humanité fait partie de la création. Le monde humain s’inscrit dans une dimension cosmique plus large dont la vie sur la terre dépend et dans l’évolution de tous les êtres vivants » (p 139).

Notre appréciation des rapports entre l’humanité et la nature dépend ainsi pour une large part de la représentation que nous avons de Dieu.

 

Entrer dans une communauté.

 

Jürgen Moltmann nous appelle à entrer dans une représentation de Dieu « trois en un » (« triune ». « Ce Dieu là n’est pas un Dieu solitaire et dominateur qui assujettit toute chose. C’est un Dieu relationnel et capable d’entrer en relation, un Dieu en communion (« fellowship God »). Comme dit la Parole : « Dieu est amour ». L’ancienne doctrine de la Trinité était une interprétation de cette expérience

Dans cette perspective, les comportements humains vont changer en conséquence : « Les êtres humains vont également entrer en communion (« fellowship »). L’image de Dieu sur terre n’est plus un individu solitaire, mais une vraie communauté humaine. Ce ne sont plus des éléments de la création pris individuellement qui reflètent la sagesse et la beauté de Dieu. C’est la communauté de la création dans son ensemble ».

Dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (5), Jürgen Moltmann a montré l’œuvre créatrice accomplie par l’Esprit de Dieu. « La perception de l’Esprit divin en toutes choses engendre une vision nouvelle du monde. Si l’Esprit de Dieu est engagé dans toute la création, alors l’Esprit divin oeuvre en faveur de l’unité et de la communauté de toutes  les créatures entre elle et avec Dieu. La vie est communauté. La trame des relations mutuelles est suscitée par l’Esprit divin qui, à cet égard, peut aussi être appelé l’ « Esprit cosmique ».

Nous voici devant une compréhension renouvelée de la nature, une compréhension écologique. « C’est un paradigme nouveau de la communauté, de la culture et de la nature dans une communication caractérisée par la réciprocité ». « Dans l’eschatologie chrétienne, telle que nous la trouvons dans l’épître aux Éphésiens et l’épître aux Corinthiens, l’œuvre de Dieu en Christ, la christologie unit ensemble le destin de l’humanité avec le destin du cosmos dans la vision de la nouvelle création ».

 

Ainsi, tel que Jürgen Moltmann l’expose dans le chapitre 9 de « Ethics of hope », consacré à la dimension écologique, nos combats actuels pour la protection de la nature (6) et pour le développement de l’écologie s’inscrivent dans une grande perspective et dans une grande vision. Apprenons à vivre en harmonie avec la nature.

J H

 

(1)            Dalaï-Lama,  Stéphane Hessel. Déclarons la pais ! Pour un progrès de l’Esprit. Indigène éditions, avril 2012.

(2)            On trouvera une présentation de la vie et de la pensée de Jürgen Moltmann, ainsi que des textes introduisant à certains aspects de cette pensée sur le site : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/

(3)            Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. Les textes sont issus de grandes œuvres de Moltmann parues au Cerf : Dieu dans la création ; Trinité et Royaume de Dieu ; Jésus, le Messie de Dieu ; La venue de Dieu.  Voir sur le site : l’Esprit qui donne la vie, une présentation de la pensée de Moltmann sur la création : « Dieu dans la création » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=766

(4)            Moltmann (Jürgen). Ethics of hope. Fortress Press, 2012

(5)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 « La possibilité de reconnaître l’œuvre de Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu a pour fondement théologique la compréhension de l’Esprit de Dieu comme puissance de création et comme source de vie. « C’est le souffle de Dieu qui m’a fait, l’inspiration du Puissant qui me fait vivre » dit Job (Job 33.4). (p 60)

Sur le blog : Vivre et espérer : « Pour une conscience écologique. Une expérience de terrain » https://vivreetesperer.com/?p=694

Au cœur de nous, il y a un espace !

vb#J’aime cet espace, il est particulier ; il est un foyer vivant de ma personne !
Dans ce lieu de moi, je sens inscrites des choses fondamentales, des paroles de vie, des intuitions profondes pour  ma vie, mes désirs les plus essentiels ; les prendre en compte ne m’a pas trompée ! Bien plutôt conduite vers des chemins de vie, de santé, de bonheur !
J’aime cet espace ; il  est en nous, au plus profond de nous ! Alors que souvent nous cherchons tous azimuts, jusqu’à nous perdre, nous dissoudre, nous avilir, nous détruire.
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Dans cet espace, je goûte un repos, un rafraîchissement ; je refais mes forces !
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Il n’est pas à confondre avec ma bulle où je me protègerais des autres, du monde…
Au contraire, il me relance toujours à nouveau vers les autres, mais après m’y être revigorée ! C’est même de là que j’accueille les intuitions pour poursuivre ma route !
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Comment trouver ce lieu en nous quand l’au-dedans de nous est si souffrant ou n’est que souffrance, pour certains ?
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… Au plus « grave » en moi c’est là que je peux être surpris par un  « malgré tout » :
une soif, malgré tout,
un espoir malgré tout,
un désir, malgré tout !
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Au cœur de nous, il y a un espace ;
Au cœur de nous, il y a un espace, malgré tout !
il y a un espace où pulse de la vie, malgré tout !
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RĂ©sonnent en moi ces paroles de Christiane SINGER :
« L’espoir ne doit plus être tourné vers l’avenir, mais vers l’invisible.
Seul celui qui se penche vers son cœur comme vers un puits profond
retrouve la trace perdue. »

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Valérie Bitz


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Valérie Bitz est formatrice agréée PRH.

 Nous la remercions pour cette contribution qui a été également publiée sur le blog prh, le 22 février 2014. Consulter le site de PRH Personnalité et relations humaines : http://www.prh-france.fr/

 Coordonnées de Valérie Bitz :

valerie.bitz@prh-france.fr

Tél : 03 89 76 73 62 / 06 89 06 77 10

 

Du 10 au 16 août, à Colmar (68), Valérie Bitz anime un stage PRH :

« Chemin de l’être, chemin de Dieu »

L’être, lieu de l’ouverture à plus grand que nous, en nous.

 

Contributions de Valérie Bitz sur ce blog :

 « Exprimer ce qu’il y a de plus profond en moi ». https://vivreetesperer.com/exprimer-ce-quil-y-a-de-plus-profond-en-moi

 « Apprendre à écouter son monde intérieur et à le déchiffrer. Pourquoi ? pour qui ? ».  https://vivreetesperer.com/apprendre-a-ecouter-son-monde-interieur-et-a-le-dechiffrer-pour-quoi-pour-qui/

 « Et si je tentais d’exprimer ce que je ressens par la peinture ou le graphisme pour y voir plus clair ! » https://vivreetesperer.com/et-si-je-tentais-dexprimer-ce-que-je-ressens-par-la-peinture-ou-le-graphisme-pour-y-voir-plus-clair/

 « Des expériences de transcendance : cela peut s’explorer ! »  https://vivreetesperer.com/des-experience-de-transcendance-cela-peut-sexplorer/

 

Une révolution culturelle, selon Jean Viard

 Si la pression de la pandémie se relâche actuellement, elle nous a profondément marqué et nous gardons une saine vigilance. Dans la menace omniprésente et les bouleversements nécessaires de nos habitudes sociales pour y faire face, nous avons vécu un véritable cauchemar. Et si , aujourd’hui, nous commençons à nous réveiller, notre regard a changé. Nous voyons le monde différemment, mais en quoi au juste ? D’où venons nous ? Où en sommes nous ? Où allons nous ? Voilà des questions auxquelles Jean Viard nous aide à répondre dans un livre récent : « La révolution que l’on attendait est arrivée » (1).

Nous avons déjà rencontré Jean Viard sur ce blog (2). C’est un sociologue qui allie hauteur de vue et regard concret nourri par l’observation de la vie quotidienne. Lui même est enraciné dans un pays, en Provence et, en même temps, comme sociologue, comme éditeur, il est constamment en phase avec l’évolution de notre société. Il sait donner une signification aux données chiffrées et aborder les réalités sociales dans leurs proportions. Jean Viard a également le grand mérite de ne pas se contenter de décrire la réalité, mais de dégager également des voies d’avenir. Cette sociologie s’allie à une dynamique de l’espoir.

Alors, dans le contexte actuel, encore hésitant, ce livre vient à point. Il est particulièrement éclairant comme les précédents livres de Jean Viard. Il foisonne en réflexions originales. Aussi, nous nous bornerons à n’en présenter que quelques points forts, des visions qui éclairent nos manières de voir. Ce livre se lit de bout en bout. Et comme aujourd’hui nous avons besoin d’y voir plus clair, c’est un livre qui appelle la lecture de tous, une lecture citoyenne parce qu’elle encourage et éclaire le vivre ensemble.

 

Comment le désastre a-t-il pu être limité ?

Chacun a pu frémir en voyant la menace se manifester en des milliers et des milliers de morts. Cependant, est-ce qu’au total nous n’avons pas échappé au pire ? Est-ce que le désastre n’a pas été contenu ? Jean Viard nous aide à voir le positif dans le négatif.

Face à cette épidémie, il y a eu un choix qui témoigne d’une priorité accordée à la vie humaine. Ce choix a été politique : accepter de « casser l’économie pour « sauver les vieux » pourtant improductifs » (p 26).

Cette solidarité s’est manifestée également sur le plan social : «  Télescopage des générations et immenses phénomènes de solidarité. Des jeunes ont été fantastiques. Ils se sont hyperprotégés pour préserver les plus âgés. Ils ont remplacé au pied levé les retraités qui agissaient dans des associations de solidarité. C’est une force. Dans les milieux populaires, ça s’est relativement bien passé, car ce sont les familles qui gardent le plus leurs anciens à la maison… » (p 33).

Cette solidarité s’est manifestée à tous les niveaux. « L’expérience fut tragique et extraordinaire : familiale, locale, nationale, continentale et planétaire. Des humains unis dans un même combat, une même incertitude. La France fit corps, l’Europe fit corps. Le monde fit corps. Les familles firent corps autour de leurs anciens » (p 14). Jean Viard discerne ainsi du positif dans une réaction disparate. Nous ne reviendrons pas ici sur les erreurs et les fautes des dispositifs sanitaires. L’auteur pointe les lourdeurs de l’organisation administratives.

Sur un autre registre, Jean Viard met l’accent sur les progrès de la science. « La science a fait des pas de géant. Deux cent soixante laboratoires ont travaillé en parallèle. Des centaines de milliards ont été engagés. La science a repris sa place historique de porteuse de progrès et de soin » (p 14).

Au total, le désastre a été limité. En regard, la grippe espagnole a été beaucoup plus dévastatrice. Elle a pris « de cinquante à cent millions de vies dans une humanité deux fois moins nombreuse et beaucoup moins mobile. Réjouissons-nous que la vie humaine ne soit plus une variable d’ajustement, mais soit devenue pour le monde entier, une valeur cardinale » (p 16). Aujourd’hui, il y a eu « des millions de morts et de malades », mais « le combat sauva sans doute de cinquante à cent millions de vies » (p 26).

 

Une transformation profonde

Cette épreuve a engendré une réflexion profonde, une remise en cause. Les mentalités et les comportements ont changé. Et si nous entrons dans une rétrospective historique, nous pouvons découvrir que notre société a changé de cap. Jean Viard met en évidence cette transformation. « Nous avons changé de monde » (p 11). « Le fond de l’air n’est plus le même. La hiérarchie de l’importance des choses et des métiers a été comme bousculée » (p 14). En voici un indice : « 10% des français disent vouloir changer de vie. Ils ne le feront pas tous, mais ils le désirent. C’est un mouvement puissant » (p 34).

Jean Viard nous décrit quelques lignes de force de la transformation actuelle. « Le retour d’un commun – cette fois-ci planétaire et simultanément – ouvre une nouvelle époque, comme la révolution industrielle l’avait fait au XIXè siècle. Mais alors seulement pour une part de l’humanité. Aujourd’hui, nous sommes tous acteurs dans le même temps planétaire » (p 28). Une nouvelle civilisation s’annonce : écologique et numérique. « Nous sommes en train de nous décrocher des sociétés industrielles et post-industrielles pour basculer dans des sociétés numériques et écologiques.

La vie, y compris celle de la nature, a repris le pas sur la matière transformée et l’objet… » (p 22). La pandémie actuelle nous rappelle que nous appartenons au monde du vivant. Elle nous apprend que nous sommes capables de faire face au réchauffement climatique à travers un changement de nos priorités et de nos comportements. « Cette pandémie va servir pendant des décennies de justification à la lutte contre le dérèglement climatique. De cette tragédie, peut, et doit, naître un nouvel impératif existentiel au nom de ceux qui ont souffert et qui sont morts » (p 94).

La crise sanitaire a pu ĂŞtre affrontĂ©e grâce Ă  la prĂ©sence du numĂ©rique. « Sans internet, le confinement aurait Ă©tĂ© invivable » (p 56). Aujourd’hui, le numĂ©rique est partout disponible.  « Ce n’est que depuis 1945 que la sociĂ©tĂ© du pĂ©trole dirige nos dĂ©placements et nos rencontres. La Grande PandĂ©mie marque une rupture de mĂŞme nature. Le numĂ©rique a pris la main. On ne va Ă©videmment pas supprimer le lien physique. Il faudra toujours se voir, mais dorĂ©navant, la première question qu’on se posera, sera : Peut-on le faire par Zoom, Skype ou autre… Bien sĂ»r, les deux modes de rencontre vont se complĂ©ter » (p 45-46). Aujourd’hui, le tĂ©lĂ©travail est devenu une rĂ©alitĂ© majeure. Ainsi partout, le numĂ©rique est en train de s’imposer. « MĂŞme au sein de la famille, on se verra par zoom. Amazon Ă©crasera alors les très grandes surfaces. Le tĂ©lĂ©travail – du moins Ă  temps partiel- deviendra la règle pour ceux qui le peuvent. Les enseignants eux-mĂŞmes utiliseront plus souvent les outils  numĂ©riques… » (p 46).

Et, en même temps, il y a aujourd’hui un grand désir d’un nouveau genre de vie : donner un sens à sa vie, vivre en relation, se trouver à proximité de la nature, rechercher le beau. Dès lors, on veut repenser nos lieux de vie. Jean Viard évoque les laideurs de la modernisation de l’après-guerre. « Demain, peu à peu, la priorité va être donné à la mise en scène du patrimoine, du beau, de l’art, des forêts, des bocages. C’est ce que j’appelle l’esprit des lieux » (p 62).

« Aujourd’hui, nous changeons de récit commun. La modernité, c’est à dire l’éloignement progressif du passé et de son principe d’autorité laisse la place à une nouvelle alliance entre passé et révolution numérique et technologique… C’est pour cela que l’esprit des lieux devient primordial, car si le premier lien est numérique, il se passe en grande partie à partir ou autour de là où j’habite. Le numérique, comme la télévision hier, renforce la place du domicile comme caverne centrale. Mais une caverne faite pour la vie, l’amour, la culture, le travail, la famille, le lien avec la nature par le jardinage et l’animal domestique » (p 62).

C’est aussi la promotion du local. « Soutenue par une quête de vie locale, de ville du quart d’heure, du marché du soir et du week-end, de vente directe, le bio a gagné 15% de nouveaux consommateurs pendant la pandémie en particulier chez les jeunes et dans les milieux populaires- mais hors grandes surfaces. Du lien donc avec l’autre et avec le sol » (p 70).

 

Une nouvelle géographie sociale

Après avoir rappelé la géographie sociale de l’après-guerre et notamment les bastions communistes, Jean Viard nous décrit un nouveau paysage. Là aussi, la crise est à l’œuvre et joue parfois un rôle d’accélérateur.

Le peuple ouvrier a changé. Au cours des dernières décennies, « la France des ouvriers s’est rapprochée des petites villes, des lotissements et des paysans du vaste périurbain » (p 114). « La France ouvrière existe toujours, pour partie dans le monde des ouvriers d’entretien, pour partie dans l’industrie qui pèse encore 13% du PIB » (p 115). « La pandémie a contribué à redonner des lettres de noblesse à l’industrie et a montré l’absurdité de certaines localisations lointaines » (p 115).

Jean Viard distingue un second groupe : Les travailleurs du care et des services. Les travailleurs du care habitent les banlieues et ceux des services, la grande périphérie, le périurbain, parmi ces derniers, certains d’entre eux ayant participé aux manifestations des gilets jaunes. Notons deux suggestions en leur faveur : une politique de logement social pour les premiers, une politique du foncier pour les seconds.

Et puis, Il y a un troisième groupe, « celui dont le monde professionnel est numérisé : 30% à 40% des emplois, certaines études disent 60%, au moins pour une partie du temps ». C’est un monde en expansion. « Si il est socialement homogène, il ne l’est pas géographiquement. Il s’agit ainsi d’abord du monde des métropoles, mais plus uniquement, car certains d’entre eux, avant même la pandémie avaient commencé à réinvestir les villes moyennes, les petites villes et la campagne. Des néo-ruraux qui s’éloignent de la ville, non par nécessité, mais par choix » (p 123). « Ainsi on note une congruence entre le monde des résidences secondaires et celui du télétravail qui se chevauchent » (p 124). La pandémie a accru ce mouvement. « 20% des parisiens au moins ont quitté la ville au début du premier confinement, soit 450 000 personnes » (p 127).

Il y a enfin le monde des fermes ancré dans les terre arables.

Jean Viard nous décrit les rapports entre les différents milieux en mouvement. « Car il y a un désir massif des populations de travailler dans les grandes métropoles ou en lien avec elle, mais de ne pas y habiter toujours » (p 129).

Cette analyse a une portée internationale. « Aux Etats-Unis, une partie de la société rurale ou en partie périurbaine se vit comme « scotchée» et une autre partie, métropolitaine et péri métropolitaine, se vit comme emportée par un flux » (p 132). « Ce décalage stock flux se retrouve dans toutes nos grandes démocraties » (p 133).

 

Le réenchantement du territoire

Le réenchantement du territoire, c’est le sous-titre du livre de Jean Viard. L’auteur y met l’accent sur « l’esprit des lieux ». C’est le renouveau du local dans la mise en valeur de sa culture et de son patrimoine. « Comment réinvestir les lieux patrimoniaux qui donnent du sens à l’aventure d’y vivre avec nos modes de vie et nos usages contemporains. La pandémie va accentuer cette double demande de mémoire et d’art de vivre. Le patrimoine, les fermes, la nature sont devenus la toile de fond d’une vie mobile où les logements grandissent et s’ouvrent sur l’extérieur » (p 150). Jean Viard nous montre comment nous sommes passé de la France paysanne, incarnée dans la IIIè République à la nouvelle géographie d’aujourd’hui en passant par « l’épopée des trente glorieuses » et son maillage territorial : « Quartiers rouges, quartiers bourgeois, campagne et rural profond » (p 106). Jean Viard évoque le désarroi récent de la société française : « Le récit national ne rassemble plus, les appartenances de classe sur lesquelles reposaient le champ politique n’intéressent plus. La société est devenue mobile, et la figure de l’arrivant devient notre angoisse » (p 109). « Peu à peu, l’école, les maires, les petites et moyennes entreprises, à égalité avec la justice et la police, paraissent aux citoyens les plus protecteurs des valeurs républicaines » (p 109).

Cet équilibre était précaire et menacé par une économie mondialisée galopante. « Or la civilisation écologique et numérique où nous entrons, me paraît permettre de reterritorialiser les liens sociaux. Ce mouvement était déjà en cours. Le local était une préoccupation de plus en plus forte. Paris se dépeuplait. Les villes pensaient forêts et fermes urbaines, vélo, marche à pied… Puis la grande pandémie a fonctionné comme une loupe grossissant tous les traits, parfois peu visibles, de notre société (p 110-111). On a vu émerger une nouvelle classification du social, une nouvelle spatialisation sociale renforcée par la numérisation des liens » (p 111).

Ce livre éclaire nos situations de vie. Nous nous y reconnaissons. Il ouvre des pistes et fourmille de propositions innovantes (chapitre 4). Il est inspiré par une vision positive et une dynamique d’espoir, par exemple « lorsqu’il parle de l’intime conviction que si l’humanité a pu dérégler le climat, cela veut dire que la puissance humaine est aussi apte à le reréguler » (p 66). Bien sûr, rien n’est gagné d’avance. La pandémie n’est pas terminée. « Nul ne sait la date où nous sortirons de la pandémie, ni si il faut déjà annoncer les suivantes » (p 87). De même, la menace d’un totalitarisme politique peut resurgir. A nous d’y faire face. Ce livre a, entre autres, une vertu. Il nous montre qu’à travers cette épidémie nous avons beaucoup appris. Nous pouvons également tirer des leçons de nos échecs. Ce livre nous apporte une remarquable analyse, mais il nous offre aussi le dynamisme d’une vision :

« Il faut replanter la vieille république paysanne dans une société de jardins, de parcs, mais aussi de terres arables, de forets, de rivages. Toujours. La replanter dans cette nature dont nous sommes membres, qui nous environne et qui est en nous. Prendre soin de la Terre et de l’humanité. Avec la puissance du numérique et de la science. De la Révolution mentale, écologique et culturelle que nous venons de vivre. Mai 68 puissance cent » (p 220).

Voici une lecture indispensable, une lecture citoyenne.

J H

(1) Jean Viard. La révolution que l’on attendait est arrivée. Le réenchantement du territoire. Edition de l’Aube, Fondation Jean Jaures, 2021 Une interview vidéo de Jean Viard sur ce livre : https://www.youtube.com/watch?v=WvgeXWpURJQ
(2) Articles sur Vivre et espérer concernant des livres de Jean Viard : Une société si vivante (2018) : https://vivreetesperer.com/une-societe-si-vivante/
Penser à l’avenir (2016) : https://vivreetesperer.com/penser-a-lavenir-selon-jean-viard/
Emergence en France de la « société des modes de vie » : initiative, autonomie, mobilité (2012) : https://vivreetesperer.com/emergence-en-france-de-la-societe-des-modes-de-vie-autonomie-initiative-mobilite/

Aux couleurs du printemps avec les sites Flickr

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« La nature porte toujours les couleurs de l’esprit »
Ralph Waldo Emerson

Les sites de photo regroupés dans le réseau Flickr (1) nous offre une multitude de merveilles pour réjouir nos yeux et nourrir notre esprit. C’est comme un grand jardin où nous pouvons nous promener. Et nous pouvons y découvrir les beaux paysages de ce vaste monde.

En phase avec telle ou telle image, notre regard s’y arrête et nous admirons. C’est le temps de l’admiration. C’est le temps du regard.

Bertrand Vergely, philosophe et théologien, nous en parle. : « Comme son étymologie l’indique, « admirer veut dire : « mirer avec », autrement dit tourner son regard afin de regarder » (2a). Aimer regarder, apprendre à regarder, c’est abandonner les choses futiles. C’est aller à l’essentiel .  C’est savoir reconnaître la beauté.  Ce peut être une impression forte : « Devant l’œuvre belle, nous naissons à la plénitude sans qu’il soit possible de dire autre chose », nous rapporte Marie-Magdeleine Davy de la pensée de Simone Weil (3). Bertrand Vergely nous parle ainsi  de la beauté du monde : « Beauté du monde. Les anciens voyaient la nature comme « Logos ». L’émerveillement nous fait remonter à cette intention première, source de toute vitalité. On ne vit pas dans un univers vide et mort, on vit parce que l’univers est saisissant » (2b) . Ainsi, ces images de la nature porte un renouveau. Comme nous le dit Paula W, en citant Emerson, à propos de l’une de ces photos : « La nature porte toujours les couleurs de l’esprit ».  Avec reconnaissance pour tous ceux qui prennent ces photos ou participent en les commentant ou les partageant, goûtons la beauté de la nature au printemps

J H

Pour découvrir l’œuvre de chaque auteur, merci de cliquer sur les images.

  1. Présentation du réseau Flickr sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Flickr
  2. Bertrand Vergely. Retour à l’émerveillement. Albin Michel, 2010 (espaces libres) 2a p 201  2b p 10
  3. Marie-Magdeleine Davy. Simone Weil, 1956

 

Aux couleurs du printemps

 

« Wallflower »  
« Nature always wear the colors of the spirit » Ralph Rando Emerson  « Le nature porte toujours les couleurs de l’esprit »
Photo de Paula W  Angleterre 25 avril 2019

Wallflower - Paula W

 

« Everything you can imagine is real » Pablo Picasso
Une tulipe. « Tout ce que vous pouvez imaginer est réel »
Photo de johnshlau  Hong kong 15 mars 2019

Photo-de--johnshlau-Hong-kong

 

« Belle et douce glycine »
Photo de josettegoyer  17 avril 2019

Photo-de-josettegoyer

 

« El viejo olivo »  Le vieil olivier
Photo de gloria castro  Province de Valencia Espagne 3 avril 2019

Photo-de-gloria-castro

 

« New life »  Vie nouvelle
Photo de Sandra Bartocha  Postdam Allemagne 3 avril 2019

Photo-de-Sandra-Bartocha

 

« Don’t worry Be happy »   Ne vous inquiétez pas  Soyez heureux
Photo de hitohira  6 avril 2019
https://www.flickr.com/photos/tanioto/

Photo de hitohira

 

« Delicious color tulip » Couleur délicieuse de la tulipe
Photo de Tomo M  21 avril 2019

Photo-de-Tomo-M

 

Voir aussi sur ce blog :

« Un regard lumineux dans un pays lumineux »
(le site Flickr de Gloria Castro)
https://vivreetesperer.com/un-regard-lumineux-dans-un-pays-lumineux/

« Le jardin de Paula »
(le site Flickr de Paula W)
https://vivreetesperer.com/le-jardin-de-paula/

« Effets de lumière dans une campagne bocagère »
(Le site Flickr de Julie Falk)
https://vivreetesperer.com/effets-de-lumiere-dans-une-campagne-bocagere/

La Pentecôte, une communion qui fait tomber les barrières

 

Participons à la communion de l’Esprit saint

La Pentecôte… à la suite de Pâques, c’est l’émergence d’un monde nouveau, c’est le partage d’un émerveillement, c’est une communion qui fait tomber les barrières… Voici un message qui nous dit : Oui, c’est possible. En Christ ressuscité, un autrement se prépare et, dès maintenant, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre et nous participons à la communion divine.

 

Dieu nous ouvre Ă  sa communion

« La communion du saint Esprit soit avec vous tous », tels sont les termes d’une formule chrétienne de bénédiction très ancienne (2 Cor 13.13) (p 295). Jürgen Moltmann nous montre comment cette parole nous éclaire sur la dimension et la portée de cette communion (1).

« Cette communion de l’Esprit saint « avec vous tous » correspond à sa communion avec le Père et le fils. Elle n’est pas un lien extérieur seulement avec la nature humaine, mais provient de la vie de communion intime du Dieu tri-un riche en relations et elle l’ouvre aux hommes en sorte que ces hommes et toutes les autres créatures soient accueillis afin d’y trouver la vie éternelle.

 

L’Esprit œuvre dans la communauté humaine

A une époque qui commence à prendre conscience des excès de l’individualisme, Moltmann exprime l’importance du lien social.  « L’expérience de la communauté est expérience de vie, car toute vie consiste en échanges mutuels de moyens de subsistances et d’énergie, et en relations de réciprocité » (p 297). La vie de l’être humain dépend de son accomplissement comme être en relation. « Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme et qui ne peut pas être partagée, est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt. C’est pourquoi la « communion de l’Esprit saint » n’est qu’une autre expression pour désigner « l’Esprit qui donne la vie ». Par ses énergies créatrices, Dieu-Esprit crée dans la communion avec lui, le réseau des relations de communion dans lesquelles la vie surgit, s’épanouit et devient féconde. De ce point de vue, la « communion de l’Esprit saint » est l’activité de l’Esprit créatrice de communauté. La vie naît de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, là l’Esprit de Dieu est à l’œuvre. Là où nait une communauté de vie, il y a également communion avec l’Esprit de Dieu qui donne la vie » (p 298).

 

Amour et liberté

Cette vie communautaire requiert la prise en compte de la diversité. « Le concept trinitaire de la communion considère d’emblée la multiplicité dans l’unité … La vraie communauté ouvre les possibilités individuelles dans la plus grande des multiplicité… Les créatures concernées font l’expérience de la « communion de l’Esprit saint » aussi bien sous la forme de l’amour qui unit que sous celle de la liberté qui permet à chacune d’advenir à elle-même selon son individualité propre… La communion qui est au service de la vie ne peut être comprise que comme une communion qui intègre et qui réalise l’unité comme la multiplicité, et qui, en même temps, différencie et fait accéder à la multiplicité dans l’unité » (p 299).

 

Expérience de soi-même et expérience sociale

A partir d’une recherche auprès d’enfants, la spiritualité a pu être définie comme « une conscience relationnelle » (2). La pensée théologique de Moltmann s’oriente dans la même direction. « Les expériences de Dieu ne sont pas faites seulement de façon individuelle dans la rencontre de l’âme solitaire, propre à chacun, avec elle-même. Elles sont faites aussi et en même temps, sur le plan social, dans la rencontre avec les autres… Dans l’expérience de la bienveillance des autres, nous faisons l’expérience de Dieu. Dans le fait d’être aimés, nous ressentons la proximité de Dieu… L’expérience de Dieu dans l’expérience sociale et l’expérience de Dieu dans l’expérience de soi-même, ne doivent pas être opposées sous la forme d’une alternative. Il s’agit en vérité de deux faces de la même expérience de la vie, au sein de laquelle nous faisons l’expérience des autres et de nous-mêmes » (p 300).

 

Une expérience de la nature 

« Au delà de l’expérience de soi-même et de l’expérience sociale, l’expérience de Dieu devient aussi, grâce notamment à la communion de l’Esprit, une expérience de la nature, puisque l’Esprit est celui qui crée  et qui renouvelle toutes choses…. L’expérience de l’Esprit qui donne vie, qui est faite dans la foi du cœur et dans la communion de l’amour, conduit d’elle-même au delà des frontières de l’Eglise, vers la redécouverte de ce même Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les écosystèmes de la terre » (p 28).

 

Un chant vient à notre mémoire :

« Dans le monde entier, le Saint Esprit agit…

Au fond de mon cœur, le Saint Esprit agit… »

Cette action est la manifestation et l’expression d’une communion.

Participer à cette communion, c’est aussi mieux la reconnaître dans ses différents aspects. Dieu est vivant et nous appelle à vivre pleinement (3).

 

J H

 

(1)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. L’article renvoie aux paginations de ce livre.                              Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com

Le blog : « Vivre et espérer » renvoie fréquemment à la pensée de Moltmann : https://vivreetesperer.com/?s=Moltmann

(2)            Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006 (Voir p 139). Voir sur ce blog : « Les expériences spirituelles » : https://vivreetesperer.com/?p=670

(3)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016.  Voir sur ce blog : « Dieu vivant. Dieu Présent. Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267