Dans la routine des EHPADs, on peut entrevoir des moments de lumière, Il y a des paroles, des sourires, des gestes qui réconfortent. La vie circule à travers des relations bienveillantes. Cependant, il y a certains soignants qui, tout particulièrement, irradient la confiance. Ces porteurs de vie et de soin répandent la joie parmi les démunis. Quelques portraits de personnes, quelques évocations de pratiques en témoignent ici
Notre ADN, c’est l’amour
Lid est une aide-soignante confirmée qui a décidé d’entreprendre des études d’infirmière. Nous évoquerons donc sa pratique au passé.
il y avait chez Lid une aisance. Elle abordait chacun avec respect. Une prévenance qui se manifestait jusque dans la toilette, auparavant une petite annonce de sa part comme une demande d’accord avant de commencer :1 2 3. Dans une vraie écoute, elle couvrait l’ensemble des besoins. Une relation ouverte permettait en dialogue où les préoccupations pouvaient affleurer et y trouver un apaisement.
Au travail dans cet EHPAD, Lid en connaissait les ressources et les obligations et elle exerçait sa fonction avec une conscience professionnelle assumée. Elle ne se contentait pas des tâches classiques. Elle se comportait comme une accompagnante, attentive aux besoins latents. Ainsi, dans un environnement complexe, elle permit à une des personnes à sa charge de changer de régime alimentaire. Pour réaliser cette opération, il lui avait fallu croire à un nouveau possible et négocier avec les parties concernées. Bref, Lid n’était pas seulement une sauvegarde, elle était un recours.
Face à des situations diverses et parfois très lourdes, si la fatigue l’atteignait à certains moments, il y avait chez Lid un dynamisme qui s’entendait parfois par des voix et des rires audibles dans le couloir de l’étage. Le matin, à son arrivée, on pouvait se dire : lid est bien là. C’était comme si la vie se manifestait à nouveau. Oui, Lid était une personne vivante.
Un jour proche de la Saint Valentin, elle aborda le sujet et, si la réaction en retour put lui paraitre mi-figue, mi-raisin, elle s’exprima plus avant, en évoquant la force de l’amour au sens le plus large. Et c’est là qu’elle s’exclama en parlant des aide-soignantes : Notre ADN, c’est l’amour ! Merci Lid ! vous serez une bonne infirmière…
J H
Le sourire de Nat
Pour éclairer la vie en EHPAD, on peut écrire de petits portraits de soignants qui, par leur attitudes, répandent une bonne humeur. Et par exemple, nous pensons à Nat, une aide-soignante dynamique d’origine africaine.
En s’occupant des résidents, il nous parait que transparait chez elle une grande conscience professionnelle et comme le sentiment d’une mission. Un jour, dans une conversation, je l’ai entendu dire avec enthousiasme : « Je suis une soignante ». Elle sait combien les personnes âgées sont vulnérables et combien, en conséquence il est important de veiller immédiatement aux dérives. Dans une courte conversation lors d’un passage pour apporter le gouter, j’ai pu entendre avec bonheur qu’elle reconnaissait naturellement l’importance de la manifestation d’une présence des aide-soignantes pour des gens isolés dans un ehpad. « Une attention ! un sourire ! ». Et oui, elle sait combien le moral a une influence sur la santé. Les tempéraments sont différents et, dans le travail, sont appelés à se compléter.
Nat est vive et enthousiaste. Il est bon et beau également, de pouvoir, à certains moments, observer chez elle un sourire rayonnant. Merci Nat
J H
Elle apprivoisait le temps et l’espace
Aide-soignante en service de nuit dans un EHPAD : une pratique remarquable
Partir d’une étude de cas pour analyser et comprendre les pratiques, c’est aussi pouvoir mettre ainsi en évidence un comportement positif, contribuer à en répandre les bienfaits. Bien sûr, telle pratique est liée au profil de la personne, à ses qualités, à ses dons et elle n’est donc pas reproductible telle quelle, mais en montrant un déroulé d’actes concrets, on peut dégager une orientation qui est susceptible d’attirer et de se répandre
Relégué dans cet EHPAD, depuis plusieurs années et devant porter le nuit une protection vis-à-vis de l’urine, celle-ci devant être suivie pour éviter les débordements éventuels, j’ai donc pu observer les comportements du personnel, les étapes principales étant un contact le soir avant le coucher et le change de la protection en fin de nuit. La situation se complique si, pour une raison ou pour une autre : insuffisance de la protection ou abondance d’urine, des fuites se produisent pendant la nuit.
Cependant, une aide-soignante de nuit dans un EHPAD a beaucoup d’autre rôles puisqu’elle est en charge de l’état général des assistés et des perturbation correspondantes : manque de sommeil, anxiété etc
Au cours des mois, nous avons vu bien des intervenant(e)s souvent de passage en vacation et nous pouvons essayer de décrire la pratique dominante.
Dans l’ensemble, on peut distinguer deux variétés. Dans la première variété (majoritaire), le passage du soir s’accompagne de quelques paroles, parfois un début de dialogue. Dans les gestes techniques, on note une attitude de prévenance. Je puis garder un souvenir positif de certaines relations. La seconde variété est dépourvue de sens relationnel : le soir, un bonjour formel, des gestes techniques accomplis sans prévenance et quasiment sans parole, l’assisté ressentant parfois une absence de considération, voire sa réduction à un objet à traiter.
Sur ce fond général, est apparue, en fin d’année 2023, une aide-soignante innovante et relationnelle. Ce fut un changement remarquable et remarqué. C’est parce qu’il nous parait exemplaire que nous essayons ici de le présente en terme d’étude de cas
Nous nous permettrons de l’appeler ici par son prénom : Vanessa. Vanessa est donc apparue en se présentant, puis en amorçant un dialogue. Ce pouvait être au sujet du vécu de la journée, et par la suite, ce moment de dialogue a pu être apaisant pour l’assisté.
Et ce dialogue portait naturellement sur les requis de l’assistance. Il y eut une séquence ou des fuites se manifestaient en fin de nuit. L’aide fut adaptée aux circonstances, ici par un suivi attentif, un change de protection vers 1 heure du matin.
Cette assistance s’est caractérisée également par son attention au temps : annoncer le moment des passages, et même le jour de la prochaine séquence d’intervention, en terme familier : « à jeudi ! ». Ces au revoir s’accompagnaient souvent d’un petit geste de salut. Cette intervention apprivoisait le temps.
Elle apprivoisait aussi l’espace, en l’inscrivant dans une dimension plus vaste, plus « communautaire », le tout étant symbolisé par un geste très fort symboliquement : en quittant la chambre, « Voudriez-vous que je laisse la porte entrouverte ? ». A travers cette demande et la réponse positive qui s’en suivait, se créait un espace commun fondé sur la confiance, une confiance qui s’étendait à la nuit. C’est bien cela, l’écoute attentive, la prévenance de Vanessa entrainaient la confiance. Quel bonheur ! Quelle différence avec un univers impersonnel !
Cependant, à quelques indices, j’ai pu constater aussi combien cette attitude s’inscrivait dans une vision professionnelle. A plusieurs reprises, non seulement, Vanessa est intervenue rapidement lorsqu’un incident lui fut signalé, mais elle me remercia de l’avoir prévenu. Rendu résigné par l’expérience, je fus surpris par son encouragement à téléphoner en cas de fuite de la protection. C’était une expression d’une haute conception de la responsabilité collective. Elle manifestait qu’il y avait bien une présence dans la nuit. Par ailleurs, un incident de voisinage m’a permis de constater qu’elle savait se faire respecter en tant que professionnelle. Je peux ainsi présumer que la pratique décrite ci-dessus s’inscrit dans un professionnalisme, une vision à la fois personnelle et collective de sa fonction.
Cette description peut paraitre louangeuse. Si je suis effectivement reconnaissant vis-à-vis de cette aide-soignante, j’ai voulu rédiger ce bilan en terme de description, la plus objective possible, comme une étude de cas, pour que cette étude permette une réflexion pour l’amélioration des pratiques. Si cet exemple est remarquable, il doit pouvoir inspirer sans décourager. Chaque personne est singulière. Globalement,
nous avons noté qu’une variété majoritaire des pratiques observées est acceptable . On doit mesurer le mérite de ce travail patient dans un contexte qui entraine de la fatigue et où les prestations doivent se maintenir dans la durée. Voici de quoi être reconnaissant. Cette étude ne doit donc pas susciter une quelconque culpabilité et des réactions en retour.
Mon écriture ici n’allait pas de soi. Si nous avons voulu rassembler nos observations pour apporter une description cohérente, c’est pour faire connaitre une pratique remarquable parce qu’elle nous parait pouvoir amener à réfléchir et à inspirer dans le dialogue
Il y a des aides-soignantes remarquables. J’en ai rencontré
J H
Il y a de belles âmes parmi les soignantes en EHPAD
Au cours d’une conversation, ce fut une bonne surprise d’entendre Léo, une aide- soignante chaleureuse parler de son parcours en s’exclamant qu’elle avait rencontrer de belles âmes en EHPAD
Léo-Paul-Dine, venue de Haïti dans les années 1990 a grandi et vécu en France, en surmontant les épreuves qu’elle y a rencontrées. Elle a choisi la profession d’aide-soignante et elle nous dit pourquoi : « C’est un métier de cœur. Pour exercer cette profession, il faut avoir de l’humain en soi ». Effectivement, rencontrer Léo, c’est vivre une relation bienfaisante.
Engagée dans la profession d’aide-soignante, avec quelques pauses dans d’autres emplois, Léo a rencontré des situations très diverses. Et, par exemple, elle raconte que pendant trois ans, en aide à domicile, elle a eu en charge une femme qui était sourde, muette et aveugle. De plus, cette femme avait été abandonnée à la naissance, élevée à l’assistance publique. Léo a communiqué avec elle par le toucher. Elle la tenait par la main et ainsi elle l’orientait. Autre situation, dans un EHPAD, face à un conflit entre fils et mère. Léo raconte comment il y avait là deux copines d’enfance qui vivaient là au même étage face à face. L’une d’elle avait un enfant, mais lorsque celui-ci venait, il l’ignorait en parlant seulement à sa copine. Car il disait avoir souffert de sa mère et lui reprochait d’être cruelle. Cette femme rejetait sa haine sur nous. Lorsque copine est décédée, le fils n’est plus revenu. La mère est décédée sans avoir plus jamais revu son fils. Pour les aide-soignantes, cette situation a été difficiles é supporter, mais Léo a respecté ces personnes.
Au cours de ces années et dans différents emplois, Léo a rencontré beaucoup de soignants et de patients, et parmi elles, de belles personnes. Mais qu’est-ce qu’une belle personne ? Selon Léo, « Une belle personne, c’est une personne qui travaille avec le cœur., qui ne fait pas semblant. C’est une personne qui est juste ».
Léo se rappelle de « Marie, ASH, qui faisait son travail avec le cœur, qui avait le cœur en or, qui apportait une lumière. Les résidents l’aimaient beaucoup. Les autres soignants aussi.
Rosette avait une vie personnelle assez compliquée, mais elle faisait du bon boulot et on avait du plaisir à travailler avec elle. On rigolait avec elle C’était une très bonne collègue.
Suzelle, aide-soignante, était d’une justesse et d’une précision incroyable Lorsqu’on bossait derrière elle, le travail était toujours fait correctement.
Toutes ces personnes aimaient ce qu’elles faisaient et nous étions dans la même pensée. Il y avait toujours de l’entraide. Elles étaient faciles à vivre. C’était des soignantes appréciées de tous les résidents et du personnel ».
Au final, Léo nous parle des conditions de travail. Les « belles personnes », dont elle nous a parlé, sont très efficaces. « Ce sont de bons éléments. Malheureusement, les structures ne savent pas les fidéliser ».
Venant d’une personne qui aime son métier et sait observer, une interpellation à écouter. Plus encore, Léo nous ouvre à la gratitude en partageant une dynamique de vie et en évoquant toutes ces » belles personnes » qui y participent.
Rapporté par J H
Et encore…
A ces textes jusqu’ici non publiés, nous en ajouterons un autre paru sur Vivre et espérer
Une infirmière dans une écoute active
Dans cet EHPAD, les infirmières passent chaque matin apporter les médicaments. Ce peut être une routine. Je me souviens du jour où une nouvelle infirmière apparut en se présentant avec enthousiasme : « Je m’appelle Yo ». Ce fut le point de départ d’un parcours en confiance et en dialogue ouvert par l’attitude de Yo témoignant de convictions profondes telles qu’elle les exprime dans son article :
« Pour moi, infirmière, c’est être dans une écoute active, avoir de l’empathie, tout en étant authentique…. De par ma culture africaine, le respect, la proximité, l’intimité sont des éléments fondamentaux. Quand dans un EHPAD, un ainé me parle, je prends l’habitude de me taire et d’écouter. Cela me permet de donner une réponse. Je suis donc dans une écoute active dans laquelle je mobilise mes connaissances et puis ainsi apporter une réponse adaptée. Je continue à apprendre constamment…
Les journées sont souvent longues et épuisantes, mais, en fin de parcours, je me réjouis d’avoir été au service de personnes vulnérables et de leur avoir apporté, outre les soins, réconfort et soutien. Cela donne un sens à ma vocation de soignante, ce que j’ai toujours voulu faire. C’est un accomplissement de ma vie selon tout ce que je crois : un ordre divin, qui, par mon entreprise, prend soin de ses créatures ».
De Yaoundé à Paris. D’aide-soignante à infirmière. Une vie au service du care et de la santé :
https://vivreetesperer.com/de-yaounde-a-paris/
Textes initiés et rassemblés par J H
On pourra consulter également :
De la vulnérabilité à la sollicitude et au soin : Cynthia Fleury. Le soin est un humanisme : https://vivreetesperer.com/de-la-vulnerabilite-a-la-sollicitude-et-au-soin/
L’apport de l’immigration africaine à la culture du care : https://vivreetesperer.com/apport-de-limmigration-africaine-a-la-culture-du-care/