Interview de France Dandrel, psychopraticienne
France Dandrel est psychopraticienne. Elle commence à s’engager dans la pratique psychologique dans les années 1970. Et elle a suivi successivement différentes formations en vue de répondre à des besoins diversifiés.
Elle a commencé par un apprentissage de la méthode Vittoz, une méthode de relaxation basée sur l’utilisation de la relation sensorielle. Cependant, cette méthode à une particularité : la lecture des ondes cérébrales alpha et thêta. Cette méthode permet de voir si le cerveau est relaxé ou non. On peut faire cette lecture à partir du corps de la personne ou à distance. France Dandrel a évolué dans sa pratique, mais elle se sert toujours aujourd’hui de cette lecture des ondes cérébrales parce que celle-ci lui permet de voir, ce qui, dans la psychothérapie, a une influence positive ou non, quelque soit la pratique par ailleurs. Par exemple, la sophrologie est une méthode d’induction à partir d’images. Ce n’est pas toujours efficace parce que les ondes cérébrales ne sont pas vérifiées .
France Dandrel s’est rendu compte des limites de la méthode Vittoz. Elle a donc recherché d’autres méthodes. En premier lieu, elle s’est formée à la thérapie primale, c’est à dire une méthode qui permet d’exprimer les émotions au sens large par une expression corporelle : pleurs, colère, et aussi ce qui lui a donné son nom, un cri, le cri primal. Cette approche permet de réduire le blocage des émotions, mais, ensuite, une limite apparaît : cette approche ne transforme pas nécessairement les émotions considérées comme négatives en émotions positives.
France Dandrel s’est donc engagée ensuite dans une pratique appelée analyse psycho-organique qui a pour but de transformer l’énergie négative en énergie positive. On se répare en changeant les images intérieures. Par exemple, telle personne a subi la maltraitance d’un professeur ou en a été le témoin. Elle va être complètement coincée dans ses apprentissages scolaires. A travers l’analyse psycho-organique, tel jeune garçon, bloqué par une maltraitance scolaire, a pu être libéré du blocage et, au final, entrer dans une grande école. Le processus réside dans un changement d’image. Qu’est-ce que j’ai subi? Qu’est-ce que j’aurais aimé vivre à la place ? France Dandrel contrôle la visualisation à travers l’usage des ondes Vittoz.
Par la suite, France Dandrel a ajouté à ses compétences, une approche systémique. Cette approche permet d’examiner les relations pour voir, si, dans une approche mutuelle, la relation est positive ou négative. A partir de là, on peut transformer le regard qu’on a, sur soi et sur l’autre, en valorisant le positif.
Dans la poursuite de sa formation et de sa pratique, France Dandrel s’est engagée dans la thérapie générationnelle. On regarde l’histoire familiale sur plusieurs générations et on observe les souffrances qui ont pu advenir dans les générations précédentes et qui peuvent avoir des incidences néfastes sur le présent. Par exemple, chez un homme qui avait la phobie du métro, on a découvert qu’un de ses aïeux avait fait la guerre de 1914 et avait beaucoup souffert dans les tranchées. La thérapie a permis à cet homme de revivre la terreur de l’aïeul. Et, la fois suivante, cet homme n’avait plus de phobie. Une autre personne avait peur d’être poignardée dans le dos. C’était une conséquence d’un trauma de la guerre de 1914. Elle a revécu ce trauma et elle a été guérie.
Dans la thérapie de couple et la thérapie familiale, France Dandrel utilise le jeu de rôle . En jouant le rôle du personnage négatif ayant vécu dans l’environnement familial, une libération peut se produire.
Une nouvelle technique, inventée aux Etats-Unis par Francine Shapiro, basée sur le mouvement des yeux, mais valables aussi dans des mouvements sensoriels alternatifs droite-gauche et inversement, rebranche les deux cerveaux droite et gauche. Le cerveau entier est aux commandes et, dans cet état, il est capable de se réparer. C’est L’EMDR (eye movement desensibilisation reprocessing). Cette méthode a été importée en France par David Servan-Schreiber. France Dandrel a eu l’opportunité d’être formée par lui à cette approche. Cette méthode est remarquablement efficace à condition d’être sur la bonne cible. Francine Shapiro donne cet exemple : une femme était terrorisée par les boites de conserve parce qu’elle avait vécu une tempête où des boites de conserve lui étaient tombé dessus. La séance de EMDR a traité le trauma de la tempête. Les problèmes de beaucoup de gens résultent d’un réveil de trauma. En traitant par EMDR un trauma bien ciblé, on coupe les racines des réflexes conditionnés. Cette méthode a été élaborée pour aider les soldats ayant fait la guerre du Vietnam à retrouver une vie normale. France Dandrel a traité un homme ayant fait la guerre d’Algérie, et qui, dans son couple, disait le soir au conjoint : « Tais-toi ! ». Durant cette guerre, en patrouille, les soldats se mettaient en danger lorsqu’ils parlaient. C’était un souvenir traumatisant. Ce problème a été réglé en une seule séance de EMDR. Chez une personne ayant peur du bruit des voitures, on a découvert qu’elle associait à ce bruit celui d’un tremblement de terre vécu avec effroi. En une séance de EMDR bien ciblée sur cette origine : le tremblement de terre, la peur du bruit des voitures a disparu.
Le ciblage repose sur l’écoute de l’histoire de la personne. France Dandrel a appris l’écoute dans l’inspiration Rogerienne (Carl Rogers) au tout début de sa formation parallèlement à la méthode Vittoz. L’écoute favorise et requiert l’authenticité. Ainsi, en écoutant, on ressent des sensations et il est important d’écouter ces sensations corporelles. Lorsqu’on est sur la bonne piste, l’énergie intérieure circule . Ce signe vaut à la fois pour la thérapeute et pour la personne. En cas de blocage, le thérapeute exprime sa réaction, le blocage physiologique qu’elle ressent. La personne écoutée se rend compte qu’il y a un blocage. Il y a quelque chose qu’elle n’identifie pas ou qu’elle n’exprime pas. Elle reprend le fil de son histoire. Le courant passe.
A un moment de son parcours, France Dandrel a ajouté un autre outil : une approche psycho-spirituelle. Dans ce contexte, elle a appris à recevoir des images qu’elle peut soumettre à la personne. C’est le champ de la guérison intérieure.
A travers toutes ces approches qui se sont ajoutées au fil des années, France Dandrel a découvert le champ très large des blessures qui peuvent être guéries, mais aussi une vaste panoplie d’outils permettant de guérir ces blessures. Comment peut-on comparer les ressources d’aujourd’hui à celles d’autrefois ? Dans les années 1970, il n’y avait pas grand chose. Il y avait l’analyse, l’hypnose et la méthode Vittoz. L’analyse, c’est regarder l’histoire de la personne et comment elle s’est construite à travers son histoire. Elle a fait des choix, des « contrats » qui ont pu être adéquats au moment où elle les as fait, mais qui, pour la suite, peuvent se révéler inadéquats. Si une personne a été maltraitée en famille, elle va penser qu’il vaut mieux ne jamais vivre en famille ou elle va dysfonctionner en famille. Une limite de l’EMDR, c’est que, tout en étant efficace dans la réparation des blessures, par contre, elle ne prend pas obligatoirement en compte l’histoire de la personne, et, du coup, il peut y avoir des maillons qui ne sont pas pris en charge. S’il n’y a pas une approche globale de la personne, cela peut compromettre la progression de celle-ci. Dans l’analyse, la personne découvre son histoire, mais cela ne cicatrise pas, ne répare pas l’origine du traumatisme. Dans les années 1970, on abordait l’histoire, on la comprenait, mais on ne pouvait pas intervenir pour réparer. En cinquante ans, on a développé le transformationnel. La transformation est très guérissante. Elle mobilise l’énergie globale de la personne. Tout le potentiel de guérison est mis en œuvre . Cette approche de la transformation a été particulièrement développée par l’école des Boyesen : l’approche psycho-organique. Ils se sont appuyés sur le corps, d’une part au niveau du massage, puis au niveau de la transformation. La personne développe ainsi son énergie positive. En EMDR, ce qui est ajouté, c’est le fait de relier l’ensemble du cerveau et donc de réparer les blessures. L’EMDR permet au circuit neuronal de refonctionner. Par rapport aux années 1970, aujourd’hui, les ressources sont bien plus vastes. C’est incomparable.
France Dandrel nous rapporte même qu’elle a pu sortir une personne de l’hôpital psychiatrique. Cette personne ainsi condamnée à l’hospitalisation a pu non seulement sortir de l’hôpital, mais reprendre une vie normale. La personne a pu récupérer en identifiant le moment de sa vie ou elle avait été traumatisée, et, en traitant cet épisode, la personne a pu récupérer. Le potentiel humain est très vaste. Chaque outil thérapeutique va éclairer une partir du champ. Les différentes approches sont complémentaires et leur conjonction permet d’améliorer considérablement la qualité de la vie humaine.
Interview de France Dandrel rapportée ici à la suite d’une prise de notes.
J H