D’une religion enfermante à la vie

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Propos recueillis auprès de Philippe M.

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Je travaille dans le génie climatique. J’interviens dans l’étude et la réalisation de la partie électricité et automatisme, la régulation du chauffage/climatisation et dans la recherche de solutions techniques pour répondre aux exigences des nouvelles réglementations thermiques. J’habite en Alsace et je travaille essentiellement dans la construction de plateformes logistiques dans toute la France. Je circule beaucoup et je rencontre des gens très différents : des ouvriers du bâtiment de différentes nationalités, des techniciens, des ingénieurs qui contrôlent mon travail, des responsables d’entreprise.

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​Le milieu du bâtiment aujourd’hui est très tendu. Il y a de plus grandes exigences au niveau technique et délai d’exécution. Cela m’amène à pénétrer dans des univers où le stress est palpable. Dans ce contexte, j’apprends beaucoup sur le fonctionnement de l’être humain. De ce fait, j’apprends beaucoup sur moi. C’est un milieu où il y a de la souffrance physique liée à la pénibilité du travail et des souffrances psychiques liées à l’éloignement de la famille à travers de nombreux déplacements professionnels. Progressivement, dans ce contexte, j’ai appris à me rapprocher des autres. Au début, j’ai souvent été étonné de voir une personne d’apparence fermée s’ouvrir facilement dès que je lui posais des questions plus personnelles.

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​Le sujet de la religion revient souvent. Je vois que dans l’esprit de la plupart des gens, il y a beaucoup de préjugés et de fausses idées sur le christianisme . Par exemple, pour certains, le christianisme est synonyme de non liberté, de formatage, de conflits entre les différentes églises. Le personnage de Jésus est vu comme un deuxième Moïse qui apporte des lois et des commandements. Il y a aussi la peur très prononcée des phénomènes sectaires.

L’évangélisation, souvent à juste titre, est perçue comme une imposition d’idées reçues, et, en même temps, paradoxalement, le chrétien prétendrait indiquer un chemin de liberté. Je constate une grande défiance vis à vis de tous les pouvoirs en général, et notamment vis à vis du pouvoir religieux qui touche à un côté sensible de la personne parce qu’on y développe des idées (toutes faites / impersonnelles) sur l’amour, l’âme, l’esprit, l’être, Dieu. On a plus de mal à confier sa personne au milieu religieux. Les gens sont très méfiants. J’ai découvert aussi des personnes se disant athées, mais, en creusant, on découvre qu’elles sont athées en opposition à un Dieu représenté sous une certaine forme par la religion : « Dieu pour moi, ce n’est pas ça ». C’est surprenant car ils décrivent ensuite un Dieu idéal, un Dieu proche, un Dieu ouvert, un Dieu qui ne soutient pas un clan, qui ne suscite pas une exclusion. Malheureusement, à cause de la religion, ils ont abandonné l’idée de trouver ce Dieu là.

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​Je découvre dans les gens que je rencontre, au-delà d’une façade d’auto-défense, de réflexes d’autoritarisme, de colères exprimées, d’expressions grivoises, des perles précieuses qui jaillissent, comme la générosité, la bonté, l’authenticité, le partage… Je me sens naturellement en relation avec eux en voyant en eux l’image de Dieu. Ce que je remarque aussi, c’est une grande recherche de sens dans ce que l’on fait. Une fois, une personne me disait : « J’ai une belle maison, une belle voiture, une belle famille ; J’apprécie tout cela, mais j’ai envie de passer à autre chose : donner un sens à ma vie, être tourné vers les autres ». Un autre désir revient souvent : faire les choses avec joie, avec plaisir. La défiance vis-à-vis des autorités engendre une réflexion personnelle sur ce que ces autorités demandent et imposent. J’observe une plus grande autonomie et la volonté d’agir si cela résonne intérieurement. Un esprit critique se développe. Ce qui fédère aujourd’hui, c’est le produit d’une attirance par opposition aux impératifs du devoir. Je ne fais plus une bonne action par devoir. J’agis parce que cela résonne profondément en moi. Je me laisse attirer. Cela me rappelle les lois qui régissent notre univers : le mouvement des électrons autour du noyau, le mouvement des planètes suscitées par leur attirance mutuelle. C’est un mouvement synonyme de vie et l’être humain se sent vivant quand il se laisse naturellement attirer sans manipulation, sans contrainte. Peut-être, ce besoin d’exister en allant vers l’autre sans contrainte rappelle ce lien qu’on a découvert dans la science quantique.

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​A l’âge de cinq ans, j’ai été touché par un amour profond et je peux dire que j’ai goûté à l’amour de Dieu. Pour moi, c’était très simple d’être chrétien. Cela s’est compliqué par la suite. En grandissant dans mon milieu d’église, j’ai été conditionné par des représentations légalistes et autoritaires de Dieu, de ce qu’est « un bon chrétien ». Des évènements dans ma vie m’ont permis de prendre du recul face à une religion enfermante.. J’ai toujours été convaincu de l’amour immense que Dieu avait pour les hommes. Quand je lis les évangiles, je vois Jésus-Christ très proche des gens non religieux. Je l’imagine passer la plupart de son temps avec les gens « païens ». Jésus attirait les foules jusqu’au point où il n’arrivait plus à entrer dans une ville. Il la contournait. Les foules sortaient des villes pour le rejoindre, attirées par sa personne. Je pense que les gens se sentaient reconnus tels qu’ils étaient. Ils se sentaient vivre dans ce mouvement. Ils ressentaient un esprit de liberté omniprésent.

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​On m’a appris à être « religieux » et maintenant j’apprends à sortir de ce comportement. Plus j’apprends à me connaître, moins j’ai la crainte d’aller vers mon prochain et alors mon prochain s’ouvre. Cette ouverture se fait naturellement, sans effort. Les personnes que je rencontre ne savent absolument pas que je suis chrétien et me parle spontanément de Dieu, de la religion. A cette occasion, j’aime leur communiquer mon image personnelle de Jésus-Christ. Une personne merveilleuse ouvrant les yeux sur les magnifiques perles précieuses se trouvant dans les profondeurs de l’âme de chaque femme, chaque homme, chaque enfant. Voilà où se trouve aujourd’hui, le sermon, la  prédication, la bible que je reçois. J’apprends énormément dans la relation avec l’autre, je chemine d’émerveillement en émerveillement. Est-ce que l’homme a besoin d’entendre que certaines de ses actions sont mauvaises, pas si sûr. Un jour, alors, que je travaillais sur mon échelle dans un faux plafond, un homme s’approche de moi et me raconte son parcours chaotique: « A peine marié, pendant mon voyage de noce, j’ai trompé ma femme et avons aussitôt divorcé, depuis je vais de femme en femme… » Je n’avais jamais discuté avec lui. Je prenais juste le temps de le saluer.  Est-ce que la femme prostituée dans les évangiles avait besoin d’entendre que ses actions étaient mauvaises ? Ce qui permet un regard plus juste sur nous même, que ce soit des perles précieuses en nous ou un état d’esclavage, c’est l’amour. Jean-Baptiste exprimait cette voix venant du désert et s’adressant à l’extérieur de l’être:  » repentez-vous, vos actions son mauvaise ! ». Jean-Baptiste symbolise la clôture d’une très très longue période où la crainte est omniprésente parce que l’homme a rejeté l’amour. Jésus a ouvert à toutes les femmes, à tous les hommes, à tous les enfants une nouvelle période:  » Le royaume des cieux ! « .  Jésus n’a-t-il pas dit ? : « Je vous le dis, c’est la vérité: il n’y a jamais eu un homme plus important que Jean-Baptiste. Pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus important que lui… » Matthieu 11:11

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Je pense que notre société n’a jamais été aussi prête à recevoir le royaume des cieux. Je découvre que j’ai juste à libérer ce royaume en étant naturellement moi-même, construit maintenant sur le chemin de l’amour.

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Philippe

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Sur ce blog, voir aussi :

« Un chantier peut-il être convivial ? »

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