« Dans les dernières années de sa vie, Odile a manifesté à plusieurs reprises son désir de transmettre une expérience et une réflexion qui se sont développées au cours de son existence. Ainsi a-t-elle exprimé dans plusieurs écrits son grand désir de communiquer un message d’amour et de vie. « Ce que j’ai la joie de partager aujourd’hui est la découverte des bienfaits de Dieu : manifestation de sa bonté infinie que j’ai pu ressentir, de sa magnificence que j’ai pu reconnaître dans la création, de sa présence dans l’énergie vitale sur tout ce qui existe. Mon regard s’est éclairé. Mon attitude s’est adoucie. Mon cœur s’est rempli de reconnaissance. « Le Royaume de Dieu s’est approché » dit Jésus. Aujourd’hui, Jésus est ressuscité. Nous pouvons vivre le règne de Dieu sur terre chacun et chacune à sa mesure. Cette joie de reconnaissance explose en moi. J’ai envie de la partager. La vie vaut la peine d’être vécue ». Ainsi les écrits d’Odile ont pu être recueillis et publiés dans un livre : « Sa présence dans ma vie » (1).

Au cours des dernières années de sa vie terrestre, Odile a affronté les assauts répétés d’un cancer. C’est dans cette condition qu’elle s’interroge sur la joie. Lorsque l’apôtre Paul parle , à plusieurs reprises de la joie dans ses épîtres : « Soyez toujours joyeux ! », est-ce possible ? Comment parler authentiquement de notre vécu par rapport à la joie ? Odile parle ici de la joie à partir de sa foi et de son expérience.

 

La joie jusque dans l’épreuve

Quand tout roule, que je me sens en forme, la vie est belle…La joie est tout naturellement au rendez-vous. Chacun peut le constater. Voilà que les nuages arrivent, que des pépins pleuvent, ou simplement  qu’une mauvaise nouvelle s’annonce, alors patatras tout s’écroule. Je me sens fatiguée avec un vague à l’âme qui risque fort de s’installer. Alors le commun des mortels constate d’un air résigné : « Il y a des jours avec et des jours sans ».

Se laisser influencer par le climat ambiant, comme un bouchon voguant sur l’eau, ne me satisfait pas.  Je souhaite tenir ma vie en mains dans la mesure de mes possibilités. Je lis dans le livre des Proverbes des vérités profondes que j’ai pu observer dans ma vie : « Un esprit joyeux est un excellent remède, mais l’esprit déprimé mine la santé » (Pr 17/22).  « Un bon moral permet de supporter la maladie (Pr 18/14). Et aussi : « Si tu te laisses abattre au jour de l’adversité, ta force est bien peu de chose » (Pr 24/10). Alors comment développer cette force intérieure que je désire ?

L’apôtre Paul parle à plusieurs reprises de cette joie dans ses épîtres. « Soyez toujours joyeux ! ». Toujours ? Est-ce vraiment possible ? Allez donc dire cela à quelqu’un dans la détresse où même simplement dans la peine. Vous risquez fort d’être renvoyé « sur les roses » ! Dans l’épître aux Thessaloniciens, (5/17-18), Paul ajoute : « Priez sans cesse. Remerciez Dieu en toute circonstances : Telle est pour vous la volonté que Dieu a exprimé en Jésus-Christ ».

Remercier en toutes circonstances ? Est-ce possible ? Comment ? Pourquoi ? Ne risquons-nous pas d’être hypocrites ? Il faut reconnaître ses sentiments. J’ai médité longuement la lettre adressée aux chrétiens de Philippes. Le mot : « joie » est mentionnée plus de dix fois, et « joyeux », tout autant. Pourtant Paul est en prison. Enchaîné dans des conditions matérielles pénibles, il parle de « détresse », et, de plus, il est profondément attristé, meurtri même, par l’attitude de certains, jaloux, hypocrites, dit-il, qui annoncent l’Evangile dans un esprit de rivalité.. Il semble toujours sur le qui-vive, car il voit l’influence néfaste de la propagande judaïsante pour ramener  les chrétiens sous le joug de la « Loi ». En même temps, l’apôtre a une affection particulière et une profonde reconnaissance pour les chrétiens de Philippes. Ils ont pris part à sa détresse et l’ont secouru : soutien matériel qui soulage ses conditions de vie, mais aussi et surtout leur communion spirituelle dans leur collaboration à la diffusion de la Bonne Nouvelle. Il se réjouit de les savoir fidèles à l’Evangile, de leur progrès dans la foi, de leur amour fraternel entre eux.

Alors, où est la vérité ? L’univers de Dieu est bien paix et joie dans la justesse des commandements de Dieu. (Romains 14/17). Attention de ne pas devenir schizophrène spirituel en séparant notre vécu : corps, émotion, mental, des élans mystiques. Plus j’approfondis ma relation  à Dieu, plus je suis convaincu que Dieu a des projets de bonheur pour moi (Jérémie 29/11), dans mon être tout entier (I Thes 5) et non pas uniquement spirituel. Voilà ce qui lui fait plaisir (Romains 12/1).

Alors joyeux dans l’adversité ? Je relis attentivement cette épître aux Philippiens. Comment l’apôtre réagit-il devant l’attitude qui l’a tant blessée de ceux « qui, animés par un esprit de rivalité et de dispute, jaloux de ses succès, se mettent à prêcher Christ ».

Qu’importe, après tout ! » dit Paul. Ce qui importe le plus, c’est que Christ soit annoncé, quelque soit le support de la communication. Alors sa douleur passe au second plan et s’adoucit à travers un intérêt plus important.

Dans le Psaume 23 du bon berger, je constate : devant l’adversité, le Seigneur prépare un banquet pour moi, m’accueillant comme un hôte important : sa bonté, sa générosité m’accompagnent tous les jours de ma vie.

J’ai compris qu’en toute chose, Dieu me veut du bien. Dans toute adversité, il y a un germe de vie. Aussi, je comprends la parole de Jésus : la semence doit mourir en terre pour donner une plante.  A chaque déception, le long de cette maladie a rebondissements, je me tourne vers l’Esprit Saint, le consolateur qui conduit dans la vérité.

Attentive à sa réponse, je perçois ma voix intérieure me désignant l’attitude faussée qui est à guérir en moi : une rancune, une colère intérieure, une blessure non guérie, une manière d’être à améliorer… Parfois, c’est une parole dite par telle personne, ou verset biblique, ou même un événement qui m’interroge et m’éclaire. Ainsi, pas à pas, l’œuvre divine a fait son chemin en moi, libérant ma personnalité. Je peux dire aujourd’hui qu’à soixante-dix ans passés, je vis une profonde joie de reconnaissance de devenir de plus en plus moi même dans la croissance de mes potentialités qui étaient bloquées par tant  d’obstacles et déviations vécus dans le passé.

Aujourd’hui devant tout le mal, je cherche le germe d’un bien meilleur. Sagesse et discernement spirituel souvent cités dans les épîtres de Paul développent la maturité de mon être.  Actuellement, je suis étonnée de vivre ce paradoxe d’une joie profonde et d’une grande paix en même temps qu’une douloureuse déception. Cette dernière, du reste, s’estompe quand un rayon de lumière me dévoile l’espérance. Ce sentiment est subjectif bien sûr . Il est perçu à l’extérieur quand mon interlocuteur au téléphone me demande des nouvelles tout en donnant une réponse avant que je n’ai le temps de parler : « Tu as une bonne voix, ça va bien ». Ouf, je n’ai pas à exprimer mon désarroi lié au traitement renforcé qui m’est prescrit. Alors la conversation peut se dérouler sur un ton joyeux qui me fortifie. Il m’arrive parfois d’encourager et même de prier pour l’autre au bout du fil qui, lui, exprime sa souffrance, son désarroi.

Dieu est grand, d’une bonté infinie. Il imprime en moi sa paix et sa joie. La liberté des enfants de Dieu m’est accordée. Joie . Reconnaissance.

 

Odile Hassenforder

 

(1) Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011.  L’introduction : « Odile Hassenforder : sa vie et sa pensée » est présentée sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2345 On y trouvera également d’autres textes d’Odile  ou des références à sa pensée : https://vivreetesperer.com/?s=Odile+Hassenforder

Ce texte : « La joie jusque dans l’épreuve » figure dans le livre sous le titre : « Soyez toujours joyeux » (p 145-148).

 

Lire aussi : « La joie, force de vie » (Méditation de Anne Faisandier)

(Texte précédent)

 

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