Les expériences spirituelles telles que les « near-death experiences ». Quels changements de représentations et de comportements ?

 

Notre horizon serait-il limité par une conception du monde dans laquelle la conscience humaine serait solitaire dans l’univers en l’absence de vis-à-vis d’une conscience supérieure ? Notre existence serait-elle enfermée dans un cycle commençant à la naissance et se terminant à la mort ?

La myopie d’une science qui, à une certaine étape de son développement où l’esprit humain a pu penser maîtriser les lois de l’univers, couplée au rejet d’une religion perçue comme un assujettissement, fait obstacle, aujourd’hui encore, à la prise de conscience de la réalité d’une conscience supérieure. Mais, à partir de champs différents, on assiste de plus en plus aujourd’hui à la reconnaissance d’une réalité qui nous dépasse. Et, de plus en plus, la conscience supérieure qui se manifeste à travers différentes expériences, se révèle bienfaisante.

Dans son livre : « Something there » (Il y a bien quelque chose) (1), David Hay nous ouvre à la perception des réalités spirituelles, dans une démarche d’observation et d’enquête qui se veut résolument scientifique. Il s’appuie notamment sur la collecte méthodique d’expressions et de témoignages qu’un autre biologiste britannique, Alister Hardy, a réalisé pour faire apparaître le contenu des expériences spirituelles qui sont vécues par un nombre appréciable de personnes ayant répondu positivement à la question : « Vous est-il arrivé d’avoir conscience d’une présence ou d’une puissance (ou d’être influencée par elle) que vous l’appeliez Dieu ou non et qui est différente de votre perception habituelle ?» (2).

Dans son livre : « Du cerveau à Dieu, plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme » (3), Mario Beauregard consacre un chapitre aux expériences spirituelles et religieuses. Bien plus, il apporte un témoignage sur une expérience personnelle. Celle-ci est survenue, il y a une vingtaine d’années alors qu’il était allongé sur son lit dans un état de fatigue chronique. « Tout à coup, j’ai fusionné avec l’intelligence cosmique (ou l’ultime réalité), source d’amour infini et je me suis retrouvé uni à tout ce qui existe dans le cosmos. Cet état d’être s’accompagnait d’une intense félicité et extase. Cette expérience m’a transformé psychologiquement et spirituellement, et m’a donné la force nécessaire pour surmonter ma maladie et guérir » (p 388). On notera le caractère bienfaisant de cette expérience.

 

Les « near-death experiences (NDE) » : expériences de mort imminente (EMI). Influence sur les représentations et les comportements.

 

Or, dans un autre domaine, concernant cette fois l’épisode de la mort, une mise en évidence de la réalité d’expériences qui manifestent la poursuite de la conscience humaine au delà de la vie terrestre, est apparue dans les années 70, notamment à travers la parution du livre emblématique de Raymond Moody : « La vie après la vie » (4). Et, depuis lors, ces phénomènes : les « near-death experiences (NDE) » (expériences de mort imminente (EMI), sont de plus en plus étudiées. À côté d’une littérature qui exprime ce vécu, une démarche scientifique s’est appliquée à en analyser toutes les dimensions. Et, à cet égard, le livre récent, écrit par un chirurgien et cardiologue, Pim Van Lommel : « Consciousness beyond life. The science of near-death experiences » (5) est salué par des observateurs qualifiés comme une avancée significative de la recherche : « Les faits confirment la réalité des « near-death experiences » et suggèrent que les scientifiques devraient repenser leurs théories sur un des ultimes mystères médicaux : la nature de la conscience humaine » (The Washington Post). « Cette recherche sera accueillie par les chercheurs qui croient que l’activité de l’esprit continue après que le cerveau se soit arrêté. Les responsables des églises y verront une mise en évidence de la réalité de l’âme » (The Sunday Telegraph).

 

Influence des expériences de mort imminente sur les représentations et les comportements.

Nous n’entrerons pas dans une présentation des multiples facettes de cette recherche sur les expériences de vie après la mort. Nous supposons par ailleurs que les caractéristiques générales de ces expériences sont  connues par un large public. Dans ce contexte, les récits rapportent le plus souvent, que les personnes en partance pour ce nouvel univers se sont senti accueillies dans un climat relationnel manifestant paix et amour. Nous ne traiterons pas ici des cas qui échappent à cette tendance générale. Nous voudrions  donc simplement évoquer ici les aspects globalement bienfaisants de ces expériences, tels qu’ils sont décrits dans le troisième chapitre du livre : « Changed by a « near-death experience ».

De fait, comme les expériences qui, comme on l’a vu, adviennent parfois dans des circonstances de la vie ordinaire, comme une manifestation d’une réalité qui dépasse notre entendement habituel, les « near-death experiences » contribuent à un éveil de la conscience et de la vie spirituelle. Dans les deux cas, l’expression de ces expériences se heurtent à une censure culturelle encore répandue dans les pays occidentaux. Comme le montre Pim Van Lommel, ces résistances freinent ainsi le partage de la vision qui a été vécue, et donc son intégration de la vie de ceux qui en sont les bénéficiaires. Cela rend plus difficile l’adaptation aux changements dans les sensibilités et les comportements. Des troubles peuvent en résulter.

Chez certains, on note des transformations très sensibles dans les registres physique ou psychique. Sur le plan physique, ce peut être une activité accrue des sens, des allergies, des phénomènes électro- magnétiques, des dons de guérison. Sur le plan psychique, on note souvent l’apparition de forme de perception et de communication qui dépassent la vie ordinaire : clairvoyance, télépathie, précognition … Ces facultés requièrent une capacité de gestion qui n’est pas acquise d’avance.

 

Cependant, Pim Van Lommel met en évidence un ensemble de changements qui ont manifestement un effet bénéfique, soit dans l’immédiat, soit, plus encore, au long de processus qui se développent dans la durée.

Il y a une acceptation de soi et un changement de sa propre image dans un sens positif. Cette amélioration engendre une plus grande autonomie et s’accompagne d’une curiosité d’esprit accrue.

Il y a la compassion pour les autres. Ainsi note une personne : « Il est évident pour moi que cette expérience a transformé mes émotions. Tout ce que je fais maintenant a pour but de répandre un sentiment d’amour » (p 53). Les gens pardonnent davantage. Ils apprécient davantage les relations et ils sont en plus grande capacité de partager leurs émotions avec d’autres. Ils deviennent compatissants et s’engagent dans une relation d’aide vis-à-vis des autres.

Leur vision de la vie change également. Les gens qui ont vécu cette expérience apprécient les petites choses de la vie, prêtent davantage attention à l’ici et maintenant et jouissent du moment présent. Ils attachent moins d’importance au statut social, à l’argent, aux biens matériels, à la compétition. Ils ont un respect accru pour la vie et apprécient davantage la nature.

Ces expériences engendrent la conviction de l’existence d’une vie après la mort. Elles réduisent beaucoup la peur de la mort. « Je n’ai plus peur de la mort. Je considère cette expérience que j’ai vécue comme un don. Maintenant, je sais qu’il y a un au delà à la mort. Je suis reconnaissant. Je sens que je dois parler de cela pour aider les autres, pour les rassurer s’ils ont peur de la mort » (p 54).

Il y a aussi une vie spirituelle accrue. On observe généralement un accroissement du sentiment religieux tandis que l’intérêt pour la « religion organisée », les institutions et les pratiques, décroît fortement. On note un développement sensible de la prière, de la méditation.  « Les gens ressentent qu’ils ont une mission et ils sont nourris par une vision spirituelle et le sentiment de faire partie d’un univers qui a un sens ».

 

Le livre de Pim Van Lommell : « Consciousness beyond life » traite des différents aspects des «near death experiences ». À partir d’une réflexion scientifique, il nous introduit dans une nouvelle perspective sur les rapports de la conscience et du cerveau. Ainsi, énonce-t-il de nouveaux concepts comme la continuité de la conscience, sa non localisation, son inscription dans un espace multidimensionnel, une interprétation de ces phénomènes à la lumière de la mécanique quantique. Ces thèses peuvent être contestées, mais elles sont fondées sur une grande compétence.

Dans cette note, nous nous sommes centrés sur un aspect particulier : les changements généralement induits par ces expériences dans les représentations et les comportements de ceux qui l’ont vécu. Le phénomène des « near death experiences » se heurte à un déni à la fois chez les tenants d’un matérialisme scientiste, et chez des fondamentalistes religieux qui s’approprient le salut en le réservant à ceux qui croient à leur doctrine.  Dans la mutation culturelle qui se développe aujourd’hui à l’échelle mondiale, les expériences spirituelles et religieuses dans une variété de circonstances qui dépasse la seule approche de la mort, témoignent de la visibilité croissante d’une conscience spirituelle. Pour beaucoup de chrétiens, ce phénomène  apparaît comme une manifestation de la bonté et de générosité de Dieu qui nous est présenté dans l’évangile comme un « Père céleste » miséricordieux  et une œuvre de l’Esprit qui anime la création et donne la vie (6). En milieu chrétien, sur le registre du donné, à l’exemple et à la suite de la Pentecôte, des expériences de plénitude se manifestent par ailleurs depuis longtemps dans des formes reconnues comme le baptême ou l’effusion de l’Esprit. L’intensité de l’amour qui apparaît sur un registre personnel dans de nombreux récits concernant des « expériences de mort imminente »  dépasse l’entendement humain et évoque pour nous l’amour qui se manifeste en Jésus-Christ. Pour tous, les expériences spirituelles et religieuses suscitent l’espérance.

 

Jean Hassenforder

 

(1)               Hay (David). Something there. The biology of human spirit, Darton, Longman and Todd, 2006. Présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/recherche-et-innovation/etudes/672-la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r.html?showall=1

(2)               Sur ce blog : « expériences de plénitude » : https://vivreetesperer.com/?p=231

(3)               Beauregard (Mario), O Leary (Denise). Du cerveau à Dieu. Plaidoyer d’un neuroscientifique pour l’existence de l’âme. Tredaniel, 2008. Sur le site de Témoins : « L’esprit, le cerveau et les neurosciences » http://www.temoins.com/culture-et-societe/culture/631-lesprit-le-cerveau-et-les-neurosciences.html

(4)               Publié aux Etats-Unis en 1975, sous le titre : « Life after life », le livre paraît deux ans plus tard en français : Moody (Raymond). La vie après la vie, Laffont, 1977

(5)               Van Lommel (Pim). Consciousness beyond life. The science of near-death experience. Harper Collins, 2010. 442 p . Entretiens vidéo avec Pim Van Lommel : http://www.dailymotion.com/video/xjx5fs_entretien-pim-van-lommel-sous-titre-fr-1-9_tech

http://www.dailymotion.com/video/xjwv55_entretien-pim-van-lommel-sous-titre-fr-5-9_tech

Le phénomène des « near-death experiences » est  exploré actuellement par notre ami, Peter Bannister sur son blog : http://sdgmusic.org/bannister/

(6)               Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/

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