Des fleurs tapissent un coin de la vieille tranchée
La charge des coquelicots monte sur la colline
Des corbeaux noirs croassent sur les champs dépeuplés.
Souvenirs du passé, force d’un renouveau
Le vent de la forêt berce le cimetière
Et des enfants s’en vont sur les chemins boisés.
Pourquoi étions-nous jeunes au temps de la grande guerre.
Nous sommes née trop tôt et avons tout perdu
Dans le brouillard sombre et le bruit des obus.
Fêtes de la victoire, discours éparpillés un jour par année
Ne nous rendrons jamais les beaux draps blancs que nous avons quittés.
La vue d’un peuplier qui miroite au printemps
L’amour d’une femme, le sourire d’un enfant.
Comme l’orage qui vient est sillonné d’éclairs
Comme la tempête arrache pièce à pièce notre vieille toiture,
Comme le flot débordant emporte la bonne terre
Et comme le tonnerre qui toujours retentit
Porteur de la grêle et de son clapotis,
O guerres maudites, vous parsemez l’histoire
Et quand la guerre finit
Voilà comme une vague du fond de l’océan
La sombre épidémie et ses halètements.
Pourquoi étions-nous jeunes au temps de la variole ?
Nous sommes nés trop tôt au vent du choléra.
Pensez à nos chemins, hommes des temps modernes,
Notre passé vaut bien vos lendemains.
Vous tenez votre vie de nos frêles amours
Les tours des cathédrales dominent encore vos cours.
Pourtant étions démunis de ce qui aujourd’hui affranchit votre vie.
O temps de l’avenir, brillante cité terrestre,
A quoi servirait-il que nous te construisions
Si nos yeux devaient à jamais mourir
Et dans les cimetières nos corps pourrir
Comme tous ceux-là qui sont morts avant nous ?
La foule immense désarmée, massacré par le temps
Défile devant nos yeux comme l’avenir de nos plans
Et même si demain ils se réalisaient
Alors ne pourrions oublier vos souffrances et vos plaies.
A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent
Si tous vos cimetières recouvraient la terre ?
A quoi servirait donc la roue de la technique
Si pour toujours vos cris étaient des cris
Et vos pleurs des pleurs ?
Dans le désert d’un infini et dans le poids du temps
Planète d’entre milliers au sein du firmament
Le murmure de la vie s’est fait appel.
A quoi bon le festin et à quoi bon la fête
Si demain est la mort et la mort demain ?
Présence salutaire, vivante Eternité,
A nos cœurs douloureux envoie un Messager
Un murmure secret a réveillé nos cœurs,
Partie d’un coin de terre est venue l’Espérance
Comme une onde, atteint les plus lointains rivages,
A travers les siècles, à travers le temps, sans cesse se propage.
C’est la bonne nouvelle, la seule décisive
Résurrection du Christ, résurrection des morts
Et puisqu’en attendant, il faut que l’homme vive
Et que tombent les écailles de nos déchirements
Présence de l’Esprit, renouveau de la terre, résurrection des vivants.
J H
Ce poème, en forme de cri, a été écrit, il y a des années. C’est une question lancinante qui est toujours là. En regard, un théologien, Jûrgen Moltmann, qui a vécu l’enfer du bombardement de Hambourg en 1943, a trouvé le chemin pour nous dévoiler la puissance infinie de Dieu à l’œuvre pour libérer les vivants et les morts, pour nous délivrer du mal.
Délivre-nous du mal !
Jürgen Moltmann entend et se fait le porte parole de tous ceux qui ont souffert de la violence et de l’injustice. Il y a dans ce monde, un grand cri, une grande demande de justice. « S’il n’y avait pas de Dieu, qu’arriverait-il à ceux qui ont faim et soif de justice dans ce monde ? » (p.61).
Ainsi, les différentes séquences de la Bible nous montre comment Dieu vient à notre secours, apporte la justice, nous rend juste.
A travers la résurrection de Jésus-Christ, l’histoire change de visage. A la croix, Jésus devient le compagnon de tous ceux qui se sentent abandonnés de Dieu. Il libère les hommes du péché et de la culpabilité. « A travers la puissance de vie de sa résurrection, Il entraîne à la fois les victimes et les persécuteurs dans une relation juste avec Dieu et les uns avec les autres. Dans cette loi de vie nouvelle, ils peuvent vivre, car elle s’étend à la fois aux vivants et aux morts et met fin aux revendications du mal » (p.76). Nous voici engagés dans un immense processus. « La création nouvelle de Dieu apparaît déjà aujourd’hui au milieu d’un monde encore marqué par la mort. Elle sera accomplie quand, en Christ, « le Royaume sera remis à Dieu » et qu’ainsi le but sera atteint et que Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15.28).
J H
Source : Les malheurs de l’histoire. Délivre-nous du mal. Présentation de la pensée de Jürgen Moltmann sur le site : l’Esprit qui donne la vie http://www.lespritquidonnelavie.com/? p=702
« Délivre-nous du mal. La justice de Dieu et la renaissance de la vie », p 71-98. In : Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte, 2012.
Plus largement, « L’espérance des chrétiens n’est pas une espérance exclusive ou particulariste, mais une espérance inclusive et universelle en la vie qui surmonte la mort ». Voir : « La vie par delà la mort » sur le site : « L’Esprit qui donne la vie ». http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=822