par jean | Août 20, 2012 | ARTICLES, Emergence écologique, Vision et sens |
Écologie, théologie et spiritualité
Face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur la nature, une conscience écologique est apparue et se développe aujourd’hui. Ce mouvement appelle et comporte une dimension spirituelle. Car la crise que connaît la nature est liée aux comportements humains et donc aux représentations qui en sont l’origine.
Dans un entretien entre le Dalaï Lama et Stéphane Hessel récemment publié sous le titre : « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit. » (1), le problème est abordé d’emblée. Stéphane Hessel exprime le malaise occidental dans une interprétation du facteur religieux : « Dans la foi chrétienne et juive, Dieu a donné pour mission aux êtres humains de nommer les objets de la nature, de dire : ceci est une forêt, cela est un arbre… Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. L’homme n’est pas le maître de la nature. Il en est seulement une composante. Et, à partir de là, on peut penser que l’esprit qui prévaut dans le monde n’est pas seulement l’esprit de l’homme. L’homme peut le capter en partie, mais l’esprit ne lui appartient pas à lui seul » (p 11).
Ce questionnement nous amène à nous interroger sur la manière dont les textes bibliques ont été interprétés à travers le temps et quelle est leur véritable signification. C’est la tâche qui a été entreprise depuis plusieurs décennies par le théologien Jürgen Moltmann (2) qui a trouvé en France un « passeur » et un médiateur, en la personne d’un écologiste chrétien, Jean Bastaire, à travers la publication d’une anthologie de textes intitulée : « Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique » (3).
Comment vivre en harmonie avec la nature ? Dans un livre récent : « Ethik der Hoffnung » (2010), traduit et publié en anglais en 2012 sous le titre : « Ethics of hope » (4) (Éthique de l’Espérance), Jürgen Moltmann nous présente une réflexion éthique dans la vision de l’Espérance chrétienne. Ce livre consacre trois grandes sections à l’éthique de la vie, à l’éthique de la terre et à l’éthique de la paix.
Dans son approche des rapports de l’homme et de la nature, il nous appelle à passer « de la domination à la communauté » (p 66-69).
Sortir de la domination.
« La crise que nous vivons n’est pas seulement une crise écologique. Elle ne peut être résolue seulement par la technologie. Une inversion dans nos convictions et nos valeurs fondamentales est nécessaire tout comme une inversion dans notre manière de vivre ».
Il importe d’examiner et de corriger les déviations qui sont intervenues dans nos représentations religieuses en provoquant des effets néfastes sur nos manières de vivre et sur nos comportements.
En effet, « En Europe occidentale, depuis la Renaissance, Dieu a été envisagé de plus en plus à sens unique comme le « Tout puissant ». L’omnipotence est devenue un attribut prééminent de la Divinité. Dieu est le Seigneur et maître, le monde est sa propriété et Dieu peut y faire tout ce qu’il lui plait. Dans la tradition occidentale, Dieu est entré de plus en plus dans la sphère de la transcendance et le monde a alors été perçu comme purement immanent et terrestre. Le monde a perdu le mystère qui entoure la création divine… Cette révolution a entraîné la sécularisation du monde et de la nature ».
Ce changement dans la représentation dominante de Dieu a engendré une transformation de la représentation de l’homme dans son rapport avec la nature : « Comme image de Dieu sur la terre, l’être humain a été amené à se voir lui-même en correspondance comme maître et seigneur, à s’élever au dessus du monde devenu un objet passif et à le subjuguer ».
Or, de fait, l’humanité fait partie de la création. Le monde humain s’inscrit dans une dimension cosmique plus large dont la vie sur la terre dépend et dans l’évolution de tous les êtres vivants » (p 139).
Notre appréciation des rapports entre l’humanité et la nature dépend ainsi pour une large part de la représentation que nous avons de Dieu.
Entrer dans une communauté.
Jürgen Moltmann nous appelle à entrer dans une représentation de Dieu « trois en un » (« triune ». « Ce Dieu là n’est pas un Dieu solitaire et dominateur qui assujettit toute chose. C’est un Dieu relationnel et capable d’entrer en relation, un Dieu en communion (« fellowship God »). Comme dit la Parole : « Dieu est amour ». L’ancienne doctrine de la Trinité était une interprétation de cette expérience
Dans cette perspective, les comportements humains vont changer en conséquence : « Les êtres humains vont également entrer en communion (« fellowship »). L’image de Dieu sur terre n’est plus un individu solitaire, mais une vraie communauté humaine. Ce ne sont plus des éléments de la création pris individuellement qui reflètent la sagesse et la beauté de Dieu. C’est la communauté de la création dans son ensemble ».
Dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (5), Jürgen Moltmann a montré l’œuvre créatrice accomplie par l’Esprit de Dieu. « La perception de l’Esprit divin en toutes choses engendre une vision nouvelle du monde. Si l’Esprit de Dieu est engagé dans toute la création, alors l’Esprit divin oeuvre en faveur de l’unité et de la communauté de toutes les créatures entre elle et avec Dieu. La vie est communauté. La trame des relations mutuelles est suscitée par l’Esprit divin qui, à cet égard, peut aussi être appelé l’ « Esprit cosmique ».
Nous voici devant une compréhension renouvelée de la nature, une compréhension écologique. « C’est un paradigme nouveau de la communauté, de la culture et de la nature dans une communication caractérisée par la réciprocité ». « Dans l’eschatologie chrétienne, telle que nous la trouvons dans l’épître aux Éphésiens et l’épître aux Corinthiens, l’œuvre de Dieu en Christ, la christologie unit ensemble le destin de l’humanité avec le destin du cosmos dans la vision de la nouvelle création ».
Ainsi, tel que Jürgen Moltmann l’expose dans le chapitre 9 de « Ethics of hope », consacré à la dimension écologique, nos combats actuels pour la protection de la nature (6) et pour le développement de l’écologie s’inscrivent dans une grande perspective et dans une grande vision. Apprenons à vivre en harmonie avec la nature.
J H
(1) Dalaï-Lama, Stéphane Hessel. Déclarons la pais ! Pour un progrès de l’Esprit. Indigène éditions, avril 2012.
(2) On trouvera une présentation de la vie et de la pensée de Jürgen Moltmann, ainsi que des textes introduisant à certains aspects de cette pensée sur le site : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/
(3) Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. Les textes sont issus de grandes œuvres de Moltmann parues au Cerf : Dieu dans la création ; Trinité et Royaume de Dieu ; Jésus, le Messie de Dieu ; La venue de Dieu. Voir sur le site : l’Esprit qui donne la vie, une présentation de la pensée de Moltmann sur la création : « Dieu dans la création » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=766
(4) Moltmann (Jürgen). Ethics of hope. Fortress Press, 2012
(5) Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 « La possibilité de reconnaître l’œuvre de Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu a pour fondement théologique la compréhension de l’Esprit de Dieu comme puissance de création et comme source de vie. « C’est le souffle de Dieu qui m’a fait, l’inspiration du Puissant qui me fait vivre » dit Job (Job 33.4). (p 60)
Sur le blog : Vivre et espérer : « Pour une conscience écologique. Une expérience de terrain » https://vivreetesperer.com/?p=694
par | Juin 16, 2012 | ARTICLES, Emergence écologique, Hstoires et projets de vie |
Une expérience de terrain
J’ai poursuivi mes études universitaires jusqu’au doctorat en écologie. J’ai mené mon travail de thèse dans un laboratoire du CNRS, dans le cadre d’un programme européen de recherche sur la biodiversité des plaines inondables, avec des équipes de recherche d’Umea en Suède, de Cambridge au Royaume-Uni et de Grenoble.
Cette thèse a été un réel voyage initiatique. J’ai été confrontée à l’immense complexité de la nature, à l’impossibilité de l’appréhender dans sa globalité et au constat, que « plus on sait… moins on sait« … car on prend conscience de l’immensité des connaissances qui nous échappent. Chaque question à laquelle on parvient à répondre, même partiellement, ouvre vers un horizon de milliers d’autres…
A cette époque, certains de mes collègues chercheurs participaient à des projets avec des non-chercheurs, notamment des techniciens de collectivités. Ils relataient souvent la difficulté de transmettre les connaissances scientifiques à des gens étrangers au monde de la recherche.
C’est ce qui m’a motivée à entreprendre un DESS en communication scientifique alors que je terminais ma thèse en parallèle. Après avoir obtenu ces deux diplômes, j’ai trouvé un premier poste comme directrice d’une association en charge de la gestion d’un espace naturel en bordure d’un grand fleuve.
Préserver la biodiversité.
Cette expérience a été difficile, mais très formatrice. J’ai notamment eu l’occasion de m’impliquer dans des projets de développement du territoire, avec les collectivités territoriales locales. Cette découverte a confirmé l’envie de m’orienter vers un travail dans la fonction publique territoriale. Après avoir quitté mon poste de directrice, j’ai donc passé le concours d’ingénieur territorial puis obtenu un poste comme chargée de mission patrimoine naturel dans une importante collectivité. Au sein d’une équipe d’une douzaine de personnes, je suis chargée de mettre en oeuvre la politique décidée par les élus en matière de biodiversité. Je travaille sur de nombreux projets en lien avec la restauration et la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore. Mon travail consiste à financer et accompagner le montage des projets menés par différentes types de structures, principalement des associations ou d’autres collectivités (communes, communautés de communes,…).
Biodiversité… au bord d’une route ardéchoise
J’ai aussi la chance de mener certains projets en direct, notamment ceux qui concernent la trame verte et bleue. Ce terme traduit en fait une nouvelle stratégie qui émerge pour préserver la biodiversité. Jusqu’à il y a quelques années, les actions étaient surtout focalisées sur la protection de milieux naturels dits « remarquables », car constitués d’espèces ou d’habitats naturels rares ou menacés. Mais le constat mondial de l’érosion de la biodiversité, combiné aux avancées des connaissances scientifiques notamment de l’écologie du paysage, ont montré que les causes principales de cette érosion de la biodiversité était la disparition des milieux naturels, et leur fragmentation, résultant des activités humaines (infrastructures toujours plus nombreuses, urbanisation galopante, modification des pratiques agricoles et notamment intensification des cultures,…). Aujourd’hui, on change de stratégie en cherchant à reconnecter les milieux naturels entre eux, ou en préservant les connexions qui subsistent, afin de permettre aux espèces de se déplacer, ce qui leur est nécessaire pour accomplir les différentes phases de leur cycle de vie.
L’homme et la nature.
Mon travail est passionnant à de nombreux titres. Si l’on y réfléchit bien, il concerne en premier lieu les relations.
Les activités humaines fragmentent les milieux naturels
La nature : un milieu interactif
Avant d’être un mouvement politique, l’écologie est la science qui étudie les interactions entre les différents compartiments du vivant. La nature qui nous entoure est caractérisé par un grand nombre d’interactions complexes, entre les espèces entre elles, entre les espèces et le monde physique… Beaucoup de choses sont reliées, et perturber ou supprimer un maillon de la chaîne affecte l’ensemble…
Le fonctionnement de la nature est dynamique… une dynamique dans l’espace et dans le temps. Les espèces se déplacent pour s’alimenter, se reproduire, migrer ; sous nos climats, les saisons s’enchaînent et chacune d’entre elles correspond à des processus du vivant particuliers ; les générations d’individus se succèdent à des échelles de temps très différentes selon les espèces (de la bactérie, à l’éléphant !). Bien que l’homme aime comprendre, acquérir de nouvelles connaissances, le fonctionnement de la nature nous reste encore bien mystérieux, et surtout échappe à notre contrôle.
Des plantes carnivores en France… oui, ça existe ! (Drosera rotundifolia)
Des limites au contrôle de l’homme.
La nature rappelle à l’homme son incapacité à tout contrôler…. ce qu’il a parfois bien du mal à accepter. Nous avons essayé de « domestiquer » la nature. Nous avons canalisé les fleuves, construit des digues, mais les inondations continuent… car elles sont normales, et font partie des processus naturels qui créent la vie en transportant des sédiments, en créant de nouveaux milieux,… Mais nous avons essayé de contrôler ce processus, nous avons construit nos habitations en zones inondables, nous avons créé de nombreux barrages pour créer de l’électricité… Intentions louables et légitimes, mais décisions souvent excessives que nous avons prises sans en mesurer suffisamment les impacts… Par exemple, les nombreux barrages ont perturbé le transport des sédiments qui se trouvent piégés derrière… Comme conséquence, on a constaté des phénomènes d’érosion en aval des barrages, les rivières « s’enfoncent » et les niveaux de nappe phréatique en font de même… du coup, plus de sécheresse, besoin de plus d’irrigation, cercle vicieux…
Les tourbières… des milieux fragiles mais essentiels
L’homme contrôle, domine, veut exercer un pouvoir sans limite, et quand le fonctionnement de la nature se rappelle à lui, sous forme catastrophique bien souvent, l’homme considère la nature comme « hostile »…. Il oublie sa responsabilité dans ces phénomènes.
Je trouve que ces constats, que je rapporte ici de manière rapide et caricaturale, peuvent amener des réflexions d’ordre plus spirituel… Soigner les relations, plus que la domination… Quand nous contrôlons les autres, de manière consciente ou inconsciente, nous sommes souvent confrontés à des retours de bâtons parfois violents…
La recherche de l’harmonie, entre humains, ou entre l’homme et la nature, demande un état d’esprit particulier : persévérance, humilité…
Au delà de l’immédiat, penser dans la durée.
Dans l’exercice de mon métier, je suis parfois découragée en me disant que ce je fais, c’est une goutte d’eau dans l’océan… Il faut déployer tellement d’énergie pour protéger quelques hectares ! On se heurte à tellement d’obstacles, un pas en avant, quatre en arrière… Malgré sa conscience de l’avenir, j’ai parfois l’impression que l’être humain ne se comporte pas plus intelligemment (voire moins) que les animaux. Il « consomme » les ressources à sa disposition, sans se préoccuper ou si peu, de ce qui va se produire lorsque ces ressources deviendront insuffisantes.
Les rivières, une écologie dynamique !
Je crois qu’on touche là à une question un peu existentielle… Les processus écologiques se déroulent bien souvent à des échelles de temps qui dépassent la durée d’une vie humaine. Penser à l’avenir de notre planète (donc à celui de l’espèce humaine), c’est intégrer l’idée de sa propre mort et agir en sachant qu’on ne verra sans doute pas le résultat de son action. On touche à l’idée du temps, de l’éternité…
Céleste
Merci à Céleste, qui, à partir de son expérience, nous fait entrer dans une prise de conscience écologique. Les titres et l’accentuation de certains passages en caractères gras relèvent de la rédaction.
Les photos ont été prises par Céleste.
On peut la joindre à l’adresse mail suivante: despiedsetdesailes@gmail.com
par jean | Mar 31, 2012 | ARTICLES, Emergence écologique, Expérience de vie et relation |
« La médecine personnalisée » d’après Jean-Claude Lapraz
Il était venu, à bout de souffle en état de fatigue chronique, une vie au minimum, sans vitalité. Jean-Claude Lapraz lui demanda : qu’est-ce vous attendez de moi ? Que je puisse me déplacer davantage … vivre. Ce fut le début d’un parcours au cours duquel il gagna progressivement en santé. Elle vint le voir, très affectée par l’apparition d’un cancer du sein. Il l’aida à garder un horizon de vie dans la traversée des aléas successifs. Elle trouva en Jean-Claude Lapraz un accompagnement thérapeutique et une présence amie qui lui permit de résister pendant des années à cette maladie et aux traitements lourds auxquels elle fut soumise. Marie-Laure de Clermont –Tonnerre, journaliste, coauteur avec le docteur Jean-Claude Lapraz, du livre sur « la médecine personnalisée » (1) , raconte comment elle aussi découvrit dans la rencontre avec ce médecin, une réponse aux maux qui l’assaillaient et qui l’empêchaient de vivre normalement. Et, derrière les nombreux cas présentés dans ce livre, du relativement banal au tragique, de l’otite à répétition au cancer du foie, à chaque fois, on voit à l’œuvre une approche médicale qui, en dialogue avec le patient, va en profondeur dans la connaissance du fonctionnement du corps dans toutes ses interactions et qui ouvre en conséquence un chemin de libération . Cette approche médicale suscite la confiance et l’espoir là où souvent il n’y avait plus que l’angoisse et la résignation. L’efficacité de cette médecine tient à son adaptation au terrain de chacun. C’est « une médecine personnalisée », mais cette approche requiert en conséquence une attention personnelle pour chaque patient. Et ainsi pourrait-on reprendre parallèlement le vocable : « médecine de la personne » (2), déjà utilisé, il y a des années, par le Docteur Paul Tournier, dans la désignation d’un livre qui plaidait pour une relation de confiance entre le médecin et celui qui s’adresse à lui.
Une vision nouvelle de la médecine : la médecine de terrain.
Selon notre constitution, nous réagissons chacun différemment à telle ou telle agression. « Une seule explication possible : l’état de notre terrain : « L’ensemble des facteurs génétiques, physiologiques, tissulaires ou humoraux qui, chez un individu, favorisent la survenue d’une maladie ou en conditionne le pronostic » (Larousse). C’est dans cette perspective que cette nouvelle approche médicale est mise en œuvre : « L’être humain ne se limite pas à un simple assemblage de fonctions ou d’organes sans lien entre eux. Il est un être vivant autonome et complet qui réagit à chaque instant comme un tout cohérent et doit sans cesse s’adapter… La médecine actuelle a fait éclater le corps en ses multiples composants. En négligeant de replacer chacun d’eux dans ses relations complexes avec les autres, elle a perdu la capacité d’établir un diagnostic global de l’état du patient. Il est donc temps aujourd’hui de proposer une approche médicale qui mette en évidence les liens qui unissent le local au global et qui donnent une véritable vision scientifique intégrale du patient. C’est ce que nous désignons comme la conception endobiogénique du terrain » (p68).
« Le tout est plus que la somme des parties ». Le corps est perçu comme un ensemble de niveaux : « Chaque niveau, du gêne au chromosome, du chromosome au noyau, du noyau à la cellule, de la cellule à l’organe, de l’organe à l’organisme, possède ses propres mécanismes de fonctionnement, mais ils sont intégrés et sous contrôle du niveau supérieur, et, en fin de compte sous celui de l’ensemble de l’organisme. Si un niveau se dérègle, il est important d’identifier ce qui, en amont, a généré le dérèglement et de comprendre comment celui-ci agira à son tour sur l’aval » (p 68-69).
Tout se tient. « Pour maintenir l’harmonie, il existe nécessairement une communication permanente entre chacun des éléments, chacune des parties qui nous constitue. Il faut donc qu’en notre corps, ensemble vivant infiniment complexe, existe un coordonnateur qui gère en permanence les liens qui unissent la cellule à l’organe, l’organe aux autres organes et les fonctions entre elles (p 70-71)… La vie ne peut se maintenir s’il n’existe pas une cohérence et une finalité qui permette de faire fonctionner de façon harmonieuse les cellules et les organes de notre corps pour qu’ils se maintiennent en équilibre » (p70-71).
De fait, il existe bien une forme de « chef d’orchestre ». « Si l’organisme est une maison , il a pour architecte, pour coordonnateur, pour régulateur, le système hormonal ». Selon l’endobiogénie, « l’approche endocrinienne du terrain est fondée sur la reconnaissance du role primordial et incontournable du système hormonal à tous les niveaux du corps humain. C’est lui qui gère le métabolisme, c’est à dire la succession permanente et dynamique des phénomènes de destruction (catabolisme), de reconstruction et de synthèse (anabolisme) qui se déroulent à chaque seconde en nous… » (p 71).
L’approche endobiogénique s’appuie sur une interprétation nouvelle du fonctionnement du corps humain. Elle propose également de nouveaux outils pour en comprendre concrètement le fonctionnement et pour pouvoir en conséquence intervenir pour corriger et réguler.
« En partant d’une simple prise de sang comportant douze données biologiques (comme la numération formule sanguine, le nombre des plaquettes sanguines, le dosage de deux enzymes…), on peut construire un système établi sur des algorithmes, tous basés sur des données incontestées de la physiologie qui font apparaître de nouveaux chiffres conduisant à une compréhension beaucoup plus large des phénomènes à l’œuvre dans le corps que ne le permet l’approche purement analytique actuellement en vigueur. C’est la « biologie des fonctions »… Ce système complexe, conçu par le Docteur Christian Duraffourd, a permis d’établir quelques 172 index d’activité endocrine, métabolique, tissulaire, etc (par exemple : nécrose cellulaire, résistance à l’insuline, remodelage osseux, immunité, stress oxydatif, développement anormal cellulaire) (p 81-83). « Dans une goutte de sang, on peut voir l’individu et son terrain ». La production de cet ensemble est un bond en avant impressionnant pour la compréhension de l’état du patient.
Mais, dans la consultation, telle qu’elle est pratiquée par les médecins qui se réclament de cette approche, d’autres données recueillies à travers l’écoute et l’examen clinique, viennent encore s’y ajouter. Ces données viennent s’inscrire en regard de l’interprétation endobiogénique. A partir de là, le médecin peut prescrire un traitement approprié en faisant appel principalement aux plantes médicinales. L’usage de celles-ci permet d’éviter la nocivité des effets secondaires que peuvent entraîner certains médicaments de synthèse. Par ailleurs, la combinaison d’un certain nombre de plantes à activité synergique ou complémentaire induit un effet global important : « La sommation des petits effets que chacun va générer dans l’organisme permet d’apporter une amélioration, puis une vraie guérison ».
Une pratique nouvelle de la médecine.
Dans un chapitre entièrement consacré à la description du déroulement d’une consultation (p 101-134), Marie-Laure de Clermont-Tonnerre nous permet d’entrer dans la pratique de cette médecine et de la comprendre de l’intérieur. Elle nous décrit ce qu’elle a vécu. A partir de sa propre perception des symptômes qu’elle ressentait, quels ont été ses questionnements et ses besoins ? Comment a-t-elle pu s’exprimer et être entendue ? Comment a-t-elle reçu un début d’explication lui permettant de découvrir une cohérence cachée derrière l’ensemble de ses symptômes ? En quoi, l’analyse des index de la biologie des fonctions permet « de mettre en évidence de façon chiffrée les liens subtils qui existent entre les différents organes et fonctions du corps humain, amenant le médecin à une vision plus fine de l’état réel du patient, l’aidant ainsi à diriger son traitement préventif et curatif »? En quoi, très concrètement, l’examen clinique, c’est-à-dire l’auscultation détaillée selon une méthode précise, apporte des renseignements précieux sur la façon particulière dont le corps s’organise et réagit ? Et enfin, comment le traitement est prescrit et commenté en fonction de toutes les données ainsi recueillies ?
Ce chapitre est particulièrement éclairant, car nous pouvons beaucoup apprendre de cette étude de cas tant sur la manière dont les données sont recueillies que sur leur signification, tant sur l’interprétation des dysfonctionnements que sur la stratégie adoptée pour y porter remède. Cette consultation n’est pas seulement une situation d’ordre technique, c’est aussi le lieu d’une relation dans laquelle il y a un dialogue permettant une compréhension accrue de part et d’autre et ainsi une participation du patient. Comme en témoigne Marie-Laure, la qualité humaine du médecin est essentielle. La psychologie confirmant la sagesse, on sait aujourd’hui combien compréhension , empathie et encouragement ont un effet majeur sur l’évolution ultérieure.
Tous ceux qui ont eu la grande chance de bénéficier de cette médecine apprécieront cette description et pourront y glaner des informations passées jusque là inaperçues. Mais ce livre s’adresse à tous. Cette description riche et fine d’une consultation en médecine endobiogénique fait apparaître un univers de sens qui nous permet d’accéder à un niveau supérieur d’information et de conscience. C’est là une source d’espoir et de confiance pour beaucoup. Nous avons dit combien, dans certains cas, elle est une ouverture qui libère, et osons le mot, une médecine qui sauve. Mais, en mettant en lumière les dysfonctionnements en formation, c’est aussi une approche qui permet d’y remédier à temps et donc d’exercer un rôle de prévention .
Ainsi cette médecine a une double fonction : elle prévient et elle guérit. Comment ne pas militer en faveur de son développement !
Origine et devenir de la médecine endobiogénique.
L’apparition de la médecine endobiogénique nous apparaît comme une transformation majeure dans la conception et la pratique de la médecine, ce qu’en terme de sciences sociales, on peut appeler un nouveau « paradigme ». Mais si cette approche est actuellement mise en œuvre par un groupe de médecins encore très limité en nombre, comment est-elle apparue ? Le récit de Jean-Claude Lapraz nous montre la genèse d’une prise de conscience : une insatisfaction de médecins généralistes vis à vis d’une pratique médicale qui répond ponctuellement, mais qui souvent ne parvient pas à soigner en profondeur ; en contact avec Jean Valnet, un chirurgien ayant découvert en Indochine l’efficacité des plantes médicinales, la reconnaissance de cet apport à travers une expérimentation concrète ; au début des années 70, la conjonction de deux jeunes médecins, Christian Duraffourd et Jean-Claude Lapraz pour s’engager dans la voie nouvelle de la « phytothérapie clinique », c’est à dire le recours à la plante médicinale dans le cadre d’une approche globale et complète de l’homme et de sa physiologie.
Et puis ces idées ont essaimées, mais en France, en fonction des conservatismes ambiants, elles sont encore largement ignorées par les institutions officielles. Dans d’autres pays, par contre, l’approche endobiogénique gagne en audience. Aujourd’hui, dans notre pays, si l’approche endobiogénique est pratiquée par un nombre bien trop limitée de médecins, elle est soutenue par une association d’usagers : Phyto 2000 (3) et elle commence à se répandre à travers des formations. Voici une médecine nouvelle dont on a vu l’efficacité et combien elle répond aux attentes. Qu’on ne laisse pas arrêter par les frustrations que certains peuvent ressentir, en termes négatifs, vis- à vis d’un potentiel qui leur paraîtrait actuellement hors de portée. Les auteurs situent également cette médecine dans le contexte plus général de la société en prenant position par rapport à toutes les menaces pour la santé, depuis les dangers présentés par certains produits de l’industrie pharmaceutique jusqu’à la pollution . A l’heure où se pose également le problème du coût de la médecine, on peut également mettre en avant les avantages d’une approche qui non seulement révèle son efficacité, mais peut jouer un rôle majeur en terme de prévention. Il y a donc un immense travail de promotion à réaliser . A cet égard, le livre publié par Jean-Claude Lapraz et Marie-Laure de Clermont-Tonnerre est un outil particulièrement efficace, car dans un langage dynamique et efficace, il ouvre à tous un accès à la compréhension de l’approche endobiogénique.
Perspectives d’avenir.
Comment promouvoir l’endobiogénie ?
Dans la conclusion, les auteurs mettent en évidence un paradoxe : « Jamais le financement consacré à la recherche n’a été aussi gigantesque et jamais la technologie médicale n’a fait autant de progrès que pendant les deux dernières décennies… Pour autant, jamais la médecine n’a été confrontée à une crise d’une telle ampleur et jamais le système de santé n’a été si proche de l’éclatement..
Devant des recherches qui peinent à obtenir les résultats espérés malgré les sommes considérables englouties, une réflexion s’impose : il faut reconsidérer les concepts de l’approche du vivant qui fondent la médecine moderne. Si la voie pastorienne a donné des fruits incontestés, elle bute maintenant sur ses limites. En éclatant l’homme en ses multiples composantes, en dissociant la partie du tout et en ne la replaçant pas dans la globalité, elle n’est pas à même de faire la synthèse, ni de remettre l’homme au centre du système. Il est donc temps d’introduire au cœur de la médecine actuelle de nouveaux outils conceptuels rendant possible une vraie synthèse à tous les niveaux : écoute du patient, examen du malade, approche des résultats biologiques, conception du traitement, orientation de la recherche, mise au point de nouveaux médicaments et mise en place d’une vraie prévention. Une des solutions pour la médecine de demain passe par la voie intégrative sans rien renier des avancées apportées par la science analytique. Basée sur les données de la science et avec le recul de plus de quarante année d’une pratique clinique confirmée par de nombreux médecins français et étrangers, la voie intégrative qu’est l’endobiologie, apporte des moyens simples à mettre en œuvre rapidement.. » (p 312)
Nous vivons aujourd’hui dans le mouvement d’une mutation culturelle qui se déploie à l’échelle du monde. Le champ de la conscience s’élargit. Des barrières tombent. On assiste aujourd’hui au recul d’une pensée cartésienne qui séparait l’esprit et le corps de l’homme, l’homme et la nature. On perçoit de plus en plus les limites d’une pensée analytique qui induit une pratique « en miettes ». Certes la volonté de puissance de l’homme est toujours là et elle peut se manifester dans la fascination de la technologie (4). Mais on prend de plus en plus conscience des méfaits d’une telle attitude dans laquelle l’homme se pose en « maître et seigneur de la nature ». Au contraire la pensée écologique recherche une harmonisation entre l’homme et la nature. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann (5), « Nous ne voulons plus connaître pour dominer, nous voulons connaître pour participer ». Et il ajoute : « L’ « essence » de la création dans l’Esprit est la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (M.Buber) ». De plus en plus, les approches systémiques, holistiques, intégratives s’imposent. De nouvelles synthèses s’élaborent . A cet égard, le livre de Thierry Janssen : « La solution intérieure » (6) nous paraît particulièrement significatif. Thierry Janssen a quitté sa profession de chirurgien pour entreprendre une grande enquête à travers le monde ayant pour objet d’étude : « la personne humaine comme agent de guérison » : Une médecine de l’esprit pour soigner le corps ; une médecine du corps pour soigner l’esprit où il présente l’apport de la médecine des énergies en provenance des pays d’Asie : Chine et Inde.
Le livre sur la médecine personnalisée devrait bénéficier de l’ouverture des esprits aux perspectives nouvelles qui apparaissent aujourd’hui.. En même temps, son ancrage dans les acquis de la science médicale favorise sa réception par les milieux professionnels. « Basée sur les données de la science et plus de quarante années d’une pratique clinique confirmée par de nombreux médecins français et étrangers, la voie intégrative qu’est l’endobiogénie apporte des moyens simples à mettre en oeuvre rapidement… » .
Dans un système de santé qui comporte de nombreuses rigidités, comment promouvoir cette conception et cette pratique nouvelle ? A cet égard, un article récemment paru dans Le Monde (14 mars 2012) vient nous encourager. Sous la signature de Luc Montagnier, prix Nobel de médecine en 2008 (7) et Frédéric Bizard, consultant et maître de conférences à Sciences Po, cet article ouvre la voie : « Anticipons le passage d’une médecine curative à une médecine préventive ». On peut y lire : « D’une approche verticale et segmentée nous devons passer à une vision transversale de la santé. D’une médecine à dominante curative au siècle dernier, nous passons à la médecine 4p : préventive, prédictive, personnalisée, participative, ce qui modifie fondamentalement le « logiciel » du système…. L’approche transversale de la santé et de la médecine 4p doit s’accompagner d’une rénovation de notre système de santé avec une approche holistique des soins fondée sur la personne et les relations interpersonnelles. D’un système centré sur la maladie, il faut évoluer vers un système centré sur la personne, sur la santé ».
Tout ce que nous avons appris de l’endobiogénie la situe potentiellement au cœur de ce front pionnier. Mobilisons-nous en faveur de cette médecine d’espoir !
JH
(1) Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La médecine personnalisée. Retrouver et garder la santé. Odile Jacob, 2012.
(2) Tournier (Paul). La médecine de la personne. Delachaux Niestlé, 1940 http://www.paultournier.org/mdlp.html
(3) Pour en savoir davantage sur la situation de la phytothérapie clinique et de l’endobiogénie en France, les conditions d’accès à cette médecine, une association active des usagers : Phyto 2000. Site : www.phyto2000.org
(4) Sicard (Didier). La médecine sans le corps. Une nouvelle réflexion éthique. Plon, 2002. Personnalité reconnue dans le domaine de la médecine et de l’éthique, Didier Sicard dénonce les usages abusifs et tentaculaires de la technologie au détriment d’une reconnaissance et d’une prise en compte globale du patient.
(5) Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Citations : p 51 et p 25. Un blog consacré à la pensée de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com
(6) Janssen (Thierry). La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Fayard, 2006. Mise en perspective sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html
(7) Luc Montagnier est l’auteur d’un livre : Montagnier (Luc). Les combats de la vie. Mieux que guérir : prévenir. Lattes, 2008. Mise en perspective sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/aujourd-hui-prix-nobel-luc-montagnier-preconise-une-nouvelle-approche-de-la-medecine.html