Si je suis debout, c’est grâce à l’Evangile !
Il y a quelques années, j’ai reçu un appel téléphonique de Philippe Molla qui m’appelait au cours d’un déplacement professionnel. Dans une période difficile marquée par la solitude d’un récent veuvage, cette reprise de contact m’est apparue comme un don providentiel. Car, après plusieurs années où notre relation s’était interrompue, l’amitié était là, immédiate et source de compréhension réciproque. Et puis nos conversations sont devenues quasiment hebdomadaires au rythme des déplacements professionnels de Philippe, et chacun pouvait y exprimer ses joies et ses peines, ses questions et ses découvertes. Nos vies quotidiennes étaient bien différentes, mais nous pouvions partager nos préoccupations dans un partage et dans une prière commune. Quelle grâce !
Un jour, la conversation s’est interrompue. Le 16 décembre 2014, j’apprend qu’en fin de nuit, sur le plateau de Langres, en se rendant à son travail d’Alsace à la région parisienne, Philippe a été tué dans un accident de la route. J’ai reçu cette nouvelle comme un tremblement de terre. Je pensais à Philippe, à Martine, son épouse et à leurs cinq enfants. Et, pour moi, qui recevait tant de ces partages, la sonnerie du téléphone ne retentirait plus. Il n’y aurait plus ce moment de proximité, de compréhension réciproque, de prière, source d’encouragement et de paix.
Et pourtant, si la conversation est interrompue, je reçois toujours le message qui inspirait Philippe : la présence de Dieu dans la vie quotidienne. Je peux revivre ces moments. Et puis, il n’y a pas un mur de séparation entre Philippe et nous. Si sa présence physique nous est retirée, si la communication verbale n’est plus possible, je crois qu’en la présence de Dieu, la communion se poursuit (1). Les compagnons de Jésus, éclairés par l’Esprit, après sa mort et sa résurrection, ont, dans l’Esprit, approfondi leur compréhension du message de Jésus. De même, aujourd’hui, je commence à percevoir plus clairement le sens du message de Philippe.
Quel a été le chemin de Philippe ? A plusieurs reprises, Philippe a raconté combien il avait souffert de l’influence d’un milieu où la religion se vivait trop souvent en terme de conditionnements. Voici quelques lignes significatives d’un mail envoyé le 6 novembre 2013 : « Après avoir été touché par l’amour de Jésus à l’âge de cinq ans (1975), mon but était de plaire à Dieu. J’ai reçu cette foi inaltérable en Jésus-Christ . Mais je me suis construit dans une croyance admise, « l’opinion » du milieu chrétien où j’ai grandi « sous l’emprise des idées reçues ». Sans m’en rendre compte, j’ai reçu une éducation de ce fruit défendu : bien/mal. Je me suis donc identifié à ma capacité de faire le bien ou pas. Aimer ne puise pas sa source dans l’arbre du bien ou du mal. Notre prochain ne supporte pas un robot qui a un programme amour. Notre prochain est, comme nous, œuvre d’art signée de la main du Maître. Il ne change intérieurement que par l’Amour. J’ai été éduqué dans la loi…. Cela ne m’a jamais permis de changer intérieurement, mais m’a amené à soigner l’extérieur. Les seules fois que j’ai changé intérieurement, c’et quand l’amour de Jésus-Christ a percé mon coeur… ». Le parcours de Philippe est présenté dans un article publié sur le site de Témoins : « Philippe Molla, témoin de l’amour de Jésus pour les gens d’aujourd’hui, notre ami, notre frère » (2).
Aujourd’hui, je repense à nos conversations. Je relis nos échanges de mails. En raison de sa conscience du dévoiement de certaines attitudes religieuses, Philippe s’était écarté de ceux qui les entretenaient. Il se posait beaucoup de questions sur les origines de ces attitudes, notamment dans l’usage des Ecritures. Mais il était enraciné dans une relation avec Jésus et Abba, notre bon Père céleste. De temps en temps, il envoyait des messages spirituels à ses amis, qui témoignaient de son enracinement et du fruit qui en ressortait : une attitude d’écoute et d’amour à l’égard d’autrui.
Dans un message envoyé à quelques amis, le 22 septembre 2014, Philippe pose la question : « Je me laisse attirer ou je me laisse convaincre ? ». Jésus n’impose pas une doctrine. Il attire les êtres par sa présence :
« Jean 6.44 :
« Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire (helkuo) et je le ressusciterai au dernier jour ».
Jean 12.32 :
« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai (helkuo) tous les hommes à moi ».
Attirer, helkuo en grec. On pourrait le traduire : être attiré par une puissance intérieure.
Le propre d’un enfant est d’être attiré par une puissance intérieure. En grandissant, on peut lui construire une échelle de valeurs. Après cela, se laisse-t-il attirer ou convaincre ?
La particularité de Jésus dans sa communication : une communication qui libère, qui attire.
Il ne cherche pas de la reconnaissance auprès des hommes.
Il ne juge pas, mais rapproche le royaume des Cieux tout près des hommes pour que les hommes aient la capacité de juger eux-mêmes.
Il ne rentre pas (ne se cache pas) dans une fonction pour imposer une autorité « spirituelle » ou « sacerdotale ». Une autorité ne se démontre pas, ne s’argumente pas, c’est un don. Il ne menace pas pour susciter la crainte, mais dit la vérité.
D’abord, Jésus se construit dans sa relation avec son Père. Il reçoit l’amour. Il est rempli pour déborder. De ce fait, dans sa relation à l’autre, il n’attend pas d’être reconnu, d’être accepté et ne démontre aucune autorité. Son prochain ne se sent pas piégé, ni contraint. Il n’y a aucune ombre empêchant quelqu’un de se sentir libre pour être attiré par une puissance intérieure.
Jésus se sent rempli et comblé quand il est accueilli par un enfant, une femme, un homme sans imposer quoique ce soit : la raison d’être de l’amour ».
Evidemment, la présence et l’œuvre de Jésus se poursuit aujourd’hui à travers sa résurrection. Dans un message envoyé à ses amis le 29 mars 2012, Philippe évoque les conséquences de la résurrection à travers des textes bibliques et une incitation chaleureuse :
Jérémie 31.33 :
« Le Seigneur déclare encore : Voici l’alliance que je vais établir avec le peuple d’Israël à ce moment là. Je mettrai mes enseignements au fond d’eux-mêmes. Je les écrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple ». Le Seigneur déclare : « Personne n’aura plus besoin d’instruire son prochain ou son frère en disant : « Connaissez le Seigneur ». En effet, tous me connaîtront, du plus petit jusqu’au plus grand . Je pardonnerai leurs fautes et je ne me souviendrai plus de leurs péchés ».
Parole de Jésus-Christ :
« Le Père enverra en mon nom l’Esprit Saint, celui qui doit vous aider. Il vous enseignera tout et il vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14.26)
Commentaire de Philippe à ses amis :
Recherchons notre Parole personnelle que notre Papa céleste veut inscrire avec amour et délicatesse, sans convaincre ni argumenter ».
En relisant les messages d’encouragement que Philippe m’a envoyé durant des années, je retrouve la même capacité de parler naturellement de Jésus et du Père :
« Je te souhaite une année de renouveau portée par l’amour et la douceur de Jésus dans tous tes projets » (mail 1er janvier 2014).
« Je te souhaite un week-end dans la paix et l’amour du merveilleux papa qui nous révèle que nous sommes une créature merveilleuse remplie de trésors cachés » (mail 24 janvier 2014).
Oui, à travers ces messages, je perçois la présence du Christ à travers l’expression de Philippe et je rend grâce.
Un soir de septembre 2014, dans une conversation téléphonique avec Philippe, je me sentis incité à interviewer Philippe sur le fondement de sa foi en vue d’en faire part aux amis de ce blog. Je n’ai pas immédiatement retranscrit mes notes et j’ai égaré les dernières lignes, mais voici le message que Philippe nous donne en partage :
« Si je suis debout aujourd’hui, c’est grâce à l’Evangile.
Ce qui m’a bouleversé dans l’Evangile et que je n’ai pas trouvé ailleurs, c’est un homme qui montre qu’il a un certain pouvoir. Il ne l’utilise pas pour lui, mais pour les gens qui l’entourent. Il aurait pu faire une démonstration de son pouvoir auprès des hommes du pouvoir religieux, du pouvoir romain et il n’en fait rien. Il n’est pas impressionnant aux yeux des hommes comme les stars d’Hollywood, mais il impressionne parce que le pouvoir écrasant de vie et de mort qu’il a en face de lui, n’a aucune prise sur ses choix. Et d’ailleurs, cela déstabilise Ponce Pilate. Et c’est là un personnage que je n’ai trouvé dans aucune histoire.
En ce Jésus, j’ai trouvé un ami qui, dans des situations très difficiles, m’a toujours communiqué la non crainte, qui m’a permis quand je me suis trouvé au pied du mur, de continuer tranquillement quoiqu’il arrive. Bien sûr, mon corps sensible est facilement troublé. Mais j’apprend à ne pas dépendre des circonstances. Bien sûr, cela m’arrive de me laisser piéger par la crainte, mais de m’entretenir avec mon ami me permet de prendre du recul par rapport aux situations. Avant, on m’apprenait à rechercher une certaine « perfection spirituelle » et maintenant je découvre le chemin de la nature. Je ris de mes imperfections, de mes sottises et, si elles sont blessantes, je l’accepte. J’apprend à être une personne responsable. J’apprend à être au cœur de la situation que je vis. J’apprend à ne plus fuir… ».
Philippe, naturel, authentique dans sa vie spirituelle comme dans son écoute des autres. C’est le fruit d’une relation avec Jésus exprimable et exprimée . Philippe, ami de Jésus. Je relis cette Parole en Jean : « Je ne vous appelle plus serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, mais je vous ai appelé amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père… Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (Jean 15 15-17).
En Dieu, communion d’amour, avec nous, Philippe, ami de Jésus.
J H
1 « Une vie qui ne disparaît pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336
« Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338
« Une dynamique de vie et d’espérance. De commencements en recommencements » : https://vivreetesperer.com/?p=572
2 « Philippe Molla, témoin de l’amour de Jésus pour les gens d’aujourd’hui. Notre ami, notre frère » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1101:philippe-molla,-témoin-de-l’amour-de-jésus-pour-les-gens-d’aujourd’hui,-notre-ami,-notre-frère&catid=15:parole-ouverte&Itemid=79
Contributions de Philippe Molla sur ce blog :
« Un chantier peut-il être convivial ? » : https://vivreetesperer.com/?p=133
« Dedans… Dehors !… Un chemin de liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=444
« Changer ! Oui, mais comment ? Des prescriptions à suivre à l’ouverture du cœur par la relation » : https://vivreetesperer.com/?p=1227
« D’une religion enfermante à la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1931