Vivre en harmonie avec la nature

Écologie, théologie et spiritualité

 

Face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur la nature, une conscience écologique est apparue et se développe aujourd’hui. Ce mouvement appelle et comporte une dimension spirituelle. Car la crise que connaît la nature est liée aux comportements humains et donc aux représentations qui en sont l’origine.

 

Dans un entretien entre le Dalaï Lama et Stéphane Hessel récemment publié sous le titre : « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit. » (1), le problème est abordé d’emblée. Stéphane Hessel exprime le malaise occidental dans une interprétation du facteur religieux : « Dans la foi chrétienne et juive, Dieu a donné pour mission aux êtres humains de nommer les objets de la nature, de dire : ceci est une forêt, cela est un arbre… Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. L’homme n’est pas le maître de la nature. Il en est seulement une composante. Et, à  partir de là, on peut penser que l’esprit qui prévaut dans le monde n’est pas seulement l’esprit de l’homme. L’homme peut le capter en partie, mais l’esprit ne lui appartient pas à lui seul » (p 11).

Ce questionnement nous amène à nous interroger sur la manière dont les textes bibliques ont été interprétés à travers le temps et quelle est leur véritable signification. C’est la tâche qui a été entreprise depuis plusieurs décennies par le théologien Jürgen Moltmann (2) qui a trouvé en France un « passeur » et un médiateur, en la personne d’un écologiste chrétien, Jean Bastaire, à travers la publication d’une anthologie de textes intitulée : « Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique » (3).

Comment vivre en harmonie avec la nature ? Dans un livre récent : « Ethik der Hoffnung » (2010), traduit et publié en anglais en 2012 sous le titre : « Ethics of hope » (4) (Éthique de l’Espérance), Jürgen Moltmann nous présente une réflexion éthique dans la vision de l’Espérance chrétienne. Ce livre consacre trois grandes sections à l’éthique de la vie, à l’éthique de la terre et à l’éthique de la paix.

Dans son approche des rapports de l’homme et de la nature, il nous appelle à passer « de la domination à la communauté » (p 66-69).

 

Sortir de la domination.

        

         « La crise que nous vivons n’est pas seulement une crise écologique. Elle ne peut être résolue seulement par la technologie. Une inversion dans nos convictions et nos valeurs fondamentales est nécessaire tout comme une inversion dans notre manière de vivre ».

Il importe d’examiner et de corriger les déviations qui sont intervenues dans nos représentations religieuses en provoquant des effets néfastes sur nos manières de vivre et sur nos comportements.

En effet, « En Europe occidentale, depuis la Renaissance, Dieu a été envisagé de plus en plus à sens unique comme le « Tout puissant ». L’omnipotence est devenue un attribut prééminent de la Divinité. Dieu est le Seigneur et maître, le monde est sa propriété et Dieu peut y faire tout ce qu’il lui plait. Dans la tradition occidentale, Dieu est entré de plus en plus dans la sphère de la transcendance et le monde a alors été perçu comme purement immanent et terrestre. Le monde a perdu le mystère qui entoure la création divine… Cette révolution a entraîné la sécularisation du monde et de la nature ».

Ce changement dans la représentation dominante de Dieu a engendré une transformation de la représentation de l’homme dans son rapport avec la nature : « Comme image de Dieu sur la terre, l’être humain a été amené à se voir lui-même en correspondance comme maître et seigneur, à s’élever au dessus du monde devenu un objet passif et à le subjuguer ».

Or, de fait, l’humanité fait partie de la création. Le monde humain s’inscrit dans une dimension cosmique plus large dont la vie sur la terre dépend et dans l’évolution de tous les êtres vivants » (p 139).

Notre appréciation des rapports entre l’humanité et la nature dépend ainsi pour une large part de la représentation que nous avons de Dieu.

 

Entrer dans une communauté.

 

Jürgen Moltmann nous appelle à entrer dans une représentation de Dieu « trois en un » (« triune ». « Ce Dieu là n’est pas un Dieu solitaire et dominateur qui assujettit toute chose. C’est un Dieu relationnel et capable d’entrer en relation, un Dieu en communion (« fellowship God »). Comme dit la Parole : « Dieu est amour ». L’ancienne doctrine de la Trinité était une interprétation de cette expérience

Dans cette perspective, les comportements humains vont changer en conséquence : « Les êtres humains vont également entrer en communion (« fellowship »). L’image de Dieu sur terre n’est plus un individu solitaire, mais une vraie communauté humaine. Ce ne sont plus des éléments de la création pris individuellement qui reflètent la sagesse et la beauté de Dieu. C’est la communauté de la création dans son ensemble ».

Dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (5), Jürgen Moltmann a montré l’œuvre créatrice accomplie par l’Esprit de Dieu. « La perception de l’Esprit divin en toutes choses engendre une vision nouvelle du monde. Si l’Esprit de Dieu est engagé dans toute la création, alors l’Esprit divin oeuvre en faveur de l’unité et de la communauté de toutes  les créatures entre elle et avec Dieu. La vie est communauté. La trame des relations mutuelles est suscitée par l’Esprit divin qui, à cet égard, peut aussi être appelé l’ « Esprit cosmique ».

Nous voici devant une compréhension renouvelée de la nature, une compréhension écologique. « C’est un paradigme nouveau de la communauté, de la culture et de la nature dans une communication caractérisée par la réciprocité ». « Dans l’eschatologie chrétienne, telle que nous la trouvons dans l’épître aux Éphésiens et l’épître aux Corinthiens, l’œuvre de Dieu en Christ, la christologie unit ensemble le destin de l’humanité avec le destin du cosmos dans la vision de la nouvelle création ».

 

Ainsi, tel que Jürgen Moltmann l’expose dans le chapitre 9 de « Ethics of hope », consacré à la dimension écologique, nos combats actuels pour la protection de la nature (6) et pour le développement de l’écologie s’inscrivent dans une grande perspective et dans une grande vision. Apprenons à vivre en harmonie avec la nature.

J H

 

(1)            Dalaï-Lama,  Stéphane Hessel. Déclarons la pais ! Pour un progrès de l’Esprit. Indigène éditions, avril 2012.

(2)            On trouvera une présentation de la vie et de la pensée de Jürgen Moltmann, ainsi que des textes introduisant à certains aspects de cette pensée sur le site : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/

(3)            Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. Les textes sont issus de grandes œuvres de Moltmann parues au Cerf : Dieu dans la création ; Trinité et Royaume de Dieu ; Jésus, le Messie de Dieu ; La venue de Dieu.  Voir sur le site : l’Esprit qui donne la vie, une présentation de la pensée de Moltmann sur la création : « Dieu dans la création » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=766

(4)            Moltmann (Jürgen). Ethics of hope. Fortress Press, 2012

(5)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 « La possibilité de reconnaître l’œuvre de Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu a pour fondement théologique la compréhension de l’Esprit de Dieu comme puissance de création et comme source de vie. « C’est le souffle de Dieu qui m’a fait, l’inspiration du Puissant qui me fait vivre » dit Job (Job 33.4). (p 60)

Sur le blog : Vivre et espérer : « Pour une conscience écologique. Une expérience de terrain » https://vivreetesperer.com/?p=694

Briser la solitude !

Une expérience internationale.

 

« Ni mon passé familial, ni ma formation professionnelle (avocat), ne m’ouvrait à priori sur les relations internationales »,  nous dit Guy Aurenche, président du CCFD-Terre solidaire. « Je les ai découvertes lorsque les deux fondatrices de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) sont venues me chercher pour travailler avec elle contre la torture dans le monde. À cette occasion, j’ai découvert la dynamique des droits de l’homme (Déclaration universelle des droits de l’homme. 10 décembre 1948) comme une étape fondamentale dans l’histoire de l’humanité et comme un moyen de mettre la dignité humaine au centre des relations internationales. Je fais la même expérience actuellement face à la question du développement dans le cadre du CCFD-Terre solidaire ».

 

Comment Guy Aurenche vit-il cette expérience ?

« L’expérience fondamentale que j’ai faite dans la pratique des relations internationales à travers la société civile, c’est la découverte que chacun de nous, s’il accepte de s’allier avec d’autres, est un sauveteur en puissance.

Sauveteur, parce que nous devenons capable de briser la solitude des personnes ou des peuples que la vie nous fait rencontrer.

Ce qui est vrai dans des situations de proximité, mais également dans les relations internationales.

L’ACAT m’a fait découvrir notre capacité de briser la solitude du torturé dans sa prison. Le CCFD-Terre solidaire me fait découvrir que nous sommes capables de briser la solitude du plus pauvre face à sa misère.

Sur le plan de la vie chrétienne, je fais le lien entre cette capacité de sauvetage et la proposition de « salut » par Jésus-Christ. Pour moi, Jésus, ne nous dit pas autre chose que  « tu  n’es plus seul. Vous n’êtes plus seul ».  C’est mon expérience pratique. C’est mon expérience spirituelle.

 

Contribution de Guy Aurenche

 

En préparation : « Une vision renouvelée des relations internationales. Interview de Guy Aurenche » sur le site de Témoins.

 

« Guy Aurenche. De l’ACAT au CCFD-Terre solidaire. Le souffle d’une vie » : Présentation du livre de Guy Aurenche : Le souffle d’une vie. Quarante ans de combat pour une terre solidaire. Préface de Stéphane Hessel. Albin Michel, 2011.  Sur le site de Témoins.

http://www.temoins.com/societe/guy-aurenche-de-l-acat-au-ccfd-terre-solidaire.-le-souffle-d-une-vie.html

 

« Tout homme est une histoire sacrée. Les droits humains au secours de la transcendance ». http://www.temoins.com/societe/tout-homme-est-une-histoire-sacree.html

Vivre en harmonie

Dans notre regard sur l’univers, nous percevons aujourd’hui l’importance primordiale des relations. Tout se tient. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann, « Rien dans le monde n’existe, ne vit et ne se meut par soi. Tout existe, vit et se meut dans l’autre, l’un dans l’autre, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre » (p.25). L’Esprit divin est présent dans cette réalité. « En Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 1 :28). L’Esprit saint suscite « une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu » (p.24). A l’encontre de toutes les forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres . « L’essence de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître « l’accord général » (p.25). « Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion… » (p.15).

Cette vision éclaire mon regard.  Elle me permet de percevoir l’œuvre de Dieu dans toute sa dimension. Elle indique la voie pour y participer. Elle m’encourage à y entrer.  Partageons nos découvertes.

JH

 

(1)         Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988  (cf citations). Voir le blog :  www.lespritquidonnelavie.com