Entraidons-nous en réseau !

Hélène est professeur. Elle me rapporte les difficultés vécues par une de ses collègues.

Jeune « prof », Isabelle vient d’arriver dans un établissement expérimental qui se veut exigeant. Quelque part, elle ne se trouve pas soutenue. En tout cas, elle se trouve en situation difficile en raison d’un problème de santé. Il y a quelques mois : extinction de voix et laryngite : traitement classique avec antibiotiques, congé de maladie. Rétablissement, puis rechute.  Même traitement…et puis encore rechute…Dans ce contexte, sa vie professionnelle est contrariée, sinon compromise.

Hélène est amicale et attentive. Elle encourage Isabelle. Elle cherche à l’aider. Elle sait que sa situation n’est pas facile et qu’elle donne même une occasion à tel ou tel collègue de manifester, à son égard, une forme d’agressivité. Elle ne serait pas à la hauteur ! La présence amicale d’Hélène soutient Isabelle.

Et pourtant, Hélène se rend compte  des limites de son aide. En effet, les problèmes de santé que rencontre Isabelle peuvent être envisagés dans différentes dimensions : physique, psychologique, spirituelle. Ils sont liés à un environnement.

D’après de nombreux exemples rapportés aujourd’hui par la presse, on sait combien le stress peut aujourd’hui se manifester dans des situations de travail. L’individu est soumis à de fortes attentes auxquelles il n’est pas toujours capable de faire face. C’est dire la responsabilité de l’encadrement. Qu’en est-il dans l’Education Nationale ?

Il y a aussi une responsabilité de la médecine classique. Trop souvent, elle s’arrête au symptôme et cherche uniquement à y remédier. Une pathologie : un médicament. On oublie la dimension globale de l’organisme. Dans un livre récent sur « la médecine personnalisée » (1), les auteurs donnent un bon exemple : des otites à répétition chez un jeune enfant.  Le médecin soigne l’oreille, mais cela ne suffit pas, car la congestion est en lien avec l’état général. On a besoin d’une médecine « holistique », intégrative. Et puis, il y aussi la dimension psychosomatique des troubles de santé. Est-elle vraiment prise en compte ?

Il y a également un lien entre affect psychologique et vie spirituelle. Comme chrétienne, Hélène sait combien la relation avec une présence aimante de Dieu change notre attitude. A maintes reprises, elle a expérimenté l’aide reçue en réponse à la prière. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne sont pas « religieux », mais ils sont en chemin, en attente de découvertes spirituelles. Directement ou indirectement, ils peuvent entendre le témoignage d’Hélène. Mais comment aller plus loin ? Dans quel environnement social, peuvent ils être accueillis dan une vraie convivialité, dans le respect et en toute liberté ? Hélène se rend compte que, dans bien des communautés, les mentalités restent encore très étroites. Et, par exemple, si Isabelle vit en couple avec un compagnon, dans une démarche commune d’amour réciproque, cette situation échappe à la compréhension de certains milieux pour lesquels seul le mariage classique est légitime. Comment pourrait-elle être accueillie dans une communauté de ce type !

 

Nous vivons dans un monde en pleine mutation culturelle. Dans beaucoup de domaines, les institutions peinent à suivre. C’est ce qu’on peut entrevoir à travers la situation d’Isabelle.

 

Alors sur tous les plans, entraidons-nous et entraidons-nous en réseau ! Cherchons ensemble les réponses à nos besoins ! Partageons les bonnes ressources, les bonnes adresses, le recours aux personnes dignes de confiance

 

Qu’il en soit de même sur le plan de la vie chrétienne. « Faisons Eglise » en réseau ! Développons et partageons des expressions nouvelles de la vie en Christ (2). Accueillons-nous les uns les autres  en dehors de tout esprit de frontière ! Reconnaissons la dynamique de l’Esprit qui donne la vie ! (3)

 

JH

 

(1)            Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La médecine personnalisée. Retrouver et garder la santé. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : Médecine d’avenir. Médecine d’espoir.

(2)            On trouvera à ce sujet des réflexions et des témoignages sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/index.php… Par exemple : « Au milieu du tumulte de la ville «  http://www.temoins.com/innovations/interview-d-eve-soulain.html  et « l’expansion actuelle des « fresh expressions » http://www.temoins.com/innovations/l-expansion-actuelle-des-fresh-expressions-en-grande-bretagne-un-phenomene-impressionnant.html. Voir aussi sur ce blog : « Ensemble, en chemin (septembre 2011)

(3)            http://www.lespritquidonnelavie.com/

 

Quel regard sur la société et sur le monde?

Un changement de perspective.

 

Il y a un va-et-vient entre la réalité sociale et les représentations que nous nous en faisons. Selon l’orientation de notre pensée, nous nous attachons plus particulièrement à tel ou tel aspect de cette réalité. Les angles de vue varient. Nos représentations à leur tour influent sur la situation. De la même façon que notre regard sur nous même oriente notre comportement, la manière dont nous percevons le monde et l’humanité exerce une grande influence sur nos attitudes et nos modes d’action dans la société et la culture.

Economiquement, socialement, politiquement, nous nous sentons confrontés aujourd’hui à de nombreuses menaces, mais face aux défis auquel actuellement fait face l’humanité, on observe  dans la durée une multiplication des initiatives. Et parallèlement une conscience collective apparaît.

Ainsi, en février 2011, le magazine : Sciences Humaines, a consacré un dossier au : « Retour de la solidarité : empathie, altruisme, entraide… » (1).

Que se passe-t-il ? Dans la crise économique et financière actuelle, il y a des mouvements d’indignation,  mais à plus long terme, en regard des fléaux sociaux, qu’ils soient installés de longue date ou prenant une forme récente, il y a également de plus en plus de gens engagés dans des actions d’entraide et de solidarité. « Sur une planète mondialisée, l’altruisme s’étend à tous les malheureux de la terre en bas de notre immeuble ou à des milliers de kilomètres ». Et, parallèlement, les chercheurs, les philosophes transcrivent dans le domaine de la pensée cette attention pour ceux qui souffrent en mettant  en évidence les mouvements qui cherchent à porter remède au mal social, mais aussi en fondant cette action en terme de valeurs. Quelles sont les exigences qui viennent à la conscience ? Quelles sont les motivations qui orientent les comportements ? On connaît par exemple le courant de pratique et de recherche qui s’est développé en France autour du « Care », mouvement et notion d’origine anglophone qui met en valeur le fait de prendre soin d’autrui.

La coordinatrice du dossier paru dans Sciences Humaines, Martine Fournier, nous présente cette évolution comme un rejet de « l’idéologie de « l’homo oeconomicus » à la recherche de son intérêt égoïste, des vertus de la société libérale et de la compétition ». « Ce que montrent les travaux récents, qu’ils viennent des sociologues, ou des psychologues, des tenants du culturalisme ou de la psychologie évolutionniste, c’est que les émotions ont une grande part dans les conduites humaines. La multiplicité des formes de solidarité apparaît comme une preuve que « l’homo oeconomicus » ne saurait suffire à définir l’être humain dans sa totalité ». Une nouvelle forme de lien social est en train de se tisser. La participation à une communauté humanitaire contribue également à fortifier l’estime de soi. Mais, s’il en est ainsi, à notre sens, c’est bien parce qu’il y a un changement profond dans les aspirations profondes de l’homme.

Cette évolution nous interpelle d’autant plus qu’elle s’étend dans un regard qui, au delà de l’humain, se tourne également vers la nature. Ainsi, écrit Martine Fournier, « L’empathie et la solidarité seraient-elles devenues un paradigme dominant qui traverse les représentations collectives ? De l’individualisme et du libéralisme triomphant passerait-on à une vision portant sur l’attention aux autres. Ce basculement s’observe effectivement aussi bien dans le domaine des sciences humaines et sociales qu’à celles de la nature (p 34). En  fait, dans ce domaine comme dans tout autre, tout dépend de notre regard. Pour une part, les découvertes dépendent des questions posées. Ainsi, « alors que la théorie de l’évolution était massivement ancrée dans un paradigme darwinien « individualiste » centré sur la notion de compétition et de gène égoïste, depuis quelques années, un nouveau visage de la nature s’impose. La prise en compte des phénomènes de mutualisme, symbiose et coévolution entre organismes tendent à montrer que l’entraide et la coopération seraient des conditions favorables de survie et d’évolution des espèces vivantes, à toutes les étapes de la vie » (p 34).

Si nous vivons aujourd’hui dans la menace d’une crise économique et financière de grande ampleur et s’il faut chercher des voies pour y faire face, nous devons également considérer le changement culturel à plus long terme. A notre sens, la transformation en cours de la vision de l’homme, de l’humanité, de la nature, s’inscrit dans l’émergence d’une conscience spirituelle qui nous paraît à la fois un signe des temps et un appel à une avancée de la pensée théologique, notamment dans une prise en compte de l’œuvre de l’Esprit (2).

Comment participons-nous à ce nouveau regard ?

JH

(1)         Le retour de la solidarité. Dossier animé par Martine Fournier, p. 32-51, in : Sciences Humaines, N° 223, février 2011.  Après une mise en perspective de Martine Fournier, ce dossier présente des articles portant sur diverses facettes de la question et une bibliographie des livres récents. www.scienceshumaines.com

(2)         Voir le site : www.lespritquidonnelavie.com

 

Amitié ouverte

Qui nous parle d’amitié vraie, parle à un désir profond de notre cœur. Ce désir peut s’exprimer de façon maladroite comme on peut l’entrevoir dans certains usages des réseaux sociaux, mais c’est une aspiration vitale. C’est pourquoi la description d’une « amitié ouverte », telle qu’elle énoncée par Jürgen Moltmann (1), retentit dans notre être profond.

« Un ami, c’est quelqu’un qui t’aime bien… L’amitié est une relation personnelle entre des personnes qui s’aiment bien… Elle unit le respect de la liberté à une affection profonde pour la personne. On peut être une personnalité respectée et jouir du respect et de l’admiration des autres et pourtant ne trouver personne qui vous « aime bien »…L’amitié n’est pas un sentiment d’affection passager. Elle unit l’affection et la fidélité…. La loi du donnant-donnant est abolie… Nous avons besoin d’ami, non pas seulement dans la détresse, mais surtout pour partager la joie que donne la vie et ressentir le bonheur d’exister. Une joie qui n’est pas partagée rend mélancolique. Se réjouir ensemble est aussi bon que compatir… A long terme, l’avenir du monde appartiendra à l’amitié ouverte… ». En effet, l’amitié dépasse les habitudes et les obligations qui influent sur les relations sociales. « L’être humain nouveau, qui aime être avec les autres  êtres humains, c’est l’ami, l’amie ».

Ces paroles retentissent en moi comme si elles m’introduisaient dans une réalité supérieure, harmonieuse à laquelle j’aspire profondément.  Qu’en est-il pour vous ? Si ces paroles nous touchent, alors comment pouvons-nous vivre aujourd’hui cette amitié ouverte. Comment pouvons-nous nous y entraider à travers ce blog ?

 

JH

 

(1)         Amitié ouverte p. 343-348, dans : Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. Voir le texte sur l’amitié ouverte publié sur le blog : www.lespritquidonnelavie.com : Vivre une amitié ouverte