Le coq chante la venue de l’aube.
J’ai vu tout l’avenir
J’ai remonté le temps
Et ma pensée embrasse le présent.
Rien n’échappe à mon regard
J’ai tout vu, tout entendu
Et j’en suis mort.
Mille plaintes montent vers moi
Comme le bruit d’une ville.
Les larmes d’un enfant renverse l’ordre du monde.
La discrète parole d’un malade pudique
Se fait irrépressible attente
Et l’interpellation est comme une marée
Qui sans cesse retombe.
Le sourd rugissement d’un homme abandonné
S’achève en râle parmi des hurlements
La dame aux cheveux blancs se traîne
Et rêve d’un passé qui ne reviendra plus.
De l’avenir me viennent les confidences de cœurs meurtris
Le passé n’est que film de maisons dévastées
Et le trop de savoir sur son propre destin
Emplit mes yeux d’effrois sur mes lendemains.
A l’appel du maître, la queue du chien frétille
Et il s’en va trottant sur les sentiers
Et la machine tourne au rythme régulier
Que, l’homme, dans sa sagesse, lui a donné.
Certains vont à peine éveillés
A la recherche d’un sujet d’allèchement
Et s’ils ne voient pas les violettes au printemps
Ils ne voient pas non plus dans le long caniveau
Le dernier chat écrasé de la nuit.
J’ai tout vu, tout entendu et j’en suis mort.
La plainte du malade appelle le médecin
Mille efforts convergent pour réduire l’incendie
Pour combattre le mal, il faut le connaître.
Et notre souffrance est une plaie visible
Le fauve bat la campagne cherchant qui dévorer
La bête nous est cachée dans une obscurité
Je porte une blessure, celle de la souffrance
Mais plus encore un regard ennemi
Et ce regard indifférent et cette absence
Pas une citadelle n’est sure, l’ennemi a ses intelligences
Une sinistre musique trouve en ses membres
Un écho inconnu.
Il est mort assassiné
Car nos yeux trop obscurs n’ont pas vu la lumière
Maître de l’univers, son cœur n’a pas fléchi
Et s’il a subi la contamination
C’est pour nous apporter sa force et sa confiance
La vraie vaccination
Son regard appelle les nôtres à travers l’histoire
Pour que nous fassions un
Et que de notre terre s’élève
Hors des déchirements
Le chant d’une harmonie et d’un enfantement
Et au-delà de nos souffrances actuelles
Et du champ mélangé du blé et d’herbes folles
Le coq chante la venue de l’aube.
Ultime réalité
Les traces de nos pas s’effacent sur la plage
Si tout devait périr
Si la vie n’était
Qu’un rêve passager
Une illusion brillante
Ou un cauchemar
A quoi bon vivre ?
Mais autre est la réalité.
Appel
Comme un enfant appelle son père, lui dit : « regarde »
Vois ce château de sable,
Vois ces notes obtenues,
Dans l’ardeur de la plage
Ou dans l’étude nue,
Et comme le poète
Qui juste en lui concentre
L’énergie d’un monde, la force des saisons,
Les murmures sourds des joies et des douleurs
Qui de la ville montent,
Les pleurs du passé et ses enfantillages et ses enfantements
L’avenir qui se profile derrière les bastingages,
Le bruit d’une fusée allant au firmament,
Et qui, de tout cela,fait le miel d’un poème
Et dévoile à nos yeux un miroir caché
Comme le bâtisseur dresse la pyramide
Et qu’en lui se préparent les greniers de demain,
Des maisons plus belles que l’immense assemblage
Dont la médiocrité ne s’enfuit que le soir
Lorsque de la terre et du ciel les étoiles se confondent,
Seigneur, nous t’offrons ces cathédrales,
Ces œuvres jaillies de notre solitude
Et cette immense attente d’être enfin reconnu :
Le regard d’un enfant qui appelle un sourire,
La joie de deux époux qui nécessaires se savent
Le travail de l’artiste et son cri déchirant
Qui nous appelle à l’aide de notre ensommeillement.
Au hasard des bivouacs s’en va le voyageur
Et, comme des mouettes, filent les caravelles sur le sombre océan,
Du plus profond des temps viennent des pèlerinages,
Et des humanités frémissent et tourbillonnent sur des continents.
La cheminée d’usine disparaît dans la brume,
Et les palais s’effritent au sable du désert.
Mais où seront demain nos cités et nos terres
Et l’écho de nos voix qui parsème le ciel ?
Toi seul, peux nous voir
Comme le berger regarde
A l’heure du couchant les brebis dispersées
Toi seul, peux savoir
Ce que cache un chef d’œuvre
Le plus humble et le plus ignoré
Et quel appel il fait monter à l’infini
Plus loin que la planète et plus loin que l’étoile
Un cri a déchiré l’immensité.
Nous t’attendons.
JH
Source des photos: galeries de: fr Antunes, Captpiper, Ecstaticist, Mikebaird, Pink Sherbet, Skipnclick sur le site Flickr