Vers une société associative

 Transformation sociale et émergence d’un individu relationnel.

« La contresociété », selon Roger Sue

 livre_galerie_486         Si certains épisodes comme l’élection présidentielle en France suscitent des mobilisations, dans la durée, on assiste plutôt à un rejet du pouvoir politique qui s’exprime à travers un pessimisme et un désengagement. Plus généralement, dans tous les domaines, les institutions hiérarchisées, qui ont longtemps encadré la société française, sont aujourd’hui plus ou moins sujet de défiance. Ainsi, peut-on ressentir un malaise dans la vie publique qui s’exprime dans un vocabulaire de crise. Ce désarroi se conjugue avec une révolte diffuse qui nourrit les extrémismes. Et pourtant, on peut également observer en regard des mouvements qui sont porteurs d’espoir. Nous avons besoin d’y voir plus clair. Cette situation appelle des diagnostics et des propositions.

A cet égard, des chercheurs en sciences sociales viennent éclairer les transformations actuelles. Ainsi, dans son livre : « La contresociété » (1), Roger Sue nous apporte une vision positive : « Le contrat social ne tient plus ». Dans le vide actuel, « surgissent les monstres, les extrémistes de l’ordre et du désordre. Mais se lève aussi l’immense majorité des individus anonymes, qui, hors des institutions verticales, retissent les liens d’une société horizontale et associative, une contresociété. Celle des réseaux qui créent internet, celle de l’économie collaborative qui renouvelle la relation au travail et à la richesse, celle de la connaissance qui défie ceux qui prétendent à son monopole, celle de l’engagement et de l’action qui redonne son sens original à la politique et à la démocratie… » (page de couverture)

Dans ce livre, Roger Sue met en évidence, par delà les héritages encore dominants, l’émergence d’une nouvelle forme de lien social, d’un « individu relationnel », moteur d’une société associative. Il décrit les comportements, les initiatives, les innovations qui portent ce changement et en témoignent. Enfin, en conclusion, il propose trois orientations stratégiques pour que « la contresociété devienne la société elle-même et dessine une autre figure politique en rapport avec l’évolution du lien social : l’ouverture de l’école à la société de la connaissance, l’universalité du service civique et la participation des citoyens à la politique ».

 

Une nouvelle manière de vivre en société

Si nous ressentons un état de crise qui entraine un repli, une morosité et se traduit par un rejet du politique, Roger Sue perçoit, dans le même temps, un mouvement sous-jacent dans lequel s’élabore une nouvelle manière d’envisager la société. A l’encontre de la société dominante, cette « contresociété » « préfigure de nouveaux modes d’organisation du social, de l’économique et du politique ». « Là où la plupart des observateurs décrivent la fragmentation, l’éclatement, la déconstruction des collectifs, le repli sur soi, sur fond de désert idéologique et politique,  et l’absence d’avenir, émerge un mouvement social de fond… » (p 8). Ce mouvement, en opposition aux formes anciennes de la société, s’affirme dans la désertion et la contestation, mais aussi dans la reconstruction. L’auteur décrit ces trois moments, mais comme les deux premiers , nous paraissent bien identifiés, nous mettons l’accent sur son analyse concernant la reconstruction.

Roger Sue nous appelle d’abord à ne pas nous focaliser sur la crise dans l’attente d’un retour au passé. « Le discours du retour au passé reste le fond de la promesses politique, à gauche et à droite, et à fortiori à l’extrême droite » (p 11). Nous ne devrions pas nous sentir prisonniers de représentations de l’économie liées au passé. Au delà des vicissitudes de l’économie, une transformation sociale est en cours qui va elle-même influer sur la vie économique. Un mouvement de fond est en train d’apparaître. « il est lié aux nouvelles manières de vivre ensemble, de se lier aux autres, de communiquer, de produire d’apprendre, de « faire société », bref aux évolutions du lien social » (p 13). Cette évolution est une nouvelle étape d’une transformation historique : « Le lien communautaire du passé enfermait la société et leurs membres sur eux-mêmes, dans leurs traditions statutaires et séculaires, et dans une économie de la reproduction relativement autarcique alors que la naissance de l’individu les ouvre aux liens contractuels de la modernité, à la démocratie, au marché, au progrès et au développement »  (p 15).

Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle étape. « L’évolution du lien social se caractérise par la montée en puissance d’un individu relationnel : les réseaux sociaux et associatifs ne se sont pas étendus aussi rapidement, puissamment et efficacement par hasard… ». « Un lien d’association ou de l’associativité se diffuse dans l’ensemble des relations sociales » et ce phénomène « a une portée révolutionnaire encore ignorée, de la famille à l’entreprise, en passant par les réseaux sociaux, de la manière de « faire connaissance » à celle de concevoir la politique » (p 15). Ainsi se développe une vie en réseau dans un grand nombre de domaines. « La famille fonctionne de plus en plus souvent comme une sorte d’association à géométrie variable…  De même l’irruption des technologies numériques, des grands réseaux sociaux, des mobiles est impensable sans une configuration sociale assez horizontale et associative…Le fonctionnement à grande échelle de l’internet est impossible sans une grande propension à l’associativité de la société… » (p 16-17). On retrouve cette influence de l’associativité dans l’émergence de la société de la connaissance, de l’économie collaborative, de la démocratie participative.

Nous rejoignons la question de Roger Sue : « La crise n’est-elle pas l’effet du choc d’une contresociété  de plus en plus horizontale face à des institutions et une organisation politique dramatiquement verticales ? ». Cette question implique une analyse de la situation qui correspond à notre expérience.

 

Une nouvelle forme du lien social : L’individu relationnel, source de la société associative.

 

« La forme du lien social gouverne notre relation à l’autre, aux autres et à la société. Aujourd’hui, cette évolution modifie toutes nos relations : le couple, la famille, les amis, le travail, l’entreprise, les loisirs, les institutions et la politique » (p 22). En analysant l’évolution sociale, Roger Sue nous fait entrer au cœur du processus qui génère une culture et une société associatives.

La recherche met en évidence le développement de l’individualisation au cours des derniers siècles et des dernières décennies . Cette évolution a pu être perçue par certains comme synonyme d’individualisme. Et effectivement, il y a eu des accents différents selon les phases et les moments de cette évolution. Mais aujourd’hui, le lien entre individualisation et socialisation est bien marqué.

Selon Roger Sue, on assiste actuellement à « une recomposition du rapport social de l’individu à lui-même, au collectif et à la société, c’est à dire du lien social » (p 23). L’auteur explore ces trois dimensions. Dans le rapport à soi, il y a attente et reconnaissance de la singularité de chacun. Cette singularité est liée à une capacité accrue de réflexion, mais aussi à la diversité des expérience vécues. « Elle tient à la faculté d’endosser des identités multiples ou successives ».  A la suite du livre de Bernard Lahire : « L’Homme pluriel » (2), on perçoit de mieux en mieux « la diversité des identités qui traversent la même personne » ( p 27). Le lien social n’est pas seulement extérieur à l’individu. Il le compose aussi intérieurement, mentalement, psychologiquement comme individu associé » (p 28).

Si nous adhérons à la proposition de Roger Sue de nommer « individu relationnel », le stade actuel de l’individualité, il en résulte la reconnaissance d’une énergie nouvelle : « Face à la décomposition des institutions, la socialisation procède désormais essentiellement du flux relationnel permanent qui émane des individus » (p30). C’est le développement d’une société en réseau. C’est l’émergence d’une société associative.

En France même, on assiste aujourd’hui à un développement constant de la vie associative. « On compte aujourd’hui plus de 1,3 million d’associations en activité, auxquelles s’ajoutent en moyenne 70000 créations chaque année. Ce rythme ne se dément pas. Il faut le comparer avec les 20000 créations des années soixante qui restent pourtant dans la mémoire comme la  grande période d’engagement, de  militantisme, de culture populaire et d’action civique » (p 43). « La France compterait aujourd’hui plus de 20 millions de bénévoles, soit près de 40% de la population, avec une remarquable progression de 12% au cours des années 2010-2016 » (p 42). Et, par ailleurs, les associations sont hautement appréciées par les français (79% de jugements positifs) devançant largement les institutions (p 29).

Cet esprit associatif se répand également dans la sphère politique malgré les résistances qui lui sont opposées. Les exemples sont multiples. Cependant, les oppositions que l’esprit d’association rencontre dans un système social et une sphère politique caractérisés par les séquelles de la hiérarchisation, engendre un malaise profond. Le diagnostic de Roger Sue nous paraît pertinent. « Le pessimisme ambiant fortement marqué en France, tient moins à la dégradation objective des conditions de vie qu’à la montée des subjectivités et des aspirations à l’association. Aspirations confrontées à une réalité socio-institutionnelle figée, décalée, qui paraît  d’autant plus distante. Du choc de l’horizontalité des réseaux de relation face à la verticalité des institutions nait la violence sociale qu’on retourne contre l’individu » (p 50)

 

Quelles perspectives ?

Dans notre recherche où la crise actuelle apparaît comme un effet des mutations en cours (3), où des transformations sociales en profondeur comme l’individualisation s’effectuent dans un processus à long terme (4), où des aspirations nouvelles se manifestent dans de nouveaux genres de vie (5) et à travers un puissant mouvement d’innovation (6), le livre de Roger Sue vient nous apporter un éclairage qui confirme un certain nombre de prises de conscience et contribue à une synthèse dans les convergences qu’il met en évidence. En proposant la notion d’ « individu relationnel », il met en évidence une nouvelle étape, bienvenue, dans le processus d’individualisation. En proposant la vision d’une « société associative, il donne du sens à toutes les innovations sociales qui apparaissent aujourd’hui, et, plus généralement  aux changements en cours qui manifestent un nouvel état d’esprit dans la vie sociale, économique et politique et qui se heurtent aux obstacles et aux oppositions « d’une réalité socio-institutionnelle figée, décalée », encore fortement hiérarchisée. Si cette grille de lecture n’épuise pas toutes les questions que nous nous posons aujourd’hui comme nos interrogations sur les origines de la puissance actuelle des forces qui montent à l’encontre des sociétés ouvertes, elle nous apporte une vision cohérente d’une société associative et participative dont nous voyons qu’elle répond à des aspirations convergentes.

Elle vient aussi en réponse à une attente qui court à travers les siècles comme un écho au message de l’Evangile tel qu’il a été vécu dans la première Eglise et a cheminé ensuite sous le boisseau dans un contexte religieux longtemps dominé par une civilisation hiérarchique et patriarcale. Il y a une affinité entre une dynamique fondée sur la relation et l’association et une vision qui nous appelle à l’amour et à la paix dans la fraternité.

 

J H

 

(1)            Sue (Roger). La contresociété. Les liens qui libèrent, 2016

(2)            Lahire (Bernard). L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Nathan, 1998

(3)            Les mutations en cours :   « Quel avenir pour le monde et pour la France ?  (Jean-Claude Guillebaud. (Une autre vie est possible) » :  https://vivreetesperer.com/?p=937    « Un chemin de guérison pour le monde et pour l’humanité (La guérison du monde, selon Frédéric Lenoir) » : https://vivreetesperer.com/?p=1048  «  Comprendre la mutation actuelle du monde et de notre société requiert une vision nouvelle du monde. La conjoncture, selon Jean Staune » : https://vivreetesperer.com/?p=2373   « Un monde en changement accéléré (Thomas Friedman) » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

(4)            « L’âge de l’authenticité (Charles Taylor. L’âge séculier ») : http://www.temoins.com/lage-de-lauthenticite/

(5)            « Emergence en France de la société des modes de vie : autonomie, initiative, mobilité… (Jean Viard) » : https://vivreetesperer.com/?p=799  « Penser l’avenir, selon Jean Viard » : https://vivreetesperer.com/?p=799

« Le film : « Demain » :    https://vivreetesperer.com/?p=2  « Cultiver la terre en harmonie avec la nature » : https://vivreetesperer.com/?p=2405  « Appel à la fraternité » :  https://vivreetesperer.com/?p=2086   « Blablacar. Un nouveau mode de vie » :  https://vivreetesperer.com/?p=1999  « Pour une société collaborative » :   https://vivreetesperer.com/?p=1534  « Une révolution de l’être ensemble » ( « Vive la co-révolution. Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

Et si tout n’allait pas si mal !

 Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez

selon Jacques Lecomte

 71mvkBrqYOLEn 2016, le ciel s’est assombri. Des évènements inquiétants ont ponctué l’actualité. Et, en ce début d’année 2017, nous sommes en attente d’un horizon.  Il y a bien des signes contradictoires, mais choisir la vie, c’est discerner le positif pour tracer notre chemin.

Il y a le temps court et il y a le temps long. Dans l’immédiat, tout s’enchevêtre. Dans la durée, des tendances apparaissent. Il est bon de pouvoir distinguer ces tendances.

Comme le montre Yann Algan, dans son livre : « La fabrique de la défiance » (1), on enregistre en France un manque de confiance bien plus élevé que dans beaucoup d‘autres pays. Dans le désarroi actuel, cela se traduit en pessimisme, en cynisme, en rejet. Alors, on peut remercier ceux qui regardent au delà et affrontent la morosité ambiante pour mettre en évidence des évolutions positives dans la durée. Ainsi, le livre publié tout récemment par Jacques Lecomte vient exposer une réalité à même de nous encourager : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez » (2). Cet ouvrage vient à la suite d’une réflexion de fond que l’auteur a entreprise sur le potentiel de l’homme. Si les méfaits de l’histoire humaine sont affichés (3), l’homme n’est pas nécessairement voué au mal. Il montre aussi une aptitude à la bonté, des dispositions à l’altruisme, à l’empathie et à la générosité. Jacques Lecomte a pu ainsi écrire un livre sur « la bonté humaine » (4). Et, dans un autre ouvrage, à partir de l’analyse d’un grand nombre d’études, il met en évidence l’émergence d’attitudes et de pratiques nouvelles dans des « entreprises humanistes » où se développent un climat de travail plus collaboratif et plus convivial.

Dans une conférence rapportée en vidéo sur le thème : « Vers une société de la fraternité » (5), Jacques Lecomte, un des pionniers de la psychologie positive en France (6), présente sa démarche en commençant par nous raconter son parcours personnel. Brisé par le contexte familial de sa jeunesse, il en réchappé en rencontrant un environnement bienveillant et convivial. Il a vécu là une conversion chrétienne « qui a radicalement changé sa vie et où il a surtout compris que les forces de l’amour et de la bonté sont plus fortes que les forces de la violence et de la haine ». De cette expérience, il a compris que le meilleur peut sortir du pire et que le pire n’est pas une fatalité. A partir de là, Jacques Lecomte a développé un optimisme réaliste, un « optiréalisme ». C’est une disposition d’esprit qui permet de percevoir dans une situation, tout ce qu’elle porte de positif, en germe ou en activité, et, ainsi, de susciter une évolution favorable. Dans son livre : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne croyez », Jacques Lecomte met en œuvre cette approche dans une évaluation de l’évolution du monde.

 

 

Le monde va mieux que nous le croyons

« Comment le monde pourrait-il aller mieux quand le chômage, la guerre, les attentats, le réchauffement climatique et tant d’autres mauvaises nouvelles font la une des médias ?… Pourtant les chiffres nous disent ceci : ces dernières décennies, sur l’ensemble du globe, la pauvreté, la faim, l’analphabétisme et les maladies ont fortement reculé comme jamais avantQuant à la violence, elle connaît, depuis plusieurs siècles, un inexorable déclin… En résumé, contrairement à une opinion largement répandue, l’humanité va mieux qu’il y a vingt ans, même s’il reste encore malheureusement de fortes zones sombres… Quant à la planète, elle est certes en moins bonne posture sur certains aspects, mais en meilleur état sur d’autres… «  (p 9-10). Chapitre après chapitre, l’auteur analyse la situation à partir des meilleures sources : « L’humanité vit mieux… Et en meilleure santé. Environnement : on avance… Jamais aussi peu de violence » (p 209-210).

Bref, l’auteur rompt avec la vision catastrophiste du monde qui nous influence bien souvent. Cette vision est suscitée par l’attrait de nombreux médias pour le sensationnel. Elle abonde là où manque la culture nécessaire pour trier les informations et distinguer ce qui relève du court terme et du moyen terme. Bien sur, nous souffrons personnellement de l’inquiétude qui nous atteint ainsi.

Certes, les responsables de l’information peuvent estimer qu’il est nécessaire d’alarmer pour sensibiliser. Mais cette attitude est bien souvent contre-productive. « Les prophètes de malheur nous démobilisent. Ils mènent souvent à des mesures politiques autoritaires » (p 15). « Fournir des informations catastrophistes sans présenter des moyens d’agir, pousse à l’immobilisme, voire au rejet des informations… » (p 31). La peur est mauvaise conseillère. « De nombreuses études montrent que les périodes d’anxiété sociale ont tendance à  accentuer le désir de soumission à l’autorité…  Le ressenti de menace est une cause d’autoritarisme au sein de la population. Ainsi, aux Etats-Unis, pendant les périodes menaçantes, les Eglises à tendance autoritaire bénéficient d’un afflux de conversions, alors que ce sont les Eglises non autoritaire  qui vivent ce phénomène pendant les périodes non menaçantes » ( p 43).

A l’inverse, il y a une manière de partager l’information à même de produire des effets positifs. Et il y a des faits significatifs qui font exemple. Ainsi, aujourd’hui, en apprenant que le trou d’ozone est en train des se refermer grâce à la mise en œuvre du protocole de Montréal (1987), nous voyons là « le premier succès majeur face à un problème environnemental mondial » (p 107), Manifestement, cette victoire suscite l’espoir et contribue à nous mobiliser dans la lutte contre le réchauffement climatique.

 

« Si nous voulons un monde meilleur, nous devons être conscient des progrès accomplis, et inspirer plutôt qu’accuser » (couverture). Ce livre est source d’encouragement. Il nous aide à réfléchir sur les modes de communication. Ainsi, l’ignorance des évolutions positives tient pour une part à une communication qui met en exergue les mauvaises nouvelles.

Cependant, ne doit pas aller plus loin dans l’analyse du catastrophisme. Comme le complotisme, cet état d’esprit n’est-il pas lié à une agressivité qui se déploie à la fois contre soi-même et contre les autres ? Et ne témoigne-t-il pas d’une absence d’espérance personnelle et collective ? Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann, agir positivement dépend de notre degré d’espérance : « Nous devenons actif pour autant que nous espérions. Nous espérons pour autant que nous puissions entrevoir des possibilité futures. Nous entreprenons ce que nous pensons possible ». « Si une éthique de la crainte nous rend conscient des crises, une éthique de l’espérance perçoit les chances dans les crises ». Pour les chrétiens, « l’espérance est fondée sur la résurrection du Christ et s’ouvre à une vie à la lumière du nouveau monde suscité par Dieu » (7). Ainsi, quelque soit notre cheminement, notre comportement dépend de notre vision du monde. En ce sens, Jacques Lecomte ne se limite pas à nous offrir des données positives concernant la situation du monde à même de nous encourager, il conclut son livre par la vision d’ « une grande réconciliation ». « Une société plus fraternelle et conviviale est possible (5), dès lors que l’on y croit et que l’on s’engage à la faire advenir » (p 197).

 

J H

 

(1)            Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zybergerg (André). La fabrique de la défiance, Grasset, 2012. Sur ce blog : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(2)            Lecomte (Jacques). Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! Les Arènes, 2017

(3)            « Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres. Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort » : https://vivreetesperer.com/?p=1306

(4)            Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : « La bonté humaine, est-ce possible ? » : https://vivreetesperer.com/?p=674

(5)            Conférence de Jacques Lecomte : « Vers une société de la fraternité », à l’invitation,  le 8 juin 2016 du Pacte civique et de la Traversée. Vidéo sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=KALjpMcwpWU&feature=youtu.be

(6)            http://www.psychologie-positive.net

(7)            Moltmann (Jürgen). Ethics of life. Fortress Press, 2012 (p 3-8)

 

Voir aussi :  « Quel avenir est possible pour le monde et pour la France? (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) » : https://vivreetesperer.com/?p=937

https://vivreetesperer.com/?p=942

https://vivreetesperer.com/?p=945

Plus proches sur facebook. Plus solidaires dans le monde

Une orientation nouvelle pour facebook

A une époque où une mutation technologique interfère avec l’évolution économique, dans un cours parsemé de troubles qui suscite une inquiétude sociale et un malaise politique, la nécessité de faire face engendre le besoin d’échapper à l’isolement et de participer à une dimension communautaire.

Ce besoin a été diagnostiqué par Thomas Friedman, un expert américain, qui, dans son livre : « Thank you for being late » (1), nous appelle à prendre le temps de la réflexion face au phénomène de l’accélération généralisée des techniques de communication et aux effets induits qui bouleversent notre manière de travailler et, plus généralement, notre manière de vivre. Thomas Friedman nous dit combien dans cette situation mouvementée, nous avons besoin d’une force spirituelle et d’un enracinement social. Et, pour cela, « cherchons à enraciner autant de gens que possible dans des communautés saines » (p 34). C’est le moyen de développer une solidarité efficace. Les africains expriment cela dans les termes d’un dicton : « Elever un enfant requiert tout un  village ».Thomas Friedman a lui aussi grandi dans une forte communauté et il en expérimenté les bienfaits.  Depuis le livre d’Alexis de Tocqueville : « De la démocratie en Amérique », nous savons combien  la dynamique associative a porté la vie des Etats-Unis dans toutes ses dimensions. Mais aujourd’hui, on peut observer les bienfaits de la vie associative  dans beaucoup d’autres pays, en France en particulier. Et dans notre pays, cette dynamique ne faiblit pas. Au contraire, elle engendre une vitalité (2).

Aujourd’hui, dans une nouvelle conjoncture mondiale, facebook prend conscience de l’importance de la dimension communautaire. En 2016, des aléas politiques ont contribué à renforcer la conscience qu’une communication saine à l’échelle des peuples et du monde était un bien précieux auquel il fallait veiller. A cet égard, facebook a bien une responsabilité particulière puisqu’aujourd’hui deux milliards d’humains sont connectés.

 

Facebook : un nouvel horizon

Le 22 juin 2017, Mark Zuckerberg, fondateur et directeur de facebook a émis une déclaration par laquelle il engage ce réseau dans une politique qui va chercher à rassembler davantage les gens (« bringing people closer together »), à travers une politique qui met l’accent sur le développement communautaire, la promotion de communautés dans le réseau (3).

Une grande organisation n’infléchit pas son orientation sans une étude préalable. C’est bien ce qui s’est passé ces derniers mois et qui aboutit à ce changement de cap. Ainsi, Mark Zuckerberg s’est beaucoup entretenu avec les responsables des communautés déjà actives dans le réseau. Celles-ci apparaissent aujourd’hui comme un exemple dont on peut s’inspirer. Ainsi mentionne-t-il une communauté professionnelle rassemblant des serruriers. Il y a aussi des communautés centrées sur un aspect de la vie : partager les expériences et les questions de jeunes mamans et de jeunes papas, aider des jeunes à entrer au collège. Voici une réalisation particulièrement originale : « Il y a quelques semaines, j’ai rencontré Lola Omolola. Lola vit à Chicago et elle est originaire du Nigéria. Il y a deux ans, Lola a fondé un groupe secret appelé : « Female IN ». Elle le décrit comme un groupe de soutien qui ne porte pas de jugement en vue de donner aux femmes un endroit sûr pour parler de tout, du mariage aux questions de santé et aux problèmes de travail. Aujourd’hui ce groupe a plus d’un million de membres à travers le monde, toutes des femmes, parce qu’une femme s’est souciée de leur donner une voix ». Lorsqu’une communauté répond ainsi à des besoins, être responsable de sa bonne marche est un véritable engagement.  Ces responsables ont besoin de soutien.  Facebook va s’engager en ce sens.

 

 

Un nouvel horizon : « Bringing people together »

« Dans les décennies passées, nous nous sommes centrés sur un objectif : rendre le monde plus ouvert et plus connecté (« bringing the world more open and connected »). Nous n’avons pas terminé. Mais j’avais l’habitude de penser que si nous donnions simplement une voix aux gens et que nous les aidions à se connecter, cela rendrait par là même le monde meilleur. De bien des manières, cela a été le cas. Mais notre société est encore divisée. Maintenant, je pense que nous avons la responsabilité de faire davantage. Il n’est pas suffisant de simplement connecter le monde ; nous devons aussi travailler à rendre le monde plus proche, rapprocher les gens ensemble (« bring people closer together »). Nous avons besoin de donner une voix aux gens pour permettre une expression de la diversité des opinions, mais nous avons aussi besoin de créer du commun pour que nous puissions ensemble faire des progrès. Nous avons besoin de rester connectés avec les gens que nous connaissons et auxquels nous faisons déjà attention, mais nous avons aussi besoin de rencontrer des gens nouveaux avec des perspectives nouvelles. Nous avons besoin de la famille et des amis, mais nous avons aussi besoin de participer à des communautés.

Aujourd’hui, nous avons choisi de redéfinir notre mission. Notre projet est de donner aux gens le pouvoir et la capacité de créer des communautés et de rendre le monde plus proche. Nous ne pouvons pas faire cela seuls. Il nous faut donner aux gens la capacité de créer ces communautés.

Nos vies sont maintenant connectées. Dans la prochaine génération, nos grands défis seront énormes : mettre fin à la pauvreté, guérir les maladies, arrêter le changement climatique, répandre la liberté et la tolérance, stopper le terrorisme. Nous devons bâtir un monde où les gens vont converger pour effectuer ces efforts significatifs ».

 

Une dynamique communautaire

« Cela ne peut pas venir d’en haut. Il est nécessaire que les gens le désirent. Les changements commencent sur le plan local lorsqu’un nombre suffisant d’entre nous se sent concerné et soutenu pour s’engager dans des perspectives plus vastes.

Les gens ont généralement envie d’aider les autres, mais nous trouvons aussi que nous avons nous-mêmes également besoin d’être soutenus. Les communautés nous donnent le sentiment que nous faisons partie de quelque chose qui est plus grand que nous-mêmes, que nous ne sommes pas seuls, qu’il y a quelque chose de mieux à réaliser en avançant.

Nous retirons tous du sens de nos communautés. Que ce soient des églises, des équipes de sport, des groupes de voisinage, nous recevons d’elles la force d’ouvrir notre horizon et de nous engager pour des causes plus grandes. Des études ont prouvé que, plus nous sommes connectés, plus nous nous sentons heureux et en meilleure santé. Les gens qui vont à l’église sont plus nombreux à se porter volontaires et à donner, pas seulement parce qu’ils sont religieux, mais aussi parce qu’ils font partie d’une communauté.

C’est pourquoi il est si frappant de voir que, pendant les dernières décennies, l’appartenance à tous les genres de groupes a baissé d’un quart (l’auteur décrit la situation américaine). Il y a là beaucoup de gens qui ont besoin de trouver le sens d’un but et un soutien quelque part. Voilà notre défi. Nous sommes appelés à bâtir un monde où chacun puisse avoir un sens de projet et de communauté. C’est ainsi que nous pourrons rendre le monde de plus en plus proche, où nous pourrons prendre soin d’une personne en Inde, en Chine, au Nigéria et au Mexique aussi bien que d’une personne ici.

Je sais que nous pouvons faire cela. Nous pouvons renverser ce déclin, rebâtir nos communautés et rendre le monde plus proche.

 

Promouvoir la participation à des communautés significatives (« meaningful communities »)

« La plupart d’entre nous, nous faisons partie de groupes, soit dans le monde physique, soit sur internet. Une personne moyenne sur facebook est membre d’environ 30 groupes, mais, si vous avez de la chance, il peut y en avoir un ou deux qui sont importants pour vous. Les autres sont des groupes occasionnels. Nous avons trouvé que cent millions de gens sont membres de communautés significatives. Elles comptent pour vous ». Mark Zuckerberg précise sa pensée : Les communautés significatives auxquelles nous tendons ne sont pas uniquement en ligne. « Si vous avez besoin d’être soutenu dans une maladie, si vous avez de nouveaux parents, ces communautés n’interagissent pas seulement en ligne. Elles organisent des repas et se soutiennent dans la vie quotidienne ». Des communautés en ligne peuvent également élargir des communautés physiques.

Si deux milliards de gens utilisent facebook, pourquoi avons-nous aidé seulement 100 millions à joindre des communautés significatives ? Aujourd’hui, nous sommes en train de nous fixer un but : aider un milliard de gens à joindre des communautés significatives. Si nous réussissons cela, cela commencera à fortifier notre tissu social et à rapprocher le monde : « bring the world closer together ».

Cette missive se termine sur des considérations stratégiques.  Comment agir pratiquement pour atteindre cet objectif ? Facebook est appelé à innover, car il n’est pas familiarisé avec le développement communautaire.  Il ne suffit pas de faire connaître aux gens, grâce à l’intelligence artificielle, des communautés qui peuvent être significatives pour eux ; il est également nécessaire que le nombre de nouvelles communautés significatives grandisse rapidement, et pour cela facebook se propose d’encourager et d’aider les nouveaux leaders.

 

Un grand dessein

Facebook est apparu en 2006, il y a dix ans seulement. Le chemin parcouru est impressionnant. Aujourd’hui, deux milliards d’humains utilisent et fréquentent facebook. Et voici que le fondateur et animateur de facebook, Mark Zuckerberg, prend conscience qu’un nouveau pas est nécessaire  parce que, dans ce monde en mutation, une exigence nouvelle apparaît : face à la tentation de la division et du repli, renforcer les forces de cohésion et d’unification, permettre aux gens de vivre davantage en convivialité et en solidarité. Il y a bien là une contribution pour répondre à une aspiration qui se fait jour dans tous les pays. C’est par exemple l’émergence de la notion de tiers lieu, un espace social propice à la convivialité entre la maison et le travail (4). En France même, on appelle à plus de convivialité (5), plus de fraternité (5). Il y a partout des forces collaboratives en voie de s’exprimer. Ce nouvel espace ouvert à la dynamique associative doit encourager la créativité dans l’expression sociale sur tous les registres : entraide, éducation, santé, spiritualité.

Des formes anciennes déclinent, des formes nouvelles apparaissent. C’est bien le mouvement de la vie. « L’essence  de la création dans l’Esprit est la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître « l’accord général ». « Au commencement était la relation » (Martin Buber) » (Jürgen Moltmann) (7). En écoutant Mark Zuckerberg et en lisant sa missive très simple, très conviviale, on peut percevoir, dans ces propos, la genèse d’une grande innovation sociale à l’échelle du monde. Il y a là un grand dessein. On le reçoit comme une promesse.

 

J H

 

(1)            Thomas Friedman. Thank you for being late. An optimist’s guide to thriving in the age of accelerations. Allen Lane, 2016  Mise en perspective : « Un monde en changement accéléré » : https://vivreetesperer.com/?p=2560

(2)            Roger Sue. La contresociété. Les liens qui libérent, 2016         Mise en perspective : « Vers une société associative. Transformations sociales et émergence d’un individu relationnel » : https://vivreetesperer.com/?p=2572

(3)             Mark Zuckerberg. Bringing the world closer together (22 juin 2017) : https://www.facebook.com/zuck/posts/10154944663901634     The Zuckerberg interview. Extended cut : https://www.youtube.com/watch?v=RYC7nAcZqn0

(4)            Emergence d’espaces conviviaux et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place ») et nouveaux modes de vie  : http://www.temoins.com/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie/

(5)            Appel à la fraternité. Pour un nouveau vivre ensemble : https://vivreetesperer.com/?p=2086

(6)            Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988

 

Voir aussi : « la création de la Chan Zuckerberg initiative » : https://vivreetesperer.com/?p=2283

 

« Prayer of the mothers » : un chant mobilisateur de Yael Deckelbaum pour la marche des femmes juives et arabes unies pour la paix.

 

Dans le contexte de la violence qui sévit entre israéliens et palestiniens, exacerbée par l’appareil répressif d’Israël, un mouvement s’est levé pour proclamer un esprit de paix. Ce mouvement : « Women wage peace » (Les femmes font campagne pour la paix) est apparu en 2014 à l’occasion du conflit armé à Gaza. Il a pris son essor et a réalisé en 2016 une marche pacifique qui s’est imposée par sa dynamique et sa visibilité.

Le 4 octobre 2016, ce mouvement pour la paix a commencé une marche de l’espérance qui a duré deux semaines. Pendant ces deux semaines, des milliers de femmes juives et arabes israéliennes ont marché du nord d’Israël vers Jérusalem, en réclamant un accord de paix Israël-Palestine qui serait respectueux, non violent et accepté par les deux parties. La marche a culminé le 19 octobre avec plus de 4 000 femmes réalisant une prière conjointe juive et musulmane pour la paix au Qasr el Yahud à l’extrémité nord de la Mer morte. Ce même soir, 15 000 personnes se sont rassemblées pour protester et appeler à l’action devant la résidence du Premier ministre israélien (1).

 

Un chant de marche : « The prayer of the mothers »

Cette grande manifestation a trouvé son chant de marche dans un hymne : « The prayer of the mothers » (la prière des mères). Ce chant a été réalisé par une jeune et talentueuse musicienne israélienne, Yael Deckelbaum, interprète et compositrice qui s’est engagée dans le mouvement et l’a accompagné dans son action (2). Reconnue dans son pays et à l’étranger comme une artiste d’excellence, fondatrice et membre du légendaire trio : Habanot Nechama, Yael a écrit le chant : « Prayer of the mothers » et l’a enregistré avec des responsables de « Women wage peace ». Yael a travaillé également avec Lehmah Gbowee, une femme libériane qui a reçu le prix Nobel de la paix pour sa mobilisation des femmes en faveur de la paix ayant débouché sur la fin de la seconde guerre civile au Libéria en 2003.

 

 

« Prayer of the mothers » est chanté dans des contextes divers et sous des formes différentes (3).

Ses paroles nous entrainent sur le chemin de la fraternité et de la paix comme en témoignent ces quelques extraits.

 

« Chuchotement du vent de l’océan

Qui souffle très loin

Le linge qui flotte

Contre l’ombre d’un mur

 

Entre le ciel et la terre

Il y a des gens qui veulent vivre en paix

Ne baisse pas les bras

Continue à rêver

De paix et de prospérité

 

Quand est-ce que les murs de la peur fondront ?

Quand retournerais-je de l’exil

Et nos portes s’ouvriront

A ce qui est vraiment bon ?

 

Les murs de la peur fondront un jour

Et je rentrerai de l’exil

Les portes s’ouvriront

A ce qui est vraiment bon

 

Du Nord au Sud

De l’Ouest à l’Est

Ecoute la prière des mères

Apporte leur la paix

 

 

Ce chant a accompagné la marche de la paix. Il porte de bout en bout le clip réalisé par « Women wage Peace » (4) pour communiquer le message et l’esprit de cet événement. Ce clip transmet une symbolique forte à travers ses différentes séquences :

° Des jeunes femmes, de blanc vêtues, se rassemblant dans le désert, et exprimant une convivialité fraternelle dans un chant partagé, expression de paix.

° Dans le même élan et dans le même esprit, des femmes de toutes origines manifestant leur solidarité et leur fraternité en des gestes significatifs de tendresse et de reconnaissance.

° L’intervention de Lehmah Gbowee, prix Nobel de la paix, pour encourager ce mouvement : « Je voulais vous faire savoir que la paix est possible dans le monde où nous vivons quand des femmes intègres et de foi se manifestent pour le futur de leurs enfants ».

° De bout en bout, la dynamique de cette marche commune revêt une dimension épique et nous entraine dans un dépassement de nous-même.

 

Dans cette démarche,  convergent des femmes dans une pleine humanité d’amour, d’empathie, de respect. Pour nous, nous percevons dans cet événement un souffle, le souffle de l’Esprit. L’Esprit abolit les barrières et unifie comme nous l’apprend l’expérience de la Pentecôte (6). Comme en d’autres évènements historiques, l’espérance ouvre les portes de la libération. Nous accueillons ce chant dans un mouvement d’émotion, de sympathie et d’émerveillement.

 

J H

(1)            Sur le site du journal israélien, Haaretz, un article qui fait le point sur cet épisode : « Prayer of the mothers » honors thousandsof jewish and arab women marching for peace » : http://www.haaretz.com/israel-news/1.754127 On trouvera par ailleurs d’autres articles sur cet évènement important intervenu en octobre 2016 : Sur +Positivr : « des milliers de femmes en marche pour la paix » : http://positivr.fr/women-wage-peace-paix-israel-palestine-femmes/ Sur le site du Monde : « En Israël, le combat des femmes pour la paix » : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/10/20/en-israel-le-combat-des-femmes-pour-la-paix_5017432_3218.html Le mouvement « Women wage peace » s’est inspiré de mouvements analogues pour la paix en Irlande du Nord et au Libéria. Il milite pour des négociations de paix entre Israël et l’autorité palestinienne. Il accueille des personnes très diverses, y compris des hommes. Il comprend aujourd’hui plus de 20 000 membres. Une information complète sur Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Women_Wage_Peace

(2)            Yael Deckelbaum. Biography : http://www.yaeldeckelbaum.com/en/biography

(3)            Yael Deckelbaum and The Prayer of the Mothers Ensemble- The Land : https://www.youtube.com/watch?v=bU8Fqi1iFxc

(4)            Clip de la marche de l’espoir conduite par « Women wage Peace » et animée, de bout en bout, par le chant : « The prayer of the mothers » : « Yael Deckelbaum/ Prayer of the mothers- Official video : https://www.youtube.com/watch?v=YyFM-pWdqrY&list=PLKZY04ztdn4vRnQqcu2z0UzBWtTV9FL9s

(5)            Pentecôte : Actes 2.1-21

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

« Aujourd’hui, nous sommes tous frères à Bamako » : https://vivreetesperer.com/?p=1101

« La vision mobilisatrice de Martin Luther King » : « I have a dream »

https://vivreetesperer.com/?p=1493

Puissance du dialogue

 

indexSi nous avons conscience que la relation est au cœur du monde,  au cœur de notre société et que c’est ainsi que tout se tient, alors c’est dire l’importance de la qualité de cette relation, l’importance d’un dialogue constructif. Chaque semaine,  Gabriel Monet, nous offre un commentaire sur l’actualité . A partir d’une information particulièrement bien choisie et étudiée, il nous apporte une réflexion de fond sur une question concernant notre manière de vivre en société. «  Alors que l’information nous arrive de toutes parts, chercher du sens dans ce qui se trame, se vit, se joue autour de nous, est essentiel. Il est utile de discerner les marqueurs d’une société en mouvement, de s’enthousiasmer ou de s’offusquer, de se laisser interpeller par des initiatives constructives ou de critiquer des attitudes discutables » (1).  Dans ce « billet d’humeur » du 26 avril 2018, Gabriel Monet trouve dans l’actualité de bons exemples pour aborder la question du dialogue.  Il en montre le sens profond, c’est à dire la recherche d’une compréhension mutuelle. C’est bien ce à quoi une inspiration chrétienne nous appelle. Toute la démarche de Gabriel, son style en forme  de va et vient, et justement de dialogue débouche sur cette recherche de compréhension, une compréhension  en mouvement, une compréhension qui va de l’avant. Nous voyons ici une heureuse conjonction entre l’inspiration biblique,  une sagesse telle qu’elle s’exprime dans certaines traditions, l’approche compréhensive de la réalité présente dans les sciences sociales.  En présentant cette chronique à ses correspondants, Gabriel Monet citait un proverbe africain : « Une de nos armes les plus puissantes est le dialogue ».  Puissance du dialogue ! Face à la violence, c’est bien le cas.  Et rien n’est plus urgent que d’ « Oser la fraternité » (1), ce qui est aussi le titre du livre récent dans lequel Gabriel Monet a rassemblé ses chroniques de l’année 2016-2017. 

 

J H

 

Gabriel Monet. Oser la fraternité : regards chrétiens sur l’actualité de 2016-2017 (accessible sur Amazon)

Un dialogue inter-essant

Comment trouver un accord si l’on ne dialogue pas ? Il est bien des situations où des divergences de vue peuvent exister, or, à moins de renoncer à toute relation ou vainement espérer que les choses s’arrangent d’elles-mêmes, la rencontre et le dialogue semblent un passage obligé pour aller dans le sens de la conciliation. Mais passer du principe à la réalité est souvent plus complexe qu’il n’y paraît, comme l’actualité nous en donne plusieurs exemples.

Emmanuel Macron vient d’achever une visite officielle aux Etats-Unis, et a clairement cherché à être conciliant avec son homologue américain. Au point que les commentateurs parlent d’une « bromance » entre Donald Trump et le Président français. Ce mot qui est une contraction des mots « brothers » (frères) et « romance » laisse entendre qu’il existe une amitié profonde. On sait pourtant les divergences de fond comme de forme que Donald Trump suscite chez nombre de Français, et sans nul doute aussi chez Emmanuel Macron. Cette stratégie du lien et du dialogue convivial malgré certains désaccords est-elle la bonne ? Elle présente en tous cas l’avantage d’une dynamique positive et d’une minoration de ce qui dérange au bénéfice de ce qui rapproche. Mais en même temps, permet-elle de mettre en évidence ce qui ne va pas et ainsi d’essayer de faire bouger les lignes ?

L’approche inverse aurait été de ne pas dialoguer. C’est ce qu’ont fait les dirigeants coréens pendant bien longtemps avec les tensions que l’on connaît. Or l’éclaircie ouverte pour un début d’échange lors des derniers Jeux Olympiques génère diverses avancées, puisque des parlementaires des deux pays ont pu se rencontrer en Suisse fin mars, et le sommet du vendredi 27 avril entre les dirigeants des deux Corées à la Maison de la Paix dans le village frontalier de Panmunjom marque un tournant. Ainsi, au boycott semble succéder une forme de compromis relationnel qui pourra peut-être un jour tendre vers une réunification.

Il est vrai que sans dialoguer, il y a peu de chance de trouver un accord. C’est pourtant ce qu’ont décidé les syndicats cheminots en boudant la dernière session du cycle de discussions initiée par la Ministre des transports, Elisabeth Borne. Les relations entre deux interlocuteurs peuvent parfois ressembler à un bras de fer, où l’on espère l’emporter en appliquant la loi du plus fort. Faire pression peut faire partie de la résolution d’un conflit, mais c’est rarement un schéma gagnant lorsque c’est la seule approche. Concernant la SNCF, la force de la loi de la part du gouvernement peut s’avérer trop autoritaire, alors que la force de la grève montre aussi ses limites et ses inconvénients pour tous. Toujours est-il que se voir ou se parler mais sans s’écouter et sans être prêt à évoluer, est stérile et n’avance pas à grand-chose.

C’est pourquoi arrêter ou refuser le dialogue peut parfois se comprendre. Il est même des situations où le boycott devient un message en soi, une manière de signifier un désaccord. C’est ce qu’a choisi de faire Hugues Charbonneau, co-producteur du film « 120 battements par minute », Grand Prix du festival de Cannes 2017 et César du meilleur film 2018. Convié le 26 avril au dîner organisé à l’Elysée par le couple présidentiel en l’honneur du cinéma, il a décliné l’invitation et l’a fait savoir, et ce, pour dénoncer la loi « asile et immigration ». Le « sans moi » d’Hugues Charbonneau est finalement peut-être malgré tout une manière de dialoguer puisqu’il ajoute, comme pour continuer le débat : « Comment se réjouir après l’abjecte loi votée dimanche par votre majorité ? […] Votre politique est violente, vous faites ce que le vieux monde sait faire de mieux : stigmatiser et exclure ». Mais à se lancer de telles invectives, c’est plutôt un dialogue… de sourds.

On ne peut pas tous penser et agir de la même manière, c’est même plutôt une bonne chose. Ceci étant, il faut tenter de s’entendre, de collaborer, de trouver des compromis. Dialoguer est alors essentiel. Mais dialoguer n’est ni de l’ordre de la querelle, ni une simple succession d’avis, mais un échange fécond qui passe nécessairement par une écoute vraie et un partage en vue de se comprendre mutuellement, éventuellement de se rapprocher. Un véritable dialogue est forcément « intéressant », dans le sens originel du terme qui vient du latin inter esse, c’est-à-dire « être entre ». Dès lors que la parole peut se dire, qu’elle circule entre les êtres, comme le mot « dialogue » le laisse entendre (logos = parole, dialogue = parole échangée), la communication devient plus fructueuse, elle ouvre un avenir, elle est « créatrice ». Dans la Bible, la parole et le dialogue jouent un rôle clé, et parfois de manière presque surprenante le dialogue est toujours favorisé. Après la chute, Dieu prend l’initiative de la rencontre et du dialogue, bien qu’Adam et Eve aient agi dans un sens opposé à la volonté divine. Jésus, lui, n’a pas hésité à dialoguer avec tous, même avec ceux qui pouvaient sembler s’opposer à lui, que ce soit une femme samaritaine, des pharisiens… avec des résultats souvent réjouissants. Nul doute que nous gagnerons à faire de même et à toujours oser le risque du dialogue !

Gabriel Monet