C’est la question qui a été posée à Cécile Entremont et à laquelle elle répond dans une interview rapportée dans la vidéo ci-dessous.
Cécile Entremont est psychologue clinicienne, psychothérapeute et docteure en théologie. Son parcours est relaté dans une interview accessible sur le site de Témoins (1). Et, au cours des dernières années, elle s’est engagée dans la voie de l’accompagnement spirituel en lien avec l’association Aaspir où elle collabore avec Lytta Basset, une théologienne auteure de nombreux livres où elle apporte un éclairage original pour le vécu à la lumière de sa lecture des textes évangéliques (2). Cécile a développé un centre d’accueil en Bourgogne où elle propose des sessions d’accompagnement et de formation (3). Elle vient également de publier un livre où elle s’interroge sur les aspirations, les peurs et les questionnements des gens d’aujourd’hui et apporte, en réponse, le fruit de sa recherche et de son expérience : « S’engager et méditer. Dépasser l’impuissance, préparer l’avenir » (4). Cécile Entremont est intervenue récemment à la journée organisée par l’association Témoins sur le thème : « Parcours de foi aux marges des cadres institutionnels » (5).
De par sa profession et par ses engagements, Cécile est en relation avec de nombreuses personnes en recherche. Au cœur de la foi chrétienne, telle que Jésus nous la communique, il y a bien une inspiration majeure : la révélation et la manifestation de l’amour de Dieu. Mais cette affirmation a souvent été brouillée par des malentendus. Et, pour de nombreuses personnes aujourd’hui, la représentation de Dieu ne va pas non plus de soi. En réponse à la question : « Comment aujourd’hui dire au mieux l’amour de Dieu et ainsi faciliter sa réception ? », Cécile Entremont nous répond ici dans une courte interview en vidéo réalisée par Alain Gubert (6).
Les contextes culturels et spirituels sont aujourd’hui très divers. Dans le contexte de son environnement, Cécile nous décrit un cheminement spirituel en écho à cette question. Ainsi se dégagent trois grandes pistes : émerveillement en présence de ce qui invite au dépassement, comme la beauté de la nature, rencontre avec le profond de l’humain, pressentiment d’un au delà…(7). En regard, Cécile Entremont mentionne l’œuvre de Maurice Bellet, théologien, philosophe et psychanalyste, une oeuvre de longue haleine à la recherche de l’essentiel du message évangélique (8). Cette interview ouvre un horizon de recherche.
(6) « Comment aujourd’hui dire au mieux l’amour de Dieu et faciliter ainsi sa réception ? » Interview de Cécile Entremont par Alain Gubert. Réalisation technique : Pierre-Jean Gubert (entreprise Carrousel).
Dans un temps où l’on a souvent du mal à trouver des raisons d’espérer, ceux qui mettent leur confiance dans le Dieu de la Bible ont plus que jamais le devoir de « justifier leur espérance devant ceux qui (leur) en demande compte » (1 Pierre 3,15). A eux de saisir ce que l’espérance de la foi contient de spécifique, pour pouvoir en vivre.
Or, même si, par définition, l’espérance vise l’avenir, pour la Bible elle s’enracine dans l’aujourd’hui de Dieu. Dans la Lettre 2003, frère Roger le rappelle : « (La source de l’espérance) est en Dieu qui ne peut qu’aimer et qui nous cherche inlassablement » (1)
Dans les Ecritures hébraïques, cette Source mystérieuse de la vie que nous appelons Dieu se fait connaître parce qu’il appelle les humains à entrer dans une relation avec lui : il établit une alliance avec eux. La Bible définit les caractéristiques du Dieu de l’alliance par deux mots hébreux : hased et emet (par ex : Exode 34,6 ; Psaume 25,10 ; 40, 11-12 ; 85, 11). En général, on les traduit par « amour » et « fidélité ». Ils nous disent, d’abord, que Dieu est bonté et bienveillance débordantes pour prendre soin des siens et, en deuxième lieu, que Dieu n’abandonnera jamais ceux qu’il a appelés à entrer dans sa communion.
Voilà la source de l’espérance biblique. Si Dieu est bon et s’il ne change jamais son attitude ni ne nous délaisse jamais, alors, quelles que soient les difficultés –si le monde tel que nous le voyons est tellement loin de la justice, de la paix, de la solidarité et de la compassion- pour les croyants, ce n’est pas une situation définitive ; dans leur foi en Dieu, les croyants puisent l’attente d’un monde selon la volonté de Dieu ou, autrement dit, selon son amour.
Dans la Bible, cette espérance est souvent exprimée par la notion de promesse. Quand Dieu entre en rapport avec les humains, cela va de pair en général avec la promesse d’une vie plus grande. Cela commence déjà avec l’histoire d’Abraham : « Je te bénirai, dit Dieu à Abraham. Et par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Genèse 12, 2-3).
Une promesse est une réalité dynamique qui ouvre des possibilités nouvelles dans la vie humaine. Cette promesse regarde vers l’avenir, mais elle s’enracine dans une relation avec Dieu qui me parle ici et maintenant, qui m’appelle à faire des choix concrets dans ma vie. Les semences de l’avenir se trouvent dans une relation présente avec Dieu.
Cet enracinement dans le présent devient encore plus fort avec la venue de Jésus le Christ. En lui, dit Saint Paul, toutes les promesses de Dieu sont déjà une réalité (2 Corinthiens 1,20). Bien sûr, cela ne se réfère pas uniquement à un homme qui a vécu en Palestine il y a deux mille ans. Pour les chrétiens, Jésus est le Ressuscité qui est avec nous dans notre aujourd’hui . « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin de l’âge » (Matthieu 28.20.
Un autre texte de saint Paul est encore plus clair.
« L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Romains 5, 5). Loin d’être un simple souhait pour l’avenir sans garantie de réalisation, l’espérance chrétienne est la présence de l’amour divin en personne, l’Esprit Saint courant de vie qui nous porte vers l’océan d’une communion en plénitude.
Texte publié sur le site de Taizé
(1) Cette réflexion sur l’espérance chrétienne est la première partie d’un texte sur l’espérance publié sur le site de Taizé : http://www.taize.fr/fr_article1080.html . Nous avons pensé la comuniquer sur ce blog, car elle est formulé en termes très accessibles, et nous y trouvons une consonance avec certains accents de la théologie de l’espérance qui est proposée par Jürgen Moltmann et appréciée dans ce blog . Les accentuations en gras ont été ajoutées par l’animateur de ce blog.
Dans le mouvement de le transition intérieure, co-créer une culture régénératrice.
Conséquence d’une ambition démesurée de l’humanité en recherche de richesse et de puissance, exploitant sans vergogne les ressources de la planète, malgré des avertissements personnels et collectifs remontant à plusieurs décennies, la crise climatique appelle aujourd’hui un changement de cap, un changement de paradigme, un changement de vision. Ce changement radical requiert une mobilisation des esprits fondée sur une nouvelle manière de voir le monde et débouche sur un changement économique et social. C’est un processus qui s’effectue dans le temps. C’est pourquoi nous devons envisager une transition. Et lorsqu’il s’agit de promouvoir un nouvel état d’esprit, une autre façon de sentir et d’agir, une nouvelle manière d’envisager l’avenir, on peut parler de « transition intérieure ». Michel Maxime Egger, Tylie Grosjean, Elie Wattrelet viennent d’écrire un « Manuel de transition intérieure » (1) publié en 2023 aux Editions Actes Sud en partenariat avec le mouvement Colibris dans la collection ‘Domaine du possible’. Ce livre, de près de 500 pages, est un ouvrage de référence qui se décline en plusieurs séquences : fondements, métamorphoses, intégration, praxis, ressources pour aller plus loin… Et il affiche en premier un titre hautement significatif, le terme : « Reliance ». Comme déjà, à plusieurs reprises (2), nous constatons que tout se tient, tout se relie et nous sommes invités à affronter les perturbations qui compromettent cette unité potentielle, dans untravail de reliance. Ce livre couvre un champ très vaste et nous nous arrêterons ici sur un des aspects: « Une culture du soin pour un monde plus sain ».
Une culture du soin dans un monde plus sain (p 180-181).
Promouvoir la transition intérieure, « implique de remettre le soin au cœur de notre façon d’être au monde en tant qu’individu, collectif etsociété ». Le mouvement de la transition accorde au soin une grande attention. « Il est alors possible de contribuer à la co-création d’une société de soin, souvent nommée société du care » (3) Pour la politologue féministe, Joan Tonto, « le care est une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre monde de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». La philosophe CynthiaFleury évoque également une « société du care ». Assez naturellement, la notion de soin renvoie au secteur de la santé et de tous les métiers associés au « prendre soin ». Cependant, ici on élargit la perspective en englobant toutes les composantes de la société. Et, considérant le courant du développement personnel, on y perçoit une approche trop individualiste « avec pour risque de s’adapter au monde tel qu’il est, sans jamais s’interroger sur son bien fondé, sa légitimité, ses travers et ses conséquences… ». A l’inverse, dans la transition intérieure, les démarches visant à prendre soin de soi, des autres, et du monde, sont clairement indiquées, dans la conscience critique et aussi politique de leur impact sur la toile du vivant ».
Co-créer une culture régénératrice (p 181-183).
Nous vivons dans l’ambiance d’une vie pressée qui ne favorise pas une vie pacifiée. « Une société qui fonctionne en sollicitant exagérément les êtres humains et les écosystèmes qu’elle s’approprie génère forcément des phénomènes d’épuisement. Le consumérisme saisit la biosphère et l’être humain. Il les épuise en excédant leurs limites et capacités de régénération ». Comme nous nous inscrivons dans ce genre de vie, nous sommes influencés par ces travers jusque dans nos efforts pour y remédier. « Le monde de la transition n’échappe pas à cette logique ; si le système nous exténue, nous pouvons aussi nous épuiser à tenter d’en sortir et de créer du neuf ». Comment vivons-nous ces dépressions et pouvons-nous en tirer parti ? « Un grand nombre de transitionnaires vivent leurs burn-out et d’autres soucis de santé comme des signaux d’alarme, des opportunités pour franchir des étapes d’évolution plus radicales. En découvrant ‘le potentiel de métamorphose’ des épuisements, nous pouvons progressivement les accueillir et nous laisser transformer par eux, avec un soutien du collectif ». Cependant, il est important d’envisager également les causes structurelles de ces épuisements : « les logiques de rentabilité et de course à la performance, qui sont inhérentes à nos cultures modernes occidentales. Elles sont aussi à dénoncer et à déconstruire ». Comme l’écrit Martine Simon, « L’enjeu d’obtenir des résultats coûte que coûte domine dans notre culture tandis que l’enjeu de prendre soin est relégué à tenter de réparer les dégâts ». Dans une perspective inspirée par la permaculture, trois orientations : « prendre soin, prendre soin pour obtenir des résultats, et obtenir des résultats qui prennent soin ». Il n’y a pas de travaux de seconde zone. « Prendre la mesure de l’importance du care pour la vie humaine nous rappelle que nous dépendons tous des services d’autrui pour satisfaire des besoins primordiaux ».
Vers unsoin de soi juste et engagé (p 183-187)
La conscience de l’importance de ‘prendre soin de soi’ s’est aujourd’hui répandue. Les auteurs envisagent également cette attitude dans une perspective plus large : « ‘Le prendre soin de soi’ doit être envisagé dans ses dimensions politiques ». Certaines personnes y voient une passivité redoutable. « Idéalement, le care intégrerait et transcenderait à la fois la lutte et le repos en démontant ainsi les frontières qui les séparent ». ‘Prendre soin de soi’ peut être vécu de diverses manières. Ce nouvel adage n’est pas sans travers : « Quand nous tentons de maintenir les apparences en renvoyant une image de réussite ou d’individu autonome, quand nous cherchons à nous remettre sur pied pour faire plus de la même chose, nous peinons à créer les conditions pour nous sentir mieux et contribuer à un véritable changement ». Nous voici ici appelés également à un rapport nouveau à l’écoulement du temps. Le militantisme en faveur de la transition peut lui-même être entaché par une excitation dans la recherche d’une rapidité dans l’obtention des résultats. « Dans nos projets novateurs, nous plaçons parfois inconsciemment la même exigence de rentabilité ou la même soif de reconnaissance qu’avant. C’est le cas aussi lorsque nous intégrons les pratiques de transition intérieure avec fébrilité : nous faisons beaucoup de choses pour apprendre à ‘être’ ». « Il n’est pas toujours facile d’accepter que la pacification de notre relation au temps… prenne justement du temps ». Les auteurs évoquent, entre autre, « la notion de temps juste proposée par le journaliste Carl Honoré. On peut notamment explorer différentes formes de ‘slow’ en adoptant des rythmes adaptés à chaque contexte. Cela suppose, à chaque instant, une écoute de plus en plus fine de la vie qui s’exprime en nous et autour de nous. Cela demande aussi de connaître et choisir de consacrer du temps à ce qui nous nourrit et nous régénère ».
Nous entrainer à l’ouverture du cœur (p 188-192)
Etre ouvert de cœur, c’est être attentif aux autres, c’est-à-dire ne pas s’enfermer dans un train de vie fondé sur ses propres forces. C’est donc accepter de reconnaître notrevulnérabilité. « Quand on a appris à se protéger en s’isolant, un lien est à retisser pour se sentir à nouveau en sécurité avec l’autre. Même sans avoir vécu un traumatisme particulier, il importe de transformer les croyances qui associent la vulnérabilité à la passivité et à la faiblesse. Nous découvrons alors très souvent, que son acceptation nous donne de la force. Accepter et reconnaitre notre vulnérabilité nous permet peu à peu d’oser demander du soutien à un entourage de confiance…
Que ce soit au cœur du soin, de la santé, et plus généralement dans une relation avec les autres, Cynthia Fleury (4) nous invite à poser une double exigence : « rendre la vulnérabilité capacitaire et porter l’existence de tous comme un enjeu propre dans toutes les circonstances de la vie ». En défendant une approche plus globale du soin, elle encourage par exemple à prendre en compte la vulnérabilité d’un patient « sans jamais la renforcer, ni la considérer comme synonyme d’incapacité ».
Dans un magnifique témoignage, Pascale Frère, médecin spécialiste en hématologie, explique l’importance d’avoir pu s’ouvrir à sa propre vulnérabilité au fil des épreuves de la vie. Dans ses épreuves, elle a compris que « le cœur ouvert du soignant amenait autant de guérison que la technique d’exécution du geste, car la vie circulant chez le soignant contactait la mienne, cette part de douceur dont j’avais même oublié l’existence ». Ces prises de conscience lui ont permis de « retrouver la voie d’une médecine humaniste, réinvitant dans la relation thérapeutique une qualité de présence tissée d’amour et de compassion ».
Nous rencontrer pour évoluer ensemble vers de nouveaux comportements dans la voie de la transition intérieure requiert une ambiance « d’empathie et de douceur ». Ainsi « la richesse de ce qui est partagé dans la profondeur se met au service tant des personnes que du collectif. L’empathie, cette posture qui nous rend « capable de nous mettre à la place de l’autre », y contribue. L’éloge de la douceur vient nous éveiller à une réalité parfois encore méconnue. « Dans cette société qui dévalorise les enjeux du soin, il peut paraître dérisoire d’encourager la douceur et la tendresse… Comme si ces qualités étaient réservées à la sphère privée… On n’aurait ni le temps, ni les moyens pour le reste du monde ». Pour Anne Dufourmantelle, « être doux avec les choses et avec les êtres… c’est ne pas vouloir ajouter de la souffrance à l’exclusion, à la cruauté et inventer l’espace d’une humanité sensible, d’un rapport à l’autre qui accepte sa faiblesse… ». « Attenter à la douceur est un crime sans nom que notre époque commet souvent au nom de ses divinités : l’efficacité, la rapidité, la rentabilité ». « La philosophe et psychanalyste n’hésite pas à affirmer que le déni du besoin de douceur se manifeste à travers nos dépressions. « Le manque de douceur est endémique. Il a créé un isolement aussi puissant qu’un charme ». « L’angoisse vient dans le corps quand il est déserté par la douceur »… Il y a donc dans la douceur une puissance de vie : « La douceur est une force de transformation secrète prodiguant la vie, reliée à ce que les anciens appelaient justement puissance ».
Stimuler l’entraide et l’altruisme (p 192-194)
La culture de la compétition fait obstacle à la culture du care. Mais, en regard, il apparait aujourd’hui que l’entraide est un processus naturel puissamment répandu dans la nature. Ainsi, à partir de nombreuses recherches, dans un livre innovant, PabloServigne et Gauthier Chapelle (5) ont montré que les êtres vivants ont une puissante tendance à s’associer. « L’entraide est non seulement un principe du vivant, mais un mécanisme de son évolution » : « Les organismes qui s’entraident sont ceux qui survivent le mieux ». Les êtres humains n’échappent pas à cette réalité. Ainsi, dans certaines catastrophes, on a pu observer des comportements d’entraide. En plus de l’entrainement à l’entraide au « cœur de l’engagement et de l’action, nous pouvons choisir dans les collectifs, des pratiques transformant ces gestes en réflexion ».
Cette propension à l’entraide peut être envisagée dans la perspective de « reliance » qui est la trame de ce livre. « Quand nous nous appuyons délibérément sur notre connexion à la toile du vivant, nous pouvons de plus en plus prendre soin de nous en prenant soin du monde et prendre soin du monde en prenant soin de nous. Nous cultivons alors des habiletés au service de la vie qui rejaillissent aussi positivement sur nous, même si c’est plus tard et de façon indirecte. Cette loi de la réciprocité au cœur de l’entraide, avec son mouvement cyclique, donner – recevoir – rendre, participe à un équilibre vivant : nous sommes nourris en retour par cette façon d’être au monde. Il devient ainsi possible de co-créer et déployer notre créativité en composant avec les inévitables temps où nos fragilités affleurent ».
Accroitre notre résilience. Promouvoir la santé (p 195-200)
« Le mot « résilience » issu de la physique, de la psychologie et de l’écologie, évoque la capacité à affronter, supporter et traverser des chocs, des crises et des tensions extérieuresen gardant sonintégrité ». La transition intérieure étudiée dans ce livre implique la résilience.
Développer la résilience, c’est chercher à entretenir un équilibre dynamique, c’est aussi changer notre regard sur la santé.
Nous pouvons considérer une alternance entre des périodes où nous engageons toutes nos forces dans le soin et d’autres où nous prenons soin de nous-même. « L’articulation entre le chemin personnel, l’engagement pour le collectif, et le choix du mode de vie sera d’autant plus fluide qu’elle sera associée à des temps d’intégration et de respiration ». « Selon les moments et les contextes, nous sommes amenés à consacrer plus ou moins de temps et d’attention à l’une ou l’autre voie de restauration des quatre liens à soi, aux autres, au vivant, et au plus grand que soi. L’interconnexion profonde entre ces dimensions fera que chaque porte d’entrée vers un des liens pourra se mettre au service de la guérison des autres. Par ces aspirations, la transition intérieure permet d’évoluer en soutenant la vie en soi et autour de soi, d’une manière qui soit adaptée à chaque contexte et à chaque instant ».
Nous voici également appelés à changer notre regard sur la santé. « Dans la mesure où elle nous invite à prendre soin de la santé conjointe de la psyché humaine et de l’âme de la Terre, la transition intérieure implique un changementde regard sur lasanté ».
Au total, nous sommes invités à envisager une approche globale, une approche holistique. « Pour l’Organisation mondiale de la santé, (OMS), la santé est un concept très large, dépendant de nombreuses variables. Plus qu’à l’absence de maladie, elle renvoie à la recherche d’un bien-être à la fois physique, psychique et social – nous ajoutons : écologique. Privilégier une vision holistique permet de s’attacher au lien entre des symptômes : d’aller aux racines, de laisser une place à la psyché, aux systèmes familiaux et sociaux, aux écosystèmes plus ou moins dégradés dont dépend le patient, aux liens corps-âme-esprit. Une approche globale et préventive de la santé ouvre aussi la possibilité de recréer – au besoin avec le soutien de collectifs et de thérapeutes – les conditions d’une bonne hygiène de vie : alimentation saine et respectueuse, exercice physique ou encore qualité de sommeil préservée ».
C’est évidemment « une approche nouvelle en regard d’une médecine classique qui évolue encore souvent dans des champs très étroits ». « La pandémie a mis en évidence les limites d’une approche de santé publique centrée avant tout sur des dimensions techno-industrielles. Non seulement la politique de « tout au vaccin » n’était pas complétée par des invitations à renforcer nos systèmes immunitaires, mais en plus elle rejetait des formesdesoins alternatifs ».
Notre époque troublée compromet la santé psychique. « Dans les temps qui viennent, il sera de plus en plus indispensable de prendre soin de notre santé psychique sans recourir à des camisoles chimiques. Un enjeu, durant cette transition, est d’apprendre à composer avec deux tendances qui alimentent des cercles vicieux de mal-être : la pathologisation et la stigmatisation. Quand le mouvement d’alternance propre à la vie n’est pas reconnu parce qu’il ne serait pas dans la norme, ses manifestations spontanées sont volontiers pathologisées ».
N’enfermons pas les gens dans des catégories. Ainsi Anne Dufourmantelle, en parlant des personnes dites « bipolaires », « dénonce à la fois leur stigmatisation par le corps social et le traitement inhospitalier de leur « folie ordinaire » et de leur souffrance morale par la psychiatrie contemporaine… ». La psychanalyste rejoint d’autres praticiens qui s’engagent en faveur d’une éthique médicale et thérapeutique. L’anthropologie clinique met en évidence que « les formes pathologiques sont tributaires des formes symboliques à l’œuvre dans une culture ». De même, si on perçoit aujourd’hui la diversité des fonctionnements neurologiques, « heureusement de plus en plus d’écoles alternatives s’ouvrent aujourd’hui à la notion d’intelligences multiples et proposent des approches éducatives mieux adaptées à ces diversités ».
Cette vision d’une culture du soin débouche sur une réflexion sur les modes d’accompagnement dans les cheminements de la transition intérieure. Comme nous avons pu le constater, cette vision est inspirée par des apports récents de psychologues, de philosophes, de sociologues que nous avons déjà souvent croisés sur ce blog. Ce texte vient donc à nouveau rendre compte d’un mouvement de pensée et d’action qui se manifeste aujourd’hui de plus en plus et qui appelle notre compréhension et notre soutien
J H
Michel Maxime Egger. Tylie Grosjean. Elie Wattelet. Reliance. Manuel de transition intérieure. Actes Sud Colibris. 2023 (Domaines du possible)
Nous sommes confrontés à la mort. Nous pouvons nous interroger sur notre sort personnel. Mais le problème est crucial lorsqu’advient le départ d’un proche. Dans la séparation, c’est la communication qui est rompue. L’amour se manifestait dans le dialogue. Et soudain, celui-ci s’interrompt. Notre proche aurait-il disparu à jamais ? Dans cette épreuve, on cherche une réponse. Certains contextes ne s’y prêtent pas. Il y a des empêchements dans les mentalités environnantes : matérialisme ou prescription religieuse de la séparation entre les vivants et les morts. Et, parfois dans les dédales, on doit rechercher un passage, c’est-à-dire un éclairage fondé. Ce fut le cas dans le récit rapporté dans l’article : « Cette vie qui ne disparaît pas » (1). L’issue, à tonalité biblique, ce fut la théologie de Jürgen Moltmann (2), à travers son livre : « In the end, the beginning », traduit ensuite en français : « De commencements en recommencements ». A l’époque, on pouvait avoir accès également à un témoignage existentiel de Lytta Basset : « Ce lien qui ne meurtjamais » (3). Or, théologienne, accompagnatrice spirituelle et auteure de nombreux livres appréciés (4), Lytta Basset vient d’expliciter son premier témoignage dans un livre qui vient bouleverser la représentation dominante de la relation avec les défunts, esquissant en même temps un nouveau paysage spirituel : « Cet Au-delà qui nous fait signe » (5).
« Dans « Ce lien qui ne meurt jamais », Lytta Basset racontait comment elle avait fait l’expérience de contacts avec son fils ainé Samuel mort par suicide à l’âge de vingt- quatre ans. Mais la théologienne protestante, à la fois par discrétion et parce que sa formation ne l’avait pas préparée à de tels aveux, n’avait pas alors tout dit des circonstances qui l’avaient amenée à témoigner. Quinze ans plus tard, elle ose révéler ce qu’elle appelle « l’événement improbable » qui l’a « remise dans le courant de la vie ». Loin de toute motivation sensationnaliste, si elle s’est décidée à prendre la parole, c’est pour aider ceux qui traversent le deuil d’un enfant à ne plus se dire qu’on « ne s’en remet jamais ». Validant l’existence des VSCD – « vécus subjectifs de contact avec un défunt » – elle relit la littérature sur ces questions délicates, en faisant toujours le lien avec les différents récits évangéliques autour de la Résurrection » (page de couverture).
Ce texte n’est pas seulement un témoignage émouvant et réfléchi ouvrant la voie à un nouveau regard sur le rapport avec les défunts. C’est également, dans le même temps, un bilan des études portant sur notre appréhension de l’au-delà qui se sont multipliées au cours des dernières décennies depuis le livre pionnier de Raymond Moody, « La vie après la vie » en 1975. Il y a là, maintenant, un corps de connaissances considérable. Des termes nouveaux sont apparus comme : EMP (expérience de mort provisoire), VSCD (vécu subjectif de contact avec un défunt), TCH ( Trans communicationhypnotique). Les expériences de mort provisoire sont aujourd’hui innombrables et le phénomène est universel. Nous découvrons dans ce livre l’importance du « vécu subjectif de contact avec les défunts ». « Le VSCD est rapide, crée un effet de sidération, comme si on ne pouvait y croire, puis de joie car le contact est direct. Il touche directement le cœur. On le reçoit comme une évidence » (p 19).
Cependant, si ce livre dresse un bilan de tout le savoir qui s’accumule depuis des décennies sur le rapport avec l’au-delà, il nous rend également un grand service en offrant une interprétation chrétienne de ces phénomènes. Or cela n’allait pas de soi. Les différentes églises ont bien une doctrine concernant la vie de l’au-delà. Mais ces doctrines palissent dans la conjoncture nouvelle. Pour certaines d’entre elles, elles véhiculent une conception menaçante du jugement, répartissant les destinées dans des cases, l’une d’entre elles entretenant un malheur perpétuel. D’autres érigent un mur de séparation entre les vivants et les morts. Le mouvement actuel disqualifie de telles croyances. Or, femme d’expérience, mais aussi théologienne, Lytta Basset corrige ces représentations et nous offre une vision chrétienne de la vie après la vie. Et de plus, elle sait parler à nos contemporains en quête existentielle. Plutôt que d’employer un vocabulaire théologique, elle parle de « la Vie », d’« expériences de la Vie » et de « perception du Vivant ». « Parce que un tel langage est plus accessible à notre société occidentale sécularisée, mais aussi parce qu’en réalité c’est aussi un langage biblique » (p 10). Elle s’adresse à tous ; c’est pourquoi, plutôt que le terme : « vie éternelle », elle emploie l’expression : « vie detoujours » (p 11). Elle se déclare marcher « vers ma propre vie de toujours, cette vie qui commence dès ici et n’a pas de fin » (p 11).
Comment recevoir ce grand courant de découverte d’une vie par delà la mort dans un vécu chrétien ? La réponse de Lytta Basset est d’autant plus précieuse qu’elle se fonde sur une grande culture biblique et sur une compétence de théologienne. Aussi envisage-t-elle ces phénomènes dans « le droit fil de la traditionchrétienne » (p 87). « Au gré de nombreuseslectures, aucune incompatibilité avec les témoignages du Nouveau Testament ne m’a sauté aux yeux. Quant à l’Evènement improbable, je n’ai à aucun moment pensé, imaginé ou cru qu’il puisse être en contradiction avec mon identité chrétienne. Bien au contraire, il m’a fait saisir l’ampleur illimitée de l’événement de Pâques » (p 88). Bien sûr, Lytta Basset se réfère aux paroles de Jésus, mais aussi aux enseignements de Paul et de Jean. Elle évoque des commentaires éclairants comme celui d’un pasteur au début du XXè siècle, P Valloton ou bien celui d’un expert canadien A Myre. P Valloton déclarait déjà que « Les faits physiques et psychiques sont les mêmes aujourd’hui qu’au temps d’Abraham, de Moïse, d’Elie, d’Elisée, d’Esaïe, de Jésus et, après lui, desapôtres ». Tout un chapitre est consacré ainsi à une interprétation des Ecritures, par exemple en terme de « langage corporel ». « L’apôtre Paul est certainement l’auteur du Nouveau Testament qui parle le plusde la vie invincible, et de la manière la plus explicite dans sa première lettre aux Corinthiens. Il s’agit de mourir aux forces de mort pour se préparer à vivre vraiment, et pour cela, il emploie dix-neuf fois le verbe « se réveiller » (p 93). Lytta Basset ouvre des correspondances entre les textes du Nouveau Testament, les connaissances issues des recherches sur l’univers de l’invisible et son expérience du deuil. « Un verset de Paul me touche particulièrement : « Vous avez été, dit-il, mis autombeau – avec lui par l’immersion dans laquelle vous avez été réveillés – avec lui par la confiance dans l’énergie de Dieu qui l’a réveillé d’entre les morts. Je reconnais bien là le parcours rocailleux de mon deuil. Comme tant d’autres, j’ai eu le sentiment d’être mis au tombeau ave Samuel, d’être immergée et noyée dans sa mort… et de m’être laissée éveiller en faisant confiance en l’énergie divine – littéralement, ce « travail du dedans » que poursuit en moi le Vivant à mon insu » (p 94). Au total, Lytta Basset exerce un discernement. Elle prône le respect du parcours de chacun. Elle met en valeur l’importance de l’expérience et sa théologie en tient le plus grand compte.
Certes, on peut se demander comment le mouvement actuel s’inscrit dans l’histoire du monde et la diversité des cultures qui y participent, mais comme l’exprime Lytta Basset, il est urgent de répondre à la quête spirituelle qui se manifeste aujourd’hui. Et, par rapport à la reconnaissance de ce mouvement, il reste aujourd’hui, deux freins considérables.
« Celui des Églises d’abord ». « Je vois de l’intérieur, combien le protestantisme, traditionnellement, est peut-être encore le plus fermé… L’Eglise investie par une théologie rationaliste avait fermé la porte de l’au-delà » (p 249). Aujourd’hui, les mentalités évoluent. L’autre frein est sociétal. On entend de sombres affirmations qui sont infondées. (p 250).
Ce livre se clôt par une magnifique citation d’Esaïe : « l’Eternel sera pour toi la lumière de toujours ».
Un langage universel pour dire la vie
Cet ouvrage comporte de multiples facettes. Pour en donner un aperçu, nous choisissons ici un aspect de l’univers spirituel tel qu’il se dégage du chapitre : « Un langage spirituel pourdire la Vie » (p 171-189). « Un langage universel pour dire la Vie » : c’est Dieu qui nous parle. Comme l’auteure le rappelle, il nous a parlé à travers les prophètes, et, bien sûr, par le message du Nouveau Testament. Il ne cesse de nous parler par de multiples voies et dans des contextes variés. Si Lytta Basset met l’accent ici sur la communication autour de la mort, ce n’est qu’un aspect de l’expression divine qui se manifeste dans de nombreuses expériences de transcendance (6) telles que celles qui ont été recensées par Alister Hardy en Angleterre et ont été rapportées par David Hay dans son livre : « Something there » (7).
Le langage qui se manifeste ainsi parle également de Celui qui en est l’auteur. Le message « au nom du Vivant » (p 171), parle du Vivant, de son Être, de l’univers qu’il anime. Si Dieu est le Créateur de l’univers et que cette création est source d’émerveillement et de louange, Il anime également un monde invisible. Lytta Basset évoque ce monde à travers ce que le langage divin, « le langage universel pour dire la vie », y fait écho. Tout un paysage apparaît ainsi et il résulte d’une convergence dont Lytta Basset nous fait part. « J’ai été frappée, par mes lectures, par la convergence entre les expériences des prophètes bibliques et celles de nos contemporains. Les auteurs le répètent à l’envie : si cela arrive à n’importe qui, c’est que nous avons tous des « antennes », un « sixième sens », une « conscience intuitive extraneuronale »… qui se trouve plus ou moins développée ou étouffée en fonction des réactions de l’entourage. Ne nous croyons pas à l’abri de tels touchers divins. les témoignages concernent tous les âges, sexes, classes socio-professionnelles, religions, appartenances philosophiques… » (p 172) (8). C’est donc une expérience universelle, sans frontières. « Les témoins se sentent unis à Dieu, donc encore distincts et en mêmetemps ne faisantqu’un avec lui. Même constat paradoxal pour leur relation à l’univers. Une personne a fait le rapprochement avec la parole de Jésus : « Moi et le Père nous sommes uns ». Lytta Basset met l’accent sur le rôle du corps dans la réception. « Si le langage de la Vie est intelligible pour tous, n’est-ce pas parce qu’il passe essentiellement par le corps ? Ou plutôt qu’il parle au corps ? » (p 173). Elle évoque la sensibilité des enfants. « Le langage de l’invisible est accessible d’emblée aux petits enfants ». (p 173). Nous voici en présence d’une réalité qui se manifeste dans des expériences multiples. « Le docteur R Moody s’est demandé comment comprendre que la sagesse des tibétains, les connaissances théologiques, la visions de Paul, les mythes platoniciens, les révélations du scientifique E Swedenborg, les témoignages des mourants et de ceux ayant vécu une EMP pouvaient se recouper si parfaitemententre eux. J’ai envie de dire : parce qu’il n’existe, au fond, qu’une Réalité d’où émane la multiplicité des formes de vie » (p 174-175).
Lytta Basset nous décline ensuite les caractéristiques communes qu’elle a relevées dans ces écrits et récits : l’omniprésence de la Lumière ; une lumière aimante ; la beauté de la vie ; une connaissance totale ; les retrouvailles avec un être aimé.
La lumière n’est-elle pas le symbole le plus universel pour dire cet Invisible sans lequel rien n’existe ? Le mot Dieu vient du sanscritDyau qui signifie précisément « jour, brillant, lumière, divinité ». Pour les tibétains, c’est la Luminosité fondamentale. Or cela revient dans de nombreux récits de mourants de la tradition orthodoxe, et déjà dans la littérature patristique : des visions de lumière, des apparitions de Jésus, de Marie, des saints et des apôtres « dans une lumière éclatante » et d’Anges très lumineux – rien à envier aux témoignages rassemblés par R Moody. Le théologien orthodoxe V Lossky note avec une grande justesse : « Si Dieu est appelé lumière, c’est qu’il ne peut rester étranger à notre expérience ». Une expérience qui ne date pas d’hier : la Bible hébraïque, notamment les Psaumes évoquent déjà l’omniprésence de la Lumière, par exemple le psaume 139.12 » (p 175). Lytta Basset nous rappelle également le témoignage de Paul dans ses récits de son vécu de l’apparition de Jésus dans une grande lumière. « Dans la ligne de l’inspiration paulinienne… les Pères grecs ont deviné que notre union au Vivant pouvait nous transformer sur terre et au delà. Car au delà du temps et de l’espace, nous ne formons qu’un seul être… ». Et elle rappelle les expériences, avec le ressenti de « ne faire qu’un avec tout l’univers ». Le message de l’évangéliste Jean est également significatif : « Dieu est lumière et de ténèbres, il n’y en a aucune en lui ». N’est-ce pas exactement ce qu’il a vu de ses propres yeux sur la montagne de la transfiguration ? » (p 177). « Clarté divine visible dans le corps d’un être humain, tel est le vécu des témoins de la transfiguration comme du réveil de Jésus le matin de Pâques »… Une lumière appelée à se répandre : Jésus déclare à es disciples : « Vous, vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée, située en haut d’une montagne ». Notons que R Moody a écrit que « les expérienceurs de tradition chrétienne identifiaient l’Être de lumière au Christ » (p 178).
Le deuxième élément omniprésent dans les récits, c’est qu’il s’agit d’une « lumière aimante ». « Une lumière aimante – d’un amour sans fin, sans limites et sans conditions. Est- ce un hasard si, pour Jean, non seulement « Dieu est lumière », mais « Dieu estamour » ? Ainsi rapporte-t-on que la lumière céleste rencontrée dans les expériences de mort provisoire est « une lumière totalement aimante et compatissante » (p 180). « Il suffit d’une fois et cela s’inscrit dans votre corps ». Cette affirmation résulte d’un constat de Lytta Basset elle-même puisqu’elle écrit « avoir vécu une expérience unique de l’amour de Dieu, il y a quarante ans » (p 180). « Plus fort que la lumière, l’amour pour moi qui en émanait reste indicible ». Lytta Basset cite ensuite des témoignages d’EMP qui vont dans le même sens : « C’est une lumière au delà de notre description. Et lorsque nous nous en approchons, elle nous enveloppe d’un amour inconditionnel » (p 181).
« Langage universel encore : la beauté de la Vie ». Les visions portent en effet une magnificence, notamment à travers de splendides paysages. Lytta Basset cite un témoignage : « L’amour exprime la beauté en couleurs… Tout est couleurs autour de moi et des nuances à l’infini… Les couleurs deviennent sonores et bientôt apparaissent des fleurs. C’est une plénitude de Lumière animée… Une symphonie vivante de couleurs de sons et de formes… La Grande Énergie Créatrice y est tempérée de douce beauté et tout y procède de l’amour » (p 182). Lytta Basset rapporte ainsi des visions de l’au-delà. Cependant, il existe également sur terre des expériences de transcendance dans laquelle la nature est perçue dans une forme d’extase (9). On entrevoit ici un fonds commun.
L’auteure nous parle également de « connaissance totale ». « La personne qui connaît fait partie de l’objet connu. Il n’y a pasl’extérieur et l’intérieur. On y est tout de suite ». (p 184). En commentaire, « Nous faisons déjà partie du Vivant – mais, redisons-le, sans jamais perdre notre identité, notre conscience individuelle ». Ici encore, ce même mode de connaissance globale apparaît également dans les expériences de transcendance au sein de la nature (9).
Lytta Basset termine cette revue par le thème de son livre : « Les retrouvailles avec un être aimé ». « Voilà une des questions les plus brulantes que se posent les personnes endeuillées : Est-ce que je le ou la reverrai ? La réponse est oui que ce soit par un VSCD ou une EMP, une TCH ou autrement, on retrouve ses proches, des ancêtres qu’on n’a pas connus sur terre, et même d’autres personnes qu’on rencontre pour la première fois. A en croire le visionnaire de l’Apocalypse, il n’y a pas de limites : au royaume de la vie invincible, la famille humaine est inépuisable » (p 186). Lytta Basset nous invite à écouter les paroles de Jésus : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures » (p 188).
En commentaire
La parution de ce livre s’inscrit dans une évolution. A partir d’une expérience inattendue, cet « événement improbable » qui a transformé la vie de Lytta Basset, une expérience aussi interpellante qu’émouvante, ne répond pas seulement aux questionnements des endeuillés, il vient bouleverser des représentations dominantes tant séculières que religieuses. Lytta Basset le sait bien puisqu’elle écrit dans son introduction, le mouvement qui l’encourage à écrire : « C’est que l’évolution des mentalités est perceptible. Une plus grande ouverture à l’Au-delà, aux réalités invisibles » (p 7). Cette évolution ne se manifeste pas seulement à travers un courant d’expériences et de témoignages, mais il apparait aussi dans des livres de chercheurs qualifiés psychologiquement et philosophiquement. C’est ainsi que Vinciane Despret, philosophe et anthropologue à l’Université de Liège, également pionnière dans la recherche sur la conscience des animaux, publie, en 2015, un livre intitulé : « Au bonheurs des morts. Récits de ceux qui restent » (10). « Elle a mené une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants. L’auteure s’est laissée instruire par les manières d’être qu’explorent les vivants, ensemble ». Elle a recueille ainsi une expression tâtonnante, mais très copieuse. Et elle rompt avec une théorie du deuil, dominatrice dans certains milieuxpsychologiquesathées. « On doit faire le travail de deuil ». Fondé sur cette idée que les morts n’ont d’autre existence que dans la mémoire des vivants, elle enjoint à ces derniers de détacher les liens avec les disparus. Et le mort n’a d’autre rôle à jouer que de se faire oublier. Toutefois, cette conception laïque, « désenchantée » a beau avoir réussi à occuper le devant de la scène et à alimenter les discours savants, il n’en reste pas moins que d’autres manières de penser et d’entrer en relation avec les défunts continuent, certes sur des modes plus marginaux à nourrir des pratiques et des expériences » (p 12-13).
Un livre de Marie de Hennezelle paru en 2021 : « Vivre avecl’invisible » (11) vient confirmer l’évolution de l’état d’esprit dans l’opinion. Psychologue, Marie de Hennezelle est également l’auteure du livre : « lesforces de l’Esprit » où elle raconte son accompagnement du président François Mitterrand jusqu’à sa mort. Elle présente ainsi son nouvel ouvrage : « Qui n’a pas déjà eu ce sentiment d’être guidé par une force invisible ? Avons-nous alors hésité à en parler, par crainte de ne pas être compris, d’être jugé… ou pire ? Sachez que vous n’êtes pas seuls à avoir vécu cette expérience. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, des récits édifiants et sa propre réflexion de psychanalyste, Marie de Hennezelle dévoile l’universalité du lien que nous entretenons avec l’invisible. Un lien intime, parfois poétique et qui prend bien des formes. Intuitions, rêves prémonitoires, synchronicités, dialogue avec un ange gardien ou une présence protectrice… les chemins vers la prescience d’un ailleurs, d’une possible proximité avec l’au-delà, sont innombrables » (page de couverture).
Le livre de Lytta Basset : « Cet Au-delà qui nous fait signe » s’inscrit ainsi dans une évolution des mentalités. Celles-ci cependant nous montrent un contexte assez éloigné des conditions d’un milieu potentiellement croyant tel que Lytta Basset l’entrevoit. Cependant, il existe aujourd’hui un puissant courant de recherche sur les expériences vécues en relation avec l’au-delà. La prise de conscience correspondante est en train de s’étendre rapidement, et, comme en témoigne certains sondages, elle commence à atteindre l’opinion. Le bilan dressé par Lytta Basset est bienvenu. Cependant, il est vrai que ce problème est complexe et plonge ses racines dans une histoire contrastée. Les forces religieuses existantes sont tentées par un immobilisme doctrinal et par une obstruction à tout universalisme. Une évolution théologique se manifeste à travers un théologien comme Jürgen Moltmann qui évoque la communauté des vivants et des morts. Dans son livre sur l’au-delà Lytta Basset n’apporte pas seulement une réponse existentielle dans la sensibilité extrême qui est la sienne avec ses atouts comme avec ses limites, elle fonde une réflexion théologique chrétienne prenant en charge les découvertes sur l’activité des défunts. Comme nous avons cherché à en rendre compte dans cet article, elle nous communique une vision sur l’au-delà en phase avec l’inspiration chrétienne. Ce livre est pionnier.
Une entraide spirituelle. Accompagner dans l’amitié, l’écoute et la prière
J’ai commencé tout naturellement à prier avec telle ou telle personne que je voyais en difficulté.
Je ne me contentais pas de dire devant sa détresse « bon courage » ou « allez, ça ira mieux demain ». C’est immédiatement que je proposais de prier en disant : « J’ai découvert que Dieu s’intéresse à chacun de nous. Jésus est venu guérir et libère. Il est ressuscité, toujours vivant. Il agit encore aujourd’hui par l’Esprit-Saint ».
J’ai été encouragée à continuer grâce à ceux et celles qui ont eu la bonté de me dire qu’ils ont reçu une réponse positive à notre prière commune. J’aurais dû noter toutes ces réponses, les petites comme les grandes, car on oublie vite que Dieu est beaucoup plus agissant que l’on ne le croit.
S’il arrive qu’il n’y ait pas d’exaucement direct à la prière, il est alors bon de chercher où se situe l’obstacle. Je me refuse de laisser tomber l’intéressé dans un désarroi encore plus grand car, en plus de son problème, il est maintenant affecté par la culpabilité de ne pas avoir la faveur de son Dieu.
Ainsi, j’ai été appelée à faire de plus en plus souvent un bout de chemin avec la personne blessée qui se trouvait sur ma route. L’aide au prochain est aussi nécessaire spirituellement que physiquement. Qui n’aidera pas l’accidenté à côté de lui ?
Hyperactivité… et mal au dos.
Je me suis rendue compte que le physique et le psychologique interféraient avec le spirituel.
Je me rappelle cette mère de famille « stressée » qui espérait la guérison de son dos. Elle se sentait soulagée après la prière, puis ses douleurs revenaient. Très dévouée, elle se croyait dans l’obligation de faire tant de choses pour sa famille, pour son quartier.
Après plusieurs entretiens, dans la confiance acquise que Dieu l’aimait pour elle-même, elle a découvert le pourquoi de son hyperactivité : justifier son existence vis à vis des autres parce qu’elle n’avait pas de diplômes. Accepter d’être elle-même a été une libération.
Après quelque temps, elle n’avait plus mal au dos bien sûr. Elle est même devenue joyeuse, s’émerveillant de toutes les bonnes choses qui se passaient autour d’elle.
Elle est aussi devenue reconnaissante pour le changement d’attitude des siens à qui elle n’imposait plus ce qu’elle croyait bon pour eux.
Je pratiquais déjà la psychologie dans l’esprit de Carl Rogers. J’au eu l’occasion de me former en rééducation psycho-sensorielle, et lorsque j’ai obtenu le diplôme professionnel correspondant, j’ai eu conscience qu’un outil m’était donné pour compléter l’accompagnement spirituel. Dans ce domaine-là aussi, j’ai saisi les occasions de formation qui se présentaient à moi.
On me pose parfois la question : « quelle méthode emploies-tu ? » Il m’est difficile de répondre. En fait, je mets mes différentes ressources à la disposition de celui qui a besoin d’une aide. Si je ne peux l’aider, je lui conseille de voir quelqu’un de compétent dans tel ou tel domaine.
J’ai aidé une jeune fille qui avait fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, à entreprendre une psychothérapie alors que son milieu familial y était allergique. En même temps, selon son désir, je l’ai soutenue dans sa marche spirituelle.
L’Esprit dirige l’entretien.
Je propose presque toujours de prier, généralement en fin d’entretien, car je connais l’efficacité d’une demande directe à Dieu. Du reste pour moi, nous sommes trois lors d’un entretien, car Jésus a dit : « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Ev. Matthieu ch. 18, 20). C’est vraiment l’Esprit de Jésus qui dirige l’entretien par l’inspiration qu’il me donne et qu’il donne aussi à l’autre. Je dis toujours à mon interlocuteur que seul l’Esprit-Saint peut lui attester ce qui est vrai, juste et bon pour lui.
Ainsi , cette jeune femme qui était malade d’aimer un homme marié, ne pouvait dominer sa passion. Elle craignait que je lui fasse la morale et que je lui recommande la rupture dont elle était évidemment incapable. Guérie de son déséquilibre affectif en recevant l’amour de Dieu, elle a été fortifiée dans sa personnalité. Elle a pu alors rompre cette relation qu’elle reconnaissait néfaste pour elle.
Ce jeune homme que je suis allé voir en clinique psychiatrique, était absolument prostré. Je n’arrivais pas engager la conversation.
J’ai prié intérieurement l’Esprit saint de m’éclairer. Et j’ai eu l’intuition qu’il fallait lui parler de l’amour de Dieu et de son pardon pour nos actes et nos pensées. Alors, il m’a dit l’angoisse, la culpabilité qui l’assaillaient, car une pensée de meurtre l’obsédait malgré tous ses efforts pour la rejeter. Savoir qu’il n’était pas condamné pour une telle pensée a été une libération. Il a pu entreprendre un traitement psychologique. Aujourd’hui, il a repris une vie tout à fait normale.
Il n’y a pas que des cas dramatiques, quoique tout problème est vite un drame pour celui qui le vit s’il n’a pas l’habitude de mettre sa confiance en Dieu et de s’attendre à être éclairé sur la solution toujours possible.
Faire une pause-vérité.
Être toujours célibataire à trente ou quarante ans sans l’avoir choisi est forcément un problème. Prier pour rencontrer un futur conjoint n’est pas interdit bien sûr, mais cela demande bien souvent une pause-vérité : « Suis-je vraiment moi-même ? La vie ne m’a-t-elle pas amené à me construire un personnage ? Des blessures affectives ne doivent-elles pas guérir ?
C’est souvent avec beaucoup d’humilité et d’émerveillement que j’écoute l’histoire d’une vie dans sa recherche de vérité envers Dieu. C’est vraiment beau : Dieu bénit la sincérité, libère et guérit.
Je me souviens de la métamorphose rapide de cette jeune fille si sophistiquée dans sa présentation d’elle-même lors de notre première rencontre. Se savoir reconnue, accueillie, aimée de Dieu, à travers moi et par l’Esprit,la toucha si fort qu’elle devint toute joyeuse et rayonnante.
Pardonner est vite dit, mais cet acte ne devient une réalité que lorsque l’amour de Dieu remplit le cœur blessé et le transforme.
Cette jeune femme, qui gardait de son père une image difficile, était perturbée par toute autorité, surtout d’origine masculine. Pourtant elle avait pardonné depuis longtemps tout ce qu’elle avait subi dans la relation avec son père qui avait été blessante pour elle. Elle a changé tout naturellement d’attitude lorsqu’elle a accepté d’être guérie en Jésus-Christ de ses blessures d’enfance. De plus, elle n’a plus exigé de son père ce qu’il n’avait pu lui donner et a accepté de voir en lui un être humain avec ses propres défaillances.
Bien des prières restent inexaucées parce qu’elles sont inadéquates. La demande est superficielle et ne correspond pas à une vérité profonde.
Périodes de chômage, d’intérim et de remplacement se succédaient pour cette jeune fille qui ne trouvait pas le travail qui lui convenait malgré ses compétences professionnelles. Je lui suggère de prendre un moment de calme et, dans sa prière personnelle, de laisser monter en elle ses désirs et ses aspirations.
Quelques jours après, je la revis toute joyeuse me disant : « J’ai envie de faire un travail social. Jeune, je rêvais de ce genre de profession, mais après mon bac, je suis allée en « fac » comme toutes mes camarades ». Elle a entrepris une formation. Elle a réalisé ainsi son appel intérieur et réussi sa nouvelle profession dans la paix.
Un don à développer.
Faire de l’accompagnement spirituel est un don qui est à développer comme tout don : écouter sans se projeter dans l’histoire de l’autre s’apprend : pour faire référence à la Parole de Dieu, il faut la connaître et en vivre. Comme dit Paul aux Romains au début du chapitre 12 :
« Que chacun exerce au mieux le don qu’il a reçu :
Que celui qui a le don d’enseigner enseigne, que celui qui a le don d’encourager les autres les encourage, que celui qui donne ses biens le fasse avec générosité, que celui qui dirige le fasse avec zèle, que celui qui aide le malheureux le fasse avec joie…
N’ayez pas une opinion de vous-même plus haute qu’il ne faut. Ayez au contraire des pensées modestes.
Que chacun s’estime d’après la part de foi que Dieu lui a donnée ».
Prier pour le prochain est une exigence de l’amour fraternel. Chacun peut se laisser conduire par l’Esprit-Saint pour venir en aide à son prochain, et aussi demander de l’aide quand il est lui-même en difficulté.