Dans une brève vidéo de la série : « Pasteur du dimanche » (1), Ingrid Prat nous dit, avec les paroles du cœur, comment elle ressent et vit le psaume 139 (2). Dieu n’a pas sur nous un regard intrusif. « Dans la Bible, connaître c’est rencontrer. Ce psaume nous parle d’un Dieu qui connaît, qui entre en relation, qui partage une existence. Oui, Dieu nous connaît. Il veut nous accompagner, nous rencontrer pour de vrai….
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Ide a regardé cette vidéo et entendu ce commentaire. Et cela a éveillé en elle une mémoire joyeuse de tout ce qu’elle a reçu à travers ce psaume 139. Elle partage avec nous son expérience :
« Pour moi, la psaume 139 a été très, très important.
En 1981, j’ai suivi une retraite à la Roche d’or. J’étais à la chapelle et j’ai reçu cette parole intérieure : « Va et ne pèche plus. Et moi, je t’aime telle que tu es et je serai avec toi tous les jours de ta vie ». Je suis allé en parler avec le conseiller de la retraite et il m’a suggéré de méditer le psaume 139 dans la chapelle. J’ai reçu plusieurs éclairages : remettre de l’ordre dans ma vie, mais aussi la certitude que, même si j’étais handicapée, j’avais du prix aux yeux de Dieu. Je comptais pour lui et il avait besoin de moi.. Il m’avait accompagné depuis le début « en me tissant dans le ventre de ma mère » et je n’avais plus à me révolter contre mon handicap et la manière dont celui-ci avait été reçu dans ma famille.
Ce psaume a continué son œuvre. Quand je suis venu accompagner ma mère malade et âgée à partir de 2002, il y avait encore chez moi un peu de ressentiment vis-à-vis de mes parents. A cette époque, je suivais régulièrement des retraites et, à l’une d’elle, j’ai eu la conviction que je devais entièrement pardonner à mes parents. J’ai rencontré à nouveau le psaume 139 : « Si je dis : « Que l’obscurité m’engloutisse, qu’autour de moi, le jour se fasse nuit », pour toi, l’obscurité devient lumière et la nuit, claire comme le jour ; ténèbres et lumière, pour toi, c’est pareil » (traduction en français courant). En lisant et en relisant ces versets, mon amertume a complètement disparu.
Quelques années plus tard, à l’occasion d’une maladie, ce psaume m’a à nouveau parlé : « O Dieu, regarde jusqu’au fond de mon cœur et sache tout de moi. Mets moi à l’épreuve. Reconnais mes préoccupations profondes. Vois bien que je n’ai pas adoré de faux dieux et conduis moi sur le chemin qui a toujours été le tien ». J’avais subi un examen et on ne voulait pas me donner les résultats en mains propres. Je me suis douté que mon problème de santé était sérieux. C’était effectivement un cancer. A partir de là parole de ce verset, j’ai ressenti une protection et je me suis senti protégée et portée pendant toute la période critique jusqu’à la guérison complète.
En écoutant aujourd’hui ce psaume 139 et le commentaire d’Ingrid Prat en vidéo, la mémoire de tout ce que j’ai reçu à travers ce psaume est remontée. Ce psaume m’a rappelé que Dieu m’aimait et m’avait créée telle que je suis, handicapée, limitée, mais sous son aile protectrice. J’ai du prix à ses yeux. Ingrid Prat nous dit très justement que Dieu est toujours là, et qu’en nous connaissant, il partage notre existence et veut nous rencontrer pour de vrai. C’est bien ainsi qu’on choisit la vie… »
Sur ce blog : présentation d’une autre méditation vidéo de la chaine : Pasteur du dimanche : « Face à la détresse du monde » (« Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » par Nadine Heller) : https://vivreetesperer.com/?p=1643
Sur ce blog, voir aussi d’autres contributions de Ide :
Une nouvelle vision du monde, une nouvelle manière de croire à la suite de Jésus, mort et ressuscité
Les grands penseurs du passé nous inspirent encore aujourd’hui. Paul, au départ Saul de Tarse, puis souvent appelé saint Paul ou l’apôtre Paul fait partie de ces penseurs, bien qu’il ait été aussi un homme d’action, pionnier des premières communautés chrétiennes dans le monde gréco-romain.
Mais pourquoi nous intéresser à Paul aujourd’hui ? Dans un contexte ou le christianisme institutionnel décline, non sans rapport avec un ordre patriarcal et hiérarchique, on regarde de plus en plus aujourd’hui vers la dynamique du christianisme dans les deux premiers siècles, la période de l’« invention du christianisme » selon le titre d’un ouvrage collectif consacré à ce thème (1). On y remarque que la référence à Jésus apparaît très tôt après son départ, dès le début des années 50 dans les épitres de Paul, bien avant la rédaction des évangiles. Paul ne crée pas seulement des églises dans le monde gréco-romain, il se fonde sur la mort et la résurrection de Jésus et l’interprète comme un événement déterminant dans l’histoire du monde. Quelle signification pour nous aujourd’hui ? Or, un grand exégète britannique et par ailleurs, auteur de nombreux livres, N T Wright vient d’écrire une biographie dePaul (2) qui répond à nos questions.
Un nouveau monde en gestation
Au départ N T Wright dissipe un malentendu. Dans le passé et jusque dans la jeunesse de l’auteur, beaucoup de chrétiens percevaient le christianisme dans une perspective de salut individuel : « aller au ciel au moment de la mort » ; être « sauvé » et être « glorifié », pour reprendre les termes de Paul, signifiait « aller au ciel ». C’était une attente en rapport avec des « questions médiévales ». « Le cadre de la terre et du ciel a été une construction du haut Moyen Age ». Or, « Les chrétiens du premier siècle n’attendaient pas que leurs âmes quittent le monde présent matériel ». Ce qui était premier pour Paul et les nouveaux chrétiens, c’était « la venue conjuguée du ciel et de la terredans un grand actede renouveau cosmiquedans lequel les corpshumains seraient renouvelés pour prendre leur place dans ce nouveau monde » (p 8). Paul a une vision nouvelle de l’histoire. Il parlait de l’histoire comme ce qui arrive dans le monde réel : le monde de l’espace, du temps et de la matière. Il était un juif qui croyait dans la bonté de la création originelle et à l’intention du Créateur derenouveler ce monde. Son évangile de salut portait sur le Messie d’Israël comme cela avait été promis dans les psaumes. Ce que Dieu avait fait en Jésus et à travers lui c’était un mouvement « ciel et terre » et non d’offrir un espace extra-terrestre.
Le message de Paul
N T Wright nous rapporte la vie de Paul dans un univers multiculturel. Mais le message de Paul n’est pas une synthèse philosophique. Il se fonde sur un événement, la mort et la résurrection de Jésus, et il s’enracine dans la culture juive, dansune histoire. Cette histoire est « l’histoire d’Israël comme enfants d’Abraham, Israël choisi par Dieu, choisi dans le monde, mais également Israël choisi pour le monde, Israël, le peuple de la Pâques sauvé de l’esclavage, le peuple avec lequel Dieu a fait alliance, le peuple à travers lequel toutes les nations seront bénies » (p 18). A l’époque, des signes donnent à penser que pour beaucoup de juifs, la Bible n’était pas d’abord un ensemble de règles et de prescriptions, mais un grand récit ancré dans la créationet dans l’alliance et avançant dans l’ombre de l’inconnu (p 18). Et cette histoire n’était pas terminée. Elle était accompagnée de promesses et débouchait sur une espérance : un nouvel exode, une nouvelle restauration (p 19). Dans la révélation de Jésus, mort et ressuscité, Paul envisage cette histoiredans une perspective universaliste. Ainsi va-t-il appeler les juifs comme les non-juifs à entrer dans le mouvement de Jésus. Ainsi les épitres nous proposent un message à la dimension du monde entier. N T Wright évoque plusieurs textes de la Bible qui inspirent cette approche. Ainsi le psaume 2 : « Tu es mon fils. Aujourd’hui je t’ai engendré. Demande-moi et je te donne les nations en héritage, pour domaine, la terre toute entière ». Paul croit qu’à travers Jésus, sa mort et sa résurrection, le Dieu Un a vaincu toutes les puissances néfastes exerçant une emprise sur le monde. Et le pardon est accordé à tous. Cela signifie que tous les hommes, et pas seulement les juifs, sont libres pour adorer le Dieu Un. « Il n’y a plus de barrières entre juifs et non juifs » (p 79) ;
Des communautés nouvelles. Un nouveau genre de vie
Les nouvelles communautés qui apparaissent rassemblent des juifs et des non-juifs dans un nouveau genre de vie. Elles dépassent et traversent les frontières de « la culture, du genre, de l’ethnie, du milieu social », elles sont contre-culturelles, une réalisation unique à l’époque. (p 91). Ce mouvement est « profondément dépendant de « la présence et de l’inspiration puissante du Saint Esprit », dans le déploiement d’une grande énergie (p 93). Le nouveau genre de vie, qui apparaît ici, sera, dans le long terme, le point de départ d’un changement des mentalités et d’une révolution sociale politique, telle que nous la décrit l’historien britannique, Tom Holland, dans son livre : « les chrétiens. Commentils ont changé le monde » (4). « La vision de Paul était celle d’une société dans laquelle chacun travaille pour tous et tous pour chacun » (p 427).
Genèse d’une théologie
Cependant l’apport principal de ce livre ne nous parait pas là. Ce livre n’étudie pas seulement la vie de Paul dans les différente étapes de sa vie, la fondation des communautés et la rédaction des lettres qu’il leur adresse : les épitres, mais il analyse l’inspiration de ces épitres dans leur apport retentissant. Ce qu’il nous dit, c’est que la pensée de Paul se fonde sur l’événement de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, qu’elle s’appuie sur le récit biblique en proclamant l’accomplissement du plan divin à long terme (p 119). « Le Créateur du monde a réalisé en Jésus la chose qu’il avait promise, accomplissant le récit ancien qui remonte à Abraham et à David… Les échecs sont maintenant surmontés. La mort du Messie a vaincu les puissances qui asservissaient à la fois les juifs et les gentils et sarésurrection a lancé un nouvel ordre du monde « sur terre comme au ciel ». Il y a maintenant un seul peuple, le peuple du Messie (p 130).
Si ce message a été écrit dans un lointain passé, il nous paraît qu’il demeure actuel aujourd’hui. Il peut être entendu par ceux qui gardent une mémoire malheureuse d’une religion qui se détournerait du monde et trierait les personnes dans leur destinée. Il peut être entendu par nous tous en quête de boussole dans un monde incertain. A partir de la mort de la résurrection de Jésus, c’est une dynamique de vie qui s’exprime là. La théologie de l’espérance que nous apporte par ailleurs Jürgen Moltmann (4) s’appuie sur cette dynamique. Elle s’inscrit dans cette perspective « eschatologique ». Elle met en valeur la « nouvelle création » qui est en route en Christ. Et comme l’exprime Jürgen Moltmann, c’est une religion tournée vers l’avenir. On retrouve ici la vision de Paul : une dynamique de vie.
J H
Sous la direction de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim. Après Jésus. L’invention du christianisme. Albin Michel, 2020
Manifestement, la transition écologique implique une transformation profonde dans notre genre de vie et, en conséquence, dans nos mentalités. Ce changement, intervenant dans des habitudes séculaires, ne va pas de soi. Il peut entrainer un ressenti de perte et un bouleversement des repères. Le coût est élevé. Face à ce coût, nous avons besoin d’une force motrice qui induise une nouvelle manière de voir, mais aussi de sentir, si bien que les comportements émergents puissent être assortis de satisfactions nouvelles. Par exemple, la « sobriété heureuse » ne peut l’être que si l’on y trouve des satisfactions morales, psychologiques et matérielles permettant de quitter la posture de consommateur traditionnel. La transition écologique implique des transformations sociales et économiques. Elle requiert en conséquence une vision éclairant ces transformations.
Aujourd’hui, à partir même des changements en cours, nous commençons à comprendre que tout se tient et à voir le vivant et le monde dans leurs interrelations, dans une approche globale, dans une perspective holistique. L’ampleur du changement requis requiert un dépassement. On rencontre ici une approche spirituelle si tant est qu’on puisse la définir, avec David Hay (1), comme « uneconscience relationnelle » dans une relation avec les autres et avec soi-même, avec la nature, avec la présence divine… Et, de plus, en se référant à un chercheur anglais, Alister Hardy, le même David Hay perçoit le potentiel spirituel de l’homme comme une faculté qui s’inscrit dans l’évolution des êtres vivants. Si, la transition écologique nous achemine vers une civilisation nouvelle, ce processus requiert une vision spirituelle qui puisse éclairer les acteurs. Cette vision est déjà en cours. Elle est exprimée par des théologiens et par des sages (2). Elle inspire des pratiques nouvelles. On assiste à des émergences et à des convergences. Nous avons besoin de reconnaître ce mouvement et d’en percevoir toutes les dimensions. Comment mobilise-t-il déjà de nombreuses ressources en terme d’initiatives et de communautés ? A ce stade, le récent livre de Christine Kristof-Lardet : « Sur la Terre comme au Ciel » (3), est une contribution particulièrement importante puisqu’elle nous fait connaître « les lieuxspirituels engagésen écologie ». « Nombre de communautés spirituelles intègrent aujourd’hui la dimension écologique dans leur mode de vie et leurs structures, puisant à la source de leur sagesse les raisons de leur engagement pour la terre et le vivant. En même temps, elles sont des laboratoires où s’inventent et s’expriment des « possibles » qui peuvent nourrir notre société en quête de sens, de valeurs et de repères. Cette ouverture favorise l’émergence d’une approche spirituelle de l’écologie au sein de laquelle les postures du « méditant » et du « militant » se fécondent mutuellement » (page de couverture).
Approche spirituelle de l’écologie
Christinde Kristof-Lardet nous présente ainsi « une approche spirituelle de l’écologie ». C’est la poursuite d’un cheminement que Christine accomplit depuis une vingtaine d’années. « Ecojournaliste, écrivain, voyageur, militante écologiste à les heures, j’ai vu, pleuré et défendu la beauté de la Terre. Je me suis parfois posée dans des monastères retirés du monde et me suis laissé questionner. Comment, devant tant de splendeur, ne pas avoir le cœur chaviré ? Comment trouver la paix intérieure au sein du chaos que mes reportages me donnaient à voir ? Comment concilier ma quête écologique et ma quête spirituelle ? c’est lors d’une grande rencontre organisée au centre bouddhiste Karma Ling en Savoie que la jonction s’est opérée et que j’ai compris qu’écologie et spiritualité n’étaient en fait qu’une seule et même réalité. Cette prise de conscience a signé le début de mon exploration » (p 9). Dans une inspiration chrétienne et dans une dimension interreligieuse, Christine Kristof Lardet a donc suivi cette voie, la voie d’une convergence entre écologie et spiritualité. Journaliste, spécialiste des questions écologiques, elle est aujourd’hui rédactrice en chef de la revue Présence (4). Dans la continuité d’un travail jadis engagé par le WWF en direction des spiritualités, elle a poursuivi cette tâche en créant avec d’autres personnes de diverses traditions, un « Réseau desécosites sacrés ». « La vocation de ce réseau est de mettre en lumière les initiations écologiques inspirantes au sein des centres spirituels et de favoriser le dialogue entre ces lieux ».
Il s’agit bien de mettre en évidence la montée d’une approche spirituelle de l’écologie. « S’interroger sur les causes profondes de la destruction de la nature et de la crise écologique conduit à comprendre que celles-ci s’enracinent en grande partie dans notre cœur, notre culture et notre façon de « penser le monde ». C’est donc là, dans notre esprit et notre cœur que nous devons aussi chercher les solutions. La perspective de l’effondrement ne relèvent pas de la crise à résoudre ; elle nous appelle à une transformation intérieure qui seule permettra une véritable mutation de notre société… Il nous faut accomplir « un saut quantique » de la conscience. Pour cela, il convient de sortir de la séparation – perçue ou vécue comme telle – entre le monde de l’écologie et celui de la spiritualité. Développer une approche spirituelle de l’écologie, au sein de laquelle la posture du « méditant » vient nourrir celle du « militant » – et inversement – ouvre des perspectives de réconciliation et d’espérance » (p 11).
Un réseau d’écosites sacrés
Nous découvrons à travers ce livre de nombreuses communautés qui s’inscrivent dans des cheminements religieux différents, du christianisme, aux religions orientales et aussi à des spiritualités émergentes et qui, chacune, s’ouvrent à la conscience écologique. On pourrait dire que, d’une certaine manière, leurs pratiques spirituelles les prédisposent à un éveil écologique, mais que c’est justement cet éveil qui engendre une dynamique commune. « L’écologie se pose de façon transversale au cœur des traditions spirituelles et inspire chacun de nous, « habitants de la maison commune », croyants et non croyants confondus : « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous », écrit le pape François dans l’encyclique « Laudatosi’ » consacrée à l’écologie. Découvrir quelles sont les visions et les ressources cultivées au sein des centres spirituels, les mettre en lumière et montrer leur pertinence est un des buts de cet ouvrage » (p 11-12). Quelque soient les manques et les dysfonctionnements éventuels, ces communautés participent à une évolution générale. Elles innovent. « Toutes ces communautés, aussi imparfaites soient-elles, peuvent être également vues comme des laboratoires ou s’expérimente en miniature et de manière concentrée tout ce que notre humanité traverse à une plus grande échelle. Ce qui se joue dans notre société, notamment la transition écologique, se joue également en microcosme au sein des centres spirituels. Dans ce sens, il n’est peut-être pas vain d’imaginer que tous les trésors d’amour, de courage et de perspicacité mis en œuvre par ces communautés puissent être profitables au plus grand nombre » (p 12-13).
Ainsi, l’auteure nous introduit ici dans la vie d’une trentaine de communautés à travers « des reportages, réalisés en plusieurs années et actualisés en permanence, pensés dans une perspective de découverte et de partage et témoignages vécus »… Notre posture de base s’inscrit dans une neutralité bienveillante et lucide ». Le lecteur que nous sommes, trouve que cet objectif a été bien rempli. Chaque communauté est l’objet d’une monographie qui nous permet de la situer dans son histoire et d’en découvrir la vie quotidienne dans ses différents aspects. En 200 pages, il y a là un ensemble d’études de cas particulièrement éclairantes.
Nous voici en voyage : Des communautés chrétiennes anciennes ou nouvelles, des communautés de tradition orientale, des « communautés spirituelles intentionnelles »…
Quelques exemples en empruntant un tout petit bout de descriptif :
LeCentre Amma de Pontgoin
« Le Centre Amma de Pontgoin, teinté d’Orient et d’Occident, est tout d’abord un lieu pour vivre les enseignements d’Amma… la sainte indienne qui serre les foules dans ses bras. Il s’inscrit dans la lignée des ashrams indiens par sa philosophie, les rituels et la discipline qui y est pratiquée. En même temps, cet ashram est un écosite qui expérimente et promeut un vivre-ensemble écologique en harmonie avec la nature… Au Centre Amma où l’on s’exerce aussi bien à la méditation, qu’à la permaculture, à la gouvernance partagée ou à l’art du compostage, la pratique spirituelle et l’engagement écologique se nourrissent mutuellement » ( p 21).
L’Arche de Saint-Antoine
« Dans cette ancienne abbaye, lovée au pied du Vercors, s’expérimente, depuis une trentaine d’années, une vie profonde de fraternité et de partage dans l’esprit de Lanza del Vasto, un disciple chrétien de Gandhi, à mi-chemin entre la vie monastique et la vie laïque. Cette communauté se compose aujourd’hui d’une cinquantaine de personnes qui expérimentent un mode de vie simple fondé sur la non-violence et la spiritualité, et sous-tendu par la recherche d’une harmonie avec soi, les autres et la nature. Ces valeurs constituent la trame d’une écologie intégrale qui se décline dans tous les aspects de la vie » (p 39).
Le Village des Pruniers
Fondé au cœur de la Dordogne par le vénérable moine, Thich Nhat Han en 1982, ce centre spirituel incarne le rêve de son fondateur de développer, dans un lieu de nature préservé et nourrissant, une communauté conjuguant la pratique de la pleine conscience et le vivre-ensemble fraternel… Puisant aux fondements de la tradition bouddhiste zen, cette communauté internationale propose aux multiples retraitants d’expérimenter la pratique de la méditation dans ses différentes formes et de vivre un chemin de réconciliation avec soi, avec les autres et avec la Terre » (p 59).
L’écohameau de La Chaux en Côte d’or
« Loin du tout-conformisme comme du tout-confort, Marie et Alexande Sokolovtch posent leur sac en juin 2009 à la ferme de La Chaux en Bourgogne après des années de nomadisme alternatif au service de jeunes démunis. Leur désir : prendre le temps, à la suite de Jésus, de vivre une simplicité volontaire et évangélique dans la cohérence entre engagement social, écologique et spirituel… Les Evangiles, c’est notre base et notre nourriture… Aujourd’hui, trois familles sont installées à La Chaux et forment avec sept enfants et un célibataire, une communauté d’une quinzaine d’habitants fixes. Inspirée des communautés de l’Arche de Lanza del Vasto, le ferme de La Chaux est aujourd’hui un bastion de la sobriété et de la débrouille, mais aussi un lieu où s’expérimente de façon atypique, le partage, l’accueil inconditionnel du prochain et la relation à la terre. Par son mode de vie et sa pratique, la ferme de La Chaux explore les différentes dimensions de l’écologie : la sobriété, l’usage du troc, la relation à la terre avec la réalisation de zones de maraichages ouvertes à tous et des cultures de variétés anciennes de blé en agroforesterie… , le partage et le don » (p 139-140)
Le monastère de Taulignan
« Onze sœurs vivent aujourd’hui dans ce monastère perdu au milieu de la Drome provençale. Elles cultivent des plantes aromatiques servant à créer des huiles essentielles ou des hydrolats dans la distillerie qu’elles ont fait construire en 2014. Cette activité est née de la nécessité de trouver une activité pouvant assurer leur subsistance en accord avec la vie monastique. C’est un parcours écologique qui a été encouragé par le paysan philosophe Pierre Rabbi. Au cœur de leur vie communautaire et de prière, ces pionnières cherchent à explorer entre Terre et Ciel la ligne de crête entre foi et écologie » (p 105).
Le monastère Orthodoxe de Solan dans le Gard
« Le monastère de Solan abrite aujourd’hui 17 moniales de tradition orthodoxe qui vivent principalement de la production de vin et des produits de leurs récoltes au potager ou au verger » . « La rencontre avec l’agroécologiste Pierre Rabbi dans les années 1990 a été décisive ». Elles ont accompli un beau parcours écologique. « Aujourd’hui, elles mettent en pratique ces principes écologiques d’autant plus naturellement qu’elles les vivent aussi de l’intérieur par la prière… la liturgie… une ascèse et l’eucharistie partagée dans une conscience ouverte au cosmos ». « Dans notre tradition, nous n’avons pas la dichotomie habituelle entre le spirituel et le matériel, le Créateur et la Création, entre l’homme et la nature… Nous nous sentons vraiment faire partie de la Création… » (p 136-131)
L’écovillage de Findhorn en Ecosse
« Le rôle de Findhorn depuis sa création a été de démontrer l’expérience pratique de la communion et de la coopération avec la nature fondée sur une vision de la vie et de l’intelligence organisée qui lui est inhérente » ( David Spangler). Au départ, en 1962 ,dans le nord de l’Ecosse, « c’est un groupe de trois adultes et six enfants, poussés par le « destin », qui s’installe sur un terrain de caravaning et qui développe une vie en harmonie avec le divin et la nature. Aujourd’hui, c’est une communauté composée d’environ 600 personnes qui propose un modèle de vie cohérente fondée sur trois principes : la spiritualité (par l’écoute intérieure), le service à autrui (par l’amour en action), et l’écologie globale (par l’intelligence au cœur de la nature) »… « La communauté de Findhorn s’illustre pas sa longévité et son développement exceptionnel… Elle a su conjuguer la spiritualité, la relation à la nature et le service au monde. Ces bases solides ont permis l’émergence de nouveaux paradigmes et de chemins jusque là inexplorés, en particulier la coopération avec l’intelligence de la nature… Dans ce creuset, s’est développée non seulement une conscience forte de l’unité de toutes choses, mais aussi la nécessité d’inscrire notre humanité dans le cercle beaucoup plus vaste de la communauté du vivant, avec laquelle nous partageons une fraternité ontologique » (p 177 et 198).
A travers ces quelques exemples, une grande émergence apparait et des convergences sensibles se manifestent.
A partir de cette recherche, Christine Kristof-Lardet met en évidence un dynamique spirituelle, communautaire, écologique. « Dépositaires de sagesse, ces communautés peuvent contribuer à soutenir et à nourrir l’évolution du monde, sa conversion vers un authentique respect de la planète et de tous les êtres qui l’habitent. Ce n’est que dans une approche globale, écosystémique, transdisciplinaire que nous pouvons répondre aux défis de notre temps » (p 235-236).
Ce livre bien écrit, bien construit rend compte au plus près de la démarche des communautés où la spiritualité et l’écologie s’allient. Il tient bien l’objectif annoncé : être « une ressource qui peut inspirer chacun dans sa quête d’harmonie et ouvrir des perspectives pertinentes pour notre monde en transition » .Comme l’écrit SabishKumar : « La transition nous appelle à passer à une vision holistique du monde, où physique et métaphysique, engagement et spiritualité dansent ensemble comme les deux faces d’une même médaille : Transition extérieure et transition intérieure vont de pair » (p 9)
Une vision exprimée par des théologiens et des sages. Ce livre comprend une bibliographie étendue (p 267-273) ; L’auteure note l’influence des spiritualités bouddhiste, hindouistes et plus largement orientales . « Ces spiritualités qui, pour la plupart s’ancrent dans une approche écosystémique et holistique, ont permis d’élargir les perspectives de nos cultures souvent cartésiennes, réductionnistes et largement anthropocentriques… Les résonnances étonnantes entre les textes récents du dalaï-lama autour de la responsabilité universelle par exemple et ceux du pape François dans l’encyclique « Laudato si’» sur l’écologie intégrale, révèlent une complémentarité de points de vue » (p 81), Dans le champ de la théologie chrétienne, Jürgen Moltmann a accompli un travail pionnier puisque son livre : « Dieu dans la création » et avec pour sous-titre : « Traité écologique de la création » est paru au Cerf en 1988. Courte présentation : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/ La pensée théologique de Jürgen Moltmann est très présente sur ce blog : « Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/ Nous mettons également en évidence le courant écologique outre-Atlantique inspiré par le théologien : Thomas Berry : « Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie » : https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/ Dans son « Center for action and contemplation », Richard Rohr développe également une spiritualité écologique. Nous avons rapporté certains de ses thèmes : « L’homme, la nature et Dieu » : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Christine Kristof-Lardet. Sur la Terre comme au Ciel. Lieux spirituels engagés en écologie. Labor et Fides, 2019
Dans notre regard sur l’univers, nous percevons aujourd’hui l’importance primordiale des relations. Tout se tient. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann, « Rien dans le monde n’existe, ne vit et ne se meut par soi. Tout existe, vit et se meut dans l’autre, l’un dans l’autre, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre » (p.25). L’Esprit divin est présent dans cette réalité. « En Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 1 :28). L’Esprit saint suscite « une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu » (p.24). A l’encontre de toutes les forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres . « L’essence de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître « l’accord général » (p.25). « Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion… » (p.15).
Cette vision éclaire mon regard. Elle me permet de percevoir l’œuvre de Dieu dans toute sa dimension. Elle indique la voie pour y participer. Elle m’encourage à y entrer. Partageons nos découvertes.
JH
(1) Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988 (cf citations). Voir le blog : www.lespritquidonnelavie.com
Témoignage et enseignement d’Elisabeth Grimaud, neuropédagogue
L’aspiration au bonheur est naturelle chez l’homme. Cette recherche prend des formes différentes. Elle est plus ou moins profonde, plus ou moins exigeante. Et, de même, les réponses se situent à différents niveaux et sur différents registres. Neuropsycholinguiste, Elisabeth Grimaud nous apporte une approche empirique. Qu’est-ce qui nous rend plus heureux ? Comment identifier et développer les attitudes qui contribuent au bonheur ? Et, dans une personnalité humaine où différentes composantes interviennent, comment le cerveau participe-t-il à la réalisation du bonheur ? « Le bonheur est un état d’esprit », nous dit Elisabeth, « mais cela se travaille ». Cette approche met en avant l’expérience et elle rencontre la notre. Elle appelle une expression du ressenti. Elle aide à mieux comprendre les interrelations entre nos attitudes, nos pratiques et l’activité de notre cerveau, notamment à travers la production de neurotransmetteurs. Dans cette perspective, les activités qui mettent en œuvre le beau, le bien et le bon apparaissent comme ayant un rôle moteur dans la réalisation du bonheur.
Dans son « talk » à Ted X Roanne, Elisabeth Grimaud, chercheur en psychologie cognitive (1), explique comment le cerveau correspond avec certaines attitudes à travers des secrétions qui suscitent du bien-être. Ainsi a-t-elle intitulé sa communication : « Programmez votre cerveau pour le bonheur » (2). Cependant, si cet exposé débouche sur une analyse scientifique, il procède à partir du témoignage de l’intervenante nous rapportant la manière dont elle a ressenti sa visite d’un chef d’œuvre de l’architecture espagnole : l’Alhambra à Grenade. Elle nous fait part d’un enthousiasme communicatif. Cette expression chaleureuse nous invite à entrer dans une pratique du beau, du bien et du bon, à en percevoir les effets et à comprendre, en regard, les processus en cours dans le cerveau.
La visite de l’Alhambra
Comment Elisabeth Grimaud a-t-elle vécu sa visite à l’Alhambra ? Auteur d’une recherche sur l’enseignement cérébral par les jeux, Elisabeth a donc participé à un colloque scientifique international à Grenade. Et c’est à cette occasion que le troisième jour, elle a pu visiter « ce monument extraordinaire : l’Alhambra » .
Elle a commencé par les jardins. Ainsi est-elle d’abord rentrée « dans une grande allée tapissée d’arbres ». « En avançant, je me suis sentie entrer dans un univers »… Puis, en arrivant, il y avait un parterre de fleurs. « Je suis passée à coté d’une rose. Je me suis arrêtée. Cette rose m’a frappée parce qu’elle avait une couleur intense. A ce moment là, j’étais avec la fleur et rien d’autre… J’ai continué la visite. Je me suis rendu compte qu’il y avait une odeur qui se dégageait. Cela sentait bon. Il y avait une odeur d’été. C’était du chèvrefeuille. Je ressentais du bien-être ».
« En continuant la visite, j’ai accédé au monument. Le palais de l’Alhambra est constitué de différents espaces et de différentsbâtiments. Et ces bâtiments ont tous une spécificité. Ils sont immenses, et, en même temps, dans cette immensité, il y a du détail, infiniment de détails. La sculpture est partout. L’immensité se conjugue avec une précision extraordinaire. Pendant plusieurs heures, j’ai monté des marches et, à chaque fois, l’effort en valait la peine…
Quand je suis passé devant le magasin de souvenirs, j’ai eu envie d’acheter quelque chose pour mon conjoint, mes enfants. J’ai trouvé un livre où il y avait des photos correspondant à ce que j’avais vu, suscitant des émotions ressemblant à celles que j’avais ressenties. Quand je suis ressorti de ce magasin, j’étais heureuse. Je l’avais fait pour ceux que j’aime.
Et pendant toute cette visite, j’ai vécu ce que j’appelle le bonheur, ce que j’enseigne et dont je parle beaucoup ».
Correspondance entre le vécu et les activités cérébrales
Elisabeth Grimaud revient ensuite sur ce vécu et en analyse les différents aspects en les mettant en relation avec les activités du cerveau. « Les différentes manières dont j’ai vécu ce bonheur s’expriment par l’émotion et s’expliquent grâce aux mécanismes du cerveau ». Ainsi, en terme de « d.o.s.e », elle énonce les différents neurotransmetteurs qui ont été émis par le cerveau : dopamine, ocytocine, sérotonine, endorphine. Et elle nous apprend en quoi l’apparition de chaque neurotransmetteur correspond à une de ces activités durant cette visite de l’Alhambra.
« La dopamine est le neurotransmetteur de la réussite. Je montais les marches parce qu’à chaque fois, je sentais que j’allais vers une réussite. Ce que j’allais voir méritait un effort.
Dans le magasin, il y a eu activation de l’ocytocine qui correspond à l’attachement, à la reliance. A chaque fois que vous vous reliez à quelqu’un : famille, enfants, un bon copain, vous êtes heureux. Qu’est-ce que cela fait du bien de se voir ! Ma famille n’était pas là. mais je pensais à eux. J’étais avec eux.
A la fin de mon parcours, j’avais coché toutes les cases du programme. J’étais contente de moi. J’étais satisfaite. La sérotonine correspond à cette satisfaction de voir la tâche accomplie.
Enfin, l’endorphine agit en contraste. Elle amortit la douleur. Vous êtes fatigué. Et à ce moment, vous ne le ressentez plus. Cette gestion de votre fatigue vous permet de continuer. Vous sentez à nouveau un peu de bien-être ».
Cette analyse nous permet de mieux comprendre ce qui se passe en nous dans nos propres expériences. Mais Elisabeth Grimaud nous invite également à développer notre capacité d’activer ces neurotransmetteurs. Ils découlent de certaines activités mentales, mais ils peuvent aussi les stimuler. « Vous avez la possibilité d’activer les neurotransmetteurs et l’entrainement cérébral peut vous aider en ce sens ».
Le beau, le bien et le bon
Elisabeth Grimaud nous présente ainsi une approche à travers laquelle il est possible de développer une disposition au bonheur à travers une aptitude à produire les neurotransmetteurs correspondants. Mais dans quel esprit ? C’est ici qu’en évoquant son expérience de la visite de l’Alhambra, Elisabeth Grimaud nous invite à nous exercer dans le sens du beau, du bien et du bon. « Lorsque vous mettez en activité ces trois mots simples, tous les jours dans votre quotidien, vous activez un peu de cette dose de bien-être qui va vous apportez du bonheur ».
« Le beau, c’est savoir s’émerveiller. Lorsque j’étais avec cette rose, le l’ai sentie, je l’ai vue. Je me suis émerveillée. Qu’est-ce que cela a suscité dans mon corps ? Cela a fait monter le niveau d’ocytocine qui permet à la dopamine d’être davantage présente et d’apporter du bien-être. Cet émerveillement peut s’opérer à partir de nos cinq sens.
Le bien, c’est le fait de s’appliquer et de s’impliquer. Lorsque vous vous appliquez et que vous vous impliquez, vous recevez de la sérotonine. C’est le plaisir et la fierté de la tâche accomplie. Cela peut se réaliser dans le quotidien jusque dans de tout-petits riens ».
Le bon, c’est entrer en relation. « Dans ma visite, lorsque je suis entré au magasin, je me suis tournée vers les autres en pensant aux miens. Quand on se tourne vers les autres, selon la psychologie positive, on augmente son propre niveau de bien-être ». On peut être aussi un ami pour soi-même. Elisabeth est sensible aux dangers du narcissisme et d’un développement autocentré. Ainsi met-elle l’accent sur les bienfaits de la relation.
Au total, « quand on considère l’augmentation du bien-être dans le corps, il se fait en étant en lien avec les autres, avec l’environnement par les cinq sens, avec ce que l’on fait. C’est avec le beau, le bien, le bon que vous développez votre bonheur au quotidien ».
Echos
Nous écoutons Elisabeth Grimaud comme une amie qui nous raconterait un moment heureux de sa vie. Et en même temps, elle nous éclaire sur les ressorts de nos émotions et de nos comportements. Quelque part, on ressent là une harmonie.
Ce commentaire ajoute ici un autre angle de vue qui nous paraît complémentaire.
La neuropédagogue met l’accent sur le rôle du cerveau et la manière d’en tirer parti à travers des comportements positifs puisqu’il les répercute en effets bienfaisants. Cependant, à notre sens, le cerveau n’est pas le maître du jeu. C’est notre pensée qui oriente. Nous nous émerveillons. Nous aimons. Et, comme dans le cas de la gratitude (3), ces émotions positives entrainent des réactions neuronales qui se traduisent en effets bienfaisants. Et de fait, il y a interaction. Une bonne habitude s’ancre et va s’amplifier à travers cet ancrage. On découvre aujourd’hui la puissance de la pensée. Avec le chercheur en neurosciences, Mario Beauregard, on peut voir que « l’esprit humain a une grande capacité d’influence au niveau du corps, du cerveau et de tous les systèmes physiologiques qui sont connectés » (4).
Cependant, nous vivons dans une culture qui a longtemps été influencée par un héritage philosophique et religieux où l’âme et le corps étaient séparés et le corps dévalorisé. On peut ajouter à cela un point de vue pessimiste sur la nature humaine (5). Ce contexte est réfractaire à une approche telle que celle qui nous est présentée ici.
Dans son livre : « Dieu dans la création » (6), Jürgen Moltmann (7) ouvre la voie d’une approche théologique globale, holistique : « Les recherches actuelles mettent en valeur les interactions entre le psychisme et le corps ». Ce phénomène est bien reçu dans la vision d’une anthropologie biblique où « l’homme apparaît toujours comme un tout ». « L’homme est une totalité qui s’exprime à travers son corps. La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines ». « La présence de Dieu dans l’Esprit n’est plus localisée uniquement dans la conscience ou dans l’âme, mais dans la totalité de l’organisme humain ».
Nous faisons référence ici à l’expérience spirituelle d’OdileHassenforder (8) en phase avec la vision interactive qui se développe aujourd’hui : « Ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment nos représentations du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans ces interactions ».
En entendant Elisabeth Grimaud nous parler de la prédisposition du cerveau à exercer des effets positifs en rapport avec la mise en œuvre du beau, du bien et du bon, on peut s’écrier avec un psaume (139. 14) : « Je te loue que je suis une créature si merveilleuse ».
Dans une épitre du Nouveau Testament (Philippiens 4. 8), on trouve cette recommandation : « Que tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, juste, agréable… soit l’objet de vos pensées ». Cette recommandation, cette expression de sagesse va de pair avec le « beau, le bien, le bon » au cœur du processus mis en valeur par Elisabeth Grimaud. Ainsi pourrait-on avancer que dans son exposé, on peut voir une rencontre entre neurosciences, psychologie positive et sagesse. C’est une rencontre qui s’effectue ici dans une expérience relatée avec simplicité et enthousiasme, de quoi éveiller en écho un accueil chaleureux.
(2) La rencontre avec Elisabeth Grimaud à Ted X Roanne : « Beau, bien, bon, programmez votre cerveau pour le bonheur » (Nous en rapportons quelques extraits) https://www.youtube.com/watch?v=tKIYGevgAxA
(6) Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988. Chapitre : « La corporéité est la fin de toutes les œuvres divines » (p 311-349)