Les progrès de la psychologie – Un grand potentiel de guérison

Vivre et Espérer - psychologieInterview de France Dandrel, psychopraticienne

France Dandrel est psychopraticienne. Elle commence à s’engager dans la pratique psychologique dans les années 1970. Et elle a suivi successivement différentes formations en vue de répondre à des besoins diversifiés.

Elle a commencé par un apprentissage de la méthode Vittoz, une méthode de relaxation basée sur l’utilisation de la relation sensorielle. Cependant, cette méthode à une particularité : la lecture des ondes cérébrales alpha et thêta. Cette méthode permet de voir si le cerveau est relaxé ou non. On peut faire cette lecture à partir du corps de la personne ou à distance. France Dandrel a évolué dans sa pratique, mais elle se sert toujours aujourd’hui de cette lecture des ondes cérébrales parce que celle-ci lui permet de voir, ce qui, dans la psychothérapie, a une influence positive ou non, quelque soit la pratique par ailleurs. Par exemple, la sophrologie est une méthode d’induction à partir d’images. Ce n’est pas toujours efficace parce que les ondes cérébrales ne sont pas vérifiées .

France Dandrel s’est rendu compte des limites de la méthode Vittoz. Elle a donc recherché d’autres méthodes. En premier lieu, elle s’est formée à la thérapie primale, c’est à dire une méthode qui permet d’exprimer les émotions au sens large par une expression corporelle : pleurs, colère, et aussi ce qui lui a donné son nom, un cri, le cri primal. Cette approche permet de réduire le blocage des émotions, mais, ensuite, une limite apparaît : cette approche ne transforme pas nécessairement les émotions considérées comme négatives en émotions positives.

France Dandrel s’est donc engagée ensuite dans une pratique appelée analyse psycho-organique qui a pour but de transformer l’énergie négative en énergie positive. On se répare en changeant les images intérieures. Par exemple, telle personne a subi la maltraitance d’un professeur ou en a été le témoin. Elle va être complètement coincée dans ses apprentissages scolaires. A travers l’analyse psycho-organique, tel jeune garçon, bloqué par une maltraitance scolaire, a pu être libéré du blocage et, au final, entrer dans une grande école. Le processus réside dans un changement d’image. Qu’est-ce que j’ai subi? Qu’est-ce que j’aurais aimé vivre à la place ? France Dandrel contrôle la visualisation à travers l’usage des ondes Vittoz.

Par la suite, France  Dandrel a ajouté à ses compétences, une approche systémique. Cette approche permet d’examiner les relations pour voir, si, dans une approche mutuelle, la relation est positive ou négative. A partir de là, on peut transformer le regard qu’on a, sur soi et sur l’autre, en valorisant le positif.

Dans la poursuite de sa formation et de sa pratique, France Dandrel s’est engagée dans la thérapie générationnelle. On regarde l’histoire familiale sur plusieurs générations et on observe les souffrances qui ont pu advenir dans les générations précédentes et qui peuvent avoir des incidences néfastes sur le présent. Par exemple, chez un homme qui avait la phobie du métro, on a découvert qu’un de ses aïeux avait fait la guerre de 1914 et avait beaucoup souffert dans les tranchées. La thérapie a permis à cet homme de revivre la terreur de l’aïeul. Et, la fois suivante, cet homme n’avait plus de phobie. Une autre personne avait peur d’être poignardée dans le dos. C’était une conséquence d’un trauma de la guerre de 1914. Elle a revécu ce trauma et elle a été guérie.

Dans la thérapie de couple et la thérapie familiale, France Dandrel utilise le jeu de rôle . En jouant le rôle du personnage négatif ayant vécu dans l’environnement familial, une libération peut se produire.

Une nouvelle technique, inventée aux Etats-Unis par Francine Shapiro, basée sur le mouvement des yeux, mais valables aussi  dans des mouvements sensoriels alternatifs droite-gauche et inversement, rebranche les deux cerveaux droite et gauche. Le cerveau entier est aux commandes et, dans cet état, il est capable de se réparer. C’est L’EMDR (eye movement desensibilisation reprocessing). Cette méthode a été importée en France par David Servan-Schreiber. France Dandrel a eu l’opportunité d’être formée par lui à cette approche. Cette méthode est remarquablement efficace à condition d’être sur la bonne cible. Francine Shapiro donne cet exemple : une femme était terrorisée par les boites de conserve parce qu’elle avait vécu une tempête où des boites de conserve lui étaient tombé dessus. La séance de EMDR a traité le trauma de la tempête. Les problèmes de beaucoup de gens résultent d’un réveil de trauma. En traitant par EMDR un trauma bien ciblé, on coupe les racines des réflexes conditionnés. Cette méthode a été élaborée pour aider les soldats ayant fait la guerre du Vietnam à retrouver une vie normale. France Dandrel a traité un homme ayant fait la guerre d’Algérie, et qui, dans son couple, disait le soir au conjoint : « Tais-toi ! ». Durant cette guerre, en patrouille, les soldats se mettaient en danger lorsqu’ils parlaient. C’était un souvenir traumatisant. Ce problème a été réglé en une seule séance de EMDR. Chez une personne ayant peur du bruit des voitures, on a découvert qu’elle associait à ce bruit celui d’un tremblement de terre vécu avec effroi. En une séance de EMDR bien ciblée sur cette origine : le tremblement de terre, la peur du bruit des voitures a disparu.

Le ciblage repose sur l’écoute de l’histoire de la personne. France Dandrel a appris l’écoute dans l’inspiration Rogerienne (Carl Rogers) au tout début de sa formation parallèlement à la méthode Vittoz. L’écoute favorise et requiert l’authenticité. Ainsi, en écoutant, on ressent des sensations et il est important d’écouter ces sensations corporelles. Lorsqu’on est sur la bonne piste, l’énergie intérieure circule . Ce signe vaut à la fois pour la thérapeute et pour la personne. En cas de blocage, le thérapeute exprime sa réaction, le blocage physiologique qu’elle ressent. La personne écoutée se rend compte qu’il y a un blocage. Il y a quelque chose qu’elle n’identifie pas ou qu’elle n’exprime pas. Elle reprend le fil de son histoire. Le courant passe.

A un moment de son parcours, France Dandrel a ajouté un autre outil : une approche psycho-spirituelle. Dans ce contexte, elle a appris à recevoir des images qu’elle peut soumettre à la personne. C’est le champ de la guérison intérieure.

A travers toutes ces approches qui se sont ajoutées au fil des années, France Dandrel a découvert le champ très large des blessures qui peuvent être guéries,  mais aussi une vaste panoplie d’outils permettant de guérir ces blessures. Comment peut-on comparer les ressources d’aujourd’hui à celles d’autrefois ? Dans les années 1970, il n’y avait pas grand chose. Il y avait l’analyse, l’hypnose et la méthode Vittoz. L’analyse, c’est regarder l’histoire de la personne et comment elle s’est construite à travers son histoire. Elle a fait des  choix, des « contrats » qui ont pu être adéquats au moment où elle les as fait, mais qui, pour la suite, peuvent se révéler inadéquats. Si une personne a été maltraitée en famille, elle va penser qu’il vaut mieux ne jamais vivre en famille ou elle va dysfonctionner en famille. Une limite de l’EMDR, c’est que, tout en étant efficace dans la réparation des blessures, par contre, elle ne prend pas obligatoirement en compte l’histoire de la personne, et, du coup, il peut y avoir des maillons qui ne sont pas pris en charge. S’il n’y a pas une approche globale de la personne, cela peut compromettre la progression de celle-ci. Dans l’analyse, la personne découvre son histoire, mais cela ne cicatrise pas, ne répare pas l’origine du traumatisme. Dans les années 1970,  on abordait l’histoire, on la comprenait, mais on ne pouvait pas intervenir pour réparer. En cinquante ans, on a développé le transformationnel. La transformation est très guérissante. Elle mobilise l’énergie globale de la personne. Tout le potentiel de guérison est mis en œuvre . Cette approche de la transformation a été particulièrement développée par l’école des Boyesen : l’approche psycho-organique. Ils se sont appuyés sur le corps, d’une part au niveau du massage, puis au niveau de la transformation. La personne développe ainsi son énergie positive. En EMDR, ce qui est ajouté,  c’est le fait de relier l’ensemble du cerveau et donc de réparer les blessures. L’EMDR permet au circuit neuronal de refonctionner.  Par rapport aux années 1970, aujourd’hui, les ressources sont bien plus vastes.  C’est incomparable.

France Dandrel nous rapporte même qu’elle a pu sortir une personne de l’hôpital psychiatrique. Cette personne ainsi condamnée à l’hospitalisation a pu non seulement sortir de l’hôpital, mais reprendre une vie normale. La personne a pu récupérer en identifiant le moment de sa vie ou elle avait été traumatisée, et, en traitant cet épisode, la personne a pu récupérer. Le potentiel humain est très vaste. Chaque outil thérapeutique va éclairer une partir du champ. Les différentes approches sont complémentaires et leur conjonction permet d’améliorer considérablement la qualité de la vie humaine.

Interview de France Dandrel rapportée ici à la suite d’une prise de notes.

J H

 

En eau profonde

 

Le coq chante la venue de l’aube.

J’ai vu tout l’avenir
J’ai remonté le temps
Et ma pensée embrasse le présent.
Rien n’échappe à mon regard
J’ai tout vu, tout entendu
Et j’en suis mort.

 

Mille plaintes montent vers moi

Comme le bruit d’une ville.

Les larmes d’un enfant renverse l’ordre du monde.

La discrète parole d’un malade pudique

Se fait irrépressible attente

Et l’interpellation est comme une marée

Qui sans cesse retombe.

Le sourd rugissement d’un homme abandonné

S’achève en râle parmi des hurlements

La dame aux cheveux blancs se traîne

Et rêve d’un passé qui ne reviendra plus.

De l’avenir me viennent les confidences de cœurs meurtris

Le passé n’est que film de maisons dévastées

Et le trop de savoir sur son propre destin

Emplit mes yeux d’effrois sur mes lendemains.

 

A l’appel du maître, la queue du chien frétille

Et il s’en va trottant sur les sentiers

Et la machine tourne au rythme régulier

Que, l’homme, dans sa sagesse, lui a donné.

Certains vont à peine éveillés

A la recherche d’un sujet d’allèchement

Et s’ils ne voient pas les violettes au printemps

Ils ne voient pas non plus dans le long caniveau

Le dernier chat écrasé de la nuit.

J’ai tout vu, tout entendu et j’en suis mort.

 

La plainte du malade appelle le médecin

Mille efforts convergent pour réduire l’incendie

Pour combattre le mal, il faut le connaître.

 

Et notre souffrance est une plaie visible

Le fauve bat la campagne cherchant qui dévorer

La bête nous est cachée dans une obscurité

Je porte une blessure, celle de la souffrance

Mais plus encore un regard ennemi

Et ce regard indifférent et cette absence

Pas une citadelle n’est sure, l’ennemi a ses intelligences

Une sinistre musique trouve en ses membres

Un écho inconnu.

 

Il est mort assassiné

Car nos yeux trop obscurs n’ont pas vu la lumière

Maître de l’univers, son cœur n’a pas fléchi

Et s’il a subi la contamination

C’est pour nous apporter sa force et sa confiance

La vraie vaccination

Son regard appelle les nôtres à travers l’histoire

Pour que nous fassions un

Et que de notre terre s’élève

Hors des déchirements

Le chant d’une harmonie et d’un enfantement

Et au-delà de nos souffrances actuelles

Et du champ mélangé du blé et d’herbes folles

Le coq chante la venue de l’aube.

 

 

Ultime réalité

 

Les traces de nos pas s’effacent sur la plage

Si tout devait périr

Si la vie n’était

Qu’un rêve passager

Une illusion brillante

Ou un cauchemar

A quoi bon vivre ?

 

Mais autre est la réalité.

 

 

Appel

 

Comme un enfant appelle son père, lui dit : « regarde »

Vois ce château de sable,

Vois ces notes obtenues,

Dans l’ardeur de la plage

Ou dans l’étude nue,

Et comme le poète

Qui juste en lui concentre

L’énergie d’un monde, la force des saisons,

Les murmures sourds des joies et des douleurs

Qui de la ville montent,

Les pleurs du passé et ses enfantillages et ses enfantements

L’avenir qui se profile derrière les bastingages,

Le bruit d’une fusée allant au firmament,

Et qui, de tout cela,fait le miel d’un poème

Et dévoile à nos yeux un miroir caché

Comme le bâtisseur dresse la pyramide

Et qu’en lui se préparent les greniers de demain,

Des maisons plus belles que l’immense assemblage

Dont la médiocrité ne s’enfuit que le soir

Lorsque de la terre et du ciel les étoiles se confondent,

Seigneur, nous t’offrons ces cathédrales,

Ces œuvres jaillies de notre solitude

Et cette immense attente d’être enfin reconnu :

Le regard d’un enfant qui appelle un sourire,

La joie de deux époux qui nécessaires se savent

Le travail de l’artiste et son cri déchirant

Qui nous appelle à l’aide de notre ensommeillement.

 

 

Au hasard des bivouacs s’en va le voyageur

Et, comme des mouettes, filent les caravelles sur le sombre océan,

Du plus profond des temps viennent des pèlerinages,

Et des humanités frémissent et tourbillonnent sur des continents.

 

La cheminée d’usine disparaît dans la brume,

Et les palais s’effritent au sable du désert.

Mais où seront demain nos cités et nos terres

Et l’écho de nos voix qui parsème le ciel ?

 

Toi seul, peux nous voir

Comme le berger regarde

A l’heure du couchant les brebis dispersées

Toi seul, peux savoir

Ce que cache un chef d’œuvre

Le plus humble et le plus ignoré

Et quel appel il fait monter à l’infini

Plus loin que la planète et plus loin que l’étoile

Un cri a déchiré l’immensité.

Nous t’attendons.

 

JH

 

 

 Source des photos: galeries de: fr Antunes, Captpiper, Ecstaticist, Mikebaird, Pink Sherbet, Skipnclick sur le site Flickr

Récits de vie et gouvernance participative

A travers un service du courrier, Obama, président, dialogue avec les citoyens américains.

pour répondre aux besoins, encore faut-il écouter leur expression. Cette écoute est nécessaire pour identifier les besoins dans toute la complexité humaine dans laquelle elle se manifeste. C’est bien là la tache essentielle des élus et évidemment du premier d’entre eux, le président. Certes, il y a différentes manières d’identifier et d’analyser les besoins, par exemple une enquête, une expression des média, mais rien ne remplace une écoute directe des gens. Et plus généralement, la participation appelle le dialogue. Cette expression des citoyens peut prendre différentes formes. Un livre récent (1) vient aujourd’hui nous présenter une expérience : le service du courrier qui recevait des milliers de lettres adressées au président Obama par des  citoyens américains.

Le service du courrier

 Tout au long de l’histoire américaine, il y a toujours eu des citoyens qui ont écrit au président . Mais cette correspondance s’est considérablement amplifiée au cours du temps. Et le service a pris un importance majeure avec l’arrivée d’Obama à la présidence . Ce développement s’inscrit dans la vague militante qui a porté et accompagné l’élection. Ainsi, la participation à cette entreprise témoigne d’une forte mobilisation, d’un engagement comme celui de Fiona devenue responsable de ce service.

« Au total, le service de la correspondance présidentielle ou OPC comme tout le monde l’appelait, requérait l’action coordonnée de 50 employés, de 36 stagiaires et d’une armée de 300 volontaires se relayant pour faire face à la dizaine de millier de lettres et de messages quotidiens. Il appartenait à Fiona en tant que directrice de l’opération de faire tourner la boutique » (p 86). Ces lettres parlent des réalités de la vie qui interpellent le président. Ces messages sont lus attentivement et cotés selon le sujet choisi en vue d’y apporter une réponse. Cependant la grande affaire, c’est de choisir chaque jour dix lettres auxquelles le président répondra.

Si la création du service a été précédée par une lente évolution, si elle est advenue dans un grand moment politique, elle est d’abord la résultante d’une volonté personnelle, celle du président Barack Obama. Le service a été organisé par des hommes qui l’ont accompagné dans sa démarche politique. Et sa décision de lire chaque jour dix lettres et d’y répondre, a été emblématique.

Barack Obama

Barack Obama a surgi dans l’histoire américaine comme la réponse à une espérance que puissent hommes et femmes être respectés dans leur originalité personnelle et leur existence sociale et politique. Dans son accession à la présidence, Barack Obama a apporté une réponse : « Yes, we can ». Oui , nous pouvons. Son élection nous est apparue comme un tournant dans l’histoire des Etats-Unis (2), une ouverture pour le monde. Aussi, à plusieurs reprises, avons-nous évoqué, sur ce blog, les activités et les expressions de ce président (3). L’attention qu’Obama a porté au courrier lors de sa présidence est une manifestation de son empathie et de son engagement au service de l’humain. C’est une faculté d’écoute permettant une meilleure identification des besoins et, donc, une capacité d’y répondre. Ainsi, nous dit-il, « Ce serait un exercice intéressant d’identifier le nombre d’initiatives… dont la plupart étaient de portée limitée…. qui aboutirent à une modification ou qui provoquèrent au moins une discussion sur la manière dont nous fonctionnons. Un nombre non négligeable , je pense » (p 196). Certaines lettres ont suscité des réactions visibles. « Je me rappelle une rencontre. Une merveilleuse famille. Un père et une mère relativement jeunes avec deux enfants, et, au moment où je suis arrivé, la mère a fondu en larmes. Elle m’a serré dans ses bras et dit : « Si on est ici, c’est grâce à vous ». J’ai répondu : « Comment ça ? ». « Mon mari ici présent a servi dans l’armée et souffrait d’un syndrome post-traumatique assez grave et je craignais qu’il n’en sorte pas, mais vous avez demandé à l’administration des vétérans de nous appeler directement et c’est ce qui l’a conduit à se faire soigner ». C’est le genre d’occasions qui nous rappelle que cette fonction a quelque chose de spécial » (p 196). « Quand les gens reçoivent une réponse, ils ont le sentiment que leurs vies et leurs préoccupations ont de l’importance. Et ça, ça peut changer dans une faible mesure, et parfois plus largement, le regard qu’ils portent sur la vie » (p 196). Parce qu’Obama portent un profond respect aux gens, les gens le ressentent, et lui expriment une considération qui va jusqu’à lui faire part de leur évolution personnelle. « Parfois les gens me font part  d’une forme de transformation qu’ils ont vécu. Il y a plusieurs lettres de personnes me confiant avoir grandi dans des familles se méfiant des personnes d’une origine différente, d’un autre milieu. Les lettres me relatent l’évolution que leurs auteurs ou leurs proches ont connue après avoir constaté que l’image d’eux qu’on leur renvoyait n’était pas celle qu’ils imaginaient » (p197).

Parce qu’Obama respecte profondément les gens et que ceux-ci peuvent lui manifester du respect en retour, il peut se créer une forme de communauté en retour. Ainsi écrit Obama : « Les lettres qui me tiennent à cœur sont, je crois, celles qui opèrent des liens, qui parlent de la vie des gens, de leurs valeurs, de ce qui leur importe » (p 197). Cette attention témoigne d’une confiance et d’une bienveillance dont fait preuve le président : « Ces lettres disent que les gens sont pleins de bonté et de sagesse. Il suffit d’y faire attention. Ce qui est parfois difficile de faire quand on est à l’intérieur d’une bulle, mais cette petite porte me l’aura rappelé chaque jour » (p 207).

 

Les lettres : une expression de la vie américaine dans toute sa diversité

Ce livre publie ainsi un grand nombre de lettres par périodes chronologiques. Si elles comportent telle interprétation ou telle louange, elles s’appuient généralement sur une expression de la vie de ceux qui écrivent. C’est un recueil de récits de vie qui témoignent de la diversité des situations. Certes, il y a des inflexions dans les contenus. Lorsque Obama accède à la présidence, il doit faire face à une grave récession. Il y a du chômage. Beaucoup de gens souffrent dans leurs conditions de vie. Et comme le redressement ne peut être immédiat, on entend une plainte et parfois une déception.

Cependant, il y a aussi ds demandes plus classiques. « Il y a des lettres récurrents comme celles des anciens combattants demandant de l’aide, celles des jeunes accablés par des dettes récurrentes essayant de savoir s’ils sont éligibles à une aide ou une autre, des militaires ou des familles de militaires aux prises avec une décision du département de la défense… » (p 195). « La loi sur la protection de patients et des soins abordables » surnommée « Obamacare », a suscité un courrier abondant. Des vies ont été sauvées.

Bien souvent, ces lettres témoignent d’une expérience de vie originale. Elles expriment des prises de conscience auxquelles le président est associé parce qu’elles soutiennent des causes qu’il soutient ou des pistes qu’il ouvre . Ces lettres couvrent un champ très vaste. Des valeurs s’y expriment, le meilleur de l’idéal américain tel que Barack Obama en témoigne. En voici quelques exemples.

 

Des récits de vie

Ces lettres en grand nombre portent toutes un message. Et, pour chacune d’elle, l’auteure nous permet de la situer dans son contexte et de percevoir le dialogue qui s’établit entre les personnes et le président. Ce livre nous apporte un ensemble de récits de vie qui nous rapportent les problèmes, économiques, sociaux er culturels vécus par des américains et les idéaux qui les animent.

Marnie Hazelton

Marnie Hazelton, mère célibataire, quinquagénaire, a derrière elle une tradition familiale qui l’engage dans « une vie de service », des parents et des grands-parents afro-américains, « Elle était la dernière représentante d’une histoire marquée par le courage et la lutte » (p 165). Puis, elle devient enseignante dans des écoles défavorisées à New-York. C’est un idéal qui la pousse. En 2011, elle écoute attentivement le dernier discours d’Obama sur l’état de l’Union : «  Ce qui aura le plus d’impact sur la réussite d’un enfant, c’est l’homme ou la femme qui se tient devant lui dans la salle de classe. A l’attention de tous les jeunes gens qui écoutent ce soir et qui  hésitent pour leur carrière professionnelle, si vous voulez influer sur la vie d’un enfant, devenez enseignant. Votre pays a besoin de vous » (p 164). « Une bâtisseuse de nation, une patriote, voilà ce qu’elle était » (p 164). Hélas la récession avait frappé les Etats-Unis et il fallait du temps pour que la politique d’Obama porte tous ses fruits. A l’échelon local, il y a encore des coupes budgétaires. Elle perd son emploi et entre alors dans une période difficile .

C’est alors qu’elle décide d’écrire au Président Obama.

« Cher monsieur le Président

Mes parents représentent le meilleur de l’Amérique .

Mon père a servi. Ma mère a répondu à l’appel de John F Kennedy à servir ». Plusieurs des mes aïeux ont combattu pour les Etats-Unis. « J’ai marché dans les pas de ma mère et suis devenu enseignante. « Une bâtisseuse de nation ».

Monsieur le Président, vous devez recevoir des milliers de lettres narrant les malheurs des chômeurs et il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire à l’échelle individuelle. J’ai perdu mon emploi parce que les fonds de relance attribués aux écoles sont épuisés.

J’aimerais que vous me disiez ce que je dois faire maintenant pour subvenir aux besoins de ma famille alors que le marché de l’emploi dans l’éducation est inondé de milliers d’enseignants licenciés à cause des coupes budgétaires et que j’ai  consacré les onze dernières années de ma vie à bâtir la nation et à éduquer les enfants de l’Amérique » (p 167). Elle fut très surprise de recevoir une réponse personnelle du président : « Merci de votre dévouement à l’éducation. Je sais que la situation actuelle peut paraître décourageante, mais la demande pour des enseignantes et des personnes avec vos compétences grandira au fur et à mesure que la conjoncture et le financement des états rebondiront. En attendant, je suis de tout cœur avec vous » (p 170).

Cette phrase : « je suis de tout cœur avec vous » alla droit au coeur de Marnie. La lettre du président lui redonna courage et l’accompagna dans les épisodes qui ont suivi jusqu’à la présenter dans un jeu télévisé. Treize mois après avoir été congédiée, elle reçut la demande d’un district scolaire dans lequel elle avait déjà travaillé. « Revigorée, réinventée, quand elle revint dans la salle de classe, elle montra à ses élèves le mot du président Obama. C’était une occasion de leur apprendre quelque chose. Elle dit aux enfants : « Je suis de tout coeur avec vous ». Et elle l’a répété à tout le monde autour d’elle. Finalement, elle devint directrice du district qui l’avait autrefois mise à pied.

Marjorie McKinney

Marié à un géologue de l’Université de Caroline du Nord, Marjorie avait aidé son mari pendant toute sa carrière. Cette association avait toujours reposé sur un consentement mutuel.

« Ce jour, elle s’était rendu à Albany pour collecter des images de fossile à la demande de Ken ». Pour regagner sa voiture, elle commença à s’engager dans une immense place devant le musée. « Il y avait une personne au loin qui se dirigea vers elle. Il avait l’air jeune. Il était noir. Il portait un sweat à capuche . D’un geste brusque, il rabattit la capuche masquant son visage ». Marjorie eut très peur avec une immense envie de fuir » . En arrivant en même temps à la cage d’escalier, il la regarda. « Désagréable le vent, hein ! » dit-il, avant d’ajouter qu’il y avait un passage souterrain pour piétons qui reliait le musée au parking au cas où elle ne le saurait pas. La prochaine fois qu’il ferait froid, elle gagnerait peut-être à le prendre, suggéra-t-il. C’était  tout. Il était parti. Un truc qui pouvait sembler anodin. Un truc banal ». Mais pour Marjorie, cela marqua une rupture dans sa représentation d’elle-même. « Pourquoi avais-je eu peur de ce charmant jeune homme ? ». Tout simplement parce qu’il était noir . Je n’avais aucune raison d’avoir peur de lui. J’étais atterrée. Ce n’était pas quelque chose que j’aurais cru ressentir un jour. Ce fut un tournant dans ma vie parce que je me suis rendu compte que j’étais raciste. Et il fallait que je trouve le moyen de m’en débarrasser » (p 209).

Une bonne partie du problème pour Marjorie, c’est qu’elle pensait s’en être débarrassée (p 210). Et elle avait déjà parcouru un chemin en ce sens. En effet, elle avait vécu son enfance dans le sud profond, Birmingham à une époque où le monde était divisé en deux : blanc ou noir. Cela paraissait naturel. Elle prit conscience de l’injustice en rencontrant à l’université un ami, un étudiant allemand beaucoup plus âgé qu’elle. Elle venait d’une ville où régnait une ségrégation très dure. Son ami allemand lui expliqua le racisme, l’intolérance, la haine, lui parla de son pays, de sa vie, des jeunesses hitlériennes… « Elle le remercia pour tout ce qu’il lui avait expliqué à la cantine ce jour-là et pour avoir donné une nouvelle orientation à sa vie. « Tu en avais besoin » lui dit-il » (p 218). Dès lors, « Marjorie s’engagea dans le mouvement des droits civiques. Toute sa vie, elle chercha à voir au delà de la race. Et, parmi ses enfants adoptés, deux d’entre eux étaient métis (p 212). « Imaginez un peu. Avec tout ce bagage, tout ce chemin parcouru avec Ken et les enfants. Et puis, elle est à Albany. Il fait froid. Et elle a découvert ce puits de laideur installé en en elle, tel un vers qui s’éveille à la vie ». à la suite d’un fait divers mettant en évidence la persistance des sentiments racistes et d’un discours très digne d’Obama à ce sujet. Elle décida de lui écrire. Elle lui raconta son parcours et l’incident qu’elle avait vécu.

Monsieur le Président. J’espère que d’autres personnes qui auront entendu vos paroles auront davantage conscience de la peur qui se tapit chez beaucoup d’entre nous. Elle est irrationnelle, mais elle est là. J’espère que j’aurais oublié cette course à Albany et le jeune homme rencontré par cette froide journée. Vos franches paroles de la semaine dernière comptent beaucoup pour moi. Merci » (p 215).

La réponse d’Obama vint en ces termes : « Merci pour cette lettre murement réfléchie. Votre histoire illustre ce qui me rend optimiste pour le pays ».

 

Yolanda

Aider les gens en détresse à revenir dans une vie vivable et sociable, tel peut être un objectif bienfaisant de l’action politique. Et il peut en résulter une expression de gratitude. Yolanda fait partie de ceux qui ont lutté pour vivre et savent reconnaître l’aide qu’ils ont reçue .

Yolanda « avait déjà écrit il y a quelques années pour parler au président de sa situation d’ancienne combattante handicapée du fait qu’elle vivait dans sa voiture et qu’elle faisait constamment des cauchemars liés aux traumatismes sexuels subis pendant qu’elle était dans la marine. « Monsieur le président, vous et votre cabinet avez fait une déclaration nationale pour que les états travaillent à mettre fin au problème des sans-abris. Je vous avais fait part de ma prière silencieuse de vouloir devenir un membre productif de notre société, d’être capable de vivre, d’y payer un loyer, bref d’y prendre part » (p 236). Or ce désir a été exaucé. « C’est avec des larmes de reconnaissance que je peux vous dire que j’ai signé aujourd’hui un bail au Veteran’s village pour deux pièces….Aujourd’hui j’ai pleuré des larmes de joie. J’étais si fière de pouvoir leur donner le mandat postal pour le loyer… Tout ça, c’est grâce à vous et à votre administration. Je ne suis pas un numéro. Je ne suis pas une saleté sur laquelle des gens crachent. Je ne suis pas oubliée…. J’ai maintenant un endroit où vivre, un chez moi. Je vais me montrer à la hauteur de ce don gracieux qui m’a été fait. Merci ! » (p 236). Une expression de dignité dans la gratitude et la confiance.

« Barack Obama et les citoyens américains en toutes lettres » (1), ce livre de Jeanne Marie Laskas, nous permet de partager à travers la publication de cette vaste correspondance, des centaines de lettres, une expression constructive et encourageante.

Si Obama rencontre des oppositions, il est en général respecté. Ces lettres manifestent un grand respect . Ainsi s’établit une confiance réciproque . Courage, dignité et confiance se manifestent dans ces récits de vie. Cette lecture n’est pas seulement agréable. Elle communique la bienveillance qui s’y exprime.

J H

 

 

 

Cette lumière qui est en nous

Selon Michelle Obama

Dans ce monde difficile et incertain, nous avons besoin de points de repère. Ce sont des personnalités dont nous sentons qu’elles peuvent nous inspirer à travers leur honnêteté, leur bienveillance, leur générosité. Parfois de telles personnalités sont particulièrement visibles à travers un rôle éminent dans la vie sociale et politique. Nous pensons à Barack Obama dont nous avons rapporté ici l’autobiographie (1). Mais sa femme, Michelle, qui l’a accompagné lors de sa présidence des États-Unis, apparaît également comme une personnalité remarquable. Elle a déjà relaté son parcours dans un livre : « Devenir » (2), mais dans son nouvel ouvrage : « Cette lumière en nous. S’accomplir en des temps incertains » (3), elle nous invite à une réflexion à partir de son expérience pour nous aider à affronter les obstacles, à grandir et à poursuivre un chemin de vie.

Et elle peut s’adresser à nous à partir de son parcours. (4). Née en 1964 à Chicago, elle grandit avec ses parents et son grand frère dans un quartier afro-américain de la ville. Elle est portée par un climat familial chaleureux et respectueux. « Dès son plus jeune âge, ses parents lui apprennent à faire entendre sa voix ». A 24 ans, elle est diplômée de la prestigieuse faculté de droit d’Harvard. Elle entre dans un cabinet d’avocat où elle reçoit, comme stagiaire, Barack Obama. Cette rencontre débouche sur leur mariage en 1992. Ensemble, ils auront deux filles. Le 4 novembre 2008, Barack Obama est élu président des États-Unis et elle est la première afro-américaine « première dame » des États-Unis.

Comme jeune fille noire, elle a du faire face à de nombreuses humiliations. De plus, elle évoque sa grande taille qui ne la servait pas. A partir de cette expérience, elle est qualifiée pour nous apprendre à faire face aux rebuffades et à développer persévérance et confiance. « Au fil des ces pages », nous dit-elle, « il sera question de trouver son pouvoir personnel, un pouvoir collectif et le pouvoir de surmonter les sentiments de doute et d’impuissance. Je ne dis pas que tout ça est facile… J’ai passé des décennies à apprendre de mes erreurs, à faire des ajustements et à modifier mon cap en cours de route » (p 27). Elle nous apprend à nous accepter et à reconnaitre notre potentiel. « J’ai appris que l’estime de soi et la vulnérabilité n’étaient pas incompatibles, bien au contraire, et que les êtres humains avaient tous au moins une chose en commun : nous aspirons à mieux, en toute circonstances et à tout prix. On devient plus audacieux dans la lumière. Connaître sa lumière, c’est se connaître soi-même ; c’est porter un regard lucide sur sa propre histoire. La connaissance de soi engendre la confiance en soi, qui nous permet d’être plus sereins et de prendre du recul. C’est ainsi que nous pouvons nouer des relations authentiques avec les autres… La lumière se transmet. Une famille forte donne de la force à d’autres familles. Une communauté engagée éveille chez les autres le désir de s’impliquer. Tel est le pouvoir de la lumière qui est en nous » (p 28).

Ainsi, le partage de cette expérience peut être bienfaisant et inspirant pour beaucoup, d’autant qu’aujourd’hui, en ces temps de crise, l’inquiétude s’est répandue et le questionnement s’est généralisé. « A l’origine, j’avais conçu ce livre pour proposer un accompagnement aux lecteurs qui traversaient de grands bouleversements, un ouvrage que j’espérais utile et réconfortant pour quiconque entamait une nouvelle phase de sa vie, qu’il s’agisse de la fin des études, d’un divorce, d’un changement de carrière ou d’un diagnostic médical, de la naissance d’un enfant ou de la mort d’un proche… » (p 29). Cependant, aujourd’hui, nous sommes tous entrés dans une période de tempête en percevant les échos de l’épidémie, de la guerre, des troubles politiques. Alors, Michelle Obama nous invite à nous poser « des questions plus pragmatiques sur la façon de rester debout au milieu des défis et des changements : Comment s’adapter ? Comment se sentir plus à l’aise, moins paralysés face à l’incertitude ? Quels outils avons-nous pour nous aider ? Où trouver des soutiens ? Comment créer de la sécurité et de la stabilité ? Et, si nous unissions nos forces, que pourrions-nous réussir à surmonter ensemble ? » (p 31).

Comment donc ce livre est-il conçu ? « Il n’existe pas de formule. Ce que je peux vous proposer, c’est de vous offrir ma propre boite à outilsCertains de mes outils sont des habitudes et des pratiques, d’autres sont véritablement des objets physiques ; et le reste consiste en une panoplie d’attitudes et de convictions issues de mon parcours et de mes expériences personnelles, de mon propre « devenir » toujours en cours. Ce livre ne prétend pas être un mode d’emploi. Vous y trouverez plutôt une série de réflexions honnêtes sur ce que la vie m’a enseigné jusqu’ici, sur les béquilles qui m’aident à tenir. Je vous présenterai certaines des personnes qui me maintiennent debout et partagerai avec vous les leçons que j’ai apprises auprès de femmes exceptionnelles pour faire face à l’injustice et à l’incertitude. Je vous parlerai des choses qui continuent à me mettre par terre et de celles sur lesquelles je m’appuie pour me relever. Je vous confierai aussi certaines attitudes dont je me suis débarrassée avec le temps ayant fini par comprendre qu’il fallait faire le tri entre outils et défenses, les premiers étant bien plus utiles que les secondes » (p 26).

« Ce livre se déroule en trois parties : la première évoque le processus qui permet de puiser de la force et de la lumière en soi ; la seconde évoque notre relation aux autres et la notion de bien-être affectif ; la troisième a pour but d’ouvrir une discussion sur les manières de mieux nous approprier, protéger et renforcer notre lumière, notamment dans les périodes difficiles » (p 27).

 

Manifester sa présence

Ce livre foisonne en de multiples propos et se prête peu à une analyse méthodique. A titre d’exemple, nous choisissons donc ici un des chapitres : « Suis-je visible ? », pour témoigner de l’actualité et de la pertinence du sujet et de l’authenticité de l’expérience ainsi rapportée.

Si on est confronté à des attitudes de domination et à la pression du conformisme, on hésite bien sûr à apparaître. On se tient prudemment en retrait. On comprend ainsi la question : « Suis-je visible ? ». De par son parcours, Michelle Obama est bien placée pour en parler. « Partout où je vais, je rencontre des gens qui me confient avoir du mal à être acceptés en tant qu’individus à part entière, que ce soit à l’école, au travail, ou au sein d’un groupe plus large. C’est un sentiment que j’ai connu et avec lequel j’ai du composer pendant la majeure partie de ma vie » (p 105).

Les motifs du ressenti de non acceptation peuvent être très divers. Ainsi, dans son enfance et dans son adolescence, ce fut pour Michelle, l’impression que sa grande taille physique la mettait à part. « Dans mon quartier, être noir n’avait rien de remarquable. A l’école, je fréquentais des enfants de tous milieux et cette diversité créait un environnement où nous pouvions être pleinement nous-même. En revanche, j’étais grande. Et il a fallu que j’apprenne à m’en accommoder. On ne voyait que ça. On m’a collé cette étiquette très tôt et je n’ai jamais pu m’en débarrasser… » (p 106). Elles ressent par exemple les appels à l’école où on classe les enfants : « les petits derrière, les grands devant ». Cela lui donne « l’impression d’être publiquement reléguée à la marge ». « Cette apparente disgrâce a créé en moi une blessure infime, une petite graine de détestation de soi qui m’empêchait de voir mes atouts » (p 106). « Rétrospectivement, j’ai compris que je m’adressais deux messages simultanés particulièrement toxiques lorsqu’ils sont associés : « Je ne suis pas comme les autres » et « Je ne compte pas » (p 107). A l’époque, le sport féminin n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui et ne lui offrait pas une voie d’affirmation.

Cependant, le ressenti de la différence comme source de rejet s’inscrit généralement dans une dimension sociale. Aux États-Unis, la discrimination vis-à-vis de la communauté afro-américaine prend des formes diverses. Michelle Obama évoque le cas « d’un certain nombre d’amies qui ont grandi dans des banlieues blanches aisées… La plupart racontent que leurs parents ont fait le choix de les élever dans des quartiers où les écoles publiques étaient bien dotées… ». Mais, il y avait alors une contrepartie. Ces enfants pouvaient se ressentir comme une exception. L’auteure nous raconte ici le cas d’Andrea. Comme fillette noire, « Elle a commencé à ressentir des flottements autour d’elle, dès son plus jeune âge… Cela n’a pas empêché Andrea de se faire des amis qui l’aimaient pour elle-même et d’avoir une enfance heureuse, simplement elle a été consciente de sa différence très tôt. Et elle a vite appris à décrypter les signaux lui rabâchant qu’elle n’était pas à sa place, à déceler les non-dits lui indiquant qu’elle était une intruse dans sa propre ville » (p 117). Ce sont là des blessures qui ont laissé des traces.

Michelle Obama a grandi dans un quartier où elle se sentait chez elle. « De ce fait, jusqu’à mes 17 ans, je n’ai jamais été « l’exception ». C’est à l’université que j’ai découvert cette forme d’invisibilité paradoxale ». Princeton est une prestigieuse université américaine dans un site magnifique. Mais Michelle s’y retrouvait dans un « environnement peuplé majoritairement de jeunes hommes blancs ». Elle a pu cependant trouver un lieu convivial dans un « centre multiculturel où se réunissaient les étudiants non blancs ». Dans ce milieu, il était possible d’exprimer des expériences de discrimination, de les comparer. « Nous n’étions pas fous. Ce n’était pas simplement dans notre tête. Le sentiment d’exclusion et d’isolement… n’était pas une vue de l’esprit. Et ce n’était pas non plus la conséquence d’une déficience ou d’un manque d’effort de notre part. Nous n’imaginions pas les préjugés qui nous rejetaient aux marges. C’était réel » (p 123). Ce sentiment étant présent et répandu, une question apparaît : « Qu’en faire ? ».

«  Notre père dont les tremblements et la claudication attiraient parfois l’attention des passants dans la rue, nous disait toujours avec un haussement d’épaules : « Aucune critique ne peut vous atteindre si vous êtes en accord avec vous-même » (p 123). Michelle nous fait un portrait de son père. « Mon père ne se souciait pas du regard des autres. Il était bien dans sa peau. Il connaissait sa propre valeur et il était équilibré mentalement à défaut de l’être physiquement » (p 123). Le père de Michelle avait été lui aussi confronté à l’arbitraire. « Il n’avait jamais eu les moyens de faire des études supérieures. Il avait subi les politiques discriminatoires du logement et de l’éducation ». Mais il a refusé de s’engager dans l’amertume. « Il avait appris que, dans certaines circonstances, savoir ignorer les vexations et laisser couler était une force. Il était conscient de l’injustice, mais ne voulait pas céder au désespoir… Il a préféré nous inciter, mon frère et moi, à nous intéresser au fonctionnement du monde, et nous parler d’égalité et de justice » (p 124). Il savait mesurer sa valeur sur ce qu’il avait et non sur ce qu’il n’avait pas. « Le regard qu’on porte sur soi est déterminant. C’est la base, le point de départ pour changer le monde autour de soi. Voilà ce qu’il m’a appris. L’équilibre de mon père m’a aidée à trouvé le mien » (p 125).

« Aucune critique ne peut vous vous atteindre si vous êtes en accord avec vous-même ». Michelle nous raconte comment elle a évolué dans sa manière de penser et de se comporter. « On pourrait dire que tout a commencé par l’acceptationPeu à peu, j’ai compris que si je voulais changer la dynamique des lieux que je fréquentais, pour moi-même et ceux qui me suivraient, si je voulais qu’ils accueillent plus largement la différence, que chacun s’y sente à sa place, je devais d’abord trouver en moi la fierté et l’aplomb nécessaires. Au lieu de cacher qui j’étais, j’ai appris à le revendiquer… Je devais m’entrainer à être à l’aise avec ma peur. C’était ça ou renoncer. La vie de mon père m’avait enseigné une chose : on fait avec ce qu’on a. On se forge des outils, on s’adapte et on avance. On persévère, en dépit de… » (p 106).

L’auteure nous rapporte des incidents révélateurs de mentalités imprégnées par une pensée d’exclusion. Ainsi Stacey Abrams, aujourd’hui femme politique, rapporte que major de sa promotion de lycée en 1991, elle fut invitée à une réception du gouverneur de Géorgie, et que s’y rendant avec ses parents, elle fut l’objet d’un rejet par un agent de sécurité. Elle parvint à passer parce que ses parents avaient parlementé, mais ce fut là un souvenir cuisant. « De tels messages ont un pouvoir annihilateur, surtout s’ils s’adressent à un sujet jeune dont l’identité se construit… » (p 132). L’auteure rapporte également « la légèreté avec laquelle une conseillère d’orientation, au lycée, a balayé ses ambitions au bout de dix minutes d’entretien, insinuant qu’il était inutile que je postule à Princeton, car, à ses yeux, je n’avais pas « le profil » adéquat » (p 132). « On ne perçoit pas toujours la portée de ce genre de message, c’est pourquoi il faut être attentif à la manière dont ils sont formulés et reçus. Les enfants et les adolescents désirent qu’on reconnaisse la lumière qui est en eux. Ils en ont besoin. C’est ce qui les aide à grandir. Et si on leur fait sentir qu’ils sont invisibles, alors ils trouveront d’autres moyens moins productifs de se faire remarquer » (p 133). Michelle Obama revient sur ceux qui ont fait barrage. Elle les perçoit comme « des figurants dans les récits plus vastes et plus intéressants qui témoignent de notre place dans ce monde. Leur seul pouvoir, au bout du compte, est de nous rappeler pourquoi nous persévérons » (p 135).

 

Pourquoi ce livre ? Les intentions de Michèle Obama

Quelles étaient les intentions de Michelle Obama en écrivant ce livre ? Elle nous répond dans une interview exclusive sur Brut où elle échange avec l’autrice Leïla Slimani (5).

Comme l’intervieweuse remarque que, dans son livre, elle n’hésite pas à exprimer combien elle a pu connaitre des angoisses et des doutes, et à montrer « la femme derrière l’icône », Michelle Obama répond que c’est là une manifestation « d’authenticité et de vulnérabilité ». « Parfois, il est facile de se dire que quand on est perçu comme un modèle, on doit avoir toutes les réponses, on ne doit montrer aucune faiblesse, mais je crois que c’est placer la barre trop haut à un niveau impossible à atteindre pour les personnes qui vous admirent et en fait ce n’est pas vrai. Nous souffrons tous de la peur. Nous traversons tous ces épisodes dépressifs. Nous nous demandons tous si nous sommes à la hauteur. Dans mon cas, le fait de l’admettre, c’est le « code source » de ma puissance. Comment mes différences et ma singularité ont fait de moi celle que je suis, plutôt que de chercher à les cacher, plutôt que de porter un masque de la perfection ».

Cependant que penser d’un rôle modèle ? Comment envisager cette notion de modèle ? Michelle Obama répond que les femmes qui sont présentes sur la scène publique ont une responsabilité. Comme femme noire, elle est singulière. Elle fait partie de femmes qui se sentent marginalisées comme si elles n’avaient pas de chemin bien défini à suivre parce qu’elles n’ont pas de modèles… Elle veut donc contribuer à « réécrire l’histoire qui est laissée de côté pour imposer notre image ». C’est permettre à des jeunes de se dire : moi aussi, je peux y arriver.

Des questions sur différents thèmes lui sont ensuite adressées. Et, comme elle a écrit un chapitre sur l’amitié, et que l’amitié tient une grande place dans sa vie, Leila Slimani lui demande d’en parler. Michelle Obama répond qu’elle a été surprise par le nombre de lecteurs qui ont réagi à ce chapitre «parce que beaucoup d’entre eux disaient qu’ils n’avaient pas d’amis ». Ainsi, en parlant à des femmes sur-occupées par leur activité professionnelle et leur responsabilité familiale, elle a constaté qu’elles n’avaient pas pu donner une priorité à l’amitié, et alors, « on se réveille un jour sans amis ». « Ma communauté de soutien a toujours été essentielle pour moi. Je la décris comme ma « table de cuisine ». J’ai choisi cette métaphore parce que, quand j’étais petite et que je vivais dans les quartiers sud de Chicago, la table de cuisine était l’endroit où tout le monde se réunissait dans notre petit appartement. C’est là qu’on réglait tous nos problèmes pendant que ma mère préparait le diner. C’est là que mes amies venaient pendant la pause déjeuner pour parler des soucis de la journée. C’est un endroit où on pouvait retirer son masque et être complètement soi-même… C’était un espace de confiance où on pouvait partager ses expériences, baisser le masque et être relevée, guérir des blessures du monde… C’est fondamental… Je pense qu’on ne peut pas tenir pour acquise cette communauté, qu’il faut la construire. On ne doit pas perdre cette habitude pas seulement de tisser des amitiés, mais de les entretenir dans la durée ».

L’intervieweuse pose une dernière question sur la devise proclamée par Michelle Obama à la convention démocrate de Philadelphie en 2016 : « Quand ils s’abaissent, nous nous élevons ». C’est un appel à la dignité et au courage, mais certains s’impatientent et se radicalisent. « Comment continuer à nous battre dans la dignité ? ». Michelle Obama répond qu’elle s’en est expliquée dans un chapitre. « Une devise n’est rien sans action. S’élever ne veut pas dire être complaisant… Pour moi, s’élever, c’est passer de la rage à l’action… Je cite John Lewis… « La liberté, ce n’est pas un état, mais un acte. Ce n’est pas un jardin enchanté… Il faut travailler intelligemment et prévoir stratégiquement. C’est comme cela que le mouvement des droits civiques a fonctionné. On parle toujours de la marche de Washington, mais la marche de Washington n’était que la cerise sur le gâteau. Il y avait des projets pour changer les lois. Il y avait des boycotts qui ont duré des années… ». Michelle Obama parle d’« une action à long terme où on cherche à savoir quel sera le résultat final de nos actions. Vont-elles ouvrir l’esprit des gens, les amener à mieux me comprendre ou vont-elles les amener à me craindre davantage ? J’explore cela d’une façon très détaillée ». Les générations actuelles peuvent s’interroger sur la vitesse du changement. « Mais, au final, je crois que l’intégrité, la dignité, la patience, la détermination, la préparation sont les clés et qu’elles ne passeront jamais de mode ».

Notre condition sociale comme les circonstances de la vie peuvent nous avoir courbé, étouffé, humilié. Une prise de conscience se généralise aujourd’hui. Cette situation n’est pas inéluctable. Il y en nous un potentiel qui peut se mobiliser. Michelle Obama nous appelle à découvrir cette force latente, en découvrant « la lumière en nous ».

Parce qu’elle-même a connu des situations dans lesquelles elle a été méconnue, et, en particulier, celle d’une jeune fille noire confrontée aux préjugés ambiants, elle peut écrire à partir de son expérience. Son expression authentique, sincère, contraste avec des approches plus convenues. Ainsi s’opère une rencontre avec lectrices et lecteurs. Un courant passe qui engendre la confiance. Ce livre suscite une prise de conscience libératrice. La parole de Michelle Obama porte d’autant plus qu’avec ses deux filles, elle a partagé la vie de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis.

Sur ce blog, nous avons suivi différents épisodes de cette présidence (1). Dans une histoire longue, la présidence de Barack Obama s’inscrit dans un mouvement d’émancipation et de solidarité qui a connu des étapes marquantes comme la lutte pour les droits civiques menées par Martin Luther King. On peut y voir une inspiration chrétienne telle qu’on peut la percevoir notamment dans le titre des mémoires de Barack Obama : « Terre promise » (1). En s’adressant à un grand public, la tonalité du livre de Michelle Obama nous paraît plus psychologique dans une forme où s’allie l’expérience et le bon sens et où s’exprime une dynamique de vie.

J H

 

 

  1. Barack Obama. Une Terre promise. Fayard, 2020. Compte-rendu avec un rappel des liens à différents articles sur ce blog portant sur différents épisodes et différentes facettes de cette présidence.
  2. Michelle Obama. Devenir. Fayard, 2018
  3. Michelle Obama. Cette lumière en nous. S’accomplir en des temps incertains. Flammarion, 2022
  4. Michelle Obama. Une vie. Brut You Tube : https://www.google.fr/search?hl=fr&as_q=Michelle+Obama++Brut&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_nlo=&as_nhi=&lr=&cr=&as_qdr=all&as_sitesearch=&as_occt=any&safe=images&as_filetype=&tbs=#fpstate=ive&vld=cid:deef07ed,vid:3ttPTHXihrQ
  5. Interview exclusive de Michelle Obama sur Brut : https://www.youtube.com/watch?v=cv7tEPpJk9o

Le cadeau d’une intuition

Un nouveau lieu pour l’expression créative  

Aujourd’hui, je cueille le fruit d’une intuition, portée et mûrie, pendant presque  9 ans : un lieu pour les formations avec l’expression créative !

Coup d’œil dans le rétro,  pour une réalisation née d’une intuition :

A PRH, nous disons l’importance de l’écoute de ses intuitions, et comment l’on passe d ‘une intuition à une décision puis à une réalisation !

Depuis mon démarrage comme formatrice (1), j’étais habitée d’un lieu, stable, pour exploiter tous les possibles du travail sur soi par l’expression créative, un des supports pédagogiques chers à PRH !

Pas facile de distinguer entre cette intuition de départ et du rêve, entre mes aspirations profondes et le possible dans le réel… C’est le temps qui a conforté cette intuition : elle ne m’a jamais lâchée ! Et comme cette caractéristique-là m’était déjà familière pour d’autres choix importants dans ma vie, elle m’a aidée à la prendre au sérieux. Pourtant, dans le paysage, pendant 5 ans, rien n’était disponible, ni convergent.

Peu à peu  ce projet a pris force en moi, suffisamment pour que j’en parle nettement ! Et mon mari s’y est ouvert ; c’est devenu un projet de couple ; il se voyait le construire avec  l’aide de proches.

Nous avions envisagé un premier lieu qui s’est avéré trop lourd pour nous et nous avons renoncé. Ce moment de déception me mit dans un arrêt intérieur pendant quelque temps mais le projet ne me lâchait pas….

Mon mari a entrevu un nouveau lieu…et c’est celui-là qui arrive à son accomplissement aujourd’hui. Il se compose d’une belle salle claire, ensoleillée, dans une ambiance – bois, chaleureuse ; il y a un grand espace, avec des zones différenciées offrant différentes postures de travail, en intérieur comme en extérieur dans un jardin, sans oublier de quoi se poser  ou de se restaurer!

Sa configuration permet d’accéder à des supports encore plus diversifiés comme le bois, le béton cellulaire en plus de l’argile, et la peinture. Cet ensemble permet d’évoluer à son rythme et au rythme du  travail intérieur en cours.

Outre les sessions par l’expression créative, des nouveautés s’y annoncent :

Ainsi , des journées découvertes  avec l’expression créative, pourront s’y tenir pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières…., et aussi des temps forts de relation d’aide, alliés à la possibilité de recourir à ces médiations.

Sa réalisation a été possible grâce à un chantier solidaire où s’échangeaient des services. Occasion pour certains  d’apprentissages techniques, et pour tous, une belle expérience de convivialité !

Voici, avec du recul, quelques éléments de ma traversée intérieure… :

–          Prendre au sérieux l’intuition, après l’avoir déchiffrée, sondée

–          Y croire, malgré des moments de doute

–          Une interdépendance pour la réalisation

–          La difficulté d’accueillir « tout ça pour moi ? »….

–          L’étonnement des convergences des aides

–          Un arrêt intérieur : quelle promesse ? Qu’est ce qui  pourra se vivre ici ?

–          Une désappropriation

–          La fatigue, le découragement devant la longueur du travail

–          Et la joie présente !

A présent il existe ! En octobre s’y tiendra la première session PRH !

C’est  une promesse de créativité sociale, culturelle, artistique, et ce, dans un petit village tranquille au pied des Vosges !

Bienvenue à qui voudra pousser la porte !

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Prochaine session par l’expression graphique : Ma vie relationnelle, aujourd’hui, en février 2017

http://www.prh-france.fr/notre-offre/nos-formations/copy2_of_vie-relationnelle/ma-vie-relationnelle-aujourdhui

Et des nouveautés :

–          Des journées découvertes  avec l’expression créative, pour découvrir PRH et pour découvrir cette approche de soi, par les formes, couleurs, matières….

http://www.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/stages-decouverte-et-acc-2016-2017-est.pdf

–          Des temps forts de relation d’aide, alliée à la possibilité de recourir à ces médiations

http://formateurs.prh-france.fr/nos-activites-daccompagnement/offres-locales/autres-rencontres-2016-2017-est.pdf

Valérie BITZ

(1)                         Valérie Bitz est formatrice à PRH Personnalité et relations humaines. Pour découvrir l’activité de cette formation qui se donne pour but formation et développement, consulter le site : http://www.prh-france.fr

Merci à Valérie pour ses contributions  sur ce blog :

Au cœur de nous, il y a un espace

https://vivreetesperer.com/?p=1820

Des expériences de transcendance, cela peut s’explorer

https://vivreetesperer.com/?p=1505

Et si je tentais d’explorer, par la peinture ou le graphisme, pour y voir plus clair

https://vivreetesperer.com/?p=1428