Vivre en harmonie avec la nature

Écologie, théologie et spiritualité

 

Face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur la nature, une conscience écologique est apparue et se développe aujourd’hui. Ce mouvement appelle et comporte une dimension spirituelle. Car la crise que connaît la nature est liée aux comportements humains et donc aux représentations qui en sont l’origine.

 

Dans un entretien entre le Dalaï Lama et Stéphane Hessel récemment publié sous le titre : « Déclarons la paix ! Pour un progrès de l’esprit. » (1), le problème est abordé d’emblée. Stéphane Hessel exprime le malaise occidental dans une interprétation du facteur religieux : « Dans la foi chrétienne et juive, Dieu a donné pour mission aux êtres humains de nommer les objets de la nature, de dire : ceci est une forêt, cela est un arbre… Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. L’homme n’est pas le maître de la nature. Il en est seulement une composante. Et, à  partir de là, on peut penser que l’esprit qui prévaut dans le monde n’est pas seulement l’esprit de l’homme. L’homme peut le capter en partie, mais l’esprit ne lui appartient pas à lui seul » (p 11).

Ce questionnement nous amène à nous interroger sur la manière dont les textes bibliques ont été interprétés à travers le temps et quelle est leur véritable signification. C’est la tâche qui a été entreprise depuis plusieurs décennies par le théologien Jürgen Moltmann (2) qui a trouvé en France un « passeur » et un médiateur, en la personne d’un écologiste chrétien, Jean Bastaire, à travers la publication d’une anthologie de textes intitulée : « Le rire de l’Univers. Traité de christianisme écologique » (3).

Comment vivre en harmonie avec la nature ? Dans un livre récent : « Ethik der Hoffnung » (2010), traduit et publié en anglais en 2012 sous le titre : « Ethics of hope » (4) (Éthique de l’Espérance), Jürgen Moltmann nous présente une réflexion éthique dans la vision de l’Espérance chrétienne. Ce livre consacre trois grandes sections à l’éthique de la vie, à l’éthique de la terre et à l’éthique de la paix.

Dans son approche des rapports de l’homme et de la nature, il nous appelle à passer « de la domination à la communauté » (p 66-69).

 

Sortir de la domination.

        

         « La crise que nous vivons n’est pas seulement une crise écologique. Elle ne peut être résolue seulement par la technologie. Une inversion dans nos convictions et nos valeurs fondamentales est nécessaire tout comme une inversion dans notre manière de vivre ».

Il importe d’examiner et de corriger les déviations qui sont intervenues dans nos représentations religieuses en provoquant des effets néfastes sur nos manières de vivre et sur nos comportements.

En effet, « En Europe occidentale, depuis la Renaissance, Dieu a été envisagé de plus en plus à sens unique comme le « Tout puissant ». L’omnipotence est devenue un attribut prééminent de la Divinité. Dieu est le Seigneur et maître, le monde est sa propriété et Dieu peut y faire tout ce qu’il lui plait. Dans la tradition occidentale, Dieu est entré de plus en plus dans la sphère de la transcendance et le monde a alors été perçu comme purement immanent et terrestre. Le monde a perdu le mystère qui entoure la création divine… Cette révolution a entraîné la sécularisation du monde et de la nature ».

Ce changement dans la représentation dominante de Dieu a engendré une transformation de la représentation de l’homme dans son rapport avec la nature : « Comme image de Dieu sur la terre, l’être humain a été amené à se voir lui-même en correspondance comme maître et seigneur, à s’élever au dessus du monde devenu un objet passif et à le subjuguer ».

Or, de fait, l’humanité fait partie de la création. Le monde humain s’inscrit dans une dimension cosmique plus large dont la vie sur la terre dépend et dans l’évolution de tous les êtres vivants » (p 139).

Notre appréciation des rapports entre l’humanité et la nature dépend ainsi pour une large part de la représentation que nous avons de Dieu.

 

Entrer dans une communauté.

 

Jürgen Moltmann nous appelle à entrer dans une représentation de Dieu « trois en un » (« triune ». « Ce Dieu là n’est pas un Dieu solitaire et dominateur qui assujettit toute chose. C’est un Dieu relationnel et capable d’entrer en relation, un Dieu en communion (« fellowship God »). Comme dit la Parole : « Dieu est amour ». L’ancienne doctrine de la Trinité était une interprétation de cette expérience

Dans cette perspective, les comportements humains vont changer en conséquence : « Les êtres humains vont également entrer en communion (« fellowship »). L’image de Dieu sur terre n’est plus un individu solitaire, mais une vraie communauté humaine. Ce ne sont plus des éléments de la création pris individuellement qui reflètent la sagesse et la beauté de Dieu. C’est la communauté de la création dans son ensemble ».

Dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (5), Jürgen Moltmann a montré l’œuvre créatrice accomplie par l’Esprit de Dieu. « La perception de l’Esprit divin en toutes choses engendre une vision nouvelle du monde. Si l’Esprit de Dieu est engagé dans toute la création, alors l’Esprit divin oeuvre en faveur de l’unité et de la communauté de toutes  les créatures entre elle et avec Dieu. La vie est communauté. La trame des relations mutuelles est suscitée par l’Esprit divin qui, à cet égard, peut aussi être appelé l’ « Esprit cosmique ».

Nous voici devant une compréhension renouvelée de la nature, une compréhension écologique. « C’est un paradigme nouveau de la communauté, de la culture et de la nature dans une communication caractérisée par la réciprocité ». « Dans l’eschatologie chrétienne, telle que nous la trouvons dans l’épître aux Éphésiens et l’épître aux Corinthiens, l’œuvre de Dieu en Christ, la christologie unit ensemble le destin de l’humanité avec le destin du cosmos dans la vision de la nouvelle création ».

 

Ainsi, tel que Jürgen Moltmann l’expose dans le chapitre 9 de « Ethics of hope », consacré à la dimension écologique, nos combats actuels pour la protection de la nature (6) et pour le développement de l’écologie s’inscrivent dans une grande perspective et dans une grande vision. Apprenons à vivre en harmonie avec la nature.

J H

 

(1)            Dalaï-Lama,  Stéphane Hessel. Déclarons la pais ! Pour un progrès de l’Esprit. Indigène éditions, avril 2012.

(2)            On trouvera une présentation de la vie et de la pensée de Jürgen Moltmann, ainsi que des textes introduisant à certains aspects de cette pensée sur le site : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/

(3)            Moltmann (Jürgen). Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique. Anthologie réalisée et présentée par Jean Bastaire. Cerf, 2004. Les textes sont issus de grandes œuvres de Moltmann parues au Cerf : Dieu dans la création ; Trinité et Royaume de Dieu ; Jésus, le Messie de Dieu ; La venue de Dieu.  Voir sur le site : l’Esprit qui donne la vie, une présentation de la pensée de Moltmann sur la création : « Dieu dans la création » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=766

(4)            Moltmann (Jürgen). Ethics of hope. Fortress Press, 2012

(5)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999 « La possibilité de reconnaître l’œuvre de Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu a pour fondement théologique la compréhension de l’Esprit de Dieu comme puissance de création et comme source de vie. « C’est le souffle de Dieu qui m’a fait, l’inspiration du Puissant qui me fait vivre » dit Job (Job 33.4). (p 60)

Sur le blog : Vivre et espérer : « Pour une conscience écologique. Une expérience de terrain » https://vivreetesperer.com/?p=694

D’où me viendra le secours ? Une expérience de libération

Ma vision de Dieu a changé.

Un témoignage d’Odile Hassenforder

 Depuis que Dieu est intervenu dans ma vie, tout a changé pour moi. Comme la samaritaine, j’ai déclaré autour de moi que Jésus était le Messie ; comme l’aveugle de Siloé, je me suis prosterné devant mon Dieu. Dire qui est Dieu pour moi aujourd’hui, ce qu’il était pour moi il y a dix, vingt ans, c’est dire quelle était ma relation à Lui. Je ne puis décrire Dieu. « Personne ne l’a jamais vu », dit l’apôtre Jean en commençant son évangile. « Qui me voit, voit le Père, dit Jésus à Philippe. Tous les contemporains de Jésus qui l’ont approché n’ont pas reconnu en lui le Fils de Dieu ; seuls ceux qui ont eu une véritable rencontre avec lui, ont reçu la lumière, ont saisi la vérité. J’imagine très bien l’émotion qu’ont du ressentir la samaritaine, l’aveugle et tant d’autres. Aujourd’hui un jeune dirait : « ça fait tilt », un amoureux dirait : « j’ai eu le coup de foudre ». Ces expressions sont bien pâles pour exprimer le choc d’une telle découverte.

 

Un chemin.

Que m’est-il arrivé ce mois d’octobre 1973 ?
L’impossibilité de vivre m’entraînait à la mort, au suicide.

Pourtant, je me rappelle qu’à l’époque où je suis rentrée dans la vie professionnelle, je croyais ne jamais connaître le désespoir, malgré toutes les difficultés de vivre que j’avais, parce que Dieu était avec moi. Je ressentais une assurance intérieure.

J’avais eu la chance de rencontrer, à cette époque, un aumônier d’action catholique qui me suivit durant quatre ans dans une forme de psycho-thérapie spirituelle, si je puis m’exprimer ainsi. En plus de la messe quotidienne, je profitais d’un entretien spirituel toutes les trois semaines avec cet aumônier. En fait, je pouvais exprimer mes aspirations et mes incapacités. Je ne me rappelle pas du contenu précis d’un de ces dialogues. Plein de bon sens et de finesse psychologique, mon interlocuteur me montrait que Jésus m’entraînait dans une dynamique positive. Par la confession qui suivait, je remettais au Seigneur tout le négatif de ma vie et attendais de lui la force de poursuivre mon chemin. Cela été pour moi l’occasion d’une évolution psychologique très appréciable. Je me rend compte aujourd’hui que la situation était ambiguë : surmonter mes difficultés psychologiques et réaliser une image idéale de moi, plutôt que de saisir l’invitation de l’Esprit à entrer dans l’univers de Dieu. J’ai reçu ce dont j’avais besoin à l’époque. J’en remercie le Seigneur aujourd’hui en revoyant tout ce qu’Il a mis sur ma route, d’étape en étape, respectant le cheminement de mon être, proposant la nourriture adaptée à ce que je vivais.

Mon mariage a évidemment été un tournant dans ma vie. Mon mari m’a apporté la vie culturelle et intellectuelle à laquelle j’aspirais tant, mais aussi une vie de foi complémentaire à la mienne. Nous avons essayé de prier ensemble le soir. Notre prière s’est vite tarie. Ensemble nous avons fait partie de groupes de foyers, de Vie Nouvelle dans les années soixante. Nous allions régulièrement le dimanche dans une paroisse voisine de trois kilomètres de notre domicile. Nous faisions allègrement le trajet à pied, car nous recevions là l’annonce d’une vie élargie en Jésus-Christ, un sens à notre vie en Dieu.

A la naissance de notre fils, né prématuré à six mois et menacé de ne pas survivre, nous avons beaucoup prié, remettant à Dieu notre sort autant que celui de cet enfant. Je savais intellectuellement que les miracles existaient, mais ma foi était bien faible pour croire que Dieu pouvait intervenir pour moi. Tout en disant « que ta volonté soit faite », je pensais au déroulement de l’enterrement imminent et je ne prêtais pas attention aux paroles d’espérance de mon entourage. Par la suite, j’ai attribué la survie de notre enfant uniquement aux médecins et à la science. Ce n’est que maintenant que mon cœur est rempli de reconnaissance envers celui qui a toujours été auprès de moi et que je ne voyais pas. Oui, je constate maintenant, en revoyant ma vie passée, que le Seigneur m’a préservée de catastrophes irréversibles. Pourtant à cette époque, il devenait pour moi de plus en plus absent. L’alimentation de la foi s’estompait peu à peu.

Cependant les handicaps de ma personnalité réapparaissaient dans mon nouveau mode de vie de mère au foyer. Je n’ai pu profiter alors des joies de la maternité. Je n’ai pas pu faire face non plus à mes conditions de vie. Mon action militante ne parvenait plus à compenser mes problèmes. J’entrepris une psychothérapie lorsque je constatais qu’à deux ans mon fils présentait des troubles de personnalité. La seule chose qui était en mon pouvoir je devais le faire. Avant d’entreprendre une telle démarche, j’allais voir un prêtre ami, espérant que, par son intermédiaire, Dieu me sortirait de là. En fait, il me dit que Dieu pouvait agir à travers les sciences humaines. Il insista d’autant plus qu’il avait constaté la tristesse la tristesse profonde que dévoilait mon visage lorsque je ne me croyais pas observée. Je compris sûrement assez mal ce qui m’a été dit ce jour-là car je mis mon seul espoir dans la psychologie. L’année suivante, je confiais mon fils à la garde d’une voisine et je repris le travail social. La psychothérapie m’a été d’un grand secours pour mettre à jour les causes de mon inhibition et aussi me dégager de bien des angoisses et des défenses que mon inconscient avait forgées. Lors de ma première consultation, je me présentais comme vivant dans une sphère de plexiglace au milieu de la vie, mais en dehors d’elle.

L’annonce d’une nouvelle naissance en 69 a été pour moi une catastrophe, car je n’avais pas encore suffisamment acquis mon autonomie. La catastrophe a été bien plus grande encore lors de la fausse couche qui a suivi. J’ai vécu la mort d’un enfant. Seul l’oubli a pu atténuer la douleur. Je ne me souviens pas m’être adressée à Dieu. Il n’était plus pour moi qu’une entité qui animait ce grand univers où je n’étais que poussière. Il existait bien sûr, mais à la façon de l’horloger et je faisais partie de la mécanique. Les amis, dans ces circonstances sont souvent de bien peu de secours. Et ils ne peuvent donner que ce qu’ils ont. Du reste, ceux ou celles-ci devenaient rares car, fatigués psychologiquement, mon mari et moi, nous allions de moins en moins aux réunions de toutes sortes et bien peu de monde se souciait de notre absence. Les soutiens religieux disparaissaient. Le curé de la paroisse que nous fréquentions partit en 1967 et nous n’avions pas trouvé ailleurs une alimentation spirituelle malgré nos nombreuses recherches. Les groupes de foyers s’étaient dissous.

Peu importe les raisons et les circonstances qui ont provoqué une dissociation de ma personnalité. Je suis persuadée aujourd’hui que, si j’étais restée en relation avec Dieu, je n’aurais pas vécu ce drame. Il était tout de même là présent, mais je ne le savais pas. J’ai utilisé tout ce qui était en mon pouvoir pour surmonter ces moments de dépression, trou noir où tout disparaissait. Je ne manquais pas de volonté et l’énergie déployée pour surnager était deux fois plus grande que celle que je dépense aujourd’hui. L’ergothérapie, pensais-je, pourrait peut-être me sortir de cet état second où l’imaginaire et la réalité s’entremêlaient. Alors, je me mis à tapisser la chambre de mon fils, avec beaucoup de mal du reste, car je me trompais constamment dans mes mesures. La relaxation permettait à mon corps de ne pas craquer trop vite, comme la chimiothérapie soutenait le psychisme. Il me semblait que la folie se profilait derrière mon angoisse ; et le phénomène ne faisait que s’amplifier. Je rencontrais cependant la compréhension attentive et patiente de médecins tandis que plusieurs amies m’exprimaient leur affection. Mais que pouvaient les uns et les autres ? Je leur suis cependant reconnaissants de leur attitude qui a atténué ma souffrance et m’a permis de tenir plus longtemps. Du moins jusqu’au jour où j’avalais trop de somnifères. L’escalade continuait. Des forces internes s’entraînaient à me détruire .

C’est dans cet état, huit jours après mon sommeil prolongé, que je participais à un week-end avec des amis sur le thème : « vivre sa foi ». Quelle gageure ! Ce dimanche, pendant la prière, je tirais le signal d’alarme, et, dans mon désespoir, je criais : « Jésus, si tu es la Vie, donne-moi le goût de vivre ». Un ami bien intentionné présenta une parabole à sa manière : deux grenouilles se débattaient dans une jatte de lait : l’une, dans son désespoir, se laisse couler. Mais l’autre continue à s’agiter et une motte de beurre se forme grâce à laquelle elle pu surnager. Cela ne fit qu’augmenter mon désarroi : pourquoi les prêtres ne parlaient-ils que psychologie ? Aucune force humaine ne pouvait me sortir de là. En fait, mon médecin avait mieux compris ma situation lorsqu’il me parla de crise existentielle. Sur son conseil, j’ai lu un livre sur le bouddhisme. Là encore, il me semblait que je devais tirer de moi-même la force de passer au stade de l’esprit. Je ne pouvais pas. J’étais anéantie. Il fallait que la vie vienne à moi car je ne pouvais la susciter malgré tout le désir que j’en avais . J’avais parfaitement conscience de ma responsabilité envers mon fils de huit ans, très angoissé de ce qu’il vivait malgré mes efforts pour cacher mes problèmes et compenser au maximum.

 

Délivrance.

 Jésus a répondu à mon appel : je le sais maintenant car le hasard est devenu pour moi providence : « Pas un cheveu de votre tête ne tombe sans que je le veuille » . Ce n’est pas un hasard d’avoir trouvé un jour de vacances le pasteur d’une assemblée de Dieu, rencontré précédemment lors d’une réunion.

De cet entretien, je me rappelle :

° Jésus guérit, il peut vous guérir.

° Comment ?

° Quand je sème du blé, en fils de paysan, j’attends qu’il pousse. Je ne me demande pas comment il va pousser. C’est un fait d’expérience. De même, quand je prie Jésus, je sais qu’il répond. Je me place là sur un plan spirituel et non intellectuel.

En y réfléchissant maintenant, je réalise que je ne croyais plus alors à l’efficacité de la prière. Cet entretien fut le point de départ d’un renouveau pour moi.

Le retour de vacances fut difficile. Je me trouvais contrainte à m’absenter de plus en plus fréquemment de mon travail. Je m’y accrochais cependant pour ne pas sombrer. J’échappais de justesse à un accident de voiture que j’ai failli provoquer par ma faute. Alors, je réalisais que j’allais à la catastrophe. Face à moi-même, je me rendais compte avec une grande lucidité que j’avais un choix à faire. Deux possibilités se présentaient à moi. Je continuerai à lutter par mes propres forces tout en sachant que cela irait de mal en pis. Je pouvais aussi choisir le chemin de la vie. Je me détruis, pensais-je, parce que je ne peux vivre. J’ai envie de vivre . Alors je choisis la vie. C’est ainsi que je me déterminais pour Jésus, sans condition, prête à tout donner, mon indépendance entre autres, prête aussi à tout recevoir.

« Je n’en peux plus », c’est tout ce dont j’étais capable de dire. Je réalisais alors que la Parole de Dieu est efficace. Certaines citations de la Bible résonnaient en moi : « Dans la vallée de l’ombre de la mort » pour sûr, j’y étais. La suite du passage était moins évidente pour moi, bien que je l’ai mille fois entendue : « Tu es mon berger ». Ce jour-là, ce fut vrai. Je le sus dans tout mon être lorsque, à la suite de la prière, je ressentis une énergie vitale qui me donna force et consistance, puis un grand calme intérieur, puis la joie. C’était la première fois qu’on priait pour moi, avec conviction et non avec des formules, en résonance avec mes aspirations les plus profondes jamais exprimées. Ce qui était demandé se réalisait. C’était extraordinaire et merveilleux.

L’effet dura quarante-huit heures, puis les symptômes réapparurent. Je n’hésitais pas à retourner me désaltérer à la source. J’étais déterminée à continuer quoiqu’il arrive. En fait, j’ai osé réitérer ma démarche parce que la perche m’avait été tendue par le pasteur : « Dans votre état, il faudra prier plusieurs fois ». C’était l’expérience qui le disait. Tous les jours, les deux jours, j’ai ainsi demandé que l’on pria pour moi, cinq fois en une semaine. A chaque fois, la même énergie me donnait vie. Et ce dernier jeudi d’octobre, j’ai eu envie de m’associer à la prière d’un groupe charismatique catholique que je connaissais par ailleurs. Devant une assemblée nombreuse de cent ou cent cinquante personnes, j’exprimais tout haut l’assurance intérieure qui m’apparaissait : « Seigneur, je ne suis pas encore guérie mais je sais que tu vas me guérir et je t’en remercie ». Une prière murmurée en langues au centre de l’assemblée fut pour moi un soutien communautaire : ils savaient ce que je voulais dire et ils s’associaient  à ma prière et la soutenaient. Ce soir-là, à peine couchée, je sentis ma personnalité se remettre en place, en une fraction de seconde. Comme un puzzle, chaque partie de mon être prenait sa place : l’unité s’est faite en moi. J’entrais dans la réalité, j’étais bien. Et dès le lendemain, je dis à qui voulait l’entendre que j’étais guérie. « ça se voit », me répondit-on souvent. Et le dimanche, au lieu d’aller demander à l’assemblée la prière des frères, j’y ai rendu grâce à Dieu.

J’étais transformée. Ma situation n’avait en rien changée, elle ne m’écrasait plus. J’étais à l’aise dans ma peau comme jamais je ne l’avais été. Qu’il pleuve, qu’il vente, tout me réjouissait. La fatigue, physique que je continuais à ressentir, n’entachait nullement ma joie profonde. Je me disais en convalescence, voilà, c’est tout. Rien ne pouvait assombrir cette joie, même la grande souffrance provoquée par une de mes amies, qui, au lieu de se réjouir avec moi, me rejeta en m’accusant de mysticisme, ce dont elle avait peur pour elle-même, du moins l’ai-je compris ainsi et je ne lui en voulus pas.

 

Une vie en abondance.

J’avais demandé la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delà de ce que je pouvais imaginer : la vie éternelle. « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17,3). Je suis née à la vie de l’Esprit, je suis entrée dans l’univers spirituel ; le royaume de Dieu, dit Jésus. Ce fut une révélation pour moi. Il m’est arrivé ce que Jésus disait à Nicodème : « L’Esprit souffle où il veut. Tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Voilà ce qui se passe pour tout homme qui naît de l’Esprit ». La Trinité devenait une réalité aussi naturelle qu’avoir des parents. Jésus, par sa mort et sa résurrection, m’a tiré de la mort où m’entraînait le mal, pour me donner la vie éternelle en me réconciliant avec le Père. L’Esprit Saint qui les habite tout entier, ne faisant qu’un avec eux, m’anime de cette vie divine. « Celui qui doit vous aider, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit », a dit Jésus à ses disciples (Jean 17). Dieu se manifestait à moi aussi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimée au point où cet amour débordait de moi sur tous ceux que je rencontrais : j’aurais embrassé tout le monde si les convenances ne m’avaient retenue.

Simultanément, j’avais soif de connaître davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et, assez curieusement, je comprenais beaucoup de choses qui m’étaient jusque là restées hermétiques.

Comme tout nouveau-né qui s’ouvre à la vie, je devais poursuivre mes découvertes. Avec deux autres ménages, nous avons formé un groupe de prière interconfessionnel qui, du reste, grandit très vite. Nous sommes allé voir ailleurs ce qui se passait, nous avons suivi des sessions et pris de nouveaux contacts. Par la suite, des difficultés et des déviations ont surgi dans ce groupe et nous avons du prendre du recul.

 

Vivre dans l’Esprit.

Aujourd’hui, la conviction de me savoir sauvée, c’est-à-dire vivre dans le règne de Jésus-Christ ressuscité, entraîne chez moi une attitude positive. Chaque matin, j’ouvre mon être à l’Esprit qui renouvelle toute chose. Je ne peux prévoir ce que je vais découvrir, je deviens disponible et disposée à voir sa présence lors d’une rencontre, au sein d’évènements. Je ressens le besoin d’exprimer cela à voix intelligible en une courte prière de quelques minutes dans une attitude active.

La lecture des Ecritures est une nourriture. De temps en temps, tel passage résonne en moi ; d’autres fois, me revient à la mémoire un verset à propos d’évènements que je vis, une question que je me pose, et j’y vois là une réponse. Je sais aussi que si je prends les promesses de Jésus pour moi, elles se réalisent pour moi. Cela a été le cas, par exemple, en ce qui concerne la confiance en Dieu. « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront données par dessus » (Luc 12). Effectivement, je me suis rendu compte que mon être se transformait en considérant mes rêves ; ainsi dans un rêve représentant une scène de dévastation, je restais calme et sereine.

Jésus nous dit d’aimer notre prochain. Il nous aide à y parvenir. Il n’y a pas si longtemps, mon interlocuteur commençait  à m’énerver. Intérieurement, je dis : « Donne-moi de l’aimer, Seigneur » et je me rappelle que le plus petit est le plus grand dans le royaume des cieux, que Jésus a lavé les pieds de ses disciples. Et je réalisais ainsi que je devais être au service de celui  qui était là à côté de moi. Mon ressentiment disparut. Je m’intéressai à ce qui le préoccupait.

Je souhaite voir davantage comment Dieu se manifeste sous des formes bien diverses : à travers les autres, dans la nature, dans l’histoire. Après ces trois années de découverte, je m’aperçois que je marche à peine. Je suis heureuse de voir la vie éternelle devant moi comme en moi : c’est une louange constante que j’adresse au Seigneur, qui est en même temps adoration et contemplation.  Je lui rends grâce pour tout ce qu’il a fait pour moi.

Odile Hassenforder

Texte polycopié retrouvé dans ses archives

« Ma vision de Dieu a changé », p 27-36 dans : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent, 2011

Voir aussi : Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

 

 

 

 

Voir, dire et recevoir le bien

Face aux pensées négatives, Dieu nous visite et nous libère.

Méditation de Cécile de Broissia à propos du Cantique de Zacharie (1)

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         Cécile de Broissia nous introduit dans un univers relationnel porteur d’une vie pleine et abondante. Rejoignant d’autres contributions publiées sur ce blog (2), elle nous appelle à entrer dans la confiance et dans la bienveillance en voyant le bien, disant le bien, recevant le bien : « La première parole que Zacharie prononce s’adresse à Dieu pour le bénir, dire du bien de Lui. N’est-ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire qu’ils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisqu’il n’est qu’amour ». Dieu est à notre côté dans notre combat contre les pensées négatives qui font obstacle et viennent ternir notre vie. « Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cœur, que nous lui demandions se nous aider et par la brèche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis ».  Voilà une méditation qui vient à notre rencontre dans le concret de notre existence, une parole qui sonne juste et qui nous encourage.

J H

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Cantique de Zacharie (Luc 1, 67-79)

Zacharie, son père, fut rempli de l’Esprit Saint et prononça ces paroles prophétiques :

« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité son peuple pour accomplir sa libération.

Dans la maison de David, son serviteur, il a fait se lever une force qui nous sauve.

C’est ce qu’il avait annoncé autrefois par la bouche de ses saints prophètes :

Le salut qui nous délivre de nos adversaires, des mains de tous nos ennemis.

Il a montré sa miséricorde envers nos pères, il s’est rappelé son Alliance sainte :

Il avait juré à notre père Abraham qu’il nous arracherait aux mains de nos ennemis,

Et nous donnerait de célébrer sans crainte notre culte devant lui,

 Dans la piété et la justice, tout au long de nos jours.

Et toi, petit enfant, on t’appellera prophète du Très-haut,

Car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer le chemin,

Pour révéler à son peuple qu’il est sauvé, que ses péchés sont pardonnés.

Telle est la tendresse du cœur de notre Dieu.

Grâce à elle, du haut des cieux, un astre est venu nous visiter ;

Il est apparu à ceux qui demeuraient dans les ténèbres et l’ombre de la mort,

Pour guider nos pas sur le chemin de la paix. »

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         Zacharie vient de faire l’expérience du doute et de l’incroyance qui l’ont rendu muet. Quand il retrouve la parole, il partage aux autres ce qu’il a longuement contemplé dans le silence et sa parole jaillit en un chant de bénédiction et d’action de grâce.

La première parole que Zacharie prononce s’adresse à Dieu pour le bénir, dire du bien de Lui.  N’est ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire qu’ils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisqu’il n’est qu’amour.

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         Nous passons tous par des moments de doute, d’incroyance, de méfiance, de jalousie, de peur, de soupçon dans nos relations avec nous-mêmes, les autres et Dieu. Ces pensées négatives nous empêchent de vivre et nous font du mal, ce sont là nos ennemis intérieurs et nos adversaires qu’il nous faut combattre. Dieu est à notre côté dans notre combat. Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cœur, que nous lui demandions de nous aider et par la brèche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis.

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         Zacharie annonce un Dieu proche, incarné, qui s’intéresse à nous et vient nous visiter aujourd’hui comme il a visité autrefois son peuple. Tout à coup, il lui est donné de comprendre ce qui lui arrive et de relier son histoire personnelle à celle de son peuple. Comme Dieu a libéré son peuple de l’esclavage et conduit en terre promise, Dieu a libéré Zacharie de son incroyance et de son mutisme. Zacharie nous invite à relire notre histoire et à faire mémoire de toutes les fois où nous sommes visités. Dieu nous fait signe par un évènement, une rencontre, une joie, une épreuve…

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         Zacharie bénit encore le Seigneur : Il a montré sa miséricorde envers nos pères, il s’est rappelé son Alliance Sainte. Oui, Dieu est un Dieu bon et fidèle. Il est le seul en qui nous pouvons avoir totalement confiance car il ne nous oubliera jamais et nous relèvera même si nous l’oublions. Il nous l’a promis : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 20). Il nous a promis  de nous donner de célébrer sans crainte notre culte devant lui dans la piété et la justice tout au long de nos jours. Tout simplement vivre notre vie dans le réel de son existence en n’ayant pas peur, puisant notre force, notre courage de vivre, dans la certitude  que le Seigneur nous accompagne. Et pour avoir cette certitude de la présence de Dieu à nos côtés, il nous est bon de prendre un moment dans la journée pour nous relier à Dieu : prendre conscience et le remercier pour les bienfaits reçus des autres et aussi pour tout le bien qu’il nous a permis de faire. Accepter notre vie telle qu’elle est avec le bon et le moins bon, surtout avoir confiance en la bonté de Dieu pour nous tels que nous sommes et demander de l’aide pour être tout au long de nos jours plus humain,  plus vivant, plus aimant, plus juste avec nous-mêmes, les autres et Dieu.

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         Imaginons ensuite Zacharie, ce prêtre âgé, s’adressant à son enfant avec tendresse et le prenant dans ses bras. Et toi, petit enfant, on t’appellera prophète du Très-Haut.

Devenir tout petit pour laisser à Dieu toute sa place. Ne pas se prendre pour Dieu mais marcher devant le Seigneur pour lui préparer le chemin, pour révéler à son peuple qu’il est sauvé, que ses péchés sont pardonnés. Se  montrer tendre et bienveillant envers nous-mêmes, les autres et Dieu afin que chacun croie en lui-même, en les autres et en Dieu.

Croire et témoigner de la tendresse de Dieu qui ne nous abandonne pas à nos ténèbres et à nos chemins de mort et se laisser guider par Jésus, lumière intérieure, vers un chemin de paix.

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Cécile de Broissia

Le samedi 26 avril 2014, invitée sur le blog : « Au bonheur de Dieu », animée par Michèle Jeunet, Sœur Michèle au Cénacle de Versailles.

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(1)            Méditation du Cantique de Zacharie, sur le blog « aubonheurdedieu-soeurmichele » : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-invite-es-cecile-de-broissia-11-cantique-de-zacharie-123445316.html

(2)            Voir aussi sur le blog : Vivre et espérer : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand. Lytta Basset : Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842      

               « Développer la bonté en nous, un habitus de bonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1838                 

               « Quelle est notre image de Dieu ? » : https://vivreetesperer.com/?p=1509                                                

               « Comme les petits enfants » : https://vivreetesperer.com/?p=1640                                                 

               « Entrer dans la bénédiction » : https://vivreetesperer.com/?p=1420                                                      

               « La beauté de l’écoute » : https://vivreetesperer.com/?p=1219

 

Voir aussi une autre méditation de Cécile de Broissia présentée sur le site de Témoins : « Une invitation à la confiance. Annonce à Zacharie » : http://www.temoins.com/ressourcement/une-invitation-a-la-confiance-annonce-a-zacharie

 

Contempler la création

Louez l’Eternel du bas de la terre, Monstres marins et vous tous abimes :
Feu et grêle, neiges et brouillards ;
Vents impétueux qui exécutez ses ordres ;
Montagnes et toutes les collines ;
Arbres fruitiers et tous les cèdres ;
Animaux et tout le bétail ;
Reptiles et oiseaux ailés ;

Qu’ils louent le nom de l’Eternel
Car son nom seul est élevé ;
Sa majesté est au dessus de la terre et des cieux

Psaume 148 7-10,13

Dans cette séquence (1), frère Richard Rohr partage sur la manière de « voir » et de percevoir Dieu dans les formes de la nature sur la base d’une spiritualité incarnée.

10 octobre 2021
Contempler la création

 La spiritualité de la création a ses origines dans les Écrits hébraïques tels que les psaumes 104 et 148. C’est une spiritualité qui est enracinée, en premier, dans la nature, dans l’expérience, et dans le monde tel qu’il est. La riche spiritualité hébraïque a formé l’esprit et le cœur de Jésus ».

Richard Rohr fait remarquer alors combien nous sommes habitués à penser la religion en terme d’idées, de concepts et de formules trouvés dans des livres. « Ce n’est pas là où la religion commence. Ce n’est pas la spiritualité biblique. Celle-ci commence en observant ce qui est ».

Paul écrit : « Déjà depuis la création du monde, l’essence invisible de Dieu et sa puissance éternelle ont été vues clairement par la compréhension de l’esprit des choses créées » (Rom 1.20). Nous connaissons Dieu à travers les choses que Dieu a faites. La première fondation de toute vraie vision religieuse est tout à fait simplement d’apprendre à voir et à comprendre ce qui est ».

Or, selon Richard Rohr, « la contemplation, c’est rencontrer la réalité dans sa forme la plus simple et la plus directe, sans jugement, sans explication et sans contrôle ».

Richard Rohr nous appelle à voir dans le monde les « vestigia Dei », ce qui signifie les empreintes de Dieu. Apprendre à aimer pour voir. « Nous devons commencer avec une pierre. Puis nous passons de la pierre au monde végétal et nous apprenons à apprécier les choses qui grandissent et à voir Dieu en elles. Peut-être, une fois que nous pourrons voir Dieu dans les plantes et les animaux, nous pourrons voir Dieu dans nos prochains. Et puis, nous pourrons apprendre à aimer le monde. Et puis quand tout cet amour aura pris place, quand ce regard sera advenu, quand de telles personnes viendront à moi et me diront qu’elles aiment Jésus, j’y croirais. Elles sont capables d’aimer Jésus. Leur esprit est préparé. Leur esprit est libéré et il a appris à voir et à recevoir, comment rentrer en soi et en sortir. De telles personnes pourraient bien comprendre comment aimer Dieu ».

 

La dance de la vie

Richard Rohr voit en François d’Assise comme un premier exemple de quelqu’un qui a découvert en lui-même la connexion universelle de la création. Il nous fait part d’un apport de Sherri Mitchell sur la sagesse de s’accorder dans l’harmonie de la réalité.

« Chaque chose vivante a son propre chant de la création, son propre langage et sa propre histoire. En vue de vivre harmonieusement avec le reste de la création, nous devons vouloir écouter et respecter toutes les harmonies en mouvement autour de nous ». C’est faire appel à tous nos sens pour envisager le monde. « Quand nous vivons comme des êtres disposant de plusieurs sens, nous découvrons que nous sommes capables de comprendre le langage de chaque chose vivante. Nous entendons la voix des arbres et nous comprenons le bourdonnement des abeilles. Alors nous commençons à réaliser que c’est la substance inter-tissée de ces rythmes flottants qui nous tient dans un équilibre délicat avec toute vie. Alors notre vie et notre place dans la création commencent à faire sens d’une manière complètement nouvelle.

Sherri Mitchell nous raconte ensuite une expérience de cet ordre.

Dans une chaude journée d’été, dans un état méditatif, elle a remarqué le minuscule rampement d’une fourmi près d’un brin d’herbe.

« Comme j’observais la fourmi en train de bouger, son petit corps a commencé à s’illuminer. Puis le brin d’herbe sur lequel il marchait s’est lui aussi éclairé. Comme j’étais là et j’observais, tout l’endroit qui m’entourait a commencé à s’éclairer. J’étais assise, m’émerveillant tranquillement devant cette vue nouvelle, sans bouger de peur de la perdre. Pendant que j’étais assise là, respirant avec le monde autour de moi, les fermes lignes de mon être ont commencé à s’estomper. Je me suis sentie en expansion et en train de me fondre avec tout ce que j’observais. Soudain, il n’y avait plus de séparation entre moi, la fourmi, l’herbe, les arbres et les oiseaux. Nous respirions avec la même respiration. J’étais envahie par ce sens de parenté tellement beau et complet avec toute la création… ».

 

Sentir la nature

Richard Rohr nous convie à expérimenter une vie en pleine nature.

A l’exemple de François d’Assise, il a lui-même vécu quelques moments d’ermitage dans la nature. Il raconte comment il a découvert ce qui se passait chez les animaux et dans les arbres. Combien nous perdons lorsque nous sommes coupés de la nature… « Mes temps d’ermitage m’ont resitué dans l’univers de Dieu, dans la providence et dans le plan de Dieu. J’ai eu le sentiment d’être réaligné avec ce qui est. J’appartenais et donc j’étais sauvé… »

« Quand nous sommes en paix et que nous ne y opposons pas, quand nous ne sommes pas en train de fixer et de contrôler le monde, quand nous ne sommes pas remplis de colère, tout ce que nous pouvons faire est de commencer à aimer et pardonner. Rien d’autre ne fait sens lorsque nous sommes seuls avec Dieu. Il n’y a rien qui vaille de retenir parce qu’il n’y a rien d’autre dont nous ayons besoin. Je pense que c’est dans cet espace de liberté que le réalignement advient. François vivait un tel alignement… ».

 

Les cercles sacrés

Richard Rohr voit la Trinité comme un « cercle de danse » d’amour et de communion mutuelle. « Ceux d’entre nous qui ont grandi avec la notion trinitaire de Dieu communément répandue, voient la réalité consciemment ou inconsciemment, comme un univers en forme de pyramide, avec Dieu au sommet d’un triangle et tout le reste en dessous. Mais c’est exactement ce que la Trinité n’est pas. Les premiers Pères de l’Eglise disaient que la métaphore la plus proche pour envisager Dieu, c’était un cercle de danse de communion. Ce n’était pas une situation hiérarchique, monarchique ou une pyramide.

Richard Rohr cite alors Randy Woodley, un théologien d’origine Cherokee (tribu indienne). « Notre modèle de la relation à toute chose est un simple symbole utilisé par les autochtones américains : le cercle. L’harmonie dans le genre de vie est souvent entendue en terme symbolique de cercle ou de cerceau ». Rassemblons-nous… faisons un cercle… Le cercle n’a ni début, ni fin et on peut y entrer n’importe où et n’importe quand. « Quand nous nous rassemblons dans un cercle, la prière a déjà commencé… Nous nous rassemblons l’un avec l’autre et avec le Grand Mystère même sans qu’un mot ait été dit ».

Randy Woodley nous introduit dans le symbolisme pour les peuples autochtones et pour la terre elle-même.

« Dans presque toutes les tribus autochtones d’Amérique du Nord, le cercle ou le cerceau est considéré comme un symbole de la vie. Ce symbole est une puissante représentation de la terre, de la vie, des saisons, des cycles de maturité etc… ».

 

Une prière centrée sur la création

« La nature spirituelle de la Création a toujours été là depuis le Big Bang… L’Esprit et la matière ont été un depuis que Dieu a décidé de se manifester ».

« Le Christ est partout. La planète entière est ointe et messianique. Tout porte le mystère du ChristQuand nous apprenons cela, nous sommes en communion. ». Nous sommes en communion lorsque nous allons à l’église… Nous  sommes en communion dans la pause de la salle de bain. Nous sommes en communion quand  nous sommes dans la nature.

Richard Rohr convie une sœur franciscaine, José Hobday à s‘exprimer. Elle écrit comment elle a appris à « prier sans cesse » à partir de la spiritualité autochtone de sa mère qui honorait le sens d’être en communion, en harmonie constante, d’être avec Dieu en toutes choses. « Ma mère priait comme une américaine autochtone. Cela signifie qu’elle se voyait priant en vivant et vivant en priant. Elle essayait de prier sa vie. Elle exprimait, par exemple sa prière de gratitude dans la manière dont elle faisait les choses : Quand vous remuez les flacons d’avoine, faites le lentement de manière à ne pas oublier que les flacons d’avoine sont un don et qu’il ne faut pas les prendre pour acquis. Elle faisait les choses en priant. Elle priait même en marchant… Elle m’enseignait à marcher doucement sur la terre parce que la terre est notre mère. Quand nous marchons, disait-elle, nous devrions être prêts à entrer dans chaque mouvement de beauté que nous rencontrons ».

Qu’est-ce que Richard Rohr a appris de la spiritualité américaine autochtone ? « D’abord à faire que ma prière soit centrée sur la création. Les indiens prient comme étant en famille avec la création. Dans notre prière, nous pourrions penser aux créatures… et à leur relation avec la création. C’est ce que les américains autochtones ont fait. Cela ne les a pas seulement gardés en contact avec la création, mais aussi bien avec le Créateur.

 

Révérer la création et le Créateur

Pour Richard Rohr et la tradition franciscaine, l’incarnation est au cœur d’une spiritualité affirmant la création. Nous rencontrons Dieu dans la création parce que nous rencontrons Dieu partout. Au lieu d’être une barrière à la vie spirituelle, la création est une porte. Les gens qui vivent en relation profonde et harmonieuse avec la nature ont toujours su cela. Richard Rohr a trouvé, dans ses conversations avec des anciens autochtones, une perspective sur la nature de la réalité qui commence avec un éclairage sur la nature du Créateur. Et il cite à ce sujet, un verset de l’épitre aux romains (1. 19-20) : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, étant considérées dans ses ouvrages… ». « L’Ecriture est cohérente avec la vision du monde indigène que la nature du Créateur est visible dans la création. Qu’est- ce que la création nous dit de la nature de Dieu ? Les peuples indigènes ont été accusés d’animisme, c’est à dire d’adorer la création plutôt que le Créateur. Mais, en réalité, le fondement de la spiritualité indigène, c’est la révérence… La révérence, c’est un profond respect. Le Créateur est évident dans la création qui nous entoure. Je puis voir cela et en faire l’expérience avec mes sens… L’humilité, c’est reconnaître que je ne suis pas séparé de la création. Je fais partie du tissu de la vie. J’ai appris que cette dépendance mutuelle est un don. La vie est un don ».

J H

  1. Center for action and contemplation. Contemplating creation : https://cac.org/contemplating-creation-2021-10-10/

Voir aussi sur ce blog:
L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Enlever le voile: https://vivreetesperer.com/enlever-le-voile/
La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/

Et la présentation du livre de Richard Rohr: The divine dance:
https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/

 

Se sentir aimé de Dieu

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         Se sentir aimé, c’est une des conditions du bonheur.

Dans un article sur « psychologies.com » (1) : « Etre aimé pour être heureux », Hélène Fresnel énonce ce que nous savons déjà dans notre expérience intime : « Etre aimé, c’est une nécessité, un fondement de notre identité… Parce que nous sommes incapables de nous aimer, l’amour de l’autre justifie notre existence »… « Le fait d’être aimé entretient un sentiment de continuité dans l’existence… Nous sommes menacés de nous désintégrer face aux difficultés et à la dureté du monde. L’amour de l’autre nous permet de ne pas nous dissocier, de ne pas nous défaire…C’est un besoin existentiel qui évolue et perdure parce qu’il justifie plus que n’importe quoi d’autre la nécessité de notre existence. Nous n’avons plus à nous interroger : « Pourquoi suis-je là ? ». Et de citer le philosophe Maurice Merleau-Ponty : « C’est l’autre qui me donne mon visage. L’autre nous a reconnus pour ce que nous sommes… ». Mais, en même temps, on le sait, en fonction d’un passé douloureux, des obstacles comme la crainte et la peur de l’abandon, peuvent faire obstacle.

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         A travers la parole de Jésus, Dieu s’adresse à nous. Jésus vit en relation à Dieu comme celle d’un fils à un père aimé, un papa (« abba »), et il peut donc nous parler de Dieu comme Celui qui est constamment présent, en qui on peut avoir une totale confiance (Luc 6. 25-34), un Dieu qui nous aime et vient à notre rencontre. Et d’ailleurs, Jésus lui-même incarne cet amour divin et nous appelle à aimer les autres, répondant ainsi au grand besoin d’être aimé qui est inscrit au cœur de l’homme.

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         Cette expression de l’amour de Dieu peut rencontrer des obstacles tant dans notre psychisme que dans une représentation de Dieu (2), qui s’est écartée de l’Evangile et fait barrage à travers un inconscient collectif. Ainsi, pour lever ces obstacles, nous avons parfois besoin d’être aidé à percevoir les empêchements qui s’interposent.

Dans son blog : « Au bonheur de Dieu » (3),  Michèle Jeunet,  Sœur Michèle au Centre spirituel Notre-Dame du Cénacle à Versailles, sait apporter les éclairages et poser les bonnes questions qui permettent de dissoudre les obstacles et d’ouvrir notre compréhension. Ainsi dans ce texte à propos de l’Evangile de Luc (15.1-9) : « La conversion, est un changement de regard » (4), elle nous aide à recevoir personnellement le message de Jésus.

« L’Evangile est porteur de bonnes nouvelles pour notre vie ». Ce n’est pas rien d’entendre et de ressentir que nous sommes vraiment aimé par Dieu. « Je suis sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé et il n’a de cesse de me chercher, de me trouver, de me retrouver ».

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J H

La conversion est un changement de regard.

Dans l’Evangile selon Luc au Chapitre 15, verset 1 à 9

1 Cependant tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de lui pour l’entendre.

2 Et les pharisiens et les scribes de murmurer : « Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mangent avec eux.

3 Il leur dit alors cette parabole :

4 « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis, et vient à en perdre une, n’abandonne les 99 autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ?

5 Et quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux sur ses épaules

6 et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue !

7 C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes ; qui n’ont pas besoin de repentir.

8 « Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle l’ait retrouvée,

9 Et , quand elle l’a retrouvée, elle assemble amis et voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, la drachme que j’avais perdue !

Quelle joie de pouvoir être auditeurs de l’Evangile comme nous le sommes !

Quelle  joie de pouvoir nous glisser dans ce groupe de publicains et de pécheurs et comme eux s’approcher et écouter une parole où Jésus nous dit la valeur du prix que nous avons aux yeux de Dieu.

Et oui, ces deux paraboles, comme la troisième bien connue, dite du « fils retrouvé », nous disent d’abord le prix que nous avons aux yeux de Dieu.

 

Elles nous comparent à une brebis, une pièce d’argent et un enfant.

Ces comparaisons disent toutes les trois, à leur manière, une richesse et ue valeur qui ne doivent pas se perdre et qui demandent de tout mettre en œuvre pour être retrouvées.

Et, à chaque fois, cette valeur ou richesse est unique, car pour Dieu, chacun, chacune de nous est sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé !

Qu’il est meilleur le regard de Dieu sur nous si nous le comparons à celui que nous avons sur nous même !

C’est pourquoi l’Evangile est une bonne nouvelle. C’est pourquoi l’appel à la conversion est un appel à changer notre regard. En fait, c’est faire un échange : renoncer au nôtre et accueillir celui de Dieu. Je suis sa brebis préférée, sa pièce précieuse, son enfant bien aimé et il n’a de cesse de me chercher, de me trouver, de me retrouver.

 

L’autre lieu de conversion est donc aussi un appel à transformer nos images de Dieu. Sont-elles en coïncidence avec ce qui nous est révélé ici de Dieu ?

Dieu comme un berger qui court à ma recherche, qui me met sur ses épaules.

Dieu comme une femme qui allume une lampe pour me chercher sans se lasser.

Dieu comme un père qui fait la fête à l’enfant retrouvé que je suis.

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Oui, c’est bien de bonnes nouvelles pour notre vie dont l’Evangile est porteur. Laissons-nous libérer par elles. Ce sont elles qui peuvent dilater notre cœur et transformer quelque chose en nos vies.

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Michèle Jeunet . Sœur Michèle, Centre spirituel Notre-Dame du Cénacle.

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(1)            Sur le site : « psychologies.com » : Hélène Fresnel. Etre aimé pour être heureux http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Bonheur/Articles-et-Dossiers/De-quoi-avons-nous-besoin-pour-etre-heureux/Etre-aime-pour-etre-heureux

(2)            Sur ce blog : « Quelle est notre image de Dieu ? ». Réflexion de Michèle Jeunet à propos d’une intervention de Thierry Bizot, éditeur du livre : « Catholiques anonymes » d’où a été tiré le film »Qui a envie d’être aimé ? » https://vivreetesperer.com/?p=1509

(3)            aubonheurdedieu-soeurmichele : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/

(4)            Le texte : « La conversion  est un changement de regard » est emprunté au blog de Sœur Michèle : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-la-conversion-est-un-changement-de-regard-100069508.html

On pourra lire aussi sur ce blog :

« Geste d’amour » (Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie) https://vivreetesperer.com/?p=1204

« Lorsque Dieu nous parle de bonheur » (Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie) https://vivreetesperer.com/?p=205

« La beauté de l’écoute » https://vivreetesperer.com/?p=1219

« Dieu suscite la communion » https://vivreetesperer.com/?p=564