Incroyable, mais vrai ! Comment « Les Incroyables Comestibles » se sont développés en France

Interview de François Rouillay

En 2008, dans la ville anglaise de Todmorden, des gens ont commencé à planter et à cultiver des fruits et des légumes pour les mettre à la disposition de tous (1). Ce mouvement : « Incredible Edible » prend une grande ampleur et suscite un nouveau genre de vie. En 2011, François Rouillay découvre cette innovation et suscite, dans sa commune, Colroy-la-Roche en Alsace, une démarche analogue, un mouvement du cœur. Des gens se mettent à planter des fruits et légumes pour les partager avec tout le monde. A toute allure, ce mouvement : « les Incroyables Comestibles » se diffuse et se répand dans toute la France.

Au cœur de ce processus, François Rouillay témoigne de cette aventure et de l’esprit dans laquelle elle se développe. « Chacun est appelé à faire sa part ». « Soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde ». C’est un « nouvel art de vivre, de produire et de consommer localement, de s’entraider, d’être dans un mouvement joyeux et solidaire, intergénérationnel ». L’expérience de Todmorden est relatée dans un livre récent (2). L’innovation se déploie sur un site internet : « Les Incroyables Comestibles. Bienvenue sur le site de l’abondance partagée » (3). Passer du chacun chez soi, du chacun pour soi, à un mouvement de partage où une créativité collective s’exprime en plantant et en cultivant des fruits et légumes pour les mettre à la disposition de tous, est-ce un rêve généreux, mais irréalisable ? L’expérience prouve que c’est une vision qui se réalise lorsque des gens prennent l’initiative, deviennent acteurs révélant ainsi des aspirations collectives qui se mettent en marche. « C’est un mouvement où des citoyens changent de regard, se prennent en main et se décident à créer ce nouveau monde, ce meilleur et à en faire l’expérience ». Ecoutons, à travers cette vidéo (4), le témoignage concret et émouvant de François Rouillay, cofondateur des « Incroyables comestibles ». Quelques notes extraites de cette interview nous aideront à poursuivre notre réflexion. Incroyable, mais vrai !

 

Comment l’aventure a commencé

 François Rouillay se présente comme « un père de famille » avec une passion particulière pour le jardinage et une autre passion : le partage, les démarches collectives qui rendent possible notre art de vivre sur les territoires, dans les communes, dans les villages, par l’échange, le dialogue, le partage. C’est ici à Colroy-la-Roche que nous avons commencé l’aventure, l’heureuse aventure des « Incroyables comestibles » au mois d’avril 2012… Dans cette maison, les enfants ont construit le premier bac de fruits et légumes à partager, un bac qui se trouve devant la maison. Et ce bac a suscité la création d’un autre bac par un voisin. Et puis un autre voisin a fait la même chose. Et puis le village d’à coté s’est engagé lui aussi… Maintenant on se développe dans toute la France et à l’étranger. Les « Incroyables Comestibles », c’est une démarche des gens, un mouvement du cœur et du partage dans des communes où on va planter des fruits et légumes, les cultiver et les offrir en partage à tout le monde. Et quand on devient collectif, on peut transformer les espaces urbains en jardins d’abondance puisqu’on en plante le plus possible partout.

C’est une démarche qui nous est venue d’Angleterre puisque tout a commencé en 2008 à Tormorden, près de Manchester, dans le nord de l’Angleterre, une petite ville dans une période difficile de désindustrialisation. Au mois de décembre 2011, je faisais de la veille sur la sécurité alimentaire, les populations et j’essayais de trouver des solutions au niveau collectif et j’ai découvert un article anglais sur cette nouvelle méthode. J’ai fait des recherches. Et j’ai découvert qu’on n’en parlait absolument pas dans la presse française. Cela faisait trois ans que cela existait et pas un mot dans la presse française. J’ai été stupéfait de voir qu’une méthode qui fonctionne, qui fonctionne tellement bien que Todmorden s’est développé dans 35 communes en Angleterre avec le soutien du prince Charles et que les gens sont ravis, restait inconnue chez nous. Rien en France. Et donc on s’est réuni en famille avec quelques amis. Et on s’est dit : c’est génial. Il faut le faire. Donc, on s’est lancé dans l’aventure. C’est comme cela qu’on a expérimenté ce mouvement qui est un mouvement collectif, citoyen, un mouvement qui vient des gens. Et on a commencé à le faire devant cette maison. Comme disait Gandhi, soyez le changement que vous voulez voir dans le monde,  on a commencé par nous même.

 

Colroy-la-Roche : les étapes d’un processus

 Le principe pour réaliser cette démarche citoyenne est très simple. On l’a expérimenté à Colroy-la-Roche. Même une seule personne peut démarrer. C’est étonnant ! Parfois, il y a des groupes qui démarrent à 30 ou 40, mais il y a des communes où cela a démarré avec une seule personne.

Quand on a démarré à Colroy la Roche, mon épouse a accepté de lancer l’appel de Colroy. L’étape 1, c’est de se prendre en photo durant la pancarte de la commune. On se prend en photo devant le panneau avec le visuel : Nourriture à partager : Incroyables Comestibles France. Et puis on prend aussi des râteaux, des binettes, des outils de jardinage, des arrosoirs. Et on prend aussi quelques fruits et légumes. Cette étape est très importante parce que c’est le point de départ d’un processus où les citoyens vont changer de regard. Ils vont acter l’intention délibérée d’engager un processus collectif sur le territoire, et cela dans le respect de la loi, dans une démarche de pacification. C’est autorisé à tout le monde de se prendre en photo devant une pancarte. C’est une démarche bienveillante.

On passe ensuite à l’étape 2. On va partager la photo sur les réseaux sociaux, sur un blog, sur un site internet et lancer l’appel aux autres à participer. Donc l’étape 2, c’est de la communication. Aujourd’hui, on la relaie en faisant passer l’information sur le site des « Incroyables Comestibles. France » et à nos amis anglais de Todmorden. Il y a une carte mondiale et, sur cette carte, on place une petite balise de la commune où des citoyens se lancent. On passe du local au global. Les gens se relient entre eux. Si en plus, on associe la presse quotidienne régionale, la radio, les gens autour de vous peuvent découvrir qu’il y a une démarche collégiale et ils proposent de vous rejoindre. C’est ce qui se passe régulièrement.

Ensuite, l’étape 3. Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. On commence par soi-même. Chacun est invité à faire sa part. On met un bac devant la boite à lettres sur l’espace privé ouvert au public. Certaines personnes n’ont pas d’espace devant. Elles placent une jardinière sur le balcon. Dans un logement collectif, il n’y avait devant que 50 cm de terre avec des buissons. Des mamans et des enfants ont planté des framboisiers, avec : « nourriture à partager » et une petite information. Alors des voisins ont demandé : « Qu’est ce qui se passe ? ». « Oui, c’est sympa ! » Les gens se mettent à parler… Voilà l’étape numéro 3. Chacun fait sa part.

On arrive à l’étape 4. On passe à la dimension collective. On va organiser une réunion publique dans la salle des fêtes. On va sur des marchés. On va créer l’événement en allant à la rencontre des autres pour faire monter le mouvement collectif, ce mouvement citoyen. Et quand on arrive à susciter une certaine dynamique dans la commune, généralement les élus en ont entendu parler et souvent les conseils municipaux viennent à la rencontre.

Et dans l’étape 5, on tente de rallier le conseil municipal de manière à ouvrir l’espace public pour transformer la ville en parcours potager libre et gratuit.

Aujourd’hui, neuf mois auprès le début de l’action, les « Incroyables Comestibles » fleurissent partout en France. On enregistre plus d’une action par jour en France et dans le monde. C’est tellement sympathique, c’est tellement efficace, un véritable retour au bon sens de produire et de consommer localement, que parfois, le même jour, tout se met en place jusqu’au maire et au conseil municipal qui viennent en soutien et qui proposent de coopérer ».

François Rouillay nous fait part ensuite de belles expériences dans son département, mais aussi dans d’autres régions de France. Il nous raconte des initiatives en arboriculture pour remettre en circuit des anciennes espèces et créer des vergers citoyens. Il nous rapporte une dynamique à laquelle des enfants participent activement : « Ces enfants ouvrent une voie pour ce nouvel art de vivre, de produire et consommer facilement, de s’entraider, d’être dans un mouvement joyeux et solidaire, intergénérationnel ».

 


 

Changer de système. De la pénurie à l’abondance

 

Dans un contexte de déclin industriel, les anglais à Todmorden ont intitulé le mouvement : « Incredible Edible Unlimited ». Il y a là une ambition : un horizon illimité. « Le cités industrielles en déclin renaissent de leurs cendres et se disent illimitées. La créativité est illimitée. On peut passer d’un système de pénurie à un système d’abondance. Tout cela par un simple changement de regard. Les anglais nous expliquent qu’ils ont quitté la croyance erronée qu’ils étaient victimes de génération en génération, et, du jour au lendemain,  en abandonnant le système de peur de l’autre, de peur du lendemain qui conduit à la loi du plus fort, de la compétition qui, on le voit bien, génère de l’exclusion, on quitte l’ancien système qui ne fonctionne plus et qui est en bout de course pour entrer dans un nouveau système qui est inclusif, accessible à chacun. Les handicapés, les enfants, les personnes âgées peuvent participer de manière simple à créer de l’abondance… C’est facile à comprendre : vous prenez une semence de comestible, vous la plantez dans le sol, la terre vous en rend cent fois plus. Vous en plantez mille, elle en rend cent mille. Et si vous êtes 15 000 à le faire le même jour, qu’est ce qui se passe ? Et bien, c’est ce qui s’est passé à Todmorden. Et aujourd’hui, c’est ce que nous mettons en place dans nos villes : 1 000 pommiers en une journée. Nous invitons les habitants à créer l’abondance sur les territoires. On a une démarche citoyenne qui est très simple : Nourriture à partager… Servez-vous librement ! C’est gratuit ! »

 

Changer de regard

        

Un petit logo représente un haricot qui germe. « C’est une invitation à une prise de conscience. De génération en génération, on nous a transmis cette croyance erronée qui est la peur du manque. Moi-même, j’ai perçu cela. Et donc, j’ai un tas d’exemples. Aujourd’hui, on s’aperçoit que c’est complètement faux. La terre est généreuse. On plante une graine. La terre nous en rend cent fois plus. Quand vous avez changé de regard et que vous avez commencé à faire l’expérience, vous voyez le monde totalement différent ».

Il y a une grande crise économique et financière en Europe. Il y a des collectivités entières avec des taux de chômage très élevés. Des populations ne profitent pas des bienfaits de la terre. « Si vous changez le regard, et que vous faites le lien entre ces populations et la terre, on peut passer de la pénurie à l’abondance. C’est ce que Todmorden a fait puisqu’en 4 ans. Todmorden est arrivé à 83% d’autosuffisance alimentaire. Maintenant, on peut le faire en 10 mois parce que Todmorden partage son expérience gratuitement avec tout le monde.

Le meilleur est à venir. Pourquoi ? Parce que nous avons décidé de le créer et de le vivre ensemble. En nous connectant et en nous reliant les uns aux autres avec la terre, nous en faisons l’expérience ici et maintenant.

 

Les enfants sont nos guides

 

La raison pour laquelle ce mouvement se développe partout et sans frontières, c’est que c’est simple à réaliser et que la terre est généreuse, si simple que même les enfants peuvent le faire.

Et les enfants aiment le faire. On dit que les enfants sont nos guides. Pourquoi les enfants sont nos guides ? Parce que quand vous confiez à des enfants la responsabilité de planter des semences pour faire un jardin à partager, les enfants vont jusqu’au bout.

D’abord, ils s’émerveillent de manière naturelle. Ils s’émerveillent de voir que cela pousse. Ils trouvent cela merveilleux. Ils vont arroser toutes les semaines.

Ce qui est extraordinaire, c’est que pour l’enfant lorsqu’on lui dit, c’est pour partager, il le croit immédiatement. Pour l’enfant, le partage, c’est quelque chose de naturel. L’abondance dans la nature est un phénomène naturel. C’est un changement de regard.

 

Fêter l’abondance. Partager un repas

 

Nos amis anglais nous disent : « Célébrate ! ». Faites la fête de l’abondance. Et, pour cela, il n’y a rien de mieux que de partager des fruits et des légumes, en mangeant ensemble. L’assiette, le repas, c’est ce qui nous unit ». François Rouillay évoque l’expérience des « soupes du partage ». On apporte ce qu’on a. « Ceux qui savent cuisiner vont apprendre aux autres à faire de délicieux potages ».

 

Une économie de proximité

 

Qu’est ce que vont penser les maraîchers locaux ? Vont-ils craindre une concurrence ? « Et bien non, c’est tout le contraire. Actuellement, nous sommes soutenus par les maraîchers locaux parce ce que c’est par le changement de regard qu’on va réactiver les circuits courts ». A Todmorden, l’économie est repartie. On recrée des emplois. Le changement repose sur trois plaques tournantes : la communauté (la participation citoyenne), l’éducation et la pédagogie avec en  priorité les enfants, l’économie locale. Si on relie ces trois pôles, « vous avez un cercle vertueux, un système complètement évolutif et accessible à chacun ».

 

Un horizon nouveau

 

«  La terre peut nourrir tous ses enfants sans problème. On se redonne un avenir. On se recrée un monde du possible, un monde de gentillesse, de bienveillance. Non nous ne sommes pas emprisonnés dans la pénurie. Nous sommes créateurs de ce monde où on peut vivre dans une forme d’abondance partagée.

Pierre Rabhi nous parle de « sobriété heureuse ». Il parle des 3 H : humus, humilité, humanité. C’est cela notre leitmotiv : guérir la terre, recréer l’humus et, en humilité, nourrir l’humanité ».

 

La montée d’une conscience nouvelle

 

Dans notre société en mutation où les menaces abondent, il est bon de mettre en évidence des courants et des mouvements à travers lesquels la collaboration et la solidarité se manifestent (5). Ce sont là des signes qui nous encouragent et nous éclairent. Le mouvement : « Incroyables Comestibles » fait partie de ces changements qui débouchent sur un nouveau genre de vie et qui témoignent d’une transformation en profondeur des mentalités. François Rouillay met en évidence la portée de ce changement. C’est à la fois une nouvelle forme d’économie fondée sur le partage et un nouveau genre de vie. Mais c’est aussi une conception nouvelle du monde. Ici, ce n’est plus la force et l’exclusion qui dominent, c’est la collaboration et l’inclusion (6). Ici l’homme ne se prétend plus maître et seigneur de la nature (7), mais il la respecte et considère avec reconnaissance les bienfaits d’une « terre généreuse » et le potentiel d’abondance qui lui est ainsi offert.

 

Nous voyons également dans ce mouvement une signification spirituelle qui transparaît dans cette interview à de nombreuses reprises. « Comme disait Gandhi, soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde ». Cette réalité spirituelle est particulièrement sensible chez les enfants qui y sont prédisposés (8). François Rouillay nous montre comment les enfants participent avec enthousiasme à ce mouvement : « Ils s’émerveillent de manière naturelle… Pour eux, le partage, c’est quelque chose de naturel. L’abondance dans la nature est un phénomène naturel. C’est cela le changement de regard ».

Toutes ces observations évoquent pour nous le message des évangiles. Jésus ne donne-t-il pas les enfants en exemple ? Ne nous montre-il pas un Dieu qui exprime sa bonté dans la profusion de la nature ? Ne nous invite-t-il pas à une convivialité fraternelle dans des repas partagés ? Certes ce message a souvent été perdu de vue dans un héritage religieux en osmose avec une société menacée par la mort et marquée par la domination, la répression et l’exclusion. François Rouillay évoque le souvenir du manque présent encore aujourd’hui, mais en remontant dans le passé, on y rencontre des famines. Ainsi, si nous vivons aujourd’hui dans une période difficile, il y a néanmoins une évolution des esprits qui permet l’éclosion d’un nouveau genre de vie. Les mentalités évoluent. Ainsi reconnaît-on davantage aujourd’hui les dispositions positives et un chercheur comme Jérémie Rifkin a pu écrire un livre sur la reconnaissance et le développement de l’empathie (9). Si le christianisme occidental a été pollué pendant des siècles par l’idéologie mortifère du péché originel, une transformation intervient là aussi. A cet égard, le livre de Lytta Basset : « Osons la bienveillance » est particulièrement éclairant (10). En prenant en exemple certains épisodes de la vie de Jésus, elle nous montre comment la bienveillance peut s’exercer et se répandre aujourd’hui. Et cette vertu est bien présente dans le mouvement des « Incroyables comestibles ». Dans le contexte de notre réflexion personnelle, nous percevons  dans la dynamique de ce mouvement une inspiration de l’Esprit telle qu’elle nous est décrite par Jürgen Moltmann, théologien de l’Espérance (11). « Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion… L’« essence » de la création dans l’Esprit, c’est la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font reconnaître l’« accord général » ». La création et le développement des «Incroyables comestibles » nous apparaît comme un phénomène émergent. Moltmann apporte un éclairage sur la signification de l’émergence en y voyant un processus d’« auto-organisation » de la vie, un « saut qualitatif ». Il y perçoit «  une présence de l’Esprit divin qui pousse vers la transcendance et qui, dans l’apparition de nouveaux ensembles, anticipe la réalité future dans le Royaume de Dieu ».

Les « Incroyables Comestibles » nous apparaissent comme une remarquable « innovation sociale qui revêt une vraie portée socio-politique et socio-culturelle. Bien sûr, dans la crise de grande ampleur à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, cette approche ne résout pas tous les problèmes. Elle apporte sa part, mais c’est une contribution substantielle. Elle participe à l’apparition d’une nouvelle économie et d’un nouveau genre de vie.  Telle qu’elle nous est décrite, elle apparaît comme « une Révolution tranquille » qui concerne à la fois l’économie, le social et la culture. Mise en évidence vécue et concrète d’une étonnante dynamique,  sens visionnaire, expression chaleureuse, bon sens et sagesse se conjuguent pour faire de cette interview de François Rouillay une ressource particulièrement précieuse,  une source d’enthousiasme dans un temps où nous devons faire face à beaucoup de morosité.

J H

 

(1)            La dynamique intervenue à Todmorden est relatée dans une vidéo sous-titrée en français accessible sur le site des « Incroyables Comestibles » http://lesincroyablescomestibles.fr

(2)            Les Incroyables Comestibles. Plantez des légumes. Faites éclore une révolution. L’incroyable histoire de Todmorden. Préface de François Rouillay. Postface de Gilles Daveau. Actes Sud/Colibris, 2015. Ce livre, traduit de l’anglais, relate l’histoire de Todmorden, mais, à travers la contribution de François Rouillay, il rend compte brièvement de l’histoire du mouvement en France et nous donne un état de la situation actuelle comme sa présence active dans quelques villes comme Albi, Bayonne, Besançon et La Rochelle.

(3)            Site des « Incroyables Comestibles » : http://lesincroyablescomestibles.fr

(4)            Interview de François Rouillay en vidéo (Le Chou Brave) : https://www.youtube.com/watch?v=ZfFbD9pBREA

(5)            Des courants et des mouvements novateurs porteurs de collaboration et de solidarité. Sur ce blog : « Une révolution de « l’être ensemble ». « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative » (Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot) : https://vivreetesperer.com/?p=1394  « Pour une société collaborative » (Pippa Soundy) : https://vivreetesperer.com/?p=1534  Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975       « OuiShare, communauté pionnière dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866 « Une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable » (Myriam Bertrand) : https://vivreetesperer.com/?p=1780 « Thomas d’Ansembourg : un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » : https://vivreetesperer.com/?p=2156   « Discerner les voies pour une société plus humaine (« Les voies d’espérance ») » : https://vivreetesperer.com/?p=1992 « Appel à la fraternité » : https://vivreetesperer.com/?p=2086

(6)            « Dedans… Dehors ! Face à l’exclusion, vivre une commune humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=439 « Dedans… Dehors ! Un chemin de liberté (Philippe Molla) : https://vivreetesperer.com/?p=444

(7)            « Vivre en harmonie. Ecologie, théologie et spiritualité (Jürgen Moltmann) » : https://vivreetesperer.com/?p=757

(8)            Sur le site de Témoins : « L’enfant est un être spirituel : une prise de conscience révolutionnaire  (Rebecca Nye) » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1106:l’enfant-est-un-être-spirituel&catid=14:developpement-personnel&Itemid=84        Sur ce blog : « L’enfant : un être spirituel » : https://vivreetesperer.com/?p=340

(9)            Sur le site de Témoins : « Vers une civilisation de l’empathie. A propos du livre de Jérémie Rifkin. Apports, questionnements et enjeux » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux

(10)      Sur ce blog : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand. (Lytta Basset : Osons la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

(11)       La pensée de Jürgen Moltmann est présenté sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com   Les citations présentes dans cet article sont extraites du livre : « Dieu dans la création » (Cerf, 1988) : p 15 et 25. Et de « Ethics of hope » (Fortress Press, 2012) p 126.

Sugata Mitra : Un avenir pédagogique prometteur à partir d’une expérience d’auto apprentissage d’enfants indiens en contact avec un ordinateur

 

« The hole in the wall » : un phénomène émergent

 

Peut-on imaginer qu’un groupe d’enfants indiens illettrés, sans instruction préalable, puisse apprendre l’anglais au contact d’un ordinateur, puis, dans l’année qui suit, acquérir une culture équivalente à celle d’une secrétaire occidentale ? Cela paraît invraisemblable et pourtant cette situation a été observée pendant plusieurs années dans des lieux différents par un chercheur indien, Sugata Mitra, aujourd’hui professeur de technologie de l’éducation à l’université de Newcastle upon Tyne (Grande Bretagne).

Et s’il y avait dans la motivation de ces enfants en contact avec un ordinateur un germe d’avenir qui nous concerne tous ? Laisser les enfants apprendre avec un ordinateur plutôt que de répéter les anciennes méthodes pédagogiques… Désormais l’ordinateur apporte à la fois un savoir polyvalent et un savoir-faire (1). Et s’il y avait dans la rencontre des enfants avec cette dynamique du savoir véhiculée par l’ordinateur, un phénomène émergent porteur d’avenir ?

 

The hole in the wall : une expérience fondatrice

 

En 1999, Sugata Mitra travaille comme responsable scientifique dans une entreprise d’ordinateurs à New Delhi en Inde. Il a une formation de physicien théorique, mais son travail quotidien porte sur les technologies. Comme on lui demande d’explorer le champ de l’usage public de l’ordinateur, l’idée lui vient d’en mettre un à la portée des enfants d’un quartier déshérité, un bidonville (« slum »), en bordure du bâtiment dans lequel il travaille. Alors il perce un trou dans le mur (« hole in the wall », et sans plus d’information, il offre à ces enfants la possibilité d’accéder à un ordinateur. Ces enfants sont pour la plupart illettrés et qui, de plus, à l’époque, n’ont jamais vu un objet de cet ordre. Cependant, ces enfants commencent à explorer cet objet inconnu et, peu à peu, sans information d’aucune sorte, en s’entraidant, ils en découvrent les fonctionnalités comme, en premier, l’usage de la souris. Quels ne sont pas la surprise et l’émerveillement de Sugata Mitra quand il découvre ce processus d’exploration et d’appropriation de l’ordinateur par les enfants et les conséquences qui vont s’en suivre dans leur autoapprentissage de l’anglais et de la culture correspondante. Plus tard, dans un autre lieu, il aura l’idée de mettre à la disposition des enfants, à travers l’ordinateur, un savoir en biologie, et il constatera, à sa grande stupeur, que peu à peu, ils parviennent à décrypter une partie de ce message complètement étranger dans une langue qui leur est extérieure.

Pendant des années, cette expérience d’autoapprentissage a été répétée en différents lieux. Ces observations permettent à Sugata Mitra de pouvoir déclarer qu’en 9 mois, à partir d’une absence de connaissance de la langue anglaise, ces enfants parviennent à un savoir équivalent à celui d’une secrétaire dans un pays occidental.

Parce que cet homme a été inventif, curieux d’esprit, ouvert à l’inconnu, persévérant, un phénomène qui sort de l’ordinaire a été mis en évidence et est aujourd’hui connu sous le terme de « trou dans le mur » (« hole in the wall »), expérience qui a abouti à cette grande découverte (2).

 

Un environnement pour organiser l’autoapprentissage

 

La découverte de Sugata Mitra est reconnue par le dispositif TED (3) qui diffuse les idées nouvelles dans l’univers anglophone à travers des « talks », courtes interventions diffusées en vidéo. Sugata Mitra expose son expérience en 2010 et, en 2013, un prix Ted lui est décerné, accompagné d’un crédit qui va lui permettre d’engager une expérimentation à grande échelle en créant 7 espace propices à cette pédagogie, 2 en Grande- Bretagne et 5 en Inde. Ces espaces sont définis en terme de « Self organising learning environment » (« SOLE »), des environnements pour organiser un auto-apprentissage. Ce sont des lieux confortables (lounge) avec des ordinateurs et des sièges permettant des se regrouper dans le travail. On peut découvrir le concept de SOLE comme la conjugaison d’internet à haut débit, d’une activité collaborative et d’un esprit d’encouragement et d’admiration. A chaque session, on propose aux enfants une question pour susciter leur curiosité et leur désir de recherche. Ainsi, par exemple, « Pourquoi vos dents repoussent une deuxième fois ? ». Les enfants se lancent alors dans une recherche sur ordinateur pour récolter les informations et les rassembler pour en rendre compte dans un texte.  On constate que la collaboration et la curiosité naturelle des enfants catalysent leur apprentissage même si ces enfants vivent dans les endroits les plus pauvres et ne reçoivent aucune instruction.

Une autre innovation vient de renforcer le dispositif. Elle a pour but de soutenir et d’encourager la motivation des enfants vivant dans des régions défavorisés. Ce dont on a besoin, ce n’est pas d’enseignants qui pourraient tendre à évaluer et à contrôler prématurément, ce sont des personnes capables de sympathiser avec les enfants, d’apprécier leurs découvertes et de les encourager par une expression d’enthousiasme et d’admiration. Et c’est là que l’on découvre encore une fois la créativité de Sugata Mitra. Il a pensé que des grand-mères anglaises, (« grannies ») pourraient, à travers skype, rencontrer chaque semaine un groupe d’enfants indiens et établir avec eux un contact chaleureux, bref un réseau de volontaires aidant les enfants les plus pauvres à apprendre en favorisant leur motivation. Voici un exemple de conversation telle qu’elle est souhaitée dans ce dispositif. La grand-mère manifeste son enthousiasme : « Magnifique ! C’est fantastique ! Comment est-ce que tu as fait cela ? D’où cela vient-il ? Quand j’étais enfant, jamais je n’aurais pu faire une chose pareille. Et l’enfant répond : « O, tu es stupide ! Je vais te montrer ! ». Cette approche des grand-mères exprimant leur admiration comme une force motrice, est originale. Et bien, cela marche. « La présence d’une médiation amicale peut accroître l’autoapprentissage ».

 

(vidéo sous-titrée en français : http://www.ted.com/talks/sugata_mitra_build_a_school_in_the_cloud?language=fr)

 

Laissez-les apprendre ! Un nouvel horizon

 

Cette approche commence à se diffuser dans le monde. Mais elle se heurte aussi à des obstacles dans mes mentalités. On peut se demander si dans des pays « riches », il n’y a pas parfois un manque d’appétit  parce qu’il y aurait satiété (4). On peut s’interroger sur les conditions culturelles  qui interviennent dans ce processus. Des milieux conservateurs peuvent entrer en opposition. Cette nouvelle approche rompt avec des habitudes séculaires. Comme Sugata Mitra le fait observer, pendant des décennies, on a formé les élèves dans la perspective de répondre aux besoins d’un système hiérarchisé dans lequel régnaient discipline, uniformité et interchangeabilité. Il y avait une sorte de machine qui gouvernait le monde. L’école avait pour but de produire les travailleurs correspondants. Les écoles servaient un empire et, si elles ne changent pas, elles vont être démodées. Pour changer le système, il y aujourd’hui une priorité : réformer les examens en y permettant l’accès à internet.

Bref, ce qui importe aujourd’hui, c’est de permettre l’expression de la créativité. A cet égard, deux personnalités se rejoignent dans le monde anglophone : Sugata Mitra et Ken Robinson (5). En France, le développement de « l’éducation nouvelle » s’est longtemps heurté à beaucoup d’obstacles. Mais progressivement les mentalités changent. L’école se transforme. On assiste aujourd’hui à une nouvelle vague qui se manifeste notamment dans « le printemps de l’éducation » (6).

La pédagogie nouvelle, c’est partir des intérêts et des représentations des enfants pour leur permettre d’aller plus loin (7). Une bibliothécaire, Geneviève Patte, a écrit un livre qui montre l’enthousiasme des enfants à qui l’on propose un environnement de livres et un accompagnement chaleureux. Ce livre est intitulé : « Laissez les lire ! » (8). Le mouvement engagé par Sugata Mitra se développe aujourd’hui dans un esprit analogue : « Ce n’est pas provoquer l’apprentissage, c’est laisser l’apprentissage advenir » (« It is not making learning happen. It is about letting him happen ». Laissez les lire ! Laissez les apprendre !

Comme physicien, Sugata Mitra médite sur le caractère inédit de cette entreprise. Il écrit : « Learning can emerge in spontaneous order at the edge of the chaos » : « L’apprentissage peut émerger dans un ordre spontané à la frontière du chaos ». C’est une pensée éclairante qui nous ouvre sur une autre dimension (9).

Au total, dans ce mouvement, nous pouvons ensemble reconnaître l’apparition d’un phénomène émergent qui a été mis en évidence par un homme suffisamment humble pour se laisser surprendre par la nouveauté et suffisamment persévérant et créatif pour poursuivre l’expérience.  Voici un mouvement porteur d’avenir. A nous de savoir observer et écouter.

 

J H

 

(1)            « Une nouvelle manière d’être et de connaître. « Petite Poucette » de Michel Serres ». Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=820

(2)            On pourra consulter à ce sujet différentes sources :

Tout récemment en 2015, Sugatra Mitra a fait une conférence aux Etats-Unis : « The future of learning » à « L’Association pour le développement des talents » (ATD). On trouvera des notes sur le contenu de cette conférences sur deux sites : « Tubarks : the musings of Stan Skrabut » qui présente également plusieurs vidéos  concernant l’œuvre de Sugata Mitra : https://tubarks.wordpress.com/2015/05/24/atd2015-keynote-sugata-mitra/ et « Cammy Beam » : http://cammybean.kineo.com/2015/05/sugata-mitrathe-future-of-learning.html C’est une documentation de qualité.

Un article très bien informé et, de plus présentant une perspective synthétique, vient de paraître dans le Guardian : Carol Cadwallabr. « The « granny cloud » The network of volunteers helping poorer children learn » 2 aout 2015 : http://www.theguardian.com/education/2015/aug/02/sugata-mitra-school-in-the-cloud… On pourra également entendre Sugatra Mitra dans plusieurs vidéos comme cette courte intervention : « Beyond the Hole in the Wall. AERO conference 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=vPjWiZaMtVc

(3)            Histoire et développement de Ted : https://en.wikipedia.org/wiki/TED_(conference) Voir aussi sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1910

Voir l’exposé en vidéo de Sugata Mitra à Ted en 2013 : « Construire une Ecole dans le Cloud » et la transcription de son exposé en français : un texte de base pour des francophones : http://www.ted.com/talks/sugata_mitra_build_a_school_in_the_cloud?language=fr http://www.ted.com/talks/sugata_mitra_build_a_school_in_the_cloud/transcript?language=fr

(4)            On observe chez les enfants des pays pauvres une  belle soif d’instruction : Sur ce blog : «  Sur le chemin de l’école » : https://vivreetesperer.com/?p=1556

(5)            Sur ce blog : « Une révolution en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565

(6)            Voir sur ce blog : «  Et si nous éduquions nos enfants à la joie ? Pour un printemps de l’éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1872

Site du « Printemps de l’éducation » : http://www.printemps-education.org

(7)            Sur ce blog : « Une nouvelle manière d’enseigner : participer ensemble à une recherche de sens. L’approche pédagogique de Britt Mari Barth » : https://vivreetesperer.com/?p=1169

(8)            Sur ce blog : « Laissez-les lire. Une dynamique relationnelle en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=523

Dans notre contexte personnel, cette réflexion évoque la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur la création. La pensée théologique de Moltmann est présentée sur le site : « L’Esprit qui donne la vie ». http://www.lespritquidonnelavie.com                                    Nous nous reportons ici à un des derniers livres de Moltmann : Ethics of hope. Fortress Press, 2012  (Evolution and emergence p 124-126) : « Dans l’histoire de la nature, il y a l’irruption de systèmes de matières et de formes de vie et, dans ce processus, de nouveaux ensembles émergent… On en parle comme l’auto-organisation de l’univers et de la vie… L’interprétation théologique donne à cette idée une nouvelle profondeur à travers la vision d’une auto-transcendance… J’interprète personnellement ces signes de la nature comme la présence de l’Esprit divin qui pousse vers la transcendance et, à travers l’apparition de nouveaux ensembles, anticipe le futur de la nature dans le Royaume de Dieu… Nous comprenons le présent, pas simplement comme l’aboutissement d’une évolution passée. Nous comprenons aussi le passé comme un « passé futur », parce que nous comprenons le présent comme le présent de ce qui est à venir et tend vers le futur de Dieu » (Extraits en traduction).  Dans ce registre, nous interprétons le phénomène émergent de l’auto-apprentissage interrelationnel comme une anticipation et comme un « signe des temps ».

Une boite à soleil : reconnaître les petits bonheurs comme un flux de vie

 

 

De l’archéologie de la souffrance à une psychologie des ressources

Par Jeanne Siaud Facchin

 

Dans notre existence quotidienne, savons-nous reconnaître les petits bonheurs qui se présentent à nous comme des épisodes qui nous réjouissent le cœur, nous fortifient et peuvent nous construire dans une vision positive ? Dans un talk à la conférence TEDx Vaugirard Road, Jeanne Siaud Facchin nous invite à reconnaître les « petits bonheurs » et à les mémoriser dans tout notre être en développant ainsi un comportement positif au lieu de vouloir arracher à tout prix les mauvaises herbes de notre passé. Et c’est pourquoi comme psychologue, elle intitule la vidéo correspondante : « En finir avec l’archéologie de la souffrance » (1). Jeanne Siaud Facchin nous entraine ainsi avec délicatesse de cœur et enthousiasme dans un parcours où nous découvrons le potentiel des petits bonheurs.

 

Jeanne Siaud Facchin commence par nous raconter une belle histoire, celle d’une petite fille qui voulait offrir un cadeau d’anniversaire à son grand frère. C’est l’histoire particulièrement symbolique de la « boîte à soleil ». Elle a trouvé une boîte et toute la journée, elle a cherché à y capturer du soleil. Et le soir, la boîte est éclairée, car il se trouve, nous rapporte la conteuse à la fin de l’histoire, qu’un vers luisant est venu s’y loger ! « Quelquefois dans la vie, c’est comme ça. On croit que ce n’est pas possible. Et pourtant ! ».

 

La vision  que nous apporte Jeanne Siaud Facchin n’est pas un rêve. Elle est bien  connectée avec la réalité. Et c’est ainsi qu’elle introduit son exhortation par un récit émouvant. Comme psychologue, elle reçoit un  jour un petit garçon qui vient de perdre son papa. Elle nous rapporte son désarroi face à cette situation tragique. Les savoirs théoriques ne sont d’aucun secours. Alors, elle se fie à son intuition : « Je prend une grande respiration : je me relie à ce que je ressens au plus profond de moi. Je m’entends lui dire : « Tu sais, au fond de toi, il y a un trésor. C’est tout l’amour que tu as partagé avec ton papa, les moments de bonheur que tu as passés avec lui. Et ce trésor, la mort ne l’a pas emporté. Tu l’auras toujours au fond de toi. Et tu pourras y puiser tout au long de la vie. C’est ta boîte à soleil ». Elle a rencontré, par la suite, ce petit garçon devenu grand qui se souvenait du réconfort qu’elle lui avait ainsi apporté : « Il avait ressenti quelque chose de chaud. Ça l’avait beaucoup aidé ».

 

A partir de cet exemple émouvant, Jeanne Siaud Facchin peut nous interpeller : « C’est pourquoi c’est si important d’avoir une boite à soleil, d’avoir cette attention de la remplir à chaque instant de sa vie. Tout le monde peut capturer du soleil, capturer ces micromoments de vie qui sont doux, agréables, qui nous font chaud au cœur, mais auxquels il faut être attentifs, car ils sont éphémères. Souvent on passe à côté. Et pour graver ces petits bonheurs, il faut faire très attention… On passe beaucoup de temps de notre vie à attendre le Bonheur ou à courir après lui. Comme si un jour le Bonheur arrivait : « Bonjour, je suis le Bonheur »… Ce sont les petits bonheurs, les bonheurs ordinaires qui fabriquent le bonheur extraordinaire ».

Mais comment y prêter attention ? Comment nous en imprégner ? Comment le mémoriser pour nous en inspirer ? « Pour graver en soi les petits bonheurs, la seule chose dont nous ayons besoin, c’est notre corps. Le bonheur, ça s’attrape en ressentant, en ressentant vraiment. Le bonheur, ça se sent. Je m’arrête un instant, je me relie à moi, aux émotions qui sont là et je les ancre aux plus profond de moi ».

 

Trop souvent, nous vivons en marge de notre être profond. Alors Jeanne Siaud Facchin nous propose un exercice : « Et si on ramenait tous notre attention sur nos sensations… Et puis tranquillement, je puis fermer les yeux, puis focaliser mon attention sur certains points de mon corps, tout ce que je peux sentir. Et juste là, juste maintenant, est-ce que je me relie avec mes sensations ? Je dirige mon attention pour être mieux relié à moi-même et aux autres. Est-ce que je peux sentir que je suis là, vraiment là ? Souvent, on le sait, mais dans notre tête, on est ailleurs ».

 

Cette attention positive reliée à la sensation nous permet d’être vraiment présent avec tout notre corps. Nous pouvons graver nos petits bonheurs dans une boîte à soleil. « Et qu’est ce qui se passe dans notre cerveau quand on est totalement relié à ce qu’on vient de vivre. Ce sont les neurosciences qui nous le disent. Notre cerveau déclanche la sécrétion d’un cocktail d’hormones qui nous font du bien, qui nous apaisent. Bien sûr, la boîte à soleil n’empêche pas les malheurs de l’existence. Elle ne peut pas empêcher les souffrances. Mais elle permet de les amortir. Elle permet d’avoir des ressources pour aller y puiser, pour ne pas être « vidé » au sens propre, pour ne pas se laisser engloutir ».

 

« Et si c’était ça le chemin pour vivre mieux ! Si c’était cela la psychologie d’aujourd’hui ! C’est comme une bascule. On passe de l’archéologie de la souffrance à la psychologie des ressources qu’on pourrait appeler une psychologie préventive qui nous donne des clés pour notre vie, une psychologie qui nous apprend à nourrir et cultiver des champs fertiles plutôt que de s’épuiser à tenter d’arracher de mauvaises herbes ».

 

« Parce que ce qui  est hallucinant, c’est qu’on continue à fonctionner comme à la préhistoire. Notre cerveau est génétiquement programmé comme celui des hommes des cavernes. Notre amygdale, cette petite zone au fin fond de notre cerveau archaïque et dont la fonction est de décoder les émotions, se déclanche tout le temps face à ce qui est perçu comme une menace, comme un danger, comme si notre vie en dépendait. Et alors, des milliers d’années après, on continue à vivre dans un état d’alerte permanent. On est polarisé sur ce qui ne va pas. C’est ce qu’on voit en premier, en grand, c’est ce qui attire immédiatement notre attention. C’est pour cela qu’il est tellement important, urgent de modifier le câblage, la programmation. Il faut s’entraîner. Et la bonne nouvelle, c’est que notre cerveau est plastique, malléable ; ça s’appelle la neuro plasticité. Et grâce à la capture des petits bonheurs, on va restructurer notre cerveau, on va créer de nouvelles connexions, on va tracer de nouveaux chemins et c’est ça qui change tout. Entraîner notre cerveau à se focaliser automatiquement sur ce qui va bien et comme cela, on remplit notre boîte à soleil sans y penser ».

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Ce discours nous touche parce qu’on le sent bienfaisant et parce qu’il ouvre une voie. Il y a dans ce parler une force de conviction parce qu’il fait écho à des expériences et des aspirations en nous, même lorsque nous ne pouvons pas encore les exprimer comme cela.

Pour nous, nous sentons bien combien nous sommes fortifiés par les épisodes où nous vivons un moment de bonheur et d’harmonie si nous savons l’inscrire dans notre parcours de vie. Et nous savons aussi combien il peut être réconfortant de revisiter des souvenirs heureux. Tout cela se développe d’autant mieux si nous sommes imprégnés de bienveillance et si notre attention est tournée vers le bon et le beau.

Ici, sur ce blog, nous évoquons souvent la vie et la pensée d’Odile Hassenforder telle qu’elle nous en fait part dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (2). Dans son chemin spirituel, elle a reçu une inspiration qui l’a portée à valoriser toutes les expériences positives. Certes, cette inspiration va au delà d’une attention aux moments heureux, mais elle l’inclut. Face à la maladie, elle nous parle de la joie d’exister. « Au fond de mon lit, en pleine aphasie due à une chimio trop forte, j’ai reçu la joie de l’existence, un cadeau gratuit donné à tout humain par Dieu. En réalisant cela, je découvre le jaillissement de l’être divin qui nous partage ce qu’il est puisque nous sommes créés à son image pour évoluer à sa ressemblance (p 172). C’est l’accueil de la vie : « Que c’est bon d’exister pour admirer, m’émerveiller, adorer. C’est gratuit. D’un sentiment de reconnaissance jaillit une louange joyeuse, une adoration du Créateur de l’univers dont je fais partie, un Dieu qui veut le bonheur de ses créatures. Alors, mon « ego » n’est plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place, relié à  un tout sans prétention (Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit mon chemin comme il est écrit dans un psaume : « Cette journée est pour moi un sujet de joie… une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel auprès de toi. Louez l’Eternel, car il est bon. Son amour est infini » (psaume 16.115) (p 180).

Et tout au long de ce parcours, Odile nous dit combien elle apprécie les petits bonheurs et s’en  nourrit. De sa fenêtre, elle admire le paysage mouvant de la nature. « Mon fauteuil de méditation matinale est orienté à l’est. J’aime admirer le lever du soleil, ces nuages qui s’élèvent, se colorent, passent du gris au rose, avancent plus ou moins vite selon le vent… Pour ma part, de tels spectacles de la nature, de la simple pâquerette au coucher de soleil m’émeuvent. Je sens mon cœur se dilater. J’appartiens à cet univers visible, mais aussi invisible… » (p 213) Et un des chapitres du livre est consacré à l’importance des rencontres ordinaires : « Des petits riens d’une grande portée » (p 183-184).

 

Chacun de nous peut répondre à sa manière à l’évocation des petits bonheurs que nous décrit Jeanne Siaud Facchin. Mais qui n’apprendrait pas de son entretien un plus pour sa vie ? A partir d’une expérience toute simple : savoir apprécier et se nourrir de petits bonheurs, elle ouvre une approche nouvelle dans la démarche psychologique : « Passer de l’archéologie de la souffrance à la psychologie des ressources ». Et d’expérience, on comprend bien ce qu’elle nous rapporte des effets du fonctionnement du cerveau archaïque : la perception excessive de la menace et du danger. Alors,  comment ne pas l’écouter lorsqu’elle nous invite à la « capture des petits bonheurs pour créer de nouvelles connexions et tracer de nouveaux chemins, ce qui change tout ».

 

J H

 

(1)            Sur le site TEDx Vaugirard Road (Bouger les lignes 12 juin 2014), Talk en vidéo de Jeanne Siaud Facchin : « En finir avec l’archéologie de la souffrance » : http://www.tedxvaugirardroad.com/videos-2014/                  On pourra consulter aussi le site de Jeanne Siaud Facchin : http://www.jeannesiaudfacchin.com/index.php?lang=fr

(2)            Hassenforder (Odile). Sa Présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent, 2011. Sur ce blog, articles en rapport avec ce livre : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder

 

 

Sur ce blog, voir aussi :

 

« Vivant dans un monde vivant… Aparté avec Thomas d’Ansembourg » : https://vivreetesperer.com/?p=1371

 

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand : Lytta Basset. Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

 

« Développer la bonté en nous. Un habitus de bonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1838

 

« Des petits riens d’une grande portée. La bienveillance au quotidien » : https://vivreetesperer.com/?p=1849

 

« Comme les petits enfants : Accueil, confiance et émerveillement » : https://vivreetesperer.com/?p=1640

« Votre corps n’est que la harpe de votre âme et c’est à vous qu’il revient d’en tirer accord mélodieux ou sons désaccordés » Khalil Gibran

 

 

L’association de ces vers écrits par Khalil Gibran, poète libanais, à la vidéo de Anja Linder (1), célèbre harpiste, peut sembler incongrue.

Anja Linder a justement perdu l’usage de ses jambes, ce qui est très handicapant pour jouer de cet instrument qui possède 7 pédales.

Si « le corps est la harpe de notre âme », que se passe-t-il lorsque ce corps est amputé ?

N’y a-t-il plus d’expression possible de notre âme ?

 

Ces deux êtres ont chacun vécu des choses extrêmement dures dans leur vie.

Et pourtant, le résultat de leur expression, littéraire pour l’un et musicale pour l’autre, en est magnifique, sublime de poésie, de beauté, de délicatesse … celles-là même qui émergent des profondes douleurs.…

 

La vie difficile de ce poète a fait naître en lui ces doux vers empreints de pureté.

La situation de handicap a fait naître chez Anja Linder cette même pureté dans le son, dans l’interprétation, même délicatesse quand elle caresse les cordes de sa harpe.

 

Oui le corps de Anja Linder se trouve privé de l’usage de ses jambes, mais c’est alors Anja Linder toute entière qui devient « la harpe de son âme ». Il suffit

– de regarder ses mains pour sentir la douceur du glissement ou du pincement,

– d’être attentif à son visage pour y lire l’émotion qui la fait vibrer quand elle joue cette mélodie, et qui tour à tour la remplit de sérénité ou la bouleverse.

(Vidéo, position 6mn50)

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Ses jambes ne répondent plus, sa paralysie aurait pu l’immobiliser, physiquement et psychiquement.

Elle aurait pu se laisser porter (au sens propre et au sens figuré), se laisser « passivement » pousser dans son fauteuil.

Or elle a choisi une autre voie : son vrai moteur, c‘est sa passion, et la détermination qui y est associée, cette détermination qui lui a fait refuser de croire tout ce qu’on lui prédisait.

 

Elle s’est accrochée et la « vie » lui a permis de croiser sur son chemin des êtres merveilleux….

Et la voilà qui rebondit, se reconstruit… et en arrive à transmettre quelque chose d’encore plus beau, plus fort que tout ce qu’elle pouvait transmettre auparavant… Pour notre plus grand plaisir et notre plus bel enseignement.

Son témoignage de vie et l’interprétation musicale toute empreinte de sensibilité qu’elle nous propose, sont indissociables l’un de l’autre.

 

C’est vraiment cela que je veux retenir, et qui sous tend ma motivation profonde dans l’activité de coaching que j’exerce : nous possédons tous en nous de merveilleuses richesses, parfois insoupçonnées, et souvent inexploitées.

Quelle que soit nos expériences de vie, aussi douloureuses soient-elles, la décision nous appartient : que voulons-nous faire de cette expérience, de cette rupture, de ce trauma ?

Les difficultés peuvent faire naître colère, aigreur, rancune…. comme elles peuvent faire fleurir une sensibilité extrême qui émerge des profondeurs de l’âme blessée, sensibilité qui ne demande qu’à éclore, pour le plus grand bonheur et bénéfice des autres : expression artistique, attention à autrui…

 

Etre porteur de Vie, de foi, et d’espérance… au-delà du trauma, pour porter témoignage

– que le rebond personnel est possible,

– que les valeurs d’entraide, de compassion… ne sont pas des vains mots, et qu’ils bénéficient tout autant à celui qui reçoit, à celui qui donne et à ceux qui en sont témoins.

 

N’abandonnez jamais… quoiqu’il arrive, battez-vous ; cherchez en vous les talents à exploiter…

Ils seront votre force, et serviront d’exemple à d’autres par votre rayonnement.

 

Merci à Anja Linder : cette vidéo est un bel hymne à la Vie, vie plus forte que la mort.

 

Béatrice Ginguay

 

(1) « Ma vie, c’est jouer et avancer avec légèreté » : expression d’Anja Linder filmée au théâtre du Chatelet le 5 octobre 2014 dans le cadre d’une rencontre de TEDx Paris . On trouvera parmi les autres « talks » de cette session, quelques témoignages qui nous paraissent particulièrement originaux et porteurs de sens.

http://www.tedxparis.com/anja-linder-ma-vie-cest-jouer-et-avancer-avec-legerete/

Une aspiration communautaire portée par le numérique

# Un nouveau monde : l’ère numérique

Le monde change très rapidement. On est en train de passer d’un monde caractérisé par un engagement physique de l’homme à un monde numérique.  La génération Y est une expression de ce nouveau monde. De plus en plus, tout se fait sur le web : les achats, les opérations financières, le travail, … Cela commence à apparaître. Par exemple, moins de gens vont à la banque.

Par ailleurs, chaque objet devient de plus en plus connecté et se développe de plus en plus. Les voitures commencent à être connectées à leur environnement.  Dans la maison, le thermostat est connecté à notre téléphone pour le réglage du chauffage à  distance. Dans la santé, le médecin va bénéficier d’un suivi des informations concernant notre état physique depuis chez soi.

Le monde se numérise davantage.  Nous sommes impactés par ce changement . Cette transformation va beaucoup plus vite que nous le pensons. Certes, il faut veiller à prévenir une « fracture numérique », c’est à dire une incapacité de populations âgées ou défavorisées à entrer dans ce mouvement. En France, il y a souvent des résistances au départ, mais ensuite le changement va très vite. Par exemple, le téléphone portable est entré dans les mœurs en 5/6 ans après. La connexion des objets va s’accélérer dans les prochaines années. Elle sera omniprésente dans 4/5 ans. Récemment, je me suis rendu à un salon de start up. J’ai été très impressionné par la vitesse du changement. Quand j’ai vu cela, j’ai compris ce qui était en train de se passer. En France, il y a deux mondes : celui d’aujourd’hui et celui de demain.  Le monde de demain entre dans le monde d’aujourd’hui.

#Un développement de la vie relationnelle.

 #Si , dans un premier temps, les nouvelles pratiques se prêtent à l’individualisme, les gens ressentent les inconvénients de l’isolement physique.  Et des aspirations relationnelles se développent et se réalisent dans de nouvelles pratiques, dans de nouveaux comportements. L’économie collaborative a aujourd’hui un rôle moteur . C’est l’auto partage. (bla bla car, Uber). C’est un logement chez l’habitant lorsqu’on voyage (Couchsurfing, Airbnb). C’est la location d’outils. Ces pratiques sont source de revenus modiques. Elles développent la sociabilité. Dans tous les domaines, des réseaux se créent. Il  y a aussi un progrès de la personnalisation. On cherche à répondre aux besoins spécifiques d’un individu. Tout se fait pour des personnes . A la fin, j’aurai un objet qui sera unique. Le processus est accéléré par une innovation à très grande portée :  l’expansion de l’imprimante 3D . Par exemple dans ma banque, on me proposera une carte bancaire personnalisée sur place. Ce mouvement généralisé se traduit par le développement des réseaux, des communautés. La vie relationnelle se développe à  grande vitesse.

 #Discerner l’œuvre de Dieu.

#Certains perçoivent cette mutation avec crainte . Et effectivement, on peut mesurer les dérives et les dangers. Mais, nous devons nous rappeler que l’Esprit de Dieu est créateur et que Dieu continue à agir dans sa création.  Dans cette perspective, nous voyons l’œuvre de Dieu dans les découvertes des chercheurs. Lorsque deux synapses se connectent , du nouveau apparaît. C’est Dieu qui inspire les chercheurs et révèle à  travers eux des mystères qu’on ne connaissait pas. Dans ce mouvement, nous découvrons l’avenir de Dieu qui se manifeste à  nous.

 #De nouvelles communautés chrétiennes

 #La transformation numérique a donc un impact considérable sur le mode de vie.  Ce changement du mode de vie intervient dans tous les domaines. Et très naturellement, il implique de profonds changements dans la manière d’être et de faire église. Le besoin de relations vraies va en croissant. Aujourd’hui, plus qu’avant, nous ressentons le besoin de ne pas être seul . Mais il y a en même temps une attitude plus autonome, une exigence de respect. Internet est un moyen remarquable de communication qui permet de susciter de nouvelles opportunités et des nouveaux lieux de rencontre. C’est donc une voie ouverte qui permet l’apparition de nouveaux groupes de partage, de communautés nouvelles dans une perspective de réseau. Le monde change. Dieu nous appelle à l’écoute.

#Propos recueillis auprès de Faubert Pélage

Ingénieur dans les nouvelles technologies

#Sur ce blog, voir aussi :

« L’ère numérique. Gilles Babinet, un guide pour entrer dans ce nouveau monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1812

« Une révolution en éducation. L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565

« Une nouvelle manière d’être et de connaître. « Petite Poucette » de Michel Serres : https://vivreetesperer.com/?p=820