Une vie qui ne disparait pas !

La mort d’un proche nous atteint au plus profond de nous-même. Notre relation avec lui est suspendue. L’expression de son amour à travers sa personne physique nous est ôtée. Et la manifestation de notre amour pour lui est désormais sans réponse. Alors se pose à nous une question cruciale : Qu’est-il advenu de cet être cher ? Dans le désert du doute engendré par la méconnaissance d’une conscience supérieure, beaucoup de gens souffrent de ce qui leur apparaît une chute dans le néant. La foi chrétienne nous apporte une réponse. Cependant, on constate des différences importantes dans la formulation de cette réponse, parfois des absences et des contradictions. Il y a bien des embûches comme la peur engendrée par l’image d’un Dieu redoutable ou la perspective d’une barrière qui s’élèverait entre les vivants et les morts. Face à la confusion, il y un grand besoin d’éclairage. Nous présentons ici un témoignage, celui d’une recherche de sens et la réponse qui a été trouvée.

 

« Partie ! Elle était partie. Il savait qu’elle était partie vers la plénitude de la communion avec un Dieu, communion d’amour.  Le souffle de l’Esprit s’était manifesté dans les témoignages au cours de la célébration.  Ce départ était donc éclairé par une conviction pacifiante. Dans les derniers mois, il avait mené la lutte avec elle au coude à coude.  En grâce, sa force et sa joie de vivre l’avait encouragé et éclairé . Ce lien d’amour était-il rompu ? Des discours, des propos laissaient entendre qu’il devrait attendre sa propre mort pour renouer avec sa présence. Et, jusque là, un grand vide. Alors plusieurs mois de déchirement s’en suivirent. Au carrefour de plusieurs cultures chrétiennes, il entendait des propos différents. Les avis étaient partagés. Certains de ses amis, sous l’emprise de doctrines rigides, étaient embarrassés. Leurs marques d’affection s’accompagnaient d’un grand silence. Et d’ailleurs, pour répondre aux attentes, il est bien utile de s’être déjà posé de vraies questions. L’expérience manquait. Dans d’autres cercles, en d’autres influences théologiques, la bonté se traduisait en encouragements qui le touchait : « Elle t’accompagne ». Mais lui, en désir d’honnêteté, il voulait ne pas céder à la facilité et pouvoir fonder son jugement sur une vraie compréhension biblique et théologique. C’est alors que la lecture du livre de Jürgen Moltmann : « In the end.. the beginning »(1) intervint providentiellement. Elle lui donnait la réponse. La présence demeurait sur un certain registre. Non pas une fixation fusionnelle, une communication précise, et non plus une prière à elle directement adressée. Non, tout simplement une seconde présence dans la communion en Christ. Pouvoir adorer et louer  Dieu en communion avec elle..et beaucoup d’autres. Et puis, il retrouva un texte d’elle où s’adressant au mari d’une amie décédée, elle parlait de celle-ci en terme de transfiguration dans la communion des saints. Dans les dernières années, elle avait croisé la pensée de Moltmann et, dans ses écrits personnels, il y avait bien des affinités avec cette pensée : une anticipation de la vie, une force et une joie de vivre… Peu à peu, il remontait la pente. L’affection reçue comptait. Et cependant, en dehors de quelques amis, proches et ouverts, il trouvait peu d’interlocuteurs pour partager sa réflexion. Pourtant, à l’époque, le seul éclairage des textes ne lui suffisait pas. Un jour, providentiellement, il reçut un soutien fondé sur une expérience analogue. Ce soutien lui donna de l’assurance. Ce fut un tournant décisif ».

 

Ce témoignage débouche sur une méditation à partir de la théologie de Jürgen Moltmann (2) dont nous présenterons par la suite quelques aspects, car elle apporte une vision à la fois cohérente et pacifiante fondée sur la parole biblique et inspirée par la puissance de l’amour de Dieu en Christ.

« Dieu si grand, si bon, si puissant dans son amour ! Christ mort et ressuscité a remporté la victoire sur la mort. L’Esprit qui donne la vie remplit tout l’univers et renverse les barrières.  La vie circule. La communion dans l’amour qui se manifeste dans un Dieu trinitaire se répand au delà et irrigue la réalité spirituelle. Il n’y a point de mur de séparation entre les vivants et les morts, mais une communion en Dieu, en Christ. La grâce de Dieu est plus forte que le mal et elle l’emportera dans la seconde création où « Dieu sera tout en tous ».   Dans les épreuves et les souffrances engendrées par le deuil, quel réconfort et quelle espérance ! »

 

JH

 

Sources

(1)            Moltmann  (Jürgen). In the end, the beginning. The life of hope. Fortress press, 2004 (Ce livre est en cours de traduction aux éditions Empreinte ) . Présentation du livre sur le site de Témoins : « Vivre dans l’espoir. Dans la fin…un commencement » http://www.temoins.com/ressourcement/vivre-dans-l-espoir-dans-la-fin-un-commencement.html

(2)            « La vie par delà la mort », sur le blog présentant la pensée de Jürgen Moltmann : L’Esprit qui donne la Vie http://www.lespritquidonnelavie.com/

 

Autres ressources

° On pourra lire aussi un article éclairant de Jean-Claude Schwab sur le site : expérience et théologie : « L’être intime. En quête de l’ « être intime » et du « corps spirituel ». Expériences actuelles à la lumière de la transfiguration, la résurrection et l’ascension de Jésus ». http://www.experience-theologie.ch/reflexions/ressourcement/letre-intime/

° Un livre émouvant rendant compte d’un cheminement spirituel écrit par la théologienne, Lytta Basset : Basset (Lytta). Ce lien qui ne meurt jamais. Albin Michel, 2007

La tête et le cœur

Aujourd’hui, de plus en plus, la spiritualité se conjugue avec l’expérience. Cette expérience met en jeu toutes les dimensions de notre être : le corps et l’esprit, la tête et le cœur. Cependant des représentations peuvent faire encore barrage. En effet, si le changement culturel opérant à partir de registres convergeant, amène de plus en plus une reconnaissance des interrelations entre les différents aspects de notre être, il y a aussi dans notre héritage des philosophies antagonistes qui, pendant des siècles, ont prôné la séparation et une hypertrophie du mental par rapport aux autres dimensions de l’être humain. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, dans certains milieux « rationalistes » comme dans certains cercles chrétiens où l’exercice de la foi s’opère principalement à travers une réflexion intellectuelle, on observe des réserves vis à vis de l’expérience spirituelle. Et nous pouvons éprouver en nous même des résistances issues de ces représentations. Il est donc important d’en comprendre l’origine pour pouvoir vivre pleinement ce que l’Esprit nous apporte à travers l’expérience.  Deux auteurs : Jürgen Moltmann et Leanne Payne,  nous apportent sur cette question des éclairages pertinents.

 

La séparation entre l’âme et le corps.

 

Ainsi Jürgen Moltmann montre comment la philosophie platonicienne a profondément influencé le christianisme occidental (1) Platon proclame l’excellence d’une âme immortelle. « Si l’homme cherche son identité dans l’âme et non dans le corps, il se trouve lui-même immortel et immunisé contre la mort ». A cette supériorité  de l’âme correspond une infériorité du corps, voire un quasi rejet. « Elle enlève à la vie corporelle tout intérêt vital et dégrade le corps en une enveloppe indifférente de l’âme ».

Le dualisme entre le corps et l’âme « sera transposé par Descartes dans la dichotomie moderne du sujet et de l’objet ». C’est seulement la pensée excluant la perception sensible qui induit la conscience de soi. Le sujet pensant exerce un commandement sur son corps et par extension sur la nature.

En regard, Jürgen Moltmann adhère à une anthropologie biblique. L’homme, « engagé dans une histoire divine » apparaît toujours comme un tout et s’inscrit dans des relations existentielles. C’est en terme d’alliance qu’on doit concevoir la relation entre l’âme et le corps.

 

La déchirure entre la tête et le cœur.

 

En analysant les obstacles à la prière d’écoute (2), Leanne Payne évoque une « déchirure grave entre la tête et le cœur ». Comment puis-je entendre Dieu, si « je n’intègre pas correctement mes capacités intuitives et imaginatives à mes facultés objectives et rationnelles pour les utiliser dans un juste équilibre ».

Ce dysfonctionnement est liè à ce qu’elle appelle la « faille cartésio-kantienne » entre la pensée et l’expérience. L’héritage intellectuel de Descartes et de Kant a engendré chez beaucoup de chrétiens une déchirure « se caractérisant par le fait qu’ils acceptent une connaissance conceptuelle au sujet de Dieu comme réalité tout en niant simultanément les manières élémentaires d’aimer Dieu, de le connaître et de marcher avec lui, ces dernières étant plus étroitement liées à la connaissance intuitive sans laquelle nous perdons les bienfaits de la raison et ceux de la connaissance conceptuelle » .

« En niant les manières intuitives de connaître, nous ne pouvons plus entendre la voix de Dieu. ».

« A l’inverse de l’idéologie kantienne, les chrétiens affirment que Dieu lui même nous parle d’une manière dont il nous donne le modèle dans l’écriture. Il a façonné nos âmes et nous a donné des oreilles et des yeux spirituels, enracinés dans le fait qu’il vit en nous et nous en lui, afin que nous le voyions, l’entendions et le connaissions ».

 

Notre propos ici n’est pas de traiter de l’expérience et des conditions de son authenticité spirituelle, mais simplement d’éclairer et donc de lever les barrières culturelles qui peuvent s’y opposer. Oui, c’est en terme de réciprocité que nous percevons la relation entre notre âme et notre corps, entre notre tête et notre cœur.

 

Leanne Payne raconte qu’une personne ayant découvert le chemin de la prière d’écoute s’attira cette remarque acerbe : « Je vois, vous avez maintenant une ligne directe avec Dieu ». Une amie me disait récemment qu’elle hésitait à faire connaître ce blog parmi les membres d’un groupe chrétien (catholique) très centré sur la réflexion à travers l’étude de livres. Elle pensait que, pour certains de ces membres, le blog leur apparaîtrait comme trop tourné vers l’expérience. Quel est notre vécu à ce sujet ? Quels sont nos cheminements ?

 

JH

 

(1)            Cette analyse est développée à plusieurs reprises par Jürgen Moltmann. A propos de cette œuvre :  www.lespritquidonnelavie.com

(2)            Payne (Leanne). La prière d’écoute. Raphaël, 1994 (p.141-143)

Voir Dieu dans la nature

Lorsque je suis sensible à la beauté de la nature, j’entre dans un état d’esprit où je perçois en elle une réalité qui me dépasse, un mouvement qui m’inspire. A ce moment, je ne suis plus un observateur détaché. Je reconnais un mouvement de vie dans les êtres qui m’entourent. Je participe à un mystère. On peut citer Einstein : « Il y a deux manière de vivre la vie : l’une, c’est comme si il n’y avait de miracle nulle part. L’autre, c’est comme si tout était miracle ». Sans doute, les positions sont moins tranchées . Il y a place pour des registres de regard différents, mais pas incompatibles entre eux. Mais la pensée d’Einstein nous invite à aller plus loin : « La plus belle émotion que nous puissions éprouver, c’est le sentiment du mystère. C’est une émotion fondamentale qui est au berceau de tout art , de toute science véritables ». Dans mon évolution personnelle, j’ai pris de plus en plus conscience que l’on pouvait percevoir Dieu à l’œuvre dans la nature.

 

 

         Dieu dans la création

Jürgen Moltmann m’a aidé dans cette prise de conscience (Dieu dans la création (Cerf 1988). « Le Dieu trinitaire inspire sans cesse la création. Tout ce qui est, existe et vit grâce à l’affluence permanente des énergies… Ainsi il nous faut comprendre toute réalité créée de façon énergétique, comme possibilité réalisée de l’Esprit divin. Grâce aux possibilités et énergies de l’Esprit, le Créateur lui-même est présent dans sa création. Il ne s’oppose pas seulement à elle par sa transcendance, mais entre en elle et lui demeure en même temps immanent » (p 23).

« Tu ouvres ton souffle, ils sont créés. Tu renouvelles la face de la terre » (Psaume 104/29-30).

« L’Esprit saint est « répandu » sur toutes les créatures. La source de vie est présente dans tout ce qui existe et qui est vivant. Tout ce qui existe et vit, manifeste la présence de cette source de vie divine » (p 24).

 

 

         Dieu à l’œuvre. Un regard concret et émerveillé

Comment notre regard peut-il alors s’exercer. Scientifique, philosophe et théologien, Roy Abraham Varghese nous aide à voir ce monde comme une merveille et à percevoir Dieu à travers cette merveille. (The wonder of the world. Fountain Hills, 2003).

« Nous pouvons reconnaître l’existence de Dieu et en devenir conscient simplement en percevant les choses autour de nous. C’est l’acte de voir les choses comme créées, comme nécessitant l’existence de Dieu pour expliquer leur existence, comme dépendant de lui et finalement comme manifestant l’infini ici et maintenant. Juste comme nous voyons un poème comme un poème, et pas comme des signes imprimés, et ne pouvons le voir comme autre chose qu’un poème, de la même façon, nous ne pouvons voir les choses autour de nous seulement comme un ensemble d’atomes. mais comme des réalités qui manifestent et reflètent Dieu ». (p 62) ;

« Les senteurs et les couleurs d’une belle rose nous viennent de Dieu, manifestant sa divine présence. Naturellement, la rose n’est pas Dieu ou une partie de Dieu. Mais la rose, dans sa totalité, non seulement reflète la gloire de Dieu comme une magnifique œuvre littéraire manifeste l’esprit de son auteur, mais aussi elle nous rend Dieu présent comme une manifestation immédiate et constante de :

– la puissance divine qui la tient en existence et soutient ses activités

– L’infinie intelligence qui l’a conçue.

– La beauté ineffable à partir de laquelle ses couleurs et ses senteurs rayonnent…

Voir une rose, c’est voir une manifestation immédiate et concrète de la créativité, de l’intelligence et de l’énergie infinie. C’est voir Dieu ici et maintenant » (p 64-65)

 

 

Alors en présentant quelques photos de fleurs, non seulement nous suscitons un  émerveillement, mais nous pouvons en même temps nous ouvrir à une méditation en y percevant la présence de Dieu à travers sa création.

 

 

 

 

 

Partageons ensemble notre regard sur la nature, la manière dont nous y percevons la présence de Dieu.

 

JH

 

plus de photos de Catpiper et Ecstaticist sur flickr

Vivre en harmonie

Dans notre regard sur l’univers, nous percevons aujourd’hui l’importance primordiale des relations. Tout se tient. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann, « Rien dans le monde n’existe, ne vit et ne se meut par soi. Tout existe, vit et se meut dans l’autre, l’un dans l’autre, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre » (p.25). L’Esprit divin est présent dans cette réalité. « En Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 1 :28). L’Esprit saint suscite « une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu » (p.24). A l’encontre de toutes les forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres . « L’essence de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit, dans la mesure où elles font connaître « l’accord général » (p.25). « Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion… » (p.15).

Cette vision éclaire mon regard.  Elle me permet de percevoir l’œuvre de Dieu dans toute sa dimension. Elle indique la voie pour y participer. Elle m’encourage à y entrer.  Partageons nos découvertes.

JH

 

(1)         Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988  (cf citations). Voir le blog :  www.lespritquidonnelavie.com

 

Amitié ouverte

Qui nous parle d’amitié vraie, parle à un désir profond de notre cœur. Ce désir peut s’exprimer de façon maladroite comme on peut l’entrevoir dans certains usages des réseaux sociaux, mais c’est une aspiration vitale. C’est pourquoi la description d’une « amitié ouverte », telle qu’elle énoncée par Jürgen Moltmann (1), retentit dans notre être profond.

« Un ami, c’est quelqu’un qui t’aime bien… L’amitié est une relation personnelle entre des personnes qui s’aiment bien… Elle unit le respect de la liberté à une affection profonde pour la personne. On peut être une personnalité respectée et jouir du respect et de l’admiration des autres et pourtant ne trouver personne qui vous « aime bien »…L’amitié n’est pas un sentiment d’affection passager. Elle unit l’affection et la fidélité…. La loi du donnant-donnant est abolie… Nous avons besoin d’ami, non pas seulement dans la détresse, mais surtout pour partager la joie que donne la vie et ressentir le bonheur d’exister. Une joie qui n’est pas partagée rend mélancolique. Se réjouir ensemble est aussi bon que compatir… A long terme, l’avenir du monde appartiendra à l’amitié ouverte… ». En effet, l’amitié dépasse les habitudes et les obligations qui influent sur les relations sociales. « L’être humain nouveau, qui aime être avec les autres  êtres humains, c’est l’ami, l’amie ».

Ces paroles retentissent en moi comme si elles m’introduisaient dans une réalité supérieure, harmonieuse à laquelle j’aspire profondément.  Qu’en est-il pour vous ? Si ces paroles nous touchent, alors comment pouvons-nous vivre aujourd’hui cette amitié ouverte. Comment pouvons-nous nous y entraider à travers ce blog ?

 

JH

 

(1)         Amitié ouverte p. 343-348, dans : Jürgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. Voir le texte sur l’amitié ouverte publié sur le blog : www.lespritquidonnelavie.com : Vivre une amitié ouverte