Pour la sortie de leur album studio familial, Louis, Matthieu, Joseph et Anna Chedid dévoile un nouveau clip : « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime »
On trouvera sur la toile, et notamment sur Wikipedia, tout ce qu’il faut pour suivre l’itinéraire musical de Louis Chédid et de ses enfants :
On ne se lasse pas d’écouter et de regarder ce clip pour ce qu’on y voit d’harmonie vraie dans les relations des participants : père, fils et fille. On ne se lasse pas d’entendre quelques expressions pudiques d’un amour profond :
« Souvent quand nos regards se croisent, il y a comme une chaleur, mais de là à faire des phrases, trop de pudeur, trop de pudeur ».
« On ne leur dit jamais assez que sans eux, sans elles, on ne serait même pas la moitié de nous-même ».
« Déclarer à tout ce petit monde qui m’entoure : la vie, la vie serait bien sombre sans vous autour ».
Et ce refrain qui exprime une aspiration si profonde : « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime , par peur de les gêner, qu’on les aime ». Un refrain qui nous berce dans notre grand désir d’aimer et d’être aimé, et qui fait écho à cet Essentiel de la Vie tel que Jésus l’exprime : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Comme l’amour donné et reçu engendre le bonheur, c’est bien du bonheur que nous apporte ce refrain. Et si quelque part, ce message éveille des blessures, par la chaleur qui l’accompagne, il ouvre une guérison. Pour la sincérité et l’authenticité qu’on perçoit en eux, notre reconnaissance va aux acteurs de ce clip : Louis, Matthieu, Joseph et Anna.
Ce clip, quel cadeau ! Une vraie dynamique qui nous appelle à exprimer de la reconnaissance et de l’affection à ceux qui nous entourent !
En ce début de novembre où le souvenir des morts est évoqué, et tout au long de l’année où le mot de « disparition » de tel ou tel résonne dans les médias, il est vital de trouver une réponse qui n’accepte pas un sort qui réduirait l’homme au néant, en annihilant ainsi toute espérance personnelle ou collective, ou se satisferait d’une échappée vers un au delà qui serait radicalement séparé.
En quelques mots, à partir de textes bibliques, Jürgen Moltmann nous apporte un éclairage dynamique (1).
« C’est pour être Seigneur des morts et des vivants que Christ est mort et qu’il a repris vie » (Romains 4.9). Le sens de la foi qui justifie « est la Seigneurie salvatrice du Christ sur les morts et les vivants. Dans la communauté avec lui, ceux qui sont séparés par la mort retrouvent la communauté qui existait entre eux. Le Christ passé par la mort est devenu le frère des morts. Le Christ ressuscité rassemble les vivants et les morts dans sa communauté d’amour, parce qu’il représente la communauté dans l’espérancecommune. Il est la tête de l’humanité nouvelle et l’avenir de ce qui est présent et de ce qui est passé ».
« Mais il faut que le Christ règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds ; le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort… pour que Dieu soit touten tous » (1 Cor 15. 25, 26, 28). La communauté du Christ avec les morts et les vivants n’est pas une fin en elle-même, mais c’est une communauté en chemin vers la résurrection de tous les morts pour la vie éternelle et vers la destruction de la mort dans la création nouvellede toutes choses. C’est alors seulement que seront « essuyées toutes les larmes » et que la joie parfaite unira toutes les créatures avec Dieu et entre elles. C’est pourquoi, si le sens de la foi qui justifie est la communauté des morts et des vivants avec le Christ, le sens de cette communauté est la création nouvelle dans laquelle la mort ne sera plus » (2).
Ainsi, nous nous inscrivons dans un mouvement. « Ce n’est pas la mort qui a le dernier mot dans l’histoire, mais la justice de Dieu. « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21.5) . Si cela est vrai eschatologiquement, rien n’est perdu historiquement et tout est « rétabli ». Sous cet horizon d’attente, « l’histoire comme souvenir » conduit elle-même à une sorte de « ré-éveil des morts ». Tout le passé se tient dans la lumière de l’avenir qui réveille les morts … La rétrospective historique doit donner à reconnaître et à actualiser les perspectives passées.C’est alors seulement qu’il est possible d’articuler ensemble les espérances brisées, omises ou étouffées de ceux du passé et les espérances de ceux du présent et de les inclure dans le projet d’avenir présent ».
Cette vision des rapports entre histoire et résurrection est éclairante parce qu’elle nous permet, individuellement et collectivement, de nous situer dans un processus et de mieux reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre dans le cours du temps. Ce discernement s’applique à nos vies personnelles en pensant à notre histoire familiale, et en nous percevant comme des êtres engagés dans des projets et portés par eux. Cet éclairage nous permet de regarder différemment notre environnement social et de percevoir l’œuvre de l’Esprit de génération en génération. En Christ ressuscité, dans l’Esprit, nous sommes en marche.
J H
(1) Le blog : « L’Esprit qui donne le vie » présente une introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com. La vision de Moltmann, notamment sur le thème de la vie après la mort, est présentée, en termes aisément accessibles dans le livre livre : « De commencements en recommencements » : sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572 Les textes cités dans cet article sont extraits du livre : Jürgen Moltmann. Jésus, le messie de Dieu, Cerf, 1993 : p 258 et p 332
(2) Sur ce thème, voir aussi sur ce blog : « Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338 « Une vie qui ne disparaît pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336 En Christ ressuscité, par delà la séparation, une communion demeure avec les êtres chers qui sont partis.
Parce que nous croyons que le principe de la vie, c’est l’amour comme le cœur de ce que nous vivons et de ce à quoi nous sommes appelés, tel que Jésus l’exprime en une parole magistrale (Mat 22.37-40), nous entrons pleinement dans une conception d’un univers prédisposé à la relation, un univers où tout se tient, où tout se relie et interagit, un univers où nous sommes appelé à rejeter tout ce qui sépare : les exclusions, les égocentrismes, la dissolution des liens. Oui, la spiritualité est bien « une conscience relationnelle » (1). Nous croyons que cette relation ne s’arrête pas au monde présent, mais qu’en Dieu, communion d’amour, les êtres humains ne « disparaissent » pas corps et bien. Comme l’écrit Jürgen Moltmann, on peut évoquer « une communion des vivants et des morts » (2) qui s’inscrit dans le mouvement où Dieu prépare en Christ ressuscité une nouvelle création, un monde dans lequel Il sera « tout en tous » (1 Corinthiens 15.28) .
Dans une autobiographie qui relate les étapes de son oeuvre théologique (3), Jürgen Moltmann a écrit une page émouvante qui décrit la nouvelle forme de la relation avec son père après la mort de celui-ci. Cette expérience, vécue dans une profonde humanité, et éclairée par la foi, est, pour nous, une lumière qui peut nous éclairer dans des passages de deuil. C’est pourquoi, nous en partageons ici quelques extraits (4). En 1982, âgé de 85 ans, le père de Jürgen est mort brusquement d’une crise cardiaque. Jürgen Moltmann nous rapporte ce qu’il a écrit dans les semaines qui ont suivi ce départ :
« Père, où es-tu ? Jusqu’ici, cela allait de soi. Je savais que tu étais à Hambourg assis à ton bureau… Je savais que tu devenais plus âgé, plus faible. Mais tu étais toujours là, fiable et toujours attentif : mon père. Maintenant, je ne peux plus te trouver, mais tu ne t’es pas évanoui. Tu n’as pas disparu. Tu es plus présent que jamais pour moi. Tu as échappé aux limitations de l’espace et du temps. Quand je pense à toi, je ne te vois pas seulement comme tu as été dans ta vieillesse, mais aussi comme tu étais au sommet de ta force, comme tu étais quand j’étais un petit enfant et que, juché sur tes épaules, je cachais mes yeux avec mes mains, et aussi, quand tu étais jeune homme et qu’à l’âge de 17 ans, tu es parti à la guerre en 1914… Je t’entends, je te vois, je sens ta proximité. Es-tu parti ainsi pour que tu puisses venir à moi de cette manière. Tu est mort corporellement pour être présent à nous dans l’esprit »…. « C’est le miracle de la transformation des morts que j’ai expérimenté après la mort de mon père avec toute cette intensité ». Moltmann poursuit ensuite sa méditation dans une réflexion théologique : « Les morts ne sont pas « morts », très loin de nous, dépourvus de sens pour nous si bien que nous puissions les oublier rapidement. Ils sont à côté de nous et en nous, et notre vie est en dialogue continuel avec eux. Nous vivons dans leur passé qui est maintenant présent et ils existent dans notre présent. Nous vivons avec ce que les morts nous doivent et ce que nous leur devons… ». Jürgen nous parle aussi de sa mère : « Dans le cas de ma mère, je n’ai pas eu de problème avec sa mort : Comme si c’était une évidence, elle était et elle est présente à moi dans tout ce que fais et que j’expérimente dans le registre d’une confiance fondamentale ».
Bien sûr, les ressentis personnels sont différents selon chacun. C’est là une expérience intime et toute personnelle. Elle peut être interprétée dans le contexte de la pensée théologique de Moltmann. Ainsi a-t-il beaucoup écrit à ce sujet. On pourra accéder facilement à son approche à travers le livre : « De commencements en recommencements » (2). « Plus nous nous approchons du Christ, plus les morts nous sont proches. Dans les cultes qui se tiennent dans les communautés ecclésiales en Amérique latine, on appelle souvent le nom des « disparus », de ceux qui ont été assassinés par la dictature militaire, et la communauté répond : « Présent » Ils n’ont pas disparu. Ils ne sont pas morts. Ils sont présents en Christ et parmi nous ». (p 164).
Bien entendu, au moment de leur départ, les personnes décédées peuvent éveiller des sentiments divers. Jürgen Moltmann exprime là avec émotion, une affection paisible, qui, dans le contexte de sa pensée théologique, permet d’aller au delà.
Voici une précieuse ressource pour ceux qui s’interrogent sur le sens de l’existence.
(2) Moltmann (Jürgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte Temps présent, 2012 (Chapitre : la communion des vivants et des morts : p 159-167). Sur ce blog : présentation de l’ouvrage : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572
(3) Moltmann (Jürgen). A broad place. An autobiography. SCM Press, 2007. Mise en perspective sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : « Une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695
(4) Les extraits concernant l’expérience de Jürgen Moltmann dans la poursuite de la relation avec son père, sont empruntés au chapitre : « My parents die » (p 321-323)
« Société collaborative. La fin des hiérarchies » (1) : c’est le titre d’un petit livre publié en 2015 par la communauté « OuiShare ». Petit par le format, mais, à notre sens, de grande portée. Car ce livre, nourrie par une expérience vécue, riche en informations sur les innovations sociales et technologiques en cours, sait analyser la réalité sociale et ouvrir des pistes de changement. Et la dynamique de cet engagement se fonde sur les valeurs de OuiShare, une jeune association qui a grandi rapidement depuis janvier 2012 pour devenir un acteur international de premier plan dans le domaine de l’économie collaborative (2). Sur ce blog, nous avons déjà mis en évidence le caractère novateur de l’économie collaborative (3). OuiShare se définit aujourd’hui comme « une communauté, un accélérateur d’idées et de projets dédié à l’émergence de la société collaborative, une société basée sur des principes d’ouverture, de confiance et de partage de la valeur » (4). L’association, actuellement présente dans vingt pays, développe ses activités dans quatre domaines : « animation de communautés ; production intellectuelle ; incubation et accélération de projets collaboratifs ; formation et accompagnement ».
Quelle est donc l’intention de ce livre ? Diane Filippova nous en fait part dans l’introduction : « Ce n’est pas un manifeste… Plutôt que d’asséner une théorie générale du collaboratif » ou tout autre discours prescriptif, c’est à partir de l’analyse d’initiatives concrètes que nous faisons émerger notre vision, parfois idéale, souvent pragmatique. Si les principes de coopération, de justice sociale, de liberté, occupent une place de choix, c’est en tant que préceptes traduits en projets concrets. Aussi divers soient-ils, ces projets ont une caractéristique en partage : l’économique ne l’emporte jamais sur les enjeux sociaux, culturels et politiques » (p 9). On appréciera cette capacité d’un milieu engagé pratiquement dans des activités économiques à prendre du recul vis à vis « d’une autonomisation de la sphère économique par rapport au tissu social qui conduit à une sacralisation de la compétition et à la proclamation de la supériorité des modèles fermés » (p 9). Ce livre s’appuie sur une expérience de terrain. Et c’est à partir de là que les auteurs perçoivent l’apparition d’une société nouvelle en germe, en progrès. « La société collaborative est déjà là » (p 10). Le livre se développe en six parties : « La fin des Léviathans. Splendeurs et misères des nouvelles formes de travail. L’éducation au XXIè siècle : l’âge de « l’encapacitation ». Pour des organisations libératrices et émancipatrices. Face aux défis environnementaux et sociaux, des solutions communes en pair-à-pair. La transition vers la production distribué a commencé ». Un horizon s’ouvre. L’exploration commence
Dans le premier chapitre : « La fin des Léviathans », Arthur de Grave nous fait entrer dans une critique salutaire du « pessimisme anthropologique », un regard négatif sur l’homme qui trouve sa formulation extrême dans « Le Léviathan », livre d’un philosophe anglais de XVIIè siècle, Thomas Hobbes. « Les institutions sont des entraves imposées aux hommes pour éviter qu’ils ne s’entretuent » (p 19). Avec l’auteur, nous participons à cette critique d’une conception très sombre de l’homme qui sape la confiance mutuelle, accroit les conflits, engendre l’autoritarisme (5). La concurrence exacerbée, exaltée dans la figure de « l’homo economicus » s’inscrit dans cette représentation . Et il en va de même quant à la hiérarchisation. L’auteur décrit différentes variantes de l’organisation hiérarchique. Mais aujourd’hui, partout, « le consensus autour de structures de pouvoir obsolètes et légitimées par le recours un peu facile au pessimisme anthropologique se fissure…Internet remet la collaboration au gout du jour au moment même où l’idéologie de la compétition tous azimuts se révèle pour ce qu’elle a toujours été : une vision tronquée et bornée de la société. Dans la production, la consommation, le financement, ou encore l’éducation, les modèles collaboratifs ne cessent de monter en puissance depuis quelques années jusqu’à perturber des pans entiers de l’économie » (p 24). L’ensemble du livre met en évidence l’émergence des ces nouveaux modèles.
Le paysage économique et social est en train de changer. C’est le chapitre de Diana Filippova sur « les nouvelles formes de travail ». Elle observe « une montée en puissance de nouvelles formes de travail, très éloignées du salariat classique : travail indépendant, travail à la demande, entrepreneuriat, consommation-production… » (p 31). Ainsi aux Etats-Unis, les travailleurs indépendants représentent le tiers de la population active américaine. Il y a là des aspects innovants, mais cela ne doit pas nous faire oublier les problèmes qui se posent, et notamment une menace de précarité. L’auteure évoque des dispositifs qui se mettent en place pour y faire face. Dans le mouvement actuel vers la diversification, « il s’agit d’ouvrir la voie à une multitude de possibilités sans à priori économique ou moral et d’éviter les inégalités économiques et statutaires rédhibitoires « (p 46).
L’avènement d’internet met en cause radicalement les formes traditionnelles de l’enseignement déjà battue en brèche par l’apparition d’une sensibilité nouvelle mettant l’accent sur le rôle actif de l’apprenant (6). Le chapitre sur l’éducation au XXIè siècle apporte une contribution incisive et riche en informations sur les innovations en cours présentées en quelques grandes pistes : « L’espace : apprendre partout. Le temps : apprendre tout le temps. La transmission : apprendre autrement, autre chose. L’expérience : apprendre en collaborant ». Marc-Arthur Gauthey et Maëva Tordo concluent ainsi ce chapitre : « De nouvelles écoles voient le jour et réinventent les formats et la temporalité de la pédagogie, contribuant à la création de modèles éducatifs où l’initiative personnelle, l’originalité et la collaboration remplacent peu à peu les logiques de compétition, d’obéissance et de distinction » (p 65).
On peut observer aujourd’hui un mouvement en faveur d’une redéfinition des finalités et des modes de fondement des organisations. « Comment travailler ensemble à l’heure du numérique et des réseaux sociaux ? Comment construire une organisation qui prend corps, dure et a de l’influence sans reproduire les formes de hiérarchies formelles et informelles ? » Antonin Léonard et Asmaa Guedira peuvent se poser ces questions à partir de l’exemple de OuiShare qui est parvenu à s’inscrire dans cette nouvelle dynamique. Il y a bien un mouvement de fond. « Le numérique a rendu possible cette évolution en stimulant le travail en réseau par nature horizontal et a accéléré le basculement vers de nouvelles formes d’organisation en faisant émerger une culture plus collaborative qui s’accommode mal de la hiérarchie et du management autoritaire issus de l’ère industrielle. La baisse des coûts d’auto-organisation et de transaction permise par des outils gratuits ou très peu onéreux joue également un rôle majeur. Autonomie, développement des compétences, définition d’un sens, impact, appartenance, autant de besoins intrinsèques, sources de motivation du travail » (p 68).
Dans tous les domaines, on découvre l’impact révolutionnaire du numérique (7). Et dans le même mouvement, on observe également une transformation dans les attitudes relationnelles (8). Flore Berlinger nous présente le champ en expansion et déjà très vaste « des solutions communes en pair à pair ». Et comme dans les autres chapitres de ce livre, il y a là une description de nombreuses innovations qui changent la donne (9). « Au delà de caractéristiques spécifiques (ouverture, distribution, horizontalité etc), les initiatives évoquées ont pour point fort de s’inscrire dans le long terme. Il s’agit de changer de pratiques, voire de modes de vie, pour répondre aux contraintes économiques et écologiques de notre époque. Elles ont un effet d’entraînement…. en nous appelant à chercher toujours de « nouvelles solutions, locales et reproductibles » (p 99).
« La transition vers la production distribuée a commencé » affirment les auteurs du dernier chapitre : Edwin Mootoosamy et Benjamin Tincq. « La réappropriation des moyens de production et la sortie d’une logique consumériste sont le deux constantes des réflexions menées pour dépasser » un modèle «économique productiviste. Mais, « un modèle alternatif, concret et généralisable, ne s’est pas encore dégagé ». La transformation numérique pourrait bien être l’un des facteurs clefs d’une telle alternative. Pour la première fois, des personnes du monde entier coordonnent leurs contributions au sein de communautés en ligne et locales. Si les promesses sont importantes, force est de constater que l’incertitude reste entière. Le mouvement des « makers » parviendra-t-il à répondre aux enjeux sociaux et écologiques nés de la production de masse ? Les nouveaux modes de production resteront-ils l’apanage de quelques « happy few » ou seront-ils massivement adoptés par le grand public, voire par les industriels ? Et, si oui, à quelles fins ? » (p 104-105). Les auteurs font le point sur les innovations en cours. Ils s’interrogent sur la portée de la transformation actuelle. « Au delà de l’implication des acteurs traditionnels, la maîtrise sociale de la fabrication distribuée devra d’abord passer par la pédagogie et la sensibilisation du plus grand nombre, afin qu’elle soit réellement un levier d’émancipation et de transition écologique, économique et démocratique » (p 118).
Ce livre n’est pas seulement une bonne introduction aux changements en cours à même de favoriser le développement d’une société collaborative. Il est aussi l’expression d’acteurs engagés dans des pratiques économiques innovantes et rassemblés dans l’association OuiShare. Il allie ainsi une expérience, un savoir, une vision. Dans un temps où la morosité, l’inquiétude, le ressenti d’une impasse sont répandus, ce livre participe à la mise en évidence des émergences positives et contribue par là à baliser un chemin et à ouvrir une voie où l’on puisse avancer dans une espérance concrète.
J H
(1) Filippova (Diana) dir. Société collaborative. La fin des hiérarchies. OuiShare, 2015
(2) « Un mouvement émergent pour le partage, la collaboration et l’ouverture : OuiShare, communauté leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866
(3) Sur ce blog : l’économie collaborative : un courant porteur d’avenir : « Une révolution de l’être ensemble » : « Vive la co-révolution ! Pour une société collaborative » (Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot ) : https://vivreetesperer.com/?p=1394 « Pour une société collaborative ! Un avenir pour l’humanité dans l’inspiration de l’Esprit » : https://vivreetesperer.com/?p=1534 « Anne-Sophie Novel : militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975
(4) Site de OuiShare : « Welcome to the collaborative Society. OuiShare est une communauté internationale habilitant les citoyens à élaborer une société basée sur la collaboration, l’ouverture et le partage » : http://ouishare.net/fr
(5) Nous nous accordons avec Arthur de Grave sur les conséquences fâcheuses du « pessimisme anthropologique ». Cependant, il remonte loin dans le temps , et, pour faire face à cet héritage, une recherche historique, sociologique, philosophique et théologique est nécessaire. Sur ce blog : « La bonté humaine. Est-ce possible ? La recherche et l’engagement de Jacques Lecomte » : https://vivreetesperer.com/?p=674 A propos du livre de Lytta Basset : « Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842
Une vision politique. Des chemins qui convergent. Une œuvre de l’Esprit.
Dans ce monde où les menaces abondent, y a-t-il des hommes en responsabilité inspirés par l’Esprit pour chercher et promouvoir les voies de la paix et de la justice ? La réponse est positive, et, dans certains cas, elle apparaît au grand jour, quelque soit la subjectivité de notre regard.
Les troubles qui affectent notre humanité sont liés, pour une part, au manque de sens. Mais légitimement, on attend authenticité et empathie de ceux qui peuvent répondre à cette question du sens.
Et voici que dans une institution où on perçoit, pour le moins, des aspects archaïques, un homme apparaît qui échappe au formalisme et s’affirme comme un homme en relation, simple, attentif et bon. Alors ses paroles portent, d’autant qu’elles sont engagées pour la paix et la justice. C’est le pape François.
Dans un passé récent, on a vu les dégâts entraînés par une politique dominatrice lorsqu’elle émanait d’une grande puissance. C’est dire la responsabilité des peuples lorsqu’ils choisissent leurs dirigeants. Nous savons ce qu’il y a de meilleur dans la tradition politique américaine, mais nous voyons également les menaces du pire qui existent dans ce pays, comme dans tout autre et qui sont d’autant plus à considérer qu’il exerce une influence majeure dans le monde. C’est pourquoi, nous avons salué l’accès de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis (1). Et quelque soient ses limitations, nous voyons en lui, non seulement un homme intelligent, mais un homme de bonne volonté qui porte des valeurs morales et spirituelles (2).
Le pape François vient d’être accueilli par le président Obama à Washington. Nous ne nous étendrons pas sur cette visite abondamment couverte par les médias. Nous voulons simplement présenter ici quelques unes des paroles de Barack Obama à l’intention du pape François lors de la rencontre publique qui a marqué l’accueil de celui-ci à la Maison Blanche. En effet, ces mots nous parlent à la fois de celui qui les prononce et de celui qui les reçoit. Et ils nous parlent à nous aussi, et comme nous le ressentons, à notre cœur profond et à notre intelligence.
Voici donc quelques extraits du message d’accueil du président Obama (3)
« Je crois, Saint Père, que l’excitation suscitée par votre visite, doit être attribuée non seulement au rôle que vous jouez comme pape, mais à vos qualités uniques en tant que personne. Dans votre humilité, votre simplicité, dans la gentillesse de vos paroles et la générosité de votre esprit, nous voyons en vous un exemple vivant des enseignements de Jésus, un leader dont l’autorité morale ne vient pas juste à travers des paroles, mais aussi à travers des actions.
Vous nous appelez tous, catholiques et non catholiques, à mettre « le moindre de ces petits » au centre de nos préoccupations. Vous nous rappelez qu’aux yeux de Dieu, notre valeur comme individu, et notre valeur comme société, ne sont pas déterminées par la richesse, le pouvoir, la position ou la célébrité, mais par la manière dont nous répondons à l’appel de l’Ecriture d’élever les pauvres et les marginaux, de lutter pour la justice et contre les inégalités, et d’assurer à chaque être humain la possibilité de vivre dans la dignité, parce que nous sommes tous faits à l’image de Dieu.
Vous nous rappelez que le plus grand message du Seigneur est la miséricorde. Cela veut dire accueillir l’étranger avec empathie et un cœur vraiment ouvert, depuis les réfugiés qui fuient un pays déchiré par la guerre jusqu’aux immigrants qui quittent leur foyer en quête d’une vie meilleure. Cela veut dire montrer de la compassion et de l’amour pour les marginalisés et les rejetés, pour ceux qui ont souffert et pour ceux qui ont causé de la souffrance et cherchent une rédemption. Vous nous rappelez le coût des guerres, particulièrement pour les gens faibles et sans défense et vous nous pressez à rechercher la paix……..
Vous nous rappelez que les gens ne sont vraiment libres que quand ils peuvent pratiquer leur foi. Ici, aux Etats-Unis, nous chérissons la liberté religieuse. C’est le fondement de tant de choses qui nous rassemblent. Mais, dans le monde, en ce moment même, des enfants de Dieu, y compris des chrétiens, sont ciblés et même tués en raison de leur foi… Les fidèles sont emprisonnés et les églises détruites. Nous nous dressons avec vous pour défendre la liberté religieuse et promouvoir le dialogue interreligieux en affirmant que les gens doivent pouvoir vivre librement leur foi sans peur et sans intimidation.
Vous nous rappelez le devoir sacré de protéger notre planète, ce merveilleux don de Dieu. Nous soutenons votre appel à tous les dirigeants du monde de venir en aide aux communautés les plus vulnérables au changement climatique et de nous rassembler pour protéger ce monde si précieux à l’intention des générations futures.
Par vos paroles et par vos actes, vous apportez en profondeur un exemple moral. Et dans vos rappels empreints de gentillesse, mais fermes de nos devoirs envers Dieu et envers nous-mêmes, vous bousculez notre autosatisfaction. Chacun de nous, par moment, peut ressentir un malaise quand nous voyons la distance entre la manière dont nous menons nos vies quotidiennes et ce que nous savons être vrai et être juste. Mais je crois qu’un tel malaise est une bénédiction, car cela nous amène à aller vers ce qui est meilleur. Vous nous secouez pour sortir notre conscience du sommeil. Vous nous appelez à nous réjouir des bonnes nouvelles et vous nous donnez confiance pour que nous puissions avancer ensemble dans l’humilité et le service et œuvrer pour un monde plus aimant, plus juste et plus libre. Qu’ici chez nous et dans le monde, puisse notre génération entendre votre appel et à ne jamais rester sur la touche de cette marche animée par une espérance vivante.
Pour ce grand don de l’espérance, Saint Père, nous vous remercions et nous vous accueillons aux Etats-Unis d’Amérique avec joie et gratitude ».
Le président Obama et le pape François : des parcours bien différents et pourtant une communion qui tient à une empathie et à une proximité fondées sur des valeurs communes.
Dans l’environnement américain, Barack Obama a pu exprimer en profondeur sa foi chrétienne telle qu’elle se manifeste dans l’exercice de sa fonction. Son allocution nous paraît énoncer en termes forts la manière dont une inspiration chrétienne peut éclairer un homme politique dans le monde d’aujourd’hui tant dans la définition des priorités que dans la conduite de son action. Ce texte témoigne d’une conscience en éveil et d’une grande qualité humaine. Et, dans cette rencontre, une correspondance s’établit ainsi avec le pape François, qui lui-même par les qualités qui lui sont, à juste titre, attribuées, éveille et encourage une telle expression de foi.
Bien sûr, pour l’un comme pour l’autre, cette orientation spirituelle n’exclut pas des limitations ou des erreurs, mais elle appelle le désir de les reconnaître. Certes, dans ce monde, cet idéal se heurte à des oppositions, et pire à la manifestation de la haine et de la violence. Jésus lui-même a été victime de ces forces obscures, mais, à travers sa mort et sa résurrection, il a ouvert une dynamique d’espérance. A ceux qui s’enferment dans le cynisme, on peut objecter qu’il y a aussi chez les hommes une aspiration au bien et une capacité de le reconnaître : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » ( Matthieu 5.15), nous dit Jésus. Dans un monde fragile, cette rencontre de deux personnalités influentes, chacune dans son ordre, nous paraît témoigner de l’œuvre de l’Esprit qui rassemble les hommes de bonne volonté pour faire face aux menaces et promouvoir une humanité plus solidaire et plus libre.
On pourrait également commenter cette intervention dans une réflexion sur le rapport entre le politique et le religieux. Ce rapport dépend du contexte historique et prend donc une forme spécifique aux Etats-Unis. En France, la séparation entre l’Eglise et l’Etat, advenue en 1905 en réaction contre l’emprise de l’Eglise catholique s’est exprimée dans les termes de la laïcité. Aujourd’hui, en regard des reliquats d’une tonalité antireligieuse présente dans certains cercles, une conception ouverte de la laïcité répondant à l’évolution du socioreligieux et d’une société en recherche de sens est en train de se manifester. A cet égard, le discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, le 4 octobre 2015, aux Etats généraux du christianisme organisés par « La Vie » à Strasbourg, nous paraît tout à fait remarquable et de grande importance. C’est l’affirmation d’une laïcité ouverte, inclusive, fondée sur le respect. C’est une prise en compte par l’Etat de l’apport du spirituel. C’est la reconnaissance de la parenté entre les valeurs républicaines et les valeurs de l’Evangile. C’est une affirmation déterminée de la reconnaissance du fait religieux. Ce discours n’est pas seulement une réflexion sur le passé et le présent, c’est une orientation pour l’avenir et, par là, il nous paraît avoir une portée historique.