par jean | Nov 13, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation.
Désir d’apprendre, désir de connaître, désir de comprendre, désir de participer à un univers de sens qui nous dépasse. A travers l’histoire, on peut suivre le mouvement qui en est résulté.
Et, dans les derniers siècles, le désir s’est investi dans le développement de l’école qui a permis l’accès au savoir du plus grand nombre. Et, dans la vie des élèves, cet attrait s’est traduit dans une mobilisation de l’être. Il est des pays où cette mobilisation est particulièrement visible comme en témoigne le film : « Sur le chemin de l’école » (1). Mais, dans cette histoire, il y a deux faces bien différentes. En effet, si l’école, et plus largement l’institution scolaire dans ses différentes étapes, ont suscité un élan, on peut la considérer également sous un autre jour. En effet, aujourd’hui, elle apparaît également comme un système imposé en fonction d’un double héritage : la hiérarchisation de la société traditionnelle où le pouvoir s’exerce d’en haut à travers de multiples relais ; l’organisation qui a longtemps prévalu dans la société industrielle en terme de production de masse et de normes peu propices à la prise en compte des spécificités industrielles.
Des évolutions et leurs limites.
Ainsi, lorsque le développement progressif de l’autonomie dans les genres de vie a rejoint un idéal de respect de l’enfant et de prise en compte de l’ensemble de son potentiel longtemps refoulé par la culture dominante, alors le système scolaire dans sa forme la plus commune a été de plus en plus interpellé et contesté. On peut retrouver ce mouvement dans le cadre plus général d’une évolution sociale où autonomie et désir de participation sont devenus des réalités majeures. Ce mouvement est international, mais il est plus ou moins précoce et vigoureux selon les pays.
En France, il s’est manifesté dans l’enseignement à travers des pionniers qui sont à l’origine d’expériences novatrices dans ce qu’on a appelé le mouvement de l’Education Nouvelle. De grands noms marquent cette inspiration : Maria Montessori, Decroly, Freinet, Cousinet (2). Dans la seconde moitié du XXè siècle, l’esprit de réforme se répand en se manifestant plus particulièrement dans certaines périodes. Ainsi, juste après la guerre, des « classes nouvelles » apparaissent dans l’enseignement secondaires. L’élève est respecté dans son potentiel et dans son cheminement. Et le travail d’équipe est encouragé. Cependant, la remise en cause du système prend toute son ampleur dans les décennies 60 et 70 dans la foulée de la transformation de notre société qui a été décrite par le sociologue Henri Mendras dans les termes d’une « Seconde Révolution Française » (3). Il y a à la fois l’accès des milieux populaires à la scolarisation dans l’enseignement secondaire et le développement de l’autonomie dans les comportements sociaux et culturels qui apparaît dans la jeunesse dès les années 60. Les cadres rigides du système scolaire apparaissent comme une barrière et sont remis en cause. A cet égard, le Colloque d’Amiens est emblématique dans son orientation réformatrice. Quelques mois plus tard, la révolte étudiante en mai 1968 ébranle les institutions, ce qui induit des transformations, mais aussi des résistances en retour. La décennie 70 sera propice aux innovations pédagogiques. Mais la pesanteur du système hiérarchisé et massifié impose des limites.
Dans notre parcours professionnel inspiré par le modèle de la bibliothèque publique (4) qui permet l’accès au savoir à travers de libres cheminements, et plus généralement par le développement des centres documentaires qui favorisent l’autonomie et l’initiative des apprenants (5), nous avons milité pour un changement des processus pédagogiques dans des établissements, eux-mêmes appelés à se départir d’une organisation issue du XIXè siècle (6). Et par ailleurs, dans le même mouvement, l’enseignement des plus jeunes est considéré comme une étape dans une éducation permanente, un processus d’apprentissage tout au long de la vie (« Life-long learning »).
Un constat d’immobilisme.
Dans un regard rétrospectif, nous percevons quelques effets de la mouvance militante et de la volonté réformatrice. Mais nous voyons aussi la puissance de conservation dans les structures et les comportements. La pertinence du système scolaire par rapport aux aspirations et aux besoins ne s’est pas accrue. Et aujourd’hui, nous pouvons constater avec Yann Algan la pesanteur d’un système qui handicape l’ensemble de la société française. Dans un livre récent : « La fabrique de la défiance » (7), Yann Algan, professeur d’économie à Sciences Po, dresse un constat accablant sur la manière dont le système scolaire français induit un manque de confiance chez les élèves.
Toutes les mesures internationales montrent que l’écolier français se sent beaucoup moins bien, à l’école que les enfants des autre pays développés. « A la question posée dans quarante pays différents : « Vous sentez-vous chez vous à l’école ? », plus d’un de nos enfants sur deux répond par la négative. C’est de loin la pire situation de tous les pays. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, plus de quatre élèves sur cinq déclarent se sentir chez eux à l’école, qu’ils habitent en Europe continentale, dans les pays méditerranéens ou dans les pays anglo-saxons (« La fabrique de la défiance », p 107). Notre école a beau rappeler les grands principes de vie ensemble, elle développe moins le goût de la coopération que celui de la compétition. Et d’autre part, la hiérarchie présente dans le système scolaire se manifeste très concrètement dans la prédominance de méthodes pédagogiques trop verticales. Notre école insiste trop exclusivement sur les capacités cognitives sans se soucier des capacités sociales de coopération avec les autres. Selon des enquêtes internationales (Pisa et Tims) sur les pratiques scolaires, 56% des élèves français de 14 ans déclarent consacrer l’intégralité de leurs cours à prendre des notes au tableau en silence. C’est le taux le plus élevé de l’OCDE après le Japon et la Turquie. Où est l’échange, le partage, la relation ? D’autant qu’à contrario, 72% de nos jeunes déclarent ne jamais avoir appris à travailler en groupe avec des camarades ! ».
Il y a bien aujourd’hui des enseignants et des chercheurs qui militent pour un changement pédagogique et enseignent autrement. (8) On voit aujourd’hui la mise en œuvre d’une réforme des rythmes scolaires. Les signes d’une prise de conscience apparaissent dans les sphères dirigeantes de l’Education Nationale. Il reste que la recherche de Yann Algan et de ses collègues, à partir de données qui ne sont pas anciennes, montrent l’ampleur du chemin à parcourir. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de progrès lents et ponctuels. Si la situation actuelle de l’enseignement français est inacceptable, la mutation actuelle des moyens de communication va la rendre insupportable.
Vers un nouveau paradigme d’éducation.
Aujourd’hui, le monde change à vive allure. Ce changement porte une révolution dans le domaine de l’éducation. Si la France est dans une situation particulièrement difficile, une prise de conscience est également en train d’advenir à l’échelle internationale. Dans le domaine de l’enseignement, nous sommes tous appelés à changer de paradigme. Et, s’il nous semble que les pays anglophones, sur certains points, sont davantage en phase avec une évolution qui s’esquisse depuis des décennies, on peut entendre avec d’autant plus d’attention, la voix d’une personnalité britannique, résidant aujourd’hui en Californie, Sir Kenneth Robinson, lorsqu’il dénonce les effets uniformisateurs et réducteurs du système scolaire. Ken Robinson est un auteur et conférencier anglais, expert dans l’éducation artistique, longtemps professeur dans cette discipline à l’université de Warwick (1986-2001). Il est célèbre pour ses allocutions sur le thème de l’éducation, prononcées avec beaucoup de conviction et d’humour dans le cadre du centre de conférences TED (Technology, Entertainment and Design), et puissamment diffusées sur le web. En 2010, dans un exposé s’appuyant sur un dessin animé réalisé à son intention par la « Royal Society for the encouragement of art… », il réclame un changement de paradigme en éducation (9). En mai 2013, cette vidéo diffusée sur le web a été visionnée par plus de 10 millions d’internautes.
« L’école », nous dit-il, « nous introduit dans un voie standardisée et annihile la créativité que chaque enfant porte en lui à la naissance ». Déjà, dans les années 60, le chercheur américain, Torrance, avait mis en évidence le concept de créativité. Nous avions relayé ses découvertes en France. Ken Robinson se réfère à une recherche plus récente concernant la « pensée divergente », cette aptitude à formuler un grand nombre de réponses à une même question, une imagination créatrice qui permet de résoudre de nombreux problèmes. A partir de la passation d’un test, on a constaté que l’expression de cette faculté est quasi universellement répandue chez les enfants fréquentant des classes maternelles. Mais elle baisse ensuite de plus en plus avec la montée en âge. Le taux de réussite passe ainsi de 98% à 5 ans à 30% à 10 ans et à 10% à 14 ans. Ken Robinson attribue cet effondrement à l’influence d’une école qui exclut ou limite la coopération et une recherche ouverte.
Ken Robinson nous montre comment le système scolaire actuel est le produit d’une autre époque où un intellectualisme individualiste issu du XVIIIè siècle s’est combiné à une organisation industrielle associant uniformisation, standardisation et division du travail. Aujourd’hui, nous avons besoin de passer d’un « processus mécanique » à un « processus organique ». Les nouveaux modes de communication changent la donne et permettent le changement.
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La révolution portée par internet.
Effectivement, comme Michel Serres nous l’a remarquablement expliqué dans son livre : « Petite Poucette » (10), à travers l’expansion d’internet, nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle manière de communiquer et d’apprendre.
A cet égard, une vidéo réalisé par un entrepreneur d’avant-garde, Oussama Ammar, à travers un titre humoristique : « Les barbares attaquent l’éducation » (11) met en lumière la révolution qui est en train de se réaliser dans le domaine de l’enseignement. Lui aussi parle en terme de changement de paradigme et il le fait à partir des innovations qui se développent aujourd’hui à toute allure et bouleversent les conditions de l’enseignement. Oussama Ammar a fondé plusieurs entreprises, codirige « The family », un organisme qui se consacre à l’accélération de la progression des start up, enseigne à Sciences-Po Paris et à l’Université Lyon II. Franco-libanais d’origine, il vit aujourd’hui à l’échelle internationale dans des villes comme San Francisco, Hong Kong, Sao Paulo et Paris.
On peut débattre à propos de quelques unes de ses affirmations préliminaires. Mais ses critiques du modèle actuel rejoignant celles de Ken Robinson, à partir cette fois d’une analyse du fossé qui se creuse entre l’enseignement traditionnel et la nouvelle manière de communiquer. Pour nos parents et grands parents, l’école était « un endroit formidable », mais aujourd’hui, « des millions d’enfants s’y sentent aliénés ». Et il cite des données impressionnantes de l’enquête Pisa, dont nous avons déjà entendu parler par Yann Algan, qui montrent que l’intérêt des « bons élèves » pour l’école est aujourd’hui, depuis cinq ans, en voie de s’effondrer. Et, dans ce cas, ce n’est pas une exception française. Le même phénomène se produit dans de nombreux pays, de l’Allemagne à la Corée. Oussama Ammar associe diagnostic et témoignage. Ainsi, il a connu la période de transition où la prédominance des nouveaux moyens de communication ne s’était pas encore imposée. Des professeurs critiquaient Wikipedia sans se rendre compte de la puissance du processus de production en cours puisque, dans sa version anglophone, il y avait déjà vingt-cinq millions d’articles en ligne. Oussama converge avec Ken Robinson sur la nécessité d’encourager la créativité.
Cependant l’apport de cette vidéo ne se limite pas à une analyse de la situation. Elle nous rapporte le dynamisme impressionnant des innovations dans un champ où l’apprentissage et l’enseignement (« learning and teaching »), se réalisent maintenant sur le web. Les réalisations se multiplient à vive allure dans une véritable épopée qui est aussi une révolution pédagogique.
Oussama nous parle des Mooc (« Massive Open Online Course »), ces cours mis en ligne par de grandes universités, et en particulier par de prestigieuses universités américaines de Harvard et du MIT à Stanford et Princeton. En quelques années, le public de ces cours s’est étendu à travers le monde entier et il comprendrait aujourd’hui 17 millions d’utilisateurs actifs dont le tiers aurait moins de 18 ans. On pourra sur le web visiter les différents sites qui diffusent ces cours (vidéos et exercices) et assurent la certification de ceux qui les ont suivi avec succès. Le phénomène est issu d’initiatives qui se sont développées à partir de grandes universités américaines. Ainsi Edx communique à partir d’Harvard, du MIT et de Berkeley (12). Coursera s’appuie sur Stanford, Princeton et un réseau d’universités qui commence aujourd’hui à s’étendre au delà des Etats-Unis en incluant quelques institutions européennes, ainsi, dans le monde francophone l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et, en France, l’Ecole Polytechnique, l’Ecole Centrale et l’Ecole Normale Supérieure. Fondée il y a deux ans, Coursera s’est développé avec une rapidité fulgurante. Aujourd’hui, elle dessert 5 300 000 inscrits et diffuse 535 cours réalisés par 107 universités et grandes écoles partenaires (13).
Une autre institution remarquable consiste dans la diffusion sur le web de vidéos communiquant de courts exposés réalisés par des penseurs originaux. Après une période ponctuée par de grandes conférences aux Etats-Unis, le forum TED (Technology, Entertainment and Design) a commencé, à partir de 2007, à diffuser sur le web de courts exposés sur une vaste gamme de sujets dans la recherche et la pratique en science et en culture (14). « Nous croyons passionnément dans le pouvoir des idées pour changer les attitudes, les vies et finalement le monde. Aussi nous développons une « clearinghouse » qui offre libre savoir et inspiration, en provenance des penseurs mondiaux les plus inspirés et aussi une communauté d’esprits curieux (« curious souls ») qui s’impliquent dans les idées et aussi les uns avec les autres ». A partir de 2009, un programme de traduction à partir de l’anglais a commencé à se développer. En juillet 2012, 1300 exposés avaient été mis en ligne et de 5 à 7 nouveaux entretiens paraissaient chaque semaine. En janvier 2007, l’ensemble des vidéos avait été visionné, au total 50 millions de fois, en janvier 2011, 500 millions de fois, en novembre 2012, 1 milliard de fois.
Comment ne pas reconnaître l’importance d’un tel phénomène ? Oussama Ammar nous décrit un contexte en pleine effervescence. Des enseignants doués s’installent sur le web et se trouvent à même d’attirer rapidement de vastes audiences (Ainsi,Salman Khan, dont les milliers de productions commencent à être traduites en français par la Khan academy (bibliothèques sans frontières). Ainsi, nous dit Oussama, en citant des exemples, « n’importe qui peut enseigner ».
Parallèlement, on observe de brillantes performances chez certains enfants qui, en tirant parti des connaissances désormais accessibles réalisent des dispositifs complexes. C’est, par exemple, Didier Focus, un enfant nigérian, qui, à quatorze ans, permet à son village d’accéder à l’électricité et gagne de surcroit un prix du MIT.
A travers l’ordinateur, une éducation informelle se développe dans les pays pauvres. Ainsi, en Inde, après avoir placé un ordinateur en libre accès dans un bidonville, on constate quelques mois plus tard, que son usage a suscité de nouveaux savoirs comme par exemple l’apprentissage de l’anglais ou de la programmation. Les jeux permettent également le développement de nouvelles compétences.
Une révolution en éducation.
Dans « Petite Poucette » (10), Michel Serres, lui-même professeur dans l’enseignement supérieur, évoque brillamment le changement qu’internet a introduit dans le comportement des étudiants. Les mentalités ont changé. « Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà partout sur la toile, disponible, objectivé … Le transmettre à tous ? Voilà, c’est fait ! » (p 19). Cette mutation interpelle les rapports sociaux traditionnels. Mais elle entraîne également un changement profond dans les usages du savoir. « Libéré des relations asymétriques, une circulation nouvelle fait entendre les notes musicales de sa voix » (p 52). Le « collectif » laisse sa place au « connectif » (p 65). Le nouveau mode d’accès à la connaissance s’accompagne d’une transformation de notre maniement de celle-ci. « Entre nos mains, la boite ordi contient et fait fonctionner ce que nous appelions jadis nos facultés. Que reste-t-il ? L’intuition novatrice et vivace. Tombé dans la boite, l’apprentissage laisse la joie d’inventer » (p 28).
Ainsi, si les pratiques traditionnelles résistent encore, elles ont perdu leur emprise. Pendant des décennies, le changement en éducation a dépendu de la mise en oeuvre d’un idéal, d’une compréhension, et puis, dans la seconde moitié du XXè siècle, de la montée progressive d’aspirations nouvelles fondées sur l’apparition et le développement d’un nouveau genre de vie. Nous avons participé aux actions engagées pour modifier le cours de l’enseignement et de l’éducation. Mais l’innovation se heurtait aux pesanteurs des structures et des comportements. Et les données toutes récentes rassemblées par Yann Algan dans son livre : « La fabrique de la défiance » montrent combien l’immobilisme a longtemps prévalu. Et bien, aujourd’hui, le développement d’internet et des nouveaux modes de communication a changé la donne. Quelque soient les obstacles systémiques ou les résistances culturelles, la transformation a commencé et le mouvement est irréversible. Cette évolution est internationale.Nous sommes engagés dans une révolution de l’éducation. Un nouveau paradigme est en voie de se manifester. Nous nous dirigeons vers une offre permettant la personnalisation de l’éducation et son accompagnement tout au long de la vie. La transmission des savoirs par internet est une composante essentielle de cette évolution qui implique par ailleurs le développement de la vie relationnelle et de la convivialité. Et, certes, là comme ailleurs, le changement est dans durée, mais nous savons quel est le sens de cette transformation.
En écoutant Oussama Ammar nous décrire les innovations en cours dans le sillage d’internet, nous éprouvions une forme d’émerveillement en prenant conscience de la puissance du mouvement en cours et de l’horizon qui s’ouvre aujourd’hui à nous. Dans ce temps de crise où les périls abondent, nous voyons là une ouverture parmi d’autres. Ce phénomène nous apparaît comme une émergence. Nous entendons à ce sujet la parole du théologien Jürgen Moltmann lorsqu’il écrit : « L’essence de la création dans l’Esprit est la collaboration et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’accord général » (15). Nous voyons là un principe qui éclaire notre regard, induit notre discernement et motive notre action.
Aujourd’hui, un avenir se construit sous nos yeux.
J H
(1) Sur le chemin de l’école : Film documentaire de Pascal Plisson. Voir la présentation sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=1556
(2) On trouvera une abondante documentation et réflexion sur les mouvements d’éducation nouvelle et les innovations mises en oeuvre dans les décennies 60 et 70 dans la revue Education et Développement parue de 1964 à 1980. Voir le livre : Une revue en perspective : Education et développement. Textes présenté par Louis Raillon et Jean Hassenforder. L’Harmattan, 1998 (Série références).
(3) Mendras (Henri). La Seconde Révolution Française 1965-1984. Paris, Gallimard, 1988 (actuellement en poche : folio).
(4) Hassenforder (Jean). Développement comparé des bibliothèques publiques en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis dans la seconde moitié du XIXè siècle (1850-1914). Paris, Cercle de la Librairie, 1967. Edition numérique en ligne : http://barthes.enssib.fr/travaux/Caraco-Hassenforder-dvpt-compare-bib-publiques.pdf
(5) Hassenforder (Jean), Lefort (Geneviève). Une nouvelle manière d’enseigner. Pédagogie et documentation. Les cahiers de l’enfance, 1977 (Collection éducation et développement).
(6) Hassenforder (Jean). L’innovation dans l’enseignement. Un avenir qui se construit sous nos yeux. Casterman, 1972 (poche).
(7) Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zylbergerg (André). La fabrique de la défiance. Grasset, 2012. Voir une mise en perspective sur ce blog : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » : https://vivreetesperer.com/?p=1306
(8) Cercle de recherche et d’action pédagogique : Un mouvement d’enseignants qui œuvre pour une éducation nouvelle et un changement dans l’école et la société depuis plusieurs décennies notamment à travers la publication d’une revue : Les Cahiers pédagogiques. Site : http://www.cahiers-pedagogiques.com/ Sur ce blog, la recherche pédagogique de Britt-Mari Barth : « Une nouvelle manière d’enseigner. Participer ensemble à une recherche de sens » : https://vivreetesperer.com/?p=1169
(9) Site de Ken Robinson en français : http://www.kenrobinson.fr/ On trouve sur ce site des liens avec les différentes vidéos des interventions de Ken Robinson, notamment celle de 2010 sur le paradigme en éducation présentant un commentaire interactif avec une illustration (RSA animate) et un sous-titrage en français. http://www.kenrobinson.fr/voir/ Cette vidéo est présentée par ailleurs en français : Créa. Apprendre la vie : Du paradigme de l’éducation (en regrettant cependant l’absence de la mention d’origine) : http://www.youtube.com/watch?v=e1LRrVYb8IE
(10) Serres (Michel). Petite Poucette. Le Pommier, 2012 (Manifestes). Mise en perspective sur ce blog : « Une nouvelle manière d’être et de connaître » : https://vivreetesperer.com/?p=820
(11) The family. Oussama Ammar. « Les barbares attaquent l’éducation » : http://www.youtube.com/watch?v=FoOAEIoJrjc
(12) Edx. Take great courses of the world’s best universities. https://www.edx.org/
(13) Coursera. Education for everyone : http://www.youtube.com/user/courses
(14) TED : http://www.ted.com/ Histoire et situation actuelle de TED sur wikipedia anglophone : http://en.wikipedia.org/wiki/TED_(conference)
(15) Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création. Traité écologique de la création. Cerf, 1988 (citation p 25). Voir sur ce blog : « Dieu suscite la communion » : https://vivreetesperer.com/?p=564
par jean | Nov 13, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
Des enfants en marche : beauté et grandeur d’âme.
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« Sur le chemin de l’école » (1) : un film qui nous parle en termes épiques de la démarche d’enfants du « tiers monde » animés par le désir d’apprendre et bravanttoutes les difficultés pour aller à l’école.
Le film nous est ainsi présenté. « Ces enfants vivent aux quatre coins du globe, mais partagent la même soif d’apprendre. Ils ont compris que seule l’instruction leur permettra d’améliorer leur vie, et c’est pour cela que chaque jour, dans des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir. Jackson, 11 ans, vit au Kenya et parcourt, matin et soir, quinze kilomètres avec sa petite sœur au milieu des savanes et des animaux sauvages… Zahira, 12 ans, habite dans les montagnes escarpées de l’Atlas marocain, et c’est une journée de marche exténuante qui l’attend pour rejoindre son internat avec ses deux amies… Samuel, 13 ans, vit en Inde et, chaque jour, les quatre kilomètres qu’il doit accomplir sont une épreuve parce qu’il n’a pas l’usage de ses jambes. Ses deux jeunes frères poussent pendant plus d’une heure son fauteuil roulant bricolé jusqu’à l’école… C’est sur un cheval que Carlos, 11 ans, traverse les plaines de Patagonie sur plus de dix-huit kilomètres. Emmenant sa petite sœur avec lui, il accomplit cet exploit deux fois par jour, quelque soit le temps… ».
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Geneviève Patte est une pionnière des bibliothèques enfantines Elle est témoin du désir d’apprendre, de connaître qui est présent en chaque enfant et qui se manifeste dans la lecture. Là où des adultes suscitent un environnement favorable, alors une dynamique apparaît. Une dynamique à respecter : « Laissez les lire » (2). On comprend que Geneviève puisse nous parler avec enthousiasme du film « Sur le chemin de l’école », car, dans un contexte différent, et dans des conditions plus difficiles, ce film exprime la dynamique qui se manifeste chez des enfants désireux d’apprendre et de connaître.
« J’avais entendu parler de ce film par une amie, elle-même illustratrice de livres pour enfants ». Geneviève partage avec cette amie une attention pour l’enfant : ne pas lui imposer nos propres intérêts, mais être à son écoute dans une relation réciproque. Cette amie lui avait dit : « Va voir ce film. Tu verras comment ces enfants ont un désir de connaître qui leur fait franchir des montagnes. Au sens propre… ».
Geneviève a admiré ce dynamisme. Elle a ressenti dans ce film la dimension du temps et de l’espace. « Ce film fait très bien sentir le temps. Le rythme du film fait ressortir la durée des déplacements. Aller à l’école, coûte que coûte… ».
Il y a là un grand courage. « On brave toutes les difficultés. Les parents acceptent de se séparer de leurs enfants pour qu’ils aillent à l’école avec les dangers que cela suppose. Ainsi un père met en garde ses enfants : comment se comporter quand on rencontre un troupeau d’éléphants… Face au danger, les enfants ont du beaucoup courir. Ils se sont cachés… Ce qui me frappe, c’est l’intelligence des enfants »
L’école est revêtue de prestige. « Ainsi, un des enfants est content d’arriver à l’heure au moment où on salue le drapeau. L’enfant respecte les adultes. Les adultes respectent l’enfant ».
« Ce film nous révèle un monde d’une grande beauté. Tous les paysages sont magnifiques. Mais cette nature est quand même très dure. Là, c’est un désert. Les enfants affrontent le désert parce qu’ils ont envie de connaître ».
« Les enfants ne sont pas encombrés de richesses ou saturés par une hyperconsommation. On va vraiment à l’essentiel ».
Ce film communique la beauté : « Beauté de ces univers. Beauté de ces enfants. Beauté de ces familles… C’est très beau. Tout est très beau… ». « La solidarité entre les enfants est magnifique ». Ainsi ce film nous comble de beauté : « Le monde est beau aussi bien dans les êtres que dans le monde qui nous est donné ». « C’est un film qui stimule ma foi ».
Les paroles de Geneviève font écho à ce que J H a lui aussi ressenti en voyant sur le web un condensé du film présenté à des enfants français (3). Il y a, dans ce film, un mouvement, un souffle, une dimension épique. La démarche de ces enfants est admirable et l’attitude de leurs parents l’est tout autant. Ils acceptent un risque pour leurs enfants dans un esprit de foi : « Je vous bénis. Que vous arriviez sains et saufs à l’école… Que Dieu soit avec toi… ». On découvre aujourd’hui la dimension spirituelle qui se manifeste dans la vie des enfants (4). Il y a dans ce film une dynamique de vie qui nous émerveille. Nous sommes impressionné par une beauté et une grandeur d’âme qui nous dépassent. Comme l’exprime Geneviève Patte : « Ce monde est beau aussi bien dans les êtres que dans le monde qui nous est donné ».
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(1) Sur le chemin de l’école : film documentaire de Pascal Plisson. Bande annonce sur You Tube : http://www.youtube.com/watch?v=jsyDtye0B7E Les histoires de chaque enfant, présentées dans une courte vidéo, : sont très belles : Jackson, 11 ans, Kenya http://www.youtube.com/watch?v=Ayhyzp67kFY Zahira, 12 ans, Maroc : http://www.youtube.com/watch?v=1l_4oGdVj5g Carlos, 11 ans, Argentine : http://www.youtube.com/watch?v=wJa3nUM8NVg Samuel, 13 ans, Inde : http://www.youtube.com/watch?v=Z23rQFFzzw8 Commentaire sur le site des Cahiers Pédagogiques. Edito, cinéma. « Emmenez vos élèves sur le chemin de l’école » : http://www.cahiers-pedagogiques.com/Emmenez-vos-eleves-sur-le-chemin-de-l-ecole
(2) Patte (Geneviève). Laissez les lire ! Mission lecture. Gallimard, 2012. Mise en perspective sur ce blog : »Une dynamique relationnelle et éducative » https://vivreetesperer.com/?p=523
(3) Une vidéo réalisée par la Croix : des extraits significatifs du film présentés à des enfants français. http://www.la-croix.com/Famille/Parents-Enfants/Dossiers/Sur-le-Chemin-de-l-ecole-on-sent-la-joie-d-aller-en-classe.-C-est-rare-!-2013-09-24-1023698
(4) Nye (Rebecca). Children’s spirituality. What it is and why it matters. Church House Publishing, 2009. « La spiritualité des enfants est une capacité initialement naturelle pour une conscience de ce qui est sacré dans les expériences de vie. Dans l’enfance, la spiritualité porte principalement sur le fait d’être en relation, de répondre à un appel, de se relier à plus que moi-même, c’est à dire aux autres, à Dieu, à la création, ou à un profond sens de l’être intérieur ». Voir sur ce blog : « L’enfant, un être spirituel » : https://vivreetesperer.com/?p=340
par | Oct 31, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Hstoires et projets de vie, Vision et sens |
Une expérience d’accueil et d’accompagnement partagée par Cécile Entremont, psychologue, animatrice et théologienne.
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Pendant plus de trente ans, en Savoie, dans la région de Chambéry, Cécile Entremont a exercé la profession de psychologue . Peu à peu, elle en est venue à souhaiter élargir sa relation d’aide dans une dimension d’accueil. C’est pourquoi, elle s’est installée aujourd’hui en Bourgogne du sud, entre Châlon-sur-Saône et Lons-le-Saunier, où avec son mari, elle a pu acquérir et restaurer une grande maison bressanne pour en faire un gîte d’accueil capable de recevoir une quinzaine de personnes.
Cette maison est située en pleine campagne parsemée de bois et d’étangs où on trouve la nature authentique et le silence. La maison est connue sous le nom de « La Reure » et est située sur la commune de La Chapelle Saint-Sauveur. Au long des années, parallèlement à l’exercice de sa profession de psychologue, Cécile est entrée de plus en plus dans un champ spirituel et théologique. Elle a soutenu une thèse en théologie à Strasbourg sur le thème : apprendre la fraternité (1). Et, par ailleurs, elle anime des sessions dans le domaine de l’accompagnement spirituel.
A partir du lieu d’accueil qui s’est ainsi développé à la Reure, deux activités majeures se sont mises en place : réception et organisation de sessions (2).
Pour le moment, il y a ainsi un accueil régulier de vacanciers à la semaine ou pour des week-ends prolongés. « Les gens viennent beaucoup par l’intermédiaire des Gîtes de France et ils nous choisissent pour le cadre naturel, la qualité de l’hébergement et notre position centrale au milieu de la France ». Par ailleurs, il y a également trois appartements qui permettent d’accueillir, pendant une période de une à plusieurs semaines, des personnes qui y viennent pour un suivi d’ordre psychologique et spirituel. Ces personnes participent au réseau que Cécile entretient à travers ses activités professionnelles ou militantes.
Parmi les sessions organisées par Cécile, certaines sont animées par des professionnelles amies, par exemple dans le domaine du yoga, du qi gong et de la peinture. Cécile anime deux types de sessions. Il y a des sessions de thérapie de groupe et d’autres, à visée plus spirituelle, telles qu’une session de jeûne, une session de pleine conscience, une session de ressourcement à partir des éléments de la nature et de la symbolique biblique correspondante (Jardiniers de l’âme). Cécile pense s’orienter de plus en plus vers des propositions qui associent la méditation en pleine conscience et des temps de partage sur le ressenti. Les sessions de thérapie de groupe ne sont pas seulement centrées sur la parole, mais proposent des expériences corporelles et émotionnelles pour prendre en compte la globalité de la personne. Au total, chaque année, Cécile anime une dizaine de sessions auxquelles participent, à chaque fois, une dizaine de personnes d’horizons variés.
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« Les personnes cherchent aujourd’hui de plus en plus une voie leur permettant de se recentrer, en prenant en compte les différents aspects de leur histoire et en associant corps et esprit. La méditation en pleine conscience permet ce recentrage dans l’expérience vécue de l’ici et maintenant, et une meilleure présence au monde, un meilleur équilibre mental face aux stress et aux angoisses générées par la société actuelle. La pratique de la pleine conscience en sessions de groupe permet aussi de développer un sens du vivre ensemble, de la convivialité et même de la fraternité ».
« Les gens qui viennent sont en recherche de profondeur, d’intériorité et d’authenticité. Leur chemin d’évolution commence souvent par une recherche de développement personnel pour continuer dans un approfondissement spirituel ». Dans le dialogue correspondant, Cécile explicite ses références parmi lesquelles figurent son identité chrétienne et sa formation de théologienne. « Si j’accompagne quelqu’un qui est chrétien, je prie avec lui, relie ce qu’il vit à des textes bibliques. Pour les autres, en respectant la voie de chacun, il est tout à fait possible pour moi de méditer avec lui sur un texte du trésor spirituel de l’humanité ».
Quelles sont les évolutions et les découvertes des participants au cours de ce temps partagé ? « Chez beaucoup, il se produit une réconciliation avec l’intérieur de soi, l’ouverture aux autres et un désir de continuer ce chemin d’ouverture, y compris dans la vie quotidienne ».
« En faisant des études de théologie, je me suis sentie interpellée par le fait que la plupart des institutions chrétiennes n’offrent pas de ressources spirituelles en phase avec l’attente de nos contemporains. Je ressens la distance, et même le fossé qui existe entre beaucoup de personnes et ce qu’elles ont vécu ou ce qu’elles perçoivent dans les institutions religieuses. Aussi, ma réponse se situe sur un plan plus personnel, et pour les chrétiens sur le plan de la spiritualité chrétienne. Dans les sessions que j’anime, j’essaie de répondre à la demande de ressourcement et de sens que je peux percevoir. Le lieu d’accueil que nous avons ouvert, mon mari et moi,se veut un espace d’accueil et de respiration où tout soit en harmonie, y compris la prise en compte de la dimension écologique ».
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Propos recueillis auprès de Cécile Entremont
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(1) Thèse de doctorat soutenue par Cécile Entremont : De l’intériorité à l’altérité. Evolution de petits groupes d’adultes aux frontières de l’Eglise. http://www.temoins.com/enqu-tes/de-l-interiorite-a-l-alterite-evolution-de-petits-groupes-d-adultes-aux-frontieres-de-l-eglise.html
(2) http://amisdelareure.fr
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On pourra lire également sur ce blog :
Des expériences de transcendance, cela peut s’explorer. https://vivreetesperer.com/?p=1505
Et si je tentais d’exposer ce que je ressens par la peinture ou le graphisme pour y voir plus clair !
https://vivreetesperer.com/?p=1428
Vivant dans un monde vivant !
https://vivreetesperer.com/?p=1371
Accéder au fondement de son existence.
https://vivreetesperer.com/?p=1295
Apprendre à écouter son monde intérieur et à le déchiffrer.
https://vivreetesperer.com/?p=959
par | Oct 17, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
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La bibliothèque comme espace de rencontre
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Au cours de son itinéraire professionnel de bibliothécaire, Blandine Aurenche a joué, entre autres, un rôle de médiatrice.
« La bibliothèque est un carrefour. les gens s’y croisent pour des motifs extrêmement variés. Comme bibliothécaire, j’ai essayé de permettre à des gens qui passent de se sentir bien à l’aise dans ce lieu pour y découvrir ce qu’il offre et croiser leurs découvertes avec celles des autres. Cette attitude requiert beaucoup d’écoute surtout si l’on veut entendre les suggestions des gens ».
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Comment susciter un climat de convivialité et de partage ?
« Il y a d’abord une rupture avec l’ancienne conception de la bibliothèque. Ce ne sont plus les collections qui sont premières et qui définissent la bibliothèque. La médiathèque publique s’inscrit dans une perspective toute autre. Pour moi, c’est un espace de rencontre entre une population et des supports d’information divers, à travers des échanges et des temps de convivialité. Je ne m’adresse pas à des lecteurs isolés, mais à une population . Et, dans cette population, seule une minorité est initiée à l’usage classique de la bibliothèque . L’essentiel du travail des bibliothécaires, outre l’acquisition de tous les médias, est de faire en sorte que l’ensemble de la population, et en particulier, les habitants qui ne sont pas familiarisés avec le lieu, en découvrent l’usage et puissent se l’approprier ».
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Blandine Aurenche évoque de nombreuses situations.
« Je pense par exemple à de jeunes mamans d’origine étrangère, accueillies dans un foyer. On est allé lire régulièrement des livres à leurs enfants devant elles. Au bout de quelques mois, ces mamans ont été accueillies à la bibliothèque. On les a vraiment reçues avec un thé à la menthe. On a pris le temps de bavarder, de leur expliquer ce à quoi servait la bibliothèque. La plupart de ces mamans sont ensuite revenues régulièrement pour elles-mêmes. Elles se sont servies de l’ordinateur pour celles qui savaient écrire et lire. Elles se sont mises à emprunter des livres, des CD, des DVD. Elles sont devenues des « clientes » à part entière.
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Dans la bibliothèque, il y a un rayon important de nouveautés. Nous essayons d’être très réactifs aux nouvelles parutions. Spontanément ;les lecteurs ont très vite donné leur avis en mettant des petits papiers sur les livres. C’est un exemple de la manière dont les lecteurs ont investi le lieu ;
Autre exemple : un lecteur est venu me voir pour me proposer d’organiser un ciné club. Avec lui, nous avons décidé de faire en sorte que, chaque mois, un habitant vienne animer une séance autour d’ un film choisi par lui. Et cela marche très bien.
Des lecteurs nous ont également proposé à plusieurs reprises d’inviter un musicien, un auteur qu’ils connaissaient.
Effectivement, on constate un grand désir de participation. Après l’ouverture d’une médiathèque, une quinzaine de personnes ont proposé spontanément de faire du soutien scolaire ou de la lecture aux enfants sans qu’on les ait le moins du monde sollicitées. A partir de là, nous avons organisé des séances de soutien scolaire.
Autre exemple d’investissement personnel. Nous avons une table dévolue à un jeu d’échecs. Tous les samedis, sans qu’on le connaisse au début et sans qu’on lui demande, un monsieur d’un certain âge est venu s’installer à cette table d’échec et s’est mis à jouer avec ceux qui le souhaitaient. Et, petit à petit, il a appris aux enfants à jouer aux échecs.
Nous avons un jardin dans la bibliothèque. Un papa s’est proposé pour venir, tous les samedis, entretenir ce jardin avec ses enfants et tous les autres enfants qui le souhaitaient.
Aujourd’hui, les mamans étrangères ont pris l’habitude d’entrer dans la bibliothèque et d’y passer un bon moment lorsqu ’elles viennent chercher leurs enfants. J’ai l’impression que les gens se sentent chez eux.
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Nous réservons le même accueil aux adolescents.
Un garçon qui, en classe de troisième, avait à lire « la Vénus d’Isle » de Prosper Mérimée, difficile pour un garçon de cet âge, cherchait ce livre. Il m’a dit : « J’en ai marre. Je n’arrive jamais à lire ces livres. C’est trop difficile ». En fait, il aurait souhaité que je fasse une fiche de lecture à sa place. Je lui ai proposé de lui lire à haute voix le premier chapitre. Puis, nous avons convenu qu’il revienne pour que je lui lise la suite. Je lui ai lu l’ensemble du livre. Et, en même temps, je l’ai aidé à décrypter certaines expressions difficiles. Cela a changé beaucoup son attitude vis-à-vis de la bibliothèque et peut-être vis-à-vis de la lecture.
J’ai rencontré un ancien petit lecteur qui est devenu unélu municipal. Je lui lisais souvent le début des livres qu’il devait lire pour la classe. On pouvait en discuter. Il m’a dit que cela l’avait beaucoup aidé. Cela lui avait permis de faire le pas pour s’approprier la lecture . Il me semble que le travail de la bibliothécaire est de faire un petit bout de chemin avec des jeunes pour leur donner des clefs et les aider ainsi à « entrer en littérature »..
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Comment un climat convivial émerge-t-il ?
« A la bibliothèque Louise Michel, on a créé le café de Louise, un temps d’échange sur les livres que les gens auto-gérent pratiquement. Entre eux, les gens échangent sur leurs lectures. C’est comme dans un ciné club.
La bibliothèque devient un lieu familier dans le quartier. Les gens qui viennent commencent à parler entre eux. Certains sont devenus amis. Beaucoup viennent tous les jours et y passent un petit moment. Ils viennent lire le journal, bavardent avec d’autres lecteurs ou avec des bibliothécaires.
A quoi un tel lieu sert-il ? Pour moi, c’est un lieu de gratuité. Les gens ne sont pas forcé de venir. Mais ils sont reconnus et accueillis pour eux-mêmes. C’est donc un lieu de respiration où on peut se poser, se ressourcer. C’est un lieu de vie sociale où on peut entrer en contact avec d’autres dans un climat convivial ».
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Contribution de Blandine Aurenche.
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Sur le même sujet,on pourra lire aussi :
Sur ce blog : « Laissez les lire ! Une dynamique relationnelle et éducative ». https://vivreetesperer.com/?p=523
Sur le site de Témoins : Emergence d’expaces conviviaux et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place ») et nouveaux modes de vie » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1012&catid=4
par jean | Sep 24, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Un avenir pour l’humanité dans l’inspiration de l’Esprit.
#Pippa Soundy est une amie anglaise qui, au long des années, a effectué un parcours spirituel qu’elle poursuit actuellement comme pasteure-prêtre dans l’Eglise anglicane, constamment en recherche des émergences positives. Pippa a pris connaissance du livre de Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot : « Vive la Co-révolution. Pour une société collaborative », en lisant, sur ce blog, la présentation de cet ouvrage (1). Dans une dimension internationale, elle en perçoit toute l’originalité. Pour elle, cette perspective prend tout son sens dans la vision d’un Dieu lui-même communion. Elle répond ici à quelques questions.
#Pippa, peux-tu nous décrire brièvement ton parcours ?
#J’ai été une enfant studieuse et c’est au cours de mes années d’études à l’université d’Oxford que j’ai connu le Christ comme personne vivante. Depuis lors, j’ai été membre de plusieurs églises et cela fait six ans que j’exerce un ministère. Au départ, je considérais l’Église comme la « société alternative » inaugurée par Jésus, un peu à part de la société en général. Mais ces dernières années, je suis devenue plus consciente que l’Esprit de Dieu agit à travers toutes sortes de personnes et d’institutions et, aujourd’hui, je me considère moins comme ‘leader d’église’ que comme facilitateur de communauté et je pense que le partenariat est la clé d’une transformation de la société.
#Pourquoi t’intéresses-tu particulièrement aujourd’hui aux changements culturels et aux innovations sociales ?
#Le monde change plus vite aujourd’hui qu’à tout autre moment de l’histoire de l’humanité et la culture change aussi, à la fois au niveau mondial et local. Il est urgent que nous trouvions des solutions innovantes et créatives aux problèmes rencontrés sur toute la planète et cela m’intéresse de réfléchir à la façon dont nous, chrétiens, permettons à notre relation avec Dieu de donner forme à notre engagement dans ce processus de changement. Je pense que c’est un « impératif évangélique » et je suis donc partie prenante pour tenter « d’éveiller » l’Église aux mouvements de changement culturel et d’innovation sociale. En termes de mission, nous vivons un moment extrêmement favorable.
#Tu connais bien aujourd’hui la littérature internationale. Ce livre : « Pour une société collaborative » te paraît apporter une contribution originale. En quoi ?
#Je pense que ce qui met ce livre à part, c’est la reconnaissance d’une science intuitive et communautaire – « soyons davantage en prise avec notre cœur ». Cela va au-delà de l’utilitarisme et suggère l’émergence d’un « sens du bien commun » qui transcende l’individualisme et la compétition. La plupart des ouvrages séculiers que j’ai lus présument que nous ne pourrons jamais sortir de nos tendances individualistes et donc que toutes les solutions devront en fin de compte faire appel à notre désir de gain personnel, laissant beaucoup moins d’espoir pour une vraie collaboration.
#Quelle avancée vois-tu dans le mouvement vers une société collaborative ?
#Je le vois d’abord dans l’attitude de la génération montante. J’observe que les jeunes qui grandissent dans ce monde émergent attachent de l’importance à l’amitié au-delà des frontières nationales, raciales, religieuses et économiques, et cette amitié est facilitée par les média sociaux. Il en ressort que tandis que ma génération d’Occidentaux cherchait « comment puis-je améliorer ma vie », la génération montante semble comprendre que la façon d’améliorer notre propre vie est de chercher à améliorer celle des autres. Peut-être cette prise de conscience augmente-t-elle du fait que nous acceptons que notre être-même a besoin des autres. Un article récent du Huffington Post était intitulé « Comment améliorer votre vie (Petit tuyau : Cela commence par améliorer la vie des autres » (http://huff.to/1fSfsn5).
La révolution de l’information nous met davantage au courant des problèmes du monde qu’auparavant (spécialement les problèmes de justice). La popularité des campagnes internationales lancées sur la toile par des mouvements comme Avaaz (http://avaaz.org) montrent que les gens ne sont pas indifférents à la souffrance des autres, mais ont une approche instinctive de la façon dont le monde pourrait et devrait marcher, dans une optique de collaboration. On pense de plus en plus qu’il est important de faire preuve « d’intelligence du cœur » autant que « d’intelligence de la raison », même si je ne suis pas sûre que notre système éducatif ait encore pris ce tournant.
De la même façon, les mouvements concernant l’environnement, qui ont été tant marginalisés au XXe siècle, prennent de l’importance sur le terrain, même si nos leaders politiques continuent à se battre sur les accords internationaux. Certains de ces mouvements proposent avec succès une collaboration directe – ainsi l’Alliance Pachamama (http://www.pachamama.org) qui a commencé avec comme objectif les forêts primaires d’Amazonie et tente d’aider les gens à comprendre l’interconnexion de la vie sur notre planète et à prendre des mesures concrètes pour le changement.
Nous observons aussi l’effondrement des hiérarchies intellectuelles. Les gens n’ont plus peur des « experts » et l’expertise concerne de plus en plus l’expérience plus que le savoir. Cela fournit une excellente base pour la collaboration, avec des échanges qui s’opèrent sur un fond de connaissances communes et porteurs d’idées créatives plus que d’information pure. Au niveau universitaire, l’école Martin à Oxford (http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk) met en oeuvre une approche interdisciplinaire pour essayer de s’attaquer aux problèmes les plus importants de ce XXIe siècle, dans l’espoir d’une fertilisation croisée des idées, d’une collaboration concernant des scientifiques de haut niveau, mais aussi le grand public. On y fait l’hypothèse que chacun peut apporter une contribution valable au débat, quel que soit son niveau de formation.
Si l’on considère la société du Royaume uni aujourd’hui, la crise économique (avec la réduction significative des budgets publics) entraîne une meilleure collaboration entre les secteurs salariés et bénévoles et des partenariats sans précédents, par exemple entre les pouvoirs locaux (les institutions locales) et les églises. Nous le voyons dans la création de toutes sortes de services communautaires, y compris l’éducation, les bibliothèques, les refuges pour les sans abris et les banques alimentaires et, à l’occasion de toutes ces opportunités nouvelles, les églises et différents groupes de fidèles commencent à collaborer comme jamais ils ne l’avaient fait.
#Pour toi, comment cette perspective fait-elle écho à ta manière de te représenter Dieu et son œuvre ?
#h bien, à partir de mes 33 ans d’expérience comme chrétienne et spécialement de mon étude de la Trinité ces dernières années, j’ai compris que Dieu était une relation d’amour mutuel et que les êtres humains avaient le privilège de participer à cet amour. Nous ne vivons à l’image de Dieu que si nous sommes en relation avec Dieu et les autres et nous sommes tellement faits pour la relation, la vie ensemble, que nous sommes incapables de refléter Dieu en étant des individus séparés. En d’autres termes, une société collaborative commence à refléter un Dieu qui est Collaboration dès avant le Commencement. J’ai montré le Dieu Trinité comme Celui qui prend soin, l’Incarné et l’Esprit co-créateur et notre collaboration à l’image de ce Dieu comprend le renouveau de notre pensée, de notre corps et de notre esprit dans l’aide que nous nous apportons mutuellement de tant de façons.
De même que la Trinité a exprimé son amour dans la Création, nous sommes aussi invités à participer ensemble au renouveau de notre environnement et, bien que nous puissions chacun faire quelque chose, la taille même de notre monde implique que nous travaillions ensemble de plus en plus. L’importance croissante des mouvements environnementaux témoigne du fait que nous et notre monde sommes sauvés ensemble. Le salut est un exercice de collaboration ! Depuis que l’Esprit du Christ a été répandu sur tous, une invitation a été lancée à tous de se joindre à l’œuvre divine de re-Création et je considère que ce mouvement de collaboration est une preuve de l’Esprit dans le monde d’aujourd’hui.
#Comme chrétienne, quelle inspiration reçois-tu en ce sens ?
#D’abord je reçois l’espérance. Au cœur de la bonne nouvelle du Christ il y a la restauration des relations et la fin du besoin de nous détruire mutuellement (ou notre monde) psychologiquement, économiquement ou corporellement. Lorsque je vois des gens qui vivent à l’image de Dieu dans une société collaborative, je me souviens que le Royaume de Dieu est là et que je n’ai pas à attendre la mort pour commencer à jouir de la Terre nouvelle que Jésus est venu inaugurer.
#Interview de Pippa Soundy
Traduction par Edith Bernard
#(1) Sur ce blog : « Une révolution de « l’être ensemble ». La société collaborative : un nouveau mode de vie »
https://vivreetesperer.com/?p=1394
Voir aussi le livre publié sous la direction de Carine Dartiguepeyrou : « La nouvelle avant-garde. Vers un changement de culture » où se manifeste un nouveau courant de pensée qui allie : sciences, arts et spiritualité. Sur le site de Témoins (sept. 2013) : « Emergence d’une vision du monde « évolutionnaire ». Un changement de culture au Club de Budapest » http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1029&catid=4
Sur ce blog, on pourra lire aussi : « Une vision de la liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=1343