Quand des voix innovantes et compétentes nous ouvrent de nouveaux chemins pour un monde écologique

Réalisateur du film : « Demain » (1), qui, en son temps, ouvrit les esprits à une dynamique de société participative et écologique, Cyril Dion réalise aujourd’hui un second long métrage : « Animal », qui nous éveille à la vision d’un monde fondé sur la biodiversité.

Le film réalise le projet décrit dans la page de couverture du livre correspondant : « Imaginez que vous puissiez voyager sur quatre continents pour rencontrer certains des plus éminents et des plus passionnants biologistes, climatologues, paléontologues, anthropologues, philosophes, économistes, naturalistes et activistes qui cherchent à comprendre pourquoi les espèces disparaissent, pourquoi le climat se dérègle et surtout comment inverser la tendance ». Le livre : « Animal » (2) rapporte l’ensemble de témoignages, des informations et des idées recueillies « dans une série de rencontres effectuées lors du tournage du film ».

« Pendant 56 jours, Cyril Dion est parti avec une équipe de tournage et deux adolescents très engagés, Bella Lack et Vipulan Puvaneswaran (p 17), l’une anglaise et l’autre français de parents nés au Sri Lanka. Avec Cyril Dion, ces deux jeunes ont posé leurs questions. « Faire ce voyage avec eux fut une expérience merveilleuse et bouleversante. Pour autant, dans la retranscription des entretiens, j’ai choisi de mêler nos trois voix en une pour interroger nos interlocuteurs ». « Leur présence active a permis de mieux comprendre comment leur génération aborde un double défi écologique » (p 21). Le sous-titre du livre témoigne de cette intention : « Chaque génération a son combat. Voici le notre ».

« Si le climat est devenu un sujet incontournable, une autre crise écologique sans doute aussi grave est encore largement absente des conversations et de nombreuses politiques publiques : « la destruction accélérée du vivant » (p 14). Les chiffres sont accablants. De nombreuses espèces sont menacées ou en danger d’extinction. « Notre planète se dépeuple de ses habitants non humains sauvages » (p 15). Aussi, ce livre est un manifeste en faveur de la biodiversité, en faveur de la présence des animaux. Et il s’efforce de répondre aux questions correspondantes : « Pourquoi des espèces disparaissent-elles ? Que pouvons-nous faire pour l’éviter ? Et pourquoi y sommes-nous pour quelque chose ? (et la réponse est oui). Avons- nous le droit de faire ça ? A quoi servent toutes ces espèces ? Doivent-elles servir à quelque chose pour que nous décidions de les protéger ou d’arrêter des les éradiquer ? Comment renouer une relation féconde avec le vivant ? Quelle est notre place parmi les autres espèces ? Et, à quoi servons-nous dans l’univers du vivant ? » (p 17).

« Nous avons besoin de regarder en face ce que notre planète traverse… Nous avons besoin de lucidité, de courage, de solidarité, d’élan, de sens et de désir. De la lucidité peut naitre le choc et c’est ce choc qu’il nous appartient désormais de faire » (p 23). A travers l’expérience et l’expertise des personnalités interviewées, ce livre est si dense et si riche qu’il n’est pas possible d’en rendre compte. Nous essaierons seulement ici de rapporter quelques moments privilégiés où, parmi d’autres, un horizon se découvre, une perspective apparaît. Ce sont quelques brèves notations qui ouvrent notre esprit à une dimension nouvelle.

 

Pourquoi les espèces disparaissent ?
Rencontre avec Anthony Barnosky (p 27-36)

Anthony Barnosky, géologue, paléontologue et biologiste qui a enseigné, toute sa carrière, à l’Université de Berkeley, répond à nos questions (p 27-36). Il distingue cinq causes majeures de l’extinction des espèces : la destruction des habitats, la surexploitation des espèces, la pollution, les espèces invasives, et les changements climatiques » (p 29). La menace aujourd’hui réside non seulement dans des changements progressifs, mais dans l’apparition de « points de bascule » (p 32). A la suite de cet entretien, laissant de côté le dérèglement climatique, « un phénomène si considérable qu’il nécessiterait, à lui seul, un film ou un livre, la recherche de l’équipe s’est centrée sur la pollution, la surexploitation des espèces et la disparition des habitats ».

 

Se passer des pesticides
Rencontre avec Paul François (p 38-58)

Paul François est un agriculteur qui, suite à un grave accident avec un herbicide, a converti ses 240 hectares en agriculture biologique. A cette échelle, un tel changement est un exploit. Paul François nous raconte son changement de mentalité et de pratique. Il lui a fallu accepter la présence de l’herbe plutôt que de la supprimer systématiquement. Plutôt que d’acheter des produits chimiques, Paul François investit dans la mécanisation et dans la main d’œuvre. Et il a vu réapparaitre les hirondelles qui, en se nourrissant des insectes, remplacent les pesticides. Les abeilles reviennent également. En même temps, Paul François nous dit comment « il gagne mieux sa vie en bio qu’en conventionnel ». Suite à sa maladie professionnelle, Paul François a remporté une bataille juridique contre Monsanto. C’est dire son courage et sa persévérance. La transformation de son exploitation est un exploit remarquable.

 

Arrêter de parler et agir
Rencontre avec Afroz Shah (p 65-75)

Afros Shah est un jeune avocat indien qui a engagé la lutte contre le plastique répandu sur une grande plage à Mumbaï. Une grande mobilisation pour le nettoyage s’en est suivie. C’est une action de terrain. Voilà une action qui évoque la responsabilité qui incombe à chacun de nous. « C’est le raisonnement que s’est tenu Afroz. Et il se trouve qu’il est à l’origine, par son seul engagement, d’un considérable mouvement de nettoyage du plastique à Mumbaï, qui a inspiré des milliers et peut-être même des millions de personnes en Inde et dans de nombreuses régions du monde » (p 71).

 

La maternité d’un élevage intensif
Rencontre avec Laurent Hélaine et Philippe Grégoire
(p 77-96)

Cette visite à un élevage intensif suscite en nous un effroi et un écœurement. A cette occasion, la question de la consommation de la viande dans l’alimentation est posée. Cyril Dion ouvre la réflexion : « Si nous voulons réduire considérablement notre consommation de viande, il serait sans doute plus efficace de le faire à travers une mesure structurelle emblématique qui, à mon sens, ferait honneur à l’humanité : bannir l’élevage en cage, mais également en bâtiment fermé sans accès à l’extérieur comme le propose le référendum pour les animaux… Interdire ce type d’élevage aurait la vertu de cesser d’infliger ces terribles conditions de vie à des animaux, mais également de diminuer mécaniquement la quantité de viande que nous pourrions consommer » (p 95-96).

 

Des lois pour transformer la société
Rencontre avec Claire Nouvion et Matthieu Colléter
(p 98-125)

On parle ici des actions volontaires pouvant exercer une influence. On a besoin de lois pour changer la donne. Face aux lobbys, une conscience politique est nécessaire. Des associations s’emploient avec persévérance à obtenir des changements législatifs. C’est le cas de l’association Bloom où travaillent Claire et Matthieu, et qui intervient au niveau européen. Ainsi, elle est parvenue à gagner une bataille contre la pêche en eau profonde. C’est une victoire importante, mais il a fallu des années pour y parvenir alors que les nouvelles techniques de pêche ravageaient les fonds sous-marins. A ce propos, Cyril Dion nous décrit les coulisses des pouvoirs politiques. Il nous rapporte par exemple l’expérience innovante qui a été celle de la Convention citoyenne pour le climat (p 120-123). Et comme il y a activement participé, il nous en montre également les limites, tous les obstacles auxquels les propositions de la Convention se sont heurtées. « Les groupes d’intérêt privés ont une influence disproportionnée sur les décisions publiques ». Alors, une pression de l’opinion est particulièrement nécessaire. Mais pour l’emporter, « peut-être avons nous besoin d’un autre récit de ce que l’avenir pourrait être ».

 

Le récit de la croissance et les nouveaux indicateurs.
Rencontre avec Eloi Laurent
(p 127-145)

L’ancien récit « fondé sur la croissance économique et une certaine conception du progrès est en train de nous entrainer vers l’abime ». C’est ce que nous a longuement expliqué Eloi Laurent, économiste à l’OCDE et enseignant à Sciences Po Paris et à l’université de Stanford en Californie. Considérant la relation entre économie et écologie, Eloi Laurent a mis l’accent sur l’interaction entre la crise des inégalités et la question écologique en les considérant comme liées et jumelles » (p 127). Quel type de dynamique sociale conduit aux crises écologiques ? Quelle est la source du problème ? « Il est désormais absolument clair que la poursuite de la croissance économique telle qu’elle est conçue aujourd’hui, engendre la destruction des écosystèmes » (p 129). « Avec ‘Les limites de la croissance’, écrit au début des années 1970, l’équipe autour de Dennis et Donella Meadows avait une incroyable intuition de ce qui allait se passer » (p 130). Selon Eloi Laurent, les concepts de croissance et de décroissance ne sont plus pertinents. « Il faut se concentrer sur le bien-être humain. Ce qui compte pour les gens, c’est la santé et les liens sociaux ». Eloi Laurent propose la santé comme l’indicateur fondamental qui doit et qui va remplacer la croissance au XXIe siècle (p 153). « Malheureusement, que ce soit le lien social ou la santé, ces deux indicateurs sont mis à mal par l’organisation actuelle du monde ». Eloi Laurent répond également à des questions sur le capitalisme. Ce qui importe, à son avis, c’est que la puissance publique ne soit pas au service du marché » (p 137). Par ailleurs, des pays comme la Chine et l’URSS ont de très mauvais bilans écologiques indépendamment du capitalisme. Au contraire, Eloi Laurent cite « des petits pays gouvernés par des femmes, qui ont décidé de sortir de la croissance : la Nouvelle-Zélande, la Finlande, l’Islande et l’Ecosse… On peut tout à fait décider que la richesse, c’est la santé, l’éducation, la biosphère… C’est en partie ce qu’ont fait les pays nordiques » (p 138).

 

La nature n’existe pas
Rencontre avec Philippe Descola
(p 147-173)

Cyril Dion décrit ensuite son champ de recherche. « Pour élaborer les directions des projets économiques et politiques, il nous faut adhérer à une lecture (forcément subjective), commune du  monde… (p 143) Ce dont nous avons besoin n’est pas de prouver fièrement que nous sommes capables d’accomplir des exploits, mais de détourner le fleuve pour que tout le monde aille dans la même direction. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un autre récit collectif que celui de la croissance. Qui donne suffisamment de sens et de perspective à l’humanité pour orienter différemment son destin » (p 145). A partir de cet instant, nous avons réorienté notre quête. « Plutôt que de continuer à chercher des réponses techniques aux cinq causes de l’extinction dans une logique quelque peu mécanique, nous nous sommes intéressés à ce qui pourrait devenir les fondements d’un autre récit. Pour cela, nous sommes allés rencontrer Philippe Descola, sans doute l’un des anthropologues vivants les plus respectés, disciple de Claude Lévy-Strauss et auteur du livre : « Par delà. Nature et culture » (p 146).

Philippe Descola critique le concept de nature. « La nature, c’est essentiellement, ce qui est en dehors de nous les humains ». Elle est ce qui nous permet de regarder de haut tout ce qui est non humain… » (p 151). « La nature est devenue un élément central du monde des Européens ». Ce terme n’existe pas dans d’autres langues. En Europe, nous avons voulu établir « une frontière entre les animaux humains et non humains fondée sur discontinuité morale et subjective » (p 152). Mais, affirme Philippe Descola, « les « signes symboliques du langage » ne sont pas les seuls moyens de communication. En Amérique, les gens pensent que les animaux non humains peuvent former des projets et réfléchir sur eux-mêmes, qu’ils ont une sorte de subjectivité que l’on pourrait appeler intériorité ». Et, pour communiquer avec les animaux, ils intègrent les signes que ceux-ci utilisent » (p 153). « Nous sommes connectés à tous les éléments du monde de façon inextricable » (p 154).

 

Nous faisons partie du monde vivant
Rencontre avec Dr Jane Goodhall (3), fondatrice de l’Institut Jane Goodhall et messagère de la paix auprès des Nations unies.
(p 174-192)

« A une époque où les femmes étaient découragées de poursuivre des études scientifiques… Jane a eu l’audace d’engager des recherches non conventionnelles – d’abord sans diplôme, puis en passant à l’Université de Cambridge – en menant la toute première étude sur les chimpanzés dans leur environnement naturel. Grâce à sa ténacité, elle a non seulement vécu une vie extraordinaire, mais elle a surtout changé notre façon de penser la relation entre les humains et les animaux » (p 171). Parce qu’elle était en phase avec la forêt, les arbres, les animaux, Jane a pu entrer en contact avec les chimpanzés et mettre en évidence leurs capacités, entre autres, l’utilisation d’outils, abolissant la frontière qui avait été établie entre cette espèce et les humains. Aujourd’hui, Jane nous appelle à une prise de conscience : « Tout au long de notre évolution, nous faisions simplement partie du monde animal. Mais maintenant que nous avons développé un intellect, et que nous savons que nous détruisons la planète, notre rôle devrait être celui de réparer les dommages ». Le message de la Genèse devrait être compris comme attribuant à l’homme un rôle d’intendant. « Un bon intendant prend soin de la terre. L’heure est maintenant venue d’utiliser notre fameux intellect pour changer les choses… » (p 188).

 

La bibliothèque du vivant
Rencontre avec Dino Martins
(p 196-221)

Le voyage de Cyril Dion s’est poursuivi dans l’exploration du vivant et la compréhension des écosystèmes. Cyril Dion et son équipe ont rendu visite à Dino Martins, biologiste et créateur du Mpala Research Center au beau milieu du Kenya. Dino Martins est aussi un entomologiste passionné par la biodiversité et « plus particulièrement par les plus petites créatures que sont les abeilles, les termites et les insectes en général dont il est un spécialiste mondial » (p 189). Dino les a accompagné dans son parc du Kenya à la découverte des éléphants, des girafes et des zèbres en liberté dans leur environnement naturel. Ce fut un émerveillement. En cette circonstance, Dino Martins a mis en évidence l’importance de la biodiversité. «  Si nous perdions trop d’espèces, la vie humaine deviendrait misérable et nous serions nous-mêmes confrontés à un risque d’extinction. Chaque espèce fait partie de cette toile de la vie où tout est interconnecté. La bibliothèque du vivant est ce qui nous maintient en bonne santé, nous nourrit, nous rend heureux » (p 198). Dino décrit la vie des écosystèmes. Comment les animaux communiquent entre eux ? Comment les différentes espèces participent à l’équilibre des écosystèmes ?
Grand observateur des fourmis, Dino nous montre leur activité incessante. Elles contribuent notamment à la dispersion des graines. « Sans elles, il n’y aurait pas de prairies. Er, sans prairies, pas d’animaux. Ces fourmis font partie de ces écosystèmes depuis des centaines de milliers d’années et elles en sont une des espèces clé » (p 214).
Dino manifeste son enthousiasme pour tout ce qui est vivant. La faune sauvage « nous rappelle la beauté, la vérité, l’amour. Voir des animaux se déplacer dans ce monde est l’une des choses les plus magiques qui soient et je ne me lasserai jamais de les observer » (p 209).

 

La cascade trophique et les superprédateurs
Rencontre avec Liz Hadley
(p 225-249)

L’exploration se poursuit dans une rencontre avec Liz Hadley, responsable de la réserve naturelle de Jasper Ridge en plein milieu de la Silicon Valley en Californie. Dans cette petite réserve, la diversité se manifeste à nouveau dans la variété des espèces qui s’équilibrent les unes les autres. Et, à cet égard, on nous montre le rôle que jouent les superprédateurs, comme par exemple les pumas « en régulant les populations de cervidés, permettent de contrer la maladie de Lyme issue des acariens qui s’attachent aux cerfs » (p 227).

 

Cohabiter avec les loups
Rencontre avec Baptiste Morizot et Jean-Marc Landry
(p 251-300)

Dans ce monde du vivant, comment les humains vont-ils se comporter, en terme de guerre ou de respect envers les espèces animales ? Aujourd’hui, en France, les loups reviennent et paraissent menaçants. Effectivement, les éleveurs sont inquiets lorsqu’ils voient les troupeaux attaqués. Cyril Dion est allé à la rencontre d’un éleveur et il a interrogé le philosophe Baptiste Morizot. Ce dernier s’est interrogé sur notre possible cohabitation avec les loups en expérimentant sur le terrain, pistant les loups et autres prédateurs, mais aussi en allant à la rencontre  des éleveurs » (p 249).
Ainsi Baptiste s’implique dans l’approche suivante. « C’est une situation dans laquelle les différents camps sont venus à cohabiter dans les mêmes territoires tout en ayant des intérêts contradictoires. Ils doivent apprendre des langages communs et trouver des moyens de se faire passer des messages, de traduire leurs comportements mutuels pour entretenir des relations moins toxiques » (p 270).
Baptiste Morizot a écrit un livre : « les diplomates ». Aujourd’hui, le monde vivant nous rappelle qu’il est bien vivant, qu’il n’a jamais été un décor et qu’il faut agir avec lui avec le même degré d’attention et de sérieux que nous le faisons avec les altérités humaines… Le grand enjeu aujourd’hui, c’est de leur rendre justice. Et donc de commencer à apprendre leur langage, à comprendre comment ils vivent pour inventer des modus vivendi. En ce sens, il s’agit de diplomatie » (p 295).

 

Coopérer avec le vivant
L’exemple du Bec Hellouin (4)
Rencontre avec Perrine et Charles Hervé-Gruyer
(p 201-215)

« Cohabiter avec le vivant, c’est non seulement le comprendre et le protéger, mais c’est aussi le moyen de collaborer avec lui ». Existe-t-il une façon d’habiter cette planète avec une logique de gagnant-gagnant avec le vivant ? Il y a bien une nouvelle logique qui émerge, notamment autour des dynamiques permaculturelles » (p 299).

« A la ferme du Bec Hellouin, on peut découvrir une des applications, de la permaculture à l’agriculture, les plus abouties du monde… La visite même du lieu est transformatrice… L’harmonie des formes, des couleurs, la diversité des cultures dans un espace si réduit, le soin apporté à la construction de chaque butte, de chaque mare, de chaque bâtiment a quelque chose de bouleversant… De cette organisation profondément intelligente peut jaillir la beauté conjuguée à l’efficacité créée par une forme de symbiose entre les différents systèmes qui coexistent » (p 300).

Charles nous raconte l’histoire de la ferme. « La création de la ferme a été une véritable aventure. Au départ, notre rêve était de vivre en harmonie avec la nature… Dans cette quête de beauté, nous avons composé l’ensemble un peu comme un tableau avec beaucoup de petits espaces… Sans le savoir, nous avons reconstitué un paysage complexe qui favorise les connexions. Puis quelque chose de magnifique s’est produit. On cherchait la beauté et la nature nous a offert un cadeau formidable : la productivité » (p 303). « Cette ferme fait 20 hectares », nous  dit Perrine, « mais nous nous contentons d’en cultiver 5, car nous faisons tout à la main ou avec un cheval de trait… Une culture sans engrais, sans pesticide, sans produit chimique ou de synthèse » (p 302). Charles nous décrit une trajectoire de découverte : « Au fil des ans, nous avons découvert qu’en faisant tout à la main, nous pouvions faire pousser plus de légumes en moins d’espace. Ce faisant, on libère les 9/10 du territoire pour installer des milliers d’arbres, des haies, des mares, des plantes aromatiques et médicinales. Autant de milieux différents, de niches écologiques qui permettent d’accueillir la faune et la flore sauvage. Nous avons progressivement observé la réapparition des insectes, des papillons, des vers de terre et des abeilles, mais aussi d’oiseaux en voie de disparition et de plantes indigènes… » (p 302). C’est vraiment une coopération avec la nature. « Au départ, on voulait produire notre nourriture en faisant le moins de mal possible à la planète. Mais un jour, on s’est dit que cette histoire ne tenait pas debout, que ce que nous voulions en réalité, c’est produire en faisant du bien à la planète. Depuis, nous faisons tous le jours le constat qu’on peut résoudre cette équation difficile qui consiste à cultiver une nourriture de qualité en réparant les blessures qu’on a infligé aux écosystèmes » (p 304).

 

Coopérer avec le vivant

Cyril Dion poursuit cette conversation sur la manière de coopérer avec le vivant en interrogeant François Léger, enseignant chercheur en agro-écologie, longtemps conseiller scientifique de la ferme du Bec Hellouin. A la demande des deux adolescents accompagnant Cyril Dion, la conversation a porté notamment sur la place des animaux dans le système agricole. Ce fut ensuite une rencontre avec Nicolas Vereecken, professeur d’agro-écologie et spécialiste des insectes. Notre intérêt pour les ruches et les abeilles domestiques ne doit pas nous faire oublier la vie et le rôle des abeilles sauvages qui jouent un rôle important dans la pollinisation. Là encore, il faut envisager la biodiversité. « Si vous n’aviez pas d’oiseaux, de frelons, d’araignées, la vie serait beaucoup plus difficile pour nous tous, surtout en été parce que vous auriez des surpopulations d’insectes que tous ces organismes aident à contrôler… La clé de l’écologie, c’est l’interdépendance et l’équilibre » (p 333).

 

Partout des initiatives

Les entretiens se poursuivent avec des personnalités exceptionnelles en des lieux qui parsèment la planète.
C’est la rencontre avec Lotus Vermeer qui est parvenue à rétablir la biodiversité et à ramener des espèces dans les Channel Islands sur la côte de Californie. C’est une rencontre avec Valérie Cabanes, juriste international qui travaille au contact des peuples indigènes et lutte pour les droits humains et pour le droit de la nature. C’est une rencontre avec le président du Costa Rica qui, par une politique volontariste, est parvenu à rétablir la couverture forestière dans son pays, de 20% dans les années 1980, à 70% aujourd’hui. C’est une rencontre avec Paulino et Paolo Rivera, membres d’une tribu autochtone au Costa Rica, ayant dû abandonner leur lieu d’origine et ayant réussi à planter une forêt dans leur nouvel habitat.

 

En mobilisation

En fin de parcours, Cyril Dion nous rappelle l’inimaginable défi écologique auquel nous sommes confrontés.
« Le péril est là et demande, toutes affaires cessantes, à nous mobiliser comme en temps de guerre »… « Le changement auquel nous devons parvenir, est culturel et structurel « (p 415).

Ce livre nous aide puissamment à penser le monde différemment et nous éclaire sur les pistes d’action. Tout informé que nous ayons pu être sur les questions écologiques, nous sortons différents de cette lecture. A travers les entretiens, nous avons découvert une multitude de situations et des réponses aux questionnements ainsi éveillés. Avec Cyril Dion et les deux adolescents qui l’ont accompagné, Bella et Vipulan, nous avons participé à une véritable exploration, à une grande épopée. A travers des flashs significatifs, nous avons rapporté cette lecture enthousiasmante qui vient accompagner un film impressionnant et mobilisateur (5). De quoi envisager ensemble un nouveau récit et un projet commun.

J H

  1. Le film « Demain » : https://vivreetesperer.com/le-film-demain/
  2. Cyril Dion Avec la collaboration de Nelly Pons. Animal. Chaque génération a son combat. Voici le nôtre. Actes sud. Colibris (Domaines du possible).
  3. A paraitre sur ce blog : Jane Goodhall : Une recherche pionnière sur les chimpanzés, une ouverture spirituelle, un engagement écologique.
  4. Cultiver la terre en harmonie avec la nature (la ferme du Bec Hellouin) : https://vivreetesperer.com/cultiver-la-terre-en-harmonie-avec-la-nature/
  5. Le film : Animal : https://www.youtube.com/watch?v=b0HouR6CYK4

 

 

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