Louez l’Eternel du bas de la terre, Monstres marins et vous tous abimes :
Feu et grêle, neiges et brouillards ;
Vents impétueux qui exécutez ses ordres ;
Montagnes et toutes les collines ;
Arbres fruitiers et tous les cèdres ;
Animaux et tout le bétail ;
Reptiles et oiseaux ailés ;

Qu’ils louent le nom de l’Eternel
Car son nom seul est élevé ;
Sa majesté est au dessus de la terre et des cieux

Psaume 148 7-10,13

Dans cette séquence (1), frère Richard Rohr partage sur la manière de « voir » et de percevoir Dieu dans les formes de la nature sur la base d’une spiritualité incarnée.

10 octobre 2021
Contempler la création

 La spiritualité de la création a ses origines dans les Écrits hébraïques tels que les psaumes 104 et 148. C’est une spiritualité qui est enracinée, en premier, dans la nature, dans l’expérience, et dans le monde tel qu’il est. La riche spiritualité hébraïque a formé l’esprit et le cœur de Jésus ».

Richard Rohr fait remarquer alors combien nous sommes habitués à penser la religion en terme d’idées, de concepts et de formules trouvés dans des livres. « Ce n’est pas là où la religion commence. Ce n’est pas la spiritualité biblique. Celle-ci commence en observant ce qui est ».

Paul écrit : « Déjà depuis la création du monde, l’essence invisible de Dieu et sa puissance éternelle ont été vues clairement par la compréhension de l’esprit des choses créées » (Rom 1.20). Nous connaissons Dieu à travers les choses que Dieu a faites. La première fondation de toute vraie vision religieuse est tout à fait simplement d’apprendre à voir et à comprendre ce qui est ».

Or, selon Richard Rohr, « la contemplation, c’est rencontrer la réalité dans sa forme la plus simple et la plus directe, sans jugement, sans explication et sans contrôle ».

Richard Rohr nous appelle à voir dans le monde les « vestigia Dei », ce qui signifie les empreintes de Dieu. Apprendre à aimer pour voir. « Nous devons commencer avec une pierre. Puis nous passons de la pierre au monde végétal et nous apprenons à apprécier les choses qui grandissent et à voir Dieu en elles. Peut-être, une fois que nous pourrons voir Dieu dans les plantes et les animaux, nous pourrons voir Dieu dans nos prochains. Et puis, nous pourrons apprendre à aimer le monde. Et puis quand tout cet amour aura pris place, quand ce regard sera advenu, quand de telles personnes viendront à moi et me diront qu’elles aiment Jésus, j’y croirais. Elles sont capables d’aimer Jésus. Leur esprit est préparé. Leur esprit est libéré et il a appris à voir et à recevoir, comment rentrer en soi et en sortir. De telles personnes pourraient bien comprendre comment aimer Dieu ».

 

La dance de la vie

Richard Rohr voit en François d’Assise comme un premier exemple de quelqu’un qui a découvert en lui-même la connexion universelle de la création. Il nous fait part d’un apport de Sherri Mitchell sur la sagesse de s’accorder dans l’harmonie de la réalité.

« Chaque chose vivante a son propre chant de la création, son propre langage et sa propre histoire. En vue de vivre harmonieusement avec le reste de la création, nous devons vouloir écouter et respecter toutes les harmonies en mouvement autour de nous ». C’est faire appel à tous nos sens pour envisager le monde. « Quand nous vivons comme des êtres disposant de plusieurs sens, nous découvrons que nous sommes capables de comprendre le langage de chaque chose vivante. Nous entendons la voix des arbres et nous comprenons le bourdonnement des abeilles. Alors nous commençons à réaliser que c’est la substance inter-tissée de ces rythmes flottants qui nous tient dans un équilibre délicat avec toute vie. Alors notre vie et notre place dans la création commencent à faire sens d’une manière complètement nouvelle.

Sherri Mitchell nous raconte ensuite une expérience de cet ordre.

Dans une chaude journée d’été, dans un état méditatif, elle a remarqué le minuscule rampement d’une fourmi près d’un brin d’herbe.

« Comme j’observais la fourmi en train de bouger, son petit corps a commencé à s’illuminer. Puis le brin d’herbe sur lequel il marchait s’est lui aussi éclairé. Comme j’étais là et j’observais, tout l’endroit qui m’entourait a commencé à s’éclairer. J’étais assise, m’émerveillant tranquillement devant cette vue nouvelle, sans bouger de peur de la perdre. Pendant que j’étais assise là, respirant avec le monde autour de moi, les fermes lignes de mon être ont commencé à s’estomper. Je me suis sentie en expansion et en train de me fondre avec tout ce que j’observais. Soudain, il n’y avait plus de séparation entre moi, la fourmi, l’herbe, les arbres et les oiseaux. Nous respirions avec la même respiration. J’étais envahie par ce sens de parenté tellement beau et complet avec toute la création… ».

 

Sentir la nature

Richard Rohr nous convie à expérimenter une vie en pleine nature.

A l’exemple de François d’Assise, il a lui-même vécu quelques moments d’ermitage dans la nature. Il raconte comment il a découvert ce qui se passait chez les animaux et dans les arbres. Combien nous perdons lorsque nous sommes coupés de la nature… « Mes temps d’ermitage m’ont resitué dans l’univers de Dieu, dans la providence et dans le plan de Dieu. J’ai eu le sentiment d’être réaligné avec ce qui est. J’appartenais et donc j’étais sauvé… »

« Quand nous sommes en paix et que nous ne y opposons pas, quand nous ne sommes pas en train de fixer et de contrôler le monde, quand nous ne sommes pas remplis de colère, tout ce que nous pouvons faire est de commencer à aimer et pardonner. Rien d’autre ne fait sens lorsque nous sommes seuls avec Dieu. Il n’y a rien qui vaille de retenir parce qu’il n’y a rien d’autre dont nous ayons besoin. Je pense que c’est dans cet espace de liberté que le réalignement advient. François vivait un tel alignement… ».

 

Les cercles sacrés

Richard Rohr voit la Trinité comme un « cercle de danse » d’amour et de communion mutuelle. « Ceux d’entre nous qui ont grandi avec la notion trinitaire de Dieu communément répandue, voient la réalité consciemment ou inconsciemment, comme un univers en forme de pyramide, avec Dieu au sommet d’un triangle et tout le reste en dessous. Mais c’est exactement ce que la Trinité n’est pas. Les premiers Pères de l’Eglise disaient que la métaphore la plus proche pour envisager Dieu, c’était un cercle de danse de communion. Ce n’était pas une situation hiérarchique, monarchique ou une pyramide.

Richard Rohr cite alors Randy Woodley, un théologien d’origine Cherokee (tribu indienne). « Notre modèle de la relation à toute chose est un simple symbole utilisé par les autochtones américains : le cercle. L’harmonie dans le genre de vie est souvent entendue en terme symbolique de cercle ou de cerceau ». Rassemblons-nous… faisons un cercle… Le cercle n’a ni début, ni fin et on peut y entrer n’importe où et n’importe quand. « Quand nous nous rassemblons dans un cercle, la prière a déjà commencé… Nous nous rassemblons l’un avec l’autre et avec le Grand Mystère même sans qu’un mot ait été dit ».

Randy Woodley nous introduit dans le symbolisme pour les peuples autochtones et pour la terre elle-même.

« Dans presque toutes les tribus autochtones d’Amérique du Nord, le cercle ou le cerceau est considéré comme un symbole de la vie. Ce symbole est une puissante représentation de la terre, de la vie, des saisons, des cycles de maturité etc… ».

 

Une prière centrée sur la création

« La nature spirituelle de la Création a toujours été là depuis le Big Bang… L’Esprit et la matière ont été un depuis que Dieu a décidé de se manifester ».

« Le Christ est partout. La planète entière est ointe et messianique. Tout porte le mystère du ChristQuand nous apprenons cela, nous sommes en communion. ». Nous sommes en communion lorsque nous allons à l’église… Nous  sommes en communion dans la pause de la salle de bain. Nous sommes en communion quand  nous sommes dans la nature.

Richard Rohr convie une sœur franciscaine, José Hobday à s‘exprimer. Elle écrit comment elle a appris à « prier sans cesse » à partir de la spiritualité autochtone de sa mère qui honorait le sens d’être en communion, en harmonie constante, d’être avec Dieu en toutes choses. « Ma mère priait comme une américaine autochtone. Cela signifie qu’elle se voyait priant en vivant et vivant en priant. Elle essayait de prier sa vie. Elle exprimait, par exemple sa prière de gratitude dans la manière dont elle faisait les choses : Quand vous remuez les flacons d’avoine, faites le lentement de manière à ne pas oublier que les flacons d’avoine sont un don et qu’il ne faut pas les prendre pour acquis. Elle faisait les choses en priant. Elle priait même en marchant… Elle m’enseignait à marcher doucement sur la terre parce que la terre est notre mère. Quand nous marchons, disait-elle, nous devrions être prêts à entrer dans chaque mouvement de beauté que nous rencontrons ».

Qu’est-ce que Richard Rohr a appris de la spiritualité américaine autochtone ? « D’abord à faire que ma prière soit centrée sur la création. Les indiens prient comme étant en famille avec la création. Dans notre prière, nous pourrions penser aux créatures… et à leur relation avec la création. C’est ce que les américains autochtones ont fait. Cela ne les a pas seulement gardés en contact avec la création, mais aussi bien avec le Créateur.

 

Révérer la création et le Créateur

Pour Richard Rohr et la tradition franciscaine, l’incarnation est au cœur d’une spiritualité affirmant la création. Nous rencontrons Dieu dans la création parce que nous rencontrons Dieu partout. Au lieu d’être une barrière à la vie spirituelle, la création est une porte. Les gens qui vivent en relation profonde et harmonieuse avec la nature ont toujours su cela. Richard Rohr a trouvé, dans ses conversations avec des anciens autochtones, une perspective sur la nature de la réalité qui commence avec un éclairage sur la nature du Créateur. Et il cite à ce sujet, un verset de l’épitre aux romains (1. 19-20) : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil, depuis la création du monde, étant considérées dans ses ouvrages… ». « L’Ecriture est cohérente avec la vision du monde indigène que la nature du Créateur est visible dans la création. Qu’est- ce que la création nous dit de la nature de Dieu ? Les peuples indigènes ont été accusés d’animisme, c’est à dire d’adorer la création plutôt que le Créateur. Mais, en réalité, le fondement de la spiritualité indigène, c’est la révérence… La révérence, c’est un profond respect. Le Créateur est évident dans la création qui nous entoure. Je puis voir cela et en faire l’expérience avec mes sens… L’humilité, c’est reconnaître que je ne suis pas séparé de la création. Je fais partie du tissu de la vie. J’ai appris que cette dépendance mutuelle est un don. La vie est un don ».

J H

  1. Center for action and contemplation. Contemplating creation : https://cac.org/contemplating-creation-2021-10-10/

Voir aussi sur ce blog:
L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
Enlever le voile: https://vivreetesperer.com/enlever-le-voile/
La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/

Et la présentation du livre de Richard Rohr: The divine dance:
https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/

 

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