par jean | FĂ©v 6, 2024 | ARTICLES, Vision et sens |
In the fellowship of the Holy Spirit
« In the fellowship of the Holy Spirit », câest le titre dâun chapitre du livre de JĂŒrgen Moltmann : « The source of life. The Holy Spirit and the theology of life » (1). A la suite dâun premier ouvrage de Moltmann : « The Spirit of life » (1992) traduit en français et publiĂ© en 1999 sous le titre : « LâEsprit qui donne la vie », ce livre, inĂ©dit en français, se propose dâapporter une thĂ©ologie du Saint Esprit Ă lâintention dâun vaste public. Dans ce chapitre, JĂŒrgen Moltmann nous introduit dans la personnalitĂ© du Saint Esprit Ă travers une caractĂ©ristique majeure : la « fellowship », ce terme Ă©voquant par ailleurs le potentiel chaleureux de la vie associative, et pouvant dans ce cas, se traduire en français par toute une gamme de termes : amitiĂ©, fraternitĂ©, communion⊠« Dans la communion dâun Dieu trinitaire, PĂšre, Fils et Saint Esprit, le Saint Esprit vient Ă notre rencontre et il communique avec nous, comme nous avec lui. De fait, il nous permet dâentrer en communion avec Dieu (« fellowship with God »). Avec lui, la vie divine nous est communiquĂ©e et Dieu participe Ă notre vie humaine. Ce qui advient ainsi dans la manifestation de lâEsprit, nâest rien moins quâune communion avec Dieu (« fellowship with God ») (p 190). Cette lecture nous est prĂ©cieuse parce quâelle nous permet dâapprendre Ă vivre aves le Dieu vivant (« The living God ») en nous, pour nous, avec nous (2).
La communion : une caractĂ©ristique de lâEsprit
 « Que la grĂące de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ et lâamour de Dieu et la communion (« fellowship ») de lâEsprit soient avec vous tous ». Ainsi sâĂ©nonce une ancienne bĂ©nĂ©diction chrĂ©tienne (II Corinthiens 13.13). JĂŒrgen Moltmann sâinterroge. « Pourquoi le don particulier de lâEsprit est-il perçu comme la communion (fellowship), alors que la grĂące est attribuĂ©e Ă Christ et lâamour Ă Dieu le PĂšre ? ». Cette caractĂ©ristique a des consĂ©quences considĂ©rables. « Dans cette communion, lâEsprit est davantage quâune force vitale neutre. LâEsprit est Dieu lui-mĂȘme en personne. Il entre en communion avec les croyants et les attire en communion avec lui. Il est capable de communion et dĂ©sire la communion » (p 89).
Â
Les vertus de la communion fraternelle
 Le terme « fellowship » est difficile Ă traduire ici, car, dans la vie courante, il sâapplique aussi Ă lâesprit associatif et on peut lâĂ©voquer en terme de fraternitĂ©Â ; nous utiliserons ici le terme : communion fraternelle. « La communion fraternelle ne sâimpose pas par la force et par la possession. Elle libĂšre. Nous offrons une part de nous-mĂȘme et nous partageons la vie dâune autre personne. La communion fraternelle se vit dans une participation rĂ©ciproque et une acceptation mutuelle. La communion fraternelle surgit quand des gens qui sont diffĂ©rents, trouvent quelque chose en commun, et, que ce quelque chose en commun est partagĂ© par diffĂ©rentes personnes⊠Il y a communion fraternelle dans une relation mutuelle : des fraternitĂ©s engendrĂ©es par une vie partagĂ©e. Dans la plupart des fraternitĂ©s humaines, les objectifs et les relations personnelles sont liĂ©s » (p 89). Et la communion fraternelle peut sâĂ©tablir entre gens semblables, mais aussi entre gens diffĂ©rents.
La communion de Saint Esprit : un phénomÚne original
Si on considĂšre ainsi la communion fraternelle, la fraternitĂ© dans le genre humain, quâen est-il dans la communion fraternelle, telle quâelle se manifeste Ă travers le Saint Esprit ? « Si nous nous rappelons les diffĂ©rentes connotations et les diffĂ©rents significations de la fraternitĂ© humaines, alors la communion du Saint Esprit avec nous tous, devient un phĂ©nomĂšne tout Ă fait Ă©tonnant. Dans lâEsprit, Dieu rentre en communion avec les hommes et les femmes : La vie divine nous est communiquĂ©e et Dieu participe Ă notre vie humaine. Dieu agit sur nous Ă travers sa proximitĂ© Ă©veillante et vivifiante et nous agissons sur Dieu Ă travers nos vies, nos joies et nos souffrances. Ce qui advient en Ă©tant dans lâEsprit de vie nâest rien moins que la « fellowship », la communion fraternelle avec Dieu. Dieu est impliquĂ© en nous, nous rĂ©pond et nous lui rĂ©pondons. Câest pourquoi lâEsprit peut porter de bons fruits en nous et câest pourquoi nous pouvons aussi peiner et Ă©teindre lâEsprit. En lâEsprit, Dieu est comme un mari, une Ă©pouse, un partenaire. Il nous accompagne et partage nos souffrances. Le Saint Esprit ne se comporte pas avec nous dâune maniĂšre dominatrice, mais avec tendresse et prĂ©venance. De fait dans un esprit de communion fraternelle » (p 90).
Avec le Saint Esprit, entrer dans la communion de Dieu trinitaire.
Cependant, nous devons envisager la communion fraternelle de lâEsprit avec nous dans un paysage bien plus vaste. « Le Saint Esprit nâentre pas seulement en communion avec nous et ne nous attire pas simplement en communion avec lui. LâEsprit lui-mĂȘme – elle-mĂȘme – existe en communion avec le PĂšre et le Fils, « dâĂ©ternitĂ© en Ă©ternité », et est adorĂ© et glorifiĂ© ensemble avec le PĂšre et le Fils comme le dit le credo de NicĂ©e. Ainsi, la communion de lâEsprit avec nous se cache dans la communion Ă©ternelle avec Christ et le PĂšre de JĂ©sus – Christ. La communion du Saint Esprit avec nous correspond Ă sa communion divine Ă©ternelle. Elle ne correspond pas seulement Ă cette communion, elle est elle-mĂȘme cette communion. Ainsi dans la communion de lâEsprit, nous sommes liĂ©s au Dieu trinitaire, pas seulement extĂ©rieurement, mais intĂ©rieurement. A travers lâEsprit, nous sommes attirĂ©s dans la symbiose Ă©ternelle ou la communion vivante du PĂšre, du Fils et de lâEsprit, et nos vies humaines limitĂ©es participent au mouvement circulaire Ă©ternel de la vie divine. Ainsi, dans la communion du Saint Esprit avec nous tous, nous faisons lâexpĂ©rience de la proximitĂ© de la vie divine et aussi lâexpĂ©rience de notre vie mortelle comme une vie qui est Ă©ternelle. Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous⊠Dans la communion du Saint Esprit, la TrinitĂ© divine est si grande ouverte que la crĂ©ation entiĂšre peut y demeurer. Câest une communion qui invite : « Quâils puissent tous ĂȘtre en nous », telle est la priĂšre de JĂ©sus dans lâEvangile de Jean ( Jean 17.21) » (p 90-91).
Une unité respectueuse de la diversité
Cette description de la place et du rĂŽle du Saint Esprit dans la communion trinitaire peut-elle nous apprendre quelque chose sur le genre dâunitĂ© que les croyants vont dĂ©velopper dans la communion de lâEsprit ? Est-ce que lâEsprit se manifeste essentiellement dans lâanimation de la communautĂ© ou bien particuliĂšrement dans la vie individuelle des croyants ? JĂŒrgen Moltmann rĂ©cuse cette alternative tranchĂ©e. « La communion du Saint Esprit ne renforce ni lâindividualisme protestant dans la foi, ni le collectivisme ecclĂ©sial catholique. LâexpĂ©rience de la riche variĂ©tĂ© des dons de lâEsprit est aussi primordiale que lâexpĂ©rience de la communion dans lâEsprit. « Il y a une variĂ©tĂ© de dons, mais câest le mĂȘme Esprit » (I Cor 12.4)⊠LâexpĂ©rience de la libertĂ© qui donne Ă chacun ce qui lui est propre (I Cor 12.11) est insĂ©parable de lâexpĂ©rience de lâamour qui unit les gens ensemble dans lâEsprit. La vraie unitĂ© des croyants dans la communion de lâEsprit est une image et un reflet de la TrinitĂ© de Dieu et de la communion de Dieu dans des relations personnelles diffĂ©rentes. Ni une conscience collective qui rĂ©prime lâindividualitĂ© des personnes, ni une conscience individuelle qui nĂ©glige ce qui est commun, ne peuvent exprimer cela. Dans lâEsprit, personnalitĂ© et socialitĂ© viennent ensemble et sont complĂ©mentaires » (p 92).
Le chapitre : « In the fellowship of th Spirit » se poursuit en deux autres sĂ©quences : « LâĂglise dans la communion de lâEsprit », et « La communion fraternelle entre les gĂ©nĂ©rations et les sexes ».
 La pensĂ©e thĂ©ologique de Moltmann est entrĂ©e dans une nouvelle Ă©tape crĂ©ative au dĂ©but des annĂ©es 1990 Ă travers sa thĂ©ologie de la crĂ©ation, sa nouvelle thĂ©ologie trinitaire et sa thĂ©ologie de lâEsprit (2). Ce livre : « La source de vie » sâinscrit dans ce mouvement. Nous avons Ă©tĂ© inspirĂ© par ce passage qui Ă©voque pour nous la prĂ©sence divine en terme de communion, dans un rapport Ă lâexpĂ©rience de la communion fraternelle.
Rapporté par J H
- JĂŒrgen Moltmann. The source of life. The Holy Spirit and the theology of life. Fortress Press, 1997
- Pour une vision holistique de lâEsprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/
par jean | Août 2, 2022 | Expérience de vie et relation |
Ma vision de Dieu a changé.
Un tĂ©moignage dâOdile Hassenforder
 Depuis que Dieu est intervenu dans ma vie, tout a changĂ© pour moi. Comme la samaritaine, jâai dĂ©clarĂ© autour de moi que JĂ©sus Ă©tait le Messie ; comme lâaveugle de SiloĂ©, je me suis prosternĂ© devant mon Dieu. Dire qui est Dieu pour moi aujourdâhui, ce quâil Ă©tait pour moi il y a dix, vingt ans, câest dire quelle Ă©tait ma relation Ă Lui. Je ne puis dĂ©crire Dieu. « Personne ne lâa jamais vu », dit lâapĂŽtre Jean en commençant son Ă©vangile. « Qui me voit, voit le PĂšre, dit JĂ©sus Ă Philippe. Tous les contemporains de JĂ©sus qui lâont approchĂ© nâont pas reconnu en lui le Fils de Dieu ; seuls ceux qui ont eu une vĂ©ritable rencontre avec lui, ont reçu la lumiĂšre, ont saisi la vĂ©ritĂ©. Jâimagine trĂšs bien lâĂ©motion quâont du ressentir la samaritaine, lâaveugle et tant dâautres. Aujourdâhui un jeune dirait : « ça fait tilt », un amoureux dirait : « jâai eu le coup de foudre ». Ces expressions sont bien pĂąles pour exprimer le choc dâune telle dĂ©couverte.
Un chemin.
Que mâest-il arrivĂ© ce mois dâoctobre 1973 ?
LâimpossibilitĂ© de vivre mâentraĂźnait Ă la mort, au suicide.
Pourtant, je me rappelle quâĂ lâĂ©poque oĂč je suis rentrĂ©e dans la vie professionnelle, je croyais ne jamais connaĂźtre le dĂ©sespoir, malgrĂ© toutes les difficultĂ©s de vivre que jâavais, parce que Dieu Ă©tait avec moi. Je ressentais une assurance intĂ©rieure.
Jâavais eu la chance de rencontrer, Ă cette Ă©poque, un aumĂŽnier dâaction catholique qui me suivit durant quatre ans dans une forme de psycho-thĂ©rapie spirituelle, si je puis mâexprimer ainsi. En plus de la messe quotidienne, je profitais dâun entretien spirituel toutes les trois semaines avec cet aumĂŽnier. En fait, je pouvais exprimer mes aspirations et mes incapacitĂ©s. Je ne me rappelle pas du contenu prĂ©cis dâun de ces dialogues. Plein de bon sens et de finesse psychologique, mon interlocuteur me montrait que JĂ©sus mâentraĂźnait dans une dynamique positive. Par la confession qui suivait, je remettais au Seigneur tout le nĂ©gatif de ma vie et attendais de lui la force de poursuivre mon chemin. Cela Ă©tĂ© pour moi lâoccasion dâune Ă©volution psychologique trĂšs apprĂ©ciable. Je me rend compte aujourdâhui que la situation Ă©tait ambiguĂ« : surmonter mes difficultĂ©s psychologiques et rĂ©aliser une image idĂ©ale de moi, plutĂŽt que de saisir lâinvitation de lâEsprit Ă entrer dans lâunivers de Dieu. Jâai reçu ce dont jâavais besoin Ă lâĂ©poque. Jâen remercie le Seigneur aujourdâhui en revoyant tout ce quâIl a mis sur ma route, dâĂ©tape en Ă©tape, respectant le cheminement de mon ĂȘtre, proposant la nourriture adaptĂ©e Ă ce que je vivais.
Mon mariage a Ă©videmment Ă©tĂ© un tournant dans ma vie. Mon mari mâa apportĂ© la vie culturelle et intellectuelle Ă laquelle jâaspirais tant, mais aussi une vie de foi complĂ©mentaire Ă la mienne. Nous avons essayĂ© de prier ensemble le soir. Notre priĂšre sâest vite tarie. Ensemble nous avons fait partie de groupes de foyers, de Vie Nouvelle dans les annĂ©es soixante. Nous allions rĂ©guliĂšrement le dimanche dans une paroisse voisine de trois kilomĂštres de notre domicile. Nous faisions allĂšgrement le trajet Ă pied, car nous recevions lĂ lâannonce dâune vie Ă©largie en JĂ©sus-Christ, un sens Ă notre vie en Dieu.
A la naissance de notre fils, nĂ© prĂ©maturĂ© Ă six mois et menacĂ© de ne pas survivre, nous avons beaucoup priĂ©, remettant Ă Dieu notre sort autant que celui de cet enfant. Je savais intellectuellement que les miracles existaient, mais ma foi Ă©tait bien faible pour croire que Dieu pouvait intervenir pour moi. Tout en disant « que ta volontĂ© soit faite », je pensais au dĂ©roulement de lâenterrement imminent et je ne prĂȘtais pas attention aux paroles dâespĂ©rance de mon entourage. Par la suite, jâai attribuĂ© la survie de notre enfant uniquement aux mĂ©decins et Ă la science. Ce nâest que maintenant que mon cĆur est rempli de reconnaissance envers celui qui a toujours Ă©tĂ© auprĂšs de moi et que je ne voyais pas. Oui, je constate maintenant, en revoyant ma vie passĂ©e, que le Seigneur mâa prĂ©servĂ©e de catastrophes irrĂ©versibles. Pourtant Ă cette Ă©poque, il devenait pour moi de plus en plus absent. Lâalimentation de la foi sâestompait peu Ă peu.
Cependant les handicaps de ma personnalitĂ© rĂ©apparaissaient dans mon nouveau mode de vie de mĂšre au foyer. Je nâai pu profiter alors des joies de la maternitĂ©. Je nâai pas pu faire face non plus Ă mes conditions de vie. Mon action militante ne parvenait plus Ă compenser mes problĂšmes. Jâentrepris une psychothĂ©rapie lorsque je constatais quâĂ deux ans mon fils prĂ©sentait des troubles de personnalitĂ©. La seule chose qui Ă©tait en mon pouvoir je devais le faire. Avant dâentreprendre une telle dĂ©marche, jâallais voir un prĂȘtre ami, espĂ©rant que, par son intermĂ©diaire, Dieu me sortirait de lĂ . En fait, il me dit que Dieu pouvait agir Ă travers les sciences humaines. Il insista dâautant plus quâil avait constatĂ© la tristesse la tristesse profonde que dĂ©voilait mon visage lorsque je ne me croyais pas observĂ©e. Je compris sĂ»rement assez mal ce qui mâa Ă©tĂ© dit ce jour-lĂ car je mis mon seul espoir dans la psychologie. LâannĂ©e suivante, je confiais mon fils Ă la garde dâune voisine et je repris le travail social. La psychothĂ©rapie mâa Ă©tĂ© dâun grand secours pour mettre Ă jour les causes de mon inhibition et aussi me dĂ©gager de bien des angoisses et des dĂ©fenses que mon inconscient avait forgĂ©es. Lors de ma premiĂšre consultation, je me prĂ©sentais comme vivant dans une sphĂšre de plexiglace au milieu de la vie, mais en dehors dâelle.
Lâannonce dâune nouvelle naissance en 69 a Ă©tĂ© pour moi une catastrophe, car je nâavais pas encore suffisamment acquis mon autonomie. La catastrophe a Ă©tĂ© bien plus grande encore lors de la fausse couche qui a suivi. Jâai vĂ©cu la mort dâun enfant. Seul lâoubli a pu attĂ©nuer la douleur. Je ne me souviens pas mâĂȘtre adressĂ©e Ă Dieu. Il nâĂ©tait plus pour moi quâune entitĂ© qui animait ce grand univers oĂč je nâĂ©tais que poussiĂšre. Il existait bien sĂ»r, mais Ă la façon de lâhorloger et je faisais partie de la mĂ©canique. Les amis, dans ces circonstances sont souvent de bien peu de secours. Et ils ne peuvent donner que ce quâils ont. Du reste, ceux ou celles-ci devenaient rares car, fatiguĂ©s psychologiquement, mon mari et moi, nous allions de moins en moins aux rĂ©unions de toutes sortes et bien peu de monde se souciait de notre absence. Les soutiens religieux disparaissaient. Le curĂ© de la paroisse que nous frĂ©quentions partit en 1967 et nous nâavions pas trouvĂ© ailleurs une alimentation spirituelle malgrĂ© nos nombreuses recherches. Les groupes de foyers sâĂ©taient dissous.
Peu importe les raisons et les circonstances qui ont provoquĂ© une dissociation de ma personnalitĂ©. Je suis persuadĂ©e aujourdâhui que, si jâĂ©tais restĂ©e en relation avec Dieu, je nâaurais pas vĂ©cu ce drame. Il Ă©tait tout de mĂȘme lĂ prĂ©sent, mais je ne le savais pas. Jâai utilisĂ© tout ce qui Ă©tait en mon pouvoir pour surmonter ces moments de dĂ©pression, trou noir oĂč tout disparaissait. Je ne manquais pas de volontĂ© et lâĂ©nergie dĂ©ployĂ©e pour surnager Ă©tait deux fois plus grande que celle que je dĂ©pense aujourdâhui. LâergothĂ©rapie, pensais-je, pourrait peut-ĂȘtre me sortir de cet Ă©tat second oĂč lâimaginaire et la rĂ©alitĂ© sâentremĂȘlaient. Alors, je me mis Ă tapisser la chambre de mon fils, avec beaucoup de mal du reste, car je me trompais constamment dans mes mesures. La relaxation permettait Ă mon corps de ne pas craquer trop vite, comme la chimiothĂ©rapie soutenait le psychisme. Il me semblait que la folie se profilait derriĂšre mon angoisse ; et le phĂ©nomĂšne ne faisait que sâamplifier. Je rencontrais cependant la comprĂ©hension attentive et patiente de mĂ©decins tandis que plusieurs amies mâexprimaient leur affection. Mais que pouvaient les uns et les autres ? Je leur suis cependant reconnaissants de leur attitude qui a attĂ©nuĂ© ma souffrance et mâa permis de tenir plus longtemps. Du moins jusquâau jour oĂč jâavalais trop de somnifĂšres. Lâescalade continuait. Des forces internes sâentraĂźnaient Ă me dĂ©truire .
Câest dans cet Ă©tat, huit jours aprĂšs mon sommeil prolongĂ©, que je participais Ă un week-end avec des amis sur le thĂšme : « vivre sa foi ». Quelle gageure ! Ce dimanche, pendant la priĂšre, je tirais le signal dâalarme, et, dans mon dĂ©sespoir, je criais : « JĂ©sus, si tu es la Vie, donne-moi le goĂ»t de vivre ». Un ami bien intentionnĂ© prĂ©senta une parabole Ă sa maniĂšre : deux grenouilles se dĂ©battaient dans une jatte de lait : lâune, dans son dĂ©sespoir, se laisse couler. Mais lâautre continue Ă sâagiter et une motte de beurre se forme grĂące Ă laquelle elle pu surnager. Cela ne fit quâaugmenter mon dĂ©sarroi : pourquoi les prĂȘtres ne parlaient-ils que psychologie ? Aucune force humaine ne pouvait me sortir de lĂ . En fait, mon mĂ©decin avait mieux compris ma situation lorsquâil me parla de crise existentielle. Sur son conseil, jâai lu un livre sur le bouddhisme. LĂ encore, il me semblait que je devais tirer de moi-mĂȘme la force de passer au stade de lâesprit. Je ne pouvais pas. JâĂ©tais anĂ©antie. Il fallait que la vie vienne Ă moi car je ne pouvais la susciter malgrĂ© tout le dĂ©sir que jâen avais . Jâavais parfaitement conscience de ma responsabilitĂ© envers mon fils de huit ans, trĂšs angoissĂ© de ce quâil vivait malgrĂ© mes efforts pour cacher mes problĂšmes et compenser au maximum.
DĂ©livrance.
 JĂ©sus a rĂ©pondu Ă mon appel : je le sais maintenant car le hasard est devenu pour moi providence : « Pas un cheveu de votre tĂȘte ne tombe sans que je le veuille » . Ce nâest pas un hasard dâavoir trouvĂ© un jour de vacances le pasteur dâune assemblĂ©e de Dieu, rencontrĂ© prĂ©cĂ©demment lors dâune rĂ©union.
De cet entretien, je me rappelle :
° Jésus guérit, il peut vous guérir.
° Comment ?
° Quand je sĂšme du blĂ©, en fils de paysan, jâattends quâil pousse. Je ne me demande pas comment il va pousser. Câest un fait dâexpĂ©rience. De mĂȘme, quand je prie JĂ©sus, je sais quâil rĂ©pond. Je me place lĂ sur un plan spirituel et non intellectuel.
En y rĂ©flĂ©chissant maintenant, je rĂ©alise que je ne croyais plus alors Ă lâefficacitĂ© de la priĂšre. Cet entretien fut le point de dĂ©part dâun renouveau pour moi.
Le retour de vacances fut difficile. Je me trouvais contrainte Ă mâabsenter de plus en plus frĂ©quemment de mon travail. Je mây accrochais cependant pour ne pas sombrer. JâĂ©chappais de justesse Ă un accident de voiture que jâai failli provoquer par ma faute. Alors, je rĂ©alisais que jâallais Ă la catastrophe. Face Ă moi-mĂȘme, je me rendais compte avec une grande luciditĂ© que jâavais un choix Ă faire. Deux possibilitĂ©s se prĂ©sentaient Ă moi. Je continuerai Ă lutter par mes propres forces tout en sachant que cela irait de mal en pis. Je pouvais aussi choisir le chemin de la vie. Je me dĂ©truis, pensais-je, parce que je ne peux vivre. Jâai envie de vivre . Alors je choisis la vie. Câest ainsi que je me dĂ©terminais pour JĂ©sus, sans condition, prĂȘte Ă tout donner, mon indĂ©pendance entre autres, prĂȘte aussi Ă tout recevoir.
« Je nâen peux plus », câest tout ce dont jâĂ©tais capable de dire. Je rĂ©alisais alors que la Parole de Dieu est efficace. Certaines citations de la Bible rĂ©sonnaient en moi : « Dans la vallĂ©e de lâombre de la mort » pour sĂ»r, jây Ă©tais. La suite du passage Ă©tait moins Ă©vidente pour moi, bien que je lâai mille fois entendue : « Tu es mon berger ». Ce jour-lĂ , ce fut vrai. Je le sus dans tout mon ĂȘtre lorsque, Ă la suite de la priĂšre, je ressentis une Ă©nergie vitale qui me donna force et consistance, puis un grand calme intĂ©rieur, puis la joie. CâĂ©tait la premiĂšre fois quâon priait pour moi, avec conviction et non avec des formules, en rĂ©sonance avec mes aspirations les plus profondes jamais exprimĂ©es. Ce qui Ă©tait demandĂ© se rĂ©alisait. CâĂ©tait extraordinaire et merveilleux.
Lâeffet dura quarante-huit heures, puis les symptĂŽmes rĂ©apparurent. Je nâhĂ©sitais pas Ă retourner me dĂ©saltĂ©rer Ă la source. JâĂ©tais dĂ©terminĂ©e Ă continuer quoiquâil arrive. En fait, jâai osĂ© rĂ©itĂ©rer ma dĂ©marche parce que la perche mâavait Ă©tĂ© tendue par le pasteur : « Dans votre Ă©tat, il faudra prier plusieurs fois ». CâĂ©tait lâexpĂ©rience qui le disait. Tous les jours, les deux jours, jâai ainsi demandĂ© que lâon pria pour moi, cinq fois en une semaine. A chaque fois, la mĂȘme Ă©nergie me donnait vie. Et ce dernier jeudi dâoctobre, jâai eu envie de mâassocier Ă la priĂšre dâun groupe charismatique catholique que je connaissais par ailleurs. Devant une assemblĂ©e nombreuse de cent ou cent cinquante personnes, jâexprimais tout haut lâassurance intĂ©rieure qui mâapparaissait : « Seigneur, je ne suis pas encore guĂ©rie mais je sais que tu vas me guĂ©rir et je tâen remercie ». Une priĂšre murmurĂ©e en langues au centre de lâassemblĂ©e fut pour moi un soutien communautaire : ils savaient ce que je voulais dire et ils sâassociaient à ma priĂšre et la soutenaient. Ce soir-lĂ , Ă peine couchĂ©e, je sentis ma personnalitĂ© se remettre en place, en une fraction de seconde. Comme un puzzle, chaque partie de mon ĂȘtre prenait sa place : lâunitĂ© sâest faite en moi. Jâentrais dans la rĂ©alitĂ©, jâĂ©tais bien. Et dĂšs le lendemain, je dis Ă qui voulait lâentendre que jâĂ©tais guĂ©rie. « ça se voit », me rĂ©pondit-on souvent. Et le dimanche, au lieu dâaller demander Ă lâassemblĂ©e la priĂšre des frĂšres, jây ai rendu grĂące Ă Dieu.
JâĂ©tais transformĂ©e. Ma situation nâavait en rien changĂ©e, elle ne mâĂ©crasait plus. JâĂ©tais Ă lâaise dans ma peau comme jamais je ne lâavais Ă©tĂ©. Quâil pleuve, quâil vente, tout me rĂ©jouissait. La fatigue, physique que je continuais Ă ressentir, nâentachait nullement ma joie profonde. Je me disais en convalescence, voilĂ , câest tout. Rien ne pouvait assombrir cette joie, mĂȘme la grande souffrance provoquĂ©e par une de mes amies, qui, au lieu de se rĂ©jouir avec moi, me rejeta en mâaccusant de mysticisme, ce dont elle avait peur pour elle-mĂȘme, du moins lâai-je compris ainsi et je ne lui en voulus pas.
Une vie en abondance.
Jâavais demandĂ© la vie. Je lâai reçu en abondance, bien au delĂ de ce que je pouvais imaginer : la vie Ă©ternelle. « La vie Ă©ternelle, câest quâils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyĂ©, JĂ©sus-Christ » (Jean 17,3). Je suis nĂ©e Ă la vie de lâEsprit, je suis entrĂ©e dans lâunivers spirituel ; le royaume de Dieu, dit JĂ©sus. Ce fut une rĂ©vĂ©lation pour moi. Il mâest arrivĂ© ce que JĂ©sus disait Ă NicodĂšme : « LâEsprit souffle oĂč il veut. Tu entends le bruit quâil fait, mais tu ne sais dâoĂč il vient, ni oĂč il va. VoilĂ ce qui se passe pour tout homme qui naĂźt de lâEsprit ». La TrinitĂ© devenait une rĂ©alitĂ© aussi naturelle quâavoir des parents. JĂ©sus, par sa mort et sa rĂ©surrection, mâa tirĂ© de la mort oĂč mâentraĂźnait le mal, pour me donner la vie Ă©ternelle en me rĂ©conciliant avec le PĂšre. LâEsprit Saint qui les habite tout entier, ne faisant quâun avec eux, mâanime de cette vie divine. « Celui qui doit vous aider, le Saint-Esprit, que le PĂšre enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit », a dit JĂ©sus Ă ses disciples (Jean 17). Dieu se manifestait Ă moi aussi par lâamour qui mâenvahissait. Je me suis sentie aimĂ©e au point oĂč cet amour dĂ©bordait de moi sur tous ceux que je rencontrais : jâaurais embrassĂ© tout le monde si les convenances ne mâavaient retenue.
SimultanĂ©ment, jâavais soif de connaĂźtre davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et, assez curieusement, je comprenais beaucoup de choses qui mâĂ©taient jusque lĂ restĂ©es hermĂ©tiques.
Comme tout nouveau-nĂ© qui sâouvre Ă la vie, je devais poursuivre mes dĂ©couvertes. Avec deux autres mĂ©nages, nous avons formĂ© un groupe de priĂšre interconfessionnel qui, du reste, grandit trĂšs vite. Nous sommes allĂ© voir ailleurs ce qui se passait, nous avons suivi des sessions et pris de nouveaux contacts. Par la suite, des difficultĂ©s et des dĂ©viations ont surgi dans ce groupe et nous avons du prendre du recul.
Vivre dans lâEsprit.
Aujourdâhui, la conviction de me savoir sauvĂ©e, câest-Ă -dire vivre dans le rĂšgne de JĂ©sus-Christ ressuscitĂ©, entraĂźne chez moi une attitude positive. Chaque matin, jâouvre mon ĂȘtre Ă lâEsprit qui renouvelle toute chose. Je ne peux prĂ©voir ce que je vais dĂ©couvrir, je deviens disponible et disposĂ©e Ă voir sa prĂ©sence lors dâune rencontre, au sein dâĂ©vĂšnements. Je ressens le besoin dâexprimer cela Ă voix intelligible en une courte priĂšre de quelques minutes dans une attitude active.
La lecture des Ecritures est une nourriture. De temps en temps, tel passage rĂ©sonne en moi ; dâautres fois, me revient Ă la mĂ©moire un verset Ă propos dâĂ©vĂšnements que je vis, une question que je me pose, et jây vois lĂ une rĂ©ponse. Je sais aussi que si je prends les promesses de JĂ©sus pour moi, elles se rĂ©alisent pour moi. Cela a Ă©tĂ© le cas, par exemple, en ce qui concerne la confiance en Dieu. « Cherchez dâabord le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront donnĂ©es par dessus » (Luc 12). Effectivement, je me suis rendu compte que mon ĂȘtre se transformait en considĂ©rant mes rĂȘves ; ainsi dans un rĂȘve reprĂ©sentant une scĂšne de dĂ©vastation, je restais calme et sereine.
JĂ©sus nous dit dâaimer notre prochain. Il nous aide Ă y parvenir. Il nây a pas si longtemps, mon interlocuteur commençait à mâĂ©nerver. IntĂ©rieurement, je dis : « Donne-moi de lâaimer, Seigneur » et je me rappelle que le plus petit est le plus grand dans le royaume des cieux, que JĂ©sus a lavĂ© les pieds de ses disciples. Et je rĂ©alisais ainsi que je devais ĂȘtre au service de celui qui Ă©tait lĂ Ă cĂŽtĂ© de moi. Mon ressentiment disparut. Je mâintĂ©ressai Ă ce qui le prĂ©occupait.
Je souhaite voir davantage comment Dieu se manifeste sous des formes bien diverses : Ă travers les autres, dans la nature, dans lâhistoire. AprĂšs ces trois annĂ©es de dĂ©couverte, je mâaperçois que je marche Ă peine. Je suis heureuse de voir la vie Ă©ternelle devant moi comme en moi : câest une louange constante que jâadresse au Seigneur, qui est en mĂȘme temps adoration et contemplation. Je lui rends grĂące pour tout ce quâil a fait pour moi.
Odile Hassenforder
Texte polycopié retrouvé dans ses archives
« Ma vision de Dieu a changé », p 27-36 dans : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent, 2011
Voir aussi : Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/
par jean | Déc 6, 2018 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
Rodolphe Gozegba, pasteur dans une paroisse alsacienne, avait Ă©tĂ© invitĂ© Ă participer Ă une rĂ©union organisĂ©e par une paroissienne qui avait invitĂ© des amis chez elle. Il y avait donc onze personnes dans ce petit groupe. Elles nâappartenaient pas toutes Ă la paroisse. Elles avaient Ă©tĂ© invitĂ©es pour quâelles puissent faire connaissance avec le nouveau pasteur de la paroisse. CâĂ©tait donc une rencontre conviviale et amicale.
Au dĂ©but de la rĂ©union, chacun sâest prĂ©sentĂ©. AprĂšs cette prĂ©sentation, chacun sâest retrouvĂ© autour dâune table avec gĂąteaux et cafĂ©. Pendant quâon mangeait ensemble, les gens parlaient seulement Ă leurs voisins. Pour permettre une conversation en commun, Rodolphe a eu une idĂ©e : poser une question qui permettrait Ă chacun de sâexprimer en mobilisant lâattention de tous sur un thĂšme commun. Et, il a donc suggĂ©rĂ© la question suivante : « Je sais que Dieu a fait des miracles dans nos vies et que nous sommes sans doute marquĂ©s par un de ces miracles. Est-ce que nous pourrions tĂ©moigner de ce miracle en peu de mots ? ». Tout le monde a trouvĂ© que câĂ©tait une excellente idĂ©e. Et donc, chacun sâest exprimĂ© Ă tour de rĂŽle.
La voisine de Rodolphe, une femme dâorigine syrienne, accompagnĂ©e par sa sĆur, a tĂ©moignĂ© pour elles deux. Elles ont connu une guerre terrible en Syrie et aussi des persĂ©cutions envers les chrĂ©tiens. Pour elles, le miracle a Ă©tĂ© la persĂ©vĂ©rance des chrĂ©tiens malgrĂ© la persĂ©cution. Aucun nâa abandonnĂ© la foi. Dieu merci, elles sont aujourdâhui vivantes en France.
La deuxiĂšme personne qui sâest exprimĂ©e nous a dit : « Mon miracle, câest que je viens dâĂȘtre guĂ©rie de mon cancer ».
Une veuve nous a ensuite parlĂ© de la vie quâelle a eue avec son mari. Au dĂ©part, elle avait hĂ©sitĂ© Ă lâĂ©pouser. Et puis, elle a trouvĂ© ensuite en lui un homme admirable. Câest « lâhomme de sa vie ».
Une autre personne, un homme, a tĂ©moignĂ© quâaprĂšs le dĂ©cĂšs de sa premiĂšre femme, il a rencontrĂ©, il y a vingt-cinq ans, une femme dâorigine amĂ©ricaine, avec laquelle il sâest mariĂ© et se trouve heureux aujourdâhui. Cette femme Ă©tait lĂ avec lui et elle a aussi tĂ©moignĂ©. Ayant quittĂ© les Etats-Unis, elle Ă©tait allĂ© en Allemagne et ensuite, elle est arrivĂ©e en Alsace oĂč elle a rencontrĂ© son mari avec lequel elle est trĂšs heureuse aujourdâhui. Ainsi nous a-t-elle dit : « Jâai fait tout un pĂ©riple pour finalement trouver lâhomme de ma vie ». Cet amour est pour elle le grand miracle de Dieu.
Nous avons entendu ensuite le tĂ©moignage du mari de la femme qui a Ă©tĂ© guĂ©ri du cancer. Cet homme a beaucoup parlĂ©. Un jour, nous a-t-il dit, il a entendu un pasteur dĂ©clarer dans sa prĂ©dication quâil ne croyait pas Ă la rĂ©surrection de JĂ©sus. Il a Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ© et particuliĂšrement scandalisĂ©. Il a quittĂ© lâĂ©glise. « La foi chrĂ©tienne, vidĂ©e de la rĂ©surrection, nâest plus la foi chrĂ©tienne ». Dieu est au coeur de sa vie et sa raison dâĂȘtre. « Sans Lui, je ne suis rien ».
La paroissienne qui nous a accueilli, a racontĂ© que, lorsquâelle Ă©tait plus jeune, elle voyageait beaucoup. Et, comme elle nâavait pas beaucoup dâargent, elle prenait des avions avec plusieurs escales. Un jour, en allant au Japon, son mari et elle, ont fait une escale en Irak. Elle Ă©tait enceinte dâun garçon et a fait une fausse couche. Par la suite, en Alsace, elle a enseignĂ© le français Ă un jeune immigrĂ© irakien. Une relation forte sâest crĂ©Ă©e et celui-ci sâest mis Ă la considĂ©rer comme sa mĂšre. Ce couple a une grande fille, mais il nâavait pas de garçon. Ils ont adoptĂ© le jeune irakien. Elle, qui avait perdu un garçon, en a retrouvĂ© un. Ils ont dĂ©sormais une grande fille et ce fils adoptĂ©. Câest le miracle de leur vie.
Ce tour de table sâest terminĂ© par le tĂ©moignage de Rodolphe. Pour lui, le miracle, câest que Dieu a fait de lui son serviteur, pasteur dans lâEglise.
Comment Rodolphe a-t-il ressenti ce partage ?
Les participants étaient des chrétiens avec des sensibilités différentes. Par exemple, les deux syriennes étaient orthodoxes. Le couple franco-américain était mennonite⊠Nous étions en communion.
Câest la premiĂšre fois que Rodolphe posait cette question : quel est le miracle qui a marquĂ© votre vie ? Or, nous dit-il, « On envisage gĂ©nĂ©ralement le miracle comme une intervention extraordinaire de Dieu. Moi-mĂȘme, je mâattendais Ă des tĂ©moignages de ce genre . Mais, dans ce groupe lĂ , jâai dĂ©couvert que chaque personne a sa conception du miracle. Le miracle nâest pas forcĂ©ment une manifestation soudaine et extraordinaire de Dieu. Le miracle, ce peut ĂȘtre aussi une merveilleuse rencontre. Ce peut-ĂȘtre une bonne amitiĂ© qui dĂ©bouche sur une belle relation. Ce peut ĂȘtre la conscience affirmĂ©e dâune relation avec Dieu. Ici, dans ce groupe, le miracle Ă©tait reconnu dans une manifestation de Dieu au quotidien. Nous avons appris Ă la reconnaĂźtre. Câest un sujet de joie et de reconnaissance ».
Récit et témoignage de Rodolphe Gozegba rapporté par Jean Hassenforder
Voir aussi sur ce blog :  « Le miracle de lâexistence. Un Ă©clairage de Bertrand Vergely » : https://vivreetesperer.com/?p=2890
par jean | Fév 13, 2019 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
 Guy Aurenche, ancien prĂ©sident de lâACAT (Action des chrĂ©tiens pour lâabolition de la torture) et du CCFD-Terre solidaire (ComitĂ© catholique contre la faim et pour le DĂ©veloppement), a Ă©tĂ© invitĂ© dans une communautĂ© chrĂ©tienne qui affronte des problĂšmes de fragilitĂ© et de marginalitĂ©. A partir de son expĂ©rience personnelle, associative et ecclĂ©siale, il a rĂ©pondu Ă Â la question qui lui Ă©tait posĂ©e : « Comment la parole des plus fragiles mâa changĂ© et me change encore aujourdâhui ? ».
En réponse, Guy Aurenche propose cinq pistes.
« TrĂšs tĂŽt, Ă travers lâACAT, jâai rencontrĂ© les rĂ©alitĂ©s Ă©pouvantables de la torture. Jâai Ă©tĂ© bouleversĂ© par tant de capacitĂ©s destructrices. Cependant, le message que jâai reçu a Ă©tĂ© celui de notre capacitĂ© Ă rejoindre les victimes dans leur drame et Ă briser la solitude imposĂ©e pour les dĂ©truire. Par les actions, les protestations et la priĂšre, jâai dĂ©couvert que je pouvais devenir un modeste sauveteur, un briseur de solitude. Alors les victimes se dĂ©claraient sauvĂ©es car elles nâĂ©taient plus seules pour affronter leurs souffrances. La parole des plus fragiles a fait de moi un briseur de solitude, une source de vie.
La parole des plus fragiles nous met sur le chemin de la fraternitĂ©. A travers les partenariats nouĂ©s par le CCFD-Terre solidaire avec des associations combattant les injustices, jâai rencontrĂ© non pas des pauvres et des malheureux, mais des frĂšres et des sĆurs avec lesquels je pouvais agir. Cette fraternitĂ©, parfois dĂ©concertante, mâa permis de cheminer et de dĂ©couvrir que lâautre Ă©tait frĂšre.
La parole des plus fragiles a fait de moi un « porteur de parole ». a travers le mĂ©tier dâavocat, les plus fragiles mâont demandĂ© de dire leur parole dans le cadre de la justice. Ils Ă©taient alors reconnus dans leur dignitĂ© quelque soit les fautes quâon leur reprochait, alors quâils nâĂ©taient pas capables de se faire entendre. Jâai parfois rencontrĂ© des problĂšmes de conscience lorsque la parole quâil mâĂ©tait demandĂ© de porter, ne me semblait pas conforme Ă la vĂ©ritĂ©. Cependant, aprĂšs rĂ©flexion, jâai dĂ©fendu leur parole, car le juge avait besoin de lâentendre avant de se prononcer. Les plus fragiles mâont appris le lien  entre la reconnaissance de la dignitĂ© dâune personne et lâĂ©coute de sa parole.
La parole des plus fragiles a fait de moi un acteur de transformation sociale pour dĂ©couvrir peu Ă peu quâil ne suffisait pas dâentendre leur cri, mais de les rejoindre dans le combat social, Ă©conomique pour sâattaquer aux causes des injustices. Cette action de transformation sociale devait se faire non pas seulement Ă travers mes propres idĂ©es, mais en accueillant la capacitĂ© inventive de ceux avec lesquels jâintervenais. La parole des plus fragiles mâa aidĂ© et mâaide Ă donner tout son sens Ă lâengagement politique.
La parole des plus fragiles mâa aidĂ© et mâaide Ă dĂ©couvrir les profondeurs de la pauvretĂ©. Nous nous faisons une idĂ©e restreinte de la pauvretĂ© en la limitant Ă une approche matĂ©rielle. Par ailleurs, nous risquons toujours dâavoir « nos pauvres » selon nos critĂšres philosophiques ou confessionnels. Ce sont souvent les plus fragiles qui mâont fait dĂ©couvrir quâĂ cotĂ© dâeux, il y avait encore des plus pauvres et je ne lâavais pas vu. La parole des plus fragiles mâaide aujourdâhui Ă repĂ©rer les situations de pauvretĂ© qui mâentourent.
Câest une bonne nouvelle que de dĂ©couvrir que je suis capable de briser des solitudes, que jâappartiens Ă une fraternitĂ© agissante, quâen portant sa parole, je peux aider lâautre Ă ĂȘtre reconnu, quâen agissant ensemble, nous pouvons nous attaquer aux causes des injustices et que mes yeux comme mon cĆur doivent rester Ă lâaffut de toutes les pauvretĂ©s qui se cachent autour de moi ».
Interview de Guy Aurenche
Sur ce blog, voir aussi : « Justice sur la terre comme au ciel » : un livre de Guy Aurenche : https://vivreetesperer.com/dans-un-monde-difficile-un-temoignage-porteur-de-joie-et-desperance/