Dans la communion du  Saint Esprit

Dans la communion du  Saint Esprit

In the fellowship of the Holy Spirit

« In the fellowship of the Holy Spirit », c’est le titre d’un chapitre du livre de JĂŒrgen Moltmann : « The source of life. The Holy Spirit and the theology of life » (1). A la suite d’un premier ouvrage de Moltmann : « The Spirit of life » (1992) traduit en français et publiĂ© en 1999 sous le titre : « L’Esprit qui donne la vie », ce livre, inĂ©dit en français, se propose d’apporter une thĂ©ologie du Saint Esprit Ă  l’intention d’un vaste public. Dans ce chapitre, JĂŒrgen Moltmann nous introduit dans la personnalitĂ© du Saint Esprit Ă  travers une caractĂ©ristique majeure : la « fellowship », ce terme Ă©voquant par ailleurs le potentiel chaleureux de la vie associative, et pouvant dans ce cas, se traduire en français par toute une gamme de termes : amitiĂ©, fraternitĂ©, communion
 « Dans la communion d’un Dieu trinitaire, PĂšre, Fils et Saint Esprit, le Saint Esprit vient Ă  notre rencontre et il communique avec nous, comme nous avec lui. De fait, il nous permet d’entrer en communion avec Dieu (« fellowship with God »). Avec lui, la vie divine nous est communiquĂ©e et Dieu participe Ă  notre vie humaine. Ce qui advient ainsi dans la manifestation de l’Esprit, n’est rien moins qu’une communion avec Dieu (« fellowship with God ») (p 190). Cette lecture nous est prĂ©cieuse parce qu’elle nous permet d’apprendre Ă  vivre aves le Dieu vivant (« The living God ») en nous, pour nous, avec nous (2).

 

La communion : une caractĂ©ristique de l’Esprit

 « Que la grĂące de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ et l’amour de Dieu et la communion (« fellowship ») de l’Esprit soient avec vous tous ». Ainsi s’énonce une ancienne bĂ©nĂ©diction chrĂ©tienne (II Corinthiens 13.13). JĂŒrgen Moltmann s’interroge. « Pourquoi le don particulier de l’Esprit est-il perçu comme la communion (fellowship), alors que la grĂące est attribuĂ©e Ă  Christ et l’amour Ă  Dieu le PĂšre ? ». Cette caractĂ©ristique a des consĂ©quences considĂ©rables.  « Dans cette communion, l’Esprit est davantage qu’une force vitale neutre. L’Esprit est Dieu lui-mĂȘme en personne. Il entre en communion avec les croyants et les attire en communion avec lui. Il est capable de communion et dĂ©sire la communion » (p 89).

 

Les vertus de la communion fraternelle

 Le terme « fellowship » est difficile Ă  traduire ici, car, dans la vie courante, il s’applique aussi Ă  l’esprit associatif et on peut l’évoquer en terme de fraternité ; nous utiliserons ici le terme : communion fraternelle. « La communion fraternelle ne s’impose pas par la force et par la possession. Elle libĂšre. Nous offrons une part de nous-mĂȘme et nous partageons la vie d’une autre personne. La communion fraternelle se vit dans une participation rĂ©ciproque et une acceptation mutuelle. La communion fraternelle surgit quand des gens qui sont diffĂ©rents, trouvent quelque chose en commun, et, que ce quelque chose en commun est partagĂ© par diffĂ©rentes personnes
 Il y a communion fraternelle dans une relation mutuelle : des fraternitĂ©s engendrĂ©es par une vie partagĂ©e. Dans la plupart des fraternitĂ©s humaines, les objectifs et les relations personnelles sont liĂ©s » (p 89). Et la communion fraternelle peut s’établir entre gens semblables, mais aussi entre gens diffĂ©rents.

 

La communion de Saint Esprit : un phénomÚne original

Si on considĂšre ainsi la communion fraternelle, la fraternitĂ© dans le genre humain, qu’en est-il dans la communion fraternelle, telle qu’elle se manifeste Ă  travers le Saint Esprit ? «  Si nous nous rappelons les diffĂ©rentes connotations et les diffĂ©rents significations de la fraternitĂ© humaines, alors la communion du Saint Esprit avec nous tous, devient un phĂ©nomĂšne tout Ă  fait Ă©tonnant. Dans l’Esprit, Dieu rentre en communion avec les hommes et les femmes : La vie divine nous est communiquĂ©e et Dieu participe Ă  notre vie humaine. Dieu agit sur nous Ă  travers sa proximitĂ© Ă©veillante et vivifiante et nous agissons sur Dieu Ă  travers nos vies, nos joies et nos souffrances. Ce qui advient en Ă©tant dans l’Esprit de vie n’est rien moins que la « fellowship », la communion fraternelle avec Dieu. Dieu est impliquĂ© en nous, nous rĂ©pond et nous lui rĂ©pondons. C’est pourquoi l’Esprit peut porter de bons fruits en nous et c’est pourquoi nous pouvons aussi peiner et Ă©teindre l’Esprit. En l’Esprit, Dieu est comme un mari, une Ă©pouse, un partenaire. Il nous accompagne et partage nos souffrances. Le Saint Esprit ne se comporte pas avec nous d’une maniĂšre dominatrice, mais avec tendresse et prĂ©venance. De fait dans un esprit de communion fraternelle » (p 90).

 

Avec le Saint Esprit, entrer dans la communion de Dieu trinitaire.

Cependant, nous devons envisager la communion fraternelle de l’Esprit avec nous dans un paysage bien plus vaste. « Le Saint Esprit n’entre pas seulement en communion avec nous et ne nous attire pas simplement en communion avec lui. L’Esprit lui-mĂȘme – elle-mĂȘme – existe en communion avec le PĂšre et le Fils, « d’éternitĂ© en Ă©ternité », et est adorĂ© et glorifiĂ© ensemble avec le PĂšre et le Fils comme le dit le credo de NicĂ©e. Ainsi, la communion de l’Esprit avec nous se cache dans la communion Ă©ternelle avec Christ et le PĂšre de JĂ©sus – Christ. La communion du Saint Esprit avec nous correspond Ă  sa communion divine Ă©ternelle. Elle ne correspond pas seulement Ă  cette communion, elle est elle-mĂȘme cette communion. Ainsi dans la communion de l’Esprit, nous sommes liĂ©s au Dieu trinitaire, pas seulement extĂ©rieurement, mais intĂ©rieurement. A travers l’Esprit, nous sommes attirĂ©s dans la symbiose Ă©ternelle ou la communion vivante du PĂšre, du Fils et de l’Esprit, et nos vies humaines limitĂ©es participent au mouvement circulaire Ă©ternel de la vie divine. Ainsi, dans la communion du Saint Esprit avec nous tous, nous faisons l’expĂ©rience de la proximitĂ© de la vie divine et aussi l’expĂ©rience de notre vie mortelle comme une vie qui est Ă©ternelle. Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous
 Dans la communion du Saint Esprit, la TrinitĂ© divine est si grande ouverte que la crĂ©ation entiĂšre peut y demeurer. C’est une communion qui invite : « Qu’ils puissent tous ĂȘtre en nous », telle est la priĂšre de JĂ©sus dans l’Evangile de Jean ( Jean 17.21) » (p 90-91).

 

Une unité respectueuse de la diversité

Cette description de la place et du rĂŽle du Saint Esprit dans la communion trinitaire peut-elle nous apprendre quelque chose sur le genre d’unitĂ© que les croyants vont dĂ©velopper dans la communion de l’Esprit ? Est-ce que l’Esprit se manifeste essentiellement dans l’animation de la communautĂ© ou bien particuliĂšrement dans la vie individuelle des croyants ? JĂŒrgen Moltmann rĂ©cuse cette alternative tranchĂ©e. « La communion du Saint Esprit ne renforce ni l’individualisme protestant dans la foi, ni le collectivisme ecclĂ©sial catholique. L’expĂ©rience de la riche variĂ©tĂ© des dons de l’Esprit est aussi primordiale que l’expĂ©rience de la communion dans l’Esprit. « Il y a une variĂ©tĂ© de dons, mais c’est le mĂȘme Esprit » (I Cor 12.4)
 L’expĂ©rience de la libertĂ© qui donne Ă  chacun ce qui lui est propre (I Cor 12.11) est insĂ©parable de l’expĂ©rience de l’amour qui unit les gens ensemble dans l’Esprit. La vraie unitĂ© des croyants dans la communion de l’Esprit est une image et un reflet de la TrinitĂ© de Dieu et de la communion de Dieu dans des relations personnelles diffĂ©rentes. Ni une conscience collective qui rĂ©prime l’individualitĂ© des personnes, ni une conscience individuelle qui nĂ©glige ce qui est commun, ne peuvent exprimer cela. Dans l’Esprit, personnalitĂ© et socialitĂ© viennent ensemble et sont complĂ©mentaires » (p 92).

 

Le chapitre : « In the fellowship of th Spirit » se poursuit en deux autres sĂ©quences : « L’Église dans la communion de l’Esprit », et « La communion fraternelle entre les gĂ©nĂ©rations et les sexes ».

 La pensĂ©e thĂ©ologique de Moltmann est entrĂ©e dans une nouvelle Ă©tape crĂ©ative au dĂ©but des annĂ©es 1990 Ă  travers sa thĂ©ologie de la crĂ©ation, sa nouvelle thĂ©ologie trinitaire et sa thĂ©ologie de l’Esprit (2). Ce livre : « La source de vie » s’inscrit dans ce mouvement. Nous avons Ă©tĂ© inspirĂ© par ce passage qui Ă©voque pour nous la prĂ©sence divine en terme de communion, dans un rapport Ă  l’expĂ©rience de la communion fraternelle.

Rapporté par J H

  1. JĂŒrgen Moltmann. The source of life. The Holy Spirit and the theology of life. Fortress Press, 1997
  2. Pour une vision holistique de l’Esprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/

 

D’oĂč me viendra le secours ? Une expĂ©rience de libĂ©ration

Ma vision de Dieu a changé.

Un tĂ©moignage d’Odile Hassenforder

 Depuis que Dieu est intervenu dans ma vie, tout a changĂ© pour moi. Comme la samaritaine, j’ai dĂ©clarĂ© autour de moi que JĂ©sus Ă©tait le Messie ; comme l’aveugle de SiloĂ©, je me suis prosternĂ© devant mon Dieu. Dire qui est Dieu pour moi aujourd’hui, ce qu’il Ă©tait pour moi il y a dix, vingt ans, c’est dire quelle Ă©tait ma relation Ă  Lui. Je ne puis dĂ©crire Dieu. « Personne ne l’a jamais vu », dit l’apĂŽtre Jean en commençant son Ă©vangile. « Qui me voit, voit le PĂšre, dit JĂ©sus Ă  Philippe. Tous les contemporains de JĂ©sus qui l’ont approchĂ© n’ont pas reconnu en lui le Fils de Dieu ; seuls ceux qui ont eu une vĂ©ritable rencontre avec lui, ont reçu la lumiĂšre, ont saisi la vĂ©ritĂ©. J’imagine trĂšs bien l’émotion qu’ont du ressentir la samaritaine, l’aveugle et tant d’autres. Aujourd’hui un jeune dirait : « ça fait tilt », un amoureux dirait : « j’ai eu le coup de foudre ». Ces expressions sont bien pĂąles pour exprimer le choc d’une telle dĂ©couverte.

 

Un chemin.

Que m’est-il arrivĂ© ce mois d’octobre 1973 ?
L’impossibilitĂ© de vivre m’entraĂźnait Ă  la mort, au suicide.

Pourtant, je me rappelle qu’à l’époque oĂč je suis rentrĂ©e dans la vie professionnelle, je croyais ne jamais connaĂźtre le dĂ©sespoir, malgrĂ© toutes les difficultĂ©s de vivre que j’avais, parce que Dieu Ă©tait avec moi. Je ressentais une assurance intĂ©rieure.

J’avais eu la chance de rencontrer, Ă  cette Ă©poque, un aumĂŽnier d’action catholique qui me suivit durant quatre ans dans une forme de psycho-thĂ©rapie spirituelle, si je puis m’exprimer ainsi. En plus de la messe quotidienne, je profitais d’un entretien spirituel toutes les trois semaines avec cet aumĂŽnier. En fait, je pouvais exprimer mes aspirations et mes incapacitĂ©s. Je ne me rappelle pas du contenu prĂ©cis d’un de ces dialogues. Plein de bon sens et de finesse psychologique, mon interlocuteur me montrait que JĂ©sus m’entraĂźnait dans une dynamique positive. Par la confession qui suivait, je remettais au Seigneur tout le nĂ©gatif de ma vie et attendais de lui la force de poursuivre mon chemin. Cela Ă©tĂ© pour moi l’occasion d’une Ă©volution psychologique trĂšs apprĂ©ciable. Je me rend compte aujourd’hui que la situation Ă©tait ambiguĂ« : surmonter mes difficultĂ©s psychologiques et rĂ©aliser une image idĂ©ale de moi, plutĂŽt que de saisir l’invitation de l’Esprit Ă  entrer dans l’univers de Dieu. J’ai reçu ce dont j’avais besoin Ă  l’époque. J’en remercie le Seigneur aujourd’hui en revoyant tout ce qu’Il a mis sur ma route, d’étape en Ă©tape, respectant le cheminement de mon ĂȘtre, proposant la nourriture adaptĂ©e Ă  ce que je vivais.

Mon mariage a Ă©videmment Ă©tĂ© un tournant dans ma vie. Mon mari m’a apportĂ© la vie culturelle et intellectuelle Ă  laquelle j’aspirais tant, mais aussi une vie de foi complĂ©mentaire Ă  la mienne. Nous avons essayĂ© de prier ensemble le soir. Notre priĂšre s’est vite tarie. Ensemble nous avons fait partie de groupes de foyers, de Vie Nouvelle dans les annĂ©es soixante. Nous allions rĂ©guliĂšrement le dimanche dans une paroisse voisine de trois kilomĂštres de notre domicile. Nous faisions allĂšgrement le trajet Ă  pied, car nous recevions lĂ  l’annonce d’une vie Ă©largie en JĂ©sus-Christ, un sens Ă  notre vie en Dieu.

A la naissance de notre fils, nĂ© prĂ©maturĂ© Ă  six mois et menacĂ© de ne pas survivre, nous avons beaucoup priĂ©, remettant Ă  Dieu notre sort autant que celui de cet enfant. Je savais intellectuellement que les miracles existaient, mais ma foi Ă©tait bien faible pour croire que Dieu pouvait intervenir pour moi. Tout en disant « que ta volontĂ© soit faite », je pensais au dĂ©roulement de l’enterrement imminent et je ne prĂȘtais pas attention aux paroles d’espĂ©rance de mon entourage. Par la suite, j’ai attribuĂ© la survie de notre enfant uniquement aux mĂ©decins et Ă  la science. Ce n’est que maintenant que mon cƓur est rempli de reconnaissance envers celui qui a toujours Ă©tĂ© auprĂšs de moi et que je ne voyais pas. Oui, je constate maintenant, en revoyant ma vie passĂ©e, que le Seigneur m’a prĂ©servĂ©e de catastrophes irrĂ©versibles. Pourtant Ă  cette Ă©poque, il devenait pour moi de plus en plus absent. L’alimentation de la foi s’estompait peu Ă  peu.

Cependant les handicaps de ma personnalitĂ© rĂ©apparaissaient dans mon nouveau mode de vie de mĂšre au foyer. Je n’ai pu profiter alors des joies de la maternitĂ©. Je n’ai pas pu faire face non plus Ă  mes conditions de vie. Mon action militante ne parvenait plus Ă  compenser mes problĂšmes. J’entrepris une psychothĂ©rapie lorsque je constatais qu’à deux ans mon fils prĂ©sentait des troubles de personnalitĂ©. La seule chose qui Ă©tait en mon pouvoir je devais le faire. Avant d’entreprendre une telle dĂ©marche, j’allais voir un prĂȘtre ami, espĂ©rant que, par son intermĂ©diaire, Dieu me sortirait de lĂ . En fait, il me dit que Dieu pouvait agir Ă  travers les sciences humaines. Il insista d’autant plus qu’il avait constatĂ© la tristesse la tristesse profonde que dĂ©voilait mon visage lorsque je ne me croyais pas observĂ©e. Je compris sĂ»rement assez mal ce qui m’a Ă©tĂ© dit ce jour-lĂ  car je mis mon seul espoir dans la psychologie. L’annĂ©e suivante, je confiais mon fils Ă  la garde d’une voisine et je repris le travail social. La psychothĂ©rapie m’a Ă©tĂ© d’un grand secours pour mettre Ă  jour les causes de mon inhibition et aussi me dĂ©gager de bien des angoisses et des dĂ©fenses que mon inconscient avait forgĂ©es. Lors de ma premiĂšre consultation, je me prĂ©sentais comme vivant dans une sphĂšre de plexiglace au milieu de la vie, mais en dehors d’elle.

L’annonce d’une nouvelle naissance en 69 a Ă©tĂ© pour moi une catastrophe, car je n’avais pas encore suffisamment acquis mon autonomie. La catastrophe a Ă©tĂ© bien plus grande encore lors de la fausse couche qui a suivi. J’ai vĂ©cu la mort d’un enfant. Seul l’oubli a pu attĂ©nuer la douleur. Je ne me souviens pas m’ĂȘtre adressĂ©e Ă  Dieu. Il n’était plus pour moi qu’une entitĂ© qui animait ce grand univers oĂč je n’étais que poussiĂšre. Il existait bien sĂ»r, mais Ă  la façon de l’horloger et je faisais partie de la mĂ©canique. Les amis, dans ces circonstances sont souvent de bien peu de secours. Et ils ne peuvent donner que ce qu’ils ont. Du reste, ceux ou celles-ci devenaient rares car, fatiguĂ©s psychologiquement, mon mari et moi, nous allions de moins en moins aux rĂ©unions de toutes sortes et bien peu de monde se souciait de notre absence. Les soutiens religieux disparaissaient. Le curĂ© de la paroisse que nous frĂ©quentions partit en 1967 et nous n’avions pas trouvĂ© ailleurs une alimentation spirituelle malgrĂ© nos nombreuses recherches. Les groupes de foyers s’étaient dissous.

Peu importe les raisons et les circonstances qui ont provoquĂ© une dissociation de ma personnalitĂ©. Je suis persuadĂ©e aujourd’hui que, si j’étais restĂ©e en relation avec Dieu, je n’aurais pas vĂ©cu ce drame. Il Ă©tait tout de mĂȘme lĂ  prĂ©sent, mais je ne le savais pas. J’ai utilisĂ© tout ce qui Ă©tait en mon pouvoir pour surmonter ces moments de dĂ©pression, trou noir oĂč tout disparaissait. Je ne manquais pas de volontĂ© et l’énergie dĂ©ployĂ©e pour surnager Ă©tait deux fois plus grande que celle que je dĂ©pense aujourd’hui. L’ergothĂ©rapie, pensais-je, pourrait peut-ĂȘtre me sortir de cet Ă©tat second oĂč l’imaginaire et la rĂ©alitĂ© s’entremĂȘlaient. Alors, je me mis Ă  tapisser la chambre de mon fils, avec beaucoup de mal du reste, car je me trompais constamment dans mes mesures. La relaxation permettait Ă  mon corps de ne pas craquer trop vite, comme la chimiothĂ©rapie soutenait le psychisme. Il me semblait que la folie se profilait derriĂšre mon angoisse ; et le phĂ©nomĂšne ne faisait que s’amplifier. Je rencontrais cependant la comprĂ©hension attentive et patiente de mĂ©decins tandis que plusieurs amies m’exprimaient leur affection. Mais que pouvaient les uns et les autres ? Je leur suis cependant reconnaissants de leur attitude qui a attĂ©nuĂ© ma souffrance et m’a permis de tenir plus longtemps. Du moins jusqu’au jour oĂč j’avalais trop de somnifĂšres. L’escalade continuait. Des forces internes s’entraĂźnaient Ă  me dĂ©truire .

C’est dans cet Ă©tat, huit jours aprĂšs mon sommeil prolongĂ©, que je participais Ă  un week-end avec des amis sur le thĂšme : « vivre sa foi ». Quelle gageure ! Ce dimanche, pendant la priĂšre, je tirais le signal d’alarme, et, dans mon dĂ©sespoir, je criais : « JĂ©sus, si tu es la Vie, donne-moi le goĂ»t de vivre ». Un ami bien intentionnĂ© prĂ©senta une parabole Ă  sa maniĂšre : deux grenouilles se dĂ©battaient dans une jatte de lait : l’une, dans son dĂ©sespoir, se laisse couler. Mais l’autre continue Ă  s’agiter et une motte de beurre se forme grĂące Ă  laquelle elle pu surnager. Cela ne fit qu’augmenter mon dĂ©sarroi : pourquoi les prĂȘtres ne parlaient-ils que psychologie ? Aucune force humaine ne pouvait me sortir de lĂ . En fait, mon mĂ©decin avait mieux compris ma situation lorsqu’il me parla de crise existentielle. Sur son conseil, j’ai lu un livre sur le bouddhisme. LĂ  encore, il me semblait que je devais tirer de moi-mĂȘme la force de passer au stade de l’esprit. Je ne pouvais pas. J’étais anĂ©antie. Il fallait que la vie vienne Ă  moi car je ne pouvais la susciter malgrĂ© tout le dĂ©sir que j’en avais . J’avais parfaitement conscience de ma responsabilitĂ© envers mon fils de huit ans, trĂšs angoissĂ© de ce qu’il vivait malgrĂ© mes efforts pour cacher mes problĂšmes et compenser au maximum.

 

DĂ©livrance.

 JĂ©sus a rĂ©pondu Ă  mon appel : je le sais maintenant car le hasard est devenu pour moi providence : « Pas un cheveu de votre tĂȘte ne tombe sans que je le veuille » . Ce n’est pas un hasard d’avoir trouvĂ© un jour de vacances le pasteur d’une assemblĂ©e de Dieu, rencontrĂ© prĂ©cĂ©demment lors d’une rĂ©union.

De cet entretien, je me rappelle :

° Jésus guérit, il peut vous guérir.

° Comment ?

° Quand je sĂšme du blĂ©, en fils de paysan, j’attends qu’il pousse. Je ne me demande pas comment il va pousser. C’est un fait d’expĂ©rience. De mĂȘme, quand je prie JĂ©sus, je sais qu’il rĂ©pond. Je me place lĂ  sur un plan spirituel et non intellectuel.

En y rĂ©flĂ©chissant maintenant, je rĂ©alise que je ne croyais plus alors Ă  l’efficacitĂ© de la priĂšre. Cet entretien fut le point de dĂ©part d’un renouveau pour moi.

Le retour de vacances fut difficile. Je me trouvais contrainte Ă  m’absenter de plus en plus frĂ©quemment de mon travail. Je m’y accrochais cependant pour ne pas sombrer. J’échappais de justesse Ă  un accident de voiture que j’ai failli provoquer par ma faute. Alors, je rĂ©alisais que j’allais Ă  la catastrophe. Face Ă  moi-mĂȘme, je me rendais compte avec une grande luciditĂ© que j’avais un choix Ă  faire. Deux possibilitĂ©s se prĂ©sentaient Ă  moi. Je continuerai Ă  lutter par mes propres forces tout en sachant que cela irait de mal en pis. Je pouvais aussi choisir le chemin de la vie. Je me dĂ©truis, pensais-je, parce que je ne peux vivre. J’ai envie de vivre . Alors je choisis la vie. C’est ainsi que je me dĂ©terminais pour JĂ©sus, sans condition, prĂȘte Ă  tout donner, mon indĂ©pendance entre autres, prĂȘte aussi Ă  tout recevoir.

« Je n’en peux plus », c’est tout ce dont j’étais capable de dire. Je rĂ©alisais alors que la Parole de Dieu est efficace. Certaines citations de la Bible rĂ©sonnaient en moi : « Dans la vallĂ©e de l’ombre de la mort » pour sĂ»r, j’y Ă©tais. La suite du passage Ă©tait moins Ă©vidente pour moi, bien que je l’ai mille fois entendue : « Tu es mon berger ». Ce jour-lĂ , ce fut vrai. Je le sus dans tout mon ĂȘtre lorsque, Ă  la suite de la priĂšre, je ressentis une Ă©nergie vitale qui me donna force et consistance, puis un grand calme intĂ©rieur, puis la joie. C’était la premiĂšre fois qu’on priait pour moi, avec conviction et non avec des formules, en rĂ©sonance avec mes aspirations les plus profondes jamais exprimĂ©es. Ce qui Ă©tait demandĂ© se rĂ©alisait. C’était extraordinaire et merveilleux.

L’effet dura quarante-huit heures, puis les symptĂŽmes rĂ©apparurent. Je n’hĂ©sitais pas Ă  retourner me dĂ©saltĂ©rer Ă  la source. J’étais dĂ©terminĂ©e Ă  continuer quoiqu’il arrive. En fait, j’ai osĂ© rĂ©itĂ©rer ma dĂ©marche parce que la perche m’avait Ă©tĂ© tendue par le pasteur : « Dans votre Ă©tat, il faudra prier plusieurs fois ». C’était l’expĂ©rience qui le disait. Tous les jours, les deux jours, j’ai ainsi demandĂ© que l’on pria pour moi, cinq fois en une semaine. A chaque fois, la mĂȘme Ă©nergie me donnait vie. Et ce dernier jeudi d’octobre, j’ai eu envie de m’associer Ă  la priĂšre d’un groupe charismatique catholique que je connaissais par ailleurs. Devant une assemblĂ©e nombreuse de cent ou cent cinquante personnes, j’exprimais tout haut l’assurance intĂ©rieure qui m’apparaissait : « Seigneur, je ne suis pas encore guĂ©rie mais je sais que tu vas me guĂ©rir et je t’en remercie ». Une priĂšre murmurĂ©e en langues au centre de l’assemblĂ©e fut pour moi un soutien communautaire : ils savaient ce que je voulais dire et ils s’associaient  Ă  ma priĂšre et la soutenaient. Ce soir-lĂ , Ă  peine couchĂ©e, je sentis ma personnalitĂ© se remettre en place, en une fraction de seconde. Comme un puzzle, chaque partie de mon ĂȘtre prenait sa place : l’unitĂ© s’est faite en moi. J’entrais dans la rĂ©alitĂ©, j’étais bien. Et dĂšs le lendemain, je dis Ă  qui voulait l’entendre que j’étais guĂ©rie. « ça se voit », me rĂ©pondit-on souvent. Et le dimanche, au lieu d’aller demander Ă  l’assemblĂ©e la priĂšre des frĂšres, j’y ai rendu grĂące Ă  Dieu.

J’étais transformĂ©e. Ma situation n’avait en rien changĂ©e, elle ne m’écrasait plus. J’étais Ă  l’aise dans ma peau comme jamais je ne l’avais Ă©tĂ©. Qu’il pleuve, qu’il vente, tout me rĂ©jouissait. La fatigue, physique que je continuais Ă  ressentir, n’entachait nullement ma joie profonde. Je me disais en convalescence, voilĂ , c’est tout. Rien ne pouvait assombrir cette joie, mĂȘme la grande souffrance provoquĂ©e par une de mes amies, qui, au lieu de se rĂ©jouir avec moi, me rejeta en m’accusant de mysticisme, ce dont elle avait peur pour elle-mĂȘme, du moins l’ai-je compris ainsi et je ne lui en voulus pas.

 

Une vie en abondance.

J’avais demandĂ© la vie. Je l’ai reçu en abondance, bien au delĂ  de ce que je pouvais imaginer : la vie Ă©ternelle. « La vie Ă©ternelle, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyĂ©, JĂ©sus-Christ » (Jean 17,3). Je suis nĂ©e Ă  la vie de l’Esprit, je suis entrĂ©e dans l’univers spirituel ; le royaume de Dieu, dit JĂ©sus. Ce fut une rĂ©vĂ©lation pour moi. Il m’est arrivĂ© ce que JĂ©sus disait Ă  NicodĂšme : « L’Esprit souffle oĂč il veut. Tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais d’oĂč il vient, ni oĂč il va. VoilĂ  ce qui se passe pour tout homme qui naĂźt de l’Esprit ». La TrinitĂ© devenait une rĂ©alitĂ© aussi naturelle qu’avoir des parents. JĂ©sus, par sa mort et sa rĂ©surrection, m’a tirĂ© de la mort oĂč m’entraĂźnait le mal, pour me donner la vie Ă©ternelle en me rĂ©conciliant avec le PĂšre. L’Esprit Saint qui les habite tout entier, ne faisant qu’un avec eux, m’anime de cette vie divine. « Celui qui doit vous aider, le Saint-Esprit, que le PĂšre enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit », a dit JĂ©sus Ă  ses disciples (Jean 17). Dieu se manifestait Ă  moi aussi par l’amour qui m’envahissait. Je me suis sentie aimĂ©e au point oĂč cet amour dĂ©bordait de moi sur tous ceux que je rencontrais : j’aurais embrassĂ© tout le monde si les convenances ne m’avaient retenue.

SimultanĂ©ment, j’avais soif de connaĂźtre davantage. Je lisais ma Bible, surtout le Nouveau Testament. Et, assez curieusement, je comprenais beaucoup de choses qui m’étaient jusque lĂ  restĂ©es hermĂ©tiques.

Comme tout nouveau-nĂ© qui s’ouvre Ă  la vie, je devais poursuivre mes dĂ©couvertes. Avec deux autres mĂ©nages, nous avons formĂ© un groupe de priĂšre interconfessionnel qui, du reste, grandit trĂšs vite. Nous sommes allĂ© voir ailleurs ce qui se passait, nous avons suivi des sessions et pris de nouveaux contacts. Par la suite, des difficultĂ©s et des dĂ©viations ont surgi dans ce groupe et nous avons du prendre du recul.

 

Vivre dans l’Esprit.

Aujourd’hui, la conviction de me savoir sauvĂ©e, c’est-Ă -dire vivre dans le rĂšgne de JĂ©sus-Christ ressuscitĂ©, entraĂźne chez moi une attitude positive. Chaque matin, j’ouvre mon ĂȘtre Ă  l’Esprit qui renouvelle toute chose. Je ne peux prĂ©voir ce que je vais dĂ©couvrir, je deviens disponible et disposĂ©e Ă  voir sa prĂ©sence lors d’une rencontre, au sein d’évĂšnements. Je ressens le besoin d’exprimer cela Ă  voix intelligible en une courte priĂšre de quelques minutes dans une attitude active.

La lecture des Ecritures est une nourriture. De temps en temps, tel passage rĂ©sonne en moi ; d’autres fois, me revient Ă  la mĂ©moire un verset Ă  propos d’évĂšnements que je vis, une question que je me pose, et j’y vois lĂ  une rĂ©ponse. Je sais aussi que si je prends les promesses de JĂ©sus pour moi, elles se rĂ©alisent pour moi. Cela a Ă©tĂ© le cas, par exemple, en ce qui concerne la confiance en Dieu. « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront donnĂ©es par dessus » (Luc 12). Effectivement, je me suis rendu compte que mon ĂȘtre se transformait en considĂ©rant mes rĂȘves ; ainsi dans un rĂȘve reprĂ©sentant une scĂšne de dĂ©vastation, je restais calme et sereine.

JĂ©sus nous dit d’aimer notre prochain. Il nous aide Ă  y parvenir. Il n’y a pas si longtemps, mon interlocuteur commençait  Ă  m’énerver. IntĂ©rieurement, je dis : « Donne-moi de l’aimer, Seigneur » et je me rappelle que le plus petit est le plus grand dans le royaume des cieux, que JĂ©sus a lavĂ© les pieds de ses disciples. Et je rĂ©alisais ainsi que je devais ĂȘtre au service de celui  qui Ă©tait lĂ  Ă  cĂŽtĂ© de moi. Mon ressentiment disparut. Je m’intĂ©ressai Ă  ce qui le prĂ©occupait.

Je souhaite voir davantage comment Dieu se manifeste sous des formes bien diverses : Ă  travers les autres, dans la nature, dans l’histoire. AprĂšs ces trois annĂ©es de dĂ©couverte, je m’aperçois que je marche Ă  peine. Je suis heureuse de voir la vie Ă©ternelle devant moi comme en moi : c’est une louange constante que j’adresse au Seigneur, qui est en mĂȘme temps adoration et contemplation.  Je lui rends grĂące pour tout ce qu’il a fait pour moi.

Odile Hassenforder

Texte polycopié retrouvé dans ses archives

« Ma vision de Dieu a changé », p 27-36 dans : Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent, 2011

Voir aussi : Odile Hassenforder : « Sa présence dans ma vie » : un témoignage vivant : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

 

 

 

 

ReconnaĂźtre le miracle dans nos vies

Rodolphe Gozegba, pasteur dans une paroisse alsacienne, avait Ă©tĂ© invitĂ© Ă  participer Ă  une rĂ©union organisĂ©e par une paroissienne qui avait invitĂ© des amis chez elle. Il y avait donc onze personnes dans ce petit groupe. Elles n’appartenaient pas toutes Ă  la paroisse. Elles avaient Ă©tĂ© invitĂ©es pour qu’elles puissent faire connaissance avec le nouveau pasteur de la paroisse. C’était donc une rencontre conviviale et amicale.

Au dĂ©but de la rĂ©union, chacun s’est prĂ©sentĂ©. AprĂšs cette prĂ©sentation, chacun s’est retrouvĂ© autour d’une table avec gĂąteaux et cafĂ©. Pendant qu’on mangeait ensemble, les gens parlaient seulement Ă  leurs voisins. Pour permettre une conversation en commun, Rodolphe a eu une idĂ©e : poser une question qui permettrait Ă  chacun de s’exprimer en mobilisant l’attention de tous sur un thĂšme commun. Et, il a donc suggĂ©rĂ© la question suivante : « Je sais que Dieu a fait des miracles dans nos vies et que nous sommes sans doute marquĂ©s par un de ces miracles. Est-ce que nous pourrions tĂ©moigner de ce miracle en peu de mots ? ». Tout le monde a trouvĂ© que c’était une excellente idĂ©e. Et donc, chacun s’est exprimĂ© Ă  tour de rĂŽle.

La voisine de Rodolphe, une femme d’origine syrienne, accompagnĂ©e par sa sƓur, a tĂ©moignĂ© pour elles deux. Elles ont connu une guerre terrible en Syrie et aussi des persĂ©cutions envers les chrĂ©tiens. Pour elles, le miracle a Ă©tĂ© la persĂ©vĂ©rance des chrĂ©tiens malgrĂ© la persĂ©cution. Aucun n’a abandonnĂ© la foi. Dieu merci, elles sont aujourd’hui vivantes en France.

La deuxiĂšme personne qui s’est exprimĂ©e nous a dit : « Mon miracle, c’est que je viens d’ĂȘtre guĂ©rie de mon cancer ».

Une veuve nous a ensuite parlĂ© de la vie qu’elle a eue avec son mari. Au dĂ©part, elle avait hĂ©sitĂ© Ă  l’épouser. Et puis, elle a trouvĂ© ensuite en lui un homme admirable. C’est « l’homme de sa vie ».

Une autre personne, un homme, a tĂ©moignĂ© qu’aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa premiĂšre femme, il a rencontrĂ©, il y a vingt-cinq ans, une femme d’origine amĂ©ricaine, avec laquelle il s’est mariĂ© et se trouve heureux aujourd’hui. Cette femme Ă©tait lĂ  avec lui et elle a aussi tĂ©moignĂ©. Ayant quittĂ© les Etats-Unis, elle Ă©tait allĂ© en Allemagne et ensuite, elle est arrivĂ©e en Alsace oĂč elle a rencontrĂ© son mari avec lequel elle est trĂšs heureuse aujourd’hui. Ainsi nous a-t-elle dit : « J’ai fait tout un pĂ©riple pour finalement trouver l’homme de ma vie ». Cet amour est pour elle le grand miracle de Dieu.

Nous avons entendu ensuite le tĂ©moignage du mari de la femme qui a Ă©tĂ© guĂ©ri du cancer. Cet homme a beaucoup parlĂ©. Un jour, nous a-t-il dit, il a entendu un pasteur dĂ©clarer dans sa prĂ©dication qu’il ne croyait pas Ă  la rĂ©surrection de JĂ©sus. Il a Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ© et particuliĂšrement scandalisĂ©. Il a quittĂ© l’église. « La foi chrĂ©tienne, vidĂ©e de la rĂ©surrection, n’est plus la foi chrĂ©tienne ». Dieu est au coeur de sa vie et sa raison d’ĂȘtre. « Sans Lui, je ne suis rien ».

La paroissienne qui nous a accueilli, a racontĂ© que, lorsqu’elle Ă©tait plus jeune, elle voyageait beaucoup. Et, comme elle n’avait pas beaucoup d’argent, elle prenait des avions avec plusieurs escales. Un jour, en allant au Japon, son mari et elle, ont fait une escale en Irak. Elle Ă©tait enceinte d’un garçon et a fait une fausse couche. Par la suite, en Alsace, elle a enseignĂ© le français Ă  un jeune immigrĂ© irakien. Une relation forte s’est crĂ©Ă©e et celui-ci s’est mis Ă  la considĂ©rer comme sa mĂšre. Ce couple a une grande fille, mais il n’avait pas de garçon. Ils ont adoptĂ© le jeune irakien. Elle, qui avait perdu un garçon, en a retrouvĂ© un. Ils ont dĂ©sormais une grande fille et ce fils adoptĂ©. C’est le miracle de leur vie.

Ce tour de table s’est terminĂ© par le tĂ©moignage de Rodolphe. Pour lui, le miracle, c’est que Dieu a fait de lui son serviteur, pasteur dans l’Eglise.

 

Comment Rodolphe a-t-il ressenti ce partage ?

Les participants étaient des chrétiens avec des sensibilités différentes. Par exemple, les deux syriennes étaient orthodoxes. Le couple franco-américain était mennonite
 Nous étions en communion.

C’est la premiĂšre fois que Rodolphe posait cette question : quel est le miracle qui a marquĂ© votre vie ? Or, nous dit-il, « On envisage gĂ©nĂ©ralement le miracle comme une intervention extraordinaire de Dieu. Moi-mĂȘme, je m’attendais Ă  des tĂ©moignages de ce genre . Mais, dans ce groupe lĂ , j’ai dĂ©couvert que chaque personne a sa conception du miracle. Le miracle n’est pas forcĂ©ment une manifestation soudaine et extraordinaire de Dieu. Le miracle, ce peut ĂȘtre aussi une merveilleuse rencontre. Ce peut-ĂȘtre une bonne amitiĂ© qui dĂ©bouche sur une belle relation. Ce peut ĂȘtre la conscience affirmĂ©e d’une relation avec Dieu. Ici, dans ce groupe, le miracle Ă©tait reconnu dans une manifestation de Dieu au quotidien. Nous avons appris Ă  la reconnaĂźtre. C’est un sujet de joie et de reconnaissance ».

Récit et témoignage de Rodolphe Gozegba rapporté par Jean Hassenforder

 

Voir aussi sur ce blog :  « Le miracle de l’existence. Un Ă©clairage de Bertrand Vergely » : https://vivreetesperer.com/?p=2890

 

 

Ecouter les paroles des plus fragiles, c’est aussi entrer dans un changement personnel

ACAT

 

 Guy Aurenche, ancien prĂ©sident de l’ACAT (Action des chrĂ©tiens pour l’abolition de la torture) et du CCFD-Terre solidaire (ComitĂ© catholique contre la faim et pour le DĂ©veloppement), a Ă©tĂ© invitĂ© dans une communautĂ© chrĂ©tienne qui affronte des problĂšmes de fragilitĂ© et de marginalitĂ©. A partir de son expĂ©rience personnelle, associative et ecclĂ©siale, il a rĂ©pondu à  la question qui lui Ă©tait posĂ©e : «  Comment la parole des plus fragiles m’a changĂ© et me change encore aujourd’hui ? ».

En réponse, Guy Aurenche propose cinq pistes.

« TrĂšs tĂŽt, Ă  travers l’ACAT, j’ai rencontrĂ© les rĂ©alitĂ©s Ă©pouvantables de la torture. J’ai Ă©tĂ© bouleversĂ© par tant de capacitĂ©s destructrices. Cependant, le message que j’ai reçu a Ă©tĂ© celui de notre capacitĂ© Ă  rejoindre les victimes dans leur drame et Ă  briser la solitude imposĂ©e pour les dĂ©truire. Par les actions, les protestations et la priĂšre, j’ai dĂ©couvert que je pouvais devenir un modeste sauveteur, un briseur de solitude. Alors les victimes se dĂ©claraient sauvĂ©es car elles n’étaient plus seules pour affronter leurs souffrances. La parole des plus fragiles a fait de moi un briseur de solitude, une source de vie.

La parole des plus fragiles nous met sur le chemin de la fraternitĂ©. A travers les partenariats nouĂ©s par le CCFD-Terre solidaire avec des associations combattant les injustices, j’ai rencontrĂ© non pas des pauvres et des malheureux, mais des frĂšres et des sƓurs avec lesquels je pouvais agir. Cette fraternitĂ©, parfois dĂ©concertante, m’a permis de cheminer et de dĂ©couvrir que l’autre Ă©tait frĂšre.

La parole des plus fragiles a fait de moi un « porteur de parole ». a travers le mĂ©tier d’avocat, les plus fragiles m’ont demandĂ© de dire leur parole dans le cadre de la justice. Ils Ă©taient alors reconnus dans leur dignitĂ© quelque soit les fautes qu’on leur reprochait, alors qu’ils n’étaient pas capables de se faire entendre. J’ai parfois rencontrĂ© des problĂšmes de conscience lorsque la parole qu’il m’était demandĂ© de porter, ne me semblait pas conforme Ă  la vĂ©ritĂ©. Cependant, aprĂšs rĂ©flexion, j’ai dĂ©fendu leur parole, car le juge avait besoin de l’entendre avant de se prononcer. Les plus fragiles m’ont appris le lien  entre la reconnaissance de la dignitĂ© d’une personne et l’écoute de sa parole.

La parole des plus fragiles a fait de moi un acteur de transformation sociale pour dĂ©couvrir peu Ă  peu qu’il ne suffisait pas d’entendre leur cri, mais de les rejoindre dans le combat social, Ă©conomique pour s’attaquer aux causes des injustices. Cette action de transformation sociale devait se faire non pas seulement Ă  travers mes propres idĂ©es, mais en accueillant la capacitĂ© inventive de ceux avec lesquels j’intervenais. La parole des plus fragiles m’a aidĂ© et m’aide Ă  donner tout son sens Ă  l’engagement politique.

La parole des plus fragiles m’a aidĂ© et m’aide Ă  dĂ©couvrir les profondeurs de la pauvretĂ©. Nous nous faisons une idĂ©e restreinte de la pauvretĂ© en la limitant Ă  une approche matĂ©rielle. Par ailleurs, nous risquons toujours d’avoir « nos pauvres » selon nos critĂšres philosophiques ou confessionnels. Ce sont souvent les plus fragiles qui m’ont fait dĂ©couvrir qu’à cotĂ© d’eux, il y avait encore des plus pauvres et je ne l’avais pas vu. La parole des plus fragiles m’aide aujourd’hui Ă  repĂ©rer les situations de pauvretĂ© qui m’entourent.

C’est une bonne nouvelle que de dĂ©couvrir que je suis capable de briser des solitudes, que j’appartiens Ă  une fraternitĂ© agissante, qu’en portant sa parole, je peux aider l’autre Ă  ĂȘtre reconnu, qu’en agissant ensemble, nous pouvons nous attaquer aux causes des injustices et que mes yeux comme mon cƓur doivent rester Ă  l’affut de toutes les pauvretĂ©s qui se cachent autour de moi ».

Interview de Guy Aurenche

Sur ce blog, voir aussi : «  Justice sur la terre comme au ciel » : un livre de Guy Aurenche : https://vivreetesperer.com/dans-un-monde-difficile-un-temoignage-porteur-de-joie-et-desperance/

 

Histoires d’enfance

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          France a Ă©tĂ© infirmiĂšre en pĂ©diatrie et ensuite potiĂšre. MariĂ©e, elle est mĂšre de quatre fils. Elle a une relation presque « poĂ©tique »  avec les enfants. « Les enfants », nous dit-elle, « ont des clefs de connaissance que nous n’avons pas ». Elle nous raconte ici deux histoires.

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         « Un petit garçon de sept ans m’a demandĂ© Ă  faire de la poterie. Un jour, il arrive bouleversĂ©. Sa mĂšre est impossible et mĂ©chante. Son pĂšre est parti et l’institutrice est peu bienveillante. Il a du mal Ă  lire et Ă  Ă©crire. « On dit que je suis un poĂšte
 mais je ne sais pas ce que c’est, un poĂšte » ? Je lui rĂ©pond : « Un poĂšte, c’est une personne comme toi : la tĂȘte dans les Ă©toiles et un cƓur grand comme ça ». Lui : « Ah, c’est une bonne dĂ©finition ! ». Moi : « Sais-tu ce qu’est une dĂ©finition ? ». Lui : « Oui, c’est quand ce que l’on dit, ça sÂ â€˜Ă©crit   ».

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         Dans un service de pĂ©diatrie, un enfant de dix ans, atteint d’une leucĂ©mie gravissime, va s’en aller. Il me demande de rester prĂšs de lui, cette nuit du 24 au 25 dĂ©cembre. Le chef de service refusera que je reste. Une psychologue m’a demandé : « Pourquoi voulez-vous rester ? Qu’est ce que la mort de cet enfant peut vous faire ?… » Or, cet enfant avait Ă©tĂ© complĂštement abandonnĂ© par sa famille. Je suis retournĂ© voir l’enfant pour lui expliquer que je n’avais pas le droit de rester avec lui, mais lui ai-je dit : « Je penserai Ă  toi toute la nuit ». Il m’a rĂ©pondu : « Je vais aller au Ciel Ă  quatre heures du matin ». « Et il est parti Ă  quatre heures du matin ».

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Histoires émouvantes : une invitation à écouter.

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Contribution de France.

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On pourra lire sur ce blog : « L’enfant : un  ĂȘtre spirituel » : https://vivreetesperer.com/?p=340