par jean | Déc 25, 2013 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Accueil, confiance et Ă©merveillement
Odile Hassenforder : Sa présence dans ma vie.
Lieu ordinaire : dans la banlieue sud de la région parisienne, au troisième étage d’un petit immeuble, un angle de vue sur un mélange de végétation et de constructions et un vaste espace de ciel. Mais, à partir de ce lieu ordinaire, dans une méditation quotidienne, Odile sait s’émerveiller. Elle apprend à recevoir. Elle découvre une harmonie. « Une atmosphère de confiance germe en moi. Je pense à l’enfant qui accueille la vie…Je deviens de plus en plus attentive à la semence intérieure qui germe, à l’écoute de l’intuition spirituelle, à l’éveil de tout ce qui est bien-beau-bon autour de moi ». (1)
Mon fauteuil de méditation matinale est orienté à l’est.
J’aime admirer le lever de soleil, ces nuages qui s’éclairent, se colorent, passent du gris au rosé, avancent plus ou moins vite selon le vent… La vie est mouvement. La vie est énergie. Elle n’est pas statique comme l’expriment des pessimistes aveugles à ce renouvellement perpétuel.
Pour ma part, de tels spectacles de la nature, de la simple pâquerette au coucher du soleil et au ciel étoilé, m’émerveillent. Je sens mon cœur se dilater. J’appartiens à cet univers visible, mais aussi invisible…Quelle magnificence. Emerveillement qui suscite l’adoration du Créateur : « L’homme a-t-il tant d’importance pour que tu t’occupes de lui ? » (Psaume 8/5). Et moi, je me sens toute petite, et pourtant je suis une créature merveilleuse (Psaume 139/14).
Un contentement intérieur s’établit peu à peu en moi. Comme les pièces d’un puzzle s’ajustant les uns aux autres, je découvre peu à peu un magnifique tableau. Cette vision et ce ressenti de bien-être m’envahissent. Et ma respiration devient le lieu de mon corps à mon mental s’épanouissant dans cet univers spirituel qui me dépasse. Alors s’éveille en moi une joie paisible, reliée à l’être suprême, mon Dieu, qui m’habite. Problèmes, inquiétudes, angoisses s’éloignent, se rapetissent comme les objets dans l’image d’un appareil de photo lorsque le focus agrandit le champ de vision. Une atmosphère de confiance germe en moi. Je pense à l’enfant qui accueille la Vie. Les paroles de Jésus me reviennent à l’esprit : « Le Royaume de Dieu appartient à ceux qui ressemblent à ces enfants » (Matt 19/14).
En moi, je connais cette conversion progressive de mon attention : de volontaire qui cherche le « bon modèle » chrétien à reproduire, je deviens de plus en plus attentive à la semence intérieure qui germe, à l’écoute de l’intuition spirituelle en moi et aussi à l’éveil à tout ce qui est bien-beau-bon autour de moi.
Odile Hassenforder
Écrit personnel 2007
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(1) Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent. 2011 (p 213-214)
Sur ce blog : autres textes d’Odile Hassenforder : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder
par jean | Sep 15, 2014 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
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Propos recueillis auprès de Philippe M.
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Je travaille dans le gĂ©nie climatique. J’interviens dans l’Ă©tude et la rĂ©alisation de la partie Ă©lectricitĂ© et automatisme, la rĂ©gulation du chauffage/climatisation et dans la recherche de solutions techniques pour rĂ©pondre aux exigences des nouvelles rĂ©glementations thermiques. J’habite en Alsace et je travaille essentiellement dans la construction de plateformes logistiques dans toute la France. Je circule beaucoup et je rencontre des gens très diffĂ©rents : des ouvriers du bâtiment de diffĂ©rentes nationalitĂ©s, des techniciens, des ingĂ©nieurs qui contrĂ´lent mon travail, des responsables d’entreprise.
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​Le milieu du bâtiment aujourd’hui est très tendu. Il y a de plus grandes exigences au niveau technique et délai d’exécution. Cela m’amène à pénétrer dans des univers où le stress est palpable. Dans ce contexte, j’apprends beaucoup sur le fonctionnement de l’être humain. De ce fait, j’apprends beaucoup sur moi. C’est un milieu où il y a de la souffrance physique liée à la pénibilité du travail et des souffrances psychiques liées à l’éloignement de la famille à travers de nombreux déplacements professionnels. Progressivement, dans ce contexte, j’ai appris à me rapprocher des autres. Au début, j’ai souvent été étonné de voir une personne d’apparence fermée s’ouvrir facilement dès que je lui posais des questions plus personnelles.
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​Le sujet de la religion revient souvent. Je vois que dans l’esprit de la plupart des gens, il y a beaucoup de préjugés et de fausses idées sur le christianisme . Par exemple, pour certains, le christianisme est synonyme de non liberté, de formatage, de conflits entre les différentes églises. Le personnage de Jésus est vu comme un deuxième Moïse qui apporte des lois et des commandements. Il y a aussi la peur très prononcée des phénomènes sectaires.
L’évangélisation, souvent à juste titre, est perçue comme une imposition d’idées reçues, et, en même temps, paradoxalement, le chrétien prétendrait indiquer un chemin de liberté. Je constate une grande défiance vis à vis de tous les pouvoirs en général, et notamment vis à vis du pouvoir religieux qui touche à un côté sensible de la personne parce qu’on y développe des idées (toutes faites / impersonnelles) sur l’amour, l’âme, l’esprit, l’être, Dieu. On a plus de mal à confier sa personne au milieu religieux. Les gens sont très méfiants. J’ai découvert aussi des personnes se disant athées, mais, en creusant, on découvre qu’elles sont athées en opposition à un Dieu représenté sous une certaine forme par la religion : « Dieu pour moi, ce n’est pas ça ». C’est surprenant car ils décrivent ensuite un Dieu idéal, un Dieu proche, un Dieu ouvert, un Dieu qui ne soutient pas un clan, qui ne suscite pas une exclusion. Malheureusement, à cause de la religion, ils ont abandonné l’idée de trouver ce Dieu là .
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​Je dĂ©couvre dans les gens que je rencontre, au-delĂ d’une façade d’auto-dĂ©fense, de rĂ©flexes d’autoritarisme, de colères exprimĂ©es, d’expressions grivoises, des perles prĂ©cieuses qui jaillissent, comme la gĂ©nĂ©rositĂ©, la bontĂ©, l’authenticitĂ©, le partage… Je me sens naturellement en relation avec eux en voyant en eux l’image de Dieu. Ce que je remarque aussi, c’est une grande recherche de sens dans ce que l’on fait. Une fois, une personne me disait : « J’ai une belle maison, une belle voiture, une belle famille ; J’apprĂ©cie tout cela, mais j’ai envie de passer Ă autre chose : donner un sens Ă ma vie, ĂŞtre tournĂ© vers les autres ». Un autre dĂ©sir revient souvent : faire les choses avec joie, avec plaisir. La dĂ©fiance vis-Ă -vis des autoritĂ©s engendre une rĂ©flexion personnelle sur ce que ces autoritĂ©s demandent et imposent. J’observe une plus grande autonomie et la volontĂ© d’agir si cela rĂ©sonne intĂ©rieurement. Un esprit critique se dĂ©veloppe. Ce qui fĂ©dère aujourd’hui, c’est le produit d’une attirance par opposition aux impĂ©ratifs du devoir. Je ne fais plus une bonne action par devoir. J’agis parce que cela rĂ©sonne profondĂ©ment en moi. Je me laisse attirer. Cela me rappelle les lois qui rĂ©gissent notre univers : le mouvement des Ă©lectrons autour du noyau, le mouvement des planètes suscitĂ©es par leur attirance mutuelle. C’est un mouvement synonyme de vie et l’être humain se sent vivant quand il se laisse naturellement attirer sans manipulation, sans contrainte. Peut-ĂŞtre, ce besoin d’exister en allant vers l’autre sans contrainte rappelle ce lien qu’on a dĂ©couvert dans la science quantique.
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​A l’âge de cinq ans, j’ai été touché par un amour profond et je peux dire que j’ai goûté à l’amour de Dieu. Pour moi, c’était très simple d’être chrétien. Cela s’est compliqué par la suite. En grandissant dans mon milieu d’église, j’ai été conditionné par des représentations légalistes et autoritaires de Dieu, de ce qu’est « un bon chrétien ». Des évènements dans ma vie m’ont permis de prendre du recul face à une religion enfermante.. J’ai toujours été convaincu de l’amour immense que Dieu avait pour les hommes. Quand je lis les évangiles, je vois Jésus-Christ très proche des gens non religieux. Je l’imagine passer la plupart de son temps avec les gens « païens ». Jésus attirait les foules jusqu’au point où il n’arrivait plus à entrer dans une ville. Il la contournait. Les foules sortaient des villes pour le rejoindre, attirées par sa personne. Je pense que les gens se sentaient reconnus tels qu’ils étaient. Ils se sentaient vivre dans ce mouvement. Ils ressentaient un esprit de liberté omniprésent.
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​On m’a appris Ă ĂŞtre « religieux » et maintenant j’apprends Ă sortir de ce comportement. Plus j’apprends Ă me connaĂ®tre, moins j’ai la crainte d’aller vers mon prochain et alors mon prochain s’ouvre. Cette ouverture se fait naturellement, sans effort. Les personnes que je rencontre ne savent absolument pas que je suis chrĂ©tien et me parle spontanĂ©ment de Dieu, de la religion. A cette occasion, j’aime leur communiquer mon image personnelle de JĂ©sus-Christ. Une personne merveilleuse ouvrant les yeux sur les magnifiques perles prĂ©cieuses se trouvant dans les profondeurs de l’âme de chaque femme, chaque homme, chaque enfant. VoilĂ oĂą se trouve aujourd’hui, le sermon, la prĂ©dication, la bible que je reçois. J’apprends Ă©normĂ©ment dans la relation avec l’autre, je chemine d’Ă©merveillement en Ă©merveillement. Est-ce que l’homme a besoin d’entendre que certaines de ses actions sont mauvaises, pas si sĂ»r. Un jour, alors, que je travaillais sur mon Ă©chelle dans un faux plafond, un homme s’approche de moi et me raconte son parcours chaotique: « A peine mariĂ©, pendant mon voyage de noce, j’ai trompĂ© ma femme et avons aussitĂ´t divorcĂ©, depuis je vais de femme en femme… » Je n’avais jamais discutĂ© avec lui. Je prenais juste le temps de le saluer. Est-ce que la femme prostituĂ©e dans les Ă©vangiles avait besoin d’entendre que ses actions Ă©taient mauvaises ? Ce qui permet un regard plus juste sur nous mĂŞme, que ce soit des perles prĂ©cieuses en nous ou un Ă©tat d’esclavage, c’est l’amour. Jean-Baptiste exprimait cette voix venant du dĂ©sert et s’adressant Ă l’extĂ©rieur de l’ĂŞtre:  » repentez-vous, vos actions son mauvaise ! ». Jean-Baptiste symbolise la clĂ´ture d’une très très longue pĂ©riode oĂą la crainte est omniprĂ©sente parce que l’homme a rejetĂ© l’amour. JĂ©sus a ouvert Ă toutes les femmes, Ă tous les hommes, Ă tous les enfants une nouvelle pĂ©riode:  » Le royaume des cieux ! « . JĂ©sus n’a-t-il pas dit ? : « Je vous le dis, c’est la vĂ©ritĂ©: il n’y a jamais eu un homme plus important que Jean-Baptiste. Pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus important que lui… » Matthieu 11:11
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Je pense que notre sociĂ©tĂ© n’a jamais Ă©tĂ© aussi prĂŞte Ă recevoir le royaume des cieux. Je dĂ©couvre que j’ai juste Ă libĂ©rer ce royaume en Ă©tant naturellement moi-mĂŞme, construit maintenant sur le chemin de l’amour.
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Philippe
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Sur ce blog, voir aussi :
« Un chantier peut-il être convivial ? »
https://vivreetesperer.com/?p=133
par jean | Nov 15, 2024 | ARTICLES, Vision et sens |
C’est la connexion qui assure et sauvegarde la vie. A contrario, la déconnection mène à la dévastation. Richard Rohr, dans un texte de ses « Daily meditations » publié le 10 novembre 2024 (1) voit dans la déconnection l’origine du péril encouru aujourd’hui par l’humanité
La déconnection engendre la dévastation
« Richard Rohr se dit convaincu que, par derrière les manifestations hideuses de nos maux prĂ©sents – corruption politique, dĂ©vastation Ă©cologique, guerre les uns contre les autres… – la plus grande maladie à laquelle nous sommes confrontĂ© aujourd’hui est notre sensation pĂ©nible et profonde de dĂ©connection. Nous nous sentons dĂ©connectĂ©s de Dieu, certainement, mais aussi de nous-mĂŞme (particulièrement de notre corps), des uns des autres, et de notre monde. Notre ressenti de cette quadruple isolement, plonge l’humanitĂ© dans une conduite de plus en plus destructive et une grande dĂ©tresse mentale.
Une voie de salut en regard : le flux infini de Dieu trinitaire
Pourtant, aujourd’hui, beaucoup dĂ©couvrent que le flux infini du Dieu trinitaire – et notre expĂ©rience ressentie et pratique de ce don – offre une profonde reconnexion avec Dieu, avec soi-mĂŞme, avec les autres, et avec notre monde, ce que toute spiritualitĂ© et sans doute toute politique recherchent, mais que la religion et la politique conventionnelle ne parviennent pas Ă atteindre
C’est dans un Dieu trinitaire que réside la réponse de l’unité dans la diversité
La Trinité surmonte le problème philosophique fondamental de « l’un et du multiple ». Des chercheurs sérieux admirent comment les choses peuvent à la fois être profondément connectées et cependant clairement distinctes : dans le paradigme de la Trinité, nous avons trois « Personnes », comme nous les appelons, qui sont néanmoins en parfaite communion, données, et se rendant l’une à l’autre, dans un amour infini. Considérant la diversité sans fin de la création, il est clair que Dieu n’est pas du tout engagé en faveur de l’uniformité, mais, à la place, désire l’unité – qui est la grande œuvre de l’Esprit – ou la diversité unie par l’amour. L’uniformité est une simple conformité et obéissance aux lois et coutumes, tandis que l’unité spirituelle est cette extrême diversité embrassée et protégée par un amour infiniment généreux. Voilà le problème que notre politique et notre religion superficielle sont encore incapables de résoudre.
Le flux trinitaire unit en abolissant la pensée dualiste
La Trinité est entièrement consacrée à la relation et à la connexion. Nous connaissons la Trinité en faisant l’expérience du flux lui-même. Le principe de l’un est solitaire. Le principe de deux tend à l’opposition et nous conduit vers la préférence ou l’exclusion. Le principe de trois est, d’une manière inhérente, en mouvement, dynamique et génératif. La Trinité est conçue de telle manière qu’elle sape toute pensée dualiste. Cependant, le christianisme l’a mise de côté parce que nos théologies dualistes ne pouvaient pas la traiter.
Dieu comme l’Être source de tous les êtres.
Dieu n’est pas un être parmi d’autres êtres, mais plutôt le fondement de l’Être lui-même (The Ground of Being itself) qui coule alors à travers tous les êtres. Comme Paul dira aux intellectuels à Athènes, « ce Dieu n’est pas loin de nous, mais il est l’Unique dans lequel nous vivons, nous bougeons et nous avons notre existence » (Actes 17.27-28). Le Dieu que Jésus nous révèle est présenté comme un dialogue sans entrave, un flux positif et inclusif, une roue à eau qui déverse un amour qui ne s’arrête jamais. Saint Bonaventure appelait Dieu une fontaine (fontain fullness) pleine d’amour.
Rien ne peut arrêter le flux de l’amour divin
Rien ne peut arrêter le flux de l’amour divin. Nous ne pouvons défaire cette réalité même avec notre pire péché. Dieu est toujours gagnant et l’amour de Dieu vaincra toujours à la fin. Rien que les humains puissent faire n’arrêtera la force qui se déverse sans relâche qui est la danse divine (2). Ni l’Amour, ni Dieu ne perdent. C’est ce qu’être Dieu veut dire.
Rapporté par J H (traduction non professionnelle)
- https://cac.org/daily-meditations/disconnection-leads-to-devastation/
- la Danse divine : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/
par jean | Jan 4, 2018 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
 Dans ses activités professionnelles, engagée au fil des années pour la promotion d’une bibliothèque pour enfants innovante (1), Geneviève Patte a vécu et vit constamment dans la relation et la rencontre. Nous avons recueilli auprès d’elle des propos sur la manière dont elle vit également la relation dans son environnement quotidien
J H
Tous les jours, lorsque je suis dans le métro, je pense aux gens qui m’entourent. Certains ont peut-être appris qu’ils avaient une maladie grave. D’autres, au contraire, sont tout heureux d’être ensemble. Mais, selon des sondages, il y a aussi toutes ces personnes, parmi les plus modestes, qui n’ont pas l’occasion d’échanger avec d’autres personnes. Face à l’isolement, il y a des rencontres qui se font tout naturellement si on ose sortir de soi même.
Je me rappelle cet ouvrier marocain assis près de moi dans le métro avec qui je suis amené à parler et qui me dit combien il est heureux d’être en France, mais qui ne cache pas sa souffrance de la solitude. Il préfère la semaine où il travaille sur le chantier au week-end où il se sent très seul. Et nous parlons ensemble de la beauté de son pays, le Maroc. Je lui ai dit que j’étais invité à un mariage au Maroc et il m’a dit combien les mariages au Maroc sont beaux. Effectivement, dans ces pays-là , ils savent faire la fête.
Dans le métro où je passe en général un moment à lire, je regarde aussi la lecture de ceux qui me côtoient et je leur demande s’ils me recommanderaient les livres qu’ils sont en train de lire et ainsi s’engage toute une conversation sur leur expérience de lecture. C’est ainsi que j’ai beaucoup parlé, avec une voisine qui était assise dans le métro, d’un livre de Véronique Olmi : Bakhita, une femme qui fut esclave en Afrique
Je pense aussi à cet homme qui m’a aidé à porter mes bagages à Roissy. C’était un Malien. il se trouve que j’ai travaillé avec le Mali. Il me demande pourquoi je voyage vers l’Amérique Latine et je lui répond que c’est pour une forme de travail avec les enfants autour de la lecture. Il me raconte toutes les difficultés qu’il a eues à l’école en France. Sa famille était trop nombreuse, trop d’enfants et personne pour s’occuper de lui. Il a été obligé de repasser trois fois le cours préparatoire sans succès. Il a été mis dans un centre d’apprentissage et il a décidé de s’en échapper pour aller au Québec. Et là , il découvre la poésie qui change sa vie. Il est devenu un lecteur passionné, fréquente les bibliothèques et souhaite devenir instituteur.
Dans un voyage à New York en avion, j’engage une conversation avec mon voisin qui fait une recherche sur Pascal et Port-Royal. Il me demande de l’aider à trouver une bibliothèque spécialisée sur cette question à Paris. Depuis quinze ans maintenant, nous sommes devenus d’excellents amis.
Je pense aussi à certains commerçants dans mon quartier. Là où je vais m’approvisionner en vin, je parle beaucoup à la femme qui dirige cette petite boutique appelée Nicolas. Je la trouve tellement ouverte que je lui donne le livre que je viens d’écrire : « Mais qu’est ce qui les fait lire comme ça ? ». Elle est enthousiaste et le fait connaître autour d’elle. Tout récemment, se trouve dans la même boutique un homme auquel elle me présente. Il me parle d’un film d’animation qui l’a enthousiasmé : « Persépolis ». Il se propose tout de suite de me prêter ce DVD, et, quelques jours après, la vendeuse du magasin me remet ce DVD pour que nous en parlions ensemble.
Je pense toujours aux enquêtes qui ont eu lieu sur l’isolement social. Pour moi, j’ai toujours extrêmement de plaisir à entrer en relation avec les gens qui se trouvent sur mon chemin, car je vois la richesse de leur personnalité. J’aime cette relation avec l’autre qui toujours m’enrichit.
Propos de Geneviève Patte
(1)           Présentation du dernier livre de Geneviève : « Mais qu’est ce qui les fait lire comme ça ? » : « De rencontre en rencontre. L’histoire de la femme qui a fait lire des millions d’enfants » : https://vivreetesperer.com/?p=2234
par | Juin 16, 2012 | ARTICLES, Emergence Ă©cologique, Hstoires et projets de vie |
Une expérience de terrain
J’ai poursuivi mes Ă©tudes universitaires jusqu’au doctorat en Ă©cologie. J’ai menĂ© mon travail de thèse dans un laboratoire du CNRS, dans le cadre d’un programme europĂ©en de recherche sur la biodiversitĂ© des plaines inondables, avec des Ă©quipes de recherche d’Umea en Suède, de Cambridge au Royaume-Uni et de Grenoble.
Cette thèse a Ă©tĂ© un rĂ©el voyage initiatique. J’ai Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă l’immense complexitĂ© de la nature, Ă l’impossibilitĂ© de l’apprĂ©hender dans sa globalitĂ© et au constat, que « plus on sait… moins on sait« … car on prend conscience de l’immensitĂ© des connaissances qui nous Ă©chappent. Chaque question Ă laquelle on parvient Ă rĂ©pondre, mĂŞme partiellement, ouvre vers un horizon de milliers d’autres…
A cette époque, certains de mes collègues chercheurs participaient à des projets avec des non-chercheurs, notamment des techniciens de collectivités. Ils relataient souvent la difficulté de transmettre les connaissances scientifiques à des gens étrangers au monde de la recherche.
C’est ce qui m’a motivĂ©e Ă entreprendre un DESS en communication scientifique alors que je terminais ma thèse en parallèle. Après avoir obtenu ces deux diplĂ´mes, j’ai trouvĂ© un premier poste comme directrice d’une association en charge de la gestion d’un espace naturel en bordure d’un grand fleuve.
Préserver la biodiversité.
Cette expĂ©rience a Ă©tĂ© difficile, mais très formatrice. J’ai notamment eu l’occasion de m’impliquer dans des projets de dĂ©veloppement du territoire, avec les collectivitĂ©s territoriales locales. Cette dĂ©couverte a confirmĂ© l’envie de m’orienter vers un travail dans la fonction publique territoriale. Après avoir quittĂ© mon poste de directrice, j’ai donc passĂ© le concours d’ingĂ©nieur territorial puis obtenu un poste comme chargĂ©e de mission patrimoine naturel dans une importante collectivitĂ©. Au sein d’une Ă©quipe d’une douzaine de personnes, je suis chargĂ©e de mettre en oeuvre la politique dĂ©cidĂ©e par les Ă©lus en matière de biodiversitĂ©. Je travaille sur de nombreux projets en lien avec la restauration et la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore. Mon travail consiste Ă financer et accompagner le montage des projets menĂ©s par diffĂ©rentes types de structures, principalement des associations ou d’autres collectivitĂ©s (communes, communautĂ©s de communes,…).
BiodiversitĂ©… au bord d’une route ardĂ©choise
J’ai aussi la chance de mener certains projets en direct, notamment ceux qui concernent la trame verte et bleue. Ce terme traduit en fait une nouvelle stratĂ©gie qui Ă©merge pour prĂ©server la biodiversitĂ©. Jusqu’Ă il y a quelques annĂ©es, les actions Ă©taient surtout focalisĂ©es sur la protection de milieux naturels dits « remarquables », car constituĂ©s d’espèces ou d’habitats naturels rares ou menacĂ©s. Mais le constat mondial de l’Ă©rosion de la biodiversitĂ©, combinĂ© aux avancĂ©es des connaissances scientifiques notamment de l’Ă©cologie du paysage, ont montrĂ© que les causes principales de cette Ă©rosion de la biodiversitĂ© Ă©tait la disparition des milieux naturels, et leur fragmentation, rĂ©sultant des activitĂ©s humaines (infrastructures toujours plus nombreuses, urbanisation galopante, modification des pratiques agricoles et notamment intensification des cultures,…). Aujourd’hui, on change de stratĂ©gie en cherchant Ă reconnecter les milieux naturels entre eux, ou en prĂ©servant les connexions qui subsistent, afin de permettre aux espèces de se dĂ©placer, ce qui leur est nĂ©cessaire pour accomplir les diffĂ©rentes phases de leur cycle de vie.
L’homme et la nature.
Mon travail est passionnant Ă de nombreux titres. Si l’on y rĂ©flĂ©chit bien, il concerne en premier lieu les relations.
       Les activités humaines fragmentent les milieux naturels
La nature : un milieu interactif
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Avant d’ĂŞtre un mouvement politique, l’Ă©cologie est la science qui Ă©tudie les interactions entre les diffĂ©rents compartiments du vivant. La nature qui nous entoure est caractĂ©risĂ© par un grand nombre d’interactions complexes, entre les espèces entre elles, entre les espèces et le monde physique… Beaucoup de choses sont reliĂ©es, et perturber ou supprimer un maillon de la chaĂ®ne affecte l’ensemble…
Le fonctionnement de la nature est dynamique… une dynamique dans l’espace et dans le temps. Les espèces se dĂ©placent pour s’alimenter, se reproduire, migrer ; sous nos climats, les saisons s’enchaĂ®nent et chacune d’entre elles correspond Ă des processus du vivant particuliers ; les gĂ©nĂ©rations d’individus se succèdent Ă des Ă©chelles de temps très diffĂ©rentes selon les espèces (de la bactĂ©rie, Ă l’Ă©lĂ©phant !). Bien que l’homme aime comprendre, acquĂ©rir de nouvelles connaissances, le fonctionnement de la nature nous reste encore bien mystĂ©rieux, et surtout Ă©chappe Ă notre contrĂ´le.
      Des plantes carnivores en France… oui, ça existe ! (Drosera rotundifolia)
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Des limites au contrôle de l’homme.
La nature rappelle Ă l’homme son incapacitĂ© Ă tout contrĂ´ler…. ce qu’il a parfois bien du mal Ă accepter. Nous avons essayĂ© de « domestiquer » la nature. Nous avons canalisĂ© les fleuves, construit des digues, mais les inondations continuent… car elles sont normales, et font partie des processus naturels qui crĂ©ent la vie en transportant des sĂ©diments, en crĂ©ant de nouveaux milieux,… Mais nous avons essayĂ© de contrĂ´ler ce processus, nous avons construit nos habitations en zones inondables, nous avons crĂ©Ă© de nombreux barrages pour crĂ©er de l’Ă©lectricité… Intentions louables et lĂ©gitimes, mais dĂ©cisions souvent excessives que nous avons prises sans en mesurer suffisamment les impacts… Par exemple, les nombreux barrages ont perturbĂ© le transport des sĂ©diments qui se trouvent piĂ©gĂ©s derrière… Comme consĂ©quence, on a constatĂ© des phĂ©nomènes d’Ă©rosion en aval des barrages, les rivières « s’enfoncent » et les niveaux de nappe phrĂ©atique en font de mĂŞme… du coup, plus de sĂ©cheresse, besoin de plus d’irrigation, cercle vicieux…
      Les tourbières… des milieux fragiles mais essentiels
L’homme contrĂ´le, domine, veut exercer un pouvoir sans limite, et quand le fonctionnement de la nature se rappelle Ă lui, sous forme catastrophique bien souvent, l’homme considère la nature comme « hostile »…. Il oublie sa responsabilitĂ© dans ces phĂ©nomènes.
Je trouve que ces constats, que je rapporte ici de manière rapide et caricaturale, peuvent amener des rĂ©flexions d’ordre plus spirituel… Soigner les relations, plus que la domination… Quand nous contrĂ´lons les autres, de manière consciente ou inconsciente, nous sommes souvent confrontĂ©s Ă des retours de bâtons parfois violents…
La recherche de l’harmonie, entre humains, ou entre l’homme et la nature, demande un Ă©tat d’esprit particulier : persĂ©vĂ©rance, humilitĂ©…
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Au delà de l’immédiat, penser dans la durée.
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Dans l’exercice de mon mĂ©tier, je suis parfois dĂ©couragĂ©e en me disant que ce je fais, c’est une goutte d’eau dans l’ocĂ©an… Il faut dĂ©ployer tellement d’Ă©nergie pour protĂ©ger quelques hectares ! On se heurte Ă tellement d’obstacles, un pas en avant, quatre en arrière… MalgrĂ© sa conscience de l’avenir, j’ai parfois l’impression que l’ĂŞtre humain ne se comporte pas plus intelligemment (voire moins) que les animaux. Il « consomme » les ressources Ă sa disposition, sans se prĂ©occuper ou si peu, de ce qui va se produire lorsque ces ressources deviendront insuffisantes.
       Les rivières, une écologie dynamique !
Je crois qu’on touche lĂ Ă une question un peu existentielle… Les processus Ă©cologiques se dĂ©roulent bien souvent Ă des Ă©chelles de temps qui dĂ©passent la durĂ©e d’une vie humaine. Penser Ă l’avenir de notre planète (donc Ă celui de l’espèce humaine), c’est intĂ©grer l’idĂ©e de sa propre mort et agir en sachant qu’on ne verra sans doute pas le rĂ©sultat de son action. On touche Ă l’idĂ©e du temps, de l’Ă©ternitĂ©…
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CĂ©leste
Merci à Céleste, qui, à partir de son expérience, nous fait entrer dans une prise de conscience écologique. Les titres et l’accentuation de certains passages en caractères gras relèvent de la rédaction.
Les photos ont été prises par Céleste.
On peut la joindre Ă l’adresse mail suivante: despiedsetdesailes@gmail.com