ReconnaĂźtre le miracle dans nos vies

Rodolphe Gozegba, pasteur dans une paroisse alsacienne, avait Ă©tĂ© invitĂ© Ă  participer Ă  une rĂ©union organisĂ©e par une paroissienne qui avait invitĂ© des amis chez elle. Il y avait donc onze personnes dans ce petit groupe. Elles n’appartenaient pas toutes Ă  la paroisse. Elles avaient Ă©tĂ© invitĂ©es pour qu’elles puissent faire connaissance avec le nouveau pasteur de la paroisse. C’était donc une rencontre conviviale et amicale.

Au dĂ©but de la rĂ©union, chacun s’est prĂ©sentĂ©. AprĂšs cette prĂ©sentation, chacun s’est retrouvĂ© autour d’une table avec gĂąteaux et cafĂ©. Pendant qu’on mangeait ensemble, les gens parlaient seulement Ă  leurs voisins. Pour permettre une conversation en commun, Rodolphe a eu une idĂ©e : poser une question qui permettrait Ă  chacun de s’exprimer en mobilisant l’attention de tous sur un thĂšme commun. Et, il a donc suggĂ©rĂ© la question suivante : « Je sais que Dieu a fait des miracles dans nos vies et que nous sommes sans doute marquĂ©s par un de ces miracles. Est-ce que nous pourrions tĂ©moigner de ce miracle en peu de mots ? ». Tout le monde a trouvĂ© que c’était une excellente idĂ©e. Et donc, chacun s’est exprimĂ© Ă  tour de rĂŽle.

La voisine de Rodolphe, une femme d’origine syrienne, accompagnĂ©e par sa sƓur, a tĂ©moignĂ© pour elles deux. Elles ont connu une guerre terrible en Syrie et aussi des persĂ©cutions envers les chrĂ©tiens. Pour elles, le miracle a Ă©tĂ© la persĂ©vĂ©rance des chrĂ©tiens malgrĂ© la persĂ©cution. Aucun n’a abandonnĂ© la foi. Dieu merci, elles sont aujourd’hui vivantes en France.

La deuxiĂšme personne qui s’est exprimĂ©e nous a dit : « Mon miracle, c’est que je viens d’ĂȘtre guĂ©rie de mon cancer ».

Une veuve nous a ensuite parlĂ© de la vie qu’elle a eue avec son mari. Au dĂ©part, elle avait hĂ©sitĂ© Ă  l’épouser. Et puis, elle a trouvĂ© ensuite en lui un homme admirable. C’est « l’homme de sa vie ».

Une autre personne, un homme, a tĂ©moignĂ© qu’aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa premiĂšre femme, il a rencontrĂ©, il y a vingt-cinq ans, une femme d’origine amĂ©ricaine, avec laquelle il s’est mariĂ© et se trouve heureux aujourd’hui. Cette femme Ă©tait lĂ  avec lui et elle a aussi tĂ©moignĂ©. Ayant quittĂ© les Etats-Unis, elle Ă©tait allĂ© en Allemagne et ensuite, elle est arrivĂ©e en Alsace oĂč elle a rencontrĂ© son mari avec lequel elle est trĂšs heureuse aujourd’hui. Ainsi nous a-t-elle dit : « J’ai fait tout un pĂ©riple pour finalement trouver l’homme de ma vie ». Cet amour est pour elle le grand miracle de Dieu.

Nous avons entendu ensuite le tĂ©moignage du mari de la femme qui a Ă©tĂ© guĂ©ri du cancer. Cet homme a beaucoup parlĂ©. Un jour, nous a-t-il dit, il a entendu un pasteur dĂ©clarer dans sa prĂ©dication qu’il ne croyait pas Ă  la rĂ©surrection de JĂ©sus. Il a Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ© et particuliĂšrement scandalisĂ©. Il a quittĂ© l’église. « La foi chrĂ©tienne, vidĂ©e de la rĂ©surrection, n’est plus la foi chrĂ©tienne ». Dieu est au coeur de sa vie et sa raison d’ĂȘtre. « Sans Lui, je ne suis rien ».

La paroissienne qui nous a accueilli, a racontĂ© que, lorsqu’elle Ă©tait plus jeune, elle voyageait beaucoup. Et, comme elle n’avait pas beaucoup d’argent, elle prenait des avions avec plusieurs escales. Un jour, en allant au Japon, son mari et elle, ont fait une escale en Irak. Elle Ă©tait enceinte d’un garçon et a fait une fausse couche. Par la suite, en Alsace, elle a enseignĂ© le français Ă  un jeune immigrĂ© irakien. Une relation forte s’est créée et celui-ci s’est mis Ă  la considĂ©rer comme sa mĂšre. Ce couple a une grande fille, mais il n’avait pas de garçon. Ils ont adoptĂ© le jeune irakien. Elle, qui avait perdu un garçon, en a retrouvĂ© un. Ils ont dĂ©sormais une grande fille et ce fils adoptĂ©. C’est le miracle de leur vie.

Ce tour de table s’est terminĂ© par le tĂ©moignage de Rodolphe. Pour lui, le miracle, c’est que Dieu a fait de lui son serviteur, pasteur dans l’Eglise.

 

Comment Rodolphe a-t-il ressenti ce partage ?

Les participants étaient des chrétiens avec des sensibilités différentes. Par exemple, les deux syriennes étaient orthodoxes. Le couple franco-américain était mennonite
 Nous étions en communion.

C’est la premiĂšre fois que Rodolphe posait cette question : quel est le miracle qui a marquĂ© votre vie ? Or, nous dit-il, « On envisage gĂ©nĂ©ralement le miracle comme une intervention extraordinaire de Dieu. Moi-mĂȘme, je m’attendais Ă  des tĂ©moignages de ce genre . Mais, dans ce groupe lĂ , j’ai dĂ©couvert que chaque personne a sa conception du miracle. Le miracle n’est pas forcĂ©ment une manifestation soudaine et extraordinaire de Dieu. Le miracle, ce peut ĂȘtre aussi une merveilleuse rencontre. Ce peut-ĂȘtre une bonne amitiĂ© qui dĂ©bouche sur une belle relation. Ce peut ĂȘtre la conscience affirmĂ©e d’une relation avec Dieu. Ici, dans ce groupe, le miracle Ă©tait reconnu dans une manifestation de Dieu au quotidien. Nous avons appris Ă  la reconnaĂźtre. C’est un sujet de joie et de reconnaissance ».

Récit et témoignage de Rodolphe Gozegba rapporté par Jean Hassenforder

 

Voir aussi sur ce blog :  « Le miracle de l’existence. Un Ă©clairage de Bertrand Vergely » : https://vivreetesperer.com/?p=2890

 

 

Ecouter les paroles des plus fragiles, c’est aussi entrer dans un changement personnel

ACAT

 

 Guy Aurenche, ancien prĂ©sident de l’ACAT (Action des chrĂ©tiens pour l’abolition de la torture) et du CCFD-Terre solidaire (ComitĂ© catholique contre la faim et pour le DĂ©veloppement), a Ă©tĂ© invitĂ© dans une communautĂ© chrĂ©tienne qui affronte des problĂšmes de fragilitĂ© et de marginalitĂ©. A partir de son expĂ©rience personnelle, associative et ecclĂ©siale, il a rĂ©pondu à  la question qui lui Ă©tait posĂ©e : «  Comment la parole des plus fragiles m’a changĂ© et me change encore aujourd’hui ? ».

En réponse, Guy Aurenche propose cinq pistes.

« TrĂšs tĂŽt, Ă  travers l’ACAT, j’ai rencontrĂ© les rĂ©alitĂ©s Ă©pouvantables de la torture. J’ai Ă©tĂ© bouleversĂ© par tant de capacitĂ©s destructrices. Cependant, le message que j’ai reçu a Ă©tĂ© celui de notre capacitĂ© Ă  rejoindre les victimes dans leur drame et Ă  briser la solitude imposĂ©e pour les dĂ©truire. Par les actions, les protestations et la priĂšre, j’ai dĂ©couvert que je pouvais devenir un modeste sauveteur, un briseur de solitude. Alors les victimes se dĂ©claraient sauvĂ©es car elles n’étaient plus seules pour affronter leurs souffrances. La parole des plus fragiles a fait de moi un briseur de solitude, une source de vie.

La parole des plus fragiles nous met sur le chemin de la fraternitĂ©. A travers les partenariats nouĂ©s par le CCFD-Terre solidaire avec des associations combattant les injustices, j’ai rencontrĂ© non pas des pauvres et des malheureux, mais des frĂšres et des sƓurs avec lesquels je pouvais agir. Cette fraternitĂ©, parfois dĂ©concertante, m’a permis de cheminer et de dĂ©couvrir que l’autre Ă©tait frĂšre.

La parole des plus fragiles a fait de moi un « porteur de parole ». a travers le mĂ©tier d’avocat, les plus fragiles m’ont demandĂ© de dire leur parole dans le cadre de la justice. Ils Ă©taient alors reconnus dans leur dignitĂ© quelque soit les fautes qu’on leur reprochait, alors qu’ils n’étaient pas capables de se faire entendre. J’ai parfois rencontrĂ© des problĂšmes de conscience lorsque la parole qu’il m’était demandĂ© de porter, ne me semblait pas conforme Ă  la vĂ©ritĂ©. Cependant, aprĂšs rĂ©flexion, j’ai dĂ©fendu leur parole, car le juge avait besoin de l’entendre avant de se prononcer. Les plus fragiles m’ont appris le lien  entre la reconnaissance de la dignitĂ© d’une personne et l’écoute de sa parole.

La parole des plus fragiles a fait de moi un acteur de transformation sociale pour dĂ©couvrir peu Ă  peu qu’il ne suffisait pas d’entendre leur cri, mais de les rejoindre dans le combat social, Ă©conomique pour s’attaquer aux causes des injustices. Cette action de transformation sociale devait se faire non pas seulement Ă  travers mes propres idĂ©es, mais en accueillant la capacitĂ© inventive de ceux avec lesquels j’intervenais. La parole des plus fragiles m’a aidĂ© et m’aide Ă  donner tout son sens Ă  l’engagement politique.

La parole des plus fragiles m’a aidĂ© et m’aide Ă  dĂ©couvrir les profondeurs de la pauvretĂ©. Nous nous faisons une idĂ©e restreinte de la pauvretĂ© en la limitant Ă  une approche matĂ©rielle. Par ailleurs, nous risquons toujours d’avoir « nos pauvres » selon nos critĂšres philosophiques ou confessionnels. Ce sont souvent les plus fragiles qui m’ont fait dĂ©couvrir qu’à cotĂ© d’eux, il y avait encore des plus pauvres et je ne l’avais pas vu. La parole des plus fragiles m’aide aujourd’hui Ă  repĂ©rer les situations de pauvretĂ© qui m’entourent.

C’est une bonne nouvelle que de dĂ©couvrir que je suis capable de briser des solitudes, que j’appartiens Ă  une fraternitĂ© agissante, qu’en portant sa parole, je peux aider l’autre Ă  ĂȘtre reconnu, qu’en agissant ensemble, nous pouvons nous attaquer aux causes des injustices et que mes yeux comme mon cƓur doivent rester Ă  l’affut de toutes les pauvretĂ©s qui se cachent autour de moi ».

Interview de Guy Aurenche

Sur ce blog, voir aussi : «  Justice sur la terre comme au ciel » : un livre de Guy Aurenche : https://vivreetesperer.com/dans-un-monde-difficile-un-temoignage-porteur-de-joie-et-desperance/

 

Histoires d’enfance

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          France a Ă©tĂ© infirmiĂšre en pĂ©diatrie et ensuite potiĂšre. MariĂ©e, elle est mĂšre de quatre fils. Elle a une relation presque « poĂ©tique »  avec les enfants. « Les enfants », nous dit-elle, « ont des clefs de connaissance que nous n’avons pas ». Elle nous raconte ici deux histoires.

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         « Un petit garçon de sept ans m’a demandĂ© Ă  faire de la poterie. Un jour, il arrive bouleversĂ©. Sa mĂšre est impossible et mĂ©chante. Son pĂšre est parti et l’institutrice est peu bienveillante. Il a du mal Ă  lire et Ă  Ă©crire. « On dit que je suis un poĂšte
 mais je ne sais pas ce que c’est, un poĂšte » ? Je lui rĂ©pond : « Un poĂšte, c’est une personne comme toi : la tĂȘte dans les Ă©toiles et un cƓur grand comme ça ». Lui : « Ah, c’est une bonne dĂ©finition ! ». Moi : « Sais-tu ce qu’est une dĂ©finition ? ». Lui : « Oui, c’est quand ce que l’on dit, ça sÂ â€˜Ă©crit   ».

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         Dans un service de pĂ©diatrie, un enfant de dix ans, atteint d’une leucĂ©mie gravissime, va s’en aller. Il me demande de rester prĂšs de lui, cette nuit du 24 au 25 dĂ©cembre. Le chef de service refusera que je reste. Une psychologue m’a demandé : « Pourquoi voulez-vous rester ? Qu’est ce que la mort de cet enfant peut vous faire ?… » Or, cet enfant avait Ă©tĂ© complĂštement abandonnĂ© par sa famille. Je suis retournĂ© voir l’enfant pour lui expliquer que je n’avais pas le droit de rester avec lui, mais lui ai-je dit : « Je penserai Ă  toi toute la nuit ». Il m’a rĂ©pondu : « Je vais aller au Ciel Ă  quatre heures du matin ». « Et il est parti Ă  quatre heures du matin ».

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Histoires émouvantes : une invitation à écouter.

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Contribution de France.

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On pourra lire sur ce blog : « L’enfant : un  ĂȘtre spirituel » : https://vivreetesperer.com/?p=340

Comme les petits enfants

Accueil, confiance et émerveillement

Odile Hassenforder : Sa présence dans ma vie.

Lieu ordinaire : dans la banlieue sud de la rĂ©gion parisienne, au troisiĂšme Ă©tage d’un petit immeuble, un angle de vue sur un mĂ©lange de vĂ©gĂ©tation et de constructions et un  vaste espace de ciel. Mais, Ă  partir de ce lieu ordinaire, dans une mĂ©ditation quotidienne, Odile sait s’émerveiller. Elle apprend Ă  recevoir. Elle dĂ©couvre une harmonie. « Une atmosphĂšre de confiance germe en moi. Je pense Ă  l’enfant qui accueille la vie
Je deviens de plus en plus attentive Ă  la semence intĂ©rieure qui germe, Ă  l’écoute de l’intuition spirituelle,  Ă  l’éveil de tout ce qui est bien-beau-bon autour de moi ». (1)

Mon fauteuil de mĂ©ditation matinale est orientĂ© Ă  l’est.

J’aime admirer le lever de soleil, ces nuages qui s’éclairent, se colorent, passent du gris au rosĂ©, avancent plus ou moins vite selon le vent
 La vie est mouvement. La vie est Ă©nergie. Elle n’est pas statique comme l’expriment des pessimistes aveugles Ă  ce renouvellement perpĂ©tuel.

Pour ma part, de tels spectacles de la nature, de la simple pĂąquerette au coucher du soleil et au ciel Ă©toilĂ©, m’émerveillent. Je sens mon cƓur se dilater. J’appartiens Ă  cet univers visible, mais  aussi invisible
Quelle magnificence. Emerveillement qui suscite l’adoration du CrĂ©ateur : « L’homme a-t-il tant d’importance pour que tu t’occupes de lui ? » (Psaume 8/5). Et moi, je me sens toute petite, et pourtant je suis une crĂ©ature merveilleuse (Psaume 139/14).

Un contentement intĂ©rieur s’établit peu Ă  peu en moi. Comme les piĂšces d’un puzzle s’ajustant les uns aux autres, je dĂ©couvre peu Ă  peu un magnifique tableau. Cette vision et ce ressenti de bien-ĂȘtre m’envahissent. Et ma respiration devient le lieu de mon corps Ă  mon mental s’épanouissant dans cet univers spirituel qui me dĂ©passe. Alors s’éveille en moi une joie paisible, reliĂ©e Ă  l’ĂȘtre suprĂȘme, mon Dieu, qui m’habite. ProblĂšmes, inquiĂ©tudes, angoisses s’éloignent, se rapetissent comme les objets dans l’image d’un appareil de photo lorsque le focus agrandit le champ de vision. Une atmosphĂšre de confiance germe en moi. Je pense Ă  l’enfant qui accueille la Vie. Les paroles de JĂ©sus me reviennent Ă  l’esprit : « Le Royaume de Dieu appartient Ă  ceux qui ressemblent Ă  ces enfants » (Matt 19/14).

En moi, je connais cette conversion progressive de mon attention : de volontaire qui cherche le « bon modĂšle » chrĂ©tien Ă  reproduire, je deviens de plus en plus attentive Ă  la semence intĂ©rieure qui germe, Ă  l’écoute de l’intuition spirituelle en moi et aussi Ă  l’éveil Ă  tout ce qui est bien-beau-bon autour de moi.

Odile Hassenforder

Écrit personnel 2007

 

(1) Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte Temps présent. 2011 (p 213-214)

Sur ce blog : autres textes d’Odile  Hassenforder : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder

D’une religion enfermante Ă  la vie

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Propos recueillis auprĂšs de Philippe M.

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Je travaille dans le gĂ©nie climatique. J’interviens dans l’Ă©tude et la rĂ©alisation de la partie Ă©lectricitĂ© et automatisme, la rĂ©gulation du chauffage/climatisation et dans la recherche de solutions techniques pour rĂ©pondre aux exigences des nouvelles rĂ©glementations thermiques. J’habite en Alsace et je travaille essentiellement dans la construction de plateformes logistiques dans toute la France. Je circule beaucoup et je rencontre des gens trĂšs diffĂ©rents : des ouvriers du bĂątiment de diffĂ©rentes nationalitĂ©s, des techniciens, des ingĂ©nieurs qui contrĂŽlent mon travail, des responsables d’entreprise.

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​Le milieu du bĂątiment aujourd’hui est trĂšs tendu. Il y a de plus grandes exigences au niveau technique et dĂ©lai d’exĂ©cution. Cela m’amĂšne Ă  pĂ©nĂ©trer dans des univers oĂč le stress est palpable. Dans ce contexte, j’apprends beaucoup sur le fonctionnement de l’ĂȘtre humain. De ce fait, j’apprends beaucoup sur moi. C’est un milieu oĂč il y a de la souffrance physique liĂ©e Ă  la pĂ©nibilitĂ© du travail et des souffrances psychiques liĂ©es Ă  l’éloignement de la famille Ă  travers de nombreux dĂ©placements professionnels. Progressivement, dans ce contexte, j’ai appris Ă  me rapprocher des autres. Au dĂ©but, j’ai souvent Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir une personne d’apparence fermĂ©e s’ouvrir facilement dĂšs que je lui posais des questions plus personnelles.

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​Le sujet de la religion revient souvent. Je vois que dans l’esprit de la plupart des gens, il y a beaucoup de prĂ©jugĂ©s et de fausses idĂ©es sur le christianisme . Par exemple, pour certains, le christianisme est synonyme de non libertĂ©, de formatage, de conflits entre les diffĂ©rentes Ă©glises. Le personnage de JĂ©sus est vu comme un deuxiĂšme MoĂŻse qui apporte des lois et des commandements. Il y a aussi la peur trĂšs prononcĂ©e des phĂ©nomĂšnes sectaires.

L’évangĂ©lisation, souvent Ă  juste titre, est perçue comme une imposition d’idĂ©es reçues, et, en mĂȘme temps, paradoxalement, le chrĂ©tien prĂ©tendrait indiquer un chemin de libertĂ©. Je constate une grande dĂ©fiance vis Ă  vis de tous les pouvoirs en gĂ©nĂ©ral, et notamment vis Ă  vis du pouvoir religieux qui touche Ă  un cĂŽtĂ© sensible de la personne parce qu’on y dĂ©veloppe des idĂ©es (toutes faites / impersonnelles) sur l’amour, l’ñme, l’esprit, l’ĂȘtre, Dieu. On a plus de mal Ă  confier sa personne au milieu religieux. Les gens sont trĂšs mĂ©fiants. J’ai dĂ©couvert aussi des personnes se disant athĂ©es, mais, en creusant, on dĂ©couvre qu’elles sont athĂ©es en opposition Ă  un Dieu reprĂ©sentĂ© sous une certaine forme par la religion : « Dieu pour moi, ce n’est pas ça ». C’est surprenant car ils dĂ©crivent ensuite un Dieu idĂ©al, un Dieu proche, un Dieu ouvert, un Dieu qui ne soutient pas un clan, qui ne suscite pas une exclusion. Malheureusement, Ă  cause de la religion, ils ont abandonnĂ© l’idĂ©e de trouver ce Dieu lĂ .

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​Je dĂ©couvre dans les gens que je rencontre, au-delĂ  d’une façade d’auto-dĂ©fense, de rĂ©flexes d’autoritarisme, de colĂšres exprimĂ©es, d’expressions grivoises, des perles prĂ©cieuses qui jaillissent, comme la gĂ©nĂ©rositĂ©, la bontĂ©, l’authenticitĂ©, le partage… Je me sens naturellement en relation avec eux en voyant en eux l’image de Dieu. Ce que je remarque aussi, c’est une grande recherche de sens dans ce que l’on fait. Une fois, une personne me disait : « J’ai une belle maison, une belle voiture, une belle famille ; J’apprĂ©cie tout cela, mais j’ai envie de passer Ă  autre chose : donner un sens Ă  ma vie, ĂȘtre tournĂ© vers les autres ». Un autre dĂ©sir revient souvent : faire les choses avec joie, avec plaisir. La dĂ©fiance vis-Ă -vis des autoritĂ©s engendre une rĂ©flexion personnelle sur ce que ces autoritĂ©s demandent et imposent. J’observe une plus grande autonomie et la volontĂ© d’agir si cela rĂ©sonne intĂ©rieurement. Un esprit critique se dĂ©veloppe. Ce qui fĂ©dĂšre aujourd’hui, c’est le produit d’une attirance par opposition aux impĂ©ratifs du devoir. Je ne fais plus une bonne action par devoir. J’agis parce que cela rĂ©sonne profondĂ©ment en moi. Je me laisse attirer. Cela me rappelle les lois qui rĂ©gissent notre univers : le mouvement des Ă©lectrons autour du noyau, le mouvement des planĂštes suscitĂ©es par leur attirance mutuelle. C’est un mouvement synonyme de vie et l’ĂȘtre humain se sent vivant quand il se laisse naturellement attirer sans manipulation, sans contrainte. Peut-ĂȘtre, ce besoin d’exister en allant vers l’autre sans contrainte rappelle ce lien qu’on a dĂ©couvert dans la science quantique.

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​A l’ñge de cinq ans, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par un amour profond et je peux dire que j’ai goĂ»tĂ© Ă  l’amour de Dieu. Pour moi, c’était trĂšs simple d’ĂȘtre chrĂ©tien. Cela s’est compliquĂ© par la suite. En grandissant dans mon milieu d’église, j’ai Ă©tĂ© conditionnĂ© par des reprĂ©sentations lĂ©galistes et autoritaires de Dieu, de ce qu’est « un bon chrĂ©tien ». Des Ă©vĂšnements dans ma vie m’ont permis de prendre du recul face Ă  une religion enfermante.. J’ai toujours Ă©tĂ© convaincu de l’amour immense que Dieu avait pour les hommes. Quand je lis les Ă©vangiles, je vois JĂ©sus-Christ trĂšs proche des gens non religieux. Je l’imagine passer la plupart de son temps avec les gens « paĂŻens ». JĂ©sus attirait les foules jusqu’au point oĂč il n’arrivait plus Ă  entrer dans une ville. Il la contournait. Les foules sortaient des villes pour le rejoindre, attirĂ©es par sa personne. Je pense que les gens se sentaient reconnus tels qu’ils Ă©taient. Ils se sentaient vivre dans ce mouvement. Ils ressentaient un esprit de libertĂ© omniprĂ©sent.

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​On m’a appris Ă  ĂȘtre « religieux » et maintenant j’apprends Ă  sortir de ce comportement. Plus j’apprends Ă  me connaĂźtre, moins j’ai la crainte d’aller vers mon prochain et alors mon prochain s’ouvre. Cette ouverture se fait naturellement, sans effort. Les personnes que je rencontre ne savent absolument pas que je suis chrĂ©tien et me parle spontanĂ©ment de Dieu, de la religion. A cette occasion, j’aime leur communiquer mon image personnelle de JĂ©sus-Christ. Une personne merveilleuse ouvrant les yeux sur les magnifiques perles prĂ©cieuses se trouvant dans les profondeurs de l’Ăąme de chaque femme, chaque homme, chaque enfant. VoilĂ  oĂč se trouve aujourd’hui, le sermon, la  prĂ©dication, la bible que je reçois. J’apprends Ă©normĂ©ment dans la relation avec l’autre, je chemine d’Ă©merveillement en Ă©merveillement. Est-ce que l’homme a besoin d’entendre que certaines de ses actions sont mauvaises, pas si sĂ»r. Un jour, alors, que je travaillais sur mon Ă©chelle dans un faux plafond, un homme s’approche de moi et me raconte son parcours chaotique: « A peine mariĂ©, pendant mon voyage de noce, j’ai trompĂ© ma femme et avons aussitĂŽt divorcĂ©, depuis je vais de femme en femme… » Je n’avais jamais discutĂ© avec lui. Je prenais juste le temps de le saluer.  Est-ce que la femme prostituĂ©e dans les Ă©vangiles avait besoin d’entendre que ses actions Ă©taient mauvaises ? Ce qui permet un regard plus juste sur nous mĂȘme, que ce soit des perles prĂ©cieuses en nous ou un Ă©tat d’esclavage, c’est l’amour. Jean-Baptiste exprimait cette voix venant du dĂ©sert et s’adressant Ă  l’extĂ©rieur de l’ĂȘtre:  » repentez-vous, vos actions son mauvaise ! ». Jean-Baptiste symbolise la clĂŽture d’une trĂšs trĂšs longue pĂ©riode oĂč la crainte est omniprĂ©sente parce que l’homme a rejetĂ© l’amour. JĂ©sus a ouvert Ă  toutes les femmes, Ă  tous les hommes, Ă  tous les enfants une nouvelle pĂ©riode:  » Le royaume des cieux ! « .  JĂ©sus n’a-t-il pas dit ? : « Je vous le dis, c’est la vĂ©ritĂ©: il n’y a jamais eu un homme plus important que Jean-Baptiste. Pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus important que lui… » Matthieu 11:11

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Je pense que notre sociĂ©tĂ© n’a jamais Ă©tĂ© aussi prĂȘte Ă  recevoir le royaume des cieux. Je dĂ©couvre que j’ai juste Ă  libĂ©rer ce royaume en Ă©tant naturellement moi-mĂȘme, construit maintenant sur le chemin de l’amour.

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Philippe

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Sur ce blog, voir aussi :

« Un chantier peut-il ĂȘtre convivial ? »

https://vivreetesperer.com/?p=133