Un enseignement de la programmation informatique ouvert à tous

#Un projet collaboratif, convivial et créatif : Simplon.co

 #On leur disait : c’est impossible ! Ils l’ont fait.

 #A une époque où la révolution numérique (1) ouvre de nouveaux emplois, comment permettre à des minorités défavorisées d’y accéder ? Peut-on aujourd’hui enseigner la programmation informatique, le nouvel alphabet du XXIè siècle, le code, au delà des filières classiques ?

Dans un exposé enthousiasmant, Erwan Kezzar nous dit comment il a créé une école de programmation qui, durant la première année, a formé 30 personnes issues de milieux accédant jusqu’ici difficilement à cette profession : des jeunes des quartiers populaires, des moins jeunes, des femmes, des personnes en situation de handicap, des porteurs de projet ayant besoin de compétences pour les réaliser. Ce projet : Simplon.co, en voie de démultiplication en 2014-2015, figure parmi les cinq projets promus cette année par « L’échappée volée », plateforme collaborative qui se propose d’encourager le passage du partage de la parole au partage de l’action.

Mais comment ce mouvement associatif s’est-il développé et de quelles valeurs témoignent-ils ?

#TED

  #Cette initiative s’inscrit dans une dynamique internationale. Au départ, il y a eu en effet la conférence américaine TED qui, depuis 25 ans, « rassemble des esprits brillants dans leurs domaines pour partager leurs idées avec le monde. C’est un événement annuel où les plus grands talents sont invités à partager leurs passions. TED : « Technology, Entertainment, Design » s’intéresse à trois grands ensembles qui façonnent notre avenir. Mais l’événement ne s’arrête pas là et présente des idées quelque soient les disciplines. Des créateurs, des scientifiques, des philanthropes viennent s’y exprimer. Ces dernières années, TED a souhaité s’ouvrir et propose une conférence internationale TED global ainsi que plusieurs initiatives médiatiques » (2). Ainsi aujourd’hui, des milliers de courtes interventions relatant des expériences signifiantes ou des recherches majeures sont diffusées sur le web en vidéos par TED talks (3).

#TED x

 #Cette expression partagée dans une forme dynamique se répand aujourd’hui dans le monde. Le x ajouté à TED dans TED x signifie  qu’il s’agit d’évènements qui sont largement indépendants tout en respectant un certain nombre de critères définis par Ted. « Et, en France, Ted x a été fondé par Michel Lévy-Provencal dès 2009. Ted x Paris a été la première conférence TED x européenne . Elle fait partie des trois premières conférences TED x mondiales à avoir été créées » (4). Depuis 5 ans, TED x Paris présente des utopistes en action. « Nous diffusons systématiquement leurs idées pour distiller en France et ailleurs, une voix positive et optimiste. Cette voix semble porter, chaque semaine, nous recevons des messages de personnes nous demandant comment s’investir concrètement dans ces initiatives… Ainsi n’en déplaise aux pessimistes et aux sceptiques, le désir d’engagement et la quête de sens n’ont pas disparu de notre société. Notre conviction, c’est que nous sommes entrés dans le temps de l’action, individuelle, locale, simple, efficace, responsable, importante, contagieuse et virale. Et si des idées peuvent changer le monde, elles ne sont rien sans l’énergie et l’engagement de ceux qui les mettent en œuvre ».

 #L’échappée volée

#« L’échappée volée » est un accélérateur qui se caractérise par l’action et l’engagement (5). C’est une expérimentation citoyenne, une initiative qui invite tout un chacun à passer à l’action en s’engageant efficacement dans des projets d’éducation, de santé, de solidarité, l’émancipation par les arts et la culture, et le développement durable. Chacun est ainsi invité à soutenir ces projets en apportant son énergie, ses idées, son temps et ses contacts. Notre souhait est de soutenir ceux qui s’engagent pour faire bouger les lignes, changer les paradigmes et obtenir des transformations positives et concrètes dans nos sociétés ».

Et c’est ainsi que cette année, le site de « l’échappée volée » présente cinq projets qui se caractérisent par la conjugaison d’un idéal de solidarité et de fraternité et une dynamique sociale créative.

Ce sont :

° Djantoli. Un téléphone et une balance. Djantoli met l’innovation sociale au service de la santé des enfants en Afrique.

° Kialotok. Kialotok utilise la gastronomie comme un moyen de restauration professionnelle et de dialogue interculturel .

° Bergers urbains. Des moutons et des hommes

Les bergers urbains font paître leurs troupeaux remettant l’agriculture locale au cœur des villes.

° Sentinelle. Des femmes et des chercheurs. Les sentinelles créent un réseau de volontaires pour faire avancer la recherche sur le cancer.

° Simplon.co. Un ordinateur et une nouvelle langue.

Les entrepreneurs de Simplon.co forment au code pour un impact réel et social.

#

#

Formation au code et convivialité sociale. Comment Erwan Kezzar et ses associés ouvrent à tous la formation au code : Simplon.co 

Dans son témoignage enregistré sur vidéo (6), Erwan Kezzar nous dit comment il s’est engagé avec deux associés dans la création d’un enseignement du code, « cet alphabet du XXIè siècle selon certains ». il y a aujourd’hui une demande énorme dans le champ de la programmation. On manque de codeurs. Et, bien sûr, il y a là une nouvelle source d’emplois. Mais peut-on former au code des gens qui n’ont pas effectué au préalable des études pour devenir ingénieurs ou mathématiciens? Et peut-on donner accès à cette formation dans des cycles courts à des gens qui n’ont pas les dispositions, les moyens pour s’engager dans des études longues ?

Erwan Kezzar et ses a ssociés ont pensé plus particulièrement aux « talents qui ont envie de s’en sortir, à des profils à forte motivation même si ce sont des profils atypiques ». A la fin de l’année 2011, ils ont eu écho d’une expérience américaine où des formations courtes étaient mises en oeuvre avec succès.

Et alors, malgré le scepticisme qu’ils ont rencontré, Erwan Kezzar et ses associés se sont lancés dans la création d’une formation. Ils ont trouvé un local dans une ancienne usine à Montreuil. Ils l’ont aménagée et, à la rentrée 2013, ils ont commencé une formation en 6 mois qui vient de s’achever avec succès. Ils ont choisi des étudiants motivés et créatifs, mais dans des milieux qui, jusque-là, accédaient très peu à la programmation informatique. Ils ont recruté des jeunes de quartiers populaires, des moins jeunes, des femmes(jusqu’ici peu représentées dans ce secteur), des personnes en situation de handicap, des porteurs de projet ayant besoin de la programmation informatique pour les réaliser. 30 personnes ont participé à la première promotion qui a expérimenté cette formation avec succès. Au début de cet enseignement, 75% étaient des débutants complets. Et la répartition des origines est éloquente : des niveaux scolaires de Bac-2 à Bac+4, des âges de 19 à 52 ans, 30% de femmes, 14 nationalités.

Quelques parcours témoignent de cette diversité. Aladin expérimente un nouveau mode de communication avec l’office HLM de son quartier. Audrey construit un site permettant à des personnes en situation de handicap de partager leurs expériences pour améliorer leur condition de vie. Roxane va répliquer la formation de Simplon.co à Cluj en Roumanie. Rodolphe a prouvé qu’il était possible de former des jeunes dans un quartier difficile à Villeneuve-la-Garenne et il va poursuivre l’année prochaine. En effet, en 2014-2015, Simplon va essaimer : Montreuil, mais aussi Villeneuve-la-Garenne, une région rurale dans le Perche, Cluj en Roumanie et Bamako au Mali.

Le dynamisme de cette entreprise trouve sa source dans l’enthousiasme de son fondateur tel qu’il s’exprime dans cette vidéo. Il en résulte un mouvement collaboratif. A plusieurs reprises, il évoque le scepticisme qu’il a rencontré. « On ne pouvait pas le faire. C’est ce qu’on nous a dit. Et bien, ce qui est sur pour nous, c’est qu’on ne pouvait pas ne pas le faire ! »

Dans ce monde en mutation (7), nous vivons dans un temps de crise où le vieux monde se défait et un autre commence à se construire. Apprenons à discerner les émergences positives pour en encourager le développement. Sachant les menaces qui doivent être affrontées, plutôt que de sombrer dans le pessimisme, prenons le parti de l’espérance et regardons en avant. Alors nous verrons mieux les initiatives et les innovations qui s’inscrivent dans un état d’esprit nouveau en train d’apparaître à l’échelle internationale. Sur ce blog, nous avons mis l’accent sur le développement de l’économie collaborative (8). Aujourd’hui, avec TED, TED x et l’échappée volée, nous assistons au développement d’une expression partagée et participative qui se veut motrice de changement. Nous voyons là des signes traduisant l’apparition d’une nouvelle culture à l’échelle internationale (9) dans l’inspiration de valeurs mettant l’accent sur la collaboration, la convivialité, la solidarité, la créativité. Nous voyons là aussi l’émergence d’une nouvelle sensibilité spirituelle (10). Et, pour nous, cette émergence est éclairée par une inspiration (11).

Simplon.co témoigne bien de la conjugaison  entre sociabilité conviviale et créativité. En entendant Erwan Kezzar et en observant la dynamique de cette action et les fruits qu’elle porte, on participe à son enthousiasme et on ressent quelque part de l’émerveillement.

J H

#

(1)            Sur ce blog : « L’ère numérique. Gilles Babinet : un guide pour entrer dans ce nouveau monde » https://vivreetesperer.com/?p=1812

(2)            Le site de TED : Ted. Ideas worth spreading : http://www.ted.com/   Histoire et dynamique de Ted sur Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/TED_(conference)       La précédente description est empruntée au site de Ted x Paris.

(3)            Ted talks : http://www.ted.com/talks/browse

(4)            TED x Paris : http://www.tedxparis.com/about/  . il existe aussi une conférence Ted x à Lyon : http://www.tedxlyon.com/

(5)            L’échappée volée : http://www.lechappeevolee.com/a-propos-2/

(6)            Présentation en vidéo du projet par Erwan Kezzar : http://www.lechappeevolee.com/simplonco/

(7)            Les mutations actuelles en perspective : sur ce blog : « Un  chemin de guérison pour l’humanité. La fin d’un monde. L’aube d’une renaissance (Frédéric Lenoir) : https://vivreetesperer.com/?p=1048                             « Quel avenir pour le monde et pour la France ? (Jean-Claude Guillebaud. Une autre vie est possible) : https://vivreetesperer.com/?p=937  « Une nouvelle manière d’être et de connaître » (« Petite Poucette » de Michel Serres) : https://vivreetesperer.com/?p=820

(8)            Sur ce blog,  à propos de l’économie collaborative : « Une révolution de « l’être ensemble » (« Vive la co-révolution !Pour une société collaborative ») : https://vivreetesperer.com/?p=1394                                « Un mouvement émergent pour le partage, la collaboration et l’ouverture : Ouishare, communauté leader dans le champ de l’économie collaborative » https://vivreetesperer.com/?p=1866                                         « Pour une société collaborative. Un avenir pour l’humanité dans l’inspiration de l’Esprit » : https://vivreetesperer.com/?p=1534

(9)            Une nouvelle culture à l’échelle internationale : « Vers une civilisation de l’empathie.  A propos du livre de Jérémie Rifkin .. » : http://www.temoins.com/recherche-et-innovation/etudes/816-vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux.html  « Emergence d’espaces conviviaus et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place » et nouveaux modes de vie » : http://www.temoins.com/recherche-et-innovation/etudes/1012–emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie.html

(10)      Sur le site de Témoins : Emergence d’une nouvelle sensibilité spirituelle : « Emergence d’une nouvelle sensibilité spirituelle et religieuse. En regard du livre de Frédéric Lenoir : « La guérison du monde » : http://www.temoins.com/recherche-et-innovation/etudes/953-emergence-dune-nouvelle-sensibilite-spirituelle-et-religieuse-en-regard-du-livre-de-frederic-lenoir-l-la-guerison-du-monde-r.html « Emergence d’une vision d’un monde évolutionnaire.  Un changement de culture au Club de Budapest » : http://www.temoins.com/recherche-et-innovation/etudes/1029-emergence-dune-vision-du-monde-l-evolutionnaire-r-un-changement-de-culture-au-club-de-budapest.html

(11)      Sur ce blog,  dans la culture qui est la nôtre, nous reconnaissons dans ce mouvement, la vision exprimée par le théologien Jürgen Moltmann : « L’essence de la création dans l’Esprit est « la collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font reconnaître l’ « accord général ». « Au commencement était la relation » (Martin Buber) p 25 dans : Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création.  Traité écologique de la création. Cerf,1988.                Sur ce blog : « Dieu suscite la communion »  https://vivreetesperer.com/?p=564                              Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/                                        Une parole de Pierre Teilhard de Chardin remonte à notre esprit : « Tout ce qui monte, converge ».

Chemins de paix

Chemins de paix

Si l’actualité internationale nous parait sombre, avec Bertrand Badie, on peut néanmoins découvrir l’apparition de nouveaux chemins vers la paix.

Nous ressentons l’instabilité du monde. Nous entendons des bruits de guerre. Bien plus aujourd’hui, le massacre de la guerre est à nos portes, en Ukraine, à Gaza, au Liban. Et si nous regardons au passé, la guerre est omniprésente. Si près de nous au XXe siècle, deux guerres mondiales dévastatrices. Alors la guerre serait-elle une fatalité ? Notre esprit s’y refuse, nous pouvons évoquer des hommes qui ont œuvré pour la paix. Il y a quelques années. Michel Serres écrivait un livre : « Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire » (1) dans lequel il annonçait une émergence d la paix : « Au sortir de massacres séculaires, vers un âge doux portant la vie contre la mort ». Si, depuis lors, de nouveaux conflits sont apparus, il est bon de voir un expert des relations internationales, Bertrand Badie, confirmer l’apparition d’une tendance nouvelle qui porte la paix et ainsi publier un livre en osant le titre : « L’art de la paix » (2) en regard opposé à l’ouvrage célèbre du général chinois Sun Tsu qui, au VIe siècle avant Jésus-Christ, écrivit un ouvrage intitulé : « l’Art de la guerre ». Bertrand Badie ouvre un nouvel horizon : « La paix a changé de nature. Longtemps cantonnée à l’état de non-guerre, associée à des périodes de trêve obtenue par transactions géographiques, économiques, dynastiques, elle ne peut désormais être établie qu’à la condition d’être redéfinie comme un tout, considérée à l’heure de la mondialisation et des nouvelles menaces, notamment climatiques, qui pèsent sur notre planète » (page de couverture).

Après avoir rappelé la primauté de la guerre dans la culture grecque et romaine, la manière dont elle a ponctué les relations européennes, Bertrand Badie montre comment et en quoi la situation est en voie de changer. « Aucun décor n’est figé. Cette paix transactionnelle, soumise aux lois de la guerre, appartient à un temps qui est en train d’être dépassé. Évidemment, nul ne saurait en déduire qu’une paix impeccable lui succédera. Il sortira de la mondialisation ce qu’on en fera, le meilleur comme le pire. Mais une chose est sure : la paix de demain ne sera plus celle d’hier. « L’art de la paix » consiste à en déduire les traits futurs, et à définir les chemins qui y mènent en fonction de paramètres nouveaux… » (p 23-24). Et dans ce livre, chapitre après chapitre, Bertrand Badie aborde les nouvelles caractéristiques de cette paix nouvelle. La première consiste à se remettre à l’endroit, à comprendre ces liens de dépendance passée pour tenter de s’en défaire (chapitre 1). Dans un monde d’appropriation sociale du politique, la paix est appelée à s’humaniser, c’est-à-dire à se rapprocher des besoins humains fondamentaux (Chapitre 2). En cela, elle est appelée à prendre une dimension de plus en plus subjective, intégrant et respectant ce qui est construit par chaque être humain en termes de pensée, de ressenti, et de sens donné à ce qui l’environne (Chapitre 3). Elle se devra d’être systémique, appréhendant les défis qui lui sont opposés comme intimement liés entre eux, ne souffrant plus cette sectorisation de la pensée qui accrédite l’idée – insupportable aujourd’hui – qu’il y a un champ stratégique ou géopolitique autonome (chapitre 4). Elle devra donc être globale, intégrant pleinement l’idée que les vrais intérêts sensibles à défendre sont globaux et non plus nationaux (chapitre 5). Le livre se poursuit par la préconisation d’institutions adaptées, d’une diplomatie pragmatique, d’une vertu d’hospitalité, et d’un apprentissage de la paix.

 

Remettre la paix à l’endroit.

La non-guerre n’est pas la paix.

Bertrand Badie porte tout particulièrement son attention sur l’histoire européenne au cours de ces derniers siècles parce que c’est là que s’est forgé un mode de relation d’état à état qui s’est ensuite répandu dans le monde entier. C’est en Europe que l’état-nation est apparu, son invention étant formulée par Jean Bodin dès 1576 comme étant « la puissance absolue et perpétuelle d’une république, n’obéissant à nul autre ‘ni grand, ni plus petit, ni égal à soi’ » (p 28). C’est ‘l’exclusivité de la puissance qui va faire la loi’. « L’intuition de Machiavel prenait tout son sens : Le pouvoir politique était désormais fondé par des ‘prophètes armés’ : la définition et le nouveau statut de la paix ne pouvaient que s’en ressentir, s’installer durablement dans l’état de principe subordonné » (p 29). En 1651, dans son livre : « Le Léviathan », Thomas Hobbes met en valeur un état souverain qui n’a de compte à rendre à personne. Dès lors, ‘les princes sont dans une continuelle suspicion…’. « L’État-nation ne peut que recourir à la guerre… La paix sera seconde, entre-deux-guerres ». « La guerre devient le rouage fondamental de la concurrence entre souverains » (p 29-30). C’est la puissance qui parait la garantie et c’est également ainsi que l’on tend à l’hégémonie. « La plus grande des puissances va briser la prétention souveraine et construire simultanément sa paix et son hégémonie » (p 32). On se souvenait de la « pax romana ». Différentes hégémonies vont se succéder, de la « pax britannica » à la « pax americana ». L’auteur montre les limites et finalement les échecs des hégémonies.

On peut également rechercher l’équilibre des forces. Cependant, l’expérience de l’histoire montre que « l’équilibre des forces, fragile par nature, n’est qu’une illusion précaire ». L’auteur mentionne le regard avancé de l’abbé de Saint-Pierre qui, dès le XVIIIe siècle, dans son « Mémoire pour rendre la paix perpétuelle, sut disqualifier l’équilibre de puissance comme panacée à toute paix » (p 37). Aujourd’hui, les temps changent. « Les rapports de puissances deviennent indéchiffrables en une époque post-bipolaire faîte de fragmentation, d’interdépendance, de multiplication de régimes de puissance… ». « A l’équilibre de puissance, il convient désormais d’opposer les vertus de l’intégration responsable » (p 37).

La transaction est longtemps apparue comme le mode classique de résolution des conflits. « Tous les résultats convergeaient pour concevoir la paix comme le résultat d’une relation gérée, que ce soit sur le mode d’arbitrage, de la médiation ou de la conciliation, et somme toute de la transaction » (p 37). Certes, l’idée de transaction a pu être « sanctifiée comme un art de la concorde ». « Elle est même confortée par la lecture de la démocratie fondée sur l’art du compromis, voire du marchandage » (p 38). Cependant, Bertrand Badie met en lumière les limites de la transaction. « Nul doute bien sûr que la transaction a en soi une propriété d’apaisement… Mais tout principe de paix pourrait-il se réduire à la transaction et son ambition finale ne risque-t-elle pas de réduire les minorités au silence ? Où place-t-on dans ce grand marchandage les principes de respect, de sécurité humaine ou les grands enjeux de survie ? La transaction ne réduirait-elle pas inversement, la paix à la simple trêve, comme pour en alimenter la précarité, voire la dénaturation ? Surtout, a-t-elle aujourd’hui les mêmes vertus et la même efficacité qu’hier ? La question mérite d’être posée à une époque où les traités sont devenus rares et où ceux qui ont pu être conclus sont restés sans effets ? » (p 39). Les limites et les défaites de la transaction apparaissent dans une longue histoire qui nous est retracée par l’auteur. « Cette grammaire de la négociation s’est nourrie au fil du temps, nourrie de considérations territoriales et dynastiques. La mécanique de la force et de la ruse jouait à plein rendement, mais ne servait que de très courtes fins, réduisant la paix à l’état de trêve » (p 40). Ce fut l’époque où « sous l’effet d’une bataille décisive, le vainqueur imposait au vaincu une cession de territoire qui mettait fin ainsi à la guerre » (p 41). Ce procédé devient de plus en plus inadapté aujourd’hui en raison de ‘la progressive appropriation sociale des territoires’. Aujourd’hui, « l’appropriation sociale des territoires se défie de toute obédience institutionnelle » (voir les résistances des palestiniens, des sahraouis, des érythréens, des kurdes). « Les transactions territoriales disparaissent peu à peu et le annexions se font hors de tout accord de paix » (p 42). Au total, nous sommes entrés dans une nouvelle période. « Les accords de paix ne mettent plus fin aux guerres. Le constat est là : les traités perdent de leur force et de leur vertu d’antan » (p 46). Les accords eux-mêmes paraissent instables.

Bertrand Badie conclut par deux observations. « En premier lieu, l’art de la transaction semble considérablement affaibli, indiquant que la paix suppose aujourd’hui une approche plus globale, plus inclusive, construite sur un ordre partagé plutôt que sur le partage de trophées. En second lieu, la cause de la paix reste piégée par cette vision de ‘non-guerre’ qui la rabaisse sans cesse au statut de ‘trêve’, empêche la paix de s’accomplir : Cette dernière approche ‘empêche la paix de s’accomplir’ : elle se doit donc de réinventer son propre fondement » (p 47-48).

 

Penser la paix.

Placer le social avant la force

La mise en avant de la paix s’inspire de penseurs que Bertrand Badie nous indique. Ainsi, le grand philosophe grec Aristote exprime la conviction que « la paix est la condition de ‘l’homme parfait’. « Aristote n’a pas une lecture négative de la paix, mais l’assimile positivement au bonheur de l’homme en société ». Plus tard, l’abbé de Saint-Pierre, Rousseau et Kant s’inscriront dans son sillage (p 52). Dans la crise entrainée par la chute de Rome au début du Ve siècle, Saint Augustin s’inspire de la source chrétienne pour affirmer que « la paix transcende les relations inter-individuelles et procède de l’amour divin, de l’amour-caritas ». La cité des hommes, si « elle n’exclut pas la guerre puisqu’une telle cité est fondée sur l’amour de soi et le mépris de Dieu, ne saurait être dissociée de l’aspiration à la paix céleste, celle de la Cité de Dieu qui est fondée sur le principe inverse, et donc, précisément sur ce ‘souverain bien’ dont nous parlait Aristote » (p 53). Par la suite, au XVIIIe siècle, dans l’inspiration de la philosophie des Lumières, critique d’un pouvoir absolu, une œuvre s’impose, celle d’Emmanuel Kant : ‘Vers la paix perpétuelle’ (1795). « La guerre est conçue désormais comme une donnée à surmonter. La paix accède au rang d’impératif catégorique qui s’impose à tous… cassant la dépendance du politique par rapport à la guerre ». « Parmi les ‘articles préliminaires’ de l’ouvrage figurent donc l’interdiction pour un État d’en ‘acquérir un autre’, le rejet de toute armée permanente, la prohibition de toute immixtion dans la constitution d’un autre État ». Le philosophe prolonge ces condamnations par trois articles définitifs : « La constitution des États doit être républicaine, le droit des gens suppose un ‘fédéralisme d’États libres’ et un droit cosmopolitique doit promouvoir l’hospitalité universelle » (p 60-61). La puissance émergente de cette pensée nous parait admirable. Bertrand Badie voit là « des acquis décisifs pour penser la paix, en même temps principe en soi et fondamentalement humaine ». « Le politique ne saurait recourir à n’importe quel moyen et perd sa posture d’antériorité comme Martin Luther King sut le rappeler dans sa lettre adressée depuis la prison de Birmingham, le 16 avril 1963. ‘On ne gouverne pas seulement avec des instruments : il faut y ajouter des principes’. Il s’en dégage autant de pistes pour l’avenir, précisant le contour de cette paix humanisée. On voit poindre trois directions qui vont s’épanouir à la faveur de la dernière crise montante d’un pouvoir politique qui doit faire face au tournant de ce millénaire, à l’essor de la mondialisation et à une réaction populiste aujourd’hui rigoureuse : une paix d’utilité sociale, une paix de développement social, une paix correctrice des souffrances sociales » (p 61).

 

Approcher une paix subjective

Chercher à comprendre l’Autre

Si on doit envisager la paix dans son rapport avec les phénomènes de pouvoir, combien il est important de voir comment elle s’inscrit dans le tissu des relations humaines. « La paix ne s’accomplit qu’en étant clairement pensée comme un lot commun, et compréhensible, une ‘sympathie des âmes’. Cette sympathie suppose trois attributs dont nulle paix ne peut se départir : l’intégration sociale n’est possible que si elle se conçoit dans l’inclusion, la reconnaissance et l’altérité. A ce niveau, l’affirmation et même l’attention ne sont pas décisives… La réussite dépend totalement du reçu et donc du perçu : l’intersubjectivité n’a pas été suffisamment prise en compte en relations internationales. Et pourtant ce ressentiment – qui a une force belligène et une charge si violente – nait de la réaction de l’Autre, dont nous dépendons alors totalement. L’art de la paix, ici, est clair et précis : savoir créer la confiance chez l’Autre, savoir gérer et guérir sa méfiance » (p 70-71).

« Rien n’est possible sans l’inclusion. Si le mot de la paix est l’intégration, celle-ci suppose non seulement une véritable universalité, mais aussi le sentiment partagé d’une universalité réellement accomplie » (p 71). Bertrand Badie met l’accent sur l’importance du ressenti. Ains, « le monde occidental a pu concevoir la plus belle des universalités, mais celle-ci devient source de tension si elle n’est pas reçue partout comme telle ». Par exemple, si « la Déclaration universelle des droits de l’homme est profondément respectable », elle peut susciter des réserves parce qu’elle a été élaborée par une commission de rédaction composée de personnalités de haute probité, mais appartenant toutes à la civilisation occidentale (p 72) ; « Cette universalité, incertaine et incomprise, se retrouve dans l’ordinaire des relations internationales contemporaines. Le sens et l’importance de la décolonisation n’ont jamais été admis, ni intégrés. De nouvelles exigences sont apparues comme « intégrer dans le nouveau jeu mondial des cultures qui rompaient avec l’homogénéité de l’Europe moderne, mais aussi de nouveaux acteurs revendiquant le droit à la co-gouvernance du monde et un accès égal à l’élaboration des normes internationales » (p 74). L’inclusion requiert également l’égalité des genres. « L’idée mit du temps à cheminer dans un univers où le couple ‘guerre et paix’ était partout teinté de masculinité ». Des résolutions du Conseil de sécurité ont finalement reconnu la présence des femmes (p 75). Être reconnu est une aspiration humaine fondamentale. Sur le plan collectif, sur le plan politique, « la reconnaissance d’État a été conçue comme un procédé juridique consistant à accepter que naisse, sur l’échiquier mondial, une situation de souveraineté applicable à un territoire, un peuple, des autorités constituées. Elle prend tout son sens si elle est multilatérale, et non le résultat d’une volonté individuelle et unilatérale d’un seul État ». (p 76) Cependant, ce processus juridique et institutionnel présente des limites ; « La reconnaissance subjective va bien au-delà » (p 77). Elle requiert le respect et implique un principe d’égalité comme le met en exergue la Charte des Nations Unies, l’application duquel étant par contre limitée comme en témoigne l’étroitesse du Conseil de sécurité. C’est là que Bertrand Badie engage son analyse des méfaits de l’humiliation. « La cause profonde des guerres, ou tout simplement des crispations vindicatives, se trouve presque toujours, et de plus en plus aujourd’hui dans l’humiliation vécue » (p 78). Les exemples abondent : la mémoire de la Chine, les conséquences du traité de Versailles, la gestion du passé colonial… Il en résulte parfois des actes de vengeance terribles. Bertrand Badie précise cependant une distinction nécessaire entre « l’humiliation comme perception individuelle ou collective structurant les schémas de pensée, et l’humiliation comme stratégie, récupérée et exploitée par les entrepreneurs politiques » (p 79). L’humiliation peut avoir des conséquences variées comme être source d’une rage destructrice. « Croire que la paix n’est que ‘celle des diplomates et des soldats’ risque de nous faire passer à côté des dangers essentiels : son art est de plus en lié à la reconnaissance d’un Autre collectif, à la capacité de retenir les peuples avant qu’ils ne sombrent dans l’humiliation, à l’aptitude à gérer les émotions collectives des sociétés voisines et encore plus de celles qui sont éloignées » (p 82). Bertrand Badie invite à « assumer un principe d’altérité comme l’exigence de compréhension qui en dérive » (p 82). Il identifie ‘des postures belligènes’ et pose une vision contrastée : « l’humanité unique a dû faire face à une diversité d’expériences qui a conduit à une pluralité de sens et de compréhension de l’histoire. Cette pluralité construit l’identité. Elle doit être à tout prix respectée jusqu’à en faire une pièce maitresse de l’art de la paix. C’est en y manquant que la plupart des conflits ont fait souche » (p 85). Pour ce faire, trois questions doivent dominer nos démarches analytiques et relationnelles. D’abord, comment l’Autre perçoit-il le contexte que je partage avec lui ? Ensuite comment intellectuellement a-t-il une compréhension du même contexte, enfin comment pense-t-il que j’interprète sa proptre perception ?… Aujourd’hui, la réponse à ces trois questions ne facilitera la paix que si elle mobilise l’art de l’anthropologue, de l’historien et du linguiste… » (p 86). La paix requiert la prise en compte d’un « entrecroisement de sens » (p 77).

 

Construire une paix systémique

Penser la paix comme un tout.

En regard de l’histoire classique européenne, la guerre a changé de visage. « La guerre a perdu son évidence d’antan ». « La guerre est devenue un jeu complexe et multiforme, affectant d’innombrables acteurs et de multiples fonctions sociales dont l’Etat a le plus grand mal à conserver le monopole. Elle implique une pratique nouvelle de la paix, mobilise tant d’efforts inédits et de ressources variées qu’elle ne dépend plus d’une simple mobilisation entre acteurs princiers. La guerre du Sahel, celle d’Afghanistan et du Yémen, celle qui ensanglante le Congo (RDC) depuis si longtemps ne s’éteignent pas comme la guerre de Trente Ans, sous l’effet d’une transaction diplomatique : cette paix insolite qui suppose maintenant moult concours devient ainsi par sa nature protéiforme, une « paix systémique » (p 92).

La plupart des nouveaux conflits sont ‘d’essence intra-étatique’. « La paix est aujourd’hui principalement défiée par une trop grande faiblesse et parfois une simple disparition du contrat social » (p 94).

« Ces conflits intra-étatiques dérivent très souvent vers leur internationalisation, mais il reste que l’origine de la déstabilisation se trouve dans une crise intérieure qui rend la construction de la paix solidaire d’une redéfinition, voire d’une réintégration complète, des relations entre citoyens » (p 94). L’auteur décrit de nombreuses situations où s’affrontent de nombreux acteurs locaux. « Il est clair, dans ces conditions, que le pari de la paix suppose que ses promoteurs parviennent à toucher, prioritairement et de manière sensible, tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale de manière à créer un scénario d’intégration suffisamment crédible et attirant pour l’ensemble des parties. Il faut même faire en sorte que l’acte d’intégrer paraisse plus rémunérateur que celui de combattre » (p 101). Bertrand Badie prône ‘une paix systémique’. « Plus que jamais, cette idée de paix actualisée se rapproche de celle de l’intégration » (p 107). Finalement, « la priorité est de viser la reconstitution du lien social à la base même du jeu social en crise. Tant que celui-ci sera incertain (ou inexistant), les ferments de conflictualité auront libre cours. Si ce lien se construit, il peut favoriser une dynamique de confiance allant du bas vers le haut, entrainant peu à peu le mieux-être institutionnel par la force du mieux-être social » (p 108). « Il s’agit, pour gagner, de privilégier le local, vraie base de reconnaissance, de l’aide visible, de la réinvention de l’autorité légitime, et l’expérience des bienfaits de la coopération : en un mot, vrai laboratoire d’une paix réelle et non pas manipulée. Une telle orientation donne une part importante de responsabilité aux formes diverses de coopération décentralisées, aux ONG, aux agences multilatérales ou à celles qui sont perçues comme distinctes des politiques de puissance, dans le respect évident de la souveraineté de chaque état concerné. Cette socialisation locale constitue le point de départ de la réinvention inéluctable des États nationaux grossièrement importés » (p 108-109).

 

Inventer une paix globale

Un terrain désormais planétaire

Il y a bien une vision nouvelle. Face aux privilèges des États nationaux, une conscience mondiale apparait peu à peu se manifestant dans des organisations internationales de la Société des Nations à l’Organisations des Nations Unies. Bertrand Badie incite à stabiliser une paix institutionnelle, à savoir trouver de justes normes universelles. « On ne saurait transcender les particularités et les rivalités autrement qu’en insérant les acteurs – et tout particulièrement les États – dans un ensemble de codes et de chaines organisationnelles qui stabilisent leurs rapports et donc permettent le maintien d’une paix durable (p 137). Certes, on peut observer une résistance des souverainetés. L’auteur plaide pour le multilatéralisme. De nouveaux chemins se cherchent tels qu’un ‘multilatéralisme social’ destiné à donner de nouvelles chances à la paix en contournant le souverainisme étatique, offrir davantage d’effectivité aux agences onusiennes qui travaillent au quotidien sur les tissus sociaux, engageant les ONG dans leur sillage. C’est une sorte de dynamique par le bas… » (p 143). Le lecteur pourra suivre dans ces chapitres les politiques proposées par Bertrand Badie pour ‘réinventer une éthique multilatérale, réformer la notion de sécurité, prévenir le conflit plutôt que le guérir’.

Ce livre de Bertrand Badie nous introduit dans une vision nouvelle des relations internationales. A une époque où retentissent les bruits de guerre et où la paix nous apparait comme un bien d’autant plus précieux qu’elle nous parait menacée, il est bon d’entendre Bertrand Badie nous expliquer que la valeur primordiale de la paix s’est à peu imposée au cours des derniers siècles alors que la guerre est longtemps apparue comme la norme dominante. Il nous introduit dans la pensée qui a concouru à imposer la paix. A ceux qui se sont distingués par leur action aujourd’hui renommée en faveur de la paix tels que Gandhi, Mandela (3) et Martin Luther King, on pourra ajouter les Églises de paix constamment engagées (4). Si on peut assister aujourd’hui à des poussées de nationalisme comme la récente élection présidentielle américaine le manifeste, ce livre nous montre un mouvement d’ensemble qui porte de nouveaux chemins de paix. Il est bon de pouvoir envisager un horizon nouveau.

J H

 

  1. Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres : https://vivreetesperer.com/une-philosophie-de-lhistoire-par-michel-serres/
  2. Bertrand Badie. L’Art de la paix. Neuf vertus à honorer et autant de conditions à établir. Flammarion, 2024
  3. Mandela et Gandhi, acteurs de libération et de réconciliation : https://vivreetesperer.com/non-violence-une-demarche-spirituelle-et-politique/
  4. Les Églises pacifistes (Société religieuse des amis ‘Quakers’, Église des frères, Mennonites…) Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Églises_pacifistes

La maladie – Les coulisses d’un sauvetage

https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn%3AANd9GcT32fkzCt_eIXZvGNcNAjXRBJ7CjYSKYVAYesttfqBtbIinT_lw&usqp=CAU
Il courait dans les médias un bruit de mort, la menace grandissait, le coronavirus se répandait, les deuils se multipliaient…

Plus fragile à mon âge, 89 ans déjà, le prudence était à l’ordre du jour. Je reportais une visite médicale à Paris ; ce fut un choix strict dans les rencontres de la semaine. Cependant un dimanche après-midi une poussée de fièvre se déclara.

La réponse du 15 fut prudente et le médecin me confirma dans cette prudence. Cependant le mal persistait et la fatigue gagnait. De Londres, où il résidait, mon fils, sensible à l’étrangeté de la situation, demanda à mon médecin de passer me voir, ce qui ouvrit un premier traitement. Mais la fatigue s’amplifia ; une forme de langueur s’installa.

Je descendais la pente sans en avoir bien conscience ; une voisine, amie de longue date, fut attentive, eut le courage d’intervenir et tira l’alarme. Le médecin arriva et déclencha une hospitalisation d’urgence.

 

Le choc

Et donc, en ce début d’après-midi des ambulanciers m’emmenèrent ; je me retrouvai dans une ambulance dont on ferma le capot. Destination : l’hôpital d’Antony.

Nous attendîmes à l’entrée ; le froid était glacial. J’ai souvenir de m’être ensuite retrouvé au chaud dans un lieu accueillant. Un masque à oxygène fut ouvert ; il distribua à forte dose le fluide de vie (18 litres). Nouvellement alité j’entrai dans une douce tranquillité. Une nuit passa. Le lendemain mon fils ayant pris la décision de me rejoindre dans la situation périeuse où je me trouvais, arriva de Londres.

Ma vie était en danger ; le pronostic vital était engagé. Les médecins ne cachèrent pas à mon fils la gravité de la situation. Cependant le vent tourna du bon côté ; quelques jours après je fus transféré dans une clinique/hôpital Les Tournelles à la Hay les Roses où le traitement fut allégé.

 

L’hôpital

Le traitement s’est poursuivi dans cet hôpital. De longues journées émaillées d’interventions ponctuelles : soins, médicaments, repas. L’organisation est régie par la division du travail ; à chacun sa tâche. Les relations sont limitées ; parfois elles s’élargissent grâce à une personne bienveillante, une « bonne personne ». La doctoresse apporte une dynamique d’encouragement. Finalement j’ai appris ma guérison. Libération !

Au terme de ce parcours, suite aux effets de la maladie, les forces physiques manquent. Le passage par une maison de repos s’impose ; la lutte se poursuit. Merci à ceux qui m’y accompagnent.

 

Sauvetage dans les coulisses

Si aujourd’hui la lutte pour regagner la vie normale se poursuit, ce récit n’en témoigne pas moins d’une échappée à une menace de mort très présente pendant quelques jours.

Quand mon fils arriva précipitamment à Antony et accéda à l’hôpital, les médecins lui parlèrent d’une situation désespérée. Mon fils dit à son papa, lui-même inconscient du danger, des paroles mobilisatrices. Pour me parler dans un contexte d’interdiction, il avait quasiment forcé le passage. Ensuite, durant la longue poursuite du traitement, sa présence a été une condition sine qua non dans la persévérance de l’effort de vie. Dans ce scenario, une autre personne a joué un rôle capital ; c’est une voisine amie de longue date et donc au courant de mon évolution, qui me voyant m’enfoncer dans une grande faiblesse, a eu le courage d’appeler le médecin à mon sujet. Celui-ci m’a hospitalisé d’urgence. Il était déjà très tard, le pronostic vital était engagé ; le vent a bien tourné.

D’une manière assez surprenante, la nouvelle de mon hospitalisation s’est très vite répandue. Quelques personnes en relation fréquente avec moi avaient remarqué mon affaiblissement dans les derniers jours ; elles s’alarmèrent lorsque le téléphone ne répondit plus. Elle prirent contact avec des amis pour avoir de mes nouvelles. L’une d’entre elles eut même l’initiative de rechercher sur l’annuaire l’adresse des médecins proches et eut ainsi la chance de pouvoir téléphoner à mon médecin traitant. J’ai su ensuite également les prières qui se sont exprimées à mon intention. Toutes ces interactions psychiques qui m’étaient favorables, ont certainement joué un rôle positif dans l’épreuve que je traversais.

Mon fils a même organisé un réseau d’information sur WathsApp, Dad’s army (l’armée de Papa), riche en expressions d’amitié et de souvenirs communs.

Cette épreuve a été une longue marche. Si tant d’amis ont participé de près ou de loin à cette effervescence salvatrice, je veux mentionner également ceux qui tout particulièrement ont joué un grand rôle dans le maintien de ma persévérance ; ce sont les amis qui m’ont accompagné au téléphone dans l’écoute, un partage de vie et de motivation, un temps de prière ; grâce à eux j’ai pu maintenir le cap. Ajoutons notre reconnaissance vis à vis des personnels hospitaliers qui ont permis cette guérison.

Dieu a été là ; il s’est engagé à travers toutes ces initiatives. Si cela peut prendre des formes et des expressions différentes, « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ». Sauvetage dans les coulisses, c’est un enseignement sur la puissance de l’entraide et sur notre responsabilité commune.

JH

Le plaisir de la communication

L’expérience d’une orthophoniste.

 

Marie a fait des études de lettres, puis une formation spécialisée. Elle exerce depuis six ans la profession d’orthophoniste dans le département de la Réunion.

 

Comment et pourquoi s’est-elle orientée vers cette activité ? « Au départ, je voulais être professeur de français. En étant surveillante en lycée, je me suis rendu compte que la dimension de groupe ne me permettait pas de développer suffisamment une relation approfondie telle que cela est possible dans une communication individualisée. Et j’avais toujours un désir de participer à une activité soignante, par exemple sage-femme. Par ailleurs, les activités que j’avais développées personnellement m’amenaient naturellement à des études d’orthophoniste. J’avais appris la langue des signes telle qu’elle est utilisée dans la communication avec les sourds. Je participais à une chorale. J’étais donc sensible à toutes les formes d’expression et de communication. Je cherchais un travail qui réponde à un véritable besoin et me permette de me sentir ainsi utile ».

 

Marie s’est donc engagée dans des études nouvelles dans une école d’orthophonie. Ses études en lettres avaient duré quatre ans et voici qu’elle se trouvait en situation d’étudier à nouveau pendant quatre ans. A vue humaine, cette perspective d’un engagement aussi long lui paraissait particulièrement lourd. Marie nous dit à ce sujet que « Dieu m’a donné des forces nouvelles par rapport à cette épreuve et il a aplani le chemin ». Très vite, elle a été enthousiasmée par  la découverte de ce champ d’étude. Elle en a apprécié la diversité : « Cela touchait au domaine médical spécialisé comme la neurologie, la voix, mais aussi les apprentissages scolaires comme la lecture, le langage oral. Je découvrais aussi toutes les formes de communication permettant de remédier aux difficultés que rencontrent différents groupes : les sourds, les autistes… Il y avait aussi le rapport avec des groupes d’âge très variés, du nourrisson à la personne âgée ».

 

Marie exerce maintenant la profession d’orthophoniste dans un cabinet libéral. Son public est très diversifié. Une bonne partie de son travail consiste « à valoriser ce qui fonctionne déjà chez les personnes pour pallier aux difficultés qu’elle peut rencontrer. Cette approche va à l’encontre d’une attitude répandue : pointer les manques, mettre l’accent sur ce qui est anormal, sur ce qui ne va pas ». Au contraire, nous dit Marie, « J’ai pris conscience que j’agissais ainsi dans l’esprit que j’ai découvert dans l’Evangile. Lorsque Jésus guérissait les malades, il ne pointait pas leurs handicaps et leurs péchés, mais il s’appuyait sur ce qu’ils avaient : une grande foi. Et, à partir de cette foi, il pouvait faire quelque chose ». Ce n’est pas toujours facile. « Par définition, je prends en charge des gens qui ne sont pas dans la « norme ». Ensuite, c’est à moi de partir de leur potentiel et de développer ce potentiel. Je vois des changements s’opérer, parfois au- delà de ce que je pouvais imaginer.

Par exemple, je pense à un enfant de trois ans qui n ‘avait aucune communication et qui, après six ans de travail en commun avec la maman, est capable aujourd’hui de commencer à lire, de faire des blagues et de prendre du plaisir à parler.

J’ai aussi dans ma « patientèle », un adulte tétraplégique qui ne peut bouger que son visage et pas le reste du corps. Au départ, il n’arrivait pas à se faire comprendre en parlant. Et maintenant, on arrive à avoir une conversation avec lui.

Je travaille aussi avec un jeune garçon qui, en CM2, ne savait pas lire. J’ai fait avec lui un travail très intense en partant de ce qui l’intéressait : des histoires, des personnages,un jeu, et maintenant, il sait lire et il peut se débrouiller dans un magasin.

La plupart du temps, on ne parvient pas à atteindre la « norme » idéale, mais on réalise un objectif tout à fait essentiel : l’évolution personnelle vers le développement du langage et de la communication ».

 

Marie nous parle des exigences de ce travail. Elle évoque un verset du Nouveau Testament auquel elle se reporte constamment : « Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler et lent à se mettre en colère » (Epître de Jacques 1.19). « C’est une activité qui demande de l’écoute, de la patience ». Elle est inspirée également par un autre verset : « C’est dans le calme et la confiance que sera votre force » (Esaïe 30.15) ». «Parfois, on ne voit pas les résultats tout de suite, mais il faut garder confiance en sachant qu’il y a un potentiel chez le patient et que Dieu est à l’œuvre ». Marie est heureuse de voir ainsi « des gens s’épanouir dans la relation à l’autre ».

 

Contribution de Marie Ménigoz.

Ô toi, l’au delà de tout !

Émerveillement, contemplation, adoration : un chant de Taizé .

A travers le web, nous pouvons partager nos découvertes, mais aussi, nous entretenir à leur sujet. Une amie, m’ayant fait parvenir une vidéo rapportant un chant de Taizé,  je l’ai fait connaître autour de moi . Une réponse : « c’est vraiment magnifique et le  diaporama est très beau ».

Effectivement, les paroles de ce chant nous appelle à la méditation, à la contemplation, à l’adoration.

 Ô toi, au delà de tout,
Quel esprit peut te saisir ?
Tous les êtres te célèbrent,
Le désir de tous aspire à toi.

 En quelques mots, ce chant exprime une inspiration puisée dans les psaumes . Cette strophe, répétée dans une mélodie harmonieuse, inspire et accompagne notre pensée.

Cependant, ce chant est, de plus, accompagné par un diaporama. Alors que d’autres chants sont accompagnés par des images directement connotées par une pratique religieuse, nous trouvons ici une évocation beaucoup plus large. Il y a une grande harmonie entre le chant et les images qui se succèdent.

Ces images renvoient d’abord à l’environnement naturel de Taizé : une eau vive, des fleurs, des papillons… Une trouvaille : le chant s’inscrit dans le cycle d’un jour, de l’aube à l’arrivée de la nuit. C’est pour nous un signe de paix et d’harmonie

Au cœur du diaporama, apparaît un bas-relief qui nous montre une procession en marche vers la nativité. Ainsi, dans cette évocation d’un Dieu qui nous dépasse, il y a le rappel bienvenu de la venue de Jésus à Noël . Et  Jésus manifeste concrètement la présence de Dieu, et nous le révèle comme un bon père.

Enfin, pendant une longue séquence filmée, nous voyons apparaître les visages de ceux qui participent à cette célébration chorale : visages divers dans les expressions et les attitudes puisqu’on voit de temps à autre un jeu d’instrument de musique. A travers ces visages, nous entrons dans une communion d’esprit.

Ainsi, le chant et le diaporama s’allient pour nous faire entrer dans une harmonie : émerveillement, contemplation, adoration.

 

J H