« Blueturn » : la terre vue du ciel Selon Jean-Pierre Goux
Nous avons de plus en plus conscience du caractère exceptionnel de cette terre qui accueille notre humanité et qui est maintenant notre « maison commune » (1). Les photos de la terre vue du ciel participent au développement de cette vision. Dans une intervention à la rencontre FED X Vaugirard Road 2016 sur le thème : « Penser l’invisible », Jean-Pierre Goux nous présente un parcours de près de vingt ans dans lequel il a milité pour une meilleure visibilité de ces photos : « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue » (2). En découvrant combien le regard sur cette planète peut être chargé d’émotion et porter un potentiel de grâce et d’amour, on suit avec passion l’aventure de Jean-Pierre Goux d’autant plus que celui-ci la retrace avec beaucoup d’humour et d’émotion.
Pour commencer, Jean-Pierre Goux nous présente une photo de la terre vue du ciel dans sa globalité. « Vous avez tous vu cette photographie au moins sur la couverture de vos livres d’histoire, et sans doute bien ailleurs, car cette photo est la plus reproduite de toute l’histoire de l’humanité. Pourquoi ? Elle est unique. C’est la seule qu’on ait de la terre toute éclairée ». Ou, du moins, c’est la seule qu’on avait jusqu’à l’année dernière. « En effet, elle a été prise en 1972 par les astronautes de la mission Apollo 17, la dernière des missions Apollo. Dans les missions précédentes, la terre n’était jamais complètement éclairée. Elle s’appelle : « Blue marble ». Donc c’est la première photo qu’on a eu, mais c’est aussi la dernière ».
C’est une photo qui a tout changé, nous dit Jean-Pierre Goux. « Pour la première fois , l’humanité voyait sa maison. Elle découvrait que la terre était ronde. On le savait. On nous l’avait dit. On en qavait la preuve. Cette photo nous a aussi fait comprendre que notre planète était magnifique, mais qu’elle était aussi fragile, perdue dans une identité noire et lugubre. Elle nous adonné envie de la protéger. Cette photo a démarré un mouvement qu’on appelle la conscience planétaire. Elle est intervenue en 1972 quand les problèmes environnementaux devenaient globaux et a contribué au développement du mouvement écologiste. Malheureusement, les effets de cette photo se sont estompés avec les décennies ».
J P Goux nous raconte alors comment il en est venu à s’interroger personnellement sur cette photo. « Mon histoire avec la terre a démarré, il y a une vingtaine d’années, en 1996. Un ami d’école d’ingénieurs, qui faisait un stage à l’aérospatiale, m’offre un livre qui a changé ma vie. Je n’imaginais pas à l’époque qu’il allait m’emmener aussi loin. Ce livre, il s’appelait : « Clairs de terre ». Il a été édité par l’association des « explorateurs de l’espace » (une association des anciens astronautes). En feuilletant ce livre, j’ai vu des photos de la terre vue de l’espace, à couper le souffle. Mais ce qui m’a surtout intrigué, c’étaient les textes qui étaient à côté de ces photos. C’étaient des citations d’astronautes d’une poésie extraordinaire qui semblaient avoir été saisis par la grâce, mais surtout par un amour que je n’avais jamais autant vu pour la terre. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à exploiter pour changer les choses et rendre le monde meilleur… ». Ainsi, pendant des dizaines et des dizaines de citations, on voit des hommes et des femmes de toutes nationalités manifester un amour incommensurable pour la terre. Quelque chose paraissait les avoir touché. Cet effet a été étudié et porte le nom d’ « overview effect » (3). Il a été montré scientifiquement que l’effet combiné de l’apesanteur, de la peur, du silence, et de l’exposition au grand large de la terre tournant avec un rythme lancinant, crée toutes les conditions pour une expérience mystique, extatique, une expérience qui a marqué à vie ceux qui l’ont vécue. Ces astronautes étaient persuadés que la terre est un être vivant, interconnecté et qu’il fallait absolument le préserver… Le seul problème, c’est qu’il n’y avait que 500 personnes qui avaient vécu cette transformation !!!
A cette époque, Al Gore était vice-président des Etats-Unis, très investi dans l’écologie. En 1998, deux mois après le protocole de Kyoto, et se demandant comment sensibiliser les gens au défi du changement climatique, « Une nuit, inspiré par « Blue marble » et ce que cette photo avait changé quand il était plus jeune, il eut le rêve d’envoyer une sonde dans l’espace pour filmer la terre en temps réel et diffuser les images sur internet pour que les gens voient le visage illuminé de Gaïa ». En réponse, la Nasa s’engagea dans ce projet.
« Le problème, c’est que pour avoir ces images, c’est très compliqué parce que, si vous voulez avoir en temps réel des images de la terre complètement éclairée, il faut être sur l’axe terre-soleil, parce que c’est le seul axe où la terre est complètement éclairée. Si vous êtes trop près du soleil, la force du soleil vous attire. Si vous êtes trop près de la terre, la force de la terre vous attire. En fait, il n’y a qu’un point qui correspond entre les deux, le point de Lagrange L1 où les deux forces s’annulent. Mais il est à 1,5 million kilomètres de la terre. La Nasa a relevé le défi et construit un satellite adéquat. Cependant Al Gore ayant été défait aux élections présidentielles américaines en 2000, le projet fut interrompu par le nouveau pouvoir politique. Jean-Pierre Gout, alors chercheur mathématicien aux Etats-Unis, fut profondément déçu, car il attendait de cette initiative un renouveau de la sensibilisation à la conscience planétaire. Mais il ne perdit pas confiance et continua à suivre les évènements. En 2013, il découvre que l’administration Obama relance le projet sous une autre forme. C’est le projet « Discovr ». L’exécution est confiée à la firme « Space X ». En juin 2015, le satellite atteint sa destination. Et, en septembre 2015, un site web commence à diffuser des photos de la terre au rythme de 10 à 20 photos par jour. Cependant cette performance n’est pas vraiment mise en valeur. « Personne n’a parlé de ces photos. Personne ne les a utilisées. Aucun « overview effect » n’a été déclenché. Un grand désarroi m’a habité. Tout ça pour ça ! ».
Et puis, à nouveau, Jean-Pierre Goux est inspiré. Il prend contact avec un ami, le même qui lui avait passé le livre : « Clairs de Terre ». Cet ami accepte de travailler avec lui, via internet « On a passé des nuits à voir ce qu’on pouvait faire avec ces images , via internet. Un soir : eurêka ! Si on disposait plusieurs images de la terre prises sous différents angles et qu’on les projetait sur une sphère en les interpolant, on devrait pouvoir créer cette fameuse vidéo à laquelle j’aspirais. On y a travaillé plusieurs nuits et, un soir, on a vu la terre tourner pour la première fois devant nos yeux. On était émerveillé ! ».
Les deux chercheurs ont décidé de tester les réactions des gens. Ils ont mis la vidéo sur internet et ils l’ont taggée : la Nasa. « Quelques heures après, on a reçu un mail de la Nasa qui nous félicitait en nous demandant comment on avait réalisé cette vidéo : Quand on a été en contact avec le responsable de la mission « Discovr », cela a été pour nous un des moments les plus forts de notre parcours… ».
Jean Pierre-Goux a réalisé son rêve et nous le communique. « Ce rêve, c’est qu’on s’approprie tous ces images en partageant le sentiment d’un bien collectif qu’on doit protéger. On a créé un projet : « Blueturn » (le tournant bleu) et sur le site : blueturn.earth (4), on peut trouver toutes ces images, toutes ces vidéos. Avec ces images, on espère générer un nouvel enthousiasme autour de cette planète et surtout des projets artistiques, méditatifs et éducatifs inédits. On espère que ces projets pourront plonger chacun de nous dans un « overview effect » et nous amener au prochain niveau de conscience planétaire. Quand les astronautes de la mission Apollo 17 ont pris la photo « Blue marble », ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Nous non plus. Ces images sont les vôtres. A vous de jouer ! ». Nous participons à ce mouvement.
(2) « Voir la terre comme vous ne l’avez jamais vue ». Talk de Jean-Pierre Goux au colloque : « Penser l’invisible » organisé par Ted X Vaugirard Road. 13 juillet 2016 https://www.youtube.com/watch?v=Boe8F09OvWI
A travers ses recherches et les livres dans lesquels celles-ci sont exposées, Britt-Mari Barth propose une nouvelle manière d’enseigner. Mais, en quoi les pratiques traditionnelles deviennent-elles aujourd’hui contre productives ?
Les pratiques traditionnelles deviennent contreproductives dans ce sens qu’elles ne prennent pas en compte ce qu’on sait aujourd’hui sur la façon dont on apprend. Traditionnellement, le savoir est conçu comme un « contenu » qu’on expose à des élèves qui doivent écouter passivement et prendre des notes – pour ensuite mémoriser ce contenu – on présuppose que c’est la clarté du l’exposé qui compte. Si le « message » est clair (cf le schéma de la communication de Shannon) et si l’élève est attentif et écoute, il devrait apprendre. Dans cette approche , c’est le message qui compte, on ne s’occupe pas de la manière dont l’élève va recevoir ce message, s’il l’a compris ou pas, si cela fait sens pour lui ou non. C’est comme si les mots étaient le sens et qu’il suffit de les apprendre pas cœur pour avoir « appris ». Mais pour apprendre, il ne suffit pas de mémoriser des réponses, il faut comprendre le sens – et cela demande une autre approche pédagogique. La compréhension et la capacité d’agir avec le savoir devient d’autant plus important que nous prenons conscience des défis nouveaux qui marquent notre temps. Tous les futurs citoyens ont besoin de comprendre les enjeux de la société aujourd’hui. L’information est disponible par un simple clique, mais les élèves ont besoin de savoir faire des liens, de comprendre et de poser les bonnes questions, de localiser et de choisir l’information pertinente, de la vérifier,de s’en servir… Il s’agit là des capacités intellectuelles qu’on doit apprendre et s ‘exercer à mettre en oeuvre à l’école.
Britt-Mari Barth a un parcours original, puisque de nationalité suédoise, elle est venue s’installer en France. Mère de trois enfants en âge scolaire, elle a porté un regard neuf sur l’enseignement français. A partir de là, elle a commencé à imaginer une pratique innovante.
Justement, je voulais inviter les élèves à participer à des activités qui les incitaient à réfléchir, à chercher à comprendre, à participer à des interactions, à trouver un intérêt à cette recherche de sens, un peu comme des chercheurs le font… Pour cela j’ai conçu des « scénarios », qui peuvent se comparer à des jeux de société, avec des règles qu’il faut suivre pour atteindre le but. Ces scénarios proposent une activité à laquelle les élèves participent, en collaboration avec les autres, pour produire quelque chose qui a du sens pour eux. L’activité doit avoir un début et une fin, offrir quelque défi, sans être trop difficile. Il faut que les élèves comprennent le but de l’activité, et qu’ils sachent que l’enseignant est là pour les aider en cas de besoin et qu’on a le droit à faire des erreurs. En expérimentant ces scénarios en classe, on pouvait remarquer que non seulement les élèves apprenaient mieux – ils comprenaient le sens de ce qu’il fallait apprendre – mais ils y prenaient plaisir ! Du coup, ils s’en souvenaient mieux et pouvaient mieux se servir de ce qu’ils avaient appris – et ils prenaient confiance en leur capacité d’apprendre.
Britt-Mari Barth est devenue progressivement chercheur en pédagogie. Elle en est venue à proposer une nouvelle approche pédagogique. Quelles en sont les caractéristiques ?
En observant ce qui se passait en classe, j’ai voulu mieux comprendre les raisons de cette « réussite » : quelles étaient les conditions mises en œuvre qui avaient favorisé les apprentissages ? J’en ai trouvé cinq , qu’on pourrait appeler les « points incontournables » pour l’enseignant afin de guider les élèves vers la co-construction du sens.
Les deux premières conditions se trouvent en amont de « la leçon ». Elles soulignent l’importance de bien définir le savoir à enseigner et ceci en prenant en compte la façon dont les élèves doivent faire la démonstration de leur compréhension. Apprendre quoi ? Pour faire quoi ? L’enjeu pour l’enseignant est de ne pas avoir une conception trop statique du savoir, sous forme d’une définition abstraite, mais de savoir le transformer en des situations qui le rendent vivant, qui donnent accès au sens. Pour cela, il faut des situations ou des exemples vairés, permettant à chacune de cibler le sens. Tous les savoirs peuvent s’exprimer dans des formes et des langages différents, il s’agit de multiplier et de varier ces formes selon le contexte et le but recherché. Ces situations du savoir-en-action véhiculent le sens d’une façon plus directe que des explications abstraites. Les situations-exemples sont donc une entrée pour se familiariser avec un contenu abstrait. Des contre-exemples, par leur contraste, peuvent aider à cerner, limiter le sens. Car, in fine, il s’agit de pouvoir exprimer le sens avec les mots justes – mais le sens n’est pas un déjà-là. Il faut que chacun le construise.
La troisième condition souligne l’importance de solliciter l’intention d’apprendre des élèves. Le rôle de l’enseignant est ici essentiel. C’est son propre engagement et son invitation aux élèves à relever un défi qui vont d’abord leur donner envie de se lancer dans les activités proposées. Mais les élèves ont également besoin de se sentir en sécurité lors des situations d’apprentissage, de savoir que l’enseignant est là pour les aider. Cette attitude, ou posture de l’enseignant est au cœur de l’approche et les « scénarios pour apprendre » sont conçus dans cet esprit. La motivation peut alors se construire au fur et à mesure que le travail avance et que les élèves y trouvent un sens personnel.
La quatrième condition met au centre la façon dont l’enseignant sollicite, guide et accompagne la réflexion des élèves. Il le fait en leur proposant de bons supports pour la pensée – avec quoi et avec qui les élèves vont-ils penser ? … C’est dans l’espace même de l’activité réflexive et du dialogue que le sens s’élabore, l’attention des élèves étant guidée par le choix et l’ordre des exemples, par le contraste des contre-exemples, par les questions et l’écoute de l’enseignant. L’incitation systématique à justifier sa réponse oblige à anticiper la cohérence de ses propos et invite à l’argumentation. On n’est plus uniquement dans un « monde sur papier », un monde abstrait, mais dans une activité collective qui conduit à relier – dans un aller-retour continu – la connaissance abstraite à son référent concret. On passe par les expériences contextualisées pour les insérer dans une unité plus large qui lui donne sens.
Progressivement, les élèves comprennent que ces « outils de pensée » sont valables dans d’autres situations. Ce qui nous amène à la cinquième condition.
La cinquième condition nous mène vers la métacognition. Celle-ci consiste à faire un retour réflexif sur sa pensée pour en prendre conscience. La métacognition a pour but d’élargir le champ de la conscience des apprenants et donc leur capacité à réutiliser ce qu’ils ont appris dans des contextes différents. Elle permet ainsi de devenir davantage conscient de ce que l’on sait, de comprendre comment on a appris, ce qui permet, progressivement, de mobiliser ses connaissances et de reproduire ces processus dans un autre contexte.
Ces cinq « points incontournables » :
– définir le savoir à enseigner
– exprimer le sens dans des formes concrètes
– engager les apprenants
– guider le processus
– préparer au transfert des connaissances
peuvent alors constituer une grille d’analyse pour guider le travail de l’ enseignant.
La recherche de Britt-Mari Barth s’est immédiatement inscrite dans une perspective internationale. Ainsi a-t-elle pu bénéficier de l’apport de quelques chercheurs réputés. En quoi cet apport a-t-il éclairé cette recherche ?
J’ai eu de la chance, dés mes débuts, de rencontrer des œuvres et des personnes qui ont guidé et inspiré mon travail. D’abord, JeromeBruner, psychologue américain, un des pionniers de la psychologie cognitive et qui a changé notre vision du développement humain. A une époque où l’inconscient de Freud était au programme dans la formation des enseignants, l’idée de la conscience , avec la métacognition (revenir sur sa pensée pour en prendre conscience), est venue nous surprendre. Bruner montrait l’importance de « l’attention conjointe » pour pouvoir penser ensemble et d’avoir une structure d’interaction pour guider et soutenir la réflexion. Plus tard, j’ai connu Howard Gardner qui était un des premiers théoriciens à nous faire la démonstration qu’il n’y a pas qu’une seule « intelligence générale » qui fonctionne partout : on l’a ou l’on ne l’a pas, et cela se mesure en Q.I. dès l’âge de trois ans … Au contraire, il y a des « potentialités » de modes cognitifs différents et multiples, qui s’expriment dans diverses tâches ou divers contextes culturels. Il n’y a donc pas d’ « intelligence pure » qui s’exercerait hors contexte. Pour être « intelligent » dans un domaine donné, il faut apprendre à utiliser les langages symboliques qui expriment chaque domaine de savoir. D’où l’importance de bien les enseigner. Par ailleurs, chaque intelligence peut être mobilisé dans un large ensemble de domaines. Cela invite à varier les activités et le contextes jusqu’à ce qu’on ait atteint un « terrain commun » d’où le sens peut émerger . Ce dernier point me semble très important et c’est le biologiste Francisco Varela qui m’a permis de bien le comprendre. Il montre que chaque personne a une structure cognitive interne qui se développe de façon autonome, il faut donc respecter cela si l’on veut amener un élève à changer de « structure », de compréhension…
Les propositions de Britt-Mari Barth intervient à une époque où les représentations et les comportements changent constamment. En quoi cette nouvelle manière d’enseigner répond-elle au changement dans les mentalités ?
Nous sommes beaucoup plus conscients aujourd’hui du besoin des interactions pour apprendre. Nous n’apprenons pas seuls, nous apprenons par interaction, avec les autres et avec les « outils de pensée » que notre environnement nous rend accessibles. Cela se remarque d’autant plus aujourd’hui que nous vivons une mutation technologique, une révolution portée par le numérique, une « « culture multi-média ». Issus de cette « cyberculture », qualifiés de « digital natives », les élèves ont également changé et ils ne viennent plus à l’école avec les mêmes attentes – et l’école ne peut plus l’ignorer. Ils sont experts en nouvelles technologies et ils ont l’habitude d’être en communication constante sur les réseaux sociaux. Il y a un rapport nouveau au savoir et à l’apprentissage, élèves et professeurs ont accès aux mêmes informations. Les mutations actuelles de notre société laissent penser que la nature de l’enseignement et de la formation va être amenée à changer radicalement. Cela ne veut pas dire que l’école est moins indispensable qu’avant, mais les rôles des enseignants et des élèves ont changé. Les propositions que j’ai faites vont dans ce sens, elles offrent plus de place aux élèves « d’apprendre ensemble », de participer activement à la construction de leur savoir.
Britt-Mari Barth travaille avec des professeurs innovants, mais ses livres s’adressent à tous les enseignants. Comment ses idées sont-elles reçues ?
Au fil des années, j’ai formé un grand nombre d’enseignants, y compris dans les classes. J’ai été agréablement surprise de l’enthousiasme avec lequel les enseignants ont reçu ces « outils » et les ont mis en œuvre à leur manière. Je pense que cela s’explique par le fait que quand la confiance mutuelle s’installe dans une tâche avec un but commun, un langage commun, avec des outils pertinents qui permettent une certaine prise sur la réussite de l’entreprise, cela donne une forte motivation de s’impliquer, intellectuellement et affectivement. Et ce sont là les conditions premières pour qu’un apprentissage ait lieu. Le rôle de l’enseignant change. Au lieu d’exposer son savoir, il le met au service des élèves pour qu’ils puissent construire le leur. Il devient un médiateur entre les élèves et le savoir, celui qui organise des rencontres avec ce dernier, dans ses formes vivantes, pour que tous les élèves puissent interagir avec ce savoir et entre eux. Il est à la fois l’inspirateur et le catalyseur, le modèle et l’accompagnateur… c’est un rôle plus exigeant mais plus valorisant.
Les usagers de l’enseignement : élèves, étudiants, parents, sont évidemment particulièrement concernés. Comment peuvent-ils participer à ce grand changement ?
Quand les élèves ou les étudiants deviennent plus conscients des méthodes et des outils pour apprendre, ils deviennent plus autonomes et développent une plus grande aptitude à agir. Ils se sentent plus auteurs de leurs apprentissages et peuvent devenir plus responsables – pour eux-mêmes et, pourquoi pas, pour les autres. Ils peuvent travailler entre eux, à l’aide des outils numériques, par exemple, en posant des questions… Avec une vision plus claire de ce que le savoir leur permet de faire, comme par exemple résoudre un problème, analyser une situation ou une lecture, porter un jugement sur un événement qui se passe…les apprentissages scolaires prennent plus de sens pour eux, ils peuvent en parler avec les parents qui peuvent également apporter leur pierre à ce « savoir en construction ». La diversité, au lieu d’être un obstacle, peut devenir un atout pour enrichir les connaissances.
L’enseignement joue un rôle majeur dans notre société. Quelle vision, Britt-Mari Barth nous communique-t-elle ?
Le nouveau « enseignant-médiateur » a changé la vision qu’il avait des apprenants, il ne se pose plus les mêmes questions, il ne conçoit plus son rôle de la même façon. Il ne se pose plus la question de savoir si l’on a «couvert le programme », si les élèves sont attentifs, motivés, « bons », ou non. Ses questions concernent plutôt la manière dont on peut utiliser les moyens qui existent (y compris les outils numériques) pour outiller les élèves à mieux penser et à mieux apprendre et à apprendre avec plus de plaisir : comment on peut les stimuler, leur proposer des défis, leur donner envie d’apprendre… La motivation – et la confiance en soi – conçue comme une disposition à relever des défis, prendre une initiative, ne pas craindre les erreurs, avoir de la persévérance… peut ainsi se construire. Ce n’est pas nouveau en soi, c’est ce que les « bons enseignants » ont sans doute toujours fait… Mais il faudrait devenir plus conscient de ce que fait « un bon prof », comment il s ‘y prend… dans quel but… et former tous les enseignants à se poser de telles questions et à être outillés pour y répondre.
Contribution de Britt-Mari Barth
Britt-Mari Barth est professeur émérite à l’Institut Supérieur de Pédagogie de l’Institut Catholique de Paris où elle enseigne depuis 1976 . Ses travaux s’inscrivent dans une approche socio-cognitive de la médiation des apprentissages et ont débouché sur une approche pédagogique connue sous le nom de « Construction de concepts ». Ses travaux sont exposés dans deux livres fondamentaux : « L’apprentissage de l’abstraction » et « Le savoir en construction » publiés aux Editions Retz. Britt-Mari Barth vient de publier un nouveau livre : « Elève chercheur, enseignant médiateur. Donner du sens aux savoirs » aux Editions Retz et aux éditions Chenelière, Montréal. Ses écrits sont traduits en huit langues.
Courez admirer et écouter le Grand Orchestre des Animaux. Il joue à Paris, à la Fondation Cartier jusqu’au 8 janvier 2017. On y vient en famille pour le plus grand bonheur des enfants. Ils prennent le temps de s’asseoir pour regarder de bout en bout, chaque vidéo, chaque spectacle. Ils ne veulent pas en perdre une miette.
Il y a là un hymne à la création, la création du monde, sa beauté inouïe, le respect que nous lui devons, mais aussi à la créativité géniale des scientifiques et des poètes, auteurs de cette exposition. Que penser de ces pièges à photo qu’ils ont disséminés çà et là pour capter des images insolites ?
Dès l’entrée, nous sommes accueillis par une grande fresque murale, un paysage d’animaux qui fait penser irrésistiblement aux peintures rupestres de Lascaux ou de la grotte Chauvet. Ensuite, c’est l’immersion totale dans un monde esthétique, sonore et visuel, dans un monde animal aujourd’hui menacé.
J’ai beaucoup aimé tout ce qui concerne la beauté des oiseaux, leurs vols, les parades nuptiales. J’ai aimé écouter les voix du monde vivant non humain, des voix d’animaux enregistrés. J’ai aimé leur beauté et leur diversité.
Ici, il nous est donné de contempler le monde naturel, le monde à nos yeux caché, ici dévoilé, et alors s’élève en nous un chant d’action de grâce et nous revient la mémoire des psaumes sur la magnificence de la création.
« Un désir est à la source de ce recueil : Rendre hommage à notre humanité chercheuse de chemins de vie !
Rejoindre les personnes qui se reconnaissent dans cette pâte humaine…. désireuses d’avancer !
Toucher notre sensibilité profonde, là même où elle conduit vers le cœur de soi, cet intime foyer vivant en chacun, où il pourra puiser!
A la genèse de ces œuvres, une fulgurance qui vous traverse, vous éblouit et en un instant, vous ouvre un chemin devant vous. Là, c’était le déclic suivant : Je suis de cette humanité qui marche, peine, erre, se relève,
en même temps que j’ai beaucoup reçu, de bien des personnes, de groupes et de milieux !
Je réalise alors que quelque chose en moi coule, se donne, déborde, pour d’autres! Vais-je retenir ou laisser circuler?
Ainsi est née la première peinture: «Je suis dans une chaine d’humanité».
D’autres suivront : plusieurs hommes, un à un, grandeur nature presque, par besoin de leur rendre leur dignité.
Qui voudra passer le relais ?
Hymne de tendressepour des personnesen chemin
Il y a des textes, des poèmes, comme une proposition de voix et de vécus multiples.
Les peintures sont en craies de cire et acrylique, 100×50 cm
recueil disponible : 10€ + 2e si envoi postal
…On expérimente le réel comme le Tout vivant. On se sent vivre et l’on s’émerveille de vivre … » Bertrand Vergely Retour à l’émerveillement (p10) https://vivreetesperer.com/emerveillement-un-regard-nouveau/ J H…