Une parabole qui parle au cœur

Le père généreux, selon Christine Pedotti

Qui n’a pas lu ou entendu, une fois au moins, et, pour beaucoup, maintes et maintes fois, la parabole dite du « fils prodigue », et qui, comme l’indique Wikipedia (1), a reçu bien d’autres appellations. Cette parabole fait partie des textes fondateurs qui irriguent notre culture (2). Elle a été répétée, commentée d’innombrables fois dans les églises, même si ce qu’elle dit d’un père aimant, n’a pas toujours produit ses effets.

Ainsi, il est bon d’y revenir puisque nous y recevons une parole qui sait faire passer le message d’un amour infini et libérateur. Dans nos chemins, nous avons besoin de ces ressources qui viennent répondre à nos questions et à nos aspirations. Lorsqu’il s’en présente sur le web, alors c’est une joie de les partager et de les faire connaître. Cette vidéo portant sur la parabole du fils prodigue (3), apparaît sur « Campus protestant » (4),  dans une série de commentaires du dimanche. Il nous est présenté dans la forme d’une conversation entre Antoine Nouis et Christine Pedotti. Bien connu par ailleurs pour la qualité de ses publications, Antoine Nouis (5) interroge Christine Pedotti sur sa compréhension de la parabole. Et c’est là qu’apparaît chez celle-ci une expérience de vie qui lui permet de commenter cette histoire avec une grande sensibilité. La biographie de Christine Pedotti (6) nous l’apprend, elle est à la fois, à l’écoute des êtres et à la découverte de Dieu, comme en témoigne des livres nombreux et variés : livres pour les enfants, ouvrages de spiritualité et, tout récemment, en co-animation, une encyclopédie sur Jésus. (7).

Alors, dans le commentaire de cette parabole, Christine Pedotti nous en montre la portée. Si les péripéties du fils prodigue attirent notre attention, elles mettent en valeur les attitudes du père qui peut être reconnu comme le personnage principal, un « père prodigue », un père généreux, avance Christine Pedotti.  Elle sait montrer, en sa personne, la générosité, la surabondance, la bonté inépuisable de Dieu . « Le Dieu auquel je crois est le Dieu de la surabondance, de la prodigalité. C’est un emballement du bien ».

En l’image du père, la parabole, d’un bout à l’autre, nous montre un Dieu constant dans un amour respectueux et miséricordieux. C’est la même bienveillance inconditionnelle que nous rapporte Lytta Basset (8) en décrivant la vie de Jésus. C’est la bonté incommensurable qui nous est rappelée par Michèle Jeunet lorsqu’elle évoque la fondatrice de sa congrégation. « Thérèse Couderc disait de Dieu : « Il est bon. Il est plus que bon. Il est la bonté » (9).

https://www.youtube.com/watch?v=z6wzMNXCsh8&feature=share

Ce Dieu là n’est pas un Dieu sévère qui épie les péchés et inspire la crainte. Il n’est pas non plus un Dieu lointain. Bien sûr, la vie de Jésus en témoigne. Cette parabole nous montre, à travers le père, un Dieu relationnel, constamment en désir de relation, toujours à l’œuvre pour l’entretenir et pour la réparer. Ainsi, la grâce est là. Richard Rohr évoque ainsi un flux divin, un flux d’amour constamment à l’œuvre. Jürgen Moltmann perçoit la création comme un tissu de relations (10). Ces deux théologiens évoquent Dieu en terme d’une communion trinitaire  (11). « Il n’y a pas en Dieu de façon unilatérale, domination et soumission…. Dans le Dieu trinitaire, il y a la réciprocité et l’éclairage de l’amour » (12).

Si les chrétiens reçoivent le texte biblique comme support d’une vision du monde qui leur est communiquée, à travers l’histoire, on constate que cette réception ne se fait pas sans trouble et sans comporter des dérives où l’on s’éloigne d’un esprit d’amour et de paix. Des textes comme la parabole du fils du prodigue ou celle du bon samaritain (13) nous rappellent l’essence même de la révélation divine, ce que Jésus résume en terme d’amour. Ces paraboles peuvent être lues par tous.  Elles parlent directement au cœur. Une pensée traverse le temps et vient nous rencontrer. Comme nous y invite Christine Pedotti, nous pouvons gouter la générosité, la surabondance, la bonté inépuisable de Dieu.

J H

  1. Fils prodigue : un article sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fils_prodigue
  2. Textes fondateurs présents au programme des classes de français : le fils prodigue : http://crdp.ac-paris.fr/parcours/fondateurs/index.php/category/le-fils-prodigue
  3. Evangile du dimanche : le fils perdu et retrouvé. Vidéo sur Campus protestant : https://www.youtube.com/watch?v=z6wzMNXCsh8&feature=share
  4. Campus protestant est une plateforme de réflexion prenant appui sur la pensée et la culture protestante à travers principalement des contenus vidéos. Ces vidéos constituent une ressource importante pour les cheminements chrétiens au delà des confessions : https://campusprotestant.com
  5. Antoine Nouis, exégète, pasteur et conseiller théologique à l’hebdomadaire protestant Réforme qu’il a dirigé pendant six ans, est l’auteur d’un commentaire intégral du Nouveau Testament : « Au commencement était la méditation » : http://www.temoins.com/au-commencement-etait-la-meditation/
  6. Biographie de Christine Pedotti, écrivain et journaliste : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_Pedotti
  7. Jésus. L’encyclopédie Joseph Doré Albin Michel  https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Documentation-catholique/Jesus-Lencyclopedie-Mgr-Joseph-Dore-2017-10-20-1200885814
  8. Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand : Lytta Basset. Oser la bienveillance : https://vivreetesperer.com/bienveillance-humaine-bienveillance-divine-une-harmonie-qui-se-repand/
  9. Développer la bonté en nous, un « habitus » de bonté. Michèle Jeunet commente la parabole du bon grain et de l’ivraie : https://vivreetesperer.com/developper-la-bonte-en-nous-un-habitus-de-bonte/
  10. Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Cerf, 1988 « Rien dans le monde n’existe, ne vit et ne se meut par soi. Tout existe, vit et se meut dans l’autre, l’un dans l’autre, l’un avec l’autre » (p 29).
  11. Richard Rohr. With Mike Morell. The divine dance. The Trinity and your transformation. SPCK , 2016 : https://vivreetesperer.com/la-danse-divine-the-divine-dance-par-richard-rohr/ Jürgen Moltman. Trinité et royaume de Dieu. Cerf, 1984
  12. « Il n’y a pas en Dieu, de façon unilatérale, domination et soumission, commandement et obéissance, comme l’affirmait Karl Barth dans sa doctrine de la souveraineté… Dans le Dieu trinitaire, il y a la réciprocité et l’échange de l’amour… Il n’y a pas de vie isolée.. Le concept de vie trinitaire, d’interpénétration est déterminant dans le traité écologique de la création..  ». Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. (p 30-32)
  13. Michel Serres . Darwin, Bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. La parabole du bon samaritain est conviée par Michel Serres dans une philosophie de l’histoire. https://vivreetesperer.com/une-philosophie-de-lhistoire-par-michel-serres/

 

 

 

La Pentecôte, une communion qui fait tomber les barrières

 

Participons à la communion de l’Esprit saint

La Pentecôte… à la suite de Pâques, c’est l’émergence d’un monde nouveau, c’est le partage d’un émerveillement, c’est une communion qui fait tomber les barrières… Voici un message qui nous dit : Oui, c’est possible. En Christ ressuscité, un autrement se prépare et, dès maintenant, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre et nous participons à la communion divine.

 

Dieu nous ouvre à sa communion

« La communion du saint Esprit soit avec vous tous », tels sont les termes d’une formule chrétienne de bénédiction très ancienne (2 Cor 13.13) (p 295). Jürgen Moltmann nous montre comment cette parole nous éclaire sur la dimension et la portée de cette communion (1).

« Cette communion de l’Esprit saint « avec vous tous » correspond à sa communion avec le Père et le fils. Elle n’est pas un lien extérieur seulement avec la nature humaine, mais provient de la vie de communion intime du Dieu tri-un riche en relations et elle l’ouvre aux hommes en sorte que ces hommes et toutes les autres créatures soient accueillis afin d’y trouver la vie éternelle.

 

L’Esprit œuvre dans la communauté humaine

A une époque qui commence à prendre conscience des excès de l’individualisme, Moltmann exprime l’importance du lien social.  « L’expérience de la communauté est expérience de vie, car toute vie consiste en échanges mutuels de moyens de subsistances et d’énergie, et en relations de réciprocité » (p 297). La vie de l’être humain dépend de son accomplissement comme être en relation. « Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme et qui ne peut pas être partagée, est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt. C’est pourquoi la « communion de l’Esprit saint » n’est qu’une autre expression pour désigner « l’Esprit qui donne la vie ». Par ses énergies créatrices, Dieu-Esprit crée dans la communion avec lui, le réseau des relations de communion dans lesquelles la vie surgit, s’épanouit et devient féconde. De ce point de vue, la « communion de l’Esprit saint » est l’activité de l’Esprit créatrice de communauté. La vie naît de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, là l’Esprit de Dieu est à l’œuvre. Là où nait une communauté de vie, il y a également communion avec l’Esprit de Dieu qui donne la vie » (p 298).

 

Amour et liberté

Cette vie communautaire requiert la prise en compte de la diversité. « Le concept trinitaire de la communion considère d’emblée la multiplicité dans l’unité … La vraie communauté ouvre les possibilités individuelles dans la plus grande des multiplicité… Les créatures concernées font l’expérience de la « communion de l’Esprit saint » aussi bien sous la forme de l’amour qui unit que sous celle de la liberté qui permet à chacune d’advenir à elle-même selon son individualité propre… La communion qui est au service de la vie ne peut être comprise que comme une communion qui intègre et qui réalise l’unité comme la multiplicité, et qui, en même temps, différencie et fait accéder à la multiplicité dans l’unité » (p 299).

 

Expérience de soi-même et expérience sociale

A partir d’une recherche auprès d’enfants, la spiritualité a pu être définie comme « une conscience relationnelle » (2). La pensée théologique de Moltmann s’oriente dans la même direction. « Les expériences de Dieu ne sont pas faites seulement de façon individuelle dans la rencontre de l’âme solitaire, propre à chacun, avec elle-même. Elles sont faites aussi et en même temps, sur le plan social, dans la rencontre avec les autres… Dans l’expérience de la bienveillance des autres, nous faisons l’expérience de Dieu. Dans le fait d’être aimés, nous ressentons la proximité de Dieu… L’expérience de Dieu dans l’expérience sociale et l’expérience de Dieu dans l’expérience de soi-même, ne doivent pas être opposées sous la forme d’une alternative. Il s’agit en vérité de deux faces de la même expérience de la vie, au sein de laquelle nous faisons l’expérience des autres et de nous-mêmes » (p 300).

 

Une expérience de la nature 

« Au delà de l’expérience de soi-même et de l’expérience sociale, l’expérience de Dieu devient aussi, grâce notamment à la communion de l’Esprit, une expérience de la nature, puisque l’Esprit est celui qui crée  et qui renouvelle toutes choses…. L’expérience de l’Esprit qui donne vie, qui est faite dans la foi du cœur et dans la communion de l’amour, conduit d’elle-même au delà des frontières de l’Eglise, vers la redécouverte de ce même Esprit dans la nature, les plantes, les animaux et dans les écosystèmes de la terre » (p 28).

 

Un chant vient à notre mémoire :

« Dans le monde entier, le Saint Esprit agit…

Au fond de mon cœur, le Saint Esprit agit… »

Cette action est la manifestation et l’expression d’une communion.

Participer à cette communion, c’est aussi mieux la reconnaître dans ses différents aspects. Dieu est vivant et nous appelle à vivre pleinement (3).

 

J H

 

(1)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. L’article renvoie aux paginations de ce livre.                              Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com

Le blog : « Vivre et espérer » renvoie fréquemment à la pensée de Moltmann : https://vivreetesperer.com/?s=Moltmann

(2)            Hay (David). Something there. The biology of the human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006 (Voir p 139). Voir sur ce blog : « Les expériences spirituelles » : https://vivreetesperer.com/?p=670

(3)            Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016.  Voir sur ce blog : « Dieu vivant. Dieu Présent. Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267

 

« Animal » de Cyril Dion

Quand des voix innovantes et compétentes nous ouvrent de nouveaux chemins pour un monde écologique

https://youtu.be/b0HouR6CYK4

Réalisateur du film : « Demain » (1), qui, en son temps, ouvrit les esprits à une dynamique de société participative et écologique, Cyril Dion réalise aujourd’hui un second long métrage : « Animal », qui nous éveille à la vision d’un monde fondé sur la biodiversité.

Le film réalise le projet décrit dans la page de couverture du livre correspondant : « Imaginez que vous puissiez voyager sur quatre continents pour rencontrer certains des plus éminents et des plus passionnants biologistes, climatologues, paléontologues, anthropologues, philosophes, économistes, naturalistes et activistes qui cherchent à comprendre pourquoi les espèces disparaissent, pourquoi le climat se dérègle et surtout comment inverser la tendance ». Le livre : « Animal » (2) rapporte l’ensemble de témoignages, des informations et des idées recueillies « dans une série de rencontres effectuées lors du tournage du film ».

« Pendant 56 jours, Cyril Dion est parti avec une équipe de tournage et deux adolescents très engagés, Bella Lack et Vipulan Puvaneswaran (p 17), l’une anglaise et l’autre français de parents nés au Sri Lanka. Avec Cyril Dion, ces deux jeunes ont posé leurs questions. « Faire ce voyage avec eux fut une expérience merveilleuse et bouleversante. Pour autant, dans la retranscription des entretiens, j’ai choisi de mêler nos trois voix en une pour interroger nos interlocuteurs ». « Leur présence active a permis de mieux comprendre comment leur génération aborde un double défi écologique » (p 21). Le sous-titre du livre témoigne de cette intention : « Chaque génération a son combat. Voici le notre ».

« Si le climat est devenu un sujet incontournable, une autre crise écologique sans doute aussi grave est encore largement absente des conversations et de nombreuses politiques publiques : « la destruction accélérée du vivant » (p 14). Les chiffres sont accablants. De nombreuses espèces sont menacées ou en danger d’extinction. « Notre planète se dépeuple de ses habitants non humains sauvages » (p 15). Aussi, ce livre est un manifeste en faveur de la biodiversité, en faveur de la présence des animaux. Et il s’efforce de répondre aux questions correspondantes : « Pourquoi des espèces disparaissent-elles ? Que pouvons-nous faire pour l’éviter ? Et pourquoi y sommes-nous pour quelque chose ? (et la réponse est oui). Avons- nous le droit de faire ça ? A quoi servent toutes ces espèces ? Doivent-elles servir à quelque chose pour que nous décidions de les protéger ou d’arrêter des les éradiquer ? Comment renouer une relation féconde avec le vivant ? Quelle est notre place parmi les autres espèces ? Et, à quoi servons-nous dans l’univers du vivant ? » (p 17).

« Nous avons besoin de regarder en face ce que notre planète traverse… Nous avons besoin de lucidité, de courage, de solidarité, d’élan, de sens et de désir. De la lucidité peut naitre le choc et c’est ce choc qu’il nous appartient désormais de faire » (p 23). A travers l’expérience et l’expertise des personnalités interviewées, ce livre est si dense et si riche qu’il n’est pas possible d’en rendre compte. Nous essaierons seulement ici de rapporter quelques moments privilégiés où, parmi d’autres, un horizon se découvre, une perspective apparaît. Ce sont quelques brèves notations qui ouvrent notre esprit à une dimension nouvelle.

 

Pourquoi les espèces disparaissent ?
Rencontre avec Anthony Barnosky (p 27-36)

Anthony Barnosky, géologue, paléontologue et biologiste qui a enseigné, toute sa carrière, à l’Université de Berkeley, répond à nos questions (p 27-36). Il distingue cinq causes majeures de l’extinction des espèces : la destruction des habitats, la surexploitation des espèces, la pollution, les espèces invasives, et les changements climatiques » (p 29). La menace aujourd’hui réside non seulement dans des changements progressifs, mais dans l’apparition de « points de bascule » (p 32). A la suite de cet entretien, laissant de côté le dérèglement climatique, « un phénomène si considérable qu’il nécessiterait, à lui seul, un film ou un livre, la recherche de l’équipe s’est centrée sur la pollution, la surexploitation des espèces et la disparition des habitats ».

 

Se passer des pesticides
Rencontre avec Paul François (p 38-58)

Paul François est un agriculteur qui, suite à un grave accident avec un herbicide, a converti ses 240 hectares en agriculture biologique. A cette échelle, un tel changement est un exploit. Paul François nous raconte son changement de mentalité et de pratique. Il lui a fallu accepter la présence de l’herbe plutôt que de la supprimer systématiquement. Plutôt que d’acheter des produits chimiques, Paul François investit dans la mécanisation et dans la main d’œuvre. Et il a vu réapparaitre les hirondelles qui, en se nourrissant des insectes, remplacent les pesticides. Les abeilles reviennent également. En même temps, Paul François nous dit comment « il gagne mieux sa vie en bio qu’en conventionnel ». Suite à sa maladie professionnelle, Paul François a remporté une bataille juridique contre Monsanto. C’est dire son courage et sa persévérance. La transformation de son exploitation est un exploit remarquable.

 

Arrêter de parler et agir
Rencontre avec Afroz Shah (p 65-75)

Afros Shah est un jeune avocat indien qui a engagé la lutte contre le plastique répandu sur une grande plage à Mumbaï. Une grande mobilisation pour le nettoyage s’en est suivie. C’est une action de terrain. Voilà une action qui évoque la responsabilité qui incombe à chacun de nous. « C’est le raisonnement que s’est tenu Afroz. Et il se trouve qu’il est à l’origine, par son seul engagement, d’un considérable mouvement de nettoyage du plastique à Mumbaï, qui a inspiré des milliers et peut-être même des millions de personnes en Inde et dans de nombreuses régions du monde » (p 71).

 

La maternité d’un élevage intensif
Rencontre avec Laurent Hélaine et Philippe Grégoire
(p 77-96)

Cette visite à un élevage intensif suscite en nous un effroi et un écœurement. A cette occasion, la question de la consommation de la viande dans l’alimentation est posée. Cyril Dion ouvre la réflexion : « Si nous voulons réduire considérablement notre consommation de viande, il serait sans doute plus efficace de le faire à travers une mesure structurelle emblématique qui, à mon sens, ferait honneur à l’humanité : bannir l’élevage en cage, mais également en bâtiment fermé sans accès à l’extérieur comme le propose le référendum pour les animaux… Interdire ce type d’élevage aurait la vertu de cesser d’infliger ces terribles conditions de vie à des animaux, mais également de diminuer mécaniquement la quantité de viande que nous pourrions consommer » (p 95-96).

 

Des lois pour transformer la société
Rencontre avec Claire Nouvion et Matthieu Colléter
(p 98-125)

On parle ici des actions volontaires pouvant exercer une influence. On a besoin de lois pour changer la donne. Face aux lobbys, une conscience politique est nécessaire. Des associations s’emploient avec persévérance à obtenir des changements législatifs. C’est le cas de l’association Bloom où travaillent Claire et Matthieu, et qui intervient au niveau européen. Ainsi, elle est parvenue à gagner une bataille contre la pêche en eau profonde. C’est une victoire importante, mais il a fallu des années pour y parvenir alors que les nouvelles techniques de pêche ravageaient les fonds sous-marins. A ce propos, Cyril Dion nous décrit les coulisses des pouvoirs politiques. Il nous rapporte par exemple l’expérience innovante qui a été celle de la Convention citoyenne pour le climat (p 120-123). Et comme il y a activement participé, il nous en montre également les limites, tous les obstacles auxquels les propositions de la Convention se sont heurtées. « Les groupes d’intérêt privés ont une influence disproportionnée sur les décisions publiques ». Alors, une pression de l’opinion est particulièrement nécessaire. Mais pour l’emporter, « peut-être avons nous besoin d’un autre récit de ce que l’avenir pourrait être ».

 

Le récit de la croissance et les nouveaux indicateurs.
Rencontre avec Eloi Laurent
(p 127-145)

L’ancien récit « fondé sur la croissance économique et une certaine conception du progrès est en train de nous entrainer vers l’abime ». C’est ce que nous a longuement expliqué Eloi Laurent, économiste à l’OCDE et enseignant à Sciences Po Paris et à l’université de Stanford en Californie. Considérant la relation entre économie et écologie, Eloi Laurent a mis l’accent sur l’interaction entre la crise des inégalités et la question écologique en les considérant comme liées et jumelles » (p 127). Quel type de dynamique sociale conduit aux crises écologiques ? Quelle est la source du problème ? « Il est désormais absolument clair que la poursuite de la croissance économique telle qu’elle est conçue aujourd’hui, engendre la destruction des écosystèmes » (p 129). « Avec ‘Les limites de la croissance’, écrit au début des années 1970, l’équipe autour de Dennis et Donella Meadows avait une incroyable intuition de ce qui allait se passer » (p 130). Selon Eloi Laurent, les concepts de croissance et de décroissance ne sont plus pertinents. « Il faut se concentrer sur le bien-être humain. Ce qui compte pour les gens, c’est la santé et les liens sociaux ». Eloi Laurent propose la santé comme l’indicateur fondamental qui doit et qui va remplacer la croissance au XXIe siècle (p 153). « Malheureusement, que ce soit le lien social ou la santé, ces deux indicateurs sont mis à mal par l’organisation actuelle du monde ». Eloi Laurent répond également à des questions sur le capitalisme. Ce qui importe, à son avis, c’est que la puissance publique ne soit pas au service du marché » (p 137). Par ailleurs, des pays comme la Chine et l’URSS ont de très mauvais bilans écologiques indépendamment du capitalisme. Au contraire, Eloi Laurent cite « des petits pays gouvernés par des femmes, qui ont décidé de sortir de la croissance : la Nouvelle-Zélande, la Finlande, l’Islande et l’Ecosse… On peut tout à fait décider que la richesse, c’est la santé, l’éducation, la biosphère… C’est en partie ce qu’ont fait les pays nordiques » (p 138).

 

La nature n’existe pas
Rencontre avec Philippe Descola
(p 147-173)

Cyril Dion décrit ensuite son champ de recherche. « Pour élaborer les directions des projets économiques et politiques, il nous faut adhérer à une lecture (forcément subjective), commune du  monde… (p 143) Ce dont nous avons besoin n’est pas de prouver fièrement que nous sommes capables d’accomplir des exploits, mais de détourner le fleuve pour que tout le monde aille dans la même direction. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un autre récit collectif que celui de la croissance. Qui donne suffisamment de sens et de perspective à l’humanité pour orienter différemment son destin » (p 145). A partir de cet instant, nous avons réorienté notre quête. « Plutôt que de continuer à chercher des réponses techniques aux cinq causes de l’extinction dans une logique quelque peu mécanique, nous nous sommes intéressés à ce qui pourrait devenir les fondements d’un autre récit. Pour cela, nous sommes allés rencontrer Philippe Descola, sans doute l’un des anthropologues vivants les plus respectés, disciple de Claude Lévy-Strauss et auteur du livre : « Par delà. Nature et culture » (p 146).

Philippe Descola critique le concept de nature. « La nature, c’est essentiellement, ce qui est en dehors de nous les humains ». Elle est ce qui nous permet de regarder de haut tout ce qui est non humain… » (p 151). « La nature est devenue un élément central du monde des Européens ». Ce terme n’existe pas dans d’autres langues. En Europe, nous avons voulu établir « une frontière entre les animaux humains et non humains fondée sur discontinuité morale et subjective » (p 152). Mais, affirme Philippe Descola, « les « signes symboliques du langage » ne sont pas les seuls moyens de communication. En Amérique, les gens pensent que les animaux non humains peuvent former des projets et réfléchir sur eux-mêmes, qu’ils ont une sorte de subjectivité que l’on pourrait appeler intériorité ». Et, pour communiquer avec les animaux, ils intègrent les signes que ceux-ci utilisent » (p 153). « Nous sommes connectés à tous les éléments du monde de façon inextricable » (p 154).

 

Nous faisons partie du monde vivant
Rencontre avec Dr Jane Goodhall (3), fondatrice de l’Institut Jane Goodhall et messagère de la paix auprès des Nations unies.
(p 174-192)

« A une époque où les femmes étaient découragées de poursuivre des études scientifiques… Jane a eu l’audace d’engager des recherches non conventionnelles – d’abord sans diplôme, puis en passant à l’Université de Cambridge – en menant la toute première étude sur les chimpanzés dans leur environnement naturel. Grâce à sa ténacité, elle a non seulement vécu une vie extraordinaire, mais elle a surtout changé notre façon de penser la relation entre les humains et les animaux » (p 171). Parce qu’elle était en phase avec la forêt, les arbres, les animaux, Jane a pu entrer en contact avec les chimpanzés et mettre en évidence leurs capacités, entre autres, l’utilisation d’outils, abolissant la frontière qui avait été établie entre cette espèce et les humains. Aujourd’hui, Jane nous appelle à une prise de conscience : « Tout au long de notre évolution, nous faisions simplement partie du monde animal. Mais maintenant que nous avons développé un intellect, et que nous savons que nous détruisons la planète, notre rôle devrait être celui de réparer les dommages ». Le message de la Genèse devrait être compris comme attribuant à l’homme un rôle d’intendant. « Un bon intendant prend soin de la terre. L’heure est maintenant venue d’utiliser notre fameux intellect pour changer les choses… » (p 188).

 

La bibliothèque du vivant
Rencontre avec Dino Martins
(p 196-221)

Le voyage de Cyril Dion s’est poursuivi dans l’exploration du vivant et la compréhension des écosystèmes. Cyril Dion et son équipe ont rendu visite à Dino Martins, biologiste et créateur du Mpala Research Center au beau milieu du Kenya. Dino Martins est aussi un entomologiste passionné par la biodiversité et « plus particulièrement par les plus petites créatures que sont les abeilles, les termites et les insectes en général dont il est un spécialiste mondial » (p 189). Dino les a accompagné dans son parc du Kenya à la découverte des éléphants, des girafes et des zèbres en liberté dans leur environnement naturel. Ce fut un émerveillement. En cette circonstance, Dino Martins a mis en évidence l’importance de la biodiversité. «  Si nous perdions trop d’espèces, la vie humaine deviendrait misérable et nous serions nous-mêmes confrontés à un risque d’extinction. Chaque espèce fait partie de cette toile de la vie où tout est interconnecté. La bibliothèque du vivant est ce qui nous maintient en bonne santé, nous nourrit, nous rend heureux » (p 198). Dino décrit la vie des écosystèmes. Comment les animaux communiquent entre eux ? Comment les différentes espèces participent à l’équilibre des écosystèmes ?
Grand observateur des fourmis, Dino nous montre leur activité incessante. Elles contribuent notamment à la dispersion des graines. « Sans elles, il n’y aurait pas de prairies. Er, sans prairies, pas d’animaux. Ces fourmis font partie de ces écosystèmes depuis des centaines de milliers d’années et elles en sont une des espèces clé » (p 214).
Dino manifeste son enthousiasme pour tout ce qui est vivant. La faune sauvage « nous rappelle la beauté, la vérité, l’amour. Voir des animaux se déplacer dans ce monde est l’une des choses les plus magiques qui soient et je ne me lasserai jamais de les observer » (p 209).

 

La cascade trophique et les superprédateurs
Rencontre avec Liz Hadley
(p 225-249)

L’exploration se poursuit dans une rencontre avec Liz Hadley, responsable de la réserve naturelle de Jasper Ridge en plein milieu de la Silicon Valley en Californie. Dans cette petite réserve, la diversité se manifeste à nouveau dans la variété des espèces qui s’équilibrent les unes les autres. Et, à cet égard, on nous montre le rôle que jouent les superprédateurs, comme par exemple les pumas « en régulant les populations de cervidés, permettent de contrer la maladie de Lyme issue des acariens qui s’attachent aux cerfs » (p 227).

 

Cohabiter avec les loups
Rencontre avec Baptiste Morizot et Jean-Marc Landry
(p 251-300)

Dans ce monde du vivant, comment les humains vont-ils se comporter, en terme de guerre ou de respect envers les espèces animales ? Aujourd’hui, en France, les loups reviennent et paraissent menaçants. Effectivement, les éleveurs sont inquiets lorsqu’ils voient les troupeaux attaqués. Cyril Dion est allé à la rencontre d’un éleveur et il a interrogé le philosophe Baptiste Morizot. Ce dernier s’est interrogé sur notre possible cohabitation avec les loups en expérimentant sur le terrain, pistant les loups et autres prédateurs, mais aussi en allant à la rencontre  des éleveurs » (p 249).
Ainsi Baptiste s’implique dans l’approche suivante. « C’est une situation dans laquelle les différents camps sont venus à cohabiter dans les mêmes territoires tout en ayant des intérêts contradictoires. Ils doivent apprendre des langages communs et trouver des moyens de se faire passer des messages, de traduire leurs comportements mutuels pour entretenir des relations moins toxiques » (p 270).
Baptiste Morizot a écrit un livre : « les diplomates ». Aujourd’hui, le monde vivant nous rappelle qu’il est bien vivant, qu’il n’a jamais été un décor et qu’il faut agir avec lui avec le même degré d’attention et de sérieux que nous le faisons avec les altérités humaines… Le grand enjeu aujourd’hui, c’est de leur rendre justice. Et donc de commencer à apprendre leur langage, à comprendre comment ils vivent pour inventer des modus vivendi. En ce sens, il s’agit de diplomatie » (p 295).

 

Coopérer avec le vivant
L’exemple du Bec Hellouin (4)
Rencontre avec Perrine et Charles Hervé-Gruyer
(p 201-215)

« Cohabiter avec le vivant, c’est non seulement le comprendre et le protéger, mais c’est aussi le moyen de collaborer avec lui ». Existe-t-il une façon d’habiter cette planète avec une logique de gagnant-gagnant avec le vivant ? Il y a bien une nouvelle logique qui émerge, notamment autour des dynamiques permaculturelles » (p 299).

« A la ferme du Bec Hellouin, on peut découvrir une des applications, de la permaculture à l’agriculture, les plus abouties du monde… La visite même du lieu est transformatrice… L’harmonie des formes, des couleurs, la diversité des cultures dans un espace si réduit, le soin apporté à la construction de chaque butte, de chaque mare, de chaque bâtiment a quelque chose de bouleversant… De cette organisation profondément intelligente peut jaillir la beauté conjuguée à l’efficacité créée par une forme de symbiose entre les différents systèmes qui coexistent » (p 300).

Charles nous raconte l’histoire de la ferme. « La création de la ferme a été une véritable aventure. Au départ, notre rêve était de vivre en harmonie avec la nature… Dans cette quête de beauté, nous avons composé l’ensemble un peu comme un tableau avec beaucoup de petits espaces… Sans le savoir, nous avons reconstitué un paysage complexe qui favorise les connexions. Puis quelque chose de magnifique s’est produit. On cherchait la beauté et la nature nous a offert un cadeau formidable : la productivité » (p 303). « Cette ferme fait 20 hectares », nous  dit Perrine, « mais nous nous contentons d’en cultiver 5, car nous faisons tout à la main ou avec un cheval de trait… Une culture sans engrais, sans pesticide, sans produit chimique ou de synthèse » (p 302). Charles nous décrit une trajectoire de découverte : « Au fil des ans, nous avons découvert qu’en faisant tout à la main, nous pouvions faire pousser plus de légumes en moins d’espace. Ce faisant, on libère les 9/10 du territoire pour installer des milliers d’arbres, des haies, des mares, des plantes aromatiques et médicinales. Autant de milieux différents, de niches écologiques qui permettent d’accueillir la faune et la flore sauvage. Nous avons progressivement observé la réapparition des insectes, des papillons, des vers de terre et des abeilles, mais aussi d’oiseaux en voie de disparition et de plantes indigènes… » (p 302). C’est vraiment une coopération avec la nature. « Au départ, on voulait produire notre nourriture en faisant le moins de mal possible à la planète. Mais un jour, on s’est dit que cette histoire ne tenait pas debout, que ce que nous voulions en réalité, c’est produire en faisant du bien à la planète. Depuis, nous faisons tous le jours le constat qu’on peut résoudre cette équation difficile qui consiste à cultiver une nourriture de qualité en réparant les blessures qu’on a infligé aux écosystèmes » (p 304).

 

Coopérer avec le vivant

Cyril Dion poursuit cette conversation sur la manière de coopérer avec le vivant en interrogeant François Léger, enseignant chercheur en agro-écologie, longtemps conseiller scientifique de la ferme du Bec Hellouin. A la demande des deux adolescents accompagnant Cyril Dion, la conversation a porté notamment sur la place des animaux dans le système agricole. Ce fut ensuite une rencontre avec Nicolas Vereecken, professeur d’agro-écologie et spécialiste des insectes. Notre intérêt pour les ruches et les abeilles domestiques ne doit pas nous faire oublier la vie et le rôle des abeilles sauvages qui jouent un rôle important dans la pollinisation. Là encore, il faut envisager la biodiversité. « Si vous n’aviez pas d’oiseaux, de frelons, d’araignées, la vie serait beaucoup plus difficile pour nous tous, surtout en été parce que vous auriez des surpopulations d’insectes que tous ces organismes aident à contrôler… La clé de l’écologie, c’est l’interdépendance et l’équilibre » (p 333).

 

Partout des initiatives

Les entretiens se poursuivent avec des personnalités exceptionnelles en des lieux qui parsèment la planète.
C’est la rencontre avec Lotus Vermeer qui est parvenue à rétablir la biodiversité et à ramener des espèces dans les Channel Islands sur la côte de Californie. C’est une rencontre avec Valérie Cabanes, juriste international qui travaille au contact des peuples indigènes et lutte pour les droits humains et pour le droit de la nature. C’est une rencontre avec le président du Costa Rica qui, par une politique volontariste, est parvenu à rétablir la couverture forestière dans son pays, de 20% dans les années 1980, à 70% aujourd’hui. C’est une rencontre avec Paulino et Paolo Rivera, membres d’une tribu autochtone au Costa Rica, ayant dû abandonner leur lieu d’origine et ayant réussi à planter une forêt dans leur nouvel habitat.

 

En mobilisation

En fin de parcours, Cyril Dion nous rappelle l’inimaginable défi écologique auquel nous sommes confrontés.
« Le péril est là et demande, toutes affaires cessantes, à nous mobiliser comme en temps de guerre »… « Le changement auquel nous devons parvenir, est culturel et structurel « (p 415).

Ce livre nous aide puissamment à penser le monde différemment et nous éclaire sur les pistes d’action. Tout informé que nous ayons pu être sur les questions écologiques, nous sortons différents de cette lecture. A travers les entretiens, nous avons découvert une multitude de situations et des réponses aux questionnements ainsi éveillés. Avec Cyril Dion et les deux adolescents qui l’ont accompagné, Bella et Vipulan, nous avons participé à une véritable exploration, à une grande épopée. A travers des flashs significatifs, nous avons rapporté cette lecture enthousiasmante qui vient accompagner un film impressionnant et mobilisateur (5). De quoi envisager ensemble un nouveau récit et un projet commun.

J H

  1. Le film « Demain » : https://vivreetesperer.com/le-film-demain/
  2. Cyril Dion Avec la collaboration de Nelly Pons. Animal. Chaque génération a son combat. Voici le nôtre. Actes sud. Colibris (Domaines du possible).
  3. A paraitre sur ce blog : Jane Goodhall : Une recherche pionnière sur les chimpanzés, une ouverture spirituelle, un engagement écologique.
  4. Cultiver la terre en harmonie avec la nature (la ferme du Bec Hellouin) : https://vivreetesperer.com/cultiver-la-terre-en-harmonie-avec-la-nature/
  5. Le film : Animal : https://www.youtube.com/watch?v=b0HouR6CYK4

 

 

Face à la violence, apprendre la paix

La communication non violente, avec Thomas d’Ansembourg 

Nous sommes confrontés à la violence. C’est une réalité qui nous environne : violence dans les rapports sociaux, mais aussi violence perçue dans les réactions de tel ou tel. Nous savons comment la violence peut être dévastatrice. Alors comment lui résister ?

Les approches non violentes dans des conflits politiques et sociaux telles que celles de Gandhi et de Martin Luther King sont aujourd’hui bien connues. Plus récemment, un psychologue américain, Marshall B Rosenberg a développé un ensemble de pratiques sous le terme de « Communication non violente ». « La communication non violente, c’est la combinaison d’un langage, d’une façon de penser, d’un savoir faire de communication et de moyens d’influence qui servent mon désir de faire trois choses : me libérer du conditionnement culturel qui est en discordance avec la manière de vivre ma vie ; acquérir le pouvoir de me mettre en lien avec moi-même et autrui d’une façon qui me permette de donner naturellement à partir de mon cœur ; acquérir le pouvoir de créer des structures qui entretiennent cette façon de donner » (1).

A plusieurs reprises sur ce blog (2), nous avons présenté l’enseignement de Thomas d’Ansembourg sur la relation et communication dans la vie sociale. A un moment de sa vie, Thomas a vécu comme animateur avec des jeunes de la rue. C’est à partir de cette expérience qu’il a décidé de se former à la communication non violente avec Marshall Rosenberg. Puis il a continué son parcours comme psychothérapeute. Ainsi est-il bien placé pour nous aider à comprendre la  violence et à la dépasser. Dans cette vidéo : « La paix, ça s’apprend ! » (3), Thomas d’Ansembourg nous raconte brièvement son parcours et répond aux questions qui lui sont posées. Il y a là des réponses à nos propres questionnements. Voici donc, en notes, quelques extraits de ses propos.

 

La paix, ça s’apprend !

La paix, ça s’apprend ! Oui, mais « curieusement, nous sommes tout à fait prêts à apprendre la guerre, et, depuis l’époque des romains, nous connaissons l’adage : « Si tu veux la paix, prépares la guerre ! ». Et forcément, comme on prépare la guerre, on a pour cela des budgets, de l’organisation, des responsables, des formations, des spécialisations. C’est extraordinaire comme on est habitué à préparer la guerre, à y consacrer du temps et de l’argent ». Et, en regard, il y a bien peu d’efforts pour engager notre énergie en faveur de la paix et nous former en ce sens. « Pour la paix, il n’y a pas de budgets, pas de formations, pas de responsables… Je me suis intéressé à faire le parallèle. Si nous mettions autant d’attention à préparer la paix, est-ce que nous n’aurions pas quelque chance d’en avoir davantage parce qu’on y serait davantage préparé ».

Un parcours de formation et d’action

Thomas nous raconte comment il a été amené à s’intéresser à cette question. « Quand j’ai commencé mon travail comme avocat, je me suis rendu compte que beaucoup de conflits étaient le fruit de malentendus. Si nous apprenions à mieux nous exprimer et à mieux écouter l’autre, il y aurait beaucoup moins de malentendus. Nous aurions intérêt à apprendre qui nous sommes, à gérer nos émotions, à nous aligner sur notre élan de vie, aussi apprendre à exprimer ce que nous sommes et nos ressentis d’une façon adéquate, sensible et, de même, à écouter ce que l’autre ressent ».

Puis, deuxième expérience, Thomas a commencé à s’occuper de jeunes de la rue. « Je me suis aperçu que la violence était souvent liée à un manque de discernement, de conscience, de capacité d’expression de ce que nous vivons. Un peu d’apprentissage de soi, de connaissance de soi, éviterait à beaucoup de ces jeunes d’entrer dans des mécanismes de violence ».

Thomas a ensuite décidé de suivre une psychothérapie qui a été également source de prise de conscience. « Quand je suis entré moi-même en thérapie, je me suis aperçu du temps que je mettais à démanteler des attitudes, des automatismes, des conditionnements. Il faut du temps pour défaire ce qui empêche, avant de construire.

« Quand je suis devenu moi-même thérapeute », poursuit Thomas, « j’ai fait moi-même la même constatation et combien nous manquions d’apprentissages de base ».

Au cours de son service militaire, Thomas d’Ansembourg s’est engagé comme officier dans l’arme des paracommandos. Dans ce cadre, il a été soumis à un entrainement particulièrement rigoureux et vigoureux. Cet apprentissage a été pour lui « une expérience humaine de rencontre avec soi, de confrontation avec les limites du corps, de la volonté, des émotions ». Il en est resté une découverte : ces limites peuvent être dépassées. « Nous avons un potentiel pour aller bien au delà des limites que nous connaissons. Nous avons des ressources exceptionnelles pour aller au delà de ce que nous croyons ».

Thomas d’Ansembourg a trouvé en Marshall Rosenberg un formateur et un accompagnateur qui lui a permis de s’engager dans la voie de la communication non violente. « C’est un apprentissage systématique pour entraîner notre esprit à écouter autrement, à regarder autrement ». Ce n’est « pas seulement un outil relationnel, mais aussi un outil de connaissance de soi ».

 

Outils pour la connaissance de soi

« Il y a aujourd’hui des outils de connaissance de soi extrêmement performant. Ils ont fait leur preuve pendant de nombreuses années. Ils sont généreux. Ils sont pertinents. Ils se vivent dans le respect de toutes les traditions. Il est grand temps que nous les fassions connaître. Ne pas les connaître serait comme une non assistance à personnes en danger ». Mais quels sont ces outils ? demande un auditeur. Il y a bien cette approche de la communication non violente qui a tant apporté et apporte tant à Thomas. Mais il y en a beaucoup d’autres. Thomas cite notamment la PNL, l’analyse transactionnelle, la gestalt, la sophrologie, des approches plus physiques : le yoga, le qi gong…

 

Autour de l’agacement

En réponse aux questions des auditeurs, Thomas d’Ansembourg ouvre pour nous des portes de compréhension, des approches pour un changement intérieur.

« Comment éviter d’être agacé ? Lui demande-t-on. « On ne l’évitera pas. Ce qui est important, c’est de savoir pourquoi nous sommes agacés, peut-être régulièrement agacés. Qu’est ce qui est récurrent là dedans ? Comment anticiper pour ne pas se retrouver dans une situation d’agacement ? Beaucoup de nos contemporains vivent de l’agacement à répétition sans jamais sonder pourquoi ils se trouvent agacés et sans savoir qu’est-ce qui est en leur pouvoir pour transformer cette situation. J’ai pu voir moi-même dans mes propres agacements et aussi dans l’accompagnement des personnes que nous sommes beaucoup plus puissants que nous croyons dans notre capacité non pas de changer l’autre ou les circonstances, mais dans celle de changer notre manière de vivre par rapport à l’autre et aux circonstances ». Il y a des pistes pour sortir de ces impasses. « Tu es peut-être agacé, énervé. Tu te sens seul. Qu’est-ce que cela dit de toi ? Qu’est-ce que tu as besoin de développer, de transformer ? Tu as peut-être besoin de demander de l’aide. Il est bon de pouvoir tirer parti d’une friction ou d’un agacement pour tenter d’éviter que cela ne se représente ».

 

Changer le monde ?

Quel peut être l’impact de cette approche dans la vie du monde ? Thomas d’Ansembourg répond prudemment. « On ne peut pas changer le monde. Mais on peut changer sa façon d’être au monde » et par suite influer sur le monde. « Imaginez que chaque citoyen sur la planète prenne du temps chaque jour pour se pacifier, réconcilier ses tensions, comprendre ce qu’elles veulent dire, vérifier qu’elles s’alignent sur son élan intérieur… » Thomas d’Ansembourg croit au pouvoir de la non violence. « Nous créons un nouveau climat et cela demande une vision à long terme… ». « C’est particulièrement précieux d’avoir ces clés de pacification aujourd’hui puisque des tensions considérables viennent autour de nous sur nos territoires en Europe et que cela nous demande une vigilance pour ne pas être dans l’action-réaction qui est toujours une façon de gérer ce genre de choses ».

 

Face au terrorisme 

Comment réagir devant l’horreur du terrorisme ? D’abord en accueillant bien sûr la colère, la tristesse, le dépit. Evidemment on ne peut pas être indifférent par rapport à ces évènements. En quoi cela nous subjugue par rapport à nos critères ? En même temps, manifestement, nous avons à faire aux symptômes tragiques d’une société extrêmement malade. Il me semble que nos gouvernants se préoccupent surtout des symptômes sans tenter de comprendre la cause. Certains l’ont bien identifiée. Elle vient d’un monde que nous avons créé qui se révèle un monde centrifuge. Ceux qui n’arrivent pas  à rester au centre, à s’accrocher à l’axe, sont jetés au dehors et forcément, ceux qui n’ont plus rien à gagner n’ont plus rien à perdre. Et ils nous le font cruellement sentir. Je souhaiterais qu’un peu plus de nos contemporains mesurent qu’il s’agit parallèlement de remettre en question notre système socio-économique. Notre système capitaliste patriarcal est à bout de souffle et il est grand temps d’inventer une autre façon de générer et de partager les biens et les ressources ». Thomas évoque une réflexion d’Albert Jacquard, un scientifique engagé. : « La présence d’une prison dans une ville est le signe qu’il y a un problème dans la société toute entière ». Les mesures de sécurité ne suffisent pas. « Je me dis qu’on oublie de s’intéresser aux problèmes qui affectent la société toute entière et qui continuent de générer des poches de frustration ».

 

Face à la violence

Mais d’où vient la violence ? Est-ce une fatalité biologique selon laquelle « l’homme serait un loup pour l’homme » ? « La violence n’est pas l’expression de notre nature. La violence est l’expression des frustrations de notre nature » répond Thomas. « C’est lorsque notre nature est frustrée que nous pouvons être violent. Un être humain qui a reçu de l’amour, de l’attention, de la valorisation de ses talents, de l’encouragement dans ses faiblesses, pourquoi cet individu utiliserait-il une stratégie violente pour se sentir vivre ? ».

Autre question : comment fait-on par rapport à la violence des autres ? La solution n’est-elle pas de développer notre paix, notre propre bienveillance ? Effectivement, Thomas nous invite à nous tourner vers nous-même. « Ce sera très difficile de comprendre la violence des autres si on refuse de voir la notre. Et beaucoup de nos contemporains refusent de voir la leur. La plupart des gens n’imaginent pas de quelle violence subtile il s’agit : le jugement sur soi, la condamnation, les systèmes de pensée qui nous forment, la culpabilité qui déchire. La plupart de nos contemporains n’imaginent pas la violence qu’ils exercent sur eux-mêmes et ils se trouvent encagés en tenant bien la clé en main pour ne pas se libérer. Nous avons besoin d’apprendre à démembrer cette violence sur nous-même. C’est la condition pour accueillir la violence de l’autre, sinon la violence de l’autre nous rappelle la violence que nous exerçons sur nous-même. Lorsque l’autre nous juge, cela interpelle la partie de nous-même qui nous juge aussi. Je ne puis pas écouter l’autre me traiter d’égoïste si il y a une partie de moi qui me dit : « Je suis un égoïste. Je ne pense qu’à moi. C’est inadmissible ».

 

Le pouvoir de l’empathie

Thomas nous appelle à reconnaître et à développer notre empathie. « Je suis de plus en plus surpris par le pouvoir de l’empathie. L’empathie, c’est la capacité de me relier à ce que l’autre ressent et à ce qu’il aimerait, même si on n’est pas d’accord. L’empathie ne veut pas dire qu’on est d’accord, qu’on souscrit, qu’on est prêt à faire ce que l’autre demande. L’empathie, c’est comprendre ce que l’autre ressent, mais sans être forcé d’y souscrire. Je suis impressionné par la puissance de l’empathie. Beaucoup de nos besoins de violence, d’agressivité viennent du besoin d’être compris, d’être rejoint, du désir que notre manière d’être soit entendue. Si nous arrivons à créer un climat d’écoute et d’empathie pendant un certain temps, j’ai la conviction qu’il y aura du changement ».

 

Pardon…réconciliation…

Un auditeur demande à Thomas d’Ansembourg ce qu’il pense du pardon. « J’ai grandi dans la tradition catholique. Comme enfant et jeune homme encore, on m’a beaucoup parlé du pardon. Intellectuellement ces paroles me paraissaient belles et nécessaires, mais je n’ai pas ressenti un déclic dans mon cœur. Par la suite, quand j’ai appris ce qu’était l’empathie, l’empathie pour soi et l’empathie pour l’autre, j’ai tout à coup ressenti ce « tilt » : aller jusqu’à comprendre l’autre même si on a souffert de lui. Or c’est un effet que je n’avais pas perçu en disant : « Je te pardonne. Ce n’est pas grave ». Je gardais quand même le souvenir d’une tristesse, d’un agacement. Maintenant, je sais qu’on peut appendre à se réconcilier et je préfère la démarche de réconciliation. Comprendre ce que l’autre a ressenti et le découvrir dans son humanité et dans son dénuement, cela demande que nous ayons accepté nous-même de nous voir dans notre humanité, dans notre pauvreté, dans notre dénuement, par moment dans notre impuissance. Plus nous porterons de l’humanité envers nous-même, plus nous développerons de l’humanité pour l’humain devant nous. C’est une démarche. C’est un travail. Si on comprend ainsi le mot pardon, j’y souscris.

 

Que penser des religions ?

Un auditeur pose une grande question à Thomas d’Ansembourg : « Que penses-tu des religions ? »

« J’ai de l’estime pour les religions qui aident les personnes à mieux vivre, qui leur donnent des outils de compassion pour les autres, d’entraide et d’éveil au meilleur de soi. Il se trouve que j’ai perçu des limites dans la façon dont la religion m’été enseignée. J’ai grandi dans une tradition catholique très pratiquante. J’ai exploré ces ressources et, à un moment, elles ne me servaient plus. Il a fallu que je cherche autre chose qui n’était pas en contradiction avec la pratique religieuse, mais qui ne s’y trouvait pas, notamment la connaissance de soi. Le fait d’entrer en thérapie n’était pas cautionné par la religion. Les religieux me disaient : « Mais priez ! Allez faire une retraite spirituelle et tout ira bien… » Et bien non ! Dans le climat que j’ai vécu, je sentais plutôt un étouffoir, une limite, un empêchement à me mettre moi-même dan une perspective d’expansion et de mettre ainsi le meilleur de moi-même au service des autres. Si la religion aide à grandir et à être plus joyeux et plus généreux, alors c’est une appartenance magnifique. Je serais toutefois vigilant en constatant qu’il peut arriver en thérapie beaucoup de personnes ayant été « obscurcies » par une pratique religieuse qui les empêche d’être elles-mêmes. Elles étaient juste des copies conformes de leurs parents, de leurs milieux. Or, on est sur terre pour transformer le monde et apporter de la nouveauté. Et la nouveauté vient lorsqu’on est créateur et quand on a appris à se connaître et à se confronter avec son ombre. Et pour se confronter avec son ombre, il faut l’avoir rencontrée. La plupart des religions disent : « N’allez pas voir votre ombre ! » Comment voulez-vous dépasser quelque chose que vous ne connaissez pas ? Cette religion me tirait hors de moi. Je n’avais pas un creuset d’intériorité transformante où je pouvais nettoyer mes tristesses, mes désarrois. Il me manquait ce petit laboratoire intérieur. J’ai pu voir par la suite qu’on peut vivre une religion très stricte sans espace d’intériorité, sans aucun recul. Je vous engage donc à développer une vie intérieure profonde qui peut bien se vivre dans un cadre religieux, mais aussi dans un autre cadre.

 

Une conscience de la respiration

A la fin de la session, un auditeur demande à Thomas d’Ansembourg, un exercice, « une petite pratique pour une éducation à la paix, un entrainement à la paix ». En réponse, Thomas propose un exercice simple et porteur de sens. « Vous pouvez commencer votre journée par 3 ou 4 minutes de présence. Vous posez votre main sur votre poitrine en constatant que vous respirez et vous prenez deux ou trois respirations dans cette conscience. Je respire. Cela respire en moi. Goutez cette conscience que c’est la Vie qui respire en vous. Il n’y a rien à faire.  Et puis, à côté de cette conscience de la Vie qui est en vous, qui est là constamment, ajoutez une petite visualisation de ce qui se passe. Entrez dans l’intime de vos poumons. Visualisez ce qui se passe à chaque instant dans vos poumons : un échange entre oxygène et gaz carbonique. La vie est échange. Sans échange, il n’y a pas de vie. Ajoutez un sentiment, ne serait-ce que de la gratitude pour cela. Mesurez l’âge que vous avez, le nombre de respirations que vous avez prises depuis la toute première à la sortie du sein maternel  et combien votre respiration est fidèle depuis tant d’années et elle le sera indéfectiblement jusqu’à votre dernier souffle. Fidélité de la vie. Portez de la gratitude, de la reconnaissance à la fois pour le souffle physique, et, pour ceux qui partagent cette perspective, pour le souffle de l’Esprit qui souffle à travers toute personne et tout être, quelque soient les mots que vous mettiez sur cette réalité. Un petit exercice de quelques secondes qui vous relie à la sensation d’être vivant, à la merveille de l’organisation biologique de la vie, à l’appartenance au souffle que ce soit simplement le souffle physique qui est le même pour tous les êtres vivants et nous relie au Cosmos et à la totalité, mais également au souffle qui nous relie à la dimension spirituelle, le souffle qui inspire notre humanité depuis des millénaires au delà de ce que nous voyons.

 

Interprétations

Comment ne pas nous interroger sur la violence qui nous environne ? La conférence questions-réponses de Thomas d’Ansembourg nous apporte un éclairage précieux. Cette approche nous aide à comprendre, mais elle nous ouvre aussi des pistes pour des prises de conscience débouchant sur un changement personnel. Et ce changement personnel contribue à une pacification collective : « Un citoyen pacifié est un citoyen pacifiant ». Cet enseignement est le fruit de l’expérience de Thomas qui nous fait le cadeau de nous la partager. Mais elle est donc également associée à un parcours personnel dans un contexte spécifique. Aussi, sur certains points, notre interprétation peut être différente. Nous ouvrons ici quelques pistes de réflexion complémentaires.

 

Pour une théologie de la vie

         Thomas d’Ansembourg a été apparemment confronté à un catholicisme traditionnel dont il s’est éloigné parce qu’il en percevait les limites et les empêchements qui en résultaient dans son évolution personnelle. Cependant, il y a aujourd’hui plusieurs manières d’envisager et de vivre la foi chrétienne. Dans son oeuvre théologique, Jürgen Moltmann nous montre l’influence que la philosophie platonicienne a exercée dans une part du christianisme associée à une société traditionnelle. La terre était perçue comme « une vallée de larmes ». Le salut était associé à un détachement du corps et une échappée de l’âme vers l’au delà. En réponse, Moltmann nous propose une théologie de la vie. Ainsi écrit-il, dans son tout récent livre : « The living God and the fullness of life » (4) : « Le christianisme naissant a conquis le monde ancien avec son message au sujet du Christ : « Il est la résurrection et la vie ». C’est le Christ qui vient en ce monde et c’est cette vie avant la mort qui est éternelle parce qu’elle est remplie de Dieu dans la joie. Car, en Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour « qu’ils puissent avoir la vie et l’avoir en abondance » (p IX)… Dans la résurrection du Christ, une vie entre dans le présent qui ne peut être qu’aimée et vécue joyeusement… Je désire présenter une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne à la vie une transcendance dont nous n’ayons pas besoin de nous détourner, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre » (p X). N’est-ce pas cette dynamique de vie qui manquait dans l’univers religieux que Thomas a rencontré dans son enfance et sa jeunesse ? Dans cette perspective, Moltmann accorde une grande importance à la présence et à l’œuvre de l’Esprit Saint, un Esprit créateur et qui donne la vie (5). Nous percevons cette présence de l’Esprit dans la dimension du Souffle à laquelle Thomas d’Ansembourg fait allusion en commentant l’exercice de la respiration.

 

Face à la peur : le témoignage de Barack Obama

L’approche développée à travers cette conférence peut aider des gens très différents. « Ces outils de connaissance de soi se vivent dans le respect de toutes les traditions ». Dans une perspective chrétienne, ils s’inscrivent dans une vision de foi qui engendre la confiance et donne la force. Elle apporte un soutien face à l’adversité. A cet égard, le récent témoignage (6) du Président des Etats-Unis, Barack Obama, nous paraît particulièrement éloquent. On imagine autant la responsabilité qu’il assume que les drames et les menaces auxquels il peut être confronté. Dans une rencontre nationale autour de la prière (« National prayer breakfast »), Barack Obama a choisi de commenter un verset biblique (2 Timothée 7) : « Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de peur, mais un esprit de puissance, d’amour et de sagesse ».   Ainsi nous parle-t-il de la peur : « La peur peut nous amener à nous en prendre violemment à ceux qui sont différents de nous… Elle peut nous entrainer vers le désespoir, la paralysie ou le cynisme. La peur peut susciter nos impulsions les plus égoïstes et briser les liens communautaires. La peur est une émotion primaire que nous éprouvons tous. Et elle peut être contagieuse se répandant à travers les sociétés et les nations.

Pour moi, et je le sais pour beaucoup d’entre vous, la foi est le grand remède à la peur. Jésus est un grand remède à la peur. Dieu donne aux croyants la puissance, l’amour, la sagesse qui sont requis pour surmonter toute peur… La foi m’aide à faire face aux craintes quotidiennes auxquelles nous sommes tous confrontés… Elle m’aide à affronter quelques unes des tâches spécifiques de ma fonctionNelson Mandela a dit : « J’ai appris que le courage n’était pas l’absence de peur, mais le fait de la surmonter… »… Et certainement, il y a des moments où je dois me répéter cela à moi-même dans ma  fonction… Et comme président, comme chaque leader, chaque personne, j’ai connu la peur, mais ma foi m’a dit que je n’avais pas à craindre la mort, que l’acceptation du Christ promet le vie éternelle… Dans la force de Dieu, je puis résister, faire face aux aléas, me préparer à l’action… ». Barack Obama ajoute longuement combien, dans ces épreuves, il a été encouragé par la foi des autres.

 

Face à la violence : compréhension et changement intérieur

A plusieurs reprises dans ses propos, Thomas d’Ansembourg indique le registre dans lequel il se situe : « Je vous engage à développer une vie intérieure profonde » qui peut se vivre dans différents cadres. Nous venons d’ajouter ici en regard quelques pistes de réflexions personnelles. A plusieurs reprises, nous avons présenté sur ce blog l’apport de Thomas d’Ansembourg qui nous paraît apporter un éclairage précieux pour nous situer personnellement dans le monde d’aujourd’hui et évoluer en conséquence. Le problème de la violence se pose à nous aujourd’hui avec acuité, mais il nous interroge aussi par rapport à certains comportements que nous rencontrons dans la vie quotidienne, et, comme Thomas l’a bien montré, par rapport à certaines de nos réactions. C’est pourquoi, rencontrant cette vidéo : « La paix, ça s’apprend » à un détour d’internet, nous avons immédiatement choisi de la mettre ici en évidence. Voici un éclairage qui ne nous apporte pas seulement une compréhension, mais qui nous ouvre un chemin.

J H

 

(1)            Voir : « Communication non violente » sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Communication_non-violente

(2)            « Un citoyen pacifié devient un citoyen pacifiant » https://vivreetesperer.com/?p=2156

« Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » https://vivreetesperer.com/?p=1791

« Vivant dans un monde vivant. Changer intérieurement pour vivre en collaboration » https://vivreetesperer.com/?p=1371

(3)            « La paix, ça s’apprend » par Thomas d’Ansembourg : vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=2rwhx8XyyYw

(4)             Moltmann (Jürgen). The living God and the fullness of life ». World Council of churches, 2016 Sur ce blog : voir aussi : « Dieu vivant. Dieu présent. Dieu avec nous dans un monde où tout se tient » : https://vivreetesperer.com/?p=2267

(5)            Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999. « l’Esprit de Dieu s’appelle l’Esprit Saint parce qu’Il vivifie notre vie présente et non parce qu’Il lui est étranger et en est éloigné. Il place cette vie dans la présence du Dieu vivant et dans le courant de l’amour éternel. Pour marquer l’unité entre expérience de Dieu et expérience vitale, je parle dans le présent ouvrage de « l’Esprit qui donne la vie ». Voir aussi une introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com

(6)            Remarks of the President at National Prayer Breakfast : https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2016/02/04/remarks-president-national-prayer-breakfast-0 Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=ifvN7JDpkXw

 

Sur ce blog, voir aussi :

« La force de l’empathie » : https://www.youtube.com/watch?v=ifvN7JDpkXw

« Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

Ecospiritualité

Une nouvelle approche spirituelle

Écospiritualité par [Michel Maxime Egger]

Porteuse de grandes menaces, ponctuée par des épisodes alarmants, la crise écologique vient remettre en cause nos représentations et nos comportements, la manière dont nous envisageons le monde et notre mode de vie quotidien. L’ampleur du défi requiert un changement à grande échelle, une véritable révolution culturelle, économique, sociale. Nous voici engagé dans un changement de civilisation. Un tel bouleversement induit des craintes, des peurs. Il suscite des réactions de déni, des résistances, des fuites, des replis, des abandons. Alors, des questions essentielles apparaissent et viennent au devant de la scène. Quel est le sens de notre existence ? Comment nous situons- nous dans le monde qui nous entoure ? En quoi et comment entrons-nous dans un réseau de relations ? Qu’est-ce qui peut nous inspirer et nous encourager ? Ces questions essentielles appellent des réponses spirituelles. Aussi dans le changement en train d’advenir, ce passage vers une civilisation nouvelle, cette grande, transition, une nouvelle approche spirituelle est en train d’émerger. Parce qu’elle répond aux questions nouvelles engendrées par la prise de conscience écologique, on peut l’appeler une « écospiritualité ».      « Ecospiritualité », c’est le titre d’un livre écrit par Michel Maxime Egger et publié en 2018 par les éditions Jouvence (1). L’auteur est bien connu et apprécié sur ce blog où nous avons fait déjà part de ses interventions et de ses publications (2). « Michel Maxime Egger est un sociologue, écothéologien et acteur engagé de la société civile. Il anime le réseau www.trilogies.org pour mettre en dialogue cheminements spirituels et engagements écocitoyens. Il est l’auteur d’essais sur l’écospiritualité et l’écopsychologie : « Ecopsychologie » (2017), « La Terre comme soi-même » (2012), « Soigner l’esprit, guérir la Terre » (2015)… » (p 125).

Quelles sont les intentions de l’auteur dans ce livre sur l’écospiritualité ? « Selon Michel Maxime Egger, une double dynamique est en cours où convergent quête spirituelle et aspiration à des relations plus harmonieuses avec la Terre. Ainsi, il nous invite à redécouvrir la sacralité de la nature, à transformer votre cosmos intérieur et à développer des vertus écologiques comme la sobriété, la gratitude ou encore l’espérance. Avec à la clé une nouvelle manière de s’engager : le méditant-militant » (page de couverture).

Le livre est ainsi présenté : « S’ouvrir à la conscience d’une dimension du mystère qui échappe à notre compréhension, qui habite la nature et qui nous unit à la Terre. Telle est la perspective défendue dans cet ouvrage pour construire un monde véritablement écologique, juste et résilient ». « L’écospiritualité affirme que l’écologie et la spiritualité forment un tout parce que sans une nouvelle conscience et un sens du sacré, il ne sera pas possible de faire la paix avec la Terre » (page de couverture).

Ce livre est original par son sujet. Il l’est également par son approche. Michel Maxime Egger, dans un esprit d’ouverture, couvre un champ très vaste dans une approche progressive, de la prise de conscience à l’engagement, comme l’indiquent  les têtes de chapitre du livre :

1 Relier écologie, sciences et religions
2 Réenchanter la nature
3 Redécouvrir la sacralité de la terre
4 Etre un pont entre Terre et Ciel
5 Transformer son cosmos intérieur
6 Devenir un méditant militant

Ce livre, riche en contenu, est également très dense puisqu’il se développe en un petit nombre de pages (125p). Le pari est tenu parce que le talent pédagogique de l’auteur s’allie à l’intention de la collection : concept Jouvence. « Cette collection a pour ambition d’expliquer « des concepts » afin de donner des repères et d’aider à l’action dans le quotidien. Comprendre les concepts nous aide à retrouver du sens, à se poser la question du « pourquoi ? », tellement nous sommes submergés par le « comment ». La présentation du livre est commandée par une exigence d’accessibilité. Ainsi les termes importants sont expliqués dans des encadrés. L’intention pédagogique de la collection s’allie à la qualité d’exposition de l’auteur.

 

Relier écologie, sciences et religion

 La prise de conscience écologique appelle une nouvelle conscience spirituelle, mais aussi un renouvellement des héritages religieux. Effectivement, « double dynamique est en cours où convergent quête spirituelle et aspirations à des relations plus harmonieuses avec la nature : un verdissement des religions et une spiritualisation de l’écologie » (p 22). Michel Maxime Egger fait le point sur la relation entre la prise de conscience écologique et les religions.

Ainsi, en ce qui concerne le christianisme, il rappelle le procès de l’historien Lynn White à son encontre dans un article célèbre de la revue Science paru en 1967 (p 25). « Il est important que les Eglises et leurs fidèles reconnaissent les faiblesses de leur tradition en matière écologique ». Cependant, « le problème vient surtout d’une interprétation particulière – cartésienne – de la Genèse. Une approche liée au fait que le christianisme occidental est devenu « a-cosmique » et a contribué au désenchantement du monde par la modernité » (p 26). Ce même christianisme occidental est appelé aujourd’hui à une transformation profonde de son approche théologique. Ainsi, dans un livre récent : « Spirit of hope », Jürgen Moltmann y décrit « un avenir écologique pour la théologie chrétienne ». Cet avenir écologique est lié à une transformation profonde des représentations de Dieu et de sa relation avec la terre. « La création est en Dieu et Dieu dans la création. Selon la doctrine chrétienne originale, l’acte de création est trinitaire ». Ce qui ressort d’une vision trinitaire, c’est l’importance du rôle de l’Esprit. « Dans la puissance de l’Esprit, Dieu est en toute chose et toute chose est en Dieu » (3). Dans son livre : « La Terre comme soi-même » (4), Michel Maxime Egger se réfère à l’approche de la théologie orthodoxe qui a échappé aux dérives engendrées par le changement de vision intervenu à l’époque moderne. Les lignes sont aujourd’hui en mouvement comme le montre le bon accueil de l’encyclique novatrice du pape François : Laudato si’ » (5).

Michel Maxime Egger fait également le point sur l’attitude des autres religions plus ou moins propices à l’écologie. Mais aujourd’hui, « malgré ses ambiguïtés, le rôle écologique des religions est souligné de manière croissante par une grande diversité d’acteurs qui collaborent avec elles » (p 27). L’auteur les appelle à « revisiter leurs traditions de manière critique et créative à la lumière des enjeux écologiques et des découvertes de la science contemporaine. On rejoint là une autre étymologie du mot religion (du latin religere : « relire »). Il s’agit de valoriser les ressources et les potentialités écologiques –souvent ignorées et difficiles d’accès – à travers une réflexion de fond, en faisant évoluer les doctrines, l’interprétation des textes et les rites » (p 28).

La montée des aspirations spirituelles s’affirme globalement. Ainsi l’auteur peut évoquer « la spiritualisation des écologies » (p 29-35). C’est un esprit d’ouverture. « Le préfixe « trans » est un mot latin qui signifie : par delà. Il sied bien à l’écospiritualité. Celle-ci est transcendante… transreligieuse… transdisciplinaire… transmoderne… Pour accomplir son potentiel de fécondité, cette vertu écologique de l’ouverture doit être sous-tendue par un enracinement… » (p 33). Cette spiritualisation de l’écologie se manifeste de différentes manières : reprise d’une tradition ancienne (Henri David Thoreau), sensibilisation d’organisations internationales, réinvestissement de la  personne et de son intériorité comme foyer de transformation plus globale selon la formule célèbre de Gandhi : « Deviens le changement que tu veux voir advenir dans le monde ».

« Plusieurs recherches le montrent : nombre de militants ancrent leur engagement dans un travail intérieur, une expérience profonde, voire mystique de la nature et des ressources symboliques associées au spirituel… Certains lieux non religieux conjuguent écologie et spiritualité (6) » (p 31).

« L’écospiritualité se nourrit également des apports de la science postmoderne, vulgarisés par des figures comme Frank Capra et Rupert Sheldrake. Ce vaste chantier a été ouvert au XXè siècle par de nouvelles approches qui se sont développées au XXè siècle entre l’infiniment grand et l’infiniment petit » (p31).

Au total, « l’écospiritualité qui s’exprime dans ces espaces, est le plus souvent laïque et autonome par rapport au religieux institutionnalisé » (p 32).

 

Redécouvrir la sacralité de la Terre

Il y a donc aujourd’hui un grand mouvement pour « réenchanter la nature » (p 36-51). Ainsi la Création est envisagée comme « don », la Terre comme « mère », le cosmos comme « organisme vivant ». L’auteur nous engage à redécouvrir la sacralité de la nature. « Il convient de mettre un terme au divorce entre le sacré et la Terre, non pour diviniser la nature, mais pour lui redonner son mystère, source de respect » (p 52). Encore faut-il s’entendre sur la définition du sacré, notion complexe, lourde d’héritages divers ». Etymologiquement, il désigne ce qui est (mis) à part. Aujourd’hui, le sacré change de visage dans une nouvelle conscience. Il ne sépare plus, mais relie. Il vient moins de l’extérieur et par le haut (le Ciel) que de l’intérieur et par le bas (la Terre). Il n’existe plus en soi, mais à travers une relation. Il n’est plus réductible au religieux institué qui n’en est qu’une des expressions » (p 56). « Selon l’écothéologien Thomas Berry, le sacré évoque les profondeurs du merveilleux ».

 

Immanence et transcendance divine : les voies du pananthéisme.

Comme son étymologie l’indique, le panenthéisme est une doctrine du tout en Dieu et de Dieu en tout. C’est l’approche de Jürgen Moltmann en regard de la conception d’un Dieu lointain et dominant. Le panenthéisme est la voie des théologiens orthodoxes, mais aussi de nombreux théologiens très divers de Teilhard de Chardin à Leonardo Boff. Michel Maxime Egger envisage aussi le panenthéisme comme la voie de l’écospiritualité. « Ce dernier permet d’aller au delà de deux modèles qui enferment souvent la question écologique : le matérialisme et le panthéisme… Le panenthéisme unit le divin et la nature sans les confondre.

Dans la version faible du panenthéisme, la nature est le miroir du divin… Les hommes, les animaux, les oiseaux, les arbres, les fleurs sont des manifestations de Dieu, des signes de son amour, de sa sagesse, de sa bonté. Dans sa version forte, le panenthéisme n’est pas que le reflet du divin, mais le lieu de sa présence. « En toute créature, habite son Esprit vivifiant qui nous appelle à une relation avec lui, écrit le pape François » (p 58). Michel Maxime Egger décrit ensuite « trois modalités du panenthéisme fort qui résonnent à travers diverses traditions religieuses : Les empreintes du divin, les énergies divines et  les esprits invisibles » (p58).

« Le premier mode de la présence de Dieu dans la nature est l’empreinte divine que chaque être humain et autre qu’humain, porte dans son être profond… ». L’auteur nous rapporte la tradition chrétienne à ce sujet. « Selon le Nouveau Testament, le Logos ou le Verbe divin est le « Principe » en qui, pour qui et par qui tout existe… Chaque créature porte en elle comme une information divine… C’est un ensemble de potentialités à réaliser en synergie avec la grâce de l’Esprit » (p 59).

« Le deuxième mode de présence de Dieu dans la nature se traduit par ses énergies qui rayonnent sur toute la terre » (p 64). Nous nous rencontrons ici à nouveau avec la pensée théologique de Jürgen Moltmann telle qu’elle se manifeste dans ses deux livres : « Dieu dans la création » et « L’Esprit qui donne la vie » (7).

« Une troisième modalité de la présence du divin dans la nature est constituée par les esprits qui peuplent le monde invisible « (p 64). Des théologiens pentecôtistes comme Amos Yong s’interrogent sur le discernement des esprits. Kirsteen Kim évoque ce sujet dans son œuvre sur l’Esprit saint dans le monde et particulièrement en Corée (8).

Au total, quelque soit la forme du panenthéisme, la nature est plus qu’une réalité matérielle obéissant à des lois physiques et chimiques. Elle est un mystère habité d’une conscience et d’une Présence » (p 67).

 

Quelle est la mission de l’homme ?

Si notre regard sur la nature en terme de sacralité se renouvelle, quel est maintenant le rôle de l’homme ? Les derniers chapitres balisent une voie . L’homme a pour mission d’être « un pont entre la terre et le ciel ». Il est appelé à transformer son « cosmos intérieur ». Et, à l’exemple de l’auteur, il devient un méditant-militant.

Cependant, tous ces chapitres sont denses. En voici seulement quelques aperçus. « Faire la paix avec la Terre demande de changer notre regard sur l’être humain pour lui redonner sa place dans la nature. L’enjeu est de sortir tant de l’anthropocentrisme que du biocentrisme pour élaborer une troisième voie fondée sur une relation dynamique et équilibrée entre l’humain, le cosmique et le divin. Trois réalités à unir sans les confondre et à les distinguer sans les séparer, le divin étant le centre caché de toutes choses » (p 70). Sortir d’un « anthropocentrisme dévié », selon l’expression du pape François, suppose « une série de passages : d’une approche hiérarchique à une vision holistique, de l’indépendance à l’interdépendance… » (p 74).      « Pour opérer cette transformation, quatre postures ressortent des différentes traditions comme autant de pistes de réflexion » (p 74).

L’homme peut être considéré comme intendant ou jardinier de la Création, à l’inspiration du passage de la Genèse (2.15) où Dieu enjoint à l’être humain de garder et conserver le sol. Cependant, cette posture n’est pas sans risque. Elle peut induire une relation managériale, utilitariste et instrumentale avec la nature (p 75).

Une deuxième posture est celle de  « citoyen de la communauté du vivant », « citoyen de l’univers et membre de la fratrie cosmique » (p 74). Ainsi que l’affirme un théologien, Thomas Berry, « la terre n’est pas une collection d’objets, mais une communauté de sujets ». « Selon les traditions, tous sont enfants du même père… ou de la même mère… Par cette origine partagée, tous les êtres vivants sont unis « par des liens invisibles » et « forment une sorte de famille universelle » (Laudato si’). (p 76).

« Une troisième posture respectueuse de la toile du vivant consiste à nous re-naturer (Jean-Marie Pelt) et à restaurer notre lien ontologique avec la nature. « Dans « humain », il y a « humus », la terre. La même racine se trouve dans « humilité… La terre n’est pas que notre milieu de vie, mais notre matrice originelle… » (p 78) ». Nous ne sommes pas seulement partie intégrante de la nature, mais celle-ci est inscrite au plus profond de notre corps et de notre psyché » (p 79). Avec Michel Maxime Egger, nous pouvons nous reconnaître comme un « microcosme interdépendant ».

Enfin, une quatrième posture nous est proposée, celle de médiateur entre la nature et le divin. « Selon la métaphore de Grégoire de Naziance, nous sommes des « êtres-frontières ». Nous appartenons à deux ordres de réalité entre lesquelles nous sommes appelés à être des médiateurs, le visible et l’invisible, le matériel et le spirituel… la Terre et les Cieux » (p 80). Certes, « ainsi que le montre une foule de travaux scientifiques, nous avons beaucoup en commun avec d’autres espèces… mais, en même temps, nous possédons des facultés en propre qui nous distinguent du reste de la nature » (p 81). « Microcosme, l’être humain est aussi un « microtheos », disent les Pères de l’Eglise. Créé corps, âme, esprit, cette troisième faculté, l’esprit, est ce qui rend l’être humain capable de transcender la matière, saisir les choses dans leur essence spirituelle, percevoir, au delà des apparences, la Présence qui habite la Création et qui en est la source » (p 81). « Elle définit une vocation particulière couplée à une grande responsabilité : participer à l’accomplissement spirituel de la Création » (p 82). Ici l’auteur nous parle de célébration.

Dans cet exposé, Michel Maxime Egger fait appel à une grande diversité de pensées, des Pères de l’Eglise à des philosophes comme Martin Buber ou Emmanuel Levinas, du pape François à des personnalités spirituelles de différentes traditions.

Dans un dernier chapitre : « Devenir un méditant- militant », l’auteur nous invite à ne pas nous perdre dans une spiritualité hors-sol, mais à nous  engager dans la société au quotidien. « Ancrés dans l’être, l’engagement et les gestes écologiques ne relèvent plus d’une obligation morale (« il faut ») ou d’un idéal extérieur auquel se conformer, mais sont le fruit quasi-organique d’une nécessité intérieure liée à une reconnexion en profondeur avec la terre » (p 104). Cet engagement a besoin d’être enraciné, nourri. C’est une invitation à la cohérence. « L’horizon est l’alignement entre l’être et le faire, la parole et l’action, l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité » (p 112). « Une figure incarne ce nouveau mode d’engagement écocitoyen, joyeux et non sacrificiel : le méditant-militant » (p 112). L’auteur nous décrit en plusieurs points les caractéristiques de cette nouvelle forme d’engagement. C’est encore là un passage à lire et à méditer (p 112-113)

 

Une révolution silencieuse

 Dans ce monde où les menaces abondent, il est important de voir qu’il y a bien au sein même de cette crise, des pistes positives. Aujourd’hui, Michel Maxime Egger nous montre une révolution silencieuse en cours. « Au sein même du chaos planétaire et des menaces d’effondrement, une nouvelle conscience est en train d’émerger. Ce qui se passe et qui nous échappe en bonne partie, ressemble à la genèse d’un papillon… Le spécialiste de l’intelligence collective Ivan Maltcheff voit dans ce processus une métaphore inspirante pour la situation actuelle. Aux quatre coins du globe, à différents niveaux de la société, des personnes et des groupes en transition se connectent à la nature et au divin pour cocréer le monde de demain, nourrir un devenir vers d’autres champs du possible, d’autres modes de vie compatibles avec les lois du vivant » (p 116).

L’écospiritualité est une bonne nouvelle !

J H

  1. Michel Maxime Egger. Ecospiritualité. Réenchanter notre relation avec la nature. Jouvence, 2018
  2. Un chemin spirituel vers un nouveau monde : https://vivreetesperer.com/un-chemin-spirituel-vers-un-nouveau-monde/ L’espérance en mouvement : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/
  3. Un avenir écologique pour la théologie moderne : https://vivreetesperer.com/un-avenir-ecologique-pour-la-theologie-moderne/
  4. Michel Maxime Egger : La Terre comme soi-même. Repères pour une écospiritualité. Labor et Fides, 2012
  5. Convergences écologiques : Jean Bastaire, Jürgen Moltmann, pape François, Edgar Morin : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  6. Une approche spirituelle de l’écologie. Sur la Terre comme au Ciel : https://vivreetesperer.com/une-approche-spirituelle-de-lecologie/
  7. Voir le blog : L’Esprit qui donne la vie : https://lire-moltmann.com/
  8. Pour une vision holistique de l’Esprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/