par jean | Août 26, 2012 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
La vision de Jean Viard sur le potentiel français.
Dans un livre récent : « Nouveau portrait de la France. La société des modes de vie » (1), le sociologue Jean Viard, à la suite d’autres travaux témoignant d’une approche originale, nous présente une analyse de la mutation de la société française.
La crise bat son plein et assombrit notre perception de l’avenir, et, on le sait par ailleurs, les enquêtes d’opinion font apparaître chez les français un pessimisme plus marqué que dans d’autres pays. Aussi l’analyse de Jean Viard est bienvenue, car elle apporte des éléments stimulants pour notre réflexion et notre compréhension.
Jean Viard rejoint d’autres analystes qui, au cours des dernières décennies, ont étudié la transformation de la France : Jean Fourastié (2) et Joffre Dumazedier (3), Henri Mendras (4) et Michel Serres (5). Et, comme eux, il met en valeur l’ampleur des changements en cours, mais aussi des acquis considérables que nous avons parfois tendance à oublier.
Ainsi, par exemple, notre espérance de vie a augmenté de vingt cinq ans au XXè siècle. « Cette vie en plus » qui avoisine en moyenne les 40 % par rapport à la génération de 1900 est en partie due à une formidable réduction du travail et de son usure sur le corps » (p 14).
Expansion du temps libre
De fait, une transformation fondamentale s’est opérée dans la répartition du temps. « Là où en 1900, pour la très grande majorité des citoyens, le travail et le sommeil occupaient 70% du temps de la vie, ils n’occupent plus ensemble, en 2011, que 40% » (p 15). L’augmentation de la vie se conjuguant avec la réduction du temps de travail, un genre de vie radicalement différent est apparu. « Nous sommes passé de cent mille heures disponibles, hors sommeil et travail, à environ quatre cent mille pour soi, sa famille, ses temps libres, sa culture, ses engagements et ses voyages… Cette multiplication par quatre du temps disponible, hors sommeil et hors travail, est l’information essentielle. Dans cette dilatation du temps à faible contrainte se tient la révolution temporelle que nous vivons sans en être totalement conscients » (p 32) ;
La culture du temps libre.
Dès lors, la culture du travail demeure, mais perd sa prédominance. Son influence persiste dans certains contextes et dans certains milieux, mais partout, elle doit tenir compte de la culture nouvelle qui s’est développée et se développe dans le temps libre. Cette culture nouvelle engendre une nouvelle manière de vivre et de penser. « Aujourd’hui, la société a deux maîtres : le travail bien sûr, mais aussi à part quasi égale, le temps de non-travail. Ces deux maîtres luttent, s’associent, s’opposent pour construire la société, favoriser la productivité… modifier les codes et les normes, définir les espérances et les exclusives, favoriser telle ou telle région, telle ou telle cité » (p 9). « Si les liens issus du travail sont encore nourris de la culture hiérarchique et collective particulièrement prégnante en France, ils sont appelés de plus en plus à tenir compte de la culture du temps libre où les liens sont auto-organisés et souples » (p 42).
La culture du temps libre qui se déploie dans ce que le sociologue Joffre Dumazedier avait appelé « la civilisation des loisirs » s’inscrit dans une nouvelle répartition des temps sociaux, mais aussi dans le jeu d’une autonomie qui s’exerce dans un ensemble de changements techniques et sociaux qui se traduisent par une grande mobilité.
Ainsi, Jean Viard évoque une « civilisation des vies complètes » où quatre générations évoluent ensemble, une civilisation avec les « vieux présents » et les « bébés vivants ». Cette explosion de l’espérance de vie en trois ou quatre générations est le plus beau progrès des sociétés modernes… »
Notre société est aussi une « société de mobilité des individus dans l’ensemble de leur champ d’activité et d’existence y compris, pour une part, en matière de convictions et d’engagements. Nous sommes devenus multi-appartenants dans un monde qui s’est arraché dans la douleur aux systèmes collectifs d’appartenance » (p 29).
Et, de même, « le lien social se privatise au fur et à mesure que le temps se privatise et que les normes et le valeurs inventées pour vivre ce temps libre réorganisent notre culture. Le lien social lie aujourd’hui des individus autonomes, mobiles, acculturés à l’absence, en risque permanent, il est vrai, de solitude. Mais libres aussi » (p 39).
Cette nouvelle culture du temps libre se manifeste aussi en terme de réseaux. « Nous avons chacun des réseaux de relations multiples intra et extra familiales qui ont, peu à peu, submergé les liens rares et régulés du monde d’hier. Et le cœur de ce réseau de relations, c’est l’affection sous toutes ces formes et le « faire ensemble des chose différentes », ce qui est de plus en plus le modèle de la famille tribu » (p 41).
La culture du temps libre participe à une transformation des représentations, des attitudes, des comportements. C’est une transformation de grande portée. Ainsi, nous dit Jean Viard, cette nouvelle culture « joue également avec le recul de la force comme système de domination du travail, de la politique et des femmes (ce qui est le grand regret des droites extrêmes). Cette nouvelle société est par nature paritaire et métissée, même si elle peine à advenir » (p 50)
L’avènement de la mobilité.
En 1950, une personne parcourait en moyenne chaque jour cinq kilomètres. « Cinq kilomètres, c’est un monde du voisinage, de l’interconnaissance, du contrôle social de chacun… C’est un espace social dense… c’est un groupe fortement uni par un nous dans lequel la bataille de chacun consiste à se créer une parcelle de je… » (p 60-61). Aujourd’hui, la situation est complètement différente. Une personne parcourt en moyenne chaque jour quarante-cinq kilomètres (p 61). La majorité de ces déplacements est maintenant lié au temps de loisir. « Nous sommes entrés dans une période de « mobilité généralisée ». Des flux migratoires nouveaux apparaissent. Ainsi, beaucoup de jeunes, lorsqu’ils se stabilisent, recherchent une maison avec jardin peu éloignée d’une ville de province. C’est le mode de vie qui est le choix premier. De même, les jeunes retraités sont attirés vers des villes technologiques et culturelles comme Montpellier ou Nantes » (p 67).
Ainsi, nous sommes « face à une mobilité dominante, parfois plus subie que choisie » (p 69). « Demeure une forte part de la société qui n’a pas vécu ce basculement et qui tend à se replier dans des formes d’appartenance traditionnelles » (p 65).
Cette expansion de la mobilité modifie l’usage et la représentation de l’espace. Jean Viard évoque l’importance croissante du logement et les nouvelles requêtes envers celui-ci. « La question du logement est essentielle dans l’évolution des codes sociaux et dans leur démocratisation » (p 71-81).
Et, de même, notre représentation et notre usage du territoire ont complètement changé. C’est un « territoire en réseaux ». La mobilité physique se conjugue avec une « mobilité virtuelle de masse ». Une géographie nouvelle s’est mise en place. La ville a changé de visage. Depuis vingt-cinq ans, « elle se reconstruit comme espace de promenade, de divertissement et de rencontre » (p 92). C’est Paris Plage, le retour des tramways et le Vélib. Mais cette évolution n’est pas réservée à Paris. Elle se manifeste quasiment partout. Et, de même, les rapports entre l’urbanité et le monde vert ont changé (p 100-109). « On ne peut plus penser en terme de société urbaine et société rurale, ni d’ailleurs en terme de Paris et de province » (p 102). Il y a un étalement du tissu urbain. Jean Viard évoque ainsi une « ville nuage ». Les « extra urbains », « les habitants qui ont fait le choix de quitter l’urbain central » (p 102) se multiplient. Ils s’installent dans la France des villages, des campagnes, des bourgs et des petites villes. Alors la taille et la densité de chaque aire urbaine augmente. « Lorsque nous pensons « urbains et extra urbains », écoutons le mouvement, les représentations et les trajets, car tout cela fait système, chaînes et réseaux ».
Une dynamique nouvelle à accueillir et prendre en compte.
Pour progresser, nous avons besoin de prendre conscience des représentations du passé qui nous empêchent de voir le présent dans sa réalité et d’agir en conséquence. Le livre de Jean Viard nous montre combien les dynamiques nouvelles appellent des changements que nous ne pouvons pas mettre en oeuvre lorsque nous sommes prisonniers des représentations du passé. « Trop souvent aujourd’hui, on pense et on agit la société avec une vision issue du monde d’hier » (p 19). Cela vaut pour l’économie comme pour la politique. Dans des champs très variés, Jean Viard ouvre notre regard sur les transformations dont il faudrait tenir compte pour agir avec pertinence. En voici quelques exemples.
Une compréhension des nouvelles orientations du travail fonde une réflexion prospective concernant la politique économique. On ne peut plus confondre aujourd’hui travail et production de biens. « 40% des emplois sont occupés par des gens qui s’occupent des autres : enseigner, soigner, divertir. Là est la vraie novation de nos sociétés. L’énorme investissement en éducation et en santé que nous avons fait au XXè siècle est la cause profonde des nouveaux équilibres à l’œuvre. Ensuite 30% environ des emplois gèrent la logistique de la société (commerce, sécurité, transport, politique et administration), 10% travaillent l’espace (agriculture, urbanisme, logement) et moins de 20% produisent des objets. Autrement dit, 70% des emplois sont liés aux habitants et, donc, accentuent les flux migratoires» (p 174).
Un phénomène nouveau est apparu. La recherche d’un genre de vie attractif est devenue moteur. Les entreprises sont progressivement amenées à suivre le mouvement. « Quand on étudie les migrations nationales en France depuis les années 1960, il ressort nettement que les régions touristiques attirent à la fois plus de nouveaux habitants que les autres, et plus d’entreprises dans les nouveaux secteurs économiques » (p 142). L’économie se déploie vers les zones de consommation et vers les grandes régions de tourisme. « Certaines villes comme Lyon et Lille ont su remarquablement se repositionner dans cette nouvelle géographie… Mais le plus surprenant est la puissance nouvelle des régions du soleil : Nice, Grenoble, Aix, Montpellier, Toulouse… « (p 143-144). « Les régions du sud, puis de l’ouest deviennent des pôles high tech considérables » (p 157)).
Dans cette perspective, « le tourisme est au XXè siècle un des éléments décisifs de restructuration de l’image des territoires et de leur attractivité « post- touristiques ». Et de même, le dynamisme des grandes villes françaises est lié pour une part à leur politique de mise en valeur de leur patrimoine culturel et de leurs ressources touristiques. « Réfléchissons à ce rôle du tourisme si peu étudié dans la mise en désir des territoires. Comprenons qu’après les mines, les usines et l’administration d’état au XIXè siècle, le tourisme est au XXè siècle, un des éléments décisifs de restructuration de l’image des territoires et de leur attractivité « post-touristiques ». (p 84).
La prise de conscience des orientations nouvelles peut guider une politique économique. Elle est indispensable pour concevoir une organisation politique en phase avec la manière dont la vie se déroule aujourd’hui.
Effectivement, on constate l’inadaptation des structures administratives et politiques héritées du passé et, en particulier, de la France rurale. « Les cadres territoriaux et mentaux issus du mythe paysan français ne servent plus qu’aux élus et à l’administration » (p 180). « Si la gestion des villes s’est renouvelée, les difficultés du monde extra-urbain et des banlieues appelle « une réforme territoriale puissante » (p 108). Et, bien sûr, ce qui reste du modèle centralisé et jacobin est complètement dépassé. Il est même parfois court-circuité si l’on constate avec Jean Viard que « le local est maintenant en lien direct avec le global ». « La société locale est immédiatement mondiale, là où le centre post-jacobin est souvent encore empêché dans une logique centre/périphérie qui fleure bon son Richelieu » (p 134).
Jean Viard consacre un chapitre aux « transformations de la cité politique ». Il esquisse un ensemble de propositions. Il nous appelle à un regard nouveau ; « Nous n’avons pas su réorganiser la politique, pour que le gouvernement de la cité soit en harmonie, en écoute des attentes, des individus mobiles… » (p 186). Le danger du repli, du rejet, de l’ethnicisme et du souverainisme est bien là. Nous sommes appelés à « inventer des cadres et des règles pour une cité politique nourrie de liberté individuelle, de multiplicité des objets et des expériences, de discontinuité , de besoin de vie romanesque » (p 186).
Un horizon pour la France.
Ce livre est excellent. Jean Viard pose un diagnostic sur l’état de la France. Il montre les problèmes et les dangers, mais il ne s’y attarde pas, car ses constats et ses analyses nous aident à comprendre les dysfonctionnements. Il met en évidence les transformations radicales qui sont intervenus dans notre pays au cours des dernières décennies. Il nous décrit une dynamique nouvelle qui se manifeste dans des modes de vie différents. Et, face au pessimisme ambiant, Jean Viard esquisse des propositions et montre le potentiel de la France. Il met en évidence les atouts de notre pays : Paris, la grande « ville monde », des villes dynamiques, des ressources touristiques considérables, un art de vie attractif. Jean Viard fait apparaître un ensemble de capacités qui fonde une politique de développement.
Bien sûr, il y a des difficultés, il y a des drames. Oui, il y a la montée du chômage et des inégalités, de la souffrance sociale et de l’exclusion. Mais « la faiblesse de l’analyse de la créativité de la société depuis un quart de siècle a contribué à diffuser dans l’opinion l’idée, fausse, que la pauvreté a augmenté et qu’elle est notre avenir probable… Car si on n’éclaire pas le mouvement de la société, chacun ne voit plus que ce qui se déstructure et, au lieu de mettre son énergie à accompagner, renforcer et diffuser le mouvement, chacun s’enferme dans une vision noire… » (p 197). « Il nous faut sortir des imaginaires de la chute qui nous ont envahis et redécouvrir les forces de vie aussi à l’œuvre dans le présent » (p 22). La France peut entrer dans ce monde nouveau en étant elle-même. « Demandons-nous pourquoi les autres viennent autant chez nous et bâtissons notre position économique dans la mondialisation à partir de ces désirs là » (p 194).
On peut contester tel ou tel point ou estimer que l’analyse néglige certains aspects. Cet ouvrage va-t-il assez loin dans l’analyse de l’origine, du parcours et des conséquences d’une culture traditionnelle individualiste et défensive qui engendre la défiance ? (6). Et comment aider les groupes économiquement et socialement enfermés dans des conditions anciennes de vie à entrer dans une nouvelle étape ? Mais ce livre apporte un message tonique. Il est publié dans une série intitulée : « L’urgence de comprendre ». Oui, il y a urgence de comprendre en sachant que la compréhension engendre ici une intelligence des situations et une vision, source d’encouragement et de dynamisme. Le livre de Jean Viard nous aide à percevoir la réalité sociale dans laquelle nous vivons. Partageons cette lecture qui contribue à éveiller notre intelligence collective.
J H
(1) Viard (Jean). Nouveau portrait de la France. La société des modes de vie. L’aube, 2011 (Monde en cours). Ce livre court (200p) et très accessible peut être l’objet de cercles de discussion. Sociologue, économiste de formation, Jean Viard dirige également les éditions de l’aube.
(2) Economiste, Jean Fourastié a mis en évidence les modalités de mutation économique intervenue après la seconde guerre mondiale : « Les trente glorieuses. La révolution invisible de 1945 à 1976 » (Fayard, 1979) (réédition en livre de poche). A côté de l’évolution du niveau de vie, il a mis l’accent sur la notion de genre de vie et a développé une réflexion philosophique à propos de l’évolution des mentalités.
(3) Sociologue et militant de l’éducation populaire, Joffre Dumazedier a été le pionnier de la sociologie des loisirs. Un classique : « Vers une civilisation des loisirs » (Seuil 1962)
(4) Sociologue de la vie rurale, Henri Mendras a ensuite étudié les transformations de la société française. Il a publié, entre autres, un ouvrage essentiel pour comprendre l’évolution de notre société : « La Seconde Révolution Française : 1965-1984 » (Gallimard, 1988)
(5) Michel Serres est un philosophe réputé qui réfléchit à la mutation de la société. Un essai éclairant comme réflexion sur l’évolution dans le long terme. : « Temps des crises » (Le Pommier, 2009)
(6) Sur le site de Témoins : « Défiance ou confiance. Quel style de relation ? Quelle société ? » http://www.temoins.com/societe/defiance-ou-confiance.html
Sur ce blog, on pourra lire également une mise en perspective du livre de Jérémie Rifkin : « La troisième révolution industrielle » : https://vivreetesperer.com/?p=354
par jean | Août 4, 2021 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie, Vision et sens |
Un conte moderne à l’écoute des sagesses du monde
Ce livre interroge dès le départ par son titre : « La couronne et les virus » (1). Et puis on pressent que la couronne, c’est ce qui est précieux, ce qui est essentiel, ce qui est sacré face aux maux destructeurs engendrés par les virus. La signification se précise en cours de lecture, car l’auteur nous entraine dans le parcours d’une conversation entre des personnes certes fictives, mais qui nous apparaissent dans une consistance de vie. Cette conversation aborde de grandes questions que nous posons à propos de l’existence. Elles sont introduites par l’auteur au cours de cette conversation.
L’auteur de livre : « La couronne et les virus. Et si Einstein avait raison », Shafique Keshavjee a un parcours original. Originaire de l’Inde, il habite aujourd’hui en Suisse et a été professeur à l’Université de Genève. C’est un théologien chrétien, également spécialiste de l’histoire comparée des religions. Ses compétences se sont appliquées à l’écriture de ce livre. En effet, ce sont de grandes sagesses du monde qui sont appelées à répondre à des questions existentielles. Le fil conducteur de ce roman est le dialogue entre l’auteur et une jeune femme médecin chinoise habitant à Paris pendant l’épidémie, Li Ying et, au delà, par son intermédiaire, avec d’autres interlocuteurs représentatifs de courants religieux. Ainsi, sommes-nous introduits dans différentes visions spirituelles en écoutant ce qu’elles ont à nous dire. Cette conversation interculturelle et interreligieuse nous est présentée d’une manière attrayante avec une part de suspens et de rebonds, avec au cœur, une relation qui ne va pas de soi entre une belle jeune femme chinoise et un professeur avec l’expérience de l’âge.
Dans une interview vidéo (2), Shafique Keshavjee nous explique dans quel contexte il a écrit ce livre. Il était en recherche dans le souhait d’exprimer des réponses chrétiennes aux questions existentielles qui se posent aujourd’hui. La pandémie est arrivée. Quel sens cet événement peut-il avoir ? Shafique Kevhavjee a eu un rêve : « Une personne chinoise l’appelait : Et Dieu dans tout cela ? ». Déjà habitué à écrire en terme de fiction, l’imaginaire de Khavique s’est éveillé. A partir de la rencontre avec cette jeune et belle femme chinoise, d’autres personnages imaginaires sont apparus avec des apports substantiels. Dans ce contexte hors du commun, le langage se renouvelle. La Bible est le « Livre des Livres » et Jésus, le « Thérapeuthe des thérapeutes ». Dans la compréhension du langage hébraïque qui sous-tend l’écriture biblique, des clarifications et des éclairages apparaissent. Ainsi, ce livre sort des catégorisations habituelles, et, dans sa veine imaginative, il paraît heureusement accessible à des personnes en recherche. De par son style, de par sa forme, cet ouvrage ne se prête pas à l’écriture d’un compte-rendu linéaire Nous nous bornerons ici à en donner quelques aperçus.
La rencontre avec Li Ying
A la suite de son rêve où une personne chinoise l’appelait à l’aide : « Et Dieu dans tout cela ? », Shafique Keshavjee nous raconte une histoire, celle d’une correspondance par courriel qui s’ouvre entre lui et une jeune femme chinoise, Li Ying. Ce n’est pas sans méfiance que l’auteur réagit aux premiers courriels. Et puis le dialogue s’instaure. La jeune femme se présente comme issue d’une famille taoiste, mais ouverte à une recherche spirituelle plus vaste. « A coté du Tao-Te-King de Lao Tseu que je médite avec délectation, je m’intéresse à toutes les voies qu’elles soient spirituelles ou non. Depuis peu, et sur les conseils de mon cousin Wenliang donnés avant sa mort, je me suis mis à lire ce qu’il appelait le Livre des Livres… » (p 18). Dès lors, elle a commencé à recevoir des « intuitions fortes ». Une des plus centrales serait la suivante : « Seul le meilleur de l’Orient et de l’Occident guérira nos vies » (p 16). Le message que Li Ying adresse à l’auteur, que nous appellerons maintenant ici : le professeur, est surprenant :
« Appel du Vivant
Agapé, Beauté et Bonheur
Courage. Création en crise….
La couronne de Vie est pour les combattants des virus » (p 19).
Ces propos s’éclaireront par la suite.
Li Ying explique pourquoi son message commençait par une lettre hébraïque exprimant « le commencement du commencement » : l’Aleph. Li Ying voit dans l’Aleph « l’origine sans origine de Tout et de tous » (p 22). Son cousin Wenliang a été ébloui par la découverte suivante : « Le Tao, c’est l’Aleph et l’Aleph, c’est l’Agapé » (p 22). « Dans une de mes méditation, j’ai saisi que l’Agape peut être traduit par Affection. J’ai été saisie par cette réalité : « L’Agapé, c’est l’Affection dans l’Infection. C’est dans un monde infecté que l’Affection se rend visible… » (p 23).
Le professeur se dit quelque peu désabusé. En réponse, Li Ying évoque son expérience de l’Aleph : « Dans les traditions asiatiques, le point de départ de l’expérience, ce n’est pas d’abord les mots, ( même s’ils sont vraiment utiles), mais le corps personnel et social et le souffle ». Elle évoque une « chorégraphie intérieure » où le souffle est moteur et où elle décline successivement : amour, beauté et bonheur. « Cette méditation intérieure éveille tous mes sens et m’aide à repérer les petits éclats d’affection, de beauté et de bonheur tout autour de moi » (p 28). Pour li Ying, parmi les valeurs-réalités les plus fondamentales, « c’est la triade amour-beauté-bonheur qui est la plus essentielle » (p 29).
Le professeur apprécie, mais se dit attristé et fatigué. En réponse, on notera un éclaircissement apporté par Li Ying dans une référence à l’hébreu. « Un des mots pour beauté en hébreu est tov lequel peut être aussi traduit par bonté. La beauté est bonne et la bonté est belle. Encore faut-il les voir. Le Livre des Livres affirme que l’Aleph est à l’origine de la lumière. Et tout aussi important, il dit que la lumière est tov » (p 34). « Le regard bienveillant d’autrui nous permet peu à peu de croire et de voir le tov (beauté–bonté) en soi. Le monde irait tellement mieux si, en tous lieux, nous portions un regard bienveillant les uns sur les autres. Pour ceux qui acceptent la voie de la méditation ou de la prière, c’est le regard bienveillant d’Aleph sur soi qui permet de mettre en lumière, sans peur, nos propres laideurs. Il permet surtout de mettre en lumière nos propres beautés » (p 36-38).
Après plusieurs échanges fondateurs, la conversation s’est poursuivie en introduisant d’autres personnages.
https://youtu.be/wwgSdizDDC4
Gamzou, une spiritualité juive
Li Ying introduit dans l conversation la présence de son voisin de palier, Gamzou. C’est l’époque où des personnes confinées commencent à se manifester en solidarité avec ceux qui luttent contre la pandémie. Certains s’expriment à partir de leurs balcons. « Un soir », écrit Li Ying, j’ai entendu quelqu’un qui écoutait de la musique. C’était une version orchestrale et rythmée de John Lennon : « Imagine » J’ai vu un homme qui dansait et qui riait. C’est ainsi que nous avons fait connaissance… » (p 45). Cet homme âgé était inspiré par une spiritualité juive, celle des Hassidim. « Les Hassidim sont mus par la mélodie de tout être dans la création de Dieu. Si cela les fait passer pour des fous pour ceux qui ont des oreilles moins sensibles, devraient-ils pour autant cesser de danser ? » (p 47). Le vieil homme a invité Li Ying à danser et ils ont dansé, chacun sur leur balcon. Gamzou lui a dit finalement : « N’oubliez pas la bonne humeur, Mademoiselle, quelque soient les terreurs ». Et il rajouta : « Tout a un sens » (p 48). Le professeur accueillit ce message, mais gravement objecta : « Ayant perdu un enfant, je n’ai plus envie de rire ». Gamzou, sollicité, répondit : « Lorsque je danse, ce n’est pas parce que je suis toujours heureux dans l’univers présent, mais parce que je me projette vers la joyeuse délivrance qui vient » (p 51).
En regard, comme le professeur, le lecteur, ressent l’abomination de la Schoah. Gamzou en éprouve la souffrance bien sur, mais il continue à penser : « Tout a un sens ». « Dans ce temps de chaos et de peur, le Créateur nous appelle et nous dit : partout où il y a une grande obscurité, il y a une opportunité pour une plus grande lumière » (p 58).
Et si Einstein avait raison ?
Gamzou est aussi en conversation avec Ruben, son fils qui habite Jérusalem. Celui-ci vient de découvrir « Yeshua comme Messie ». Cette nouvelle au départ a suscité un grand choc chez son père. Cependant, Li Ying est entré en contact avec Ruben. Ruben lui fit connaître la pensée d’Einstein, ce grand savant, de culture juive, mais qui ne croyait pas à un Dieu personnel. « L’argent pollue toute chose » a affirmé Einstein. Il n’a fait que répéter les enseignements de la Bible » (p 91). Et voici un autre écrit d’Einstein : « Si l’on sépare le judaïsme des prophètes et le christianisme tel qu’il fut enseigné par Jésus de tous les ajouts ultérieurs, en particulier ceux des prêtres, il subsiste une doctrine capable de guérir l’humanité de toutes les maladies sociales » (p 91). Cette découverte a ébloui Ruben. « Le meilleur du judaïsme et du christianisme , selon Einstein, serait capable de « guérir l’humanité de toutes les maladies sociales ». « Et si Einstein avait raison » C’est le sous titre donné au livre…
Alors, « Moi le juif, je me suis mis à l’école de Jeshua de Nazareth. Après un long cheminement, je suis arrivé à reconnaître que le Messie, c’est bien Jeshua » (p 92). Dans les remèdes à la crise, Ruben évoque l’humilité et la sanctification du sabbat, et sur un autre registre, une saine gestion des impôts.
Zineb : Une recherche de justesse et de liberté dans une culture musulmane
Li Ying introduit une de ses amies :Zineb dans le cercle de ses conversations avec le professeur.
Zineb, élevée dans une famille non pratiquante de culture musulmane, et passée par une étape de ferveur religieuse, mais elle a finalement découvert des failles doctrinales qui sont à l’origine de grandes violences . Certes, comme l’écrit Li Ying, « Zineb ne voit plus que le pôle Babylone sans percevoir le pôle Jérusalem. Or le Vivant fait lever son soleil sur les bons et les méchants. Et, dans toutes les cultures, des traces de sa présence peuvent être trouvées ». et Li Ying pose une question embarrassante : « Selon Djamila (nom original de Zineb), ce ne sont pas seulement des musulmans malades de haine qui seraient transmetteurs du « virus », alors que le texte sacré du Coran serait sain. Mais dans le Coran même, il y aurait des virus de haine. Et alors que des musulmans sains et lumineux y résisteraient, d’autres y succomberaient et les transmettraient autour d’eux. Comme tu connais bien les religions, voici ma question : Si il y a des Coranovirus, est-ce qu’il y a des Bibliovirus et des Talmudovirus » ? (p 125-126).
Zhen : Une manifestation du mal
Un jour, le professeur reçut un mail inhabituel de Li Ying. Ce mail l’invitait à une relation érotique ave son amie chinoise. Surpris, le professeur répondit négativement. La rupture fut évitée de justesse. Par un autre mail, Li Ying expliqua au professeur comment son frère Zhen, fauteur de zizanie, avait manipulé son ordinateur en son absence . Le professeur parvint à « douter de ses doutes » sur ce qui était arrivé. La conversation reprit et se poursuivit heureusement. Ainsi reçut-il de Li Ying un mail où elle reprenait l’enseignement de la Kabbale qui lui avait été transmis par son ami juif. « La Kabbale enseigne que quatre mondes sont imbriqués les uns dans les autres : le monde naturel, le monde humain, le monde angélique et le monde divin. A l’interface de ces quatre mondes, il y a des « états d’esprit ». Les « états d’esprit » sont façonnés à la fois par des « pulsions humaines » et par des impulsions spirituelles inspirées par des intelligences supra-naturelles vivifiantes ou mortifères. Cependant toutes ces intelligences surnaturelles restent soumises au monde du divin. Le monde du divin s’exprime diversement. La première manifestation du divin est Kether. La couronne, Kether est la volonté divine originale, source de tout délice et de tout plaisir » (p 140). Le professeur reçut cette vision avec enthousiasme. « Par Gamzou et Ruben, je saisis avec émerveillement que, selon la Kabbale, la première manifestation de l’Ultime réalité se nomme Kether : la Couronne. Et cette Couronne originelle est avant tout volonté de désir et de plaisir ». (p146-147).
Une multiplicité de virus
Tout au long de ce livre, la pandémie est constamment présente. Li Ying elle-même n’était-elle pas une femme médecin engagée contre la maladie dans un hôpital. Mais, à partir de là, voici que le débat s’élargit. La définition des virus est étendue à ce qui fait du mal à l’humanité. Li Ying ouvre cet horizon : « Cette vision d’une humanité infectée de nombreux virus ne m’a plus quitté. Mais quels sont-ils ? Il y a bien sûr le coronavirus. Mais quels sont les autres ? C’est alors que j’ai eu cette conviction. Pour soigner l’humanité, nous devons connaître tous les virus qui l’empoisonnent… Une voix intérieure me dit alors : « Le monde a beaucoup d’immunologues du corps, mais pas assez de l’âme et surtout de l’esprit » (p 69). Li Ying poursuit sa réflexion : « Virus vient du latin : « uirus » qui signifie poison. Un virus est un poison parasitaire. Si l’on accepte que l’être humain a trois dimensions distinctes et interdépendantes à savoir le corps, l’âme et l’esprit, il devient vital de s’intéresser non seulement aux virus qui détruisent le corps (la vie physiologique), mais à ceux qui détruisent l’âme (la vie psychologique) et l’esprit (la vie spirituelle) ». Cette approche recueillit l’assentiment du professeur. Ainsi il désigna en quelques mots les poisons qui lui paraissaient les plus courants : peur, convoitise, violence, suffisance. Et il écrit : « je me suis souvenu que le thérapeuthe des thérapeuthes (pour parler comme le cousin de Li Ying) avait enseigné que le cœur humain est le lieu principal des infections… C’est ce lieu qui doit être guéri en priorité » (p 76). A nouveau, dans la conversation, Li Ying rapporta un entretien avec Gamzou à propos d’un tir à l’arc. Ce n’est pas évident d’atteindre la cible. « Savez-vous quel est le virus le plus dangereux de l’humanité ? C’est ce que notre livre sacré nomme : « khattat » ce qui signifie : manquer la cible. En latin, il a été traduit par « peccatum », ce qui a donné en français : péché ». Le professeur se réjouit de ce message : « Gamzou et Li Ying n’avaient pas eu peur de dire que le virus le plus mortel pour l’humanité, c’est le « péché ». Mais leur compréhension était loin de celle si culpabilisante -et irrecevable- que les églises avaient transmises pendant des siècles » (p 83).
Mais qui est Li Ying ?
Dialogue au plus profond
Comme Li Ying se dit en contact avec beaucoup de personnalités dans le monde, le professeur s’interroge sur sa vraie nature. En réponse aux questions qu’il lui pose sur son identité véritable, Li Ying lui adresse une réponse surprenante : « Je suis la face la plus lumineuse de l’âme humaine » (p 172). Cela n’allait pas de soi. Serait-elle un aspect de l’âme du professeur ? Li Ying précisa : « Je suis la face la plus belle de l’âme humaine. Et pour ceux qui savent s’écouter, l’âme parle à l’âme » (p 173). Il y a ainsi des dialogue intérieurs dans la parole biblique : « Retourne mon âme à ton repos, car le Vivant t’a fait du bien ». « Tu étais fatigué et j’ai voulu te réchauffer . Quand dans nos vies tout est gris, il devient vital de distinguer la lumière de la nuit » (p 173). Ce roman s’achève par une parole que Li Ying adresse au professeur : « Je ne suis pas la lumière, mais la face lumineuse de l’âme qui appelle chacun à se tourner vers Celui qui dit : « Je suis la lumière du monde » » (p 182).
Un livre suggestif
Voici un roman qui se lit sans aucune lassitude dans le mouvement et la succession de mouvements et de moments très divers et une suite de suspens et de rebondissements. C’est une lecture où on prend son temps, car il y a de beaux éclairages qui appellent la réflexion et la méditation. Il y a là comme une promenade dans des paysages culturels différents. Certes, on est plus ou moins sensible et on n’adhère pas nécessairement. Mais l’auteur met en scène des réponses par rapport à des questions existentielles. Dans ce parcours interreligieux, on reçoit des éclairages nouveaux. Et si les personnages sont fictifs, ils paraissent tout à fait naturels. Cet ouvrage met en valeur le bon et le beau dont il nous est dit qu’il s’exprime dans le même mot hébraïque : tov. Alors il est réconfortant. A certains moments, on pourra apprécier cette parole de Li Ying : « Quand dans nos vies, tout est gris, il est vital de distinguer la lumière de la nuit » (p 173).
- Shafique Kevhavjee. La couronne et les virus. Et si Einstein avait raison. Saint-Augustin, éditions Het-Pro, 2021
- Interview vidéo de Shafique Kevhavjee sur son livre : La couronne et les virus : https://www.youtube.com/watch?v=wwgSdizDDC4
par jean | Avr 6, 2014 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
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Propos d’Odile Hassenforder
dans le livre : « Sa présence dans ma vie ».
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Quel regard portons-nous sur la vie ? Un regard las, amer, craintif, ou bien, malgré les épreuves, un regard persévérant dans la confiance et nourri par l’appréciation de tout ce que nous vivons de bon et de beau.
Malgré les épreuves, Odile Hassenforder a vécu une dynamique positive dans une inspiration de foi :
« Dire que je suis chrétienne, c’est dire mon orientation de vie.
C’est dire que le Christ est toute ma vie, non pas un modèle que je m’efforce d’imiter, mais une relation constante à Dieu par Christ ressuscité : Il est la vie, puissance de vie en moi quand je l’accueille par l’Esprit pour me conduire selon la justesse des lois de vie.
C’est dire que les projets de Dieu pour moi, pour l’humanité, pour l’univers sont « des projets de bonheur et non de malheur » (Jérémie 29.11) (1a).
Cette inspiration, qui allie confiance, reconnaissance et émerveillement, est présente tout au long de son livre : « Sa présence dans ma vie » (1). Le texte présenté ici a été écrit d’une seule traite (1b). Face au découragement, il nous exhorte à vivre. « La vie est un cadeau ».
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J H
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La vie est une magnifique expérience.
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« Malgré les peines et les difficultés, la vie reste une magnifique expérience ! ». Joie profonde en recevant cet encouragement, la réponse d’un soignant en réponse à mes vœux.
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Cette phrase retentit d’autant plus en moi, car elle fait écho à ce que je vis et je découvre.
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Je dirais bien plus. Au fond de mon lit, en pleine aplasie due à une chimio trop forte, j’ai reçu la joie de l’existence, un cadeau gratuit donné à tout humain par Dieu.
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En réalisant cela, je découvre le jaillissement de l’Etre divin qui nous partage ce qu’Il est puisque nous sommes créés à son image pour évoluer à sa ressemblance. Comme le bébé qui reçoit la nature de ses parents, leur culture, etc., pour devenir lui-même.
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Alors, nous pouvons vivre. Utilisons l’énergie du développement pour grandir, mûrir (sagesse) en découvrant le monde.
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C’est aussi une joie de communication, davantage de communion.
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En une phrase :
Un mouvement de vie.
Un encouragement d’expérience au delà des mots.
Quelle merveille !
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Odile Hassenforder
Ecrit personnel
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(1) Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent, 2011
1a « Ce que je crois » p 141-142
1b Ce texte, écrit d’une seule traite, est publié conjointement à un autre sous le titre : « La grâce d’exister » p171-172
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Sur ce blog, d’autres textes d’Odile Hassenforder :
https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder
par jean | Août 30, 2012 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Témoignage d’une enseignante auprès d’étudiants de sections électronique, informatique.
Hélène Delahaye est professeur de culture générale dans un IUT électronique, informatique. Elle a pour mission, d’une part de développer la culture générale des étudiants, et, d’autre part, de les préparer aux grandes demandes de communication de la vie professionnelle, par exemple préparer une synthèse de documents, rédiger une lettre de motivation pour une embauche, préparer une soutenance de stage…etc
Hélène a une formation de professeur de lettres, et, après de nombreuses années dans l’enseignement secondaire, en lycée, elle a accédé à ce poste dans l’enseignement supérieur. Au départ, Hélène a effectué des études de lettres, car elle aime beaucoup la littérature. Elle apprécie tout particulièrement la littérature du XIXè etXXè siècles, notamment le roman qui témoigne de l’évolution sociale depuis deux siècles. « C’est, par exemple, Balzac qui rapporte le passage de l’Empire à la Restauration, la révolution industrielle, l’installation des banques, la construction du monde de l’argent. Au XXè siècle, une femme écrivain, Annie Ernaux, nous parle de la condition des femmes, et, dans un livre récent : « Les années », elle retrace, à travers une sorte d’autobiographie, l’extraordinaire changement de ces trente dernières années ».
Dans l ‘enseignement secondaire, Hélène a beaucoup enseigné dans des sections technologiques. Et donc elle connaissait bien le public de garçons qu’on retrouve dans les IUT. Elle était déjà introduite dans l’université en donnant une formation pour permettre aux non bacheliers d’accéder à l’enseignement supérieur.
Les étudiants en électronique, informatique. Quelle culture ?
Hélène nous décrit le public étudiant dans les sections IUT où elle enseigne. « C’est un public composé majoritairement de garçons issus à la fois du Bac S et du Bac STI (Sciences et techniques industrielles). C’est un public qui est évidemment d’abord motivé par la technologie, et peu concerné par les disciplines littéraires. La culture de ce public est orientée avant tout vers les nouvelles technologies. Il est passionné par tout ce qui est informatique, le progrès technique en général et le sport. On peut y ajouter la musique contemporaine.Certains lisent la presse, mais surtout la presse spécialisée, technique ou sportive.
Ils sont très peu nombreux à lire des livres. Cependant, on trouve dans ce milieu de grands amateurs de science fiction, mais aussi de grands lecteurs de littérature fantastique (« Heroic Fantasy »), par exemple : J K Rowlings (Harry Potter), Tolkien… Ces lecteurs sont en même temps passionnés par l’informatique. Je me rappelle un étudiant assez original venant de STI, excellent en informatique, amateur de « Fantasy », toujours en train de lire entre deux cours et, en même temps, toujours premier dans les concours d’écriture poétique. Souvent ces lecteurs aiment également la philosophie et expriment une réflexion sur le monde et des interrogations sur l’existence. Cette minorité n’est pas négligeable, puisqu’ils représentent du cinquième au quart d’un groupe. J’essaie de m’appuyer sur leurs motivations pour entraîner le groupe, et, de toute façon, ils sont en général tous volontaires pour les exercices de communication et d’expression.
Par ailleurs, l’ensemble des étudiants est très ouvert à la langue anglaise et à la culture anglo-saxonne.. Par exemple, ils regardent beaucoup de films américains en vo et ils connaissent beaucoup de choses sur le cinéma. Et d’autre part, ils écoutent beaucoup de musique anglophone. Plus généralement, ils s’intéressent aussi à la vie politique et économique des Etats-Unis et des pays anglophones. Par exemple, l’année dernière, j’ai étudié avec eux un article sur Steve Jobs et je me suis aperçu qu’ils connaissaient très bien le fonctionnement de la société Apple.
D’autre part, en région parisienne et dans les grandes villes, la moitié des effectifs de ces sections est issue de l’immigration et quelques uns viennent directement de l’étranger (chinois, africains, marocains). Souvent, ils sont très motivés par le sport, notamment le football.
Propositions d’enseignement
Hélène nous dit comment elle oriente actuellement son enseignement.
« Il y a d’abord une réflexion sur le monde actuel et notamment sur leur domaine de spécialité .
Par ailleurs, je cherche à développer toutes les qualités d’expression écrite et orale pour leur donner une meilleure chance professionnelle. Bien sûr, il faut revoir tout ce qui est syntaxe, grammaire, orthographe parce que c’est souvent leurs points faibles .
Par ailleurs, ils sont très doués pour tout ce qui est exercice de créativité. Par exemple, si on fait des exercices de créativité théâtrale, ils sont toujours volontaires et productifs. De même, à l’écrit, quand il s’agit d’écrire de très courts écrits poétiques, ils sont très créatifs. Pourquoi cette créativité ? Peut-être parce que cela a un rapport avec leur interactivité dans la culture internet.
Je les aide également à rédiger des rapports. Un exercice important est la synthèse de documents.
Dans les salles de travaux pratiques, ce public étudiant est habitué à travailler en équipe par deux ou quatre. Et cette capacité de travailler en équipe peut également s’investir dans l’enseignement de l’expression et de la communication. Ils aiment bien travailler en groupes autonomes et rendre ensuite leurs travaux ».
Comment cet enseignement est-il perçu par les étudiants ? « Pour certains, c’est superflu. Pour certains autres, c’est une détente. Mais la majorité des étudiants a conscience que les entreprises demandent, au delà des compétences techniques, de bonnes capacités d’expression écrite et orale. Par ailleurs, les étudiants savent aussi qu’une bonne culture générale et un recul par rapport à la technique est valorisée en entreprise ».
Hélène apprécie son rôle d’enseignante. « Si ce public est parfois assez « remuant », il est aussi très attachant. Il est agréable de communiquer dans ce cadre. C’est un public qui a beaucoup d’humour, qui est souvent jovial, amical. Dans les réunions d’anciens élèves, il est agréable de les revoir et d’évoquer de bons souvenirs.
Contribution d’Hélène Delahaye.
par jean | Sep 30, 2011 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
La radio : ce n’est pas seulement une nourriture venant alimenter notre réflexion et notre imagination ; c’est aussi une voix humaine qui nous accompagne. Une voix humaine qui vient rompre l’isolement et qui nous rappelle concrètement que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes en relation. Un matin donc, j’écoutais RFI, Radio France Internationale. On y respire l’air du monde. Et, soudain, à l’intention des auditeurs, j’entends cet encouragement : « Prenez soin de vous. Chaque jour est une vie ».
Ce message me parle, me touche, m’encourage. A travers lui, j’entend des voix qui montent et convergent. Prendre soin d’autrui ! Aujourd’hui, il y a bien , dans notre société, des hommes et des femmes qui osent proclamer l’importance de la sollicitude et mettre en œuvre pour les pauvres, les êtres en besoin ou en détresse, un soin, une prise en charge attentive et empathique . C’est le mouvement du « care » qui nous vient d’Angleterre et se répand. Face à l’indifférence et à l’égoïsme, c’est l’attention à autrui, l’ouverture d’une relation. Voilà que remonte à notre mémoire la parole de Jésus sur le « bon samaritain » (Luc 10.25-37) . Un homme qui s’approche du blessé abandonné et lui porte secours …
« Prenez soin de vous ». Prends soin de toi ! Un écho à la parole clé : « Aime le prochain comme toi-même » . Ne fuis pas dans un surmoi, refuse l’auto-agressivité parfois tapie en toi . Oui manifeste de la douceur vis à vis de toi. Rejoins l’Esprit qui œuvre en toi. Prends soin de toi.
« Chaque jour est une vie ». Cette parole vient ajouter une autre dimension. Elle nous parle de la valeur de la vie, la valeur de l’existence. Elle nous rappelle combien la vie est infiniment précieuse. Et voilà, chaque jour cette vie nous est donnée. Elle nous est donnée chaque matin. « Les bontés de Dieu ne sont pas épuisées… Elles se renouvellent chaque matin » (Lam Jérémie 3.22-22). Jésus nous parle d’une vie abondante qui s’exprime dans les oiseaux du ciel et dans les fleurs des champs, une vie qui nous porte et qui est là pour nous chaque jour (Matthieu 6. 25-34) Et chaque jour , nous sommes appelés à acquiescer à la vie, à la choisir, à y découvrir ce qui est bon. « Chaque jour est une vie ».
« Prenez soin de vous ! Chaque jour est une vie ». Cette parole entendue sur RFI : un encouragement ; l’expression d’une sagesse ; une bénédiction…
JH
Ce texte a d’abord été mis en ligne sur le site de Témoins : Chaque jour est une vie