par | Mar 2, 2012 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie, Vision et sens |
Témoignage et réflexion de Philippe Molla en dialogue avec le texte précédent : « Dedans…dehors ! Face à l’exclusion, vivre une commune humanité ».
Merci à Jean pour ce travail personnel si précieux pour moi !
Encore un texte qui respire la liberté !
Ces mots résonnent tellement en moi que j’éprouve le besoin d’écrire
quelques pensées personnelles :
C’est pour moi un appel à sortir de mes conceptions humaines de qui je
crois être, ce regard souvent faussé qui m’empêche d’aller vers
l’autre. Mon prochain que je catalogue si facilement par ce qui
« frappe l’oeil « . Ne suis-je pas le prochain de mon prochain ?
J’ai tellement à apprendre de l’autre, d’une rencontre. Souvent l’homme se
plaint de ne pas trouver Dieu, peut-être par ce qu’il ne sort pas de
son enclos. Qui est notre maître, la crainte ou l’Amour ?
Qu’apprenons-nous dans notre milieu où nous nous construisons ?
Les différences de l’autre sont-elles une menace pour nous ? Ce » qui
sommes nous ? » que nous avons construit, si fragile, faut-il par tous
les moyens le protéger ? Pourquoi ?
À l’âge de 18 ans, je me sentais fort, bien construit. J’avais mes
réponses sur beaucoup de sujets. Cela me donnait beaucoup d’assurance
et une paix intérieur. Mes petites réponses toutes faites sur la vie,
la religion, sur Dieu, me faisaient croire que je détenais la vérité !
(et oui ! J’avais l’esprit bien étroit ! Comme si je pouvais détenir
Dieu, la vérité !)
Mais cette construction m’a inconsciemment isolé. Si l’autre avait
une conception de la vie très différente de la mienne, j’avais
tendance à le cataloguer et le classer par catégorie. J’avais appris
dans ma religion que l’autre était dehors et moi dedans. J’avais
appris à inviter mon prochain dans mon enclos, mon système de pensée
humain, ce que j’appelle « La pensée unique ».
Dans cette démarche aucune connexion profonde avec l’autre n’était
possible. Pourtant, cette connexion est si précieuse, elle n’exige
rien de l’autre, elle n’attend rien de l’autre. Cette connexion où
Dieu peut enfin se révéler parce qu’il est synonyme d’AMOUR!
Alors comment ai-je trouvé le chemin de la liberté, de l’amour, de la
guérison intérieur ?
A travers de vraies rencontres !
Ma rencontre avec ma femme Martine a progressivement révélé mon état
d’homme préfabriqué par la société, par la religion. Notre amour et
sa patience m’ont beaucoup aidé.
A travers, d’autres rencontres aussi. En particulier, une rencontre
profonde avec un homme, qui m’a fait entrevoir ce qu’est un partage où
il n’y a pas de place pour le jugement, les préjugés… Et ensuite, il
n’y en eu beaucoup d’autres.
Dieu a permis que je passe par des tempêtes intérieurs, des problèmes
professionnels, la maladie… Ces épreuves m’ont fragilisé. Mais c’est
dans cet état de fragilité que de véritables rencontres ont surgies.
Où l’amour de Jésus-Christ s’est manifesté, apportant guérison,
changement de mentalité et reconstruction de l’être.
J’ai découvert que Dieu se cache dans notre prochain ! Nous Le
trouvons quand nous acceptons notre fragilité, notre vulnérabilité.
Jésus-Christ n’est pas venu en super héros, mais Il a choisi de
s’exposer. Il a accepté de se rendre vulnérable, fragile, dans le seul
but d’atteindre le coeur de celui qui se sent en manque de tout,
rejeté, exclu, pauvre, pêcheur, malade, seul dans sa souffrance,
esclave de ses vices, prisonnier de sa religion, prisonnier de son
clan familial, prisonnier de sa société…
Quand j’ai lu le titre « Dedans…Dehors », j’ai tout de suite pensé à la
parabole du Bon Berger.
Cette invitation à la liberté.
Et aussi au mot église.
Ce mot église est très peu utilisé dans les évangiles. Donc, j’imagine
que Jésus l’a très peux prononcé. Peut être pour éviter qu’il soit
mal utilisé, mal interprété en créant des divisions entre tous les
hommes, des clans. Tous ces hommes à qui Jésus-Christ a donné sa vie
sur la croix, cette croix si douloureuse. Cette croix, où, bras
ouverts, il dit: «Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils
font.» L’Amour personnifié, ne laissant aucune place pour le jugement !
Cette Amour qui unit tous les hommes !
Ce mot église, « ekklesia » en grec, composé de ek et dérivé de kaleo.
Ek: hors de
Kaleo: donner un nom, appeler.
On pourrait traduire église par » les appelés par leur nom (dans le
sens unique, relation personnelle et intime avec le créateur) à sortir
hors de »
Pour comprendre la parabole du Bon Berger, il faut connaître comment
procédait un berger à l’époque de Jésus. Le berger avait un associé
qui gardait les moutons dans la bergerie, le gardien. Quand le berger
se rapprochait de la bergerie, il commençait à appeler ses brebis par
leur nom. (Cette notion de donner un nom unique à chaque brebis,
montre que le berger connaissait bien ses brebis, il passait beaucoup
de temps avec elles) Alors le gardien ouvrait la porte et les brebis
couraient avec excitation rejoindre leur berger. Le berger faisait
demi-tour et marchait en direction des verts pâturages.
Les brebis reconnaissent très bien la voix et les sons . Je connais
bien ce sujet. J’ai passé beaucoup de temps dans ma jeunesse avec une
brebis et son agneau:
Une brebis a soif de liberté, elle recherche à atteindre toujours
l’herbe fraîche qui se trouve de l’autre coté de la clôture.
il faut beaucoup de patience pour approcher une brebis.
Elle est vite dominée par la crainte, ce qui la pousse à mettre sa vie
en danger, ainsi que la vie de son agneau…
Je finirai par ces passages:
Jean 10:4
Quand IL les a tous fait sortir, il marche devant eux. Et ses moutons
le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix.Ils ne suivront jamais
quelqu’un d’autre. Au contraire, ils fuiront loin de lui, parce qu’ils
ne connaissent pas la voix des autres personnes.»
Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour accompli chasse la
crainte; car la crainte suppose le châtiment, et celui qui craint
n’est pas accompli dans l’amour. (1 Jean. 4.18)
Alors sortons découvrir ce que Dieu a caché comme trésors merveilleux !
Ces trésors préparés spécialement pour nous, être unique, aimé de
son créateur !!
Psaumes 65:
Quand TU passes, les richesses débordent. Les terres sèches sont
couvertes de récoltes, les collines sont entourées de joie. Les
pâturages portent les moutons et les chèvres, les vallées sont
couvertes de blé. Toute la campagne chante et danse de joie.
Alors qu’est ce qui nous empêche de faire de véritables rencontres où
la VIE circule
Philippe Molla
Voir sur ce blog (7 octobre 2011) un autre texte de Philippe :
« Un chantier peut-il être convivial ? »
par jean | Mar 2, 2012 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Avons-nous tendance à nous installer dans un groupe en ignorant ou en rejetant ceux qui sont à l’extérieur ? Sommes-nous enclins à catégoriser les gens en termes contraires jusqu’à la position extrême : les bons et les méchants ? Ou bien, à l’inverse, sommes-nous disposés à la bienveillance vis à vis de ceux qui nous entourent en reconnaissant la diversité des comportements. Notre attitude dans la vie sociale dépend évidemment de nos mouvements intérieurs qui s’inscrivent dans les dimensions psychologique et spirituelle de notre être. Comment gérons-nous l’agressivité et l’angoisse ? Y a-t-il en nous un courant de vie positive qui s’exprime dans l’empathie et la sympathie ?
Cependant, quelque soit notre attitude personnelle, nous sommes confrontés au climat des groupes sociaux dans lesquels nous vivons. Cette ambiance exerce sur nous une influence dont nous avons plus ou moins conscience et face à laquelle nous ne sommes pas toujours en mesure d’opposer une réflexion critique ? Et pourtant, lorsqu’on y réfléchit, la manière de vivre dans un groupe en opposant plus ou moins consciemment les gens qui sont dedans à ceux qui sont dehors, en termes positifs pour les uns, négatifs pour les autres, est beaucoup plus répandue qu’on ne l’imagine.
L’exclusion : une question sociale très actuelle .
Les historiens nous décrivent le mépris orgueilleux affichés par la classe dominante vis à vis des pauvres et des exclus dans différents contextes de notre passé. Le livre de Guillaume Le Blanc : « Que faire de notre vulnérabilité ? » (1) nous montre combien le phénomène de l’exclusion est encore très présent aujourd’hui en décrivant et analysant les processus correspondants. « Aujourd’hui nombreux sont ceux qui ont le sentiment d’être exclus, d’être rejetés du mauvais côté de la frontière. Nombreux sont ceux également qui redoutent de l’être… La crainte de l’exclusion ne porte pas seulement sur ce qu’elle entraîne dans les conditions d’existence, mais aussi sur une perte d’humanité… Dans l’effroi de l’exclusion, le sentiment même d’une communauté des vies humaines est potentiellement annulé.. . Exclure ne revient pas seulement, de ce fait, à tracer une ligne entre dedans et dehors, mais à contester le caractère pleinement humain de celles et ceux qui sont perçus, à tort ou à raison, comme étant dehors » (p 26-27). Une frontière est érigée. « L’exclusion précipite l’exclus au delà de la frontière et crée un fossé entre celles et ceux qui sont dedans et celles et ceux qui sont dehors » ( p 26). Si, comme « sujets travailleurs, raisonnables, citoyens, cherchant, dans le centre de nos ville, plaisir de vie », nous nous protégeons par un sentiment de supériorité vis à vis des exclus, le remède n’et-il pas dans une conception de l’homme qui accepte de reconnaître sa propre vulnérabilité. « Contre la suffisance d’une communauté qui se proclame invulnérable, l’accueil de l’exclu fait advenir une autre humanité, vulnérable tout autant qu’imprévisible » (p.211).
Hors de l’Eglise, point de salut… !?
Dedans. Dehors. Un autre exemple se présente à nous. Il est emprunté au domaine religieux.
Au long des siècles, l’Eglise a été le berceau d’œuvres charitables. Mais il y a aussi la mémoire d’une puissance qui imposait sa loi. Un historien, Jean Delumeau, nous rapporte la présence d’une culture de la peur fondée sur la menace de l’enfer, une exclusion éternelle. Certes, on doit éviter de généraliser et de caricaturer, mais il y a bien eu des théologiens qui ont transposé la violence de leur époque, violence du pouvoir et violence des mœurs, dans leur conception de Dieu et de la destinée humaine (2). On se rappelle l’adage : « Hors de l’Eglise, point de salut ». Bien sûr, les mentalités ont considérablement évolué, mais la croyance en une division entre « sauvés et perdus » persiste encore dans certains cercles chrétiens. Là ou elle est latente, les non croyants ne sont pas perçus comme des personnes à part entière où l’Esprit est à l’œuvre, mais, plus ou moins, comme des gens à convertir. Alors l’Eglise se vit en terme de dedans par rapport au dehors. Quelle différence avec l’attitude de Jésus qui s’en va à la rencontre des « pécheurs et des publicains ».
Jésus en lutte contre les forces d’exclusion
Jürgen Moltmann nous aide à sortir d’une catégorisation qui engendre l’exclusion. Théologien, il rejoint l’analyse du philosophe, Guillaume Le Blanc, lorsqu’il écrit dans un livre : « Jésus, le messie de Dieu » (3) : « Dans toute les sociétés, il existe les catégories alpha qui déterminent ce qui doit être considéré comme bon et ce qui doit être considéré comme mauvais. Et il existe les catégories oméga dont la bonne société doit se démarquer parce qu’elle représente ce qui est mal . Lorsque cette dualité conduit à la formation de classes commence alors une lutte sans pitié des « bons » contre les « mauvais ». (p166) Dans les récits des Evangiles, le concept de pécheur a une signification sociale comme le montrent les couples de concepts : bien portants-malades, justes-pécheurs, pharisiens-publicains ». De fait, les pécheurs sont des juifs qui ne sont pas en mesure d’observer la Torah.
Or Jésus déclare qu’il est venu appeler non pas des justes, mais des pécheurs (Marc 2.17). « En entrant dans la compagnie des pécheurs et des publicains, Jésus s’engage dans un conflit social à connotation religieuse qui creuse un abîme entre justes et injustes, entre bons et mauvais… Les justes revendiquent pour eux-mêmes la justice de Dieu et imposent socialement leur système de valeurs. De même que la « possession de la richesse » fait que les pauvres restent pauvres, de même, la « possession du bien » creuse le fossé entre les bons et les mauvais, et fait que les mauvais restent mauvais ».
Jésus prend parti en faveur des discriminés. « En faisant cela personnellement, il leur révèle, à eux et à ceux qui les oppriment, la justice messianique de Dieu qui, par le droit de la grâce, rend juste ceux qui sont injustes, bons ceux qui sont mauvais et beaux ceux qui sont laids. Il s’agit là d’une attaque en règle contre la morale religieuse et bourgeoise ».
Jésus va à la rencontre des exclus, partage la table des pécheurs et des publicains. « Jésus anticipe le festin des justes dans le royaume de Dieu et fait ainsi lui même la démonstration de ce que signifient l’accueil par le Dieu de miséricorde et le pardon des péchés. Etre invité au grand festin du Royaume de Dieu… Jésus célèbre le repas des temps messianiques avec les discriminés de son temps. S’il est le Fils de Dieu messianique, il représente ainsi le comportement de Dieu lui-même » (p166).
L’attitude à laquelle Jésus nous invite dans les Béatitudes (Matthieu 5.1-11) va dans le même sens. Il s’adresse à un peuple divers confronté à de nombreuses difficultés. Il aide chacun à reconnaître ses vulnérabilités, mais aussi les dons qu’il a reçus. Il répand un courant de vie.
Pour une commune humanité, accepter nos vulnérabilités
Dedans. Dehors. Nous sommes fréquemment confrontés en nous même et dans les groupes sociaux où nous vivons à des tentations de repli, à des attitudes d’exclusion. Nous observons les mêmes tendances à une échelle plus vaste dans le champ politique. C’est le cas, par exemple, dans la manière de considérer les étrangers .
En regard, l’Evangile nous apporte un souffle d’universalité. C’est la source d’une dimension fraternelle.
En analysant les processus d’exclusion et les dispositions d’esprit qui les favorisent, Guillaume Le Blanc apporte une compréhension qui est aussi un horizon de vie et d’action : « L’angoisse d’être exclus, la hantise d’être débarqué, la peur de tomber, n’ont jamais imprimé aussi fortement nos vies. D’où vient ce sentiment de vulnérabilité et que peut-on en faire ? Au moment même où il semble nous priver de tout pouvoir, il nous faut reconnaître notre commune fragilité et l’irréductible humanité de ceux qui ont déjà été rejetés » (en couverture). Et il nous invite à un nouveau regard : « C’est seulement en reconnaissant que nous sommes vulnérables que nous pourrons affronter l’exclusion et la comprendre malgré tout comme une possibilité humaine et aussi comme une possibilité de vie humaine « (p22).
Il y a bien des exemples où cet esprit est à l’œuvre. C’est le cas par exemple dans les « communautés de l’Arche », mais aussi dans de nombreuses associations. Dans un livre récent : « le grain de sable et la perle », Laurent de Cherisey, bien connu pour l’œuvre remarquable qu’il a accompli pour faire connaître des pionniers du développement social et environnemental à travers le monde, « les passeurs d’espoir », nous raconte comment, à partir d’un accident intervenu dans sa famille, il a été amené à s’engager dans la réalisation d’un lieu de vie pour accueillir des handicapés à la suite d’un traumatisme cranien. Son témoignage rejoint la réflexion de Guillaume Le Blanc : « Les personnes handicapées m’on fait le merveilleux cadeau de découvrir que nos fragilités ne sont pas un mal honteux à dissimuler, mais des opportunités de fécondité. Dans l’alliance de nos vulnérabilités se tissent les liens de fraternité les plus solides. La force de notre société dépend de leur qualité » (p145).
Des questions à se poser
En quoi cette réflexion peut-elle nous concerner personnellement ? Je suis attristé lorsque j’approche un milieu dont je sens qu’il est plus ou moins fermé vis à vis du monde extérieur. Je ressens la violence des attitudes d’exclusion. Quelle perte par rapport au potentiel qu’engendre l’ouverture ! Et puis, dans certaines circonstances, comme une moindre forme physique, un temps de maladie, l’impact d’un deuil, je puis ressentir l’indifférence de certains comme pouvant entraîner mon exclusion de certains circuits. Pour une part, nous avons l’habitude de communiquer dans une expression de nos capacités. On peut appréhender le devenir de cette communication si ces capacités se trouvent quelque part limitées. Des relations équilibrées impliquent le partage non seulement des produits de notre créativité, mais aussi une expression partagée de nos manques et de nos besoins. Les Béatitudes exprimées par Jésus : bienheureux les pauvres, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui suscitent la paix décrivent un style de communication qui s’opposent à la violence de ceux qui se croient forts et permettent à leur agressivité de se manifester en terme d’exclusion. Elles impliquent une reconnaissance de nos manques. Lorsque Guillaume le Blanc nous invite à accepter nos vulnérabilités , de fait à nous accepter tel que nous sommes avec nos dons et nos manques, il nous montre les incidences de cette attitude non seulement pour nous même, mais pour la vie sociale. C’est ainsi que se manifeste une vraie humanité. Voilà de bonnes questions à nous poser. Parlons en !
JH
(1) Le Blanc (Guillaume). Que faire de notre vulnérabilité ? Bayard, 2011. Guillaume Le Blanc est professeur de philosophie à l’université de Bordeaux III Il est notamment l’auteur de « Dedans, dehors. La condition d’étranger (Seuil). Nous avons découvert ce livre à travers un commentaire de Ségolène Royal.
(2) A travers son œuvre, le théologien Jürgen Moltmann nous aide à comprendre comment les conditions du pouvoir et l’état des mentalités ont influencé les doctrines émises par certains théologiens menant ainsi à une pensée d’exclusion. Voir le blog sur la pensée de Moltmann : L’Esprit qui donne la vie. http://www.lespritquidonnelavie.com/
(3) Moltmann (Jürgen). Jésus, le messie de Dieu. Cerf,1993
(4) Cherisey (Laurent de). Le Grain de sable et la Perle. Quand les personnes handicapées nous redonnent le goût du bonheur. Presses de la Renaissance, 2011. Du même auteur : Passeurs d’espoir (2 vol.), 2005-2006. Recherche volontaire pour changer le monde, 2008. Laurent de Cherisey est cofondateur de l’association Simon de Cyrène.
par jean | Fév 15, 2012 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Souvenir personnel et sans doute souvenir de beaucoup d’autres : lorsqu’il vient au monde, le petit enfant engendre une dynamique d’amour chez ceux qui l’accueillent. Quelle merveille !
Tout récemment, dans une enquête, en réponse à la question : « Quel événement à venir pourrait susciter un émerveillement de votre part ? », la naissance arrive en tête (38%), suivie d’assez près par la joie d’un enfant (33%) (1).
Cependant, d’après le travail des historiens, on sait que l’attention et le respect portés à l’enfant n’allaient pas de soi autrefois. Loin de là. Cette attention et ce respect se sont développées à partir du moment où les sociétés sont peu à peu sorties de l’oppression engendrée par la mortalité infantile, la sous nutrition, une violence latente…Pendant longtemps, en regard des adultes, le statut des enfants a été négligeable. Au début du XXè siècle encore, les mentalités ne sont pas prêtes à reconnaître le potentiel du petit enfant. A travers une œuvre pionnière, la doctoresse italienne, Maria Montessori, met en valeur ce potentiel, et, dans un livre rayonnant : « L’enfant » (2), elle parle de celui-ci en terme d’ « embryon spirituel ». Aujourd’hui où le concept de spiritualité est désormais reconnu et jouit d’une large audience, des recherches récentes viennent de mettre en évidence les dispositions spirituelles présentes chez l’enfant. Une recherche, réalisée par Rebecca Nye et David Hay, auprès d’enfants britanniques de 6 à 10 ans, a mis en évidence leurs aptitudes spirituelles en terme de « conscience relationnelle » (3).
Rebecca Nye nous décrit ainsi la spiritualité des enfants (4).
« La spiritualité des enfants est une capacité initialement naturelle pour une conscience de ce qui est sacré dans les expériences de vie. Cette conscience peut être ressentie ou pas, mais dans les deux cas, elle influe sur les actions, les sentiments et les pensées. Dans l’enfance, la spiritualité porte particulièrement sur le fait d’être en relation, de répondre à un appel, de se relier à plus que moi seul, c’est à dire aux autres, à Dieu, à la création ou à un profond sens de l’être intérieur (inner sense of self). Cette rencontre avec la transcendance peut advenir dans des expériences ou des moments spécifiques aussi bien qu’à travers une activité imaginative ou réflexive » (p.6).
Beaucoup d’expériences quotidiennes dans la vie de l’enfant se prêtent à un vécu spirituel. Aussi comprendre l’enfance est fondamental pour une compréhension plus générale de la spiritualité. Comprendre l’enfance, c’est percevoir entre autres, les réalités suivantes :
« ° Les enfants ont une façon plus holistique de voir les choses. Ils ne les analysent pas autant si bien que leur perception a un caractère plus mystique.
° Les enfants sont particulièrement ouverts et curieux. Aussi ont-ils une capacité naturelle d’émerveillement.
° La vie émotionnelle des enfants est au moins aussi forte que leur vie intellectuelle. Aussi savent-ils ce que c’est de s’abandonner à des forces qui transcendent leur contrôle.
° Les enfants manquent de connaissances sur beaucoup de choses. Pour eux, le mystère est une réalité profonde, généralement non menaçante, amicale et ils y répondent par un respect et une recherche de sens dans tous leurs jeux quotidiens.
° Les enfants acceptent que leurs mots ne suffisent pas à décrire pensées et sentiments. Aussi savent-ils que la valeur et l’importance réelle dépassent ce qui peut être dit. Ils se sentent à l’aise dans l’ineffable, l’indicible » (p.8)
« La découverte majeure de toutes ces études est que la spiritualité est une caractéristique commune naturelle, chez la plupart des enfants, probablement tous. Certainement aucune étude ne fait apparaître un type d’enfant qui ne possède pas des aptitudes spirituelles actives. D’un point de vue chrétien, cela fait sens, puisqu’on comprendrait difficilement pourquoi certaines personnes seraient créées sans une capacité instinctive de répondre à notre Créateur » (p.9). Les études sur la spiritualité des enfants éclairent notre compréhension de la spiritualité des adultes . « Un nombre surprenant d’adultes citent un souvenir d’enfance comme leur expérience spirituelle la plus importante… ». Au total, on constate que « la spiritualité des enfants est plus naturelle qu’apprise, que peut-être le terrain le plus fertile pour la spiritualité se situe dans l’enfance , que la spiritualité de l’enfance se répercute sur l’âge adulte, et que la spiritualité est profondément relationnelle » (p.11).
Ces recherches viennent apporter une confirmation de ce que nous ressentions plus ou moins clairement. Oui, l’enfant est un être spirituel. Pendant des siècles, cette réalité a été largement méconnue. Ainsi les paroles de Jésus concernant les enfants étaient à contre courant. Aujourd’hui, elles retentissent avec une force inégalée. Maintenant, elle inspire les théologiens (5) et, pour nous, elles éclairent notre cœur et notre entendement. Jésus dit : « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Matthieu 19.14). « Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même…( Marc 9. 37) ». Le commentaire de Rebecca Nye est éclairant : l’approche de Jésus vis à vis des enfants paraît appuyer l’idée que leur spiritualité reflète un état d’être quotidien. Les enfants sont accueillis et bénis et c’est au hasard que Jésus met un enfant en évidence. Cette réflexion nous éclaire sur la portée des recherches sur la spiritualité des enfants. De la même façon, Jésus s’est référé aux enfants (sans spécifier leur âge) comme « ceux dont les anges dans le ciel voient constamment la face de mon Père dans les cieux » (Matthieu 18.10). Cela suggère que les enfants jouissent d’une perception toute particulière.
C’est une forte invitation à penser que les adultes ont des choses à apprendre de la manière des enfants d’être simplement eux-mêmes et sur la relation pouvoir autorité entre les adultes et les enfants.
La découverte actuelle de la spiritualité des enfants s’inscrit dans le tournant culturel et religieux en cours durant les vingt dernières années (6). Mais, en même temps, ce phénomène est l’aboutissement de tendances à plus long terme. Ainsi le courant de l’éducation nouvelle se manifeste tout au long du XXè siècle. De même, le thème de la spiritualité a pris une importance croissante dans les dernières décennies.
La prise de conscience de la dimension spirituelle des enfants marque également une rupture avec les séquelles d’idées et de représentations installées en Occident pendant des siècles. Ainsi l’enfant était perçu comme entachée par une corruption issue du péché originel avec toute la représentation négative qui en résultait. On frémit à la manière dont certains envisageaient le sort des enfants décédés sans avoir été baptisés. Et par ailleurs, en mettant l’accent sur la petitesse et l’humilité des enfants et non sur leur potentiel de vie, la perception traditionnelle était aussi empreinte de négatif. Mais, en même temps, la reconnaissance croissante de la spiritualité des enfants s’affirme aujourd’hui à l’encontre d’une idéologie scientiste, rationaliste qui a occupé une place importante dans le paysage culturel du siècle dernier. Bien sûr, on doit également se garder d’une idéalisation excessive de l’enfant. Celui-ci participe à notre humanité avec ses travers et ses dérives, mais une vision nouvelle est apparue.
Aujourd’hui, nous assistons au développement d’une représentation nouvelle de la vie humaine. « Bénir, signifie littéralement : appeler le bien à se manifester », nous dit Rebecca Nye. Ainsi avons-nous besoin de reconnaître le bien là où il est pour l’encourager à s’épanouir. Voilà une approche souhaitable dans notre représentation de l’homme bien au delà de l’enfance.
L’enfant : un être spirituel. C’est un regard nouveau. Nous découvrons ce que nous pressentions. Quelle merveille !
JH
(1) Sur ce blog : Ce qui nous émerveille. Sur le site de Témoins : « Reconnaître le fait spirituel : un sondage sur l’émerveillement » http://www.temoins.com/enqu-tes/reconnaitre-le-fait-spirituel.-un-sondage-sur-l-emerveillement.html
(2) Montessori (Maria). L’enfant. Desclée de Brouwer (édition originale : 1936)
(3) Hay (David). Something there. The biology of human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006. Sur le site de Témoins : La vie spirituelle comme « conscience relationnelle ». http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle.html
(4) Nye (Rebecca). Children’s spirituality. What it is and why it matters. Church House Publishing, 2009
(5) Sur le site de Témoins : « Découvrir la spiritualité des enfants. Un signe des temps ». Un chapitre sur la théologie de l’enfant. http://www.temoins.com/etudes/decouvrir-la-spiritualite-des-enfants.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html
(6) Sur le site : expérience et théologie : Ursula Tissot. Comment le Dieu qui s’est fait enfant rejoint notre enfant intérieur. http://www.experience-theologie.ch/reflexions/ressourcement/comment-ce-dieu-qui-s’est-fait-enfant-rejoint-notre-enfant-interieur/
par jean | Oct 27, 2011 | ARTICLES, Vision et sens |
L’association de ces deux mots : Dieu et bonheur est sans doute différemment reçue selon l’histoire de chacun, la manière dont il a vécu dans tel ou tel milieu, les représentations qu’il a de Dieu. Dans l’Evangile, nous découvrons la personnalité de Dieu à travers Jésus et sa relation avec un père proche et aimant. Un texte de l’Evangile de Matthieu, souvent connu sous les termes de « béatitudes » nous rapporte ce que Jésus nous dit du bonheur.
Parce qu’à travers une guérison, Odile Hassenforder a reçu en même temps l’amour et la bonté de Dieu pour vivre ensuite, au long des années, dans le même esprit, elle a toujours aimé se rappeler et nous rappeler que « Dieu fait pour nous des projets de bonheur et non de malheur » (Jérémie 29.11). Dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (1), elle nous parle de la manière dont elle perçoit les béatitudes : « Les béatitudes « à ma façon » (p 113-116) . Ses paroles sont l’expression de son ressenti, de son observation et de sa réflexion. En voici quelques extraits :
« Joie pour les doux, les humbles
Il s’agit de ceux qui ne revendiquent pas. Ils possèdent une force intérieure, une autorité calme. Ils vivent, goûtent la vie dans la justesse des choses, dans le calme, la tranquillité, la confiance… Alors ils peuvent accueillir tous les bienfaits de Dieu et en jouir sur cette terre. En cela, ils héritent (possèdent) de toute la création à leur disposition alors que les violents essaient d’arracher ce qui leur manque au lieu d’accueillir, recevoir, voir au-delà.
Purs, droits, sincères
Ceux-là réaliseront la nature de Dieu, car vivre de la justice de Dieu signifie qu’en soi coule la sève de la vigne. Même chez ceux qui ne connaissent pas Dieu, mais ressentent en eux ce qui est juste, conforme à une vie juste, sans le savoir, circule en eux la vie divine. A plus forte raison… ceux qui ont la révélation du Dieu vivant, réalisent, discernent de plus en plus qui est Dieu, car la vie divine circule en eux et ils désirent de plus en plus demeurer en Dieu, recevoir la présence de Dieu qui transforme leur vie comme le soleil illumine la nature.
Heureux ceux qui répandent la paix autour d’eux.
J’aime cette traduction avec les mots : « répandre autour d’eux ». En effet, pour moi, toute personne peut être atmosphère de paix…C’est son attitude, sa manière d’être que l’entourage ressent comme une atmosphère paisible qui fait du bien…
Ces béatitudes sont le reflet de la nature de Dieu, révélée par Jésus. Créée à l’image de Dieu, toute personne y aspire. C’est par grâce que nous pouvons y accéder si nous le décidons. Ceux qui ne connaissent pas Dieu et cherchent à le faire reçoivent cette grâce de Dieu et connaissent aussi cette joie, sans doute à moindre dose, car ne connaissant pas la source, ils ne peuvent remercier, louer Dieu, ce qui a un effet multiplicateur.»
Partageons nos expériences sur la manière dont nous ressentons le bonheur intérieur et comment nous le percevons dans ceux qui nous entourent.
JH
(1) Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Empreinte, 2011. www.editions-empreinte.com. Présentation sur le site de Témoins : Sa présence dans ma vie.
par jean | Sep 30, 2011 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Lorsque nous nous approchons les uns des autres dans l’amitié et le respect, nous participons à un courant de vie, nous nous sentons heureux. C’est un bonheur qui nous élève et nous invite à regarder en avant.
Nous connaissons plus ou moins la personne de Jésus. Parfois notre connaissance est uniquement par oui-dire et exposée à des préjugés. Mais souvent, nous sommes déjà entrés d’une façon ou d’une autre en relation avec lui. Et nous pouvons déjà entendre avec notre cœur ce qui a été dit de lui en ces termes : « Vous savez comment Dieu a répandu la puissance du Saint Esprit sur Jésus de Nazareth. Vous savez aussi comment Jésus a parcouru le pays en faisant le bien, en guérissant tous ceux qui étaient sous le pouvoir du mal. Car Dieu était avec lui… Ils l’ont fait mourir sur une croix. Mais Dieu l’a ressuscité… Nous avons mangé et bu avec lui après que Dieu l’ait ramené à la vie. Il nous a demandé d’annoncer cette bonne nouvelle… (D’après Actes 10.38-42). Si ces paroles ne sont jamais parvenues jusqu’à nous, nous savons que le message de Jésus, c’est l’amour. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé » (Jean 5.13). Nous pouvons bien ressentir qu’une parole divine s’exprime ainsi.
Jésus a dit également : « Là où deux ou trois se rencontrent en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mat 18 :20). Dans toute rencontre en amitié, il y a une puissance de vie.
Les chrétiens se rencontrent au nom de Jésus dans des églises, mais aussi aujourd’hui dans des formes de plus en plus variées. Certains ressentent parfois un manque d’authenticité et de créativité dans les célébrations et les rites traditionnels parce que la culture d’aujourd’hui est bien différente de celle d’hier. L’évangile nous dit que ce n’est pas la forme qui est importante, mais le cœur : le désir de se rencontrer en vérité dans l’esprit de Jésus. Et cette rencontre est puissance de vie puisqu’elle porte une réponse de Dieu. Il nous est dit que, dans ce contexte, notre Père céleste répond à la prière.
Nous rencontrer deux ou trois dans l’esprit de Jésus : cela peut prendre des formes très différentes : la rencontre dans un petit groupe, mais aussi une relation d’amitié. Cela peut également être plus ou moins explicite. On peut se le dire immédiatement ou le ressentir ensemble progressivement.
Autrefois l’Eglise a parfois pu être perçue comme exclusive, totalitaire et même porteuse de peur et de mort spirituelle. Nous avons conscience aujourd’hui de ces déviations. Mais la « bonne » Eglise a été et est toujours une communauté où l’on découvre progressivement le message de vie que Dieu, communion d’amour, désire nous transmettre. Cette Eglise prend aujourd’hui des formes bien différentes selon les mentalités. Ce qui est important pour découvrir la puissance de vie divine, c’est de pouvoir partager, et comme on dit aujourd’hui, faire église (1). Se rencontrer à quelques-uns dans l’esprit de Jésus ressuscité, c’est, par rapport au passé, faire église autrement. Aujourd’hui, l’Esprit de Dieu se manifeste dans les aspirations humaines. Il suscite questionnements et découvertes jusqu’à un acquiescement à la vie divine dans une adhésion vivante à Jésus ressuscité, à Dieu, communion d’amour.
Ce processus se manifeste et s’exprime à travers tous ces partages où deux ou trois se rencontrent. C’est une grande tapisserie où les fils s’entrecroisent. C’est une grande prairie parsemée de fleurs aux multiples coloris. Cette réalité grandira si nous la partageons. Alors exprimons-nous sur ce site simplement en disant quelques mots de ce que nous vivons dans ces rencontres, là où deux ou trois, quelques uns, davantage parfois cheminent et font équipe dans l’Esprit, en chemin avec Jésus, Christ ressuscité. Et, ensemble partageons nos expériences dans un réseau où cette vie pourra ainsi grandir et se répandre.
JH
(1) Ce désir de faire église autrement s’exprime notamment dans le courant de l’Eglise émergente . Pour en savoir plus, la rubrique : recherche et innovation du site de Témoins : www.temoins.com