Avant toute chose, la vie est bonne !

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51auQ7srgSL._SX195_.jpgSi tu vis, c’est beau que tu existes !

L’émerveillement est le fondement de l’existence.

Propos de Bertrand Vergely

Dans son livre : « Retour à l’émerveillement » (1), Bertrand Vergely ouvre notre regard et notre horizon : « Qui s’émerveille n’est pas indifférent. Il est ouvert au monde, à l’humanité, à l’existence. Il rend possible un lien à ceux-ci » (p 9). Invité par le réseau Picpus (2) dans le cadre d’une séance : « Lire aux Eclats », dans une courte intervention enregistrée en vidéo, Bertrand Vergely revient sur cet ouvrage (3) . Et, en termes passionnés, il nous communique sa vision de la vie. C’est une vision qui rompt avec le marasme ambiant, une invitation à la vie et l’espérance (4).

Ainsi, en quelques mots, nous retrace-t-il son parcours. Venant d’une enfance heureuse et éclairée, il s’est trouvé ensuite confronté à « un monde en colère, malheureux, triste, révolté ».  (Dans mon enfance et ma première jeunesse), j’ai vécu dans un monde qui était marqué par la joie de vivre, par une mère formidable. J’ai grandi dans la beauté de l’église orthodoxe. J’ai eu le sentiment incroyable de la beauté de la vie… »

Et ensuite, ce fut un choc : « J’ai débarqué avec effroi dans un monde qui ignorait tout de la beauté de la vie, dans un monde très en colère contre l’existence. J’ai vu des gens tellement fâchés à l’égard de l’existence qu’ils étaient totalement fâchés avec Dieu… J’ai été sidéré par le nihilisme, le désespoir de notre époque ». Dans cette colère, Bertrand Vergely perçoit aussi une recherche de sens : « Qu’est ce que nous faisons sur terre ? Pourquoi est-ce que nous sommes là ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Est-ce que l’homme a une identité ? Est-ce qu’il est porteur de quelque chose ?

Et, comme philosophe, il entre en mouvement pour y répondre. « Il faut absolument dire à ce monde que la vie vaut la peine d’être vécue. J’ai revisité la tradition philosophique. J’ai essayé  d’expliquer pourquoi il fallait absolument revenir aux fondamentaux de l’existence. J’ai essayé de dire une chose que Platon a très bien expliqué au livre 6 de « La République », c’est que l’émerveillement est le fondement de l’existence. En termes métaphysiques, Platon a exprimé une vérité qui est une vérité religieuse. L’essence du monde, c’est la beauté. C’est cela qui tient le monde en équilibre ».

Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde ? Parce que c’est beau ! Si tu vis, c’est beau que tu existes ! Pourquoi fait-on des enfants ? Parce que c’est beau ! Nous venons de la beauté. L’émerveillement devant la beauté, c’est ce qui donne du sens au monde ».

Alors, dans un milieu marqué  par le pessimisme, Bertrand Vergely interpelle ses interlocuteurs. « Tu vas avoir une vie à construire. Tu vas avoir des enfants à élever. Qu’est ce que tu vas leur dire ?: « Tu viens de rien. Tu vas vers rien. Tu es porteur de rien » ou bien : « Tout est foutu, mais il faut y aller quand même ». Et, en regard, il proclame : « Moi, je dis une chose. Tu viens de choses extraordinaires. Tu vas vers des choses extraordinaires. Tu es porteur de choses tout à fait extraordinaires ».

Bien sûr, dans la vie, il y a des difficultés à traverser, des épreuves à affronter.  Mais, « avant toute chose, la vie est bonne ! Avant toute chose, il est magnifique que nous soyons là ! Ensuite, on peut discuter parce qu’il arrive quantité de choses dans l’existence. Et, à un moment, tout n’est pas merveilleux, tout n’est pas magnifique ! » . Alors, pour faire face, « il convient de retrouver nos racines ». « Il est très important de retrouver les sources de notre existence » (5). « Nous sommes dans un monde qui a perdu la connaissance de lui-même ». A certains moments, « nous avons été émerveillés par la vie ». « Nous avons en nous une part d’émerveillement ». « Si nous luttons contre le mal qui existe à l’intérieur du monde, c’est parce que, quelque part, nous avons en nous ce souvenir de l’émerveillement ». Saint Augustin a dit : « Si tu ne te souvenais pas de ton bonheur, tu ne te souviendrais pas de toi même ».

Bertrand Vergely nous invite à revisiter « la magnifique tradition biblique, évangélique où Dieu crée le monde ». «  D’abord, il y a un Dieu. On ne vient pas de rien. On vient d’une volonté qui veut que le monde soit et d’un Dieu qui se réjouit que le monde soit ». Il y a « quelque chose de magnifique qui veut que la joie se perpétue ». « Vivre, c’est célébrer l’existence ! ».

Ce sont là des propos percutants. On aime entendre ce parler direct dans la bouche d’un  philosophe, auteur de nombreux livres concernant la  philosophie. Celle-ci n’est plus seulement une affaire d’intellectuels ou de spécialistes, elle est aujourd’hui de plus en plus en prise avec les questions de la vie quotidienne. Et Bertrand Vergely poursuit également une réflexion sur le bonheur (6). Les propos que nous venons d’entendre nous invitent à revisiter son livre : « Retour à l’émerveillement ».  Bertrand Vergely nous appelle à entrer dans une dynamique de vie (7). « Avant toute chose, la vie est belle ! Il est magnifique que nous soyons là ! La vie vaut la peine d’être vécue ! ».

J H

 

(1)            Vergely (Bertrand). Retour à l’émerveillement. Albin Michel, 2010 (Essais clés). Voir sur ce blog : « Emerveillement. Un regard nouveau » : https://vivreetesperer.com/?p=17 Bertrand Vergely est l’auteur de nombreux livres. Il expose sa pensée à travers une interview dans un livre récent : « Regards sur notre monde ». Entretiens d’Anne Christine Fournier avec Rémy Brague, Jean-Luc Marion, Edgar Morin, Eric de Rosny, Bertrand Vergely. (Mame, 2012)

(2)            « Réseau Picpus, mouvement picpusien des jeunes, est né à l’intuition de religieux de la  Congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus qui ont souhaité offrir à des étudiants et jeunes professionnels un espace d’enrichissement mutuel à partir de leurs attentes. Ainsi, à partir d’un panel d’entrées possibles (artistiques, culturelles, spirituelles) s’ouvre l’occasion d’une appropriation personnelle de la foi ». Ce réseau est très actif sur internet en y présentant de nombreuses vidéos : gospel, rencontre avec des personnalités…. http://www.reseau-picpus.com/

(3)            Vidéo : Echange et débat avec Bertrand Vergely dans le cadre de la séance : « Lire aux Eclats » du dimanche 11 décembre 2011 à partir de son livre sur l’émerveillement. Mise en ligne le 18 février 2012 :

 

(4)            Sur un autre plan, cette révolte contre la pessimisme ambiant et cette dynamique de vie se trouvent dans le récent livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible ». Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour la France et pour le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=937

(5)            Dans un article précédent : « La vie est un cadeau », nous rapportons l’expérience d’Odile Hassenforder qui, face à une dure épreuve de santé, a continué à recevoir la vie comme un cadeau en puisant à la source : un Dieu bon, puissance de vie : https://vivreetesperer.com/?p=1085.

(6)            Vergely (Bertrand). Petite philosophie du bonheur. Milan, 2012

(7)            Dans la même perspective, nous trouvons une inspiration dans la pensée de Jürgen Moltmann qui nous fait entrer dans une théologie de l’espérance qui met en évidence une puissance de vie.  L’Esprit de Dieu est « l’Esprit qui donne la vie » . Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com « Le Dieu vivant appelle toujours à la vie, que nous vivions ou que nous mourions. Sa proximité vivifie toujours et partout ». Moltmann (Jürgen). De commencements en recommencements Une dynamique d’espérance. Empreinte, 2012. Présentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572

La vie est un cadeau

Admirer, m’émerveiller, adorer c’est gratuit !

 

Propos d’Odile Hassenforder

dans son livre : Sa présence dans ma vie.

 

Dans son livre : « Sa présence dans ma vie ? », (1) Odile Hassenforder nous rapporte une dynamique de vie qu’elle puise en Dieu et qui la porte jusque dans l’épreuve de la maladie. Dans ce mouvement, elle reçoit  la vie comme un don, un cadeau. Et elle entre naturellement dans une attitude d’émerveillement et d’adoration. C’est une attitude profondément ancrée dans les différents moments de la vie quotidienne, comme celui-ci marqué par une grande fragilité.

 

« Je me sentais si bien hier. Pourquoi ce vague à l’âme au réveil ce matin ? Un retour de bâton ? Je me sens vide, pas d’envie, pas d’énergie, inutile… Je sens, par expérience, qu’il n’est pas bon de ruminer ainsi.

 

Du fond de mon lit, je regarde par la fenêtre le ciel, l’arbre qui gigote, et ma pensée s’envole vers des souvenirs. Des paysages défilent à toute allure avec des sensations de plaisir. Que c’est beau ! Que c’est bon ! Le créateur me donne cela gratuitement. C’est gratuit, oui, gratuit. C’est pour moi. Je n’ai qu’à prendre. Et ce don, ce cadeau vient humecter mon cœur comme une douce pluie bienfaisante dans mon désert.

 

Une sensation de contentement m’envahit. Je respire doucement, profondément avec délice… Le balancier de mon cœur se débloque et trouve peu à peu le mouvement calme et régulier du rythme de mon cœur. J’accueille cette paix imprégnée de sécurité, une joie d’exister reliée au créateur m’est donnée.

 

Que c’est bon d’exister pour admirer, m’émerveiller, adorer ! C’est gratuit. Je n’ai qu’à recevoir, en profiter sans culpabilité sans besoin de me justifier. (Justifier quoi ? de vivre ?)

 

D’un sentiment de reconnaissance, jaillit une louange joyeuse, une adoration au créateur de l’univers dont je fais partie, au Dieu qui veut le bonheur de ses créatures. Alors mon « ego » n’est plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place relié à un « tout », sans prétention ( Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit son chemin.

 

Comme il est écrit dans un psaume : « Cette journée est pour moi un sujet de joie… Une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel auprès de toi, mon Dieu… Louez l’Eternel car il est bon. Son amour est infini. » (Psaume 16.118..)

 

La vie est vraiment trop belle pour être triste. Alleluia ! »

 

Odile Hassenforder

 

(1)            Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie . Parcours spirituel. Empreinte, 2011. Le texte ci-dessus est paru dans ce livre : p. 179-180. Rédigé par Odile dans les derniers mois précédant son départ de la vie terrestre, il a également été mis en ligne très tôt, en mars 2009, sur le site : relation-aide.com http://www.relation-aide.com/forum/viewtopic.php?t=4285&view=previous&sid=86e477ecc0372fe31b050dbbb5864aae . Une présentation de « Sa présence dans ma vie » sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html. On trouvera sur ce blog plusieurs textes présentant la pensée d’Odile : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder

 

« Nous, on n’est pas des intellos »

La traversée en voiture de la grande banlieue parisienne nous a préparées peu à peu au changement de paysage culturel dont nous faisons l’expérience en approchant du collège où nous devons intervenir.  Arrivées en avance, nous avons le temps de faire une halte dans un petit café tout proche. Pas une femme à l’intérieur. Nous amadouons le patron en lui disant que nous  venons prendre un réconfort avant d’attaquer notre tâche délicate dans le collège voisin : il nous fait apporter deux  tasses de café,  déposées sur le comptoir à côté d’un tronc marqué « Pour l’entretien de la mosquée ». « Vous êtes enseignantes ? », nous demande-t-il – Non, nous animons des séances d’éducation à la paix – Ah mesdames, il faut venir nombreuses, » répond-il, une expression soudainement triste sur le visage, «  ici on est dépassé par nos jeunes ! »

 

Quelques instants plus tard Marie Lou et moi traversons la cour du collège, surplombée par des barres d’immeubles où logent la plupart des élèves avec leur famille. Trois jeunes garçons, d’une douzaine d’années, nous sont amenés par l’éducatrice spécialisée. Nous sommes bientôt rejoints par Myriam, qui fait aussi partie du groupe, mais qui finissait juste de tresser les cheveux d’une amie !

 

Nous sommes conduits dans une salle accueillante, de taille réduite, réservée au travail de l’éducatrice qui, dans le cadre d’un Dispositif Nouvelle Chance agréé par l’Education nationale, accompagne des petits groupes d’élèves ayant décroché, pour motifs divers, de la scolarité courante.

Depuis quelques mois deux d’entre nous, engagées avec le programme Education à la paix, viennent une fois par semaine  pour contribuer à ce processus, avec nos propres activités.

Nous consacrons trois heures d’affilée à quatre de ces jeunes, différents d’une fois sur l’autre.

En début de séance, nous nous présentons puis nous invitons les enfants à visionner une courte vidéo, intitulée Caméra café, qui se veut drôle mais induit des situations de tensions entre les protagonistes de l’histoire. Nous remettons ensuite à chacun le texte imprimé du scénario pour le relire ensemble, ayant distribué les rôles. Nous constatons chez les jeunes de réels talents d’interprétation. Ils seront prompts, ensuite, à identifier les situations qui génèrent sentiments de violence ou d’injustice.

 

On en vient à parler de la vie au collège. Les jeunes nous font vite sentir qu’il y a un grand décalage entre les idées de notre programme et ce qu’ils vivent ici. Myriam prend respectueusement la parole ; elle s’exprime dans un français qui m’impressionne pour une fillette de onze ans « en difficulté scolaire » : « Vous savez, la plupart des jeunes ici n’ont pas ce langage que vous tenez. D’ailleurs c’est pas bien d’être ici, nous dit-elle, il y a beaucoup de grossièreté. Et puis, il n’y a pas de solidarité. » « Oui, ajoute un garçon, sur le mur d’entrée on voit liberté égalité fraternité, mais ici on vit pas ça. Et pour se défendre il faut savoir se battre. » Marie Lou acquiesce à l’idée qu’il faut se défendre, que c’est important, mais se défendre veut-il dire nécessairement frapper ?  « On  se voit pas faisant autrement, Madame, sinon on se ferait traiter de tapettes. Et puis il y a les grands frères qui s’en mêlent quelques fois. » Marie Lou demande : « Est-ce que vous êtes contents que ça marche comme ça ici, qu’on ne crée des relations que par la peur, et que ça devienne une habitude ? » Silence. « Vous voudriez d’un monde où c’est partout comme ça ? – Ben non bien sûr … –  Et bien, reprend Marie Lou, je vous assure que pour régler des conflits, il faut être hyper créatifs, hyper intelligents. – Oui mais justement nous on n’est pas vraiment … intelligents. – Qu’est ce que c’est être intelligent ? – C’est … être des intellos. » Et Myriam de nous expliquer que, par exemple, elle n’a pas de bons résultats scolaires. Marie Lou rétorque qu’il y a bien d’autres signes d’intelligence que les résultats scolaires.

 

Et nos quatre jeunes en seront bien la preuve. Lors d’une séquence de l’animation, une trentaine de photos, représentant des situations ou des objets les plus divers, seront étalées sous leurs yeux. Il leur sera demandé d’en choisir en silence deux chacun : une représentant un objet ou une situation qu’ils aiment, la seconde au contraire quelque chose qui leur déplait.

Les deux choix de Myriam et Kevin seront les mêmes, mais pour des raisons opposées ! Une photo représente quatre vieilles femmes parlant ensemble sur un banc au soleil : Myriam aime cette photo qui lui fait penser à ses conversations avec sa grand-mère, au Maroc. Cette grand-mère qui dit à sa petite fille que même si elle n’aime pas l’école, elle a de la chance d’apprendre à lire et écrire. « J’aime parler avec les vieilles personnes, on apprend toujours des choses intéressantes », insiste Myriam malgré les moqueries de ses camarades que cette scène de vieillards révulse franchement. Ce n’est pas pour rien que Kevin l’a choisie comme le dernier endroit où il voudrait être. « C’est vrai que quelquefois les vieux disent des choses pas intéressantes, dit Myriam, mais ça m’est égal, et dans ce cas là je m’endors à côté d’eux, je me sens en sécurité. »  Quant à la scène des amoureux, c’est celle-là qui la révulse : « C’est dégoûtant, c’est violent, j’aurais honte qu’un membre de ma famille me voit dans cette position !  – Ouais, tu dis ça, mais dans quelques années tu changeras d’avis »,  s’esclaffent les garçons. Et d’ailleurs Kevin ne cache pas du tout que lui rêverait de vivre déjà une histoire amoureuse, c’est pour cela qu’il a choisi cette photo comme sa préférée ! Les choix des autres jeunes seront aussi des occasions d’échanges animés,  les images interpellant vivement leurs imaginaires et leur univers émotionnel.

 

La fin de la séance approche. On distribue à chacun une feuille de papier qui préfigure une lettre qu’il va s’écrire à lui-même. Celle-ci sera ensuite glissée dans une enveloppe sur laquelle sera inscrite l’adresse de l’auteur. Dans un mois nous expédierons les lettres.  Marie Lou va d’un garçon à l’autre pour les aider à entrer dans le jeu. La démarche est prise au sérieux. Chacun se concentre dans son coin. Quant à Myriam, elle me confie qu’elle n’est « pas bonne à l’écrit » et me demande si je peux écrire ce qu’elle va me dire. « Mais c’est personnel, c’est secret », lui dis-je. « Je n’ai rien à cacher », rétorque la fillette.  Puis elle regarde droit devant elle et après un petit silence me dicte les réponses qu’elle veut donner aux trois questions pré imprimées sur sa feuille : Chère Myriam,  …     Voilà ce que tu as retenu de l’animation à laquelle tu as participé le … juin au collège : (Réponse de Myriam)  ce que je pense de moi-même est plus important que ce que les autres pensent de moi. Je peux régler mes problèmes autrement que par la bagarre.

Voici ce que tu aimerais voir changer dans le collège : (Réponse de Myriam) qu’il y ait moins de grossièreté, plus de respect et que les gens arrêtent d’avoir des préjugés les uns sur les autres d’après les vêtements qu’on porte ou comme on parle.

Voici ce que tu es prête à faire pour aider les choses à changer : (Réponse de Myriam) plutôt que de taper, je parlerai avec les autres pour comprendre la cause du problème. Je serai plus coopérante pour les aider  Je ferai comme je sens qui est bien au fond de moi et qui m’apporte la paix. Je devrais être plus concentrée en classe. »

 

Pardon Myriam de divulguer ainsi tes pensées : j’ai changé ton nom pour préserver  l’anonymat. J’ai  une grande excuse : faire savoir que dans des milieux difficiles grandissent des enfants comme toi qui ont plein de pépites au fond du cœur et dont l’intelligence vibre déjà très fort à l’interpellation de valeurs qui ne sont pas celles du milieu ambiant. Ton répondant  à notre animation justifie tous les efforts entrepris pour mettre au point des programmes d’éducation à la paix dans tous les milieux. Et il constitue un grand message d’espoir!

 

Nathalie CHAVANNE

 

 

Le Programme Education à la Paix, est un des programmes portés par l’Association Initiatives et Changement.

Il met au point des espaces structurés de réflexion et d’expression, où, dans des contextes divers, les jeunes peuvent développer leurs compétences sociales en faveur d’un meilleur vivre ensemble et d’une ouverture à l’initiative citoyenne.

 

Programme : Education à la paix

Dialoguer, apprendre à vivre ensemble, agir en citoyen.

7 bis, rue des Acacias

92130 Issy-les-Moulineaux

http://www.fr.iofc.org/

Travailler dans les nouvelles technologies. Un itinéraire professionnel fondé sur la justice.

Susciter un espace de collaboration dans une entreprise hiérarchisée.

Ingénieur, Faubert travaille depuis quinze ans dans une entreprise de nouvelle technologie.

Quelles sont les caractéristiques de ce milieu professionnel ? « Tout d’abord, c’est un secteur en mouvement, en l’espèce la technologie de l’information. Comment pouvoir accéder à un contenu sous toutes les formes possibles ? Il y a différents médias. On doit pouvoir accéder aux contenus dans ces différents supports : téléphone mobile, télévision connectée, Ipad, PC portable, voiture connectée, maison connectée…

Pour répondre à ce besoin, nous devons développer de nouvelles technologies. Cela requiert de nouveaux types de compétences et nécessite une veille permanente sur les innovations. Le cycle de renouvellement de ces différents supports est assez bref. Dans ce domaine, la concurrence mondiale est très forte. Le mouvement est constant et rapide ».

Comment Faubert a-t-il commencé à travailler dans ce secteur d’activité ?

« J’étais passionné par les technologies. J’ai reçu une proposition pour un travail dans le domaine des technologies de l’information.

J’avais des idées claires sur les tendances des marchés. Mais tout était nouveau pour moi dans le métier où je m’engageais. Je découvrais qu’il y avait des contraintes industrielles qui limitaient ma capacité d’approfondissement. Passant du monde de la recherche au monde industriel, je ressentais des limitations et une certaine frustration. C’est un monde où on apprend différemment.

Et d’autre part, je découvrais l’importance des relations sociales : avec mes collègues, avec mes supérieurs, avec d’autres partenaires industriels ? C’est un éco système complexe. J’ai commencé à réaliser la distinction entre savoir-faire et savoir-être. Dans un secteur où les relations ont une grande importance, le savoir- être est très important.

Dans son travail, Faubert a vécu une expérience concernant l’organisation du travail. Il a pu jouer un rôle innovant.

« J’ai constaté que la structure des entreprises françaises est très hiérarchisée. En France, ceux qui dirigent, viennent de formations prestigieuses : Polytechnique, Normale Sup, ENA, HEC… Beaucoup d’entre eux n’ont pas cheminé comme la majorité des travailleurs. Ils ont peu d’expérience de terrain : une certaine durée dans le temps pour intégrer la réalité professionnelle. Certains paraissent parachutés. Beaucoup d’entre eux ont le sentiment de tout savoir puisqu’ils sont les meilleurs. Pour eux, être intelligent, c’est réfléchir rapidement et trouver très vite des solutions. Mais si cela peut valoir dans les études, dans le monde professionnel, la réalité est différente. Car, dans cette réalité, les relations sociales sont très importantes. Dans ce système,  tout vient d’en haut. Et il y a une sorte de mimétisme par lequel ce modèle se propage à tous les niveaux. Une évolution commence à se manifester. En marge de ce système dominant,apparaissent de nouvelles formes d’entreprise où le management est moins hiérarchisé : Google, Facebook… »

Comment faire évoluer la manière de travailler dans ce contexte très hiérarchisé ?

« A l’époque, accédant à une rôle de manager , j’espérais peser dans les décisions et pouvoir diriger librement mon équipe. J’ai été confronté rapidement à la réalité de ma direction et dans ce contexte, j’ai ressenti que j’étais seulement le porte-parole de celle-ci. J’avais très peu de marge de manœuvre. Aussi, j’étais déçu dans l’exercice de ma nouvelle fonction. En parallèle, je souhaitais quand même ouvrir  un espace de liberté au sein de mon équipe.

J’ai agi en conséquence. J’ai formé un noyau de trois personnes pendant deux ou trois ans aussi bien sur le métier et sur le savoir-être. Je les ai aidé à bien comprendre le cycle de développement d’un produit. D’autre part, j’ai développé une relation confiante entre ce noyau et moi. J’ai voulu leur permettre d’avoir un sens critique. Qu’ils puissent me confier ce qui n’allait pas dans le service : cela pouvait être en rapport avec moi, avec l’équipe ou avec l’entreprise. C’était aussi leur donner la possibilité de faire des propositions et d’en parler ensemble. Pour moi, ce qui était important, c’est que chacun puisse s’exprimer. Certes, les propositions n’étaient pas toujours retenues, mais les choix, qui étaient faits en tenant compte des contraintes de l’entreprise, étaient expliqués. L’équipe a grandi dans ce mode de relation et cela a engendré un sens de la responsabilité beaucoup plus grand chez mes collègues, et parallèlement une vraie autonomie.

Cette période a été enthousiasmante, mais très difficile. Je voyais le fruit de ce travail de formation, mais je subissais de fortes pressions de ma  direction. On m’imposait des décisions qui ne correspondaient pas à la réalité. Je devais m’adapter, essayer de trouver un compromis entre ces décisions imposées d’en haut et la réalité de l’équipe. Il n’y avait pas de possibilité de retourner un feedback vers la direction. Cela suscitait chez moi de la souffrance. Cela m’épuisait ».

Après cette période de recherche et d’innovation sociale, comment la situation a-t-elle évolué ?

« Tout simplement, il y a eu des résultats très positifs au sein de mon équipe qui ont permis à la direction de me donner plus d’autonomie. La direction a perçu une très forte implication de mon équipe. Petit à petit, j’ai gagné une marge de liberté. J’avais réussi à ce que mon équipe soit motivée et responsable. Cela se voyait à l’extérieur. Nous réalisions une activité beaucoup plus grande en volume et en qualité que celle qui advenait dans d’autres groupes de l’entreprise.

Plus on avançait dans le temps, plus l’ensemble de l’équipe prenait des responsabilités. Ce n’était plus seulement le noyau qui était particulièrement actif. Tous les collègues étaient également impliqués. Pour que cela se passe, il fallait partager l’information. Chaque collègue était informé sur l’ensemble des activités et des projets. Dans cette période de transition, le noyau a perdu son privilège, mais, en même temps, son périmètre s’est étendu, car les responsabilités de ses membres se sont accrues, par exemple à travers des délégations. Une confiance réciproque s’est instaurée.

Récemment, il y a eu un changement de direction dans mon entreprise. Le nouveau directeur a essayé de comprendre les manières de fonctionner. A ce moment là, il m’a fallu constamment expliquer, convaincre pour qu’il se fasse sa propre opinion. Dans ce travail d’explication, mon équipe a été en première ligne. L’aventure se poursuit ».

Où Faubert a-t-il puisé la force d’aller ainsi à contre-courant pour réaliser cet espace de liberté et ce climat de confiance ?

« Dans tout cet itinéraire, j’ai été inspiré par des valeurs chrétiennes. Face à la pression que j’ai rencontrée, face à la nécessité de gérer ce grand écart, j’avais le choix entre deux attitudes : soit démissionner, soit poursuivre l’approche que j’avais engagée. Au fond de moi-même, j’étais convaincu que l’approche, que j’avais adoptée, était juste, mais, à ce moment là, je ne pouvais pas l’expliciter. Je savais simplement au fond de moi-même que, dans les difficultés, je pouvais beaucoup apprendre et également grandir. En parallèle, j’ai senti en moi une force pour supporter les grandes pressions auxquelles j’étais confronté. Je subissais de grands stress avec quelques conséquences physiques, mais j’avais la force de continuer mon œuvre. S’il y avait ainsi en moi cette force de continuer, c’est parce que je pensais que le travail que je réalisais, était juste. Cette pensée me donnait de la force. Quand je repense aujourd’hui à cette période qui a duré plusieurs années, je me dis : comment ai-je pu faire ? Je me rend compte que Dieu a agi en moi et m’a transformé en me permettant de m’affirmer, par exemple en étant capable de dire non, le cas échéant.

J’ai vu les fruits de mon travail dans le développement d’un climat de confiance au sein de mon équipe. Aujourd’hui, je suis en meilleure position par rapport à la direction pour pouvoir faire passer des messages. M’exprimant en vérité, je me sens de plus en plus en paix.

Contribution de Faubert.