par | Sep 11, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Les échos d’un groupe de partage
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Contribution de Valérie Bitz
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Valérie Bitz a participé récemment à une session sur le thème de la transcendance. Au cours d’une conversation, nous avons recueilli ses observations et ses réflexions au sujet de ce qui s’est dit dans ce groupe de partage.
Mais qu’est ce qu’une expérience de transcendance ? « A certains moments, on sent que quelque chose nous dépasse. Cela passe par un ressenti, mais c’est un ressenti que l’on peut déchiffrer.
Une caractéristique de cette expérience : on la vit, et, en même temps, on sent que cela vient de plus grand que nous ».
Valérie nous donne des exemples de ces expériences :
« Ainsi, se sentir porté par un amour plus grand que celui qui pourrait m’être donné par mes propres forces…. Des personnes qui ont un sens fort de la justice, de la dignité humaine, peuvent ressentir que ces mouvements intérieurs ne sont pas uniquement de leur ressort, mais qu’ils viennent de bien au delà d’eux-mêmes…. En regard de la beauté et de la grandeur d’un paysage, éventuellement d’une œuvre d’art, certaines personnes éprouvent soudainement une émotion esthétique qui les dépasse…
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Dans ces formes d’expérience, il y a au départ des sentiments que nous connaissons, mais, à ces moments là, nous sentons qu’ils nous dépassent ».
Valérie distingue un deuxième groupe d’expériences où le sentiment d’une présence apparaît : « D’autre formes d’expérience sont accompagnées par le sentiment d’une présence. Cette présence est ressentie comme bienveillante . Elle invite parfois à une relation… Dans d’autres cas, en fonction de leur culture, les gens pensent pouvoir identifier cette présence : Dieu, l’Esprit, Jésus… Pour d’autres encore, elles évoquent une relation avec cette présence ».
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Mais quels sont les effets de ces différentes expériences ?
« Les gens découvrent une profondeur en eux-mêmes… Aller plus profond en eux-mêmes que ce qu’ils connaissaient d’eux-mêmes….
Les gens découvrent leur être profond. Et, dans ce registre, ils découvrent leurs aspirations essentielles…
On se rend compte de la profondeur de la vie… On prend conscience que nos existences s’inscrivent dans une dimension plus large. Cette expérience suscite de nouvelles orientations de vie.
Certaines expériences produisent une unification, une harmonisation de la pensée de la sensibilité, du ressenti corporel, de tout l’être.
Dans les expériences comprenant le ressenti d’une présence, on constate l’apparition et le développement d’une confiance, et, pour certains, le sentiment d’être aimé, soutenu… »
Les gens ne rencontrent-ils pas parfois aussi des difficultés ?
« On note également des obstacles, des résistances par rapport à ces expériences :
Ne pas repérer certaines expériences parce qu’on recherche quelque chose d’extraordinaire ou de sensationnel.
Avoir peur de perdre le contrôle parce qu’il y a une crainte de perdre sa liberté.
Etre soumis au diktat d’une pensée qui ne permet même pas d’envisager que des expériences de ce type soient possibles ; ou encore croire que ces expériences sont réservées à un petit nombre de personnes ».
« Bien sûr, toutes ces expériences ont été vécues en dehors de la session. La session est le lieu où elle peuvent être réévoquées et déchiffrées. Dans le déchiffrage d’une expérience de transcendance, il y a, à la fois, l’expression du vécu de l’expérience et un constat de l’impact de celle-ci sur la personne et sur sa vie ».
« Cette session s’inspirait d’une recherche en cours à PRH (Personnalité et Relations Humaine) : l’être de la personne est le lieu de son identité, de son agir et de son engagement, des relations en rapport avec cette action. C’est encore le lieu de l’ouverture à la transcendance. C’est au niveau de l’être que la transcendance peut se vivre et c’est là qu’on peut s’y rendre attentif. Il s’agit d’y prêter attention, de l’identifier et de s’y ouvrir ».
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Propos recueillis auprès de Valérie Bitz.
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Pour prendre contact : valerie.bitz.art@orange.fr
Tél : 03 89 76 73 62
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Autres contributions de Valérie Bitz sur ce blog :
« Et si je tentais d’exprimer ce que je ressens par la peinture ou le graphisme pour y voir plus clair » https://vivreetesperer.com/?p=1428
« Apprendre à écouter son monde intérieur et à la déchiffrer. Pourquoi ? Pour qui ? » https://vivreetesperer.com/?p=959
« Exprimer ce qu’il y a de plus profond en moi » https://vivreetesperer.com/?p=501
Sur un thème voisin, on pourra également consulter :
« Reconnaître la présence de Dieu à travers l’expérience »
https://vivreetesperer.com/?p=1008
« Expériences de plénitude »
https://vivreetesperer.com/?p=231
par jean | Sep 11, 2013 | ARTICLES, Vision et sens |
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« A la recherche du désir de Dieu au plus profond et au plus vivant de mon désir ».
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Aujourd’hui, les croyances, qui prédominaient jusqu’ici, ne sont plus fondées sur une évidence sociale. Les uns et les autres nous sommes appelés à nous interroger personnellement sur le sens de notre existence. Et, en réponse à cette recherche, si la foi chrétienne garde toute sa pertinence, les formes dans lesquelles elle s’exprime, sont à réexaminer, car elles sont parfois marquées par des représentations perturbantes issues d’un héritage social et culturel, elles-mêmes en décalage ou en contradiction par rapport à la dynamique originelle de cette foi.
Ainsi, une analyse de nos représentations s’impose. « Notre vie spirituelle, notre mode de relation avec Dieu, dépendent pour une part de nos représentations, et, évidemment, en premier lieu de notre représentation de Dieu. Et à cet égard, un discernement s’impose… Selon les milieux, selon les époques, des représentations collectives circulent. Elles viennent parfois d’un passé lointain et sont issues de la culture correspondante. Elles sont codées, reproduites, diffusées à travers des systèmes de pensées. Les historiens peuvent nous dire que certaines de ces croyances ont eu pour effet la peur, la domination, et, en retour, par opposition, des réactions parfois excessives jusqu’à l’incrédulité et à l’athéisme » (1a). Sur ce blog, nous cherchons à répondre aux questions correspondantes en ayant recours à différentes ressources, comme la pensée théologique de Jürgen Moltmann (1).
Nous avons découvert dans le blog : « Au bonheur de Dieu » réalisé par Sœur Michèle (2), une prise en compte analogue de l’importance des représentations dans la vie spirituelle et une recherche pour développer des représentations à même d’engendrer la joie et la paix, les bons fruits à travers lesquels on reconnaît le bon arbre. Dans un article publié sur son blog (3), Sœur Michèle nous rapporte une rencontre organisée au Centre Spirituel du Cénacle qui met en évidence combien il est indispensable de développer une bonne image de Dieu. Nos inconscients sont souvent imprégnés à leur insu par des représentations négatives issues du passé et qui s’expriment jusque dans notre interprétation des textes bibliques. Ainsi, les propos de Sœur Michèle sont particulièrement bienvenus et ils touchent notre cœur parce qu’ils répondent à nos aspirations profondes dans lesquelles l’Esprit de Dieu se manifeste.
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J.H.
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Soirée avec Thierry Bizot.
( aubonheurdedieu-soeurmichele. Jeudi 16 févier 2012)
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Vendredi dernier, au Centre Spirituel du Cénacle de Versailles, nous avons proposé une soirée pour des étudiants et des jeunes pro, pour écouter le témoignage de Thierry Bizot. Il est l’auteur du livre : « Catholique anonyme » d’où a été tiré le film : « Qui a envie d’être aimé ? » (4)
Ce fut une superbe soirée. J’ai été particulièrement intéressée par une de ses réflexions, car elle rejoint ma propre expérience. Thierry Bizot pose la question suivante : le succès du livre et du film montre bien que beaucoup sont travaillé-es par la question de Dieu. Pourquoi si peu font-ils le pas de la conversion ? A cette question, il répond : « Parce que les gens ont peur de Dieu. ». Peur d’un Dieu qui demanderait forcément des choses à l’opposé de leurs désirs. Donc, on reste à distance pour ne pas entrer dans cette opposition.
Thyerry Bizot répond que cette image est fausse. Dieu est au contraire celui qui nous aide à découvrir et à réaliser nos vrais désirs. Je signe mille fois cette réponse.
C’est cela que j’ai découvert en faisant les Exercices spirituels de St Ignace de Loyola. Cette expérience m’a permis de libérer mon désir profond. Ensuite, je n’ai pas cessé d’aider les gens que j’accompagne dans des retraites ou dans la vie, à découvrir cela.
Cela rejoint la question de la fausse compréhension de la volonté de Dieu. Elle n’est pas à rechercher en dehors de soi. Comme si Dieu aurait écrit dans un grand livre ce que je dois faire. C’est terrible cette image, car comment découvrir ce qui y serait écrit ? Mais aussi quelle image de Dieu cela véhicule !: Un tyran qui décide à notre place.
Non, l’expérience de Dieu m’aide à aller au plus profond de moi pour découvrir ce qui me fera le plus vivre à plein, libère les désirs les plus profonds, les plus humains, les plus vivants qui vont me permettre de bâtir ma vie.
Ce n’est donc pas un conflit entre mon désir et le désir de Dieu, mais la recherche du désir de Dieu au plus profond, au plus fort et au plus vivant de mon désir.
Un épisode de l’Evangile le montre très bien. C’est en Marc au chapitre 1 verset 40 à 45. Un lépreux vient vers Jésus et lui dit : « Si tu le veux, tu peux me guérir » et Jésus répond : « Je le veux, sois guéri ». Le désir de Jésus est le même que le désir de cet homme.
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Sœur Michèle
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(1) Un blog permettant d’accéder à la pensée théologique de Jürgen Moltmann : L’Esprit qui donne la vie http://www.lespritquidonnelavie.com/ . La citation est empruntée à la présentation de ce blog : http://www.lespritquidonnelavie.com/?page_id=641 Dans le même sens, nous faisons également appel au témoignage et à la réflexion d’Odile Hassenforder dans son livre : « Sa présence dans ma vie » (Empreinte, 2011. Voir sur ce blog : « Confiance ! Le message est passé » : https://vivreetesperer.com/?p=1246
(2) aubonheurdedieu-soeurmichele http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/ En présentant des pistes de lecture et des commentaires à propos de textes évangélique, souvent utilisés pour une animation de retraites, ce blog nous apparaît comme un lieu de ressourcement dans une dynamique de Vie. Ainsi, commentant la parole de Marthe à Jésus, Sœur Michèle écrit : « L’écouter, le regarder pour qu’il nous soit donné de quitter nos fausses images de nous-même et de Dieu et pouvoir confesser que Dieu est Seigneur de vie et de liberté »
(3) sur le blog aubonheurdedieu-soeurmichele : jeudi 16 février 2012
Le Journal 7. Soirée avec Thierry Bizot
par jean | Août 29, 2013 | ARTICLES, Hstoires et projets de vie, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Un parcours : 1963-2013
Des figures, des évènements issus du passé, éclairent encore notre présent. Des noms comme ceux de Gandhi ou de Martin Luther King sont associés à de grands mouvements de libération pacifique et s’inscrivent dans la mémoire des hommes épris de justice.
Ainsi, la proclamation : « I have a dream », « Je fais un rêve », point d’orgue du discours de Martin Luther King dans la grande manifestation qui rassembla à Washington en 1963 des centaines de milliers d’américains en lutte pour les droits civiques des noirs (1) , est aujourd’hui encore un appel qui résonne dans les consciences.
Cet événement vient d’être commémoré le 28 août 2013, cinquante ans après. On peut se remémorer aujourd’hui cet événement fondateur. Une foule immense, des noirs, mais aussi des blancs, est rassemblée dans cette lutte pour l’égalité raciale. Au pied du monument commémorant le grand président américain, Abraham Lincoln, qui, cent ans plus tôt, avait libéré les noirs de l’esclavage, Martin Luther King commence son discours au moment où s’achève le chant qui magnifie la lutte non violente et persévérante de tout un peuple : « We shall overcome ». Ainsi, tous ceux pour qui les « negro sprirituals » expriment la communion d’un peuple, la foi en l’action divine et une espérance irrépressible, se reconnaissent dans cette manifestation et dans ce discours qui se termine par les paroles d’un chant bien connu : « Free at last » : « Enfin libres ! Enfin libres ! Dieu tout puissant, merci, nous sommes enfin libres ! ».
Le plaidoyer de Martin Luther King s’enracine dans une histoire. C’est bien sûr la mémoire de la lutte du peuple afro-américain, mais c’est aussi le grande tradition de liberté des Etats-Unis. Car cette nation s’est construite dans un mouvement d’affirmation des droits fondamentaux face aux oppressions religieuses ou monarchiques du vieux continent. Et, au XVIIIè siècle, elle a formalisé cette affirmation dans une Déclaration d’Indépendance et une Constitution. C’est à cette aspiration, à ce rêve américain que Martin Luther King fait appel lorsqu’il déclare : « Quand les architectes de notre république écrivirent les textes magnifiques de la Constitution et de la Déclaration d’Indépendance, ils signèrent un billet à l’ordre de chaque américain. C’était la promesse que chacun, oui les noirs autant que les blancs, serait assuré de son droit inaliénable à la vie, à la liberté, à la recherche du bonheur ».
Ici, cette proclamation, qui précède celle qui va émerger lors de la Révolution Française sous la forme des droits de l’homme et du citoyen, rejoint l’ inspiration prophétique, celle qui, dans la Bible, appelle et entraîne le peuple juif à sortir de l’oppression, des grands empires tyranniques et du mal qui le ronge de l’intérieur. « Let my people go ! » comme le proclame un negro spiritual ! Cette marche est éclairée par une espérance mobilisatrice, par la vision d’un monde nouveau fondé sur la justice. Ainsi Martin Luther King reprend la dynamique du prophète Esaïe (Esaïe 40/4-5) lorsque celui-ci proclame : « Je fais le rêve qu’un jour chaque vallée soit glorifiée, que chaque colline et chaque montagne soit aplanie, que les endroits rudes soient transformés en plaines, que les endroits tortueux soient redressés, que la gloire du Seigneur soit révélée et que tous les vivants le voient tous ensemble ».
Ici donc, on ne se résigne pas à « la vallée de larmes ». On ne se berce pas dans une échappée des âmes. On regarde en avant à l’appel d’un Dieu qui suscite et inscrit dans l’histoire des images mobilisatrices à réaliser dans un processus de libération et de construction. Tout est mouvement. Et le mouvement se prouve en marchant. De moment en moment, jusqu’à la victoire finale où apparaîtra « un nouveau ciel et une nouvelle terre » (Apocalypse 21/1), Dieu appelle les êtres humains à entrer dans sa justice, à se laisser conduire en conscience dans l’édification d’une société plus humaine à l’aune d’un homme créé à l’image de Dieu et exprimé, à la perfection, par Jésus dans sa communion avec le Père Céleste, une préfiguration de ce qu’Il réalisera à la fin des temps.
Lorsque Martin Luther King achève son discours par sa grande invocation, « Je fais un rêve », cette invocation nous rejoint, nous émeut aujourd’hui encore. Le combat de Martin Luther King n’a pas été vain. Au cours des dernières décennies, les afro-américains ont conquis leur droit de cité aux Etats-Unis. A cet égard, l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis a manifesté un grand changement (2). Avec d’autres personnalités engagées, Barack Obama est intervenu dans la commémoration du 28 août 2013 (3). Il a rappelé la portée incomparable de l’intervention de Martin Luther King qui « a offert le salut aux opprimés comme aux oppresseurs ». Parce ce qu’un grand nombre de gens ont participé à ce mouvement, il y a eu de grands progrès : « Parce qu’ils ont marché, des conseils municipaux ont changé, des parlements des états ont changé, le Congrès a changé, et, enfin de compte, la Maison Blanche a changé ». Mais il reste des pesanteurs. La transformation des mentalités s’opère lentement. Il y a encore des injustices à combattre. Barack Obama a donc appelé à la vigilance : « Que ce soit pour lutter contre ceux qui érigent de nouvelles barrières au vote ou faire en sorte que la justice fonctionne de manière équitable pour tout le monde et ne soit pas simplement un tunnel entre écoles sous-financées et prisons surpeuplées, il faut de la vigilance ». Aujourd’hui, d’autres causes se font entendre et peuvent s’appuyer sur une inspiration analogue à celle qui a mis en mouvement Martin Luther King, un homme qui, s’inscrit aujourd’hui dans le « patrimoine de l’humanité » et, pour les chrétiens, fait partie de la « nuée de témoins » dont nous parle le Nouveau Testament (Hébreux 12/1). Sa voix s’adresse aujourd’hui encore à chacun de nous.
J.H.
(1) Sur le site de Témoins (Novembre 2008) : « Réflexion sur le rêve américain de Martin Luther King » http://www.temoins.com/societe/reflexion-sur-le-r-ve-americain-de-martin-luther-king.html . Ecrit à la demande de l’association Agapé, la rédaction de ce texte avait été éclairée par la vidéo de la manifestation qui, à l’époque, était disponible sur le Web. Elle a pu s’appuyer sur une excellente étude disponible sur Wikipedia anglophone : « I have a dream » http://en.wikipedia.org/wiki/I_Have_a_Dream
(2) Sur ce blog : « Obama,un homme de bonne volonté » https://vivreetesperer.com/?p=1000 et, sur le site de Témoins :« Le phénomène Obama : Un signe des temps » http://www.temoins.com/societe/le-phenomene-obama.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html
(3) Sur le site : Le monde : « L’hommage d’Obama à Martin Luther King (texte accompagné de vidéos) http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/08/28/cinquante-ans-apres-la-marche-sur-washington-obama-sur-les-traces-de-martin-luther-king_3467545_3222.html
par jean | Août 27, 2013 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
En passant par la Toscane au XIVème siècle
Les fresques d’Ambogio Lorenzetti sur le bon et le mauvais gouvernement
La Toscane est une province italienne dont on sait la beauté des paysages et des œuvres d’art. Elle est jalonnée par des villes réputées : Florence, Sienne. Des amis ayant récemment visité cette région, à leur retour, je leur ai demandé s’ils pouvaient nous communiquer des échos de cette beauté. Au cours d’une conversation avec Etienne Augris, professeur d’histoire et géographie dans un lycée lorrain (1), j’ai découvert qu’il avait tout particulièrement apprécié une œuvre d’art qui se situe dans le « Palazzo Pubblico » de Sienne. Ce sont des fresques réalisées entre 1337 et 1340 par Ambrogio Lorenzetti pour représenter en allégories le bon et le mauvais gouvernement et, sur un registre réaliste, les effets qui s’en suivent (2).
#Si ces fresques sont considérées aujourd’hui comme un chef d’œuvre et commentées comme tel (3), leur sujet même nous paraît particulièrement original. Certes, il correspond aux questions qui se posaient dans des cités indépendantes où le pouvoir émanait des notables, une situation qui ouvrait le champ des interrogations sur l’exercice de celui-ci. Dans un univers où les rivalités et les conflits abondaient, la paix et la guerre étaient étroitement liées aux décisions des dirigeants. Ainsi ces fresques mettent en évidence les effets du bon et du mauvais gouvernement . On peut se demander quel message ces figures artistiques peuvent nous apporter encore aujourd’hui. On se rappellera alors que le thème de la bonne gouvernance est toujours d’actualité. Des recherches récentes (4) ont montré que le développement économique des pays pauvres dépend largement de l’exercice du pouvoir politique.
L’attention se portera ici sur les caractéristiques de la bonne gouvernance telle qu’elle nous est représentée par ces fresques. Qu’est-ce que les gens de cette époque ont à nous dire sur les valeurs, les attitudes et les comportements qui fondent une bonne gouvernance ? Comme historien, mais aussi comme citoyen, Etienne Augris nous donne quelques pistes pour comprendre le message de ces fresques.
Rencontre avec les fresques d’Ambrogio Lorenzetti
Ressenti et réflexion d’un historien
Interview d’Etienne Augris

Etienne, qu’as tu apprécié durant ton voyage en Toscane ?
J’ai apprécié une certaine douceur de vivre, une sérénité qu’on ressent notamment à la vue des paysages. Et par ailleurs, je suis très sensible à la richesse historique et patrimoniale de cette région, en particulier dans les villes. Dans certaines villes, on a même l’impression que le temps s’est arrêté. Pour moi qui suis historien, j’apprécie le sentiment d’une présence du passé, aujourd’hui.
Pourquoi et en quoi, les fresques de Lorenzetti à Sienne t’ont-elles particulièrement impressionné ?
Ce qui frappe en premier, c’est la beauté de ces fresques dans le contexte même de leur création, un lieu très important puisqu’il était le siège d’un des principaux pouvoirs de la ville. Avant toute chose, ce qui a accroché mon regard, c’est la couleur, et, en particulier, la couleur bleue. Ce qui m’a plu aussi, c’est la dimension historique. C’est un véritable document.
Quelles sont les principales caractéristiques de ces fresques ?
Les fresques sont particulièrement répandues en Italie et le mot : fresque est lui-même issu de l’italien : « fresco ». Ces fresques sont une commande publique passée par les autorités de la ville à un artiste réputé : Ambrogio Lorenzetti. Et cet artiste est lui-même un citoyen engagé au service de la république. Ne disposant pas du contrat, on ne sait pas dans quelle mesure Lorenzetti était entièrement libre dans sa représentation. Ces fresques couvrent trois des quatre côtés d’une grande salle. Cette salle accueillait la réunion du conseil des 9, des notables désignés temporairement pour diriger la ville dans la première moitié du XIVème siècle.
Peux-tu nous décrire ces fresques telles que tu les vois ?
#Ces fresques s’étendent sur trois murs.
#Lorsqu’on rentre dans la salle, on voit d’abord l’allégorie et les effets du mauvais gouvernement. Sur ce mur, le personnage principal est une sorte de diable qui incarne la tyrannie. Il est entouré par la représentation de nombreux vices. Ces vices évoquent des travers sociaux et politiques plutôt que des péchés individuels : l’orgueil, l’avarice, la vanité. Au pied de la tyrannie, se trouve la justice ligotée. On retrouve ce thème omniprésent de la justice dans les autres fresques. Elle figure dans les inscriptions qui accompagnent les personnages, soit pour regretter son absence, soit pour louer sa présence, son règne. On voit également sur ce mur les effets du mauvais gouvernement dans une ville et une campagne entièrement dévastées sur lesquelles règne la peur.
Lorsqu’on poursuit dans le sens de la lecture, on trouve ensuite l’allégorie du bon gouvernement.
Et on commence par la représentation de la justice sur un trône. Elle est inspirée par un petit personnage au dessus de sa tête qui symbolise la sagesse. Chacune de ses mains tient les plateaux d’une balance. La justice punit. La justice rétribue.
En dessous de la justice, se trouve la concorde. Elle rassemble les fils qui viennent de la justice pour former une seule corde qui est transmise à la procession des notables qui représentent les habitants de Sienne, unis par ce lien de la concorde.
Cette corde remonte ensuite vers un personnage majestueux, aux couleurs de la ville et qui représente le bien commun. Ce fil est attaché à son poignet. Ce personnage est entouré de nombreuses allégories qui représentent des vertus. Il y a de nouveau la justice. Et puis, il y a la paix : une femme semi allongée qui a l’air très sereine. Elle est au centre du mur, une de celles qui attirent le plus le regard par sa clarté et son rayonnement. Au dessus de la tête du bien commun, il y a les trois vertus théologales : foi, charité, espérance. C’est une des seules références religieuses directes dans cette fresque. Parmi les vertus, il y a des vertus actives et des vertus passives. Et elles sont placées en alternance, par exemple : justice et tempérance.. C’est sur ce mur que figure la signature de Lorenzetti.
#Le troisième mur qui fait face à celui évoquant le mauvais gouvernement représente les effets du bon gouvernement comme en miroir. On y représente la ville de Sienne identifiée par la présence de la cathédrale et de symboles de la ville. La campagne environnante est également représentée. Sur cet espace, la ville et la campagne, règne l’allégorie de la sécurité qui permet une vie quotidienne paisible, animée et ponctuée de réjouissances : mariage, danses. C’est une ville dont la construction se poursuit. La campagne est pleine de richesses. Le paysage qui est décrit ressemble beaucoup au paysage actuel de la Toscane caractérisée par des collines où on cultive des céréales, la vigne et les oliviers.
Dans cette salle, Lorenzetti fait appel aux représentations de son époque. Mais il est un des seuls à en rassembler autant dans un tel agencement. Sur ces murs, on a à la fois des allégories et des représentations réalistes.
#Cette œuvre nous parle de gouvernance. Quel message cette œuvre envoie aux gens de cette époque ?
C’est un message destiné à ceux là même qui siègent dans la salle et plus généralement à la ville de Sienne et à sa population. La ville et la campagne qui subissent la tyrannie ne sont pas des espaces étrangers, mais pourraient eux-mêmes être la ville de Sienne et ses environs. C’est donc un rappel permanent des risques qui guettent la cité. Le régime qui est mis en avant, est clairement républicain par opposition à la tyrannie. Mais cette république était comprise au sens de l’époque et non comme une démocratie au sens moderne du mot. Rappelons que tous les habitants de la ville ne participent pas à la désignation des dirigeants réservée à une élite fortunée.
Cette république met en avant des principes et non des intérêts individuels. Dans cette république, on craint la personnalisation du pouvoir. Les membres du Conseil des 9 eux-mêmes ne sont désignés que pour deux mois. Le fil conducteur de cette fresque, c’est la justice qui est représentée, à plusieurs reprises, et qui apparaît comme l’élément indispensable d’une bonne gouvernance. La concorde elle-même puise sa source dans la justice et permet aux citoyens de cette république de travailler ensemble pour le bien commun. Parce qu’il y a la justice et aussi la concorde, les intérêts individuels sont compatibles avec le bien commun.
Cette fresque est également complexe. Pour moi, elle témoigne de la complexité du gouvernement de cette république et de la fragilité de ses équilibres. Dans la réalité historique, on sait que les périodes de paix ont souvent été éphémères. Quelques années après la réalisation de ces fresques, une nouvelle période de troubles politiques, de guerres, d’épidémies, s’est ouverte. Le gouvernement des 9 lui-même a disparu et a laissé place à une nouvelle forme de gouvernement. Si la situation est aussi fragile, c’est parce que les pouvoirs sont multiples. Ainsi, et à côté du pouvoir qui était exercé par le Conseil des 9, il y avait aussi le pouvoir de l’évêque et celui du représentant de l’empereur. L’équilibre était fragile, et, à cette époque, les rapports de force changeaient régulièrement.
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Qu’est ce que ce message peut nous apprendre aujourd’hui encore ?
La question de la gouvernance tourne aujourd’hui autour de l’idée de la démocratie et de son exercice. Ces fresques nous apprennent que le bon gouvernement est une réalité fragile qui peut être menacée de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Le problème ne vient pas en premier des ennemis extérieurs, mais des faiblesses internes.
La démocratie n’est pas nécessairement établie pour toujours, mais c’est un processus permanent et jamais achevé. La question de la justice est centrale. Elle conditionne l’adhésion des citoyens à cette démocratie. Un citoyen qui constate l’injustice dans un régime dit démocratique n’aura sans doute pas la volonté de s’engager en faveur de la démocratie.
Dans la fresque, on commence par voir la situation qu’on ne veut pas pour arriver à celle qu’on souhaite. Et on propose effectivement un ensemble de principes positifs et aussi un état d’esprit.
Les questions, que se posaient les habitants de Sienne autrefois, se posent aussi à nous aujourd’hui. Comment passer d’une indignation face à l’injustice et à la tyrannie à la mise en avant de principes et d’un état d’esprit permettant une bonne gouvernance ?
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Contribution d’Etienne Augris.
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Notes
(1) Professeur d’histoire et géographie, Etienne Augris a créé un blog concernant l’enseignement de ces disciplines : histoire-géographie terminales….. http://histoire-geo-remiremont.blogspot.fr/
(2) Sur wikipedia, « les effets du bon et du mauvais gouvernement » https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Effets_du_bon_et_du_mauvais_gouvernement « The allegory of good and bad government » http://en.wikipedia.org/wiki/The_Allegory_of_Good_and_Bad_Government. On trouvera des photos des fresques d’Ambrogio Lorenzetti sur la « Web gallery of art » : « Frescoes of the good and bad government » http://www.wga.hu/frames-e.html?/html/l/lorenzet/ambrogio/governme/index.html; Cette galerie apporte des ressources considérables en reproductions d’œuvres d’art. C’est la source des quelques photos illustrant cet article (parmi un ensemble de 19 auquel on pourra se reporter)
(3) Ces fresques sur le bon et le mauvais gouvernement sont remarquablement commentées en anglais dans une vidéo présentée sur YouTube parmi une série de productions réalisée par « Smart history » en vue de développer l’éducation artistique. Les lecteurs pourront apprécier cette vidéo à laquelle nous donnons accès sur ce site. http://www.youtube.com/watch?v=jk3wNadYA7k
(4) Sur ce blog, voir : « Pour réformer la finance ». Dans cet article, James Featherby mentionne plusieurs livres qui mettent l’accent sur l’importance du rôle de l’état pour la promotion du bien commun . « Dans un livre intitulé : « Why nations fail » (Pourquoi des nations échouent), Daron Acemoglu et James Robinson nous disent que l’existence d’institutions destinées à servir l’intérêt public plutôt que l’exploitation privée, explique pourquoi certains pays réussissent et d’autres s’effondrent » https://vivreetesperer.com/?p=882
par jean | Août 14, 2013 | ARTICLES, Beauté et émerveillement |
Lumière, couleurs et formes rocheuses en harmonie.
A travers facebook, on peut recevoir des photos mises en vedette par le réseau Flickr. Superbes envois qui viennent combler notre regard.
Nous présentons ici quelques photos de la galerie de Chao Yen accessibles grâce à la licence « Creative commons ». http://www.flickr.com/photos/97652515@N04
De création récente, ce site nous offre des albums sur les paysages de l’ouest américains de l’Utah et de l’Arizona à la Californie.
De superbes photos des paysages désertiques,
de la « Death valley » http://www.flickr.com/photos/yenchao/9068894683/in/set-72157634184047618
aux formes originales des arbres dans un environnement marqué par la sécheresse http://www.flickr.com/photos/yenchao/9187262932/in/set-72157634433805318
des canyons http://www.flickr.com/photos/yenchao/9452232351/in/set-72157634963631136
à la cote californienne. http://www.flickr.com/photos/yenchao/9069474509/in/set-72157634180259269
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En ce mois d’été, merci à Yen Chao !
Allons à la rencontre de grands espaces américains !
Lumière, couleurs et formes rocheuses en harmonie.
Un autre sens du temps et de l’espace
Beauté de la création
Partageons la joie de cette contemplation.
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J.H.
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par | Août 2, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
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Déjà, s’arrêter à ce qu’on ressent, n’est pas acquis dans ce monde d’agitation ;
nous tournons tellement dans – et avec – nos idées, nos arguments, nos projets…
Alors, nous exprimer par la peinture – ou la terre – à travers des formes, des couleurs, des lignes, des matières, des gestes, des directions, des formats… qu’est-ce que ça peut bien nous apporter ?
« Recourir à l’expression graphique permet de matérialiser ce que je ressens : du coup, cela aide à le ressentir davantage, à saisir davantage sa consistance. C’est comme une mise au net en photo ! »
Je le mets hors de moi. Je le vois devant moi : cela m’aide à prendre du recul et, de surcroît, à me laisser bouger par ce que je vois. »
En fabriquant, nous devenons plus aptes à percevoir les mouvements intérieurs en nous, les émotions, les sentiments, les sensations qui foisonnent en nous, et du coup cela nous met en mouvement !
« Je suis dedans, prise avec mon corps, mes gestes. Ca me permet de vivre ce moment, dans ma globalité : mes sens tactiles sont en éveil, mon regard, mon corps par les gestes, par les postures quelquefois. Je ne peux me cantonner aux seules idées. »
« Je vis une interaction entre le mouvement d’exprimer ce que je ressens et celui d’être touchée et interpellée par ce que je viens de faire, et que je vois. »
La réalisation nous ouvre à plus de connaissance de nous-mêmes que la seule intention de départ.
De surcroit, il n’y a même pas d’obligation de résultat artistique !
Cela permet de nous vivre librement, plus gratuitement, tout en en apprenant sur soi et en nous faisant changer intérieurement : « c’est pas beau, ça ? »
C’est l’expérience d’un beau qui émane du vrai !
L’expression graphique est une analyse de sensations en actes ; elle fait bien expérimenter que l’analyse PRH est une expérience à vivre de relation à son monde intérieur, non simplement une méthode à appliquer. 
Elle se complète par une analyse écrite : là encore, soit une sensation particulière, soit le cheminement pendant l’expression (quand il y a plusieurs réalisations), soit la manière de procéder, sont autant de matériaux qui viennent nous éclairer sur soi ou sur la manière de se vivre.
Il ne s’agit pas d’un défoulement, ni d’expériences plastiques qui en resteraient là.
C’est une démarche ordonnée ; ordonnée aux sensations présentes, vivantes au moment, et ordonnée à nos motivations d’avancée pour notre vie
Elle est particulièrement indiquée… quand on y est attiré, certes… et pour les personnes qui vivent beaucoup dans leur tête, leur mental et qui cherchent à plus ressentir ce qu’elles vivent : ça le rend tangible
Si vous souhaitez tenter l’expérience, plusieurs stages vous sont proposés :
La vie en moi et ses entraves
Avancer en cohérence dans mon quotidien
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Au plus brûlant d’amour : se donner jusque-là, comme une flèche pointée.#
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Ce feu au-dedans : ce brasier de vie et d’amour au fond de chacun#
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Chemin vers du neuf, telle une aube nouvelle
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Valérie Bitz, Formatrice PRH