par jean | Fév 15, 2012 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Le coq chante la venue de l’aube.
J’ai vu tout l’avenir
J’ai remonté le temps
Et ma pensée embrasse le présent.
Rien n’échappe à mon regard
J’ai tout vu, tout entendu
Et j’en suis mort.
Mille plaintes montent vers moi
Comme le bruit d’une ville.
Les larmes d’un enfant renverse l’ordre du monde.
La discrète parole d’un malade pudique
Se fait irrépressible attente
Et l’interpellation est comme une marée
Qui sans cesse retombe.
Le sourd rugissement d’un homme abandonné
S’achève en râle parmi des hurlements
La dame aux cheveux blancs se traîne
Et rêve d’un passé qui ne reviendra plus.
De l’avenir me viennent les confidences de cœurs meurtris
Le passé n’est que film de maisons dévastées
Et le trop de savoir sur son propre destin
Emplit mes yeux d’effrois sur mes lendemains.
A l’appel du maître, la queue du chien frétille
Et il s’en va trottant sur les sentiers
Et la machine tourne au rythme régulier
Que, l’homme, dans sa sagesse, lui a donné.
Certains vont à peine éveillés
A la recherche d’un sujet d’allèchement
Et s’ils ne voient pas les violettes au printemps
Ils ne voient pas non plus dans le long caniveau
Le dernier chat écrasé de la nuit.
J’ai tout vu, tout entendu et j’en suis mort.
La plainte du malade appelle le médecin
Mille efforts convergent pour réduire l’incendie
Pour combattre le mal, il faut le connaître.
Et notre souffrance est une plaie visible
Le fauve bat la campagne cherchant qui dévorer
La bête nous est cachée dans une obscurité
Je porte une blessure, celle de la souffrance
Mais plus encore un regard ennemi
Et ce regard indifférent et cette absence
Pas une citadelle n’est sure, l’ennemi a ses intelligences
Une sinistre musique trouve en ses membres
Un écho inconnu.
Il est mort assassiné
Car nos yeux trop obscurs n’ont pas vu la lumière
Maître de l’univers, son cœur n’a pas fléchi
Et s’il a subi la contamination
C’est pour nous apporter sa force et sa confiance
La vraie vaccination
Son regard appelle les nôtres à travers l’histoire
Pour que nous fassions un
Et que de notre terre s’élève
Hors des déchirements
Le chant d’une harmonie et d’un enfantement
Et au-delà de nos souffrances actuelles
Et du champ mélangé du blé et d’herbes folles
Le coq chante la venue de l’aube.
Ultime réalité
Les traces de nos pas s’effacent sur la plage
Si tout devait périr
Si la vie n’était
Qu’un rêve passager
Une illusion brillante
Ou un cauchemar
A quoi bon vivre ?
Mais autre est la réalité.
Appel
Comme un enfant appelle son père, lui dit : « regarde »
Vois ce château de sable,
Vois ces notes obtenues,
Dans l’ardeur de la plage
Ou dans l’étude nue,
Et comme le poète
Qui juste en lui concentre
L’énergie d’un monde, la force des saisons,
Les murmures sourds des joies et des douleurs
Qui de la ville montent,
Les pleurs du passé et ses enfantillages et ses enfantements
L’avenir qui se profile derrière les bastingages,
Le bruit d’une fusée allant au firmament,
Et qui, de tout cela,fait le miel d’un poème
Et dévoile à nos yeux un miroir caché
Comme le bâtisseur dresse la pyramide
Et qu’en lui se préparent les greniers de demain,
Des maisons plus belles que l’immense assemblage
Dont la médiocrité ne s’enfuit que le soir
Lorsque de la terre et du ciel les étoiles se confondent,
Seigneur, nous t’offrons ces cathédrales,
Ces œuvres jaillies de notre solitude
Et cette immense attente d’être enfin reconnu :
Le regard d’un enfant qui appelle un sourire,
La joie de deux époux qui nécessaires se savent
Le travail de l’artiste et son cri déchirant
Qui nous appelle à l’aide de notre ensommeillement.
Au hasard des bivouacs s’en va le voyageur
Et, comme des mouettes, filent les caravelles sur le sombre océan,
Du plus profond des temps viennent des pèlerinages,
Et des humanités frémissent et tourbillonnent sur des continents.
La cheminée d’usine disparaît dans la brume,
Et les palais s’effritent au sable du désert.
Mais où seront demain nos cités et nos terres
Et l’écho de nos voix qui parsème le ciel ?
Toi seul, peux nous voir
Comme le berger regarde
A l’heure du couchant les brebis dispersées
Toi seul, peux savoir
Ce que cache un chef d’œuvre
Le plus humble et le plus ignoré
Et quel appel il fait monter à l’infini
Plus loin que la planète et plus loin que l’étoile
Un cri a déchiré l’immensité.
Nous t’attendons.
JH
Source des photos: galeries de: fr Antunes, Captpiper, Ecstaticist, Mikebaird, Pink Sherbet, Skipnclick sur le site Flickr
par jean | Fév 15, 2012 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Souvenir personnel et sans doute souvenir de beaucoup d’autres : lorsqu’il vient au monde, le petit enfant engendre une dynamique d’amour chez ceux qui l’accueillent. Quelle merveille !
Tout récemment, dans une enquête, en réponse à la question : « Quel événement à venir pourrait susciter un émerveillement de votre part ? », la naissance arrive en tête (38%), suivie d’assez près par la joie d’un enfant (33%) (1).
Cependant, d’après le travail des historiens, on sait que l’attention et le respect portés à l’enfant n’allaient pas de soi autrefois. Loin de là. Cette attention et ce respect se sont développées à partir du moment où les sociétés sont peu à peu sorties de l’oppression engendrée par la mortalité infantile, la sous nutrition, une violence latente…Pendant longtemps, en regard des adultes, le statut des enfants a été négligeable. Au début du XXè siècle encore, les mentalités ne sont pas prêtes à reconnaître le potentiel du petit enfant. A travers une œuvre pionnière, la doctoresse italienne, Maria Montessori, met en valeur ce potentiel, et, dans un livre rayonnant : « L’enfant » (2), elle parle de celui-ci en terme d’ « embryon spirituel ». Aujourd’hui où le concept de spiritualité est désormais reconnu et jouit d’une large audience, des recherches récentes viennent de mettre en évidence les dispositions spirituelles présentes chez l’enfant. Une recherche, réalisée par Rebecca Nye et David Hay, auprès d’enfants britanniques de 6 à 10 ans, a mis en évidence leurs aptitudes spirituelles en terme de « conscience relationnelle » (3).
Rebecca Nye nous décrit ainsi la spiritualité des enfants (4).
« La spiritualité des enfants est une capacité initialement naturelle pour une conscience de ce qui est sacré dans les expériences de vie. Cette conscience peut être ressentie ou pas, mais dans les deux cas, elle influe sur les actions, les sentiments et les pensées. Dans l’enfance, la spiritualité porte particulièrement sur le fait d’être en relation, de répondre à un appel, de se relier à plus que moi seul, c’est à dire aux autres, à Dieu, à la création ou à un profond sens de l’être intérieur (inner sense of self). Cette rencontre avec la transcendance peut advenir dans des expériences ou des moments spécifiques aussi bien qu’à travers une activité imaginative ou réflexive » (p.6).
Beaucoup d’expériences quotidiennes dans la vie de l’enfant se prêtent à un vécu spirituel. Aussi comprendre l’enfance est fondamental pour une compréhension plus générale de la spiritualité. Comprendre l’enfance, c’est percevoir entre autres, les réalités suivantes :
« ° Les enfants ont une façon plus holistique de voir les choses. Ils ne les analysent pas autant si bien que leur perception a un caractère plus mystique.
° Les enfants sont particulièrement ouverts et curieux. Aussi ont-ils une capacité naturelle d’émerveillement.
° La vie émotionnelle des enfants est au moins aussi forte que leur vie intellectuelle. Aussi savent-ils ce que c’est de s’abandonner à des forces qui transcendent leur contrôle.
° Les enfants manquent de connaissances sur beaucoup de choses. Pour eux, le mystère est une réalité profonde, généralement non menaçante, amicale et ils y répondent par un respect et une recherche de sens dans tous leurs jeux quotidiens.
° Les enfants acceptent que leurs mots ne suffisent pas à décrire pensées et sentiments. Aussi savent-ils que la valeur et l’importance réelle dépassent ce qui peut être dit. Ils se sentent à l’aise dans l’ineffable, l’indicible » (p.8)
« La découverte majeure de toutes ces études est que la spiritualité est une caractéristique commune naturelle, chez la plupart des enfants, probablement tous. Certainement aucune étude ne fait apparaître un type d’enfant qui ne possède pas des aptitudes spirituelles actives. D’un point de vue chrétien, cela fait sens, puisqu’on comprendrait difficilement pourquoi certaines personnes seraient créées sans une capacité instinctive de répondre à notre Créateur » (p.9). Les études sur la spiritualité des enfants éclairent notre compréhension de la spiritualité des adultes . « Un nombre surprenant d’adultes citent un souvenir d’enfance comme leur expérience spirituelle la plus importante… ». Au total, on constate que « la spiritualité des enfants est plus naturelle qu’apprise, que peut-être le terrain le plus fertile pour la spiritualité se situe dans l’enfance , que la spiritualité de l’enfance se répercute sur l’âge adulte, et que la spiritualité est profondément relationnelle » (p.11).
Ces recherches viennent apporter une confirmation de ce que nous ressentions plus ou moins clairement. Oui, l’enfant est un être spirituel. Pendant des siècles, cette réalité a été largement méconnue. Ainsi les paroles de Jésus concernant les enfants étaient à contre courant. Aujourd’hui, elles retentissent avec une force inégalée. Maintenant, elle inspire les théologiens (5) et, pour nous, elles éclairent notre cœur et notre entendement. Jésus dit : « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Matthieu 19.14). « Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même…( Marc 9. 37) ». Le commentaire de Rebecca Nye est éclairant : l’approche de Jésus vis à vis des enfants paraît appuyer l’idée que leur spiritualité reflète un état d’être quotidien. Les enfants sont accueillis et bénis et c’est au hasard que Jésus met un enfant en évidence. Cette réflexion nous éclaire sur la portée des recherches sur la spiritualité des enfants. De la même façon, Jésus s’est référé aux enfants (sans spécifier leur âge) comme « ceux dont les anges dans le ciel voient constamment la face de mon Père dans les cieux » (Matthieu 18.10). Cela suggère que les enfants jouissent d’une perception toute particulière.
C’est une forte invitation à penser que les adultes ont des choses à apprendre de la manière des enfants d’être simplement eux-mêmes et sur la relation pouvoir autorité entre les adultes et les enfants.
La découverte actuelle de la spiritualité des enfants s’inscrit dans le tournant culturel et religieux en cours durant les vingt dernières années (6). Mais, en même temps, ce phénomène est l’aboutissement de tendances à plus long terme. Ainsi le courant de l’éducation nouvelle se manifeste tout au long du XXè siècle. De même, le thème de la spiritualité a pris une importance croissante dans les dernières décennies.
La prise de conscience de la dimension spirituelle des enfants marque également une rupture avec les séquelles d’idées et de représentations installées en Occident pendant des siècles. Ainsi l’enfant était perçu comme entachée par une corruption issue du péché originel avec toute la représentation négative qui en résultait. On frémit à la manière dont certains envisageaient le sort des enfants décédés sans avoir été baptisés. Et par ailleurs, en mettant l’accent sur la petitesse et l’humilité des enfants et non sur leur potentiel de vie, la perception traditionnelle était aussi empreinte de négatif. Mais, en même temps, la reconnaissance croissante de la spiritualité des enfants s’affirme aujourd’hui à l’encontre d’une idéologie scientiste, rationaliste qui a occupé une place importante dans le paysage culturel du siècle dernier. Bien sûr, on doit également se garder d’une idéalisation excessive de l’enfant. Celui-ci participe à notre humanité avec ses travers et ses dérives, mais une vision nouvelle est apparue.
Aujourd’hui, nous assistons au développement d’une représentation nouvelle de la vie humaine. « Bénir, signifie littéralement : appeler le bien à se manifester », nous dit Rebecca Nye. Ainsi avons-nous besoin de reconnaître le bien là où il est pour l’encourager à s’épanouir. Voilà une approche souhaitable dans notre représentation de l’homme bien au delà de l’enfance.
L’enfant : un être spirituel. C’est un regard nouveau. Nous découvrons ce que nous pressentions. Quelle merveille !
JH
(1) Sur ce blog : Ce qui nous émerveille. Sur le site de Témoins : « Reconnaître le fait spirituel : un sondage sur l’émerveillement » http://www.temoins.com/enqu-tes/reconnaitre-le-fait-spirituel.-un-sondage-sur-l-emerveillement.html
(2) Montessori (Maria). L’enfant. Desclée de Brouwer (édition originale : 1936)
(3) Hay (David). Something there. The biology of human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006. Sur le site de Témoins : La vie spirituelle comme « conscience relationnelle ». http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle.html
(4) Nye (Rebecca). Children’s spirituality. What it is and why it matters. Church House Publishing, 2009
(5) Sur le site de Témoins : « Découvrir la spiritualité des enfants. Un signe des temps ». Un chapitre sur la théologie de l’enfant. http://www.temoins.com/etudes/decouvrir-la-spiritualite-des-enfants.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html
(6) Sur le site : expérience et théologie : Ursula Tissot. Comment le Dieu qui s’est fait enfant rejoint notre enfant intérieur. http://www.experience-theologie.ch/reflexions/ressourcement/comment-ce-dieu-qui-s’est-fait-enfant-rejoint-notre-enfant-interieur/
par jean | Déc 27, 2011 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Un collectif : « Playing for change » sillonne le monde pour recueillir les voix des musiciens des rues et des chorales amateurs et les réunir en un seul enregistrement. Lorsqu’une même musique, un même chant parcourt le monde et surgit à travers le visage de musiciens aussi divers, on est saisi par une émotion toute particulière : une communion à travers la musique qui se propage à travers notre planète.
Des gens différents, des contextes différents, mais une voix commune. Les chants eux-mêmes entonnés par ces musiciens des rues ont déjà parcouru le monde. Ecoutons : « Stand by me » http://www.playingforchange.com/episodes/2/Stand_By_Me ou « One love » http://www.playingforchange.com/episodes/3/One_Love .
Ce dernier : un hymne à l’unité, débute sur une devise mise en exergue sur le site internet : « It’s time for the world to unite as a human race » (Il est temps pour le monde de s’unir comme étant la race humaine ». Le site internet : « Playing for change » nous introduit dans ce mouvement et nous en présente les réalisations.
Quelle est l’origine de cette superbe manifestation et comment s’est-elle développée ?
« Playing for change » est un mouvement multimédia créé pour apporter une inspiration, connecter les hommes entre eux, répandre la paix dans le monde à travers la musique. Ce projet est né d’une foi commune : celle que la musique avait le pouvoir d’abattre les barrières et de surmonter la distance entre les gens. Peu importe d’où les gens viennent, de contextes géographiques, politiques, économiques, religieux et idéologiques différents, la musique a le pouvoir universel de nous transcender et de nous unir come appartenant tous à la race humaine. Avec cette vérité en tête : nous sommes là pour le partager dans le monde ».La devise du site internet témoigne de cet esprit : « Connecting the world through music » (Connecter le monde à travers la musique ».
« Ce mouvement a donc créé un studio d’enregistrement mobile pour pouvoir recueillir les expressions musicales à travers le monde. Et ce travail s’est réalisé dans un esprit de convivialité et de respect. « Nous nous sommes engagés à susciter des environnements dans lesquels les musiciens pourraient créer librement et dans lesquels il n’y aurait pas de barrière entre eux et ceux qui écouteraient et ressentiraient leur musique. Au cours des dernières années, une petite équipe a voyagé à travers le monde des rues et banlieues des grandes villes jusqu’aux villages africains et aux contreforts de l’Himalaya. A travers ce voyage, nous avons connecté le monde à travers la musique. L’album est une œuvre collective de plus de cent musiciens répandus sur les cinq continents ». Une carte témoigne de la variété des lieux. Ces chants, dans leur déroulé pluriel, à travers des environnements aussi variés, témoignent d’un esprit d’unité. Et, de plus, « playing for change » œuvre aujourd’hui dans le monde en faveur de l’expression musicale de ceux qui n’y avaient pas accès.
Nous savons bien que l’unification du monde ne va pas sans déchirements et sans conflits. Il est d’autant plus important de reconnaître les mouvements qui sont à l’œuvre pour répandre un esprit d’unité à partir des aspirations et des initiatives qui surgissent actuellement chez tous le gens du monde qui veulent bien se donner la main. (Voir sur le site de Témoins : « Playing for change. Un hymne à l’unité » http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/playing-for-change-un-hymne-a-l-unite.html )
Dans ce mouvement qui monte des profondeurs de l’humanité, nous pouvons reconnaître l’Esprit de Dieu.
« L’Esprit saint suscite une communauté de la création dans laquelle toutes les créatures communiquent chacune à sa manière entre elles et avec Dieu ». A l’encontre des forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres : « L’essence de la création dans l’Esprit est, par conséquent, la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître « l’accord général »… Etre vivant signifie exister en relation avec les autres. Vivre, c’est la communication dans la communion » (Jürgen Moltmann. Dieu dans la création. Voir sur ce blog : « Vivre en harmonie »).
« Poussez vers l’Eternel des cris de joie, vous tous, habitants de la terre !
Faites éclater votre allégresse et chantez..
Que le monde et ceux qui l’habitent éclatent d’allégresse « (Psaume 98). Car l’œuvre de Dieu est en voie de s’accomplir dans son amour et sa justice.
JH
par jean | Déc 27, 2011 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Vision et sens |
La mutation de notre culture induit des changements de mentalité. En positif, on pressent l’émergence d’une nouvelle sensibilité spirituelle. Par delà les catégories religieuses traditionnelles et les dédales de la société de consommation, une recherche de sens se met en route. A cet égard, un sondage CSA réalisé pour le compte de La Croix (1) et interrogeant les français sur leur capacité d’émerveillement est particulièrement bienvenu.
L’émerveillement chez les français
En effet, à la question : « Avez-vous le sentiment d’être émerveillé ? », les 2/3 des français (66%) répondent positivement en terme de souvent ou de temps en temps. Pour le quart d’entre eux, c’est un sentiment fréquent (25%) qui n’est rejeté que par 10% de la population (Jamais). De plus, au delà de l’expérience personnelle, le sentiment d’émerveillement est apprécié favorablement par une immense majorité des français. 94% adhèrent à la proposition : « Savoir s’émerveiller rend heureux », et encore 94% estiment qu’il est important de garder toujours une capacité d’émerveillement.
Il se trouve par ailleurs qu’il n’y a pas de grandes variations selon les catégories sociologiques habituelles. Quant au sentiment d’être émerveillé, on peut noter simplement un pourcentage un peu plus élevé chez les catholiques pratiquants réguliers (75%).
Ce sondage nous permet d’aller encore plus loin en nous donnant des taux de réponses positives au regard de différents sujets d’émerveillement. La question est ainsi formulée : « Quel événement à venir pourrait susciter un émerveillement de votre part ? ».
Pour l’ensemble des français, les résultats sont les suivants : une naissance (38%) ; un phénomène naturel, (la neige, un beau paysage) (37%) ; la joie d’un enfant (33%), un sentiment amoureux (17%) ; une œuvre d’art (16%) ; la beauté d’une personne (7%) ; le moment d’une prière ou d’un office religieux (6%) ; autre (7%) ; ne se prononcent pas (2%).
L’émerveillement : quelle signification ?
Manifestement, en terme de signification, le mot émerveillement exprime une expérience sensible en force et en profondeur en rejoignant d’autres synonymes comme : étonnement, admiration, ravissement, exaltation… Et une exploration sur internet des citations correspondantes fait apparaître des pensées fortes : « La sagesse commence dans l’émerveillement, a dit Socrate. « Fais Seigneur, fais que le temps de son enfance ressuscite dans son cœur, ouvre lui de nouveau le monde des merveilles de ses premières années pleines de pressentiments » (Rainer Maria Rilke). « L’émerveillement est à la base de l’adoration » (Thomas Carlyle) ». Le livre récent du philosophe Bertrand Vergely : « Retour à l’émerveillement » (2) nous apporte, sur ce thème, inspiration et connaissance.
Ainsi, en dépassant les exclusivismes religieux, nous sommes à même de reconnaître le potentiel spirituel que cette enquête fait apparaître. En germe, il y a là tout un avenir.
Répétons les deux questions posées dans le sondage réalisé pour le compte de « La Croix » :
« Avez-vous le sentiment d’être émerveillé ? »
« Quel événement pourrait susciter un émerveillement de votre part ? »
Partageons ensemble nos expériences d’émerveillement..
JH
(1) La Croix, 25 décembre 2010. Sur le site de Témoins : « Reconnaître le fait spirituel. Un sondage sur l’émerveillement ». http://www.temoins.com/enqu-tes/reconnaitre-le-fait-spirituel.-un-sondage-sur-l-emerveillement.html
(2) Vergely (Bertrand). Retour à l’émerveillement. Albin Michel, 2010. Voir sur ce blog le texte sur l’émerveillement.
par jean | Déc 27, 2011 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Nous nous trouvons souvent confrontés à une ambiance où l’expression du négatif l’emporte. Différents sentiments s’y manifestent. Ce peut être la crainte lorsqu’on se décharge, sans contrepartie de mauvaises nouvelles et, parfois, avec force détails. C’est une absence d’horizon, un avenir bouché. Tous les maux de la terre, certes bien réels, affluent. Parfois on regrette le passé. Tout va mal. Tout va plus mal. Et puis, chacun pour soi. Cela se dit rarement, mais cela se pratique : égoïsme et cynisme. Bien sûr, là où une foi ou un idéal se manifestent, l’ambiance est autre. Mais, même là, on observe parfois un repli sur son propre milieu : le bien au dedans, le mal et le danger au dehors.
Ce propos est caricatural. Et d’ailleurs, le mal existe. Il est là et bien là. Cette réalité appelle mise en garde, lutte et pour les chrétiens, intercession. Simplement, partout où nous constatons une expression commune d’empathie, de sympathie et de paix, nous pouvons dire qu’il y a là ce qui permet aux gens de vivre et à la société d’être humaine, au bon sens du mot. Et d’ailleurs, qui ne verrait pas le positif, non seulement dans l’attention que tant de gens se portent dans la vie quotidienne, mais aussi dans des mouvements qui s’expriment à grande échelle dans notre société : l’entraide qui se déploie dans un grand nombre d’associations humanitaires, le désir de beauté qui fait le succès des expositions, une nouvelle sociabilité qui s’esquisse notamment sur internet, et bien d’autres tendances positives. Apprenons à voir le positif dans l’offre « mélangée » des médias. Mais n’y aurait-il pas aussi des lieux de rencontre où on puisse, à certains moments, partager ce qui est bon et beau et s’en réjouir ensemble ?
Nous rapportons ici une expérience. Pendant quelques années, dans une association, des rencontres ont été organisées pour permettre un partage des expériences positives de chacun. Ainsi, les participants exprimaient des expériences de tout genre, ce qu ‘ils avaient vécu de beau et de bon. Ce pouvait être l’émotion ressentie à la vue d’une peinture, l’appréciation d’un livre ou d’un film, l’harmonie perçue à travers tel chant ou telle musique, la joie d’une compréhension nouvelle de la société ou de la nature, mais aussi un moment de bonheur au quotidien, l’émotion ressentie en présence d’un paysage, une expérience spirituelle ou l’expression d’un vécu relationnel bienfaisant. Et cette énumération n’a pas de limites.
Chacun pouvait donc participer selon son désir en exprimant ainsi ce qui lui tenait à cœur, mais aussi en écoutant tout simplement et en goûtant le bonheur de ce partage. Chacun avait son chemin, son itinéraire. Chacun était respecté dans son mouvement et sa recherche.
Explicitement , cette rencontre était organisée par des chrétiens, si bien qu’il était reconnu qu’à certains moments, dans un chant ou dans une prière, une louange s’exprimait. C’était une expression de reconnaissance envers « l’Esprit qui donne la vie » et en « Celui en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17.27). Et ce Dieu là ne fait pas de forcing et respecte le cheminement de chacun.
Il y avait là une ambiance conviviale et joyeuse qui faisait écho à ce que, dans les premiers temps du christianisme, un apôtre a exprimé en considérant ce qui était positif dans la société de son temps, elle aussi aux prises avec bien des déformations et même des dépravations. Paul écrivait ainsi aux chrétiens : « Que tout ce qui est bon et digne de louange, tout ce qui est vrai, respectable, juste, pur et honorable soit l’objet de vos pensées » (Epitre aux Philippiens 4.8).
Ce que nous vivons déjà sur un certain registre, pourquoi ne pas le partager dans des rencontres comme celles que nous venons de décrire ? La situation peut varier. Elle est peut être très informelle, par exemple une soirée entre amis où on prend plaisir à partager de belles et bonnes choses. Le cadre lui-même peut comporter de nombreuses variantes en particulier dans le degré de l’expression de foi qui pourrait aller jusqu’à la mise en œuvre d’un culte où l’Esprit s’exprime à partir de l’expérience apportée et partagée comme des paroles bibliques qui se présentent. Comme dans une oeuvre musicale, il y a des notes multiples. On peut aussi prendre part à des processus analogues dans des contextes purement séculiers. Quoiqu’il en soit, sachons être attentif. « L’essence de la création dans l’Esprit est la collaboration » (Jürgen Moltmann). « Tout ce qui monte, converge » (Teilhard de Chardin).
JH
Sur ce blog : Vivre en harmonie
Sur le site de Témoins, la vie d’un groupe de partage : Un air de liberté. Conversation avec Frédérique. https://www.temoins.com/un-air-de-liberte-entretien-entre-frederique-ivulski-et-jean-hassenforder/
par jean | Oct 27, 2011 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Vision et sens |
Lorsque je suis sensible à la beauté de la nature, j’entre dans un état d’esprit où je perçois en elle une réalité qui me dépasse, un mouvement qui m’inspire. A ce moment, je ne suis plus un observateur détaché. Je reconnais un mouvement de vie dans les êtres qui m’entourent. Je participe à un mystère. On peut citer Einstein : « Il y a deux manière de vivre la vie : l’une, c’est comme si il n’y avait de miracle nulle part. L’autre, c’est comme si tout était miracle ». Sans doute, les positions sont moins tranchées . Il y a place pour des registres de regard différents, mais pas incompatibles entre eux. Mais la pensée d’Einstein nous invite à aller plus loin : « La plus belle émotion que nous puissions éprouver, c’est le sentiment du mystère. C’est une émotion fondamentale qui est au berceau de tout art , de toute science véritables ». Dans mon évolution personnelle, j’ai pris de plus en plus conscience que l’on pouvait percevoir Dieu à l’œuvre dans la nature.
Dieu dans la création
Jürgen Moltmann m’a aidé dans cette prise de conscience (Dieu dans la création (Cerf 1988). « Le Dieu trinitaire inspire sans cesse la création. Tout ce qui est, existe et vit grâce à l’affluence permanente des énergies… Ainsi il nous faut comprendre toute réalité créée de façon énergétique, comme possibilité réalisée de l’Esprit divin. Grâce aux possibilités et énergies de l’Esprit, le Créateur lui-même est présent dans sa création. Il ne s’oppose pas seulement à elle par sa transcendance, mais entre en elle et lui demeure en même temps immanent » (p 23).
« Tu ouvres ton souffle, ils sont créés. Tu renouvelles la face de la terre » (Psaume 104/29-30).
« L’Esprit saint est « répandu » sur toutes les créatures. La source de vie est présente dans tout ce qui existe et qui est vivant. Tout ce qui existe et vit, manifeste la présence de cette source de vie divine » (p 24).
Dieu à l’œuvre. Un regard concret et émerveillé
Comment notre regard peut-il alors s’exercer. Scientifique, philosophe et théologien, Roy Abraham Varghese nous aide à voir ce monde comme une merveille et à percevoir Dieu à travers cette merveille. (The wonder of the world. Fountain Hills, 2003).
« Nous pouvons reconnaître l’existence de Dieu et en devenir conscient simplement en percevant les choses autour de nous. C’est l’acte de voir les choses comme créées, comme nécessitant l’existence de Dieu pour expliquer leur existence, comme dépendant de lui et finalement comme manifestant l’infini ici et maintenant. Juste comme nous voyons un poème comme un poème, et pas comme des signes imprimés, et ne pouvons le voir comme autre chose qu’un poème, de la même façon, nous ne pouvons voir les choses autour de nous seulement comme un ensemble d’atomes. mais comme des réalités qui manifestent et reflètent Dieu ». (p 62) ;
« Les senteurs et les couleurs d’une belle rose nous viennent de Dieu, manifestant sa divine présence. Naturellement, la rose n’est pas Dieu ou une partie de Dieu. Mais la rose, dans sa totalité, non seulement reflète la gloire de Dieu comme une magnifique œuvre littéraire manifeste l’esprit de son auteur, mais aussi elle nous rend Dieu présent comme une manifestation immédiate et constante de :
– la puissance divine qui la tient en existence et soutient ses activités
– L’infinie intelligence qui l’a conçue.
– La beauté ineffable à partir de laquelle ses couleurs et ses senteurs rayonnent…
Voir une rose, c’est voir une manifestation immédiate et concrète de la créativité, de l’intelligence et de l’énergie infinie. C’est voir Dieu ici et maintenant » (p 64-65)
Alors en présentant quelques photos de fleurs, non seulement nous suscitons un émerveillement, mais nous pouvons en même temps nous ouvrir à une méditation en y percevant la présence de Dieu à travers sa création.
Partageons ensemble notre regard sur la nature, la manière dont nous y percevons la présence de Dieu.
JH
plus de photos de Catpiper et Ecstaticist sur flickr