par jean | Mar 17, 2015 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Un mouvement de libération qui se poursuit et s’universalise.
Il y a cinquante ans, à Selma, une petite ville de l’Alabama, animés par la vision de Martin Luther King, des afro-américains s’engageaient dans des luttes pour les droits civiques. Le 7 mars 1965, quelques six cent manifestants qui défilaient pacifiquement, étaient pris à partie par les forces de l’ordre dans une brutale répression policière. Pourtant ces marches non violentes se sont poursuivies. Deux semaines plus tard, plusieurs milliers de personnes emmenées par le pasteur Martin Luther King quittaient Selma pour rejoindre la capitale de l’Alabama, Montgomery, à prés de 90 kilomètres. L’opinion publique était touchée par ce mouvement pacifique. Et la victoire était remportée au plus haut niveau politique. Désormais les afro-américains pourraient voter sans entraves. La ségrégation allait également disparaître. Aujourd’hui, si les inégalités sociales et économiques demeurent très prégnantes et si le racisme n’a pas disparu, une nouvelle donne est intervenue. Les afro-américains ont une place dans la société, et, pour la première fois dans l’histoire, le président des Etats-Unis, Barack Obama, participe à cette culture. Aujourd’hui, cinquante ans après les évènements de Selma, c’est le temps de la commémoration et, pourrait-on dire plutôt, un moment de célébration. Une cinéaste vient de réaliser un film à ce sujet. Et, le 7 mars 2015, le président des Etats-Unis, Barack Obama, accompagnée de son épouse, Michèle, et de ses deux enfants, s’est rendu à Selma et y a prononcé un discours dont l’inspiration a été reconnue bien au delà de son milieu politique.
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En entendant cette parole, en lisant le texte de ce discours (1), nous ressentons une émotion, nous percevons un grand souffle, nous recevons une vision. Barack Obama évoque le courage et la foi de tous ceux qui ont participé à cette première marche et ont été confrontés, de plein fouet, à la violence policière. Un cantique les accompagnait : « Quelques soit l’épreuve, Dieu prendra soin de vous » (What may be test, God will take care of you »). Et puis, à partir de là, il met en évidence la signification de ce combat en inscrivant cette lutte pour l’égalité et la justice dans l’histoire américaine, et, au delà, dans le monde d’aujourd’hui. « Combien ces hommes et ces femmes ont fait preuve d’une grande foi. Foi en Dieu, mais aussi foi en l’Amérique… Ils ont prouvé qu’un changement non violent est possible, que l’amour et l’espérance peuvent vaincre la haine… ». Ils ont lutté pour affirmer la vraie signification de l’Amérique : « L’idée d’une Amérique juste,d’une Amérique équitable, d’une Amérique inclusive, d’une Amérique généreuse a finalement triomphé… ». C’est la victoire de la solidarité. « Le mot le plus puissant dans notre démocratie, c’est le mot « nous » (« we »). « We shall overcome.. .Yes, we can … ». ( « Nous l’emporterons.. Oui, nous pouvons…). Il y a là un élan qui traverse les frontières. Dans sa vision d’une Amérique inclusive et généreuse, Barack Obama salue les diverses immigrations de tous ceux qui sont venus aux Etats-Unis parce qu’ils cherchaient la liberté politique ou la possibilité de sortir de la misère pour gagner une vie décente. Il égrène les mouvements qui ont permis aux minorités de conquérir le respect et de voir leurs droits reconnus. Et, au delà encore, Barack Obama proclame combien cet esprit inspire les luttes pour la démocratie qui se déroulent dans le monde entier. C’est un discours qui manifeste dynamisme et espérance. Ainsi reprend-il une parole du prophète Esaïe : « Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force… Ils marchent et ne fatiguent point » ( Esaïe 40.31).
La figure de Martin Luther King inspire ce grand mouvement pour la justice et les droits civique. une jeune réalisatrice américaine, Ava DuVernay vient de réaliser un film sur cette grande personnalité en situant son action et sa présence dans le contexte des évènements de Selma. Tel que nous le décrit Jean-Luc Gadreau sur son blog (2), ce film rend bien compte de la dimension épique et charismatique de cette présence et de cet événement et de la puissante émotion qui s’y manifeste.
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Dans son discours, Barack Obama inscrit ce mouvement dans le courant démocratique jalonné par de grandes personnalités comme Abraham Lincoln et F D Roosevelt. Cette pensée généreuse, à laquelle nous avons personnellement goûté et qui été pour nous un point de repère, associe une spiritualité d’inspiration biblique à l’action politique. Hélas, il y a aussi dans l’histoire américaine d’autres moments ou conservatisme et impérialisme vont de pair avec l’influence exercée par de groupes religieux fondamentalistes. Dans son discours, Barack Obama exprime une dynamique de justice dans un processus de libération qui prend toute sa dimension dans une perspective universaliste. Dans un monde tourmenté, il y a là comme un rayon de lumière d’autant plus appréciable qu’il se manifeste dans une des plus grandes nations du monde. Ce discours peut s’appuyer sur la victoire remportée Martin Luther King dans sa lutte pour les droits civiques (3). Et, si son action peut être contestée sur certains points, nous percevons en Barack Obama (4) un homme de bonne volonté, un dirigeant intelligent et responsable qui contribue à rendre ce monde un peu moins dangereux. La vision positive qui s’exprime dans ce discours, vient à l’appui d’une théologie de l’espérance (5).
Dans un monde où les replis identitaires se manifestent, où des extrémismes religieux menacent la paix et débouchent sur la violence et le terrorisme, il est bon d’entendre qu’une spiritualité chrétienne peut inspirer une action politique qui se manifeste dans un processus de libération et la promotion de la justice et de la liberté. « Sans vision, le peuple meurt ». Cette parole biblique (Proverbes 29.18) rejoint notre expérience humaine. Nous avons besoin d’entrevoir un chemin. Nous avons besoin de motivation et de confiance. Puissent des chrétiens témoigner d’un Evangile libérateur ! Puissent-ils, en regard du désarroi et de ce qu’il engendre, témoigner d’une espérance, source de confiance et réponse à la recherche de sens !
J H
(1) Sur le site du Huffington post, vidéo du discours d’Obama et transcription en anglais de ce discours : http://www.huffingtonpost.com/2015/03/07/obama-selma-bloody-sunday-transcript_n_6823642.html Présentation de l’événement en français : « Le discours d’Obama sur les droits civiques à Selma salué comme le plus important de son mandat » : http://www.huffingtonpost.fr/2015/03/08/discours-barack-obama-selma-droits-civiques-mandat_n_6825764.html
(2) Sur le blog : ArtSpi’in : « Selma, pour se mettre en marche ». Commentaire sur le film et bande annonce en français : http://artspiin.eklablog.com/selma-pour-se-mettre-en-marche-a114847768
(3) Sur ce blog : « la vision mobilisatrice de Martin Muther King « I have a dream » : https://vivreetesperer.com/?p=1493
(4) Sur ce blog : « Obama : un homme de bonne volonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1000 Et, sur le site de Témoins : « Le phénomène Obama : un signe des temps ? » : http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/jean-hassenforder-le-phenomene-obama-un-signe-des-temps/all-pages.html
(5) Dans les années 60, le théologien Jürgen Moltmann publie son premier livre : la théologie de l’espérance. Dans sa version anglophone : Theology of hope, ce livre exerce une grande influence jusque à être présenté en première page du New York Times. Une présentation de la vie et de la pensée de Moltmann sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : « une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695
par jean | Mar 2, 2015 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Comment la toxicomanie est liée à l’isolement social et peut trouver remède dans un environnement positif.
Des études sociologiques ont montré combien la dégradation du tissu social engendrait des maux de tous ordres dans les populations concernées. Et, à l’inverse, tout ce qui relie a des effets positifs. Ce regard est confirmé par une étude récente sur la manière d’affronter la toxicomanie. Auteur d’un livre tout récemment publié : « Chasing the Scream. The first and last days of the war of drugs » (1), Johann Hari (2) nous expose la recherche qui lui a permis de démonter les conceptions dominantes orientant la lutte contre ce fléau social et de proposer un éclairage nouveau : une approche environnementale (3).
Qu’est-ce qui pousse des gens à se polariser sur la drogue et à développer une dépendance jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus s’arrêter ? Comment pouvons aider ces gens à revenir avec nous ?
Aux Etats-Unis, dans les années 80, une explication de la toxicomanie s’est développée dans une perspective individualiste. Ainsi, s’appuyait-on sur une expérience en psychologie animale : « Mettez un rat seul dans une cage avec deux bouteilles d’eau. L’une est remplie seulement d’eau. L’autre contient de l’eau mélangée avec de l’héroïne ou de la cocaïne. Dans cette expérience, presque à chaque fois, le rat devient de plus en plus obsédé par l’eau mélangée avec de la drogue et en consomme de plus en plus jusqu’à ce qu’il en meure ».
Mais cette explication a complètement été remise en cause par une autre expérience mise en oeuvre par Bruce Alexander, professeur de psychologie à Vancouver. L’expérience précédente, a-t-il observé, se caractérise par la solitude du rat. Le rat est seul dans une cage et il n’a rien d’autre à faire qu’à s’adonner à la drogue. Qu’est ce qui arriverait si on procédait différemment ? Alors, le professeur Alexander a construit un parc pour des rats (« Rat park »). C’est une cage dans laquelle les rats ont à leur disposition des balles colorées, des tunnels, une bonne nourriture et plein d’amis. On y a placé les deux bouteilles : eau pure et eau droguée. Et bien, ces rats pouvant mener une bonne vie ne se sont pas précipité sur l’eau droguée. Pour la plupart, ils l’ont évitée. Aucun n’est mort comme ceux qui vivaient dans leur cage, seuls et malheureux.
« On peut en déduire que la dépendance est une adaptation. Ce n’est pas vous. C’est votre cage ». Le professeur Alexander avance que cette découverte « contredit à la fois la pensée de droite selon laquelle la toxicomanie est une faillite morale provoqué par un laxisme hédoniste et une pensée libérale selon laquelle cette dépendance à la drogue est une maladie se déroulant dans un cerveau chimiquement imprégné ». Et une autre expérience a confirmé sa thèse. Des rats drogués ayant séjourné seuls pendant des dizaines de jours dans la première cage, sont revenus progressivement à une vie normale dans le « parc des rats ».
Mais qu’en est-il dans la vie humaine ? Johann Hari a mené l’enquête. Il a mis en évidence que durant la guerre du Vietnam, un pourcentage important de soldats américains se droguait à l’héroïne. On se demandait ce qui allait arriver lorsqu’ils seraient de retour dans la vie civile. De fait, pour la plupart, ils ont repris une vie normale.
Autre exemple : les malades recevant à l’hôpital des médicaments comprenant de l’héroïne ne tombent pas dans une dépendance lorsqu’ils se retrouvent chez eux. Johann Harli évoque également l’exemple du Portugal qui, il y a quinze ans, a adopté une politique nouvelle en matière de lutte contre la drogue. Les dépenses ont été transférées de la répression à une action pour créer un environnement favorable en terme de logement et d’emploi. Cette politique a été évaluée positivement.
Ainsi, il y a des alternatives aux politiques traditionnelles. La réponse à la dépendance, c’est un milieu relationnel bienfaisant.
« Nous avons besoin d’aimer et d’être en relation » (« We need to connect and love »). Malheureusement, nous avons créé un environnement et une culture qui nous coupent de la connexion humaine ou qui offrent seulement une parodie de relation sur internet… La montée de la toxicomanie est un symptôme d’une maladie plus profonde qui réside dans la manière dont nous vivons ».
Johann Hari rapporte les propos de Bruce Alexander : « Pendant trop longtemps, nous avons parlé exclusivement en terme d’une sortie individuelle de la toxicomanie. Nous avons besoin d’envisager le processus en terme de guérison collective ». Cependant, « cette vérité ne nous remet pas seulement en question sur le plan politique. Elle ne nous oblige pas seulement à changer notre manière de penser. Elle nous appelle aussi à changer nos cœurs ».
Cette étude nous invite à envisager la lutte contre la toxicomanie d’une façon nouvelle depuis une action de terrain jusqu’aux politiques publiques. Cependant, beaucoup plus généralement et d’une façon presque emblématique, elle met en évidence l’influence de l’environnement humain sur les comportements. Cet environnement dépend lui-même de la qualité des relations qui l’induisent. Manifestement, il y a là une réalité qu’on peut observer à différents niveaux et sur différents registres. C’est dire notre responsabilité. C’est dire aussi combien nous avons besoin d’inspiration pour nous engager en ce sens (4).
Jean Hassenforder
(1) Hari (Johann). Chasing the scream. The first and last days of the war on drugs. Bloomsberry Publishing, 2015 Ce livre est présenté et mis en perspective sur : Wikipedia. The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Chasing_the_Scream
(2) Le parcours de Johann Hari a été aussi l’objet de critiques. On pourra consulter sa biographie dans : Wikipedia.The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Hari
(3) Ce texte prend pour source un article de Johann Hari paru sur un blog du Huffingtonpost : « The likely cause of addiction has been discovered and it is not what you think » : http://www.huffingtonpost.com/johann-hari/the-real-cause-of-addicti_b_6506936.html
(4) Bien entendu, les inégalités et la domination socioéconomique entravent le développement d’un environnement positif. Cependant, on observe aujourd’hui une montée des aspirations en quête d’un environnement relationnel et en demande de convivialité. Voir : « Emergences d’espaces conviviaux et aspirations contemporaines » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie On rejoint par là le message d’amour de l’Evangile et une vision de l’œuvre de l’Esprit. C’est la recherche d’une communauté telle que l’exprime très bien le théologien Jürgen Moltmann : « L’expérience de la communauté est expérience de la vie, car toute vie consiste en échanges mutuels de moyens de subsistances et d’énergie et en des relations de réciprocité. Il n’y a pas de vie sans relations de communauté qui lui soient propres. Une vie isolée et sans relations, c’est à dire individuelle au sens littéral du terme… est une réalité contradictoire en elle-même. Elle n’est pas viable et elle meurt. Une absence totale de relations représente la mort totale. C’est pourquoi la « communion de l’Esprit Saint » n’est qu’une autre expression pour désigner « l’Esprit qui donne la vie ». La vie naît de la communauté, et là où naissent des communautés qui rendent la vie possible et la promeuvent, là l’Esprit de Dieu est à l’œuvre… Instaurer la communauté et la communion est manifestement le but de l’Esprit de Dieu qui donne la vie dans le monde de la nature et dans celui des hommes. Tous les êtres créés existent non par eux-mêmes, mais en d’autres, et ont besoin, pour cette raison, les uns des autres, et ils trouvent leur consistance les uns dans les autres » (Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Seuil, 1999 (p 297-298) Ouverture à la pensée de Moltmann dans le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/ Sur ce blog : « Vivre en harmonie » : https://vivreetesperer.com/?p=43
par jean | Fév 1, 2015 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair
Le grand mouvement international Avaaz (1) vient de lancer une campagne pour la promotion de principes éthiques : « Faisons preuve de gentillesse et de respect. Tendons vers la sagesse. Pratiquons la reconnaissance ». Cette initiative nous paraît témoigner d’une évolution prometteuse dans un changement de mentalités à l’échelle internationale. Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair. Quel est le parcours du mouvement Avaaz ? Quels principes éthiques veut-il promouvoir ? Comment cette initiative s’inscrit-elle dans une transformation des mentalités où action sociale et spiritualité font alliance ?
Avaaz . Un mouvement citoyen en ligne.
« Avaaz – qui signifie « Voix » » dans plusieurs langues d’Asie, du Moyen-Orient et de l’Europe de l’Est – a été lancée en janvier 2007 avec une mission démocratique simple : « fédérer les citoyens de toutes les nations pour réduire l’écart entre le monde que nous avons et le monde voulu par le plus grand nombre et partout.
Avaaz offre à des milliers de personnes venues de tous les horizons la possibilité d’agir sur les questions internationales les plus urgentes, de la pauvreté à la crise du Moyen Orient et au changement climatique. Le modèle de mobilisation par internet permet à des milliers d’efforts individuels, aussi petits soient-ils, de se combiner rapidement pour devenir une puissante force collective. Active dans 14 langues, et animée par une équipe professionnelle présente sur cinq continents et des bénévoles partout dans le monde, Avaaz agit, en signant des pétitions, en finançant des encarts dans les médias, en envoyant des messages et des appels téléphoniques aux dirigeants, en organisant des manifestations et des évènements pour faire en sorte que l’opinion et les valeurs des citoyens du monde influent sur les décisions qui nous concernent tous ».
En quelques années, Avaaz est devenu un mouvement d’envergure mondiale (1). En effet aujourd’hui, il affiche une participation de 40 millions de membres. Cependant il faut préciser que le degré d’implication de ces membres varient beaucoup ; Beaucoup d’entre eux ont simplement signé une pétition lancée par Avaaz sur internet. Le site d’Avaaz nous permet de savoir quelles sont les pétitions qui ont eu le plus d’impact et quels ont été les temps forts du mouvement. Nous avons nous-même signé plusieurs de ces pétitions. On peut voir en ligne les participants qui affluent de nombreux pays. Les causes défendues sont nombreuses et diverses : du soutien apportée à la production indienne de médicaments génériques accessibles aux plus démunis jusqu’à la lutte contre les pesticides qui détruisent les abeilles en passant par la dénonciation des méfaits de Boko Haram.
Avaaz laisse libre ses membres des soutenir uniquement les causes avec lesquelles ils se sentent en affinité. « Chez Avaaz, nous reconnaissons que des gens de bonne foi seront souvent en désaccord sur des détails précis. Au lieu de s’échiner à obtenir le consensus, chacun d’entre nous décide de participer ou non à chacune des campagnes. Mais, sous chaque campagne d’Avaaz , se trouve un ensemble de valeurs, la conviction que nous sommes avant tout des êtres humains dotés de responsabilités envers chacun, envers les générations futures et la planète ». Cependant, le terme de « membre » employé pour désigner celui qui participe aux activités d’Avaaz, nous paraît quelque peu excessif. Le terme de sympathisant, associé ou partenaire pourrait être plus pertinent.
Mais Avaaz ne sollicite pas seulement ses membres pour développer des campagnes. Elle est également à leur écoute.
« Chaque année, Avaaz définit ses priorités générales à partir d’un sondage proposé à tous ses membres et les idées de campagne sont soumises par sondage et testées chaque semaine auprès de panels de 10000 membres choisis au hasard ». Avaaz suit ainsi le mouvement réformateur dans l’opinion mondiale. Ces campagnes sont mises en oeuvre à partir d’un travail avec des partenaires et des experts et d’une prise en compte de moments charnières entre crise et opportunité. « Dans la vie d’un enjeu ou d’une cause, il apparaît parfois un moment où une décision doit être prise et ou une mobilisation du public peut tout à coup faire bouger les choses »
Avaaz, par son origine, par ses dirigeants, par son organisation, témoigne du nouveau contexte international où une conscience mondiale est en train d’émerger. Certes des critiques peuvent être émises sur tel ou tel point, mais, dans l’ensemble, Avaaz a remporté des victoires dans la défense de causes positives et il apparaît, selon le journal « Guardian », comme le plus grand et le plus puissant mouvement citoyen mondial en ligne.
Promotion de principes de vie : comment être meilleur pour soi et pour les autres.
C’et pourquoi on peut accorder une attention toute particulière à une campagne qu’Avaaz vient d’entreprendre et qui vise à développer des comportement fondés sur une vision éthique et spirituelle (2). Cette campagne a pour but de favoriser une transformation personnelle. « Engagez-vous dans une aventure intérieure pour comprendre comment être meilleur pour soi et pour les autres. C’est une partie cruciale du changement qie nous souhaitons tous ». C’est dire que transformation sociale et transformation personnelle vont de pair.
Avaaz invite ses membres à vivre selon trois principes : gentillesse et respect, sagesse et reconnaissance. La formulation de ces principes est elle-même instructive et prometteuse.
Faire preuve de gentillesse et de respect.
Nous ferons preuve de gentillesse et de respect envers nous-même et les autres aussi souvent que possible : tout le monde livre au moins une bataille dont nous ne savons probablement rien.
Tendons vers la sagesse.
Nous ferons notre possible pour prendre les décisions justes en nous écoutant et en écoutant attentivement les autres. Nous chercherons l’équilibre entre notre raison, notre cœur et nos intuitions dans une harmonie qui sonne juste.
Pratiquons la reconnaissance
Nous prendrons régulièrement le temps de penser à toutes les personnes et choses pour lesquelles nous éprouvons de la reconnaissance, parce que cela met les choses en perspective, dissout la négativité et nous aide à nous concentrer sur ce qui compte vraiment.
Avaaz s’engage dans cette campagne avec détermination. « Notre communauté soutient avec une écrasante majorité ces trois grands principes qui peuvent nous aider à changer le monde. Rejoignez les milliers de membres qui ont pris cette résolution envers eux-mêmes et partagez votre expérience et l’histoire de votre aventure intérieure sur notre chat enligne ». Et, pour la suite, Avaaz ne manque pas d’ambition puisqu’elle se propose : « quand nous serons 500000 à avoir pris cet engagement, nous inviterons les dirigeants du monde entier à nous rejoindre ».
Et, dans un message aux membres d’Avaaz, Ricken Patel et toute l’équipe propose des suggestions pratiques. « A propos de la reconnaissance, si vous ne l’avez jamais fait, essayez de faire cet exercice : Fermez les yeux, respirez profondément et prenez trente secondes pour penser à ce pour quoi et pour qui vous vous sentez reconnaissant. Si vous faites cet exercice à deux ou à plusieurs, ce sera encore mieux. Vous pourrez alors partager ce que vous ressentez. Nous l’avons fait lors des réunions publiques de la Marche des citoyens pour le climat (et même pendant la Marche elle-même) et c’était vraiment extraordinaire ».
« Soyez le changement que vous voulez pour le monde »
Cette initiative d’Avaaz nous paraît s’inscrire dans un état d’esprit dont Gandhi a été un porte-parole emblématique lorsqu’il proclame : « Soyez le changement que vous voulez dans le monde » (3).
Dan les dernières décennies, à la suite des « groupes d’Oxford » fondé par le pasteur américain, Frank Buchman, le « Réarmement moral », à partir de 1938, a voulu s’opposer à la montée du nazisme, en développant un renouveau spirituel accessible à tous et fondé sur une pratique de l’écoute dans le silence (4). Dans l’après-guerre, ce mouvement a beaucoup travaillé en faveur de la résolution de conflits internationaux par la réconciliation et le pardon. Sa devise rejoint celle de Gandhi : « Changer soi-même pour que le monde change ». L’appellation : « Réarmement moral » a correspondu à une époque, mais elle n’était plus adaptée à la notre. Mais le mot d’ordre : « Changer soi-même pour que le monde change » a été repris aujourd’hui par le mouvement : Initiatives et changement » (5), lui-même héritier des valeurs du Réarmement moral. La conscience de notre responsabilité personnelle par rapport aux problèmes avec lesquels l’humanité est confrontée, nous paraît aller grandissant. C’est ainsi que le mouvement « Colibris », inspiré par Pierre Rahbi, se réfère à une légende amérindienne : face à un immense incendie de forêt, un petit colibri s’active en allant chercher quelques gouttes d’eau pour les jeter sur les flammes. Il sait bien que cette tentative de petit pompier est dérisoire, mais « il fait sa part ».
Dans son ouvrage : « La guérison du monde » (6), Frédéric Lenoir envisage le monde actuel dans une perspective historique, de « la fin d’un monde » à « l’aube de la renaissance », et ce livre se conclut par un chapitre intitulé : « Se transformer soi-même pour changer le monde ». « C’est quand la pensée, le cœur, les attitudes auront changé que le monde changera ». « La modernité a mis l’individu au centre de tout. C’est donc aujourd’hui sur lui plus que sur les institutions et les superstructures que repose l’enjeu de la guérison du monde ». Bonne nouvelle ! Frédéric Lenoir perçoit une évolution dans les attitudes. Il distingue trois phases successives dans la manifestation de l’autonomie : « l’individu émancipé, l’individu narcissique et l’individu global ». « Dans cette troisième phase, nous assistons depuis une quinzaine d’années à la naissance d’une troisième révolution individualiste. Différents mouvements convergent : « besoin de redonner du sens à la vie commune à travers un regain des grands idéaux collectifs, besoin de donner du sens à sa vie personnelle à travers un travail sur soi et un questionnement existentiel » (p 289). Ici idéal social et conscience spirituelle se conjuguent. Dans ce contexte, on comprend mieux l’initiative d’Avaaz dans la promotion de trois principes de vie.
Si les menaces abondent dans notre monde tourmenté, on peut y voir un temps de crise qui est aussi un passage vers une civilisation nouvelle. Aujourd’hui, face aux épreuves, en lutte pour la la sauvegarde de la vie et pour la justice, en conscience de plus en plus universelle, les hommes ont besoin de changer dans leurs comportements dans le sens des principes formulés par Avaaz . C’est une requête et une aspiration qui nous appelle à puiser dans une inspiration qui se manifeste dans une diversité de traditions religieuses et philosophiques. Personnellement, nous entendons le message exprimé et vécu par Jésus : « Tu aimeras le prochain comme toi-même ». (Matthieu 22.39). Et nous voyons l’œuvre de l’Esprit dans une humanité en marche à la recherche de la justice et de la fraternité. Comme l’écrit le théologien Jürgen Moltmann : « A l’encontre de toutes les forces contraires, le projet de Dieu est l’harmonie entre les êtres » (7). En lutte contre ce qui défigure aujourd’hui l’humanité et la nature, Avaaz s’inspire de valeurs qui fondent son combat. A travers la promotion de principes de vie, elle s’engage dans une approche globale où transformation personnelle et transformation collective sont appelées à se conjuguer.
J H
(1) Site d’Avaaz : http://www.avaaz.org/fr/ . Pour une information sur l’histoire et le fonctionnement d’Avaaz, voir Wikipedia francophone et anglophone. Pour un éclairage sur le fonctionnement d’Avaaz et sur la personnalité et le rôle de son fondateur, Ricken Patel, nous avons apprécié un article de Carole Cadwallade sur le site du Guardian : « Inside Avaaz. Can online activism really change the world ? » http://www.theguardian.com/technology/2013/nov/17/avaaz-online-activism-can-it-change-the-world
(2) Trois principes de vie : https://secure.avaaz.org/fr/three_principles_loc/?pv=592&rc=fb
(3) « Soyez le changement que vous voulez pour le monde » : Cette parole de Gandhi est rappelée par Frédéric Lenoir dans son livre : « La guérison du monde » et aussi dans un chapitre du livre : « Nos voies d’espérance » : Sur ce blog : « Discerner les voies d’une société plus humaine » : https://vivreetesperer.com/?p=1992
(4) Témoignage sur le Réarmement moral : Philippe et Lisbeth Lasserre. La voix intérieure. Témoins, N° 120, mars 1996, p 10-11. Consultable sur le site de Témoins : http://temoins.com/about-joomla/la-memoire-de-temoins/les-43-magazines/temoins-nd-120.html
(5) Site d’Initiatives et Changement : http://fr.iofc.org/. Sur ce blog : « Une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable. Interview de Myriam Bertrand, volontaire du service civique à Initiatives et changement (sept 2013-mars 2014) : https://vivreetesperer.com/?p=1780 « Construire une société où chacun aura sa place. A propos de la relation France-Maghreb » : https://vivreetesperer.com/?p=1240
(6) Frédéric Lenoir. La guérison du monde. Fayard, 2012. Sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048 Commentaire : « Emergence d’une nouvelle sensibilié spirituelle et religieuse. En regard du livre de Frédéric Lenoir : La guérison du monde » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-dune-nouvelle-sensibilite-spirituelle-et-religieuse-en-regard-du-livre-de-frederic-lenoir-l-la-guerison-du-monde-r
(7) Introduction à la pensée de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/ Voir sur ce blog : « Vivre en harmonie » : https://vivreetesperer.com/?p=43 « L’essence de la création dans l’Esprit est par conséquent la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles font connaître l’ « accord général ».
par jean | Déc 22, 2014 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Le covoiturage : un lieu de rencontre et de solidarité, une respiration
David habite Dreux. Il est souvent appelé à se déplacer. David nous raconte ici comment il a découvert et expérimenté BlaBlaCar.
« Une amie m’en avait parlé et proposé de limiter ainsi les frais de voyage des grandes vacances. Je n’ai pas accepté croyant ainsi préservé ma liberté. C’est, il y a quelques mois, que j’ai expérimenté BlablaCar, car, pour de bon, étant privé de voiture.
BlaBlaCar, c’est un site internet (1) qui propose des petits et longs trajets dans toute la France et même au delà. Il présente de petites annonces avec le nom, l’âge, des éléments biographiques des conducteurs comme des passagers. Il suffit de s’inscrire à une annonce proposant un trajet et comme conducteur, il suffit de proposer un trajet et d’attendre que des passagers s’inscrivent. Le trajet coûte au passager et rapporte au conducteur environ la moitié du coût réel pour une personne, ce qui fait moins d’un quart des prix des billets de train.
Le site modère lui même les prix en indiquant si les prix sont verts, oranges ou rouges, c’est-à-dire s’ils sont bon marché, moyens ou un peu chers. Lorsqu’on est passager, on paie par carte bleue auprès du site qui reverse la somme au conducteur en y ajoutant une commission.
BlaBlaCar existe déjà depuis quelques années et, il y a quelque temps, le service de mise en relation et de gestion des trajets se faisait sans facturer des commissions. A cet âge d’or de BlaBlaCar selon les anciens utilisateurs de BlablaCar, appelés « ambassadeurs » ou « experts », il n’y avait pas au départ de frais de commission, et l’argent se donnait de la main à la main au début ou à la fin du trajet. Pour ceux qui débutent ou les habitués plus récents, la commission fait partie du système. Depuis quelques années, l’entreprise française BlaBlaCar a maintenant 60 salariés et a professionnalisé et sécurisé le système à la fois au niveau de la sécurité des membres du réseau en obligeant à l’identification complète, aussi en mettant en place une évaluation des conducteurs et des passagers les uns par les autres, en améliorant le système de réservation qui est opérationnel à 100%. Ce service est une partie de la commission facturée. L’autre partie de la commission, et c’est là un débat de société, sert à provisionner la TVA. C’est là où les chauffeurs de taxi, les voitures avec chauffeurs et la SNCF sont concernés et « indignés » parce que le trajet en BlaBlaCar, c’est un constat, sont de 2 à 6 fois moins chers, mais ne sont pas soumis à la même TVA. Il y a actuellement un vide juridique en France sur ce point de fiscalité. Donc, en attendant que l’état adopte une position fiscale par rapport à ce nouveau type d’entreprise, BlablaCar provisionne par cette commission un éventuel coup de frein qu’obtiendrait la SNCF par exemple contre ce nouveau concurrent qui lui prend un nombre de passagers suffisamment important pour qu’elle réagisse auprès de l’état d’une part, et que, d’autre part, elle crée sur son propre site de réservation et de billet un service de covoiturage. C’est dire si la tendance est d’actualité ».
Peut-on aller au travail en Blablacar ? « Personnellement j’y suis allé plusieurs fois avec des conducteurs qui allaient au travail eux aussi. Cela m’a permis de rencontrer un employé de la SNCF, une contrôleuse de la RATP, un restaurateur, un expert comptable, un informaticien du ministère de la défense qui se rendait à Balard, un professeur de mécanique, un chef d’entreprise, des étudiants en économie, en école vétérinaire. J’ai aussi rencontré des personnalité surprenantes comme cette retraitée de 80 ans repartant d’un colloque à Paris pour la Bretagne et conduisant d’une façon hésitante dans l’agglomération et, bien sûr, avec une vieille voiture. Elle m’a parlé longuement de son colloque sur « le développement personnel et les neurosciences ». J’ajoute que j’ai été aussi covoituré par un quinquagénaire d’éducation protestante libérale qui m’a entretenu des bienfaits du chamanisme et des rites tantriques pendant une heure et demie.
Habitant Dreux, je constate que la liaison Bretagne, Normandie, Ile de France est particulièrement peuplée et animée. Plusieurs trajets par jour sont proposés. J’ai pu constater aussi cet été en allant en vacances dans le sud en BlaBlaCar qu’il était extrêmement facile et économique de décider en trois heures de monter dans une voiture pour Nice, Montpellier, Nîmes, Perpignan. J’ai même hésité à aller en Espagne.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est que la plupart de temps passé dans ce covoiturage est l’occasion d’une vraie rencontre interpersonnelle, ce qui n’est pas rien, dans notre société et n’arrive pas dans les transports en commun. Quelques utilisateurs, dont moi parfois, sont dans le pragmatisme, mais la plupart du temps, et c’est indiqué dans l’annonce, des covoitureurs sont prêts à faire un détour de 15 à 30 minutes pour raccompagner le passager à son domicile ou à son lieu de travail, sont prêts à écouter de la musique ou pas, à parler un peu, beaucoup ou pas, et de fumer ou pas dans la voiture, tout cela étant précisé par de petites icônes appropriées sur le site. Il m’est arrivé cet été sur la route de retour des vacances, revenant du pont de Millau, de faire route avec un couple qui circulait en deux voitures ; J’ai circulé avec le monsieur (kiné). Nous nous sommes arrêtés au restaurant avec sa compagne. Surpris que son compagnon discute autant avec son passager BlaBlaCar, elle m’a demandé si je voulais bien poursuivre le trajet dans sa voiture pour discuter avec elle après avoir discuté avec lui. Et c’est comme cela qu’un couple donne du travail d’accompagnement pastoral et un magnifique retour de vacances à un pasteur heureux de reprendre son rôle d’encouragement en retournant à sa paroisse. Comme souvent on se demande les uns les autres « ce qu’on fait dans la vie » et que l’on en vient à parler de « ce que l’on fait dans la vie », lorsque je dis que je suis pasteur, il y a, en général , soit un mouvement d’évitement, soit un regain d’intérêt. Si c’est l’évitement, je reparle d’autre chose. Si c’est l’intérêt, la conversation s’engage. Le plus fréquent est un mélange des deux attitudes. C’est le même phénomène que lorsqu’on dit tout de go qu’on est chrétien. Ce que je trouve intéressant de mon côté, c’est de voir quelquefois les gens s’ouvrir d’eux-même d’une manière familière et simple sur ce qui est au cœur de leur vie, et c’est fou la liberté de parole et de questionnement lorsqu’on parle à un inconnu. C’est alors qu’on fait connaissance. Des gens m’ont parlé de Dieu, mais rarement. La grand-mère retraitée m’a parlé du besoin de libération de l’humain. Cependant, il ne m’est pas arrivé jusqu’ici de rencontrer des chrétiens engagés. Je trouve étonnant de n’avoir rencontré aucun chrétien, même sociologique, après une quarantaine de voyages. En tout cas, la réflexion éthique, la bonne réflexion morale est une constante sur ce réseau. Et les dialogues sont très respectueux.
Ayant le besoin de me déplacer, j’ai fait le constat que BlaBlaCar est non seulement un moyen de faire des économies, mais aussi un lieu de solidarité. J’ai pris conscience de quelque chose que je voudrais mentionner presque comme une confession ou un aveu. Lorsque mon amie m’avait parlé la toute première fois de prendre des passagers dans ma voiture pour partir en vacances et alléger mes propres frais de route, j’avais dit non. Je n’ai découvert BlaBlaCar que 6 mois plus tard en n’ayant plus de voiture. Or, cette découverte de BlaBlaCar, le côté pratique, l’esprit de serviabilité du conducteur qui vous dépose jusqu’à chez vous, l’intérêt des échanges humains, les contacts pris et les voyages agréables à plusieurs m’ont amené à me dire que globalement ces six derniers mois en Blablacar ont été bien plus agréables que les six mois précédents tout seul dans ma voiture. J’avais voulu rester « tout seul dans ma voiture » croyant protéger mon confort, ma liberté et ma vie privée. Je me demande aujourd’hui tout en disposant à nouveau d’une voiture, si je ne vais pas continuer de pratiquer BlaBlaCar une fois sur deux, sinon plus souvent. Proposer une à trois places à bord ne prend que trois minutes, me rapporterait pour chaque passager de ¼ à la ½ du prix du trajet. Aller de Dreux à Paris pour un prix entre 5 et 8 euros pour 100 km en étant déposé à une bouche de métro ou de RER, restera très pratique.
Si je pousse un peu plus loin ma réflexion, je me demande si je n’ai pas été victime d’un phénomène qui finalement n’existe pas qu’en Amérique : le phénomène du tout voiture. J’avais un peu oublié la marche à pied, le vélo et la possibilité de lire. L’expérience BlaBlaCar m’a permis un retour à ces fondamentaux pour la bonne santé et de constater qu’ils avaient disparu avec le tout voiture. Je conserverai de cette expérience ma discipline quotidienne de la marche à pied. Quant à la possibilité de partager un trajet en covoiturage, c’est une respiration. Des contraintes et un espace de convivialité sont partagés. J’ai bien peur que, sous couvert de confort et de liberté avec le tout voiture, on se choisisse en fait une situation d’isolement, de repli de soi dans une relation peut-être fusionnelle, voire idolâtre avec sa chère voiture. En passant, et ce n’est pas rien, BlaBlaCar, c’est un mode de vie écologique, plutôt responsable ».
Contribution de David Gonzalez
(1) BlaBlaCar : http://www.covoiturage.fr/
Sur ce blog, autre contribution de David Gonzalez : « Chagall, Dieu et l’amour » : https://vivreetesperer.com/?p=1260
Sur ce blog, voir aussi :
« Une révolution de l’être ensemble » Présentation du livre d’Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot : « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1394
« Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1534
« Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975
« OuiShare, communauté leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866
par jean | Déc 1, 2014 | ARTICLES, Emergence écologique, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
Des témoignages porteurs d’espérance
Dans la morosité du temps, lorsqu’au désarroi et à la détresse de beaucoup de gens, s’ajoutent le manque de vision des politiques et la focalisation des médias sur les mauvaises nouvelles, alors on a besoin d’analyser plus profondément les changements en cours et de mettre en évidence des évolutions positives, de discerner des pistes d’espérance. Voilà pourquoi le recueil d’entretiens publié par » mérite notre attention. Et le sous-titre précise le propos : « Entretiens avec dix grands témoins pour retrouver confiance » (1).
Les chapitres correspondants méritent d’être énoncés, car on perçoit, à travers cette liste, des thèmes privilégiés comme la transition écologique (Nicolas Hulot, Anne-Sophie Novel, Pierre Rabhi), une pratique nouvelle de l’économie (Cynthia Fleury, Anne-Sophie Novel, Dominique Méda), une aspiration spirituelle et morale (Frédéric Lenoir, Pierre-Henri Gouyon, Abdal Malik, Françoise Héritier). Et, il y a, chez chacun des auteurs, un choix de l’espérance tant pour la vie personnelle que pour une vision de l’avenir de notre société. C’est un dénominateur commun entre les personnes interviewées par Olivier Le Naire. Celles-ci ont même exprimé leur démarche dans un manifeste publié au début du livre : « Nos voies d’espérance ».
Le déroulé des titres dans le sommaire exprime bien le cheminement de cette pensée et de cet engagement :
° Refonder la vie publique, réussir la transition écologique (Nicola Hulot)
° Combattre les inégalités, choisir notre liberté (Cynthia Fleury)
° Apprendre à partager, humaniser l’économie (Anne-Sophie Novel)
° Donner un sens à sa vie (Frédéric Lenoir)
° Réinventer le travail et la croissance (Dominique Méda)
° Se réconcilier avec la nature (Pierre Rabhi)
° Réapprivoiser les sciences (Pierre-Henri Gouyon)
° Réussit l’intégation, relancer la citoyenneté (Abd al Malik))
° Trouver notre identité et notre place dans le monde (Eric Orsenna)
°Apprendre à vivre ensemble, éduquer autrement (Françoise Héritier)
Conscience écologique
La prise de conscience de la valeur de la nature et du respect qui doit lui être porté, est un des fils conducteurs
Aujourd’hui, le parcours de Pierre Rabhi est de plus en plus connu dans notre pays. Son interview témoigne à la fois d’un constat des impasses d’une technologie sans conscience et d’une dimension morale et spirituelle. Pierre Rabhi œuvre pour la promotion d’une agroécologie. « L’agroécologie, ce n’est pas un marché, ce n’est pas un business, mais quelque chose qui participe à un véritable changement de société. Un autre rapport à la vie, un autre rapport spirituel, esthétique, éthique au monde » (p 132).
Dans ce recueil, Nicolas Hulot est une autre grande figure de l’écologie. Engagé dans une action à grande échelle, confronté à l’inconscience de certains cercles dirigeants, il sait mettre en valeur les expériences positives et les situations à portée de la main.
Une nouvelle approche économique et sociale
#Un autre fil conducteur est la mise en évidence du changement qui commence à se manifester dans la pensée économique. Ainsi plusieurs auteurs dénoncent l’abus actuel du terme de crise qui sous-tend l’idée qu’on pourrait revenir au modèle antérieur. On ne peut croire qu’ « avec un hypothétique retour de la croissance, tout pourrait redevenir comme avant. La croissance se heurte à des limites physiques. Comme les ressources de la planète connaissent leur finitude, nous devons donc accepter que tout retour au passé, non seulement ne soit pas souhaitable, mais impossible » (p 19). Mais là aussi, on voit apparaître des voies nouvelles qui renouvellent la pratique économique. Anne-Sophie Novel met en évidence l’émergence de l’économie collaborative (2) où le changement des pratiques économiques va de pair avec la transformation des pratiques sociales. Cynthia Fleury évoque la transformation de la vie professionnelle et, face à une évolution où l’emploi se raréfie, elle propose d’offrir « à tout individu, dès sa naissance, une allocation universelle, versée chaque mois et tout au long de la vie, ce revenu étant précisément dissocié du travail et de l’emploi » (p 53). Dominique Méda critique une fixation sur la croissance du PIB et esquisse une conception nouvelle du travail.
Aspirations spirituelles
A partir de leur champ d’intervention, les auteurs présents dans ce recueil s’entendent pour mettre en évidence une transformation des genres de vie. Cette nécessaire transformation, déjà en route, requiert un changement personnel. Abd al Malik nous raconte comment, dans le contexte d’un quartier défavorisé, il a traversé une période de petite délinquance, en est sorti et vit une expérience spirituelle. En exergue de sa contribution qui est aussi un appel à la fraternité, Abd al Malik cite une pensée de Ludwig Wittgenstein : « La meilleure des choses que l’on puisse faire pour améliorer le monde, c’est s’améliorer soi-même » (p 159).
C’est aussi l’appel de Frédéric Lenoir : « Vous connaissez la fameuse phrase de Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez dans le monde ». Il faut le dire, le répéter. Cela ne sert à rien de vouloir changer le monde si on ne change pas soi-même, si on n’a pas des comportements éthiques, des engagements, une justesse de vie dans nos actes quotidiens » (p 91). La transformation en cours appelle et suscite des aspirations spirituelles. Frédéric Lenoir identifie les obstacles, et, en regard, il met en évidence quelques pistes de cheminement spirituel (3). Il nous parle des spiritualités asiatiques qui, « telles qu’elles ont été importées -j’insiste sur ce point- ont été adaptés à nos besoins. Elles nous aident à vivre mieux parce ce qu’elles proposent des outils de lien entre le corps et l’esprit… » (p 96). S’il y a eu des dérives dans la religion dominante en France, « un christianisme qui est devenu une religion sociale », Frédéric Lenoir nous montre comment « le message de l’Evangile a, au contraire, pour but de nous aider à acquérir une liberté intérieure, à aller vers une recherche de la vérité qui libère (« La vérité vous rendra libre », dit Jésus). C’est aussi un message d’amour du prochain qui pose comme priorité la communion des uns avec les autres » (p 95).
Sur un autre registre, un scientifique, biologiste spécialisé en sciences de l’évolution, Pierre-Henri Gouyon s’interroge sur les risques encourus par l’humanité face à un changement technologique extrêmement rapide et incontrôlé. « Les actions que nous décidons dans la précipitation et l’aveuglement sont-elles bonnes pour l’avenir de l’humanité ? » (p 143). Trop souvent, la science génère et couvre aujourd’hui une « course folle de la technologie » (p 148). Et il en donne des exemples, des OGM aux nanotechnologies. Il évoque la menace d’un eugénisme ravageur. Pour faire face à ces menaces, on a besoin de principes. « Nous avons besoin de principes sur la manière de considérer la vie et pas seulement la vie humaine. Globalement, existe-t-il quelque chose de respectable dans tout ce qui est vivant et que signifie respecter le vivant ? (p 157)
Du pessimisme à une espérance active
Il y a donc aujourd’hui à la fois des menaces, des prises de conscience et des pistes pour des transformations positives. Cependant, il semble que le pessimisme des français quant à leur avenir collectif est aujourd’hui encouragé par les attitudes de certains milieux influents dans différents cercles de pouvoir ou dans des médias. Dans un de ses derniers livres : « Une autre vie est possible » (4), Jean-Claude Guillebaud dénonce un pessimisme répandu dans l’intelligentsia parisienne. Frédéric Lenoir abonde dans ce sens. « En France, la plupart des intellectuels entretiennent une sorte de cynisme. Pour eux, par exemple, le bonheur est une chimère et très peu osent encore en parler » (p 85)… Je constate un décalage entre ceux qui vivent à Paris et les autres… Les provinciaux se montrent en général plus optimistes, cherchent des solutions et sont davantage prêts à se mobiliser. Le mal français vient aussi du fait que la majorité des médias et des élites vit justement à Paris dans un milieu stressé et, en général, assez cynique, ce qui offre une caisse de résonance nationale à ce pessimisme » (p 86). Et, par ailleurs, Frédéric Lenoir rejoint un diagnostic qui est exprimé par plusieurs autres auteurs dans ce livre : « Au lieu de tenir le discours d’une remise à plat, trop d’experts ou d’hommes politiques français prétendent revenir au modèle des Trente Glorieuses, à ce qu’on aurait perdu, alors que je suis convaincu -et je ne suis pas le seul- qu’on n’échappera pas à une remise en question très profonde de notre modèle de développement. Bien sûr l’économie est importante, mais, pour aller mieux, il faut avant tout se reposer cette question essentielle : Qu’est ce que bien vivre ? Comment vivre de manière harmonieuse, à la fois individuellement et collectivement, dans un monde globalisé où les ressources sont limitées ? » (p 86)
Ce livre met ainsi en évidence des convergences entre des auteurs aux cheminements divers. Il exprime un nouvel état d’esprit. Il met en valeur des pistes de changement balisées par de nombreuses innovations. C’est bien une perspective à partager sur un blog qui veut se fonder sur une dynamique d’espérance (5).
J H
(1) Le Naire (ed). Nos voies d’espérance. Entretiens avec 10 grands témoins pour retrouver confiance. Actes Sud/ LLL Les liens qui libèrent, 2014. Sur le site d’Actes Sud, voir les interviews des auteurs en vidéo : http://www.actes-sud.fr/nos-voies-desperance
(2) Sur ce blog : « Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975 « Une révolution de l’être ensemble… Présentation du livre d’Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot : « Vive la co-révolution. Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1394
(3) Sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité. Présentation du livre de Frédéric Lenoir : « La guérison du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1048
(4) Sur ce blog « Pour vivre ensemble, il faut être orienté vers l’avenir. Le livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible » : https://vivreetesperer.com/?p=1986
(5) Si certaines formes religieuses sont marquées par les séquelles du passé, nous nous référons ici à la pensée d’un théologien de l’espérance : Jürgen Moltmann. Il écrit : « De son avenir, Dieu vient à la rencontre des hommes et leur ouvre de nouveaux horizons qui débouchent sur l’inconnu et les invite à un commencement nouveau… Le christianisme déborde d’espérance… Il est résolument tourné vers l’avenir ». (p 109, in : Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte, 2012). Voir : https://vivreetesperer.com/?p=572 Voir aussi : « Vivre en harmonie avec la nature. Ecologie, théologie et spiritualité » : https://vivreetesperer.com/?p=757 Ouverture à la pensée de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/
Sur ce blog, voir aussi :
« Un mouvement émergent pour le partage, la collaboration et l’ouverture. OuiShare, comunauté leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866
« Une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable » : https://vivreetesperer.com/?p=1780
« Face à la crise, un avenir pour l’économie. La troisième révolution industrielle » : https://vivreetesperer.com/?p=354
« Une révolution en éducation. L’impact d’internet pour un nouveau paradigme en éducation » : https://vivreetesperer.com/?p=1565
« Emergence en France de « la société des modes de vie. La vision de Jean Viard sur le potentiel français » : https://vivreetesperer.com/?p=799
« Une théologie pour la vie. Jürgen Moltmann en conversation avec un panel de théologiens » : https://vivreetesperer.com/?p=1917
par jean | Nov 30, 2014 | ARTICLES, Emergence écologique, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Jean-Claude-Guillebaud : « Une autre vie est possible »
Pour aller de l’avant, nous avons besoin d’un horizon. Et aujourd’hui, dans cette période difficile, et à travers l’information dominante, nous sommes menacés par la morosité. Pour certains, l’horizon paraît bouché. Nous avons besoin de discernement et d’espérance. Comme correspondant de guerre, pendant plus de trente ans confronté à des catastrophes, puis comme chercheur engagé dans la compréhension de notre époque à partir des sciences humaines, Jean-Claude Guillebaud a toute légitimité pour nous interpeller en proclamant dans un de ses derniers livres : « Une autre vie est possible ». Sur ce blog, nous avons mis en valeur l’apport de cet ouvrage (1). Aujourd’hui, celui-ci est publié en livre de poche (2), et, à cette occasion, l’auteur s’adresse à nous à travers une courte vidéo (3).
Son message s’ouvre sur un témoignage. Dans les catastrophes auxquelles il a assisté, il a vu des gens espérer et lutter. « Pendant des années, j’ai appris l’espérance auprès des gens qui vivaient dans des tragédies ». Et, à ses retours en France, il était d’autant plus affecté par la « sinistrose », un état d’esprit négatif qui prévalait dans certains milieux. Aujourd’hui encore, il constate dans la presse, dans les médias, une amplification des malheurs, une « disposition aux catastrophes ». Et certes, l’information a pour mission de couvrir toute la réalité, mais il ne faudrait pas oublier de donner aussi les bonnes nouvelles. Il est important de développer le sens des proportions.
Jean-Claude Guillebaud nous appelle à l’espérance. « Je suis pour ce que j’appelle un optimisme stratégique ». « Etre optimiste, cela ne veut pas dire que tout va bien. C’est justement lorsque les choses vont mal qu’on doit être capable de se tenir debout et d’être habité par l’espérance ». Et nous avons besoin d’un horizon. « La démocratie, c’est le goôt de l’avenir. On ne peut pas vivre ensemble sans un projet…Pour vivre ensemble, il faut être orienté vers l’avenir ».
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Voilà une pensée qui en rejoint d’autres comme celle de Jürgen Moltmann, le théologien de l’espérance. L’espérance, nous dit Moltmann, suscite notre motivation. Peut-on agir si nous avons l’impression de nous heurter à un mur ? Pour agir, nous avons besoin de croire que notre action peut s’exercer avec profit : « Nous devenons actifs pour autant que nous espérions… Nous espérons pour autant que nous pouvons entrevoir des possibilités futures. Nous entreprenons ce que nous pensons être possible ». Ce regard inspire notre comportement sur différents registres, dans la vie quotidienne, mais aussi dans la vie sociale . « Une éthique de la crainte nous rend conscient des crises. Une éthique de l’espérance perçoit les chances dans les crises ». « L’espérance chrétienne est fondée sur la résurrection du Christ et s’ouvre sur une vie qui est à lumière d’un nouveau monde suscité par Dieu » (4)
J H
(1) Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible. Comment retrouver l’espérance ? L’Iconoclaste, 2012 . Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour le monde et pour la France . Choisir l’espérance, c’est choisir la vie ». https://vivreetesperer.com/?p=937
(2) Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible. Pocket, 2014
(3) Vidéo de Jean-Claude Guillebaud : https://www.youtube.com/watch?v=aHqrGM9jZ1Q
(4) Sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : « Espérer et agir. Agir et espérer » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=900
Sur ce blog, voir aussi :
« Une théologie pour la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1917
« L’avenir inachevé de Dieu » : https://vivreetesperer.com/?p=1884
« Pour une société collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1534
« Une vision de la liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=1343
« Une révolution de l’être ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=1394