par jean | Sep 2, 2024 | ARTICLES, Vision et sens |
Une vision de lâamour divin et de lâunion mystique
Julian de Norwich
Une mystique médiévale en Angleterre
Au cours de lâhistoire chrĂ©tienne, quelques humains ont vĂ©cu dans une telle communion avec le Christ et avec Dieu trinitaire quâils en ont reçu une vision de la vie en Dieu pouvant encourager, fortifier, guĂ©rir. On les appelle des mystiques. Leur enseignement peut exercer une influence bienfaisante. Câest le cas de Julian de Norwich, une mystique anglaise Ă la fin du Moyen Age Ă propos de laquelle Richard Rohr a consacrĂ© une sĂ©quence (11-17 aoĂ»t 2024) (1) des « Daily meditations » publiĂ©es sur le site : Center for action and contemplation. Nous en prĂ©sentons ici un bref aperçu
Une vie qui a manifestĂ© lâamour
Julian de Norwich a vĂ©cu en Angleterre dans le Moyen Ăąge tardif de 1343 Ă 1416. Son histoire de vie nous est dĂ©crite en dĂ©tail sur le site de WikipĂ©dia anglophone (2). Julian, gravement malade et proche de la mort est assistĂ©e par un prĂȘtre qui lui prĂ©sente le crucifix. Câest cette nuit-lĂ , en mai 1373 quâelle entend le Christ lui parler pendant plusieurs heures, ce dont elle tĂ©moignera en rapportant 16 visions dans un texte court quâelle approfondira 20 ans plus tard dans un texte plus long : « Les RĂ©vĂ©lations de lâAmour Divin » qui est parvenu jusquâĂ nous aprĂšs un long dĂ©tour. Julian guĂ©rit et sâinstalle dans un ermitage contigu Ă une Ă©glise de Norwich oĂč elle vit dans la priĂšre et la contemplation, disposĂ©e Ă conseiller celles ou ceux qui le lui demandent. Richard Rohr met en Ă©vidence lâoriginalitĂ© de la vision de Julian de Norwich par rapport Ă son Ă©poque, une originalitĂ© qui demeure aujourdâhui : « Elle nâest pas fondĂ©e sur le pĂ©chĂ©, la honte, la culpabilitĂ©, la peur de Dieu ou celle de lâenfer. A la place, elle est pleine de joie, de libertĂ©, dâintimitĂ© et dâespĂ©rance cosmique ».
Dieu, mĂšre et pĂšre
Richard Rohr loue lâintuition mystique de Julian qui lui a permis dâappeler Dieu mĂšre. Ainsi a-t-elle Ă©crit : « Le beau mot de mĂšre est si doux et si aimable en lui-mĂȘme quâil ne peut ĂȘtre attribuĂ© quâĂ Dieu ». Ce quâelle dit ainsi, reprend Richard Rohr, câest que « le mot mĂȘme de mĂšre est si beau dans lâexpĂ©rience de la plupart des gens (pas de tous, dois-je ajouter) quâil Ă©voque en son meilleur ce que nous entendons par Dieu. Ce nâest pas ce que la plupart des grandes religions du monde ont enseignĂ© et cru jusquâĂ maintenant â exceptĂ© chez les mystiques. Parmi eux, Julian de Norwich occupe une place pivotâŠÂ « Le concept et lâexpĂ©rience humaine de mĂšre sont si premiers, si grands, si profonds, si universels, si vastes que les appliquer seulement Ă notre propre mĂšre est beaucoup trop Ă©troit ».
« A lâĂ©poque, beaucoup de gens nâavaient pas accĂšs aux Ecritures â en fait, beaucoup ne pouvaient pas lire du tout. Ils interprĂ©taient au niveau des archĂ©types et des symboles. Par la suite, cela a paru une Ă©norme aberration aux traditions de la « sola scriptura » (par lâĂ©criture seule). Cependant, combien lâĂąme avait besoin dâune MĂšre Sauveur et dâun Dieu Nutricier dans une pĂ©riode de lâhistoire et du christianisme profondĂ©ment patriarcale, hiĂ©rarchique, jugeante, exclusiviste, impĂ©riale et guerriĂšre ». « CâĂ©tait probablement salutaire » « Dieu est, par essence, comme une bonne mĂšre« , nous dit Richard Rohr. « Si compassionnĂ©e quâil nây a pas lieu de la mettre en concurrence avec un pĂšre Dieu, comme nous le voyons dans les enseignements toujours Ă©quilibrĂ©s de Julian ».
Confiance. « All will be well ». Tout ira bien
James Finley rappelle que Julian a vĂ©cu dans une Ă©poque trĂšs sombre. « Durant sa vie, Julian a Ă©tĂ© vivement consciente de la souffrance du monde » CâĂ©tait la peste bubonique. Il y eu lâassassinat de lâarchevĂȘque de Canterbury. Trois papes se disputaient le pouvoir pontifical. La guerre de cent ans battait son plein en France. Nous aussi, nous vivons Ă une Ă©poque difficile oĂč les menaces abondent.
Alors, nous dit James Finley : « Comment la vision de Julian du mystĂšre de la croix comme communion aimante de Dieu avec nous peut-elle nous aider Ă rester enracinĂ©s et prĂ©sents au milieu de la souffrance et ne pas si facilement ĂȘtre bouleversĂ©s et submergĂ©s par elle dans notre sensibilitĂ© et la rĂ©ponse que nous apportons⊠Au fond du fond, il y a une place plus profonde dans la communion, lâunitĂ© avec la communion, lâunitĂ© soutenante de Dieu avec nous (oneness with Godâs sustaining oneness with us) ».
La poĂ©tesse anglaise, Anne Lewin, met en valeur la tĂ©nacitĂ© de la confiance et de lâespĂ©rance de Julian. « Tout sera bien » est lâune des expressions les plus connues de Julian. » Comment est-ce possible quand on est confrontĂ© Ă des rĂ©alitĂ©s aussi dures ? Mais, Ă©crit Julian, « Dieu ne dit pas : vous ne serez pas assaillis, vous ne serez pas ravagĂ©s, vous ne sera pas inquiĂ©tĂ©s, mais il dit : vous ne serez pas vaincus. Dieu nous demande dâĂȘtre attentifs Ă sa parole et dâĂȘtre forts, dans dans notre certitude, aussi bien dans le bien ĂȘtre que dans le malheur, car il nous aime et prend plaisir en nous et il dĂ©sire que nous lâaimions et prenions plaisir en lui et ayons une grande confiance en lui, et tout sera bien ».
CentrĂ© sur lâamour et pas sur le pĂ©chĂ©
Les rĂ©vĂ©lations de Julian apportent une alternative dâamour Ă la polarisation sur le pĂ©chĂ© qui caractĂ©risait la thĂ©ologie Ă cette Ă©poque. Ainsi, MirabaĂŻ Starr Ă©crit : « Julian de Norwich est connue pour sa thĂ©ologie radicalement optimiste. Nulle part est-ce mieux Ă©clairĂ© que dans sa rĂ©flexion sur le pĂ©chĂ©. Quand Julian a demandĂ© Ă Dieu de lâenseigner au sujet de cette troublante question, il lui ouvrit son Ătre Divin et tout ce quâelle pouvait y voir Ă©tait de lâamour. Toutes les vĂ©ritĂ©s moindres se dissolvaient dans cet ocĂ©an sans limites ». Julian dĂ©clare : « La vĂ©ritĂ© est que je nâai pas vu un quelconque pĂ©chĂ©. Je crois que le pĂ©chĂ© nâa pas de substance, ni une part dâĂȘtre et il ne peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© exceptĂ© Ă travers la souffrance quâil cause. Câest seulement la souffrance qui a une substance pendant un moment et elle sert Ă nous purifier, Ă nous faire connaitre nous-mĂȘme et Ă demander misĂ©ricorde ». MirabaĂŻ Starr commente : « Julian nous informe que la souffrance que nous nous causons Ă travers nos actes dâaviditĂ© ou dâinconscience est la seule punition que nous nous causons⊠Ainsi Julian considĂšre que sâabandonner Ă la culpabilitĂ©, câest un gĂąchis complet de temps. La chose vĂ©ritablement humble Ă faire quand nous avons trĂ©buchĂ©, câest de nous hisser sur nos pieds aussi vite que nous le pouvons et nous prĂ©cipiter dans les bras de Dieu oĂč nous nous rappellerons qui nous sommes rĂ©ellement. Pour Jullian, le pĂ©chĂ© nâa pas de substance parce quâil est lâabsence de tout ce qui est bon et aimable, tout ce qui est de Dieu. Le pĂ©chĂ© nâest rien dâautre que la sĂ©paration de notre source divine. Et la sĂ©paration de Celui qui est Saint nâest quâune illusion. Nous sommes toujours et pour toujours unis en amour avec notre Bien aimĂ©. En consĂ©quence, le pĂ©chĂ© nâest pas rĂ©el. Seul lâamour est rĂ©el.
MirabaĂŻ Starr explique : Julian nâa pas eu besoin dâun diplĂŽme de thĂ©ologie pour arriver Ă cette conclusion. Elle a eu simplement besoin de voyager aux frontiĂšres de la mort oĂč elle a Ă©tĂ© enveloppĂ©e par lâĂ©treinte aimante de Celui qui est Saint (The Holy One), qui lui a assurĂ© quâil lâaimait depuis lâavant mĂȘme de sa crĂ©ation et quâil lâaimerait jusquâĂ la fin du temps. Et câest avec ce grand amour, a-t-il rĂ©vĂ©lĂ©, quâil aime tous les ĂȘtres. Notre seule tĂąche est de nous le rappeler et de nous en rĂ©jouir. A la fin, Ă©crit Julian, tout sera clair : alors aucun dâentre nous ne se sentira poussĂ© dâaucune façon Ă dire : Seigneur, si seulement les choses avaient Ă©tĂ© diffĂ©rentes, tout aurait Ă©tĂ© bien. A la place, nous proclamerons tous dâune seule voix : Bien aimĂ©, puisses-tu ĂȘtre bĂ©ni, parce que câest ainsi : tout est bien (Beloved one, may you be blessed, because it is so : all is well ).
Le fait que Julian « nâait pas vu de colĂšre en Dieu » ne lâa pas tentĂ© de sâengager dans des conduites nuisibles, avec impunitĂ©. Au contraire, la libertĂ© quâelle trouve dans lâamour inconditionnel de Dieu, la pousse davantage Ă ĂȘtre digne de sa misĂ©ricorde et de sa grĂące. Elle suggĂšre que nous aussi nous nous engagions dans la sainte tĂąche dâaimer Dieu de tout notre cĆur, de tout notre esprit et de toute notre force.
Devenir un avec Dieu
Oneing with God
Julian Ă©crit : « La place que JĂ©sus occupe dans notre Ăąme ne disparaitra plus jamais, car, en nous, est sa maison et câest une grande joie pour lui dâhabiter lĂ Â ; et lâĂąme qui ainsi contemple cela est rendu semblable Ă Celui qui est contemplé »
Richard Rohr Ă©voque lĂ la parole de JĂ©sus : « Ce jour-lĂ , vous comprendrez que je suis dans mon PĂšre et que vous ĂȘtes en moi et que je suis en vous » ((Jean 14.20). Et Richard met lâaccent sur lâenseignement de JĂ©sus concernant lâunion avec Dieu et en montre la portĂ©e fondamentale. « Ce jour-lĂ promis dans lâĂvangile de Jean a Ă©tĂ© long Ă venir. Et pourtant, câest le message constant de chaque grande religion dans lâhistoire. Câest la tradition PĂ©renne. Le divin et ainsi lâunion universelle est le cĆur du message et la promesse – le but global et la signification majeure de toute religion. Nous ne pouvons nous Ă©lever Ă lâunion avec Dieu parce que nous lâavons dĂ©jĂ reçue ».
Julian de Norwich utilise lâidĂ©e du devenir un âoneingâ pour dĂ©crire lâunion divine. MirabaĂŻ Starr traduit ainsi un de ses textes : « LâĂąme humaine est une des plus nobles choses que Dieu nâait jamais crĂ©Ă©e. Il dĂ©sire aussi que nous soyons conscients quâil a joint lâĂąme bien aimĂ©e de lâhumanitĂ© avec la sienne quand il nous a crĂ©Ă©. Le lien qui nous connecte Ă Dieu est subtil, puissant et indĂ©finiment saint. Et il dĂ©sire aussi que nous rĂ©alisions que nos Ăąmes sont interconnectĂ©es, unies par son unitĂ© (oneness) et rendues saintes par sa saintetĂ©. Quand je regarde Ă moi-mĂȘme comme individu, je vois que je ne suis rien. Câest seulement dans lâunitĂ© avec mes compagnons dans la recherche spirituelle (fellow spiritual seekers) que je suis quelque chose. Câest ce fondement de lâunitĂ©, ce devenir un âoneingâ qui sauvera lâhumanité⊠Lâamour de Dieu crĂ©e une telle unitĂ© en nous quâaucun homme ou aucune femme comprenant cela, puisse possiblement se sĂ©parer lui-mĂȘme ou elle-mĂȘme de nâimporte qui dâautre ».
Comment Richard Rohr explique-t-il cela ? « Ce nâest pas quelque bond logique du XXIe siĂšcle. Ce nâest pas du panthĂ©isme ou un simple optimisme Nouvel Ăąge. Câest le point fondamental. Lâunion radicale est lâexpĂ©rience rĂ©currente des saints et des mystiques de toutes les traditions. Nous nâavons pas Ă le dĂ©couvrir et Ă le prouver ; nous avons seulement Ă recouvrer ce qui a Ă©tĂ© redĂ©couvert – et a rĂ©joui, encore et encore ceux qui dĂ©sirent Dieu et lâamour. Quand nous lâavons redĂ©couvert, nous devenons comme Jacob, quand il sâest rĂ©veillĂ© de son sommeil et a crié « tu Ă©tais lĂ tout le temps et je ne le savais pas » (GenĂšse 28.16).
Richard Rohr rappelle lâinspiration de Jean : « Comme Jean lâexplique dans sa premiĂšre Lettre : « Je ne vous Ă©cris pas parce que vous ne savez pas la vĂ©ritĂ©. Je vous Ă©cris Ă vous parce que vous la savez dĂ©jà  ». (1 Jean 2.2). Comme Jean, je puis seulement vous convaincre de rĂ©alitĂ©s spirituelles parce que votre Ăąme sait dĂ©jĂ ce qui est vrai, et câest pourquoi je crois et jâai confiance dans les visions de Julian. Pour les mystiques ; il y a un seul Connaisseur, et nous participons seulement Ă cet Esprit unique ».
Une présence
Pourquoi Julian utilise-t-elle le terme de âoneingâ, devenir un. MirabaĂŻ Starr rĂ©pond en ce sens : au lieu de parler de se fondre en Dieu ou dâunion avec Dieu, Julian a forgĂ© le terme âoneingâ. Oneing est une rĂ©flection de ce qui est dĂ©jĂ . Nous sommes dĂ©jĂ un avec Dieu : nous avons toujours Ă©tĂ© un avec Dieu et nous le serons toujours. La vie nâest rien si elle nâest pas rĂ©veillĂ©e Ă cette rĂ©alitĂ© de notre unitĂ©, nous unifiant avec Dieu. Ce devenant un est naturellement enracinĂ© dans lâamour. Ce nâest pas seulement devenir un âoneingâ, devenant un pour le bien du devenant un. Câest devenant un pour lâamour.
James Finley rĂ©flĂ©chit aussi sur le devenant un : pour moi, un mot fait Ă©cho avec âoneingâ, devenant un. Ce mot est prĂ©sence. Dans son infinie prĂ©sence, Dieu se prĂ©sente lui-mĂȘme, se prĂ©sente elle-mĂȘme et se donne entiĂšrement et complĂštement. LâunitĂ© (oneness) est toute la rĂ©alitĂ© de ce qui est. Il nây a rien dâautre que Celui qui est âonenessâ. Le pĂ©chĂ© originel ou la brisure tombent en dehors ou sont Ă©vacuĂ©s de lâinfiniment un qui est seul rĂ©el.
Le thĂ©ologien contemplatif, Howard Thurman, dĂ©crit comment JĂ©sus et nous, pouvons faire lâexpĂ©rience de la prĂ©sence de Dieu. Ce doit ĂȘtre un sens mur de la PrĂ©sence. Ce sens de la PrĂ©sence doit ĂȘtre une rĂ©alitĂ© au niveau personnel aussi bien quâau niveau de la sociĂ©tĂ©, de la nature, du cosmos. Pour lâexprimer dans le langage le plus simple de la religion, les humains modernes doivent savoir quâils sont enfants de Dieu et que le Dieu de la vie et le Dieu du cĆur sont un et semblables. Une telle assurance vitalisera le sens du soi et Ă©clairera le sens de lâhistoire avec la chaleur dâune grande confiance. Alors nous regarderons la vie avec des yeux tranquilles et accomplirons nos tĂąches avec la conviction et le dĂ©tachement de lâĂternitĂ©
Quand JĂ©sus priait, il Ă©tait conscient que dans sa priĂšre, il rencontrait la PrĂ©sence, et cette conscience Ă©tait bien plus importante et significative que la rĂ©ponse Ă sa priĂšre. Câest en premier pour cette raison que Dieu a Ă©tĂ© pour JĂ©sus la rĂ©ponse Ă tous les enjeux et tous les problĂšmes. Lorsque, avec tout mon esprit et tout mon cĆur, je cherche vraiment Dieu et mâadonne Ă la priĂšre, moi aussi, je rencontre la prĂ©sence de Dieu et je sais alors que JĂ©sus avait raison.
Les Ă©crits rapportant lâexpĂ©rience de Julian de Norwich ne sont venus au grand jour que bien plus tard aprĂšs leur Ă©criture. Ils exercent aujourdâhui une grande influence. Julian de Norwich est reconnue par lâĂglise anglicane et par lâĂglise catholique.
Lâattention qui lui est portĂ©e sur le site : « Center for action and contemplation » ne surprend pas puisque câest bien dans la contemplation que sâinscrivent les « rĂ©vĂ©lations » de Julian de Norwich. Dans son livre : « The divine dance » (3), Richard Rohr nous propose une vision qui fait Ă©cho Ă celle de Julian : communion trinitaire, communion dâamour, la prĂ©sence de Dieu est dĂ©jĂ lĂ et sâoffre Ă notre reconnaissance : « La grĂące de Dieu est dĂ©jĂ lĂ . Vous ne pouvez pas crĂ©er votre union Ă Dieu. Elle vous est dĂ©jĂ donnĂ©e. La diffĂ©rence nâest pas entre ceux qui sont unis Ă Dieu et ceux qui ne le sont pas. Nous sommes tous unis Ă Dieu, mais seulement certains dâentre nous le savent » (3).
Par ailleurs, nous pouvons nous reporter Ă lâenseignement de JĂŒrgen Moltmann qui nous apprend Ă reconnaitre la prĂ©sence de Dieu Ă travers lâexpĂ©rience (4).
Certes, lâexpĂ©rience nâest pas, Ă elle seule, source de vĂ©ritĂ©. Elle requiert une interprĂ©tation qui elle-mĂȘme puise dans dâautres ressources. En thĂ©ologie chrĂ©tienne, nous nous rĂ©fĂ©rons Ă la Parole biblique. A cet Ă©gard, certaines affirmations de Julian, par exemple sur le pĂ©chĂ©, sont dĂ©concertantes. Mais de nouveaux angles de vue ne nous appellent-ils pas Ă aller plus loin dans la rĂ©flexion. Lâauteur dâun livre sur de grandes mystiques fĂ©minines (5), Shannon K Evans, nous invite, Ă la fin de cette sĂ©quence, Ă ne pas nous limiter aux prĂ©cĂ©dents et Ă aller de lâavant : « Dieu est bien plus grand que ce que notre cerveau limitĂ© peut comprendre. Ce Dieu que nous connaissons et aimons⊠est suffisamment grand pour tout contenir. La question est de savoir si nous pouvons mettre de cĂŽtĂ© nos peurs et nos prĂ©jugĂ©s et accepter cela ». Si nous en revenons Ă lâexpĂ©rience quotidienne, ne nous arrive-il pas dâĂȘtre Ă©mu spirituellement par un tĂ©moignage, une prĂ©dication ou une lecture ? Le Saint Esprit est Ă lâĆuvre. Tel message fait Ă©cho en nous. Nâen est-il pas de mĂȘme en dĂ©couvrant lâenseignement de Julian de Norwich ?
J H
- Julian of Norwich. Weekly summary. Il existe une traduction française automatique sur le site. Dans ce compte rendu, quoique dĂ©pourvu de la compĂ©tence dâun traducteur professionnel, nous avons prĂ©fĂ©rĂ© traduire le texte pas-Ă -pas en affrontant les difficultĂ©s du rendu de certaines expressions https://cac.org/daily-meditations/julian-of-norwich-weekly-summary/
- Julian of Norwich Wikipedia: https://en.wikipedia.org/wiki/Julian_of_Norwich
- Reconnaitre et vivre la prĂ©sence dâun Dieu relationnel : The divine dance : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/
- Reconnaitre la prĂ©sence de Dieu Ă travers lâexpĂ©rience : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-la-presence-de-dieu-a-travers-lexperience/
- Shannon K. Evans : The Mystics Would Like a Word: Six Women Who Met God and Found a Spirituality for Today. Penguin random house. 2024
par jean | Jan 8, 2025 | ARTICLES, Vision et sens |
Lâapport de femmes mystiques Ă la spiritualitĂ© contemporaine
Selon Shannon K Evans
Aujourdâhui, aux Etats-Unis, une partie du christianisme vit sous lâemprise dâune hiĂ©rarchie conservatrice qui maintient un esprit de domination qui sâexerce, entre autres, vis-Ă -vis des femmes. Soumises Ă cette pression, beaucoup de femmes sâinterrogent dans leur for intĂ©rieur sur la voie Ă suivre, et sâengagent, en consĂ©quence dans une quĂȘte spirituelle. Ainsi un livre vient de paraitre rĂ©cemment : âThe mystics would like a word. Six women who met God and found a spirituality for todayâ (Les mystiques voudraient prendre la parole. Six femmes qui ont rencontrĂ© Dieu et ont trouvĂ© une spiritualitĂ© pour aujourdâhui) (1).
Le cheminement de lâauteure : dâune emprise conservatrice Ă une quĂȘte spirituelle libĂ©ratrice
Lâauteure, Shannon K Evans nous fait part des raisons qui lâont poussĂ©e Ă Ă©crire ce livre. De fait, dans sa quĂȘte, Shannon K Evans sâest convertie au catholicisme. Cette jeune femme moderne qui se reconnait dans des aspirations fĂ©ministes, se ressent de plus en plus mal Ă lâaise dans le milieu catholique dans lequel elle sâest inscrite. « Trop souvent, certains problĂšmes paraissent malvenus dans nos milieux religieux. Par exemple, quand je dis que je suis chrĂ©tienne et fĂ©ministe, je trouve que le cĂŽtĂ© chrĂ©tien fait peur aux fĂ©ministes et que le cĂŽtĂ© fĂ©ministe fait peur aus chrĂ©tiens » (p 4).
Shannon raconte comment elle faisait partie dâun ministĂšre catholique oĂč ses Ă©crits Ă©taient apprĂ©ciĂ©s au dĂ©part. Cependant, commençant Ă ressentir dans ce milieu, une tonalitĂ© conservatrice qui nâĂ©tait pas la sienne, elle commença Ă sâautocensurer : « Je ne me sentais plus la permission de me faire confiance, de faire confiance Ă ma conscience et Ă la maniĂšre dont je comprenais lâEsprit au dedans de moi ». Shannon est parvenue Ă se dĂ©tacher : « Jâai trouvĂ© le courage de retourner Ă ma propre voie ». Elle nous raconte lâĂ©preuve quâelle a vĂ©cu. « Dans mes Ă©crits, jâĂ©mettais de petites critiques vis-Ă -vis du patriarcat et je plaidais pour un leadership sĂ©rieux incluant lâordination des femmes. Je critiquais le mĂ©lange entre lâĂ©glise et lâĂ©tat assurant des avantages aux politiciens. Je parlais ouvertement de mon amour pour le yoga et lâennĂ©agramme. MĂȘme si jâexprimais ces opinions uniquement sur mon blog personnel et des mĂ©dias sociaux, mon statut Ă lâintĂ©rieur du ministĂšre commença Ă sââĂ©crouler. Des plaintes furent portĂ©es contre moi par des lecteurs de longue date. Un prĂȘtre et un Ă©vĂȘque travaillĂšrent pour me faire taire, ce qui mâouvrit les yeux sur le mal du clĂ©ricalisme. Quand la direction du ministĂšre me demanda de cacher entiĂšrement mes convictions personnelles si je dĂ©sirais rester dans le personnel, je dĂ©missionnais de la maniĂšre dont jâespĂ©rais quâelle soit la plus amiable. Je ressentis un choc quand la grande majoritĂ© des femmes que je considĂ©rais comme des amies, ne me parlĂšrent plus. Jâeus le sentiment dâavoir Ă©tĂ© utilisĂ©e puis abandonnĂ©e » (p 5).
Shannon a poursuivi sa quĂȘte spirituelle. Convertie depuis dix ans au catholicisme, elle nous raconte que les saintes y Ă©taient toujours prĂ©sentĂ©es comme âdocilesâ. Alors la lecture du livre de Mirabai Starr, âWild mercy . Living the fierce and tender wisdom of women mysticsâ (MisĂ©ricorde sauvage : vivre la sagesse intense et tendre des femmes mystiques), fut un Ă©vĂšnement pour Shannon. Le livre prĂ©sentait des femmes mystiques de diffĂ©rentes traditions religieuses et de diffĂ©rentes spiritualitĂ©s. Cependant, un peu Ă sa surprise, les mystiques chrĂ©tiennes quâelle y remarqua devinrent ses favorites. « Ces femmes Ă©taient vraies, fascinantes, croyables ». Du coup, elle prit conscience des Ă©cueils de la prĂ©sentation traditionnelle des saintes, conditionnĂ©e par le regard masculin. Alors, dans une relation dâamour spirituel avec ces femmes, elle se dĂ©cida Ă Ă©crire un livre Ă leur sujet. Ainsi, elle choisit : ThĂ©rĂšse dâAvila, puis Julian de Norwich, Hildegarde de Bingen, Margerie Kemp, Catherine de Sienne et enfin, aprĂšs quelques hĂ©sitations, ThĂ©rĂšse de Lisieux.
On remarque quâelles Ă©taient en majoritĂ© des sĆurs religieuses, les couvents Ă lâĂ©poque les libĂ©rant dâun certain nombre de contraintes familiales. Shannon prĂ©cise le sens quâelle attribue au terme de mystique. « Une mystique est juste quelquâun qui a fait lâexpĂ©rience de lâĂ©ternel et a choisi dâen connaitre plus. Le mysticisme nâest pas rĂ©servĂ© Ă quelques privilĂ©giĂ©s, mais chacun de nous y est invitĂ©. Il y a seulement une gĂ©nĂ©ration, le thĂ©ologien jĂ©suite Karl Rahner a dit : âLe chrĂ©tien du futur sera un mystique ou nâexistera pasâ ». Dans ce livre, Shannon a dĂ©couvert la sagesse de ces femmes mystiques comme un trĂ©sor : « Leurs visions demeurant pertinentes pour aujourdâhui ». « Je suis moi-mĂȘme Ă©bahie de voir combien leurs rĂȘves allaient vers le progrĂšs et combien elles semblent actuelles dans ce moment particulier de lâhistoire » (introduction).
ThĂ©rĂšse dâAvila
« Avoir confiance en soi ne fait pas de vous une hérétique »
Ce chapitre sur ThĂ©rĂšse dâAvila commence par un rappel des expĂ©riences dĂ©sagrĂ©ables de pression que Shannon K Evans a vĂ©cu, une invitation de son environnement Ă la soumission. Câest aussi ce que beaucoup dâautres femmes Ă©prouvent, nous dit-elle. « En vue de maintenir notre sens dâappartenance, nous nous disciplinons pour rester Ă lâintĂ©rieur des frontiĂšres de ce que nous sommes autorisĂ©es Ă penser, croire ou pratiquer plutĂŽt que dâexprimer ce que nous pensons, croyons ou dĂ©sirons pratiquer vraiment » (p 6). Mais Shannon prĂ©cise « Cela ne signifie pas que nous voulions nous dĂ©barrasser de notre boussole intĂ©rieure. Si nous cherchons sincĂšrement Ă vivre en union avec lâEsprit, alors avoir confiance en nous-mĂȘme comme portail de la vie divine peut ĂȘtre une voie pour nous mouvoir de lâenfance spirituelle Ă la maturitĂ© spirituelle. JĂ©sus lui-mĂȘme a dit que âle Royaume des Cieux nâest pas Ă votre gauche ou Ă votre droite, mais Ă lâintĂ©rieur de vousâ (Luc 17.21) » (p 6). Cela peut paraitre effrayant ; « Il peut paraitre plus sĂ»r de chercher le Royaume des Cieux Ă lâextĂ©rieur de nous-mĂȘmes, en regardant Ă des figures dâautoritĂ©, Ă la culture religieuse ou au filet de sĂ©curitĂ© de lâorthodoxie. On ressent un certain sens de sĂ©curitĂ© en croyant que quelquâun dâautre sait mieux que nous ». En rappelant la parole de JĂ©sus sur le Royaume des Cieux Ă lâintĂ©rieur de nous, Shannon Ă©voque « une petite voix pour nous guider, une maniĂšre dâapprendre Ă Ă©couter profondĂ©ment ce que nous croyons dĂ©jĂ . Câest mettre lâaccent sur une capacitĂ© dâavoir confiance en nous-mĂȘme.
Shannon nous raconte la vie de ThĂ©rĂšse dâAvila. Elle est nĂ©e en 1515. Sa lignĂ©e Ă©tait juive, mais lâantisĂ©mitisme et la puissance impĂ©riale ont contraint son grand-pĂšre paternel Ă se convertir au catholicisme dans lâespoir dâun avenir meilleur pour ses enfants. Mais lâinquisition veillait. La famille fut suspectĂ©e et exposĂ©e Ă une vindicte populaire. Le pĂšre de ThĂ©rĂšse vĂ©cut enfant cette humiliation et jura de ne pas y retomber en adoptant un catholicisme rigide. Pourtant, dans la derniĂšre moitiĂ© de sa vie, sa fille ThĂ©rĂšse fut elle aussi suspectĂ©e par lâinquisition. Lâauteure nous raconte lâenfance et lâadolescence de ThĂ©rĂšse, une petite, puis jeune fille trĂšs douĂ©e : « charmante, imaginative, intense et charismatique ». « Elle Ă©tait un leader naturel ». Avec son frĂšre, elle sâest lancĂ©e dans des aventures pieuses. A lâadolescence, une certaine dissipation apparait. Ayant eu Ă©cho dâune relation amoureuse de sa fille, son pĂšre veuf et scrupuleux lâenvoie vivre un moment dans un couvent. A la surprise de tous et Ă la sienne, elle sây plait. « AprĂšs un temps de discernement, elle entre au monastĂšre carmĂ©lite Ă 19 ans et prononça ses vĆux, deux ans plus tard, prenant le nom de « ThĂ©rĂšse de JĂ©sus » (p 9).
Durant sa vie consacrĂ©, ThĂ©rĂšse a Ă©normĂ©ment Ă©crit. « CâĂ©tait une femme qui avait quelque chose Ă dire et la confiance pour le dire. Chacune de ses quatre principales Ćuvres est considĂ©rĂ©e comme un apport inestimable pour lâĂ©volution de la tradition mystique, mais câest « Le ChĂąteau intĂ©rieur » quâelle Ă©crivit vers la fin de sa vie, qui est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme son chef dâĆuvre spirituel. Elle y dĂ©crit lâĂąme comme un chĂąteau avec sept demeures ou maisons, dans une spirale interne. La premiĂšre maison est le pas initial et sincĂšre dans notre marche vers Dieu. La septiĂšme est celle oĂč la personne vit lâexpĂ©rience dâune pleine fĂ©licitĂ© dans lâunion avec le divin. Et les cinq demeures entre ces deux Ă©tats reprĂ©sentent des Ă©tapes progressives de maturitĂ© spirituelle et de conscience Ă©veillĂ©e au long du voyage. Comme nous voyageons vers la maturitĂ© spirituelle, explique-t-elle, nous passons nĂ©cessairement par chaque demeure du chĂąteau intĂ©rieur, avançant de plus en plus profondĂ©ment en nous-mĂȘme â et, en mĂȘme temps – entrant en Dieu de plus en plus profondĂ©ment ».
« Il ne peut ĂȘtre exagĂ©rĂ© de souligner le caractĂšre radical de cette idĂ©e venant dâune femme catholique espagnole au temps de lâinquisition ». A cette Ă©poque, la spiritualitĂ© de la plupart des gens consistait en une dĂ©fĂ©rence vis-Ă -vis de lâautoritĂ© et une peur de la vie aprĂšs la mort. « Les autoritĂ©s ecclĂ©siastiques prirent note de la radicalitĂ© des idĂ©es de ThĂ©rĂšse â et ils essayĂšrent de lâempĂȘcher de parler ». Elle ne sâexcusa pas et elle rĂ©sista solidement aus hommes qui, dans leur pouvoir patriarcal, espĂ©raient lâintimider en lâamenant Ă se soumettre.
ActualitĂ© de la spiritualitĂ© de ThĂ©rĂšse dâAvila
« ThĂ©rĂšse enseignait que lâunitĂ© avec Dieu ne se trouve pas en travaillant Ă monter Ă une Ă©chelle pour aller au ciel, mais plutĂŽt en plongeant dans nos mines profondes Ă lâintĂ©rieur de nous-mĂȘme. Non pas une ascension, dirait-elle, mais une descente. La distinction est importante. Beaucoup dâentre nous passent des annĂ©es Ă recevoir le message religieux qui nous dit que nous devons nous transcender nous-mĂȘmes pour ĂȘtre unie Ă Dieu, ce qui peut signifier : changer nos personnalitĂ©s, ne pas penser Ă nous-mĂȘmes, supprimer nos sexualitĂ©s, nous obsĂ©der sur le pĂ©chĂ©, et toutes sortes dâautres choses⊠ThĂ©rĂšse nous dit que nous nâavons pas Ă monter au-dessus de nous-mĂȘmes, pour rencontrer Dieu, mais plutĂŽt, avec curiositĂ© et vulnĂ©rabilitĂ©, nous devons plonger en nous-mĂȘme⊠âQuâest-ce qui serait pire que nâĂȘtre pas chez soi (at home) dans notre propre maisonâ dit-elle ». « Quel espoir avons-nous de trouver le repos en dehors de nous-mĂȘme si nous ne pouvons pas ĂȘtre Ă lâaise Ă lâintĂ©rieur ? »
Cette vision doit ĂȘtre envisagĂ©e dans sa profondeur. Shannon K Evans raconte comment elle sâest fourvoyĂ©e, un moment, en cherchant dans quelle demeure elle pouvait se trouver. Elle a pu mieux se situer grĂące Ă un Ă©crivain versĂ© en spiritualitĂ©, James Finley. Elle y a trouvĂ© une mise en garde vis-Ă vis dâun dĂ©sir de tout mesurer. « Nous essayons toujours dâĂ©valuer si nous sommes en tĂȘte, derriĂšre ou dans la moyenne. Nous cherchons dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă trouver une mesure pour savoir si nous sommes sur le bon chemin, si Dieu est satisfait de nous ou si nous devrions nous sentir fier ou honteux » (p 12). « Il y a une diffĂ©rence entre approcher la spiritualitĂ© sur le fondement de la production ou sur celui de la relation. A lâOuest, nos structures religieuses reflĂštent presque toujours notre culture colonisatrice, oĂč les victoires sont cĂ©lĂ©brĂ©es, oĂč la compĂ©tition est une donnĂ©e, et ou le progrĂšs est linĂ©aire. Pourrions-nous Ă©largir nos imaginations spirituelles ? Avec un fondement de relation â avec nous-mĂȘme, avec les autres et avec Dieu – notre foi peut grandir dans un espace de connexion plutĂŽt que dans un espace de performance et de conquĂȘte. Dans cette approche fĂ©minine plus traditionnelle, la santĂ© et la plĂ©nitude des gens lâemportent sur le lĂ©galisme et sur les absolus immuables. La vie de JĂ©sus est lâincarnation de ce quâest un fondement spirituel relationnel. âLe sabbat a Ă©tĂ© fait pour les hommes et non les hommes pour le sabbatâ, dit-il. Si notre formation spirituelle est enracinĂ©e dans la nourriture de la relation, alors notre croissance prend forme et est mesurĂ©e diffĂ©remment » (p 12).
Selon ThĂ©rĂšse dâAvila, « la vie spirituelle n’est pas une ligne droite, mais une ondulation oĂč nos pas semblent nous conduire loin de nos objectifs. Nous faire confiance. Faire confiance Ă lâEsprit qui nous conduit⊠On ne risque pas de perdre notre chemin, car câest la Voie qui nous conduit » (p 13-14).
« Il est trĂšs important, mes amis, de ne pas penser Ă lâĂąme comme sombre. Nous sommes conditionnĂ©s pour ne voir que la lumiĂšre externe. Nous oublions quâil y a la rĂ©alitĂ© de la lumiĂšre intĂ©rieure illuminant notre Ăąme ». « Si ces paroles de ThĂ©rĂšse dâAvila Ă©taient rĂ©volutionnaires au Moyen Ăąge, dâune certaine maniĂšre, elles le paraissent encore aujourdâhui bien quâun peu moins ». « Notre culture religieuse sĂ©lectionne des versets sur âmourir Ă soi-mĂȘmeâ. Certains cercles critiquent des livres spirituels modernes en les assimilant Ă des livres dâauto-assistance (self-help) comme si la spiritualitĂ© et le fait de sâaider soi-mĂȘme ne pouvaient pas aller de pair. »
Shannon K Evans rappelle ici que ThĂ©rĂšse dâAvila dĂ©fendait la thĂšse que le soi (self) est digne de connaissance ; ses Ă©crits se fondent sur lâassomption que votre soi, votre monde intĂ©rieur, chaque chose qui est communiquĂ©e en vous et Ă travers vous, est sainte et digne de dĂ©couverte ; « Quelle honte quâĂ travers notre inconscience, nous ne nous connaissions pas nous-mĂȘmes », Ă©crit-elle. « ThĂ©rĂšse dâAvila, une des maitresses de priĂšre de lâhistoire, est convaincue que nous ne pouvons pas connaitre Dieu en dehors de nous connaitre nous-mĂȘme, que nous nous dirigeons vers lâunion divine seulement quand nous cherchons Ă comprendre les secrets sacrĂ©s Ă lâintĂ©rieur de nous et les mystĂšres sacrĂ©s quâils contiennent. Sachant combien elle est un âgourouâ mystique internationalement reconnu – ce que nous ne sommes pas ! – peut-ĂȘtre devrions-nous considĂ©rer sĂ©rieusement ce quâelle dit » (p 15).
Shannon Ă©voque sa maternitĂ©. Elle a donnĂ© naissance Ă quatre enfants. Elle nous raconte comment une de ses amies presse de baptiser le plus tĂŽt possible les nouveau-nĂ©s. « Lâurgence vient de lâaccent sur le pĂ©chĂ© originel : la croyance que lâĂąme humaine est nĂ©e intrinsĂšquement pĂ©cheresse et quâelle doit ĂȘtre rachetĂ©e par le baptĂȘme aussi vite que possible » (p 15). Au contraire, lâexpĂ©rience de la maternitĂ© a dĂ©veloppĂ© chez Shannon une autre croyance : « la conviction que lâĂąme humaine est premiĂšrement marquĂ©e par ce que certains appellent âla bĂ©nĂ©diction originelleâ (original blessing ) – ou selon Hildegarde de Bingen la âsagesse originaleâ (original wisdom) â plutĂŽt que par le pĂ©chĂ© originel » (p 16). Shannon nâignore pas la rĂ©alitĂ© du pĂ©chĂ©, mais elle en refuse lâobsession. « En fait, le pĂ©chĂ© originel est un concept quâon ne trouve pas du tout dans les Ă©critures juives â dans ces Ă©critures quâon dit ĂȘtre le fondement de la foi chrĂ©tienne et que JĂ©sus a Ă©tudiĂ©es et citĂ©es. LâidĂ©e du pĂ©chĂ© originel a Ă©tĂ© mise en Ćuvre pour la premiĂšre fois par saint Augustin au Ve siĂšcle » (p 16). On ne peut nĂ©gliger la rĂ©flexion thĂ©ologique. « Ce que nous croyons importe. La maniĂšre dont nous voyons notre Ă©tat premier dĂ©termine ce que nous ressentons au sujet de nous-mĂȘme, notre capacitĂ© Ă accepter lâamour de Dieu pour nous et la permission de faire confiance Ă lâEsprit » (p 16). Câest lĂ que la pensĂ©e de ThĂ©rĂšse dâAvila parait libĂ©ratoire. « ThĂ©rĂšse dâAvila mettait lâaccent sur la âlumiĂšre intĂ©rieureâ (inner light) qui illumine notre Ăąme. Shannon Ă©voque la jeune femme du Cantique des Cantiques qui sâĂ©crie : âJe suis sombre, mais belleâ (dark, but lovely). Et elle lâinterprĂšte ainsi : « Nous nâavons pas Ă prĂ©tendre que notre pĂ©chĂ© et notre faiblesse nâexistent pas pour embrasser la lumiĂšre et la beautĂ© de nos Ăąmes. Nous rĂ©soudre Ă faire confiance Ă nos Ăąmes ne signifie pas que nous croyons ĂȘtre parfaites. Câest simplement nous donner la dignitĂ© dâavoir confiance que quand nous provoquons du gĂąchis, quand nos âmanquons le butâ (ce que le mot pĂ©chĂ© signifie littĂ©ralement), nous serons capables de rĂ©Ă©quilibrer. La boussole Ă lâintĂ©rieur de nous est puissante et vraie, tenue solidement par lâUnique qui tient toutes choses ensemble. Nous pouvons ĂȘtre sombres, mais belles. Nous pouvons faire confiance Ă notre lumiĂšre intĂ©rieure pour nous guider parce que la rĂ©alitĂ© de ce que nous sommes est faite de bien plus que ce que nous pouvons voir ; la rĂ©alitĂ© de ce que nous sommes est que nous existons dans lâunion Divine » (p 17).
« ThĂ©rĂšse dâAvila nous encourage Ă gouter lâimmensitĂ© de lâĂąme, Ă la cĂ©lĂ©brer comme un Ă©clat de Dieu, une part de lâĂ©tendue insondable de lâamour qui est le grand JE SUIS. VoilĂ en qui on peut faire confiance. Vous ĂȘtes dignes de confiance » (p 17).
Ce chapitre sur ThĂ©rĂšse dâAvila nous permet dâapprĂ©cier lâapport de Shannon k Evans dans son livre sur quelques femmes mystiques chrĂ©tiennes. De leur histoire, vient un souffle, le souffle de lâEsprit. Si ces femmes ont vĂ©cu des Ă©preuves et rencontrĂ© des obstacles, la vie divine les a accompagnĂ©es et elles nous communiquent confiance et sagesse. Shannon nous montre combien leurs Ă©clairages sont toujours actuels pour nous dĂ©livrer de nos enlisements Ă la maniĂšre dont elles-mĂȘmes avaient rĂ©pondu aux errements de leur Ă©poque Ă travers leur vĂ©cu de la vie divine. Et, comme le pouvoir patriarcal a Ă©tĂ© et est source de grandes dĂ©viations, leur expĂ©rience fĂ©minine de lâEsprit vient nous apporter un Ă©clairage salutaire. Shannon K Evans nous montre concrĂštement en quoi cet Ă©clairage est prĂ©cieux pour tous les humains que nous sommes, mais aussi tout particuliĂšrement pour les femmes, et donc pour les femmes qui conjuguent leur foi chrĂ©tienne et leur conscience fĂ©ministe. Si Shannon K Evans nous parle Ă partir des Etats-Unis, il va de soi que son message est bienvenu dans toute la christianitĂ©. Elle nous propose une « spiritualitĂ© pour aujourdâhui ».
J H
- Shannon K. Evans. The mystics would like a word. Six women who met God and found a spirituality for today. Convergent, 2024
Voir aussi :
Julian of Norwich : une vision de lâamour divin et de lâunion mystique :
https://vivreetesperer.com/une-vision-de-lamour-divin-et-de-lunion-mystique/
Hildegarde de Bingen : Lâhomme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
par jean | Sep 9, 2023 | Emergence Ă©cologique |

Selon Jeremy Lent
En 2020, lâeffroi suscitĂ© par lâĂ©pidĂ©mie de Covid sâest alliĂ© aux apprĂ©hensions engendrĂ©es par dâautres menaces comme le dĂ©rĂšglement climatique. Aujourdâhui, une guerre vient sâajouter au malheur du temps. Cependant, cette tourmente interpelle. Elle invite les chercheurs et les militants Ă imaginer et Ă promouvoir un monde nouveau.
Câest ainsi quâen 2021, un recueil dâessais est paru aux Ătats-Unis sous le titre : « The new possible » (« Le nouveau possible ») (1). Le sous-titre en prĂ©cise le contenu : « Visions de notre monde au-delĂ de la crise ».
Cet ouvrage a Ă©tĂ© conçu dans le contexte amĂ©ricain, mais il est intĂ©ressant de constater quâil ne se borne pas Ă mettre en cause de graves dysfonctionnements aux Ătats-Unis, mais envisage les problĂšmes de beaucoup dâautres pays. Bien plus, le champ du livre sâĂ©tend au monde entier. Ainsi, plusieurs personnalitĂ©s des peuples premiers sont appelĂ©es Ă sâexprimer. Ici convergent une rĂ©flexion sociologique et Ă©conomique, des gestes militants et le recours Ă diffĂ©rentes traditions de sagesse. Le livre sâordonne en plusieurs parties : la terre ; Nous ; le changement ; la richesse ; le travail ; la nourriture ; lâĂ©ducation ; lâamour ; la communautĂ©, et il rassemble les contributions dâune trentaine dâauteurs.
Nous avons choisi de rapporter un des chapitres de ce livre : « Envisager une civilisation Ă©cologique » (« Envisioning an ecological civilization ». Lâauteur, Jeremy Lent, a Ă©crit plusieurs ouvrages de synthĂšse sur lâĂ©volution de la culture humaine et la recherche de sens : « The patterning instinct. A cultural history of humanity. Search of meaning » et « The web of meaning. Integrating science and traditional wisdom to find our place in the universe ». Comment lâhumanitĂ© a-t-elle Ă©voluĂ© dans sa recherche de sens ? Quelle vision Ă©merge aujourdâhui ?
Quitter le néolibéralisme
JĂ©rĂ©mie Lent dresse un bilan des dĂ©gĂąts et des injustices engendrĂ©s par le nĂ©olibĂ©ralisme. Ainsi, aux Ătats-Unis, les communautĂ©s pauvres ont Ă©tĂ© davantage atteintes mortellement par la pandĂ©mie que les communautĂ©s aisĂ©es. Il y a bien une origine au mal actuel. Depuis les annĂ©es 1980, le nĂ©olibĂ©ralisme propage une conception dangereuse de lâhomme selon laquelle « les hommes sont essentiellement individualistes, Ă©goĂŻstes, matĂ©rialistes et calculateurs. En consĂ©quence, le capitalisme de marchĂ© serait le meilleur cadre pour les entreprises humaines » (p 4). « Le nĂ©olibĂ©ralisme est logiquement le rĂ©sultat dâune conception de monde fondĂ©e sur la sĂ©paration : les gens sont sĂ©parĂ©s les uns des autres, les humains sont sĂ©parĂ©s de la nature, et la nature elle-mĂȘme nâest plus quâune ressource Ă©conomique » (p 4).
Menace dâeffondrement
Dans la recherche dâun progrĂšs matĂ©riel, nous consommons les richesses de la nature plus vite quâelle ne se reconstituent.
Notre civilisation fonctionne en « consommant 40% des ressources de la terre au-dessus du rythme soutenable » (p 4).
Transformer nos valeurs
Avec Jeremy Lent, faisons dâabord le point : « La description des ĂȘtres humains comme des individus Ă©goĂŻstes, la perception de la nature comme une ressource Ă exploiter, et lâidĂ©e que seule la technologie peut rĂ©pondre Ă nos plus gros problĂšmes, voilĂ de profondes erreurs qui ont conduit notre civilisation vers un dĂ©sastre »(p 5).
« Nous avons besoin de changer le fondement de notre civilisation : passer dâune civilisation fondĂ©e sur lâaccumulation des richesses Ă une autre fondĂ©e sur la santĂ© des systĂšmes vivants, une civilisation Ă©cologique » (p 6). Ce sera lĂ une mutation majeure comparable aux deux grands bonds de lâhumanitĂ©Â : la mutation agricole qui a commencĂ© il y a 12 000 ans et la rĂ©volution scientifique du XVIIe siĂšcle.
Une civilisation Ă©cologique
JĂ©rĂ©mie Lent met en valeur la vertu de lâentraide. « Les systĂšmes vivants sont caractĂ©risĂ©s Ă la fois par la compĂ©tition et la coopĂ©ration.
Cependant, les transitions majeures de lâĂ©volution qui ont amenĂ© la vie Ă son Ă©tat actuel dâabondance, sont toutes le rĂ©sultat dâun accroissement spectaculaire de la coopĂ©ration. La clĂ© de ces pas dâĂ©volution â et du fonctionnement efficient de tous les Ă©cosystĂšmes – est la symbiose : le processus dans lequel les deux parties en relation donnent et reçoivent rĂ©ciproquementâŠÂ » (p 6). « Les contributions de chaque partie crĂ©ent un ensemble plus grand que la somme des parties ». La symbiose permet aux Ă©cosystĂšmes de sâentretenir presque infiniment ». « Lâinterconnection de diffĂ©rents organismes en symbiose se manifeste dans un autre principe fondateur de la nature : lâharmonie ». « Lâharmonie apparaĂźt quand les diffĂ©rentes forces dâun systĂšme sont en Ă©quilibre » (p 6-7). Un tableau apparaĂźt. « Chaque systĂšme dĂ©pend de la vitalitĂ© des autres ».
Cette constatation « nous amĂšne Ă formuler un objectif ultime de la civilisation Ă©cologique : crĂ©er les conditions pour que tous les humains puissent fleurir comme une part dâune terre vivante et prospĂšre. Jeremy Lent transpose le phĂ©nomĂšne de la symbiose en termes humains : « les principes fondateurs de la justice et de lâĂ©quité ». Une civilisation Ă©cologique assurera « la promotion de la dignitĂ© humaine en fournissant les conditions pour permettre Ă chacun de vivre en sĂ©curitĂ© et en bien-ĂȘtre ». Par ailleurs, la civilisation Ă©cologique reconnaitra la diversitĂ© dans tous ses registres. « Elle sera fondĂ©e sur lâaxiome que le plein potentiel dâun systĂšme peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© seulement quand il est intĂ©grĂ© â un Ă©tat dâunitĂ© dans la diffĂ©renciation oĂč la prospĂ©ritĂ© de chaque constituant contribue au bien-ĂȘtre de lâensemble » (p 7). Par-dessus tout, une civilisation Ă©cologique suscitera une symbiose englobant la sociĂ©tĂ© humaine et le monde naturel ».
La civilisation Ă©cologique en pratique
Entrer dans une civilisation Ă©cologique requiert une transformation fondamentale de lâĂ©conomie. Entre autres, on passera dâune Ă©conomie fondĂ©e sur la croissance perpĂ©tuelle du Produit National Brut Ă une sociĂ©tĂ© mettant lâaccent sur la qualitĂ© de la vie en dĂ©veloppant les indicateurs correspondants. Depuis le dĂ©but du XIXe siĂšcle, la plupart des Ă©conomistes ont considĂ©rĂ© deux domaines seulement de lâactivitĂ© Ă©conomique : les marchĂ©s et le gouvernement⊠Une civilisation Ă©cologique prendra en compte ces deux domaines, mais ajoutera deux secteurs : lâĂ©conomie domestique et les communs. « En particulier, les communs deviendront une part centrale de lâactivitĂ© Ă©conomique (3) ». Jeremy Lent rapporte lâorigine du terme : la terre partagĂ©e par les paysans en Angleterre. Mais dans un contexte plus large, « les communs comprennent toutes les sources de subsistances et de bien-ĂȘtre qui Ă©chappent Ă lâappropriation de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de lâĂ©tat : lâair , lâeau, la lumiĂšre du soleil, et mĂȘme les crĂ©ations humaines comme le langage, les traditions culturelles et la connaissance scientifique » (p 8). Câest une richesse commune (« a shared human commonwealth » (p 9). On reconnaitra le droit de chaque ĂȘtre humain Ă participer Ă cette richesse commune. Jeremy Lent Ă©voque ici « un revenu de base universel ». Les recherches en ce sens ont montrĂ© les aspects positifs dâune telle innovation. Dans cette transformation, quelle attitude vis-Ă -vis des grandes entreprises internationales ? Elles devront se soumettre Ă une charte Ă©cologique et sociale. La mĂȘme approche Ă©cologique entrainera la transformation de lâagriculture et du tissu urbain. Jeremy Lent envisage Ă©galement une transformation de la gouvernance vers « un modĂšle polycentrique oĂč les dĂ©cisions locales, rĂ©gionales et globales seront prises aux niveaux oĂč leurs effets se font le plus sentir » (p 10).
En marche
Si cette vision porte un idĂ©al Ă atteindre, JĂ©rĂ©my Lent nous prĂ©sente « les innombrables organisations pionniĂšres Ă travers le monde qui plantent dĂ©jĂ les semences pour une civilisation affirmant la vie » (p 10). Lâauteur cite des initiatives aux Ătats-Unis, en Bolivie, en Espagne. Il montre « comment la vision Ă©cologique se rĂ©pand Ă travers les institutions religieuses et culturelles Ă©tablissant un terrain commun avec le traditions indigĂšnes qui maintiennent leur connaissance et leur genre de vie pendant des millĂ©naires ». Il Ă©voque la « charte de la terre » initiĂ©e Ă La Haye en 2000 et adoptĂ©e depuis par plus de 2 000 organisations Ă travers le monde auxquelles se sont joints certains gouvernements. Et bien sĂ»r, il cite lâencyclique âLaudato siâ.
Sur le plan Ă©conomique et politique, des organisations apparaissent telles que la « Wellbeing Economy Alliance » et la « Global Commons Alliance ». « Peut-ĂȘtre encore plus important, un mouvement populaire affirmant la vie se rĂ©pand globalement ». (p 11)
Le livre : « The new possible » fait lui-mĂȘme Ă©cho Ă la transformation en cours.
Ce texte de Jeremy Lent nous apporte une vue dâensemble sur la mutation en cours. Il en esquisse le sens. De son point dâobservation, il vient confirmer lâextension dâun mouvement Ă©cologique Ă travers le monde entier. Ce point de vue vient donc nous encourager et nous affermir.
J H
- Philip Clayton, Kellie M Archie, Jonah Sachs, Evan Steiner, ed. The new possible. Visions of our world beyond crisis. Wipf and Stock Publishers, 2021
- Voir le blog de Jeremy Lent, author and integrator : https://www.jeremylent.com/
- La promotion des communs apparaĂźt rĂ©cemment au cĆur du livre de GaĂ«l Giraud : GaĂ«l Giraud. Composer le monde en commun, Seuil, 2022
par jean | Avr 29, 2012 | ARTICLES, Vision et sens |
De commencements en recommencements
Dans nos parcours, il y a des moments oĂč lâhorizon sâassombrit, pour nous, pour nos proches, pour nos amis. Parfois, câest une vie brisĂ©e par le deuil, accablĂ©e par une maladie, confrontĂ©e Ă une impasse. Comment garder ou retrouver une espĂ©rance ?
Et puis nous sommes aussi confrontĂ©s aux grandes catastrophes collectives qui parsĂšment lâhistoire et sâinscrivent parfois dans lâhistoire de nos familles. Serions-nous sans recours par rapport Ă cette mĂ©moire ? Et dans ce temps de crise, nous avons besoin de discernement. LĂ aussi, comment persĂ©vĂ©rer dans lâespĂ©rance ?
JĂŒrgen Moltmann, un grand thĂ©ologien contemporain (1) a Ă©tĂ© confrontĂ© dans sa jeunesse au malheur engendrĂ© par la guerre Ă travers lâimmense incendie qui a dĂ©truit la ville de Hambourg Ă la suite dâun bombardement aĂ©rien, puis par les combats qui lâamĂšnent Ă se retrouver prisonnier dans un camp de prisonniers allemands en Grande-Bretagne. Il sait ce que le mal reprĂ©sente. Mais dans la dĂ©couverte de JĂ©sus, puis dans son engagement dans la foi chrĂ©tienne et la rencontre avec la pensĂ©e messianique juive, il a trouvĂ© en Christ ressuscitĂ© le fondement dâune espĂ©rance et la source dâune dynamique qui abolit les impasses et ouvre un horizon de vie.
Ainsi a-t-il Ă©crit un livre ayant pour titre : « Im Ende..der Enfang » : « Dans la fin.. un commencement ». Nous en avons eu connaissance dans sa traduction anglaise et nous avons alors rĂ©digĂ© une prĂ©sentation (2) Ce livre vient dâĂȘtre traduit et publiĂ© aux Editions Empreinte sous le titre : « De commencements en recommencements. Une dynamique dâespĂ©rance » (3).
JĂŒrgen Moltmann est un thĂ©ologien en phase avec les questionnements de notre temps. Mais, si la plupart de ses livres ont Ă©tĂ© traduits en français aux Editions du Cerf, ce sont des ouvrages de plusieurs centaines de pages. Il y a donc tout un travail Ă accomplir pour rendre accessible sa pensĂ©e Ă un grand public (4). Or, « De commencements en recommencements » prĂ©sente une double caractĂ©ristique. Ce livre sâadresse Ă toutes les personnes en recherche de sens. Et il prĂ©sente un aspect majeur de la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : la maniĂšre dont celui-ci conçoit et perçoit lâĆuvre de Dieu dans les vies personnelles en sachant que celles-ci sâinscrivent dans un ensemble qui comprend Ă©galement un aspect politique et une dimension cosmique. Si ce livre rĂ©pond ainsi Ă des questions existentielles, câest donc aussi une entrĂ©e dans la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann.
La dynamique de lâespĂ©rance.
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De bout en bout, ce livre est animĂ© par le souffle de lâespĂ©rance.
« Que le Dieu de lâespĂ©rance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi pour que vous abondiez en espĂ©rance par la puissance du Saint Esprit (Romains 15.13). Dieu nous prĂ©cĂšde et nous guide vers un avenir. Il nous appelle et il nous conduit vers un nouvel horizon. LâespĂ©rance est une caractĂ©ristique originale de la foi chrĂ©tienne. Elle est fondĂ©e sur la prĂ©sence de Christ ressuscitĂ© et elle suscite notre participation Ă lâĆuvre de Dieu, Ă son royaume, Ă la nouvelle crĂ©ation. Pratiquement, elle nous encourage et nous permet de grandir, puis de rebondir face Ă lâadversitĂ©, de « commencements en recommencements ».
Les grandes questions de lâexistence.
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        Ce livre Ă©claire successivement trois aspects de notre existence : le dynamisme de lâenfance et de la jeunesse ; la confrontation avec les catastrophes dans une perspective qui nous permet dâaller au delĂ Â ; les questions soulevĂ©es par la mort dans une vision qui exprime la puissance misĂ©ricordieuse de Dieu. A partir de la version anglaise de ce livre, nous avons prĂ©sentĂ© Ă de nombreuses reprises la dynamique libĂ©ratrice de ces textes . La parution en français vient apporter des pistes de rĂ©ponse Ă de nombreuses questions existentielles. Voici donc une brĂšve prĂ©sentation du contenu de lâouvrage.
Lâapproche de JĂŒrgen Moltmann conjugue lâinspiration biblique et une ouverture aux valeurs que portent lâEsprit dans la culture contemporaine . Ainsi, dans les chapitres sur lâenfance et la jeunesse, lâauteur se dĂ©partit dâune attitude empreinte de pessimisme sur lâĂȘtre humain et son devenir. FrĂ©quemment, la valeur attribuĂ©e Ă lâenfant reposait sur sa faiblesse, source dâhumilitĂ©. JĂŒrgen Moltmann nous prĂ©sente en regard lâĆuvre divine qui se rĂ©vĂšle dans le potentiel et la dynamique de la vie des enfants.
Les chapitres consacrĂ©s aux recommencements que Dieu suscite dans la confrontation aux catastrophes rompent avec les reprĂ©sentations dâun Dieu justicier ou avec la rĂ©signation et Ă lâincertitude concernant le sort des victimes. Ainsi, dans la durĂ©e, Dieu est Ă lâĆuvre pour dĂ©livrer tous les hommes du mal. Il nây a plus de catĂ©gories humaines vouĂ©es pour toujours Ă lâanĂ©antissement en fonction dâune fatalitĂ© historique. Au contraire, dans sa justice , et dans une puissance infinie, Ă travers un processus qui sâexerce dans le temps, Dieu sauvera les victimes et il redressera et changera les oppresseurs (5). En JĂ©sus mourant sur la croix, lâamour divin est vainqueur. A travers sa rĂ©surrection, Christ suscite un processus de libĂ©ration qui aboutit Ă un univers dans lequel « Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15.28). LâespĂ©rance est une dynamique qui ouvre la voie aux recommencements.
Bien sĂ»r, dans la confrontation avec la mort, lâEvangile nous apporte la promesse de la Vie Ă©ternelle. Cependant, on constate que lâenseignement entendu aujourdâhui Ă ce sujet est souvent hĂ©sitant parce quâil est influencĂ© par des reprĂ©sentations hĂ©ritĂ©es dâune histoire qui sâest Ă©cartĂ©e du message original. Il y a la crainte engendrĂ©e par lâimage dâun Dieu justicier et la menace de lâenfer. Et il y a aussi les incertitudes suscitĂ©es par des oppositions doctrinaires hĂ©ritĂ©es de lâhistoire, ainsi en rĂ©action avec les excĂšs dâune osmose se prĂȘtant aux manipulations institutionnelles, lâapparition dâune thĂšse impliquant une sĂ©paration tranchĂ©e entre le ciel et la terre, qui rompt avec la dynamique de vie. En regard, Ă partir de la lecture des textes bibliques de lâancien et du nouveau Testament et dâune analyse historique des reprĂ©sentations et des cultures, JĂŒrgen Moltmann nous apporte une vision qui nous Ă©claire sur notre devenir dans lâĂ©clairage de la vie Ă©ternelle, sur la communautĂ© des vivants et des morts et sur lâĆuvre de salut accompli par Dieu en Christ Ă lâintention de tous les hommes dans la marche vers une nouvelle crĂ©ation oĂč « Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15.28)  . A un moment oĂč tout vacillait (6), nous avons trouvĂ© dans la version anglaise de ce livre une rĂ©ponse providentielle Ă nos questions. Nous avons voulu ensuite partager cette vision de lâĆuvre de Dieu qui porte vie, amour, et dĂ©livrance (7)
Aujourdâhui, la parution en français du livre de JĂŒrgen Moltmann est non seulement un Ă©vĂ©nement Ă©ditorial en rendant accessible sa pensĂ©e Ă un grand public francophone. Câest aussi la manifestation dâune dynamique de vie et dâespĂ©rance qui se rĂ©pandra parmi ses lecteurs. Notre vie change lorsquâon peut la penser en terme de commencements en recommencements.
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(1)           La vie et la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : « Une thĂ©ologie pour notre temps. Autobiographie de JĂŒrgen Moltmann » http://www.temoins.com/etudes/une-theologie-pour-notre-temps.-l-autobiographie-de-jurgen-moltmann/toutes-les-pages.html
(2)           Moltmann (JĂŒrgen). In the end..The beginning. The life of hope. Fortress Press, 2004 . PrĂ©sentation : « Vivre dans lâespoir. Dans la fin..un commencement ». http://www.temoins.com/ressourcement/vivre-dans-l-espoir-dans-la-fin-un-commencement.html
(3)           Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique dâespĂ©rance. Empreinte Temps prĂ©sent, 2012 http://www.editions-empreinte.com/detail_produit.php?rub=6&article=6698&voir=edit
(4)           Parce que la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann est en phase avec les interrogations de notre temps et ouvre des pistes de rĂ©ponse, un blog a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour rendre accessible cette pensĂ©e : « LâEsprit qui donne la vie » » http://www.lespritquidonnelavie.com/
(5)           Sur le blog : « LâEsprit qui donne la vie » : « DĂ©livre nous du mal » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=702
(6)           Sur le blog : « Vivre et espérer » : « Une vie qui ne disparaßt pas ! » https://vivreetesperer.com/?p=336
Sur le blog : « LâEsprit qui donne la vie », « La vie par delĂ la mort »  http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=822
par jean | Juin 1, 2016 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Société et culture en mouvement |
 La permaculture : une vision holistique du monde
 Aujourdâhui, nous savons que la terre est menacĂ©e. Câest le changement climatique et le recul de la biodiversitĂ©. Et nous, nous prenons conscience de tout ce que nous recevons de la nature, une symbiose elle aussi en danger. En regard, Ă travers de multiples organisations, un puissant mouvement Ă©cologique est apparu. Les Ă©tats entrent peu Ă peu dans cette mobilisation pour ce quâon peut appeler la sauvegarde de lâhumanitĂ©. Nous sommes tous concernĂ©s. Câest un appel pressant Ă changer de genre de vie. Lâagriculture est particuliĂšrement concernĂ©e. Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, elle a Ă©tĂ© entrainĂ©e dans une escalade productiviste en rupture avec une relation Ă©quilibrĂ©e et durable avec lâenvironnement naturel. En regard, on a pu observer un engagement militant dans une maniĂšre nouvelle de vivre et de cultiver la terre. Cette approche est illustrĂ©e notamment par la grande figure de Pierre Rabhi. On assiste par ailleurs Ă lâinvention de nouvelles pratiques qui allient efficacitĂ© accrue et respect de la nature. Câest un lieu dâinnovation, câest un front pionnier qui attire de nouveaux acteurs Ă la recherche dâune vie plus proche de la nature.
Ce courant est porteur dâespĂ©rance et il nous a par utile dâen faire mention sur ce blog. Nous avons dĂ©jĂ dĂ©crit lâapparition et le dĂ©veloppement des « Incroyables comestibles » en France (1). Un ami engagĂ© dans un « Jardin de Cocagne » (2), nous a rĂ©cemment fait connaĂźtre cette belle innovation. Aujourdâhui, nous dĂ©couvrons une nouvelle maniĂšre de cultiver la terre en harmonie avec lâenvironnement naturel. Ces initiatives innovantes sont « des fermes dâavenir ». Elles apparaissent et se dĂ©veloppent dans des formes diverses selon la personnalitĂ© des intervenants et les caractĂ©ristiques de lâenvironnement.
La ferme biologique du Bec Hellouin
En naviguant sur le web, une expĂ©rience sâimpose, celle de la ferme biologique du Bec Hellouin en Normandie. Cette rĂ©alisation est le fruit dâun itinĂ©raire singulier. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, Perrine et Charles HervĂ©-Gruyer sâinstallent en ce lieu avec le dĂ©sir dây vivre une vie de famille. Au dĂ©part, pour assurer leur subsistance alimentaire, ils sâengagent progressivement dans une aventure agricole, dĂ©couvrent en 2008 la permaculture et, Ă partir de lĂ , dĂ©veloppent une microagriculture intensive en sâinspirant Ă la fois de pratiques ancestrales et de recherches innovantes .
Aujourdâhui, « la ferme biologique du Bec Hellouin est une ferme expĂ©rimentale fonctionnant selon les principes de la permaculture⊠Nous mettons en pratique un ensemble de solutions inspirĂ©es du fonctionnement des Ă©cosystĂšmes naturels, qui permettent de produire en abondance des fruits et des lĂ©gumes sains : cultiver en buttes, agroforesterie, cultures associĂ©es, traction animale⊠La production maraichĂšre de la ferme est plusieurs fois supĂ©rieure Ă la moyenne nationale par unitĂ© de surface, pratiquement sans recours aux Ă©nergies fossilesâŠÂ Lâherbage, situĂ© en zone protĂ©gĂ©e Nature 2000, oĂč nous avons crĂ©Ă© les jardins, est devenue une oasis de vie oĂč se cĂŽtoient un grand nombre dâespĂšces vĂ©gĂ©tales et animales : 800 vĂ©gĂ©taux diffĂ©rents environ sont cultivĂ©s sur la ferme. Les deux iles-jardins, le jardin mandala, les mares, la foret nourriciĂšre, les vergers forment un agro-Ă©cosystĂšme hautement productif et durable » .
Depuis fin 2011, la ferme du Bec Hellouin est engagĂ©e dans un programme de recherche avec lâINRA (Institut national de recherche agronomique) et AgroParis Tech. Elle met en oeuvre Ă©galement un programme de formation. (3) Il y a lĂ une belle dynamique que Perrine et Charles HervĂ©-Gruyer nous communiquent dans une vidĂ©o (4).
Une approche holistique : la permaculture
Cette entreprise innovante sâinspire dâune vision Ă©voquĂ©e par le terme de permaculture. DiffĂ©rentes dĂ©finitions ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour dĂ©crire cette approche. Nous reprenons ici la prĂ©sentation quâen donne Perrine et Charles HervĂ©-Gruyer, eux-mĂȘmes auteurs dâun livre sur la permaculture.
« CrĂ©Ă©e dans les annĂ©es 90 en Australie par Bill Molisson et David Holmgren, la permaculture est un systĂšme conceptuel inspirĂ© du fonctionnement de la nature. Depuis des centaines de millions dâannĂ©es, la nature crĂ©e des Ă©cosystĂšmes harmonieux et durables, qui gĂ©nĂšrent eux-mĂȘmes les conditions favorables au dĂ©veloppement de formes de vie plus Ă©voluĂ©es. Permaculture signifiait, Ă lâorigine, agriculture permanente, puis le concept sâest Ă©largi pour devenir culture permanente dans le sens de durable.
LâĂȘtre humain, particuliĂšrement en Occident, durant les derniers siĂšcles, artificialise les Ă©cosystĂšmes et sâimpose de ce fait lâobligation de devoir compenser par son travail et par des entrants les fonctions remplies naturellement par le vivant⊠La permaculture cherche Ă concevoir des installations harmonieuses, durables, rĂ©silientes, Ă©conomes en travail comme en Ă©nergie, Ă lâinstar des systĂšmes naturels. Son concept de design repose sur un principe essentiel : positionner au mieux chaque Ă©lĂ©ment de maniĂšre Ă ce quâil puisse agir positivement avec les autresâŠ
La permaculture repose sur trois principes : prendre soin de la terre, prendre soin des hommes, partager Ă©quitablement les ressources. La permaculture a un objet large : elle intĂšgre lâagro-Ă©cologie, la construction Ă©cologique, les Ă©nergies renouvelables⊠dans une vision pragmatique et souple pouvant ĂȘtre adaptĂ©e Ă chaque territoire, aux besoins et aux aspirations de chaque personne ou communautĂ©.
A la ferme du Bec Hellouin, nous Ă©tudions particuliĂšrement les adaptations de la permaculture Ă lâagriculture biologique. Contrairement Ă une idĂ©e trop rĂ©pandue, la permaculture nâest pas un ensemble de techniques de jardinage, mais bien un systĂšme conceptuel. Ces applications sont toutefois particuliĂšrement pertinentes dans le domaine de la production agricole. La permaculture permet de concevoir des agro-systĂšmes tout Ă la fois harmonieux, durables, Ă©conomes et productifs ».
Fermes dâavenir
On constate aujourdâhui que la vision Ă©thique dâune activitĂ© humaine en phase avec la nature inspire beaucoup de gens et suscite un attrait pour de nouvelles formes de travail agricole. Dans un monde troublĂ©, on peut y voir un dĂ©sir dâenracinement. Ainsi, de nouvelles initiatives apparaissent comme celle des « fermes dâavenir.
Une association sâest crĂ©Ă©e pour favoriser le dĂ©veloppement de ces fermes (5). Quelle est la vision de cette association ?
« Nous souhaitons donner au plus grand nombre lâenvie et les moyens de lancer leur propre projet agricole, Ă©cologique et rentable. Notre dĂ©marche touchera en particulier les agriculteurs souhaitant effectuer leur transition, les citadins souhaitant lancer une activitĂ© de maraichage et les propriĂ©taires fonciers soucieux de valoriser une partie de leurs terres⊠Lâobjectif primordial est de montrer quâil est possible, sur un hectare, de crĂ©er un emploi pĂ©renne de maraichage biologiqueâŠDans un premier temps, notre dĂ©fi est donc de crĂ©er une microferme exemplaire en maraichage, sâinspirant de la permaculture et de lâensemble des techniques efficaces de lâagro-Ă©cologieâŠLâassociation Fermes dâavenir sâest dĂ©veloppĂ©e autour dâun projet fondateur : la crĂ©ation de la microferme expĂ©rimentale de la BourdaisiĂšre (37). Mais, au demeurant, de nombreuses fermes partout en France sont engagĂ©es dans une dĂ©marche exemplaire respectant la terre, respectant les hommes et imprĂ©gnĂ©e dâune forte dimension Ă©thique ».
Action pionniÚre : Maxime de Rostolan
Dans ce mouvement, les itinĂ©raires des acteurs sont significatifs. Câest le cas pour Maxime de Rostolan, fondateur et dirigeant de lâassociation « Fermes dâavenir ». « IngĂ©nieur chimiste de formation, Maxime de Rostolan, son diplĂŽme en poche, sâintĂ©resse au traitement de lâeau et sâengage alors dans un tour du monde afin de sensibiliser le public Ă cette question. A son retour dans lâhexagone, il se passionne pour la biomimĂ©tisme et crĂ©e lâassociation : « Biomecry France » qui encourage les entreprises Ă transformer leurs produits et mĂ©tiers en sâinspirant de la nature. Il planche ensuite sur le financement participatif et lance « Blue Bees », une plateforme dĂ©diĂ©e aux projets dâagriculture et dâĂ©cologie. Aujourdâhui, Maxime dirige « Fermes dâavenir ». Son nouveau dĂ©fi : dĂ©ployer un modĂšle agricole Ă©cologique et rentable Ă grande Ă©chelle ».
Maxime de Rostolan nous parle de son projet dans un exposĂ© (vidĂ©o) lors dâun colloque Ted X Ă Tours (6). « Depuis que jâai vingt ans, jâessaie de trouver des solutions pour changer le monde⊠A force de chercher, jâai dĂ©couvert quâil existe un partenaire de choix : le laboratoire du vivant ». Effectivement, on peut sâinspirer de la nature comme nous lâenseigne le biomimĂ©tisme. Maxime a pris conscience de lâimpasse oĂč se trouve aujourdâhui lâagriculture classique qui abuse de la mĂ©canisation et des produits chimiques. « En 50 ans, on a divisĂ© par 25, notre efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique pour produire de lâalimentation ». Maxime se rĂ©fĂšre lui aussi Ă la vision nouvelle ouverte par la permaculture. En 2010, il en dĂ©couvre les potentialitĂ©s Ă la ferme du Bec Hellouin.
Mais comment dĂ©ployer ce type de ferme sur le territoire ? Les chercheurs de lâINRA sont intĂ©ressĂ©s par la possibilitĂ© de suivre une ferme de ce genre en phase dâinstallation. Maxime va donc se lancer dans lâinnovation. Il se forme en consĂ©quence et il sâengage dans le dĂ©veloppement dâune ferme expĂ©rimentale de 1 ha 4, la ferme de la BourdaisiĂšre Ă Montlouis sur Loire. Premier objectif : fournir les donnĂ©es correspondantes aux chercheurs de lâINRA. DeuxiĂšme objectif : crĂ©er une boite Ă outils qui permette Ă toute personne qui le souhaite de reproduire cette expĂ©rience. TroisiĂšme objectif : Ă©valuer les services Ă©cosystĂ©miques rendus par ce type dâagriculture : prĂ©server la diversitĂ©, entretenir la qualitĂ© de lâeau, favoriser le paysage, crĂ©er une dynamique sur les territoiresâŠÂ ». Dans cet entretien en 2015, Maxime de Rostolan nous dit que depuis un an et demi, lâobjectif a Ă©tĂ© tenu. « La nature est gĂ©nĂ©reuse ! ». Et il a dĂ©couvert un mĂ©tier dans lequel il se trouve Ă lâaise.
Manifestement, les fermes dâavenir ouvrent une voie nouvelle en permettant Ă de nombreux acteurs de sâengager dans ce nouveau mĂ©tier. « Câest une triste chose de songer que la nature parle et que lâhomme nâĂ©coute pas » a Ă©crit Victor Hugo. Aujourdâhui, ce constat est battu en brĂšche. La permaculture tĂ©moigne dâune vision nouvelle qui est en train de se communiquer et de se rĂ©pandre. De la ferme du Bec Hellouin Ă celle de la BourdaisiĂšre, un puissant mouvement dâinnovation apparaĂźt et porte une nouvelle conception des rapports entre lâhomme et la nature. Câest une nouvelle Ă©thique.
J H
(1)           « Incroyable, mais vrai ! Comment « Les incroyables comestibles » se sont développés en France » : https://vivreetesperer.com/?p=2177
(2)           Réseau Cocagne : http://www.reseaucocagne.asso.fr
(3)           Le site de la ferme du Bec Hellouin ne prĂ©sente pas seulement les activitĂ©s de la ferme, mais aussi les principes de la permaculture et de lâagroĂ©cologie : http://www.fermedubec.com
(4)           Histoire et prĂ©sentation de la ferme du Bec Hellouin par les crĂ©ateurs : Perrine et Charles HervĂ©-Gruyer. Cette vidĂ©o montre concrĂštement les diffĂ©rents visages de la ferme et exprime lâinspiration de cette innovation : https://www.youtube.com/watch?v=5w3VqluGfGY
(5)           Fermes dâavenir : http://www.fermesdavenir.org
(6)           « La terre et lâĂ©thique » : Maxime de Rostolan Ă TEDx Tours : https://www.youtube.com/watch?v=2qWKKQowguM
Sur ce blog, voir aussi :
« Pour une conscience écologique » : https://vivreetesperer.com/?p=694
« Vivre en harmonie avec la nature » :
https://vivreetesperer.com/?p=757
« Anne-Sophie Novel, militante Ă©cologiste et pionniĂšre de lâĂ©conomie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975
« Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François, Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151