MĂ©decine d’avenir, mĂ©decine d’espoir

« La mĂ©decine personnalisĂ©e » d’aprĂšs Jean-Claude Lapraz

 

Il Ă©tait venu, Ă  bout de souffle en Ă©tat de fatigue chronique, une vie au minimum, sans vitalitĂ©. Jean-Claude Lapraz lui demanda : qu’est-ce vous attendez de moi ? Que je puisse me dĂ©placer davantage … vivre. Ce fut le dĂ©but d’un parcours au cours duquel il gagna progressivement en santĂ©.  Elle vint le voir, trĂšs affectĂ©e par l’apparition d’un cancer du sein. Il l’aida Ă  garder un horizon de vie dans la traversĂ©e des alĂ©as successifs. Elle trouva en Jean-Claude Lapraz un accompagnement thĂ©rapeutique et une prĂ©sence amie qui lui permit de rĂ©sister pendant des annĂ©es Ă  cette maladie et aux traitements lourds auxquels elle fut soumise. Marie-Laure de Clermont –Tonnerre, journaliste, coauteur avec le docteur Jean-Claude Lapraz, du livre sur « la mĂ©decine personnalisĂ©e » (1) , raconte comment elle aussi dĂ©couvrit dans la rencontre avec ce mĂ©decin, une rĂ©ponse aux maux qui l’assaillaient et qui l’empĂȘchaient de vivre normalement. Et, derriĂšre les nombreux cas prĂ©sentĂ©s dans ce livre, du relativement banal au tragique, de l’otite Ă  rĂ©pĂ©tition au cancer du foie, Ă  chaque fois, on voit Ă  l’Ɠuvre une approche mĂ©dicale qui, en dialogue avec le patient, va en profondeur dans la connaissance du fonctionnement du corps dans toutes ses interactions et qui ouvre en consĂ©quence un chemin de libĂ©ration . Cette approche mĂ©dicale suscite la confiance et l’espoir lĂ  oĂč souvent il n’y avait plus que l’angoisse et la rĂ©signation. L’efficacitĂ© de cette mĂ©decine tient Ă  son adaptation au terrain de chacun.  C’est « une mĂ©decine personnalisĂ©e », mais cette approche requiert en consĂ©quence une attention personnelle pour chaque patient. Et ainsi pourrait-on reprendre parallĂšlement le vocable : « mĂ©decine de la personne » (2), dĂ©jĂ  utilisĂ©, il y a des annĂ©es, par le Docteur Paul Tournier, dans la dĂ©signation d’un livre qui plaidait pour une relation de confiance entre le mĂ©decin et celui qui s’adresse Ă  lui.

 

Une vision nouvelle de la médecine : la médecine de terrain.

 

Selon notre constitution, nous rĂ©agissons chacun diffĂ©remment Ă  telle ou telle agression. « Une seule explication possible : l’état de notre terrain : « L’ensemble des facteurs gĂ©nĂ©tiques, physiologiques, tissulaires ou humoraux qui, chez un individu, favorisent la survenue d’une maladie ou en conditionne le pronostic » (Larousse). C’est dans cette perspective que cette nouvelle approche mĂ©dicale est mise en Ɠuvre : « L’ĂȘtre humain ne se limite pas Ă  un simple assemblage de fonctions ou d’organes sans lien entre eux. Il est un ĂȘtre vivant autonome et complet qui rĂ©agit Ă  chaque instant comme un tout cohĂ©rent et doit sans cesse s’adapter
 La mĂ©decine actuelle a fait Ă©clater le corps en ses multiples composants. En nĂ©gligeant de replacer chacun d’eux dans ses relations complexes avec les autres, elle a perdu la capacitĂ© d’établir un diagnostic global de l’état du patient. Il est donc temps aujourd’hui de proposer une approche mĂ©dicale qui mette en Ă©vidence les liens qui unissent le local au global et qui donnent une vĂ©ritable vision scientifique intĂ©grale du patient. C’est ce que nous dĂ©signons comme la conception endobiogĂ©nique du terrain » (p68).

« Le tout est plus que la somme des parties ». Le corps est perçu comme un ensemble de niveaux : « Chaque niveau, du gĂȘne au chromosome, du chromosome au noyau, du noyau Ă  la cellule, de la cellule Ă  l’organe, de l’organe Ă  l’organisme, possĂšde ses propres mĂ©canismes de fonctionnement, mais ils sont intĂ©grĂ©s et sous contrĂŽle du niveau supĂ©rieur, et, en fin de compte sous celui de l’ensemble de l’organisme. Si un niveau se dĂ©rĂšgle, il est important d’identifier ce qui, en amont, a gĂ©nĂ©rĂ© le dĂ©rĂšglement et de comprendre comment celui-ci agira Ă  son tour sur l’aval » (p 68-69).

Tout se tient. « Pour maintenir l’harmonie, il existe nĂ©cessairement une communication permanente entre chacun des Ă©lĂ©ments, chacune des parties qui nous constitue. Il faut donc qu’en notre corps, ensemble vivant infiniment complexe, existe un coordonnateur qui gĂšre en permanence les liens qui unissent la cellule Ă  l’organe, l’organe aux autres organes et les fonctions entre elles (p 70-71)
 La vie ne peut se maintenir s’il n’existe pas une cohĂ©rence et une finalitĂ© qui permette de faire fonctionner de façon harmonieuse les cellules et les organes de notre corps pour qu’ils se maintiennent en Ă©quilibre » (p70-71).

De fait, il existe bien une forme de « chef d’orchestre ». « Si l’organisme est une maison , il a pour architecte, pour coordonnateur, pour rĂ©gulateur, le systĂšme hormonal ». Selon l’endobiogĂ©nie, « l’approche endocrinienne du terrain est fondĂ©e sur la reconnaissance du role primordial et incontournable du systĂšme hormonal Ă  tous les niveaux du corps humain. C’est lui qui gĂšre le mĂ©tabolisme, c’est Ă  dire la succession permanente et dynamique des phĂ©nomĂšnes de destruction (catabolisme), de reconstruction et de synthĂšse (anabolisme) qui se dĂ©roulent Ă  chaque seconde en nous  » (p 71).

 

L’approche endobiogĂ©nique s’appuie sur une interprĂ©tation nouvelle du fonctionnement du corps humain. Elle propose Ă©galement de nouveaux outils pour en comprendre concrĂštement le fonctionnement et pour pouvoir en consĂ©quence intervenir pour corriger et rĂ©guler.

« En partant d’une simple prise de sang comportant douze donnĂ©es biologiques (comme la numĂ©ration formule sanguine, le nombre des plaquettes sanguines, le dosage de deux enzymes
), on peut construire un systĂšme Ă©tabli sur des algorithmes, tous basĂ©s sur des donnĂ©es incontestĂ©es de la physiologie qui font apparaĂźtre de nouveaux chiffres conduisant Ă  une comprĂ©hension beaucoup plus large des phĂ©nomĂšnes Ă  l’Ɠuvre dans le corps que ne le permet l’approche purement analytique actuellement en vigueur. C’est la « biologie des fonctions »  Ce systĂšme complexe, conçu par le Docteur Christian Duraffourd, a permis d’établir quelques 172 index d’activitĂ© endocrine, mĂ©tabolique, tissulaire, etc (par exemple : nĂ©crose cellulaire, rĂ©sistance Ă  l’insuline, remodelage osseux, immunitĂ©, stress oxydatif, dĂ©veloppement anormal cellulaire) (p 81-83). « Dans une goutte de sang, on peut voir l’individu et son terrain ». La production de cet ensemble est un bond en avant impressionnant pour la comprĂ©hension de l’état du patient.

Mais, dans la consultation, telle qu’elle est pratiquĂ©e par les mĂ©decins qui se rĂ©clament de cette approche, d’autres donnĂ©es recueillies Ă  travers l’écoute et l’examen clinique, viennent encore s’y ajouter. Ces donnĂ©es viennent s’inscrire en regard de l’interprĂ©tation endobiogĂ©nique. A partir de lĂ , le mĂ©decin peut prescrire un traitement appropriĂ© en faisant appel principalement aux plantes mĂ©dicinales. L’usage de celles-ci permet d’éviter la nocivitĂ© des effets secondaires que peuvent entraĂźner certains mĂ©dicaments de synthĂšse. Par ailleurs, la combinaison d’un certain nombre de plantes Ă  activitĂ© synergique ou complĂ©mentaire induit un effet global important : « La sommation des petits effets que chacun va gĂ©nĂ©rer dans l’organisme permet d’apporter une amĂ©lioration, puis une vraie guĂ©rison ».

 

Une pratique nouvelle de la médecine.

 

Dans un chapitre entiĂšrement consacrĂ© Ă  la     description du dĂ©roulement d’une consultation (p 101-134), Marie-Laure de Clermont-Tonnerre nous permet d’entrer dans la pratique de cette mĂ©decine et de la comprendre de l’intĂ©rieur. Elle nous dĂ©crit ce qu’elle a vĂ©cu. A partir de sa propre perception des symptĂŽmes qu’elle ressentait, quels ont Ă©tĂ© ses questionnements et ses besoins ? Comment a-t-elle pu s’exprimer et ĂȘtre entendue ? Comment a-t-elle reçu un dĂ©but d’explication lui permettant de dĂ©couvrir une cohĂ©rence cachĂ©e derriĂšre l’ensemble de ses symptĂŽmes ? En quoi, l’analyse des index de la biologie des fonctions permet « de mettre en Ă©vidence de façon chiffrĂ©e les liens subtils qui existent entre les diffĂ©rents organes et fonctions du corps humain, amenant le mĂ©decin Ă  une vision plus fine de l’état rĂ©el du patient, l’aidant ainsi Ă  diriger son traitement prĂ©ventif et curatif »? En quoi, trĂšs concrĂštement, l’examen clinique, c’est-Ă -dire l’auscultation dĂ©taillĂ©e selon une mĂ©thode prĂ©cise, apporte des renseignements prĂ©cieux sur la façon particuliĂšre dont le corps s’organise et rĂ©agit ? Et enfin, comment le traitement est prescrit et commentĂ© en fonction de toutes les donnĂ©es ainsi recueillies ?

 

Ce chapitre est particuliĂšrement Ă©clairant, car nous pouvons beaucoup apprendre de cette Ă©tude de cas tant sur la maniĂšre dont les donnĂ©es sont recueillies que sur leur signification, tant sur l’interprĂ©tation des dysfonctionnements que sur la stratĂ©gie adoptĂ©e pour y porter remĂšde. Cette consultation n’est pas seulement une situation d’ordre technique, c’est aussi le lieu d’une relation dans laquelle il y a un dialogue permettant une comprĂ©hension accrue de part et d’autre et ainsi une participation du patient. Comme en tĂ©moigne Marie-Laure, la qualitĂ© humaine du mĂ©decin est essentielle. La psychologie confirmant la sagesse, on sait aujourd’hui combien comprĂ©hension , empathie et encouragement ont un effet majeur sur l’évolution ultĂ©rieure.

Tous ceux qui ont eu la grande chance de bĂ©nĂ©ficier de cette mĂ©decine apprĂ©cieront cette description et pourront y glaner des informations passĂ©es jusque lĂ  inaperçues. Mais ce livre s’adresse Ă  tous. Cette description riche et fine d’une consultation en mĂ©decine endobiogĂ©nique fait apparaĂźtre un univers de sens qui nous permet d’accĂ©der Ă  un niveau supĂ©rieur d’information et de conscience. C’est lĂ  une source d’espoir et de confiance pour beaucoup. Nous avons dit combien, dans certains cas, elle est une ouverture qui libĂšre, et osons le mot, une mĂ©decine qui sauve.  Mais, en mettant en lumiĂšre les dysfonctionnements en formation, c’est aussi une approche qui  permet d’y remĂ©dier Ă  temps et donc d’exercer un  rĂŽle de prĂ©vention .

Ainsi cette médecine a une double fonction : elle prévient et elle guérit. Comment ne pas militer en faveur de son développement !

 

Origine et devenir de la médecine endobiogénique.

 

L’apparition de la mĂ©decine endobiogĂ©nique nous apparaĂźt comme une transformation majeure dans la conception et la pratique de la mĂ©decine, ce qu’en terme de sciences sociales, on peut appeler un nouveau « paradigme ». Mais si cette approche est actuellement mise en Ɠuvre par un groupe de mĂ©decins encore trĂšs limitĂ© en nombre, comment est-elle apparue ? Le rĂ©cit de Jean-Claude Lapraz nous montre la genĂšse d’une prise de conscience : une insatisfaction de mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes vis Ă  vis d’une pratique mĂ©dicale qui rĂ©pond ponctuellement, mais qui souvent ne parvient pas Ă  soigner en profondeur ; en contact avec Jean Valnet, un chirurgien ayant dĂ©couvert en Indochine l’efficacitĂ© des plantes mĂ©dicinales, la reconnaissance de cet apport Ă  travers une expĂ©rimentation concrĂšte ; au dĂ©but des annĂ©es 70, la conjonction de deux jeunes mĂ©decins, Christian Duraffourd et Jean-Claude Lapraz pour s’engager dans la voie nouvelle de la « phytothĂ©rapie clinique », c’est Ă  dire le recours Ă  la plante mĂ©dicinale dans le cadre d’une approche globale et complĂšte de l’homme et de sa physiologie.

 

Et puis ces idĂ©es ont essaimĂ©es, mais en France, en fonction des conservatismes ambiants, elles sont encore largement ignorĂ©es par les institutions officielles. Dans d’autres pays, par contre, l’approche endobiogĂ©nique gagne en audience. Aujourd’hui, dans notre pays, si l’approche endobiogĂ©nique  est pratiquĂ©e par un nombre bien trop limitĂ©e de mĂ©decins, elle est  soutenue par une association d’usagers : Phyto 2000 (3) et elle commence Ă  se rĂ©pandre Ă  travers des formations.  Voici une mĂ©decine nouvelle dont on a vu l’efficacitĂ© et combien elle rĂ©pond aux attentes. Qu’on ne laisse pas arrĂȘter par les frustrations que certains peuvent ressentir, en termes nĂ©gatifs, vis- Ă  vis d’un potentiel qui leur paraĂźtrait actuellement hors de portĂ©e. Les auteurs situent Ă©galement cette mĂ©decine dans le contexte plus gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© en prenant position par rapport Ă  toutes les menaces pour la santĂ©, depuis les dangers prĂ©sentĂ©s par certains produits de l’industrie pharmaceutique jusqu’à la pollution . A l’heure oĂč se pose Ă©galement le problĂšme du coĂ»t de la mĂ©decine, on peut Ă©galement mettre en avant les avantages d’une approche qui non seulement rĂ©vĂšle son efficacitĂ©, mais peut jouer un rĂŽle majeur en terme de prĂ©vention. Il y a donc un immense travail de promotion Ă  rĂ©aliser . A cet Ă©gard, le livre publiĂ© par Jean-Claude Lapraz et Marie-Laure de Clermont-Tonnerre est un outil particuliĂšrement efficace, car dans un langage dynamique et efficace, il ouvre Ă  tous un accĂšs Ă  la comprĂ©hension de l’approche endobiogĂ©nique.

 

Perspectives d’avenir.

Comment promouvoir l’endobiogĂ©nie ?

 

Dans la conclusion, les auteurs mettent en Ă©vidence un paradoxe : « Jamais le financement consacrĂ© Ă  la recherche n’a Ă©tĂ© aussi gigantesque et jamais la technologie mĂ©dicale n’a fait autant de progrĂšs que pendant les deux derniĂšres dĂ©cennies
 Pour autant, jamais la mĂ©decine n’a Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă  une crise d’une telle ampleur et jamais le systĂšme de santĂ© n’a Ă©tĂ© si proche de l’éclatement..

Devant des recherches qui peinent Ă  obtenir les rĂ©sultats espĂ©rĂ©s malgrĂ© les sommes considĂ©rables englouties, une rĂ©flexion s’impose : il faut reconsidĂ©rer les concepts de l’approche du vivant qui fondent la mĂ©decine moderne. Si la voie pastorienne a donnĂ© des fruits incontestĂ©s, elle bute maintenant sur ses limites. En Ă©clatant l’homme en ses multiples composantes, en dissociant la partie du tout et en ne la replaçant pas dans la globalitĂ©, elle n’est pas Ă  mĂȘme de faire la synthĂšse, ni de remettre l’homme au centre du systĂšme. Il est donc temps d’introduire au cƓur de la mĂ©decine actuelle de nouveaux outils conceptuels rendant possible une vraie synthĂšse Ă  tous les niveaux : Ă©coute du patient, examen du malade, approche des rĂ©sultats biologiques, conception du traitement, orientation de la recherche, mise au point de nouveaux mĂ©dicaments et mise en place d’une vraie prĂ©vention. Une des solutions pour la mĂ©decine de demain passe par la voie intĂ©grative sans rien renier des avancĂ©es apportĂ©es par la science analytique. BasĂ©e sur les donnĂ©es de la science et avec le recul de plus de quarante annĂ©e d’une pratique clinique confirmĂ©e par de nombreux mĂ©decins français et Ă©trangers, la voie intĂ©grative qu’est l’endobiologie, apporte des moyens simples Ă  mettre en Ɠuvre rapidement.. » (p 312)

 

Nous vivons aujourd’hui dans le mouvement d’une mutation culturelle qui se dĂ©ploie Ă  l’échelle du monde. Le champ de la conscience s’élargit. Des barriĂšres tombent. On assiste aujourd’hui au recul d’une pensĂ©e cartĂ©sienne qui sĂ©parait l’esprit et le corps de l’homme, l’homme et la nature. On perçoit de plus en plus les limites d’une pensĂ©e analytique qui induit une pratique « en miettes ». Certes la volontĂ© de puissance de l’homme est toujours lĂ  et elle peut se manifester dans la fascination de la technologie (4). Mais on prend de plus en plus conscience des mĂ©faits d’une telle attitude dans laquelle l’homme se pose en « maĂźtre et seigneur de la nature ». Au contraire la pensĂ©e Ă©cologique recherche une harmonisation entre l’homme et la nature. Comme l’écrit le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann (5), « Nous ne voulons plus connaĂźtre pour dominer, nous voulons connaĂźtre pour participer ». Et il ajoute : « L’ « essence » de la crĂ©ation dans l’Esprit est la « collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de l’Esprit dans la mesure oĂč elles font connaĂźtre l’ « accord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (M.Buber) ». De plus en plus, les approches systĂ©miques, holistiques, intĂ©gratives s’imposent. De nouvelles synthĂšses s’élaborent . A cet Ă©gard, le livre de Thierry Janssen : « La solution intĂ©rieure » (6) nous paraĂźt particuliĂšrement significatif. Thierry Janssen a quittĂ© sa profession de chirurgien pour entreprendre une grande enquĂȘte Ă  travers le monde ayant pour objet d’étude : « la personne humaine comme agent de guĂ©rison » : Une mĂ©decine de l’esprit pour soigner le corps ; une mĂ©decine du corps pour soigner l’esprit oĂč il prĂ©sente l’apport de la mĂ©decine des Ă©nergies en provenance des pays d’Asie : Chine et Inde.

Le livre sur la mĂ©decine personnalisĂ©e devrait bĂ©nĂ©ficier de l’ouverture des esprits aux perspectives nouvelles  qui apparaissent aujourd’hui..   En mĂȘme temps, son ancrage dans les acquis de la science mĂ©dicale favorise sa rĂ©ception par  les milieux professionnels. « BasĂ©e sur les donnĂ©es de la science et plus de quarante annĂ©es d’une pratique clinique confirmĂ©e par de nombreux mĂ©decins français et Ă©trangers, la voie intĂ©grative qu’est l’endobiogĂ©nie apporte des moyens simples Ă  mettre en oeuvre rapidement  » .

 

Dans un systĂšme de santĂ© qui comporte de nombreuses rigiditĂ©s, comment promouvoir cette conception et cette pratique nouvelle ? A cet Ă©gard, un article rĂ©cemment paru dans Le Monde (14 mars 2012) vient nous encourager. Sous la signature de Luc Montagnier, prix Nobel de mĂ©decine en 2008 (7) et FrĂ©dĂ©ric Bizard, consultant et maĂźtre de confĂ©rences Ă  Sciences Po, cet article ouvre la voie : « Anticipons le passage d’une mĂ©decine curative Ă  une mĂ©decine prĂ©ventive ». On peut y lire : « D’une approche verticale et segmentĂ©e nous devons passer Ă  une vision transversale de la santĂ©. D’une mĂ©decine Ă  dominante curative au siĂšcle dernier, nous passons Ă  la mĂ©decine 4p : prĂ©ventive, prĂ©dictive, personnalisĂ©e, participative, ce qui modifie fondamentalement le « logiciel » du systĂšme
. L’approche transversale de la santĂ© et de la mĂ©decine 4p doit s’accompagner d’une rĂ©novation de notre systĂšme de santĂ© avec une approche holistique des soins fondĂ©e sur la personne et les relations interpersonnelles. D’un systĂšme centrĂ© sur la maladie, il faut Ă©voluer vers un systĂšme centrĂ© sur la personne, sur la santé ».

 

Tout ce que nous avons appris de l’endobiogĂ©nie la situe potentiellement au cƓur de ce front pionnier. Mobilisons-nous en faveur de cette mĂ©decine d’espoir !

 

JH

 

(1)            Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La médecine personnalisée. Retrouver et garder la santé. Odile Jacob, 2012.

(2)            Tournier (Paul). La médecine de la personne. Delachaux Niestlé, 1940  http://www.paultournier.org/mdlp.html

(3)            Pour en savoir davantage sur la situation de la phytothĂ©rapie clinique et de l’endobiogĂ©nie en France, les conditions d’accĂšs Ă  cette mĂ©decine, une association active des usagers : Phyto 2000. Site : www.phyto2000.org

(4)            Sicard (Didier). La mĂ©decine sans le corps. Une nouvelle rĂ©flexion Ă©thique. Plon, 2002. PersonnalitĂ© reconnue dans le domaine de la mĂ©decine et de l’éthique, Didier Sicard dĂ©nonce les usages abusifs et tentaculaires de la technologie au dĂ©triment d’une reconnaissance et d’une prise en compte globale du patient.

(5)            Moltmann (JĂŒrgen). Dieu dans la crĂ©ation. TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation. Cerf, 1988.  Citations : p 51 et p 25. Un blog consacrĂ© Ă  la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com

(6)            Janssen (Thierry). La solution intĂ©rieure. Vers une nouvelle mĂ©decine du corps et de l’esprit. Fayard, 2006.  Mise en perspective sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html

(7)            Luc Montagnier est l’auteur d’un livre : Montagnier (Luc). Les combats de la vie. Mieux que guĂ©rir : prĂ©venir. Lattes, 2008.  Mise en perspective sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/aujourd-hui-prix-nobel-luc-montagnier-preconise-une-nouvelle-approche-de-la-medecine.html

Entraidons-nous en réseau !

HélÚne est professeur. Elle me rapporte les difficultés vécues par une de ses collÚgues.

Jeune « prof », Isabelle vient d’arriver dans un Ă©tablissement expĂ©rimental qui se veut exigeant. Quelque part, elle ne se trouve pas soutenue. En tout cas, elle se trouve en situation difficile en raison d’un problĂšme de santĂ©. Il y a quelques mois : extinction de voix et laryngite : traitement classique avec antibiotiques, congĂ© de maladie. RĂ©tablissement, puis rechute.  MĂȘme traitement
et puis encore rechute
Dans ce contexte, sa vie professionnelle est contrariĂ©e, sinon compromise.

HĂ©lĂšne est amicale et attentive. Elle encourage Isabelle. Elle cherche Ă  l’aider. Elle sait que sa situation n’est pas facile et qu’elle donne mĂȘme une occasion Ă  tel ou tel collĂšgue de manifester, Ă  son Ă©gard, une forme d’agressivitĂ©. Elle ne serait pas Ă  la hauteur ! La prĂ©sence amicale d’HĂ©lĂšne soutient Isabelle.

Et pourtant, HĂ©lĂšne se rend compte  des limites de son aide. En effet, les problĂšmes de santĂ© que rencontre Isabelle peuvent ĂȘtre envisagĂ©s dans diffĂ©rentes dimensions : physique, psychologique, spirituelle. Ils sont liĂ©s Ă  un environnement.

D’aprĂšs de nombreux exemples rapportĂ©s aujourd’hui par la presse, on sait combien le stress peut aujourd’hui se manifester dans des situations de travail. L’individu est soumis Ă  de fortes attentes auxquelles il n’est pas toujours capable de faire face. C’est dire la responsabilitĂ© de l’encadrement. Qu’en est-il dans l’Education Nationale ?

Il y a aussi une responsabilitĂ© de la mĂ©decine classique. Trop souvent, elle s’arrĂȘte au symptĂŽme et cherche uniquement Ă  y remĂ©dier. Une pathologie : un mĂ©dicament. On oublie la dimension globale de l’organisme. Dans un livre rĂ©cent sur « la mĂ©decine personnalisĂ©e » (1), les auteurs donnent un bon exemple : des otites Ă  rĂ©pĂ©tition chez un jeune enfant.  Le mĂ©decin soigne l’oreille, mais cela ne suffit pas, car la congestion est en lien avec l’état gĂ©nĂ©ral. On a besoin d’une mĂ©decine « holistique », intĂ©grative. Et puis, il y aussi la dimension psychosomatique des troubles de santĂ©. Est-elle vraiment prise en compte ?

Il y a Ă©galement un lien entre affect psychologique et vie spirituelle. Comme chrĂ©tienne, HĂ©lĂšne sait combien la relation avec une prĂ©sence aimante de Dieu change notre attitude. A maintes reprises, elle a expĂ©rimentĂ© l’aide reçue en rĂ©ponse Ă  la priĂšre. Aujourd’hui, beaucoup de gens ne sont pas « religieux », mais ils sont en chemin, en attente de dĂ©couvertes spirituelles. Directement ou indirectement, ils peuvent entendre le tĂ©moignage d’HĂ©lĂšne. Mais comment aller plus loin ? Dans quel environnement social, peuvent ils ĂȘtre accueillis dan une vraie convivialitĂ©, dans le respect et en toute liberté ? HĂ©lĂšne se rend compte que, dans bien des communautĂ©s, les mentalitĂ©s restent encore trĂšs Ă©troites. Et, par exemple, si Isabelle vit en couple avec un compagnon, dans une dĂ©marche commune d’amour rĂ©ciproque, cette situation Ă©chappe Ă  la comprĂ©hension de certains milieux pour lesquels seul le mariage classique est lĂ©gitime. Comment pourrait-elle ĂȘtre accueillie dans une communautĂ© de ce type !

 

Nous vivons dans un monde en pleine mutation culturelle. Dans beaucoup de domaines, les institutions peinent à suivre. C’est ce qu’on peut entrevoir à travers la situation d’Isabelle.

 

Alors sur tous les plans, entraidons-nous et entraidons-nous en réseau ! Cherchons ensemble les réponses à nos besoins ! Partageons les bonnes ressources, les bonnes adresses, le recours aux personnes dignes de confiance

 

Qu’il en soit de mĂȘme sur le plan de la vie chrĂ©tienne. « Faisons Eglise » en rĂ©seau ! DĂ©veloppons et partageons des expressions nouvelles de la vie en Christ (2). Accueillons-nous les uns les autres  en dehors de tout esprit de frontiĂšre ! Reconnaissons la dynamique de l’Esprit qui donne la vie ! (3)

 

JH

 

(1)            Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La mĂ©decine personnalisĂ©e. Retrouver et garder la santĂ©. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : MĂ©decine d’avenir. MĂ©decine d’espoir.

(2)            On trouvera Ă  ce sujet des rĂ©flexions et des tĂ©moignages sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/index.php
 Par exemple : « Au milieu du tumulte de la ville «  http://www.temoins.com/innovations/interview-d-eve-soulain.html  et « l’expansion actuelle des « fresh expressions » http://www.temoins.com/innovations/l-expansion-actuelle-des-fresh-expressions-en-grande-bretagne-un-phenomene-impressionnant.html. Voir aussi sur ce blog : « Ensemble, en chemin (septembre 2011)

(3)            http://www.lespritquidonnelavie.com/

 

L’avenir inachevĂ© de Dieu. Pourquoi c’est important pour nous !

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Interview de JĂŒrgen Moltmann

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Dans son Ɠuvre thĂ©ologique inspirĂ©e par la parole biblique et en phase avec les questionnements de notre temps, JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond Ă  beaucoup de nos interrogations et c’est pourquoi sa pensĂ©e est trĂšs prĂ©sente sur ce blog (1). L’Ɠuvre de Moltmann est considĂ©rable (2). Dans cette interview, il rĂ©pond Ă  des questions qui  lui sont posĂ©es en prĂ©lude Ă  une confĂ©rence nationale thĂ©ologique organisĂ©e par le « Trinity College » aux Etats-Unis (3).

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moltmann
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Pour entrer plus profondĂ©ment dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann, on se reportera au livre : « De commencements en recommencements. Une dynamique de l’espĂ©rance » (4). Nous renvoyons Ă©galement au blog : « L’Esprit qui donne la vie » qui se donne pour but de prĂ©senter la pensĂ©e de Moltmann en termes accessibles Ă  tous (5).

Nous prĂ©sentons ici les grands thĂšmes de son interview dans une transposition en français qui cherche Ă  rendre compte de l’orientation de sa pensĂ©e Ă  partir d’extraits de ses propos.

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Dans la fin, un commencement

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Les derniers mots de Dietrich Bonhoeffer, avant d’ĂȘtre conduit Ă  la potence, ont Ă©té : « C’est la fin. Pour moi, le commencement de la vie ». Dans la fin, il y a un commencement nouveau. Si vous cherchez un nouveau commencement, il viendra Ă  vous. Je suis convaincu que, dans la fin, il y a un nouveau commencement qui est cachĂ©. J’ai fait cette expĂ©rience dans ma vie Ă  ses dĂ©buts dans le gigantesque incendie de Hambourg et le camp de prisonniers oĂč j’étais dĂ©tenu. Dans la fin, vous devez regarder en avant et ne jamais abandonner.

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L’eschatologie : la puissance de vie de l’espĂ©rance.

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L’eschatologie est un mot qui peut paraĂźtre Ă©trange. En fait, ce mot traduit la puissance de vie de l’espĂ©rance, une force qui permet de se relever aprĂšs une dĂ©faite et de recommencer. JĂŒrgen Moltmann montre un culbuto : ce petit bonhomme qui se redresse Ă  chaque fois qu’on le met par terre.

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L’eschatologie, un regard vers l’avenir

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L’eschatologie ne concerne pas seulement l’avenir, mais elle porte aussi sur la prĂ©sence actuelle de cet avenir. Si l’avenir, c’est la nouvelle crĂ©ation et la rĂ©surrection des morts, alors cette prĂ©sence est dĂ©jĂ  remplie par l’expĂ©rience de la rĂ©surrection. Nous expĂ©rimentons cette prĂ©sence de vie avant la mort dans l’esprit de la rĂ©surrection : ĂȘtre nĂ© Ă  nouveau dans une espĂ©rance vivante selon le Nouveau Testament. Cela nous donne la certitude de ressusciter aprĂšs la mort. Ainsi ce n’est pas une spĂ©culation. Ce n’est pas un dĂ©sir non fondĂ©, une imagination issue de notre dĂ©sir (« wishful thinking ». C’est le pouvoir de tenir bon.

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Non au catastrophisme

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Si nous nous attendons Ă  une catastrophe Ă  la fin du monde, comment pourrions-nous sauvegarder le monde d’aujourd’hui ? AprĂšs nous, le dĂ©luge ! Nos attentes modĂšlent toujours notre expĂ©rience du prĂ©sent et les dĂ©cisions que nous prenons. C’est pourquoi l’attente apocalyptique d’une catastrophe Ă  la fin de l’Histoire est particuliĂšrement dangereuse, car elle dĂ©truit ce qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ© au nom de Dieu, ici et maintenant.

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Une espĂ©rance Ă  l’Ɠuvre dans l’histoire humaine.

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Les aspirations humaines Ă  un Ă©panouissement de l’humanitĂ© constituent une attente ancienne qui est importante parce qu’elle reprĂ©sente un pont entre l’histoire humaine et la nouvelle crĂ©ation du monde. L’espĂ©rance chrĂ©tienne s’inscrit dans l’Histoire : travailler pour un monde meilleur ici et maintenant. Il y a un but dans l’Histoire parce que l’unicité  de Dieu s’incarne en Christ. Christ est le royaume de Dieu en personne. Il ne vient pas dans le temps, il le transforme. Suivre Christ, c’est travailler pour le royaume, partager sa mission messianique d’apporter l’Evangile aux pauvres, de guĂ©rir les malades, de libĂ©rer les opprimĂ©s.

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Comment JĂŒrgen Moltmann lit la Bible

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Dans la Bible, il y a la prĂ©sence de la Parole de Dieu dans un langage humain. Je ne dirai pas que chaque mot dans la Bible est une parole de Dieu. La Bible est un tĂ©moignage humain Ă  la prĂ©sence de la Parole de Dieu. Je lis et j’écoute ce que disent les psaumes, les prophĂštes, les apĂŽtres et les Ă©vangĂ©listes. J’y pense. Je compare. Puis je converse avec les auteurs pour trouver une solution Ă  mes problĂšmes. J’ai un grand respect pour la prĂ©sence de Dieu dans la Bible. J’ai aussi du respect pour ma conscience et le travail de mon intelligence. Je cherche une solution par rapport Ă  mes questions.

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Comment JĂŒrgen Moltmann Ă©labore sa pensĂ©e thĂ©ologique.

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La premiĂšre vertu thĂ©ologique est la curiositĂ©. Quand je rĂ©flĂ©chis sur un thĂšme, par exemple l’espĂ©rance, j’applique cette perspective Ă  diffĂ©rents sujets. Par exemple : A quoi ressemble la crĂ©ation dans une perspective d’espĂ©rance ? Ou bien  comment envisager l’histoire humaine sur ce registre ? Et comment considĂ©rer l’ĂȘtre humain sous cet angle ? C’est une approche un peu centrĂ©e, mais elle permet de dĂ©couvrir de nouvelles choses. De mĂȘme si vous pensez Ă  la souffrance de Christ et de Dieu sur la croix, vous pouvez, Ă  partir de lĂ , explorer le thĂšme de la souffrance. Dix ans plus tard, j’ai dĂ©veloppĂ© une doctrine sociale de la TrinitĂ©. La vie sociale, la sociabilitĂ© humaine devraient reflĂ©ter l’image de Dieu comme un Dieu relationnel, trois en un, trine .

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La représentation du temps

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Notre expĂ©rience du temps est celle d’un temps qui passe, un temps transitoire qui s’écoule nous laissant dĂ©pourvu. C’est ce que l’on dĂ©signe par le terme de « chronos » Mais Christ ne vient pas dans le temps. Il vient pour transformer le temps. Il transforme le temps en « kairos », une vie pleine, un temps qui dure en sa prĂ©sence. Nous faisons l’expĂ©rience de chronos. Ce que nous attendons dans l’Esprit de Dieu, c’est kairos. Ce que nous attendons, c’est une vie Ă©ternelle .En Christ, nous expĂ©rimentons un passage de chronos Ă  kairos. Chronos est en train de s’éloigner. Kairos est en train de venir.

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Le Royaume de Dieu : une réalité holistique.

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Dans le Royaume de Dieu, le divin et l’humain, le cĂ©leste et le terrestre s’entrelacent et s’interpĂ©nĂštrent. C’est la vision des prophĂštes d’IsraĂ«l et des apĂŽtres. Aucun aspect de la vie n’est sĂ©parĂ© de Dieu. Si on se focalise sur le salut de l’ñme, alors on nĂ©glige le salut social et le salut de la nature. Nous avons besoin d’une comprĂ©hension holistique du Royaume de Dieu qui est prĂ©sent partout. « Voici, je fais toutes choses nouvelles », peut-on lire dans le chapitre 21 de l’Apocalypse. C’est la promesse d’une nouvelle crĂ©ation.

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Le jugement dernier

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Dans le Nouveau Testament, il y a deux courants de pensĂ©e Ă  propos du jugement. D’une part, Matthieu et Marc, d’autre part l’apĂŽtre Paul. Ce dernier a globalement une pensĂ©e universaliste. A la fin, « toutes langues confesseront que JĂ©sus est Seigneur Ă  la gloire de Dieu le PĂšre ». Face Ă  ces diffĂ©rences d’apprĂ©ciation, on doit donc se former son propre jugement. Je pense que le jugement final n’a pas grand chose Ă  voir avec le Bien et le Mal, ou les bons et les mĂ©chants mais bien plus avec les victimes et les bourreaux. Nous devrions attendre ce jugement final avec joie parce que ce sera la victoire de la justice de Dieu. Cette justice, n’est pas une dĂ©nonciation : ceci est bon et ceci est mauvais, mais c’est une justice crĂ©atrice. Elle apporte la justice Ă  ceux qui ont souffert de la violence et elle apporte la justification aux pĂ©cheurs pour transformer les pĂ©cheurs en personnes justes. C’est un grand chantier thĂ©ologique que de christianiser la reprĂ©sentation du jugement final.

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Nous ne sommes pas Ă©trangers sur cette terre.

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L’espĂ©rance chrĂ©tienne, ce n’est pas d’aller au ciel, mais c’est la « rĂ©surrection de la chair et la vie du monde Ă  venir ». Le monde Ă  venir, c’est une nouvelle terre et un ciel nouveau, une situation oĂč la terre et le ciel se rencontrent. Cette espĂ©rance, ce n’est pas quitter le monde pour aller au ciel, parce que cette conception dĂ©tache les gens de la terre, de ce qui se passe ici et maintenant. Si notre patrie, notre « chez moi », n’est pas dans ce monde, mais au ciel, nous n’avons plus Ă  nous soucier de la terre. Nous sommes des hĂŽtes de passage, des Ă©trangers sur cette terre. Alors nous pouvons faire ce que nous voulons : exploiter la terre, dĂ©truire la terre. Cela n’est pas l’espĂ©rance chrĂ©tienne. C’est une autre religion.

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Le christianisme : non pas la condamnation, mais la vie

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Qui sommes-nous pour condamner quelqu’un ? Est-il possible de dire Ă  propos d’un fils incrĂ©dule: malheureusement, il ira en enfer. Je ne suis pas universaliste, car il y a quelques personnes que je n’aimerais pas retrouver. Mais Dieu peut l’ĂȘtre. Naturellement, il ne va pas abandonner une de ses crĂ©atures, mĂȘme si elle est pervertie. Il ne va pas abandonner sa crĂ©ature, mais la transformer. La religion chrĂ©tienne, ce n’est pas la condamnation. C’est la vie, la puissance de la vie, la puissance de l’amour.

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Une bonne nouvelle

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Nous recevons ces propos de JĂŒrgen Moltmann comme une bonne nouvelle. Dans un monde religieux oĂč, dans telle ou telle configuration, on peut percevoir de l’étroitesse de vue et de la violence, ces propos nous proposent une vision unifiante, pacifiante, une dynamique d’espĂ©rance et de vie.   « Que le Dieu de l’EspĂ©rance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi pour que vous abondiez en espĂ©rance par la puissance du Saint-Esprit ! ». JĂŒrgen Moltmann Ă©voque cette citation de l’épĂźtre aux Romains (15, 13) au dĂ©but d’un chapitre de son livre : « De commencements en recommencements ». Il Ă©crit : « L’avenir n’est pas un aspect du christianisme mais l’élĂ©ment de la foi qui se veut chrĂ©tienne
La foi est chrĂ©tienne lorsqu’elle est la foi de PĂąques. Avoir la foi, c’est vivre dans la prĂ©sence du Christ ressuscitĂ© et tendre vers le futur royaume de Dieu. C’est dans l’attente crĂ©atrice de la venue de Christ que nous faisons les expĂ©riences quotidiennes de la vie
 La foi qu’un autre monde est possible rend les chrĂ©tiens durablement capables de se tourner vers l’avenir » (6).

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J H

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(1)            Pourquoi ce blog ? https://vivreetesperer.com/?page_id=2  Sur ce blog, articles en rapport direct avec la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/?tag=jurgen-moltmann

(2)            On pourra suivre le développement de la pensée théologique de Moltmann dans son autobiographie : « A broad place ».  Mise en perspective de ce livre : « Une théologie pour notre temps » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

(3)            Interview de JĂŒrgen Moltman dans une vidĂ©o prĂ©sentĂ©e par le « Trinity Institute » Ă  l’occasion d’une 37Ăš confĂ©rence thĂ©ologique nationale aux Etats-Unis : « God’s unfinished future. Why it matters now » : http://www.trinitywallstreet.org/video/gods-unfinished-future-jurgen-moltmann-interview  Cette interview, rĂ©alisĂ©e au domicile de JĂŒrgen Moltmann dans son cadre familier  n’exprime pas seulement quelques rĂ©flexions profondes. Elle nous permet aussi d’entrer en contact avec une personnalitĂ© empathique.

(4)            Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte Temps prĂ©sent, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espĂ©rance »  https://vivreetesperer.com/?p=572

(5)            Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie. RĂ©flĂ©chir et mĂ©diter avec JĂŒrgen Moltmann » : http://www.lespritquidonnelavie.com/

(6)            In : « De commencements en recommencements » p 110

Une Ă©motion Ă  surmonter : la peur

Une approche psycho-spirituelle de Thomas d’Ansembourg

Si on compte sept Ă©motions de base parmi lesquelles la peur, la colĂšre, la tristesse, la joie, la peur est l’une de celles qui est la plus difficile Ă  gĂ©rer. Dans une sĂ©rie de courtes vidĂ©os interview chez les « dominicains de Belgique », Thomas d’Ansembourg dont on sait sur ce blog combien son apport (1) est innovant et encourageant, parle de plusieurs Ă©motions et ici de la peur (2). Son enseignement est prĂ©cieux.

https://youtu.be/ujFSylfXkJA

La peur, un indicateur Ă  prendre en compte

 « La peur est une des Ă©motions les plus rĂ©currentes. Elle indique bien sĂ»r un besoin de sĂ©curitĂ©. Lorsque nous avons peur, c’est que nous ne nous sentons pas en sĂ©curitĂ©. Le besoin de sĂ©curitĂ© est fondamental pour tout ĂȘtre vivant et, bien sur, particuliĂšrement pour nous, ĂȘtres humains qui sommes assez fragiles et donc, nous avons besoin de savoir comment prendre soin de notre besoin de sĂ©curitĂ© qui peut se vivre sur diffĂ©rents plans. Ce peut-ĂȘtre un besoin de sĂ©curitĂ© physique, un besoin de sĂ©curitĂ© matĂ©rielle ou un besoin de sĂ©curitĂ© affective et relationnelle ».

Thomas d’Ansembourg envisage la peur comme un clignotant (un clignotant sur un tableau de bord), « un clignotant par rapport Ă  un besoin qui n’est pas satisfait, le besoin de sĂ©curité ». « Pour pouvoir dĂ©passer la peur, cela nous demande de pouvoir l’écouter ». Thomas nous invite Ă  visualiser cette attitude d’écoute par le geste de rapprocher une chaise, « pouvoir nous asseoir Ă  cotĂ© de notre peur » et dialoguer avec elle. « Viens ici ma peur. Qu’est ce que tu as Ă  me dire ? C’est quoi ton message ? ». « Et la plupart du temps, si j’écoute, je vais recevoir son message : j’aurais besoin de faire confiance dans la vie, de faire confiance dans les gens, de faire confiance Ă  mon ‘enfant’, de faire confiance Ă  moi ». Elargir notre champ de. discernement
 « Assez souvent, la peur renseigne sur un besoin d’estime de soi. L’estime de soi, ce n’est pas un petit besoin. 90% de la population Ă©prouve un besoin d’estime de soi. C’est un besoin que j’ai eu moi-mĂȘme Ă  travailler en entrant en thĂ©rapie : trouver une juste estime de moi. Pour ce qui est d’avoir peur de la pression sociale des jugements, des critiques et d’arriver Ă  trouver sa façon, son autonomie, nous avons besoin d’apprendre ».

La peur peut ĂȘtre apprivoisĂ©e Ă  travers des dialogues rĂ©guliers. « La peur est comme un chien de garde dans une maison. Elle nous avertit d’un danger. Peut-ĂȘtre que tu vas trop vite, peut-ĂȘtre trop lentement. Fais attention Ă  ceci. Fais attention Ă  cela. On va Ă©couter le message du chien de garde. Cela, c’est le dialogue intĂ©rieur. Et ensuite, j’ai compris le message et alors je renvoie la peur parce que j’ai compris.

Ce qui est prĂ©cieux, ce n’est pas de ne pas avoir peur. C’est ne pas avoir peur d’avoir peur. Nous pouvons acquĂ©rir une plus grande capacitĂ© de cohabiter avec cette Ă©motion, Ă  la dĂ©passer. Le risque, c’est que le chien de garde prenne toute la place. Beaucoup de gens sont terrorisĂ©s par la peur. Ecouter le message, ajuster le comportement, reconnaĂźtre la peur pour sa fonction, cela ne tombe pas du ciel. Ce sont des apprentissages Ă  faire petit Ă  petit ».

 

Une confiance à développer

 Thomas d’Ansembourg nous propose une vision positive : « Dans mon expĂ©rience d’accompagnement des personnes
 je rĂ©alise que l’enjeu est de taille : Nous avons Ă  faire confiance dans la beautĂ© et la bontĂ© de la Vie. La maman qui a peur de tout, qui a peur que tout arrive, qui interdit aux enfants de sortir, est bien intentionnĂ©e, mais elle est tellement terrorisĂ©e qu’elle n’a pas confiance dans la vie. Elle pourrait Ă©touffer ses enfants et casser leur confiance en soi. Elle a donc besoin, pour encourager leur confiance en soi, de retrouver elle-mĂȘme la confiance en elle. J’ai besoin d’apprendre Ă  faire confiance dans la Vie. La Vie ne veut pas du mal. La Vie veut du bien. Et donc, il y a une dimension spirituelle de la peur. Plus nous entrerons dans une connaissance profonde de nous-mĂȘme, la dimension du souffle qui nous habite, la dimension d’appartenance Ă  ce projet magnifique qui va bien au delĂ  de nous et qu’on appelle la Vie, plus nous frĂ©quenterons les rĂ©gions qu’on appelle Dieu, mais qu’on peut appeler l’Infini ou le Tout,  plus nous sentirons que tout cela est soutenant, aimant et nous veut du bien. Inversement, en pensant Ă  ma pratique, quand on n’a pas conscience de cela, quand nous nous sentons seuls, coupĂ©s, sans appartenance, alors nous commençons Ă  avoir peur de tout. Il y a donc une dimension d’ouverture psycho-spirituelle qui nous permet
 de tabler profondĂ©ment de tout son ĂȘtre sur le fait que la vie nous veut du bien et d’entrer dans une voie d’expansion de nous-mĂȘme ».

 

Des chemins différents

 L’interviewer pose alors une question Ă  Thomas d’Ansembourg : « Certains d’entre nous ont plus peur que d’autres . Comment peut-on expliquer cela ? C’est notre histoire personnelle ? Ce sont nos blessures ? ». « Il y a tout un cocktail d’élĂ©ments dans ce genre de choses : notre histoire personnelle, la maniĂšre dont on a grandi. Il y a les modĂšles qu’ont donnĂ© les parents (plutĂŽt inquiets ou plutĂŽt confiants
). Cela est trĂšs impressionnant, cela fait impression ». Les parents peuvent se demander « quels modĂšles ils donnent Ă  leurs enfants : modĂšles de peur ou modĂšles de confiance, d’expansion, d’ouverture » 

« Arrivons-nous complĂštement indemnes ?… Je trouve intĂ©ressant d’ouvrir cette possibilitĂ©. Peut-ĂȘtre que je peux observer cela pour le dĂ©manteler petit Ă  petit. Nous avons un libre examen. Et si nous prenons conscience de nos peurs, nous pouvons les dĂ©manteler » . L’interviewer Ă©voque la psychologie transgĂ©nĂ©rationnelle. « Effectivement, nous pouvons reproduire des scĂ©narios qui ont Ă©tĂ© vĂ©cu par nos grands-parents, nos arriĂšre grands-parents et mĂȘme des grands oncles. Donc c’est intĂ©ressant de ne pas subir l’avenir, de ne pas dire : je suis comme cela, je ne changerai pas. Non, nous avons un pouvoir de transformation considĂ©rable si nous portons les choses Ă  la conscience et c’est cela l’enjeu  »

 

Un message de confiance

« L’idĂ©e que je porte chĂšrement dans mon cƓur, c’est que nous avons la capacitĂ© de traverser les dĂ©fis qui nous gĂȘnent. J’en suis convaincu. L’image de l’oiseau sur la branche peut nous aider. L’oiseau sur la branche n’a pas tellement confiance dans la branche parce qu’elle pourrait casser Ă  tout moment, car fragile, un peu pourrie
 L’oiseau a surtout confiance dans sa capacitĂ© de reprendre son envol si jamais la branche tombe. C’est Ă  cela que j’invite les personnes : prendre conscience dans notre capacitĂ© Ă  reprendre notre envol, Ă  rouvrir nos ailes Ă  dĂ©passer les risques, si jamais risque il y avait.

LĂ , il y a vraiment la capacitĂ© d’un citoyen beaucoup plus inspirĂ© et donc inspirant, un citoyen beaucoup plus pacifiĂ© et donc pacifiant parce qu’il a acquis cette confiance en soi, qu’il n’est plus dans le stress, l’agitation qui gĂ©nĂšrent tellement de confusion aujourd’hui. »

La peur s’exprime parfois collectivement. Ainsi l’interviewer Ă©voque le racisme. N’est-ce pas la peur de l’altĂ©ritĂ©, de la diffĂ©rence ? « Oui, bien sur, c’est une forme de peur : racisme, intĂ©grisme, radicalisme, retour Ă  la lettre du texte, aux traditions du passé  Tout cela c’est la peur de l’ouverture, du cheminement, de l’éveil, de la transformation
 C’est une difficultĂ© Ă  accepter la nouveautĂ©, le changement, la vie telle qu’elle et non pas telle qu’on voudrait qu’elle soit, accepter le cours des choses, ĂȘtre joyeux de ce qui est plutĂŽt que de ce qui n’est pas… Donc on voit bien qu’il y a un travail psycho-spirituel de connaissance de soi, d’élargissement du discernement, d’ancrage dans nos valeurs, d’ouverture Ă  la vie spirituelle qui peut nous aider Ă  dĂ©passer la peur sans la nier, mais Ă  la dĂ©passer, pour mieux vivre, une vie plus valide, plus gĂ©nĂ©reuse  ».

Cette interview de Thomas d’Ansembourg est une ressource qui vient nous aider Ă  affronter nos ressentis de peur. Elle est accessible et ouverte Ă  tous. Le message chrĂ©tien nous invite Ă©galement Ă  ne pas craindre et Ă  faire confiance. « Ne crains pas » est un des appels les plus rĂ©pandus dans la parole biblique. Il est trĂšs prĂ©sent dans l’Évangile. Ainsi parle JĂ©sus : « Ne crains pas. Crois seulement » (Marc 5.36)(3). Ici, le remĂšde Ă  la peur, c’est la confiance, cette derniĂšre Ă©tant prĂ©sente dans l’étymologie du mot croire (4). Sur ce blog, on trouvera un tĂ©moignage d’Odile Hassenforder qui raconte, combien, dans une Ă©preuve de santĂ©, elle a Ă©tĂ© encouragĂ©e par quelqu’un qui ne disait pas aux autres : « bon courage », mais « confiance », « Dame confiance »  (5). L’élan de vie dont parle Thomas d’Ansembourg rejoint cette inspiration. Cette interview sur la peur comme Ă©motion nous entraine dans une dĂ©marche psycho-spirituelle.

J H

  1. Thomas d’Ansembourg, sur le blog : Vivre et espĂ©rer : « Face Ă  la violence, apprendre la paix » (avec des liens aux autres interviews de Thomas d’Ansembourg sur ce blog) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-apprendre-la-paix/
  2. Interview de Thomas d’Ansembourg sur la peur  chez les dominicains de Belgique : https://www.youtube.com/watch?v=ujFSylfXkJA
  3. « Ne crains pas. Crois seulement » Un commentaire : https://passlemot.topchretien.com/ne-crains-pas-crois-seulement-mc-536-la-foi-nechou/
  4. A propos du verbe croire : https://www.rabbin-daniel-farhi.com/ambiguite-du-verbe-croire/1021
  5. « Dame confiance » sur : Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/dame-confiance/ Un écho à cet article : « Un message qui passe à travers les rencontres » : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/

Avant toute chose, la vie est bonne !

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51auQ7srgSL._SX195_.jpgSi tu vis, c’est beau que tu existes !

L’émerveillement est le fondement de l’existence.

Propos de Bertrand Vergely

Dans son livre : « Retour Ă  l’émerveillement » (1), Bertrand Vergely ouvre notre regard et notre horizon : « Qui s’émerveille n’est pas indiffĂ©rent. Il est ouvert au monde, Ă  l’humanitĂ©, Ă  l’existence. Il rend possible un lien Ă  ceux-ci » (p 9). InvitĂ© par le rĂ©seau Picpus (2) dans le cadre d’une sĂ©ance : « Lire aux Eclats », dans une courte intervention enregistrĂ©e en vidĂ©o, Bertrand Vergely revient sur cet ouvrage (3) . Et, en termes passionnĂ©s, il nous communique sa vision de la vie. C’est une vision qui rompt avec le marasme ambiant, une invitation Ă  la vie et l’espĂ©rance (4).

Ainsi, en quelques mots, nous retrace-t-il son parcours. Venant d’une enfance heureuse et Ă©clairĂ©e, il s’est trouvĂ© ensuite confrontĂ© Ă  « un monde en colĂšre, malheureux, triste, rĂ©volté ».  (Dans mon enfance et ma premiĂšre jeunesse), j’ai vĂ©cu dans un monde qui Ă©tait marquĂ© par la joie de vivre, par une mĂšre formidable. J’ai grandi dans la beautĂ© de l’église orthodoxe. J’ai eu le sentiment incroyable de la beautĂ© de la vie  »

Et ensuite, ce fut un choc : « J’ai dĂ©barquĂ© avec effroi dans un monde qui ignorait tout de la beautĂ© de la vie, dans un monde trĂšs en colĂšre contre l’existence. J’ai vu des gens tellement fĂąchĂ©s Ă  l’égard de l’existence qu’ils Ă©taient totalement fĂąchĂ©s avec Dieu
 J’ai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ© par le nihilisme, le dĂ©sespoir de notre Ă©poque ». Dans cette colĂšre, Bertrand Vergely perçoit aussi une recherche de sens : « Qu’est ce que nous faisons sur terre ? Pourquoi est-ce que nous sommes là ? D’oĂč venons-nous ? OĂč allons-nous ? Est-ce que l’homme a une identité ? Est-ce qu’il est porteur de quelque chose ?

Et, comme philosophe, il entre en mouvement pour y rĂ©pondre. « Il faut absolument dire Ă  ce monde que la vie vaut la peine d’ĂȘtre vĂ©cue. J’ai revisitĂ© la tradition philosophique. J’ai essayé  d’expliquer pourquoi il fallait absolument revenir aux fondamentaux de l’existence. J’ai essayĂ© de dire une chose que Platon a trĂšs bien expliquĂ© au livre 6 de « La RĂ©publique », c’est que l’émerveillement est le fondement de l’existence. En termes mĂ©taphysiques, Platon a exprimĂ© une vĂ©ritĂ© qui est une vĂ©ritĂ© religieuse. L’essence du monde, c’est la beautĂ©. C’est cela qui tient le monde en Ă©quilibre ».

Pourquoi Dieu a-t-il crĂ©Ă© le monde ? Parce que c’est beau ! Si tu vis, c’est beau que tu existes ! Pourquoi fait-on des enfants ? Parce que c’est beau ! Nous venons de la beautĂ©. L’émerveillement devant la beautĂ©, c’est ce qui donne du sens au monde ».

Alors, dans un milieu marqué  par le pessimisme, Bertrand Vergely interpelle ses interlocuteurs. « Tu vas avoir une vie Ă  construire. Tu vas avoir des enfants Ă  Ă©lever. Qu’est ce que tu vas leur dire ?: « Tu viens de rien. Tu vas vers rien. Tu es porteur de rien » ou bien : « Tout est foutu, mais il faut y aller quand mĂȘme ». Et, en regard, il proclame : « Moi, je dis une chose. Tu viens de choses extraordinaires. Tu vas vers des choses extraordinaires. Tu es porteur de choses tout Ă  fait extraordinaires ».

Bien sĂ»r, dans la vie, il y a des difficultĂ©s Ă  traverser, des Ă©preuves Ă  affronter.  Mais, « avant toute chose, la vie est bonne ! Avant toute chose, il est magnifique que nous soyons là ! Ensuite, on peut discuter parce qu’il arrive quantitĂ© de choses dans l’existence. Et, Ă  un moment, tout n’est pas merveilleux, tout n’est pas magnifique ! » . Alors, pour faire face, « il convient de retrouver nos racines ». « Il est trĂšs important de retrouver les sources de notre existence » (5). « Nous sommes dans un monde qui a perdu la connaissance de lui-mĂȘme ». A certains moments, « nous avons Ă©tĂ© Ă©merveillĂ©s par la vie ». « Nous avons en nous une part d’émerveillement ». « Si nous luttons contre le mal qui existe Ă  l’intĂ©rieur du monde, c’est parce que, quelque part, nous avons en nous ce souvenir de l’émerveillement ». Saint Augustin a dit : « Si tu ne te souvenais pas de ton bonheur, tu ne te souviendrais pas de toi mĂȘme ».

Bertrand Vergely nous invite Ă  revisiter « la magnifique tradition biblique, Ă©vangĂ©lique oĂč Dieu crĂ©e le monde ». «  D’abord, il y a un Dieu. On ne vient pas de rien. On vient d’une volontĂ© qui veut que le monde soit et d’un Dieu qui se rĂ©jouit que le monde soit ». Il y a « quelque chose de magnifique qui veut que la joie se perpĂ©tue ». « Vivre, c’est cĂ©lĂ©brer l’existence ! ».

Ce sont lĂ  des propos percutants. On aime entendre ce parler direct dans la bouche d’un  philosophe, auteur de nombreux livres concernant la  philosophie. Celle-ci n’est plus seulement une affaire d’intellectuels ou de spĂ©cialistes, elle est aujourd’hui de plus en plus en prise avec les questions de la vie quotidienne. Et Bertrand Vergely poursuit Ă©galement une rĂ©flexion sur le bonheur (6). Les propos que nous venons d’entendre nous invitent Ă  revisiter son livre : « Retour Ă  l’émerveillement ».  Bertrand Vergely nous appelle Ă  entrer dans une dynamique de vie (7). « Avant toute chose, la vie est belle ! Il est magnifique que nous soyons là ! La vie vaut la peine d’ĂȘtre vĂ©cue ! ».

J H

 

(1)            Vergely (Bertrand). Retour Ă  l’émerveillement. Albin Michel, 2010 (Essais clĂ©s). Voir sur ce blog : « Emerveillement. Un regard nouveau » : https://vivreetesperer.com/?p=17 Bertrand Vergely est l’auteur de nombreux livres. Il expose sa pensĂ©e Ă  travers une interview dans un livre rĂ©cent : « Regards sur notre monde ». Entretiens d’Anne Christine Fournier avec RĂ©my Brague, Jean-Luc Marion, Edgar Morin, Eric de Rosny, Bertrand Vergely. (Mame, 2012)

(2)            « RĂ©seau Picpus, mouvement picpusien des jeunes, est nĂ© Ă  l’intuition de religieux de la  CongrĂ©gation des SacrĂ©s-CƓurs de Picpus qui ont souhaitĂ© offrir Ă  des Ă©tudiants et jeunes professionnels un espace d’enrichissement mutuel Ă  partir de leurs attentes. Ainsi, Ă  partir d’un panel d’entrĂ©es possibles (artistiques, culturelles, spirituelles) s’ouvre l’occasion d’une appropriation personnelle de la foi ». Ce rĂ©seau est trĂšs actif sur internet en y prĂ©sentant de nombreuses vidĂ©os : gospel, rencontre avec des personnalitĂ©s
. http://www.reseau-picpus.com/

(3)            VidĂ©o : Echange et dĂ©bat avec Bertrand Vergely dans le cadre de la sĂ©ance : « Lire aux Eclats » du dimanche 11 dĂ©cembre 2011 Ă  partir de son livre sur l’émerveillement. Mise en ligne le 18 fĂ©vrier 2012 :

 

(4)            Sur un autre plan, cette révolte contre la pessimisme ambiant et cette dynamique de vie se trouvent dans le récent livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible ». Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour la France et pour le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=937

(5)            Dans un article prĂ©cĂ©dent : « La vie est un cadeau », nous rapportons l’expĂ©rience d’Odile Hassenforder qui, face Ă  une dure Ă©preuve de santĂ©, a continuĂ© Ă  recevoir la vie comme un cadeau en puisant Ă  la source : un Dieu bon, puissance de vie : https://vivreetesperer.com/?p=1085.

(6)            Vergely (Bertrand). Petite philosophie du bonheur. Milan, 2012

(7)            Dans la mĂȘme perspective, nous trouvons une inspiration dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann qui nous fait entrer dans une thĂ©ologie de l’espĂ©rance qui met en Ă©vidence une puissance de vie.  L’Esprit de Dieu est « l’Esprit qui donne la vie » . Voir le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com « Le Dieu vivant appelle toujours Ă  la vie, que nous vivions ou que nous mourions. Sa proximitĂ© vivifie toujours et partout ». Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espĂ©rance » : https://vivreetesperer.com/?p=572