par jean | Mar 31, 2012 | ARTICLES , Emergence écologique , Expérience de vie et relation |
« La mĂ©decine personnalisĂ©e » dâaprĂšs Jean-Claude Lapraz
Il Ă©tait venu, Ă bout de souffle en Ă©tat de fatigue chronique, une vie au minimum, sans vitalitĂ©. Jean-Claude Lapraz lui demanda : quâest-ce vous attendez de moi ? Que je puisse me dĂ©placer davantage … vivre. Ce fut le dĂ©but dâun parcours au cours duquel il gagna progressivement en santĂ©. Elle vint le voir, trĂšs affectĂ©e par lâapparition dâun cancer du sein. Il lâaida Ă garder un horizon de vie dans la traversĂ©e des alĂ©as successifs. Elle trouva en Jean-Claude Lapraz un accompagnement thĂ©rapeutique et une prĂ©sence amie qui lui permit de rĂ©sister pendant des annĂ©es Ă cette maladie et aux traitements lourds auxquels elle fut soumise. Marie-Laure de Clermont âTonnerre, journaliste, coauteur avec le docteur Jean-Claude Lapraz, du livre sur « la mĂ©decine personnalisĂ©e » (1) , raconte comment elle aussi dĂ©couvrit dans la rencontre avec ce mĂ©decin, une rĂ©ponse aux maux qui lâassaillaient et qui lâempĂȘchaient de vivre normalement. Et, derriĂšre les nombreux cas prĂ©sentĂ©s dans ce livre, du relativement banal au tragique, de lâotite Ă rĂ©pĂ©tition au cancer du foie, Ă chaque fois, on voit Ă lâĆuvre une approche mĂ©dicale qui, en dialogue avec le patient, va en profondeur dans la connaissance du fonctionnement du corps dans toutes ses interactions et qui ouvre en consĂ©quence un chemin de libĂ©ration . Cette approche mĂ©dicale suscite la confiance et lâespoir lĂ oĂč souvent il nây avait plus que lâangoisse et la rĂ©signation. LâefficacitĂ© de cette mĂ©decine tient Ă son adaptation au terrain de chacun.  Câest « une mĂ©decine personnalisĂ©e », mais cette approche requiert en consĂ©quence une attention personnelle pour chaque patient. Et ainsi pourrait-on reprendre parallĂšlement le vocable : « mĂ©decine de la personne » (2), dĂ©jĂ utilisĂ©, il y a des annĂ©es, par le Docteur Paul Tournier, dans la dĂ©signation dâun livre qui plaidait pour une relation de confiance entre le mĂ©decin et celui qui sâadresse Ă lui.
Une vision nouvelle de la médecine : la médecine de terrain .
Selon notre constitution, nous rĂ©agissons chacun diffĂ©remment Ă telle ou telle agression. « Une seule explication possible : lâĂ©tat de notre terrain  : « Lâensemble des facteurs gĂ©nĂ©tiques, physiologiques, tissulaires ou humoraux qui, chez un individu, favorisent la survenue dâune maladie ou en conditionne le pronostic » (Larousse). Câest dans cette perspective que cette nouvelle approche mĂ©dicale est mise en Ćuvre : « LâĂȘtre humain ne se limite pas Ă un simple assemblage de fonctions ou dâorganes sans lien entre eux. Il est un ĂȘtre vivant autonome et complet qui rĂ©agit Ă chaque instant comme un tout cohĂ©rent et doit sans cesse sâadapter⊠La mĂ©decine actuelle a fait Ă©clater le corps en ses multiples composants. En nĂ©gligeant de replacer chacun dâeux dans ses relations complexes avec les autres, elle a perdu la capacitĂ© dâĂ©tablir un diagnostic global de lâĂ©tat du patient. Il est donc temps aujourdâhui de proposer une approche mĂ©dicale qui mette en Ă©vidence les liens qui unissent le local au global et qui donnent une vĂ©ritable vision scientifique intĂ©grale du patient. Câest ce que nous dĂ©signons comme la conception endobiogĂ©nique du terrain » (p68).
« Le tout est plus que la somme des parties ». Le corps est perçu comme un ensemble de niveaux : « Chaque niveau, du gĂȘne au chromosome, du chromosome au noyau, du noyau Ă la cellule, de la cellule Ă lâorgane, de lâorgane Ă lâorganisme, possĂšde ses propres mĂ©canismes de fonctionnement, mais ils sont intĂ©grĂ©s et sous contrĂŽle du niveau supĂ©rieur, et, en fin de compte sous celui de lâensemble de lâorganisme. Si un niveau se dĂ©rĂšgle, il est important dâidentifier ce qui, en amont, a gĂ©nĂ©rĂ© le dĂ©rĂšglement et de comprendre comment celui-ci agira Ă son tour sur lâaval » (p 68-69).
Tout se tient. « Pour maintenir lâharmonie, il existe nĂ©cessairement une communication permanente entre chacun des Ă©lĂ©ments, chacune des parties qui nous constitue. Il faut donc quâen notre corps, ensemble vivant infiniment complexe, existe un coordonnateur qui gĂšre en permanence les liens qui unissent la cellule Ă lâorgane, lâorgane aux autres organes et les fonctions entre elles (p 70-71)⊠La vie ne peut se maintenir sâil nâexiste pas une cohĂ©rence et une finalitĂ© qui permette de faire fonctionner de façon harmonieuse les cellules et les organes de notre corps pour quâils se maintiennent en Ă©quilibre » (p70-71).
De fait, il existe bien une forme de « chef dâorchestre ». « Si lâorganisme est une maison , il a pour architecte, pour coordonnateur, pour rĂ©gulateur, le systĂšme hormonal ». Selon lâendobiogĂ©nie, « lâapproche endocrinienne du terrain est fondĂ©e sur la reconnaissance du role primordial et incontournable du systĂšme hormonal Ă tous les niveaux du corps humain. Câest lui qui gĂšre le mĂ©tabolisme, câest Ă dire la succession permanente et dynamique des phĂ©nomĂšnes de destruction (catabolisme), de reconstruction et de synthĂšse (anabolisme) qui se dĂ©roulent Ă chaque seconde en nousâŠÂ » (p 71).
Lâapproche endobiogĂ©nique sâappuie sur une interprĂ©tation nouvelle du fonctionnement du corps humain. Elle propose Ă©galement de nouveaux outils pour en comprendre concrĂštement le fonctionnement et pour pouvoir en consĂ©quence intervenir pour corriger et rĂ©guler.
« En partant dâune simple prise de sang comportant douze donnĂ©es biologiques (comme la numĂ©ration formule sanguine, le nombre des plaquettes sanguines, le dosage de deux enzymesâŠ), on peut construire un systĂšme Ă©tabli sur des algorithmes, tous basĂ©s sur des donnĂ©es incontestĂ©es de la physiologie qui font apparaĂźtre de nouveaux chiffres conduisant Ă une comprĂ©hension beaucoup plus large des phĂ©nomĂšnes Ă lâĆuvre dans le corps que ne le permet lâapproche purement analytique actuellement en vigueur. Câest la « biologie des fonctions » ⊠Ce systĂšme complexe, conçu par le Docteur Christian Duraffourd, a permis dâĂ©tablir quelques 172 index dâactivitĂ© endocrine, mĂ©tabolique, tissulaire, etc (par exemple : nĂ©crose cellulaire, rĂ©sistance Ă lâinsuline, remodelage osseux, immunitĂ©, stress oxydatif, dĂ©veloppement anormal cellulaire) (p 81-83). « Dans une goutte de sang, on peut voir lâindividu et son terrain ». La production de cet ensemble est un bond en avant impressionnant pour la comprĂ©hension de lâĂ©tat du patient.
Mais, dans la consultation, telle quâelle est pratiquĂ©e par les mĂ©decins qui se rĂ©clament de cette approche, dâautres donnĂ©es recueillies Ă travers lâĂ©coute et lâexamen clinique, viennent encore sây ajouter. Ces donnĂ©es viennent sâinscrire en regard de lâinterprĂ©tation endobiogĂ©nique. A partir de lĂ , le mĂ©decin peut prescrire un traitement appropriĂ© en faisant appel principalement aux plantes mĂ©dicinales . Lâusage de celles-ci permet dâĂ©viter la nocivitĂ© des effets secondaires que peuvent entraĂźner certains mĂ©dicaments de synthĂšse. Par ailleurs, la combinaison dâun certain nombre de plantes Ă activitĂ© synergique ou complĂ©mentaire induit un effet global important : « La sommation des petits effets que chacun va gĂ©nĂ©rer dans lâorganisme permet dâapporter une amĂ©lioration, puis une vraie guĂ©rison ».
Une pratique nouvelle de la médecine.
Â
Dans un chapitre entiĂšrement consacrĂ© Ă la    description du dĂ©roulement dâune consultation (p 101-134), Marie-Laure de Clermont-Tonnerre nous permet dâentrer dans la pratique de cette mĂ©decine et de la comprendre de lâintĂ©rieur. Elle nous dĂ©crit ce quâelle a vĂ©cu. A partir de sa propre perception des symptĂŽmes quâelle ressentait, quels ont Ă©tĂ© ses questionnements et ses besoins ? Comment a-t-elle pu sâexprimer et ĂȘtre entendue ? Comment a-t-elle reçu un dĂ©but dâexplication lui permettant de dĂ©couvrir une cohĂ©rence cachĂ©e derriĂšre lâensemble de ses symptĂŽmes ? En quoi, lâanalyse des index de la biologie des fonctions permet « de mettre en Ă©vidence de façon chiffrĂ©e les liens subtils qui existent entre les diffĂ©rents organes et fonctions du corps humain, amenant le mĂ©decin Ă une vision plus fine de lâĂ©tat rĂ©el du patient, lâaidant ainsi Ă diriger son traitement prĂ©ventif et curatif »? En quoi, trĂšs concrĂštement, lâexamen clinique, câest-Ă -dire lâauscultation dĂ©taillĂ©e selon une mĂ©thode prĂ©cise, apporte des renseignements prĂ©cieux sur la façon particuliĂšre dont le corps sâorganise et rĂ©agit ? Et enfin, comment le traitement est prescrit et commentĂ© en fonction de toutes les donnĂ©es ainsi recueillies ?
Ce chapitre est particuliĂšrement Ă©clairant, car nous pouvons beaucoup apprendre de cette Ă©tude de cas tant sur la maniĂšre dont les donnĂ©es sont recueillies que sur leur signification, tant sur lâinterprĂ©tation des dysfonctionnements que sur la stratĂ©gie adoptĂ©e pour y porter remĂšde. Cette consultation nâest pas seulement une situation dâordre technique, câest aussi le lieu dâune relation dans laquelle il y a un dialogue permettant une comprĂ©hension accrue de part et dâautre et ainsi une participation du patient. Comme en tĂ©moigne Marie-Laure, la qualitĂ© humaine du mĂ©decin est essentielle. La psychologie confirmant la sagesse, on sait aujourdâhui combien comprĂ©hension , empathie et encouragement ont un effet majeur sur lâĂ©volution ultĂ©rieure.
Tous ceux qui ont eu la grande chance de bĂ©nĂ©ficier de cette mĂ©decine apprĂ©cieront cette description et pourront y glaner des informations passĂ©es jusque lĂ inaperçues. Mais ce livre sâadresse Ă tous. Cette description riche et fine dâune consultation en mĂ©decine endobiogĂ©nique fait apparaĂźtre un univers de sens qui nous permet dâaccĂ©der Ă un niveau supĂ©rieur dâinformation et de conscience . Câest lĂ une source dâespoir et de confiance pour beaucoup. Nous avons dit combien, dans certains cas, elle est une ouverture qui libĂšre, et osons le mot, une mĂ©decine qui sauve.  Mais, en mettant en lumiĂšre les dysfonctionnements en formation, câest aussi une approche qui permet dây remĂ©dier Ă temps et donc dâexercer un rĂŽle de prĂ©vention .
Ainsi cette médecine a une double fonction : elle prévient et elle guérit. Comment ne pas militer en faveur de son développement !
Origine et devenir de la médecine endobiogénique.
Â
Lâapparition de la mĂ©decine endobiogĂ©nique nous apparaĂźt comme une transformation majeure dans la conception et la pratique de la mĂ©decine, ce quâen terme de sciences sociales, on peut appeler un nouveau « paradigme ». Mais si cette approche est actuellement mise en Ćuvre par un groupe de mĂ©decins encore trĂšs limitĂ© en nombre, comment est-elle apparue ? Le rĂ©cit de Jean-Claude Lapraz nous montre la genĂšse dâune prise de conscience : une insatisfaction de mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes vis Ă vis dâune pratique mĂ©dicale qui rĂ©pond ponctuellement, mais qui souvent ne parvient pas Ă soigner en profondeur ; en contact avec Jean Valnet , un chirurgien ayant dĂ©couvert en Indochine lâefficacitĂ© des plantes mĂ©dicinales, la reconnaissance de cet apport Ă travers une expĂ©rimentation concrĂšte ; au dĂ©but des annĂ©es 70, la conjonction de deux jeunes mĂ©decins, Christian Duraffourd et Jean-Claude Lapraz pour sâengager dans la voie nouvelle de la « phytothĂ©rapie clinique », câest Ă dire le recours Ă la plante mĂ©dicinale dans le cadre dâune approche globale et complĂšte de lâhomme et de sa physiologie.
Et puis ces idĂ©es ont essaimĂ©es, mais en France, en fonction des conservatismes ambiants, elles sont encore largement ignorĂ©es par les institutions officielles. Dans dâautres pays, par contre, lâapproche endobiogĂ©nique gagne en audience. Aujourdâhui, dans notre pays, si lâapproche endobiogĂ©nique est pratiquĂ©e par un nombre bien trop limitĂ©e de mĂ©decins, elle est soutenue par une association dâusagers : Phyto 2000 (3) et elle commence Ă se rĂ©pandre Ă travers des formations. Voici une mĂ©decine nouvelle dont on a vu lâefficacitĂ© et combien elle rĂ©pond aux attentes. Quâon ne laisse pas arrĂȘter par les frustrations que certains peuvent ressentir, en termes nĂ©gatifs, vis- Ă vis dâun potentiel qui leur paraĂźtrait actuellement hors de portĂ©e . Les auteurs situent Ă©galement cette mĂ©decine dans le contexte plus gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© en prenant position par rapport Ă toutes les menaces pour la santĂ©, depuis les dangers prĂ©sentĂ©s par certains produits de lâindustrie pharmaceutique jusquâĂ la pollution . A lâheure oĂč se pose Ă©galement le problĂšme du coĂ»t de la mĂ©decine, on peut Ă©galement mettre en avant les avantages dâune approche qui non seulement rĂ©vĂšle son efficacitĂ©, mais peut jouer un rĂŽle majeur en terme de prĂ©vention. Il y a donc un immense travail de promotion Ă rĂ©aliser . A cet Ă©gard, le livre publiĂ© par Jean-Claude Lapraz et Marie-Laure de Clermont-Tonnerre est un outil particuliĂšrement efficace, car dans un langage dynamique et efficace, il ouvre Ă tous un accĂšs Ă la comprĂ©hension de lâapproche endobiogĂ©nique.
Perspectives dâavenir.
Comment promouvoir lâendobiogĂ©nie ?
Dans la conclusion, les auteurs mettent en Ă©vidence un paradoxe : « Jamais le financement consacrĂ© Ă la recherche nâa Ă©tĂ© aussi gigantesque et jamais la technologie mĂ©dicale nâa fait autant de progrĂšs que pendant les deux derniĂšres dĂ©cennies⊠Pour autant, jamais la mĂ©decine nâa Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă une crise dâune telle ampleur et jamais le systĂšme de santĂ© nâa Ă©tĂ© si proche de lâĂ©clatement..
Devant des recherches qui peinent Ă obtenir les rĂ©sultats espĂ©rĂ©s malgrĂ© les sommes considĂ©rables englouties, une rĂ©flexion sâimpose : il faut reconsidĂ©rer les concepts de lâapproche du vivant qui fondent la mĂ©decine moderne . Si la voie pastorienne a donnĂ© des fruits incontestĂ©s, elle bute maintenant sur ses limites. En Ă©clatant lâhomme en ses multiples composantes, en dissociant la partie du tout et en ne la replaçant pas dans la globalitĂ©, elle nâest pas Ă mĂȘme de faire la synthĂšse, ni de remettre lâhomme au centre du systĂšme. Il est donc temps dâintroduire au cĆur de la mĂ©decine actuelle de nouveaux outils conceptuels rendant possible une vraie synthĂšse Ă tous les niveaux : Ă©coute du patient, examen du malade, approche des rĂ©sultats biologiques, conception du traitement, orientation de la recherche, mise au point de nouveaux mĂ©dicaments et mise en place dâune vraie prĂ©vention. Une des solutions pour la mĂ©decine de demain passe par la voie intĂ©grative sans rien renier des avancĂ©es apportĂ©es par la science analytique. BasĂ©e sur les donnĂ©es de la science et avec le recul de plus de quarante annĂ©e dâune pratique clinique confirmĂ©e par de nombreux mĂ©decins français et Ă©trangers, la voie intĂ©grative quâest lâendobiologie , apporte des moyens simples Ă mettre en Ćuvre rapidement.. » (p 312)
Nous vivons aujourdâhui dans le mouvement dâune mutation culturelle qui se dĂ©ploie Ă lâĂ©chelle du monde. Le champ de la conscience sâĂ©largit. Des barriĂšres tombent . On assiste aujourdâhui au recul dâune pensĂ©e cartĂ©sienne qui sĂ©parait lâesprit et le corps de lâhomme, lâhomme et la nature. On perçoit de plus en plus les limites dâune pensĂ©e analytique qui induit une pratique « en miettes ». Certes la volontĂ© de puissance de lâhomme est toujours lĂ et elle peut se manifester dans la fascination de la technologie (4). Mais on prend de plus en plus conscience des mĂ©faits dâune telle attitude dans laquelle lâhomme se pose en « maĂźtre et seigneur de la nature ». Au contraire la pensĂ©e Ă©cologique recherche une harmonisation entre lâhomme et la nature. Comme lâĂ©crit le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann (5), « Nous ne voulons plus connaĂźtre pour dominer, nous voulons connaĂźtre pour participer ». Et il ajoute : « Lâ « essence » de la crĂ©ation dans lâEsprit est la « collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de lâEsprit dans la mesure oĂč elles font connaĂźtre lâ « accord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (M.Buber) ». De plus en plus, les approches systĂ©miques, holistiques, intĂ©gratives sâimposent. De nouvelles synthĂšses sâĂ©laborent . A cet Ă©gard, le livre de Thierry Janssen : « La solution intĂ©rieure » (6) nous paraĂźt particuliĂšrement significatif. Thierry Janssen a quittĂ© sa profession de chirurgien pour entreprendre une grande enquĂȘte Ă travers le monde ayant pour objet dâĂ©tude : « la personne humaine comme agent de guĂ©rison » : Une mĂ©decine de lâesprit pour soigner le corps ; une mĂ©decine du corps pour soigner lâesprit oĂč il prĂ©sente lâapport de la mĂ©decine des Ă©nergies en provenance des pays dâAsie : Chine et Inde.
Le livre sur la mĂ©decine personnalisĂ©e devrait bĂ©nĂ©ficier de lâouverture des esprits aux perspectives nouvelles qui apparaissent aujourdâhui..  En mĂȘme temps, son ancrage dans les acquis de la science mĂ©dicale favorise sa rĂ©ception par les milieux professionnels. « BasĂ©e sur les donnĂ©es de la science et plus de quarante annĂ©es dâune pratique clinique confirmĂ©e par de nombreux mĂ©decins français et Ă©trangers, la voie intĂ©grative quâest lâendobiogĂ©nie apporte des moyens simples Ă mettre en oeuvre rapidementâŠÂ » .
Dans un systĂšme de santĂ© qui comporte de nombreuses rigiditĂ©s, comment promouvoir cette conception et cette pratique nouvelle ? A cet Ă©gard, un article rĂ©cemment paru dans Le Monde (14 mars 2012) vient nous encourager. Sous la signature de Luc Montagnier , prix Nobel de mĂ©decine en 2008 (7) et FrĂ©dĂ©ric Bizard , consultant et maĂźtre de confĂ©rences Ă Sciences Po, cet article ouvre la voie : « Anticipons le passage dâune mĂ©decine curative Ă une mĂ©decine prĂ©ventive ». On peut y lire : « Dâune approche verticale et segmentĂ©e nous devons passer Ă une vision transversale de la santĂ©. Dâune mĂ©decine Ă dominante curative au siĂšcle dernier, nous passons Ă la mĂ©decine 4p : prĂ©ventive, prĂ©dictive, personnalisĂ©e, participative , ce qui modifie fondamentalement le « logiciel » du systĂšmeâŠ. Lâapproche transversale de la santĂ© et de la mĂ©decine 4p doit sâaccompagner dâune rĂ©novation de notre systĂšme de santĂ© avec une approche holistique des soins fondĂ©e sur la personne et les relations interpersonnelles. Dâun systĂšme centrĂ© sur la maladie, il faut Ă©voluer vers un systĂšme centrĂ© sur la personne, sur la santé ».
Tout ce que nous avons appris de lâendobiogĂ©nie la situe potentiellement au cĆur de ce front pionnier. Mobilisons-nous en faveur de cette mĂ©decine dâespoir !
JH
(1)           Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La médecine personnalisée. Retrouver et garder la santé. Odile Jacob, 2012.
(2)           Tournier (Paul). La médecine de la personne. Delachaux Niestlé, 1940 http://www.paultournier.org/mdlp.html
(3)           Pour en savoir davantage sur la situation de la phytothĂ©rapie clinique et de lâendobiogĂ©nie en France, les conditions dâaccĂšs Ă cette mĂ©decine, une association active des usagers : Phyto 2000. Site : www.phyto2000.org
(4)           Sicard (Didier). La mĂ©decine sans le corps. Une nouvelle rĂ©flexion Ă©thique. Plon, 2002. PersonnalitĂ© reconnue dans le domaine de la mĂ©decine et de lâĂ©thique, Didier Sicard dĂ©nonce les usages abusifs et tentaculaires de la technologie au dĂ©triment dâune reconnaissance et dâune prise en compte globale du patient.
(5)           Moltmann (JĂŒrgen). Dieu dans la crĂ©ation. TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation. Cerf, 1988. Citations : p 51 et p 25. Un blog consacrĂ© Ă la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : http://www.lespritquidonnelavie.com
(6)           Janssen (Thierry). La solution intĂ©rieure. Vers une nouvelle mĂ©decine du corps et de lâesprit. Fayard, 2006. Mise en perspective sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-l-esprit.guerir-autrement.html
(7)           Luc Montagnier est lâauteur dâun livre : Montagnier (Luc). Les combats de la vie. Mieux que guĂ©rir : prĂ©venir. Lattes, 2008. Mise en perspective sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/developpement-personnel/aujourd-hui-prix-nobel-luc-montagnier-preconise-une-nouvelle-approche-de-la-medecine.html
par jean | Avr 2, 2012 | ARTICLES , Expérience de vie et relation |
HélÚne est professeur. Elle me rapporte les difficultés vécues par une de ses collÚgues.
Jeune « prof », Isabelle vient dâarriver dans un Ă©tablissement expĂ©rimental qui se veut exigeant. Quelque part, elle ne se trouve pas soutenue. En tout cas, elle se trouve en situation difficile en raison dâun problĂšme de santĂ©. Il y a quelques mois : extinction de voix et laryngite : traitement classique avec antibiotiques, congĂ© de maladie. RĂ©tablissement, puis rechute. MĂȘme traitementâŠet puis encore rechuteâŠDans ce contexte, sa vie professionnelle est contrariĂ©e, sinon compromise.
HĂ©lĂšne est amicale et attentive. Elle encourage Isabelle. Elle cherche Ă lâaider. Elle sait que sa situation nâest pas facile et quâelle donne mĂȘme une occasion Ă tel ou tel collĂšgue de manifester, Ă son Ă©gard, une forme dâagressivitĂ©. Elle ne serait pas Ă la hauteur ! La prĂ©sence amicale dâHĂ©lĂšne soutient Isabelle.
Et pourtant, HĂ©lĂšne se rend compte des limites de son aide. En effet, les problĂšmes de santĂ© que rencontre Isabelle peuvent ĂȘtre envisagĂ©s dans diffĂ©rentes dimensions : physique, psychologique, spirituelle. Ils sont liĂ©s Ă un environnement.
DâaprĂšs de nombreux exemples rapportĂ©s aujourdâhui par la presse, on sait combien le stress peut aujourdâhui se manifester dans des situations de travail . Lâindividu est soumis Ă de fortes attentes auxquelles il nâest pas toujours capable de faire face. Câest dire la responsabilitĂ© de lâencadrement. Quâen est-il dans lâEducation Nationale ?
Il y a aussi une responsabilitĂ© de la mĂ©decine classique. Trop souvent, elle sâarrĂȘte au symptĂŽme et cherche uniquement Ă y remĂ©dier. Une pathologie : un mĂ©dicament. On oublie la dimension globale de lâorganisme. Dans un livre rĂ©cent sur « la mĂ©decine personnalisĂ© e » (1), les auteurs donnent un bon exemple : des otites Ă rĂ©pĂ©tition chez un jeune enfant. Le mĂ©decin soigne lâoreille, mais cela ne suffit pas, car la congestion est en lien avec lâĂ©tat gĂ©nĂ©ral. On a besoin dâune mĂ©decine « holistique », intĂ©grative. Et puis, il y aussi la dimension psychosomatique des troubles de santĂ©. Est-elle vraiment prise en compte ?
Il y a Ă©galement un lien entre affect psychologique et vie spirituell e. Comme chrĂ©tienne, HĂ©lĂšne sait combien la relation avec une prĂ©sence aimante de Dieu change notre attitude. A maintes reprises, elle a expĂ©rimentĂ© lâaide reçue en rĂ©ponse Ă la priĂšre. Aujourdâhui, beaucoup de gens ne sont pas « religieux », mais ils sont en chemin, en attente de dĂ©couvertes spirituelles. Directement ou indirectement, ils peuvent entendre le tĂ©moignage dâHĂ©lĂšne. Mais comment aller plus loin ? Dans quel environnement social, peuvent ils ĂȘtre accueillis dan une vraie convivialitĂ©, dans le respect et en toute libertĂ©Â ? HĂ©lĂšne se rend compte que, dans bien des communautĂ©s, les mentalitĂ©s restent encore trĂšs Ă©troites. Et, par exemple, si Isabelle vit en couple avec un compagnon, dans une dĂ©marche commune dâamour rĂ©ciproque, cette situation Ă©chappe Ă la comprĂ©hension de certains milieux pour lesquels seul le mariage classique est lĂ©gitime. Comment pourrait-elle ĂȘtre accueillie dans une communautĂ© de ce type !
Nous vivons dans un monde en pleine mutation culturelle. Dans beaucoup de domaines, les institutions peinent Ă suivre. Câest ce quâon peut entrevoir Ă travers la situation dâIsabelle.
Â
Alors sur tous les plans, entraidons-nous et entraidons-nous en réseau ! Cherchons ensemble les réponses à nos besoins ! Partageons les bonnes ressources, les bonnes adresses, le recours aux personnes dignes de confiance
Quâil en soit de mĂȘme sur le plan de la vie chrĂ©tienne. « Faisons Eglise  » en rĂ©seau ! DĂ©veloppons et partageons des expressions nouvelles de la vie en Christ (2). Accueillons-nous les uns les autres  en dehors de tout esprit de frontiĂšre ! Reconnaissons la dynamique de lâEsprit qui donne la vie ! (3)
JH
(1)           Lapraz (Dr Jean-Claude), Clermont-Tonnerre (Marie-Laure de). La mĂ©decine personnalisĂ©e. Retrouver et garder la santĂ©. Odile Jacob, 2012. Sur ce blog : MĂ©decine dâavenir. MĂ©decine dâespoir.
(2)           On trouvera Ă ce sujet des rĂ©flexions et des tĂ©moignages sur le site de TĂ©moins : http://www.temoins.com/index.php ⊠Par exemple : « Au milieu du tumulte de la ville « http://www.temoins.com/innovations/interview-d-eve-soulain.html  et « lâexpansion actuelle des « fresh expressions » http://www.temoins.com/innovations/l-expansion-actuelle-des-fresh-expressions-en-grande-bretagne-un-phenomene-impressionnant.html . Voir aussi sur ce blog : « Ensemble, en chemin (septembre 2011)
(3)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â http://www.lespritquidonnelavie.com/
par jean | Juil 7, 2014 | ARTICLES , Vision et sens |
#
Interview de JĂŒrgen Moltmann
#
Dans son Ćuvre thĂ©ologique inspirĂ©e par la parole biblique et en phase avec les questionnements de notre temps, JĂŒrgen Moltmann rĂ©pond Ă beaucoup de nos interrogations et câest pourquoi sa pensĂ©e est trĂšs prĂ©sente sur ce blog (1). LâĆuvre de Moltmann est considĂ©rable (2). Dans cette interview, il rĂ©pond Ă des questions qui lui sont posĂ©es en prĂ©lude Ă une confĂ©rence nationale thĂ©ologique organisĂ©e par le « Trinity College » aux Etats-Unis (3).
#
#
Pour entrer plus profondĂ©ment dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann, on se reportera au livre : « De commencements en recommencements. Une dynamique de lâespĂ©rance  » (4). Nous renvoyons Ă©galement au blog : « LâEsprit qui donne la vie » qui se donne pour but de prĂ©senter la pensĂ©e de Moltmann en termes accessibles Ă tous (5).
Nous prĂ©sentons ici les grands thĂšmes de son interview dans une transposition en français qui cherche Ă rendre compte de lâorientation de sa pensĂ©e Ă partir dâextraits de ses propos.
#
Dans la fin, un commencement
#
Les derniers mots de Dietrich Bonhoeffer, avant dâĂȘtre conduit Ă la potence, ont Ă©tĂ©Â : « Câest la fin. Pour moi, le commencement de la vie ». Dans la fin, il y a un commencement nouveau. Si vous cherchez un nouveau commencement, il viendra Ă vous. Je suis convaincu que, dans la fin, il y a un nouveau commencement qui est cachĂ©. Jâai fait cette expĂ©rience dans ma vie Ă ses dĂ©buts dans le gigantesque incendie de Hambourg et le camp de prisonniers oĂč jâĂ©tais dĂ©tenu. Dans la fin, vous devez regarder en avant et ne jamais abandonner.
#
Lâeschatologie : la puissance de vie de lâespĂ©rance.
 #
Lâeschatologie est un mot qui peut paraĂźtre Ă©trange. En fait, ce mot traduit la puissance de vie de lâespĂ©rance, une force qui permet de se relever aprĂšs une dĂ©faite et de recommencer. JĂŒrgen Moltmann montre un culbuto : ce petit bonhomme qui se redresse Ă chaque fois quâon le met par terre.
 #
Lâeschatologie, un regard vers lâavenir
#
Lâeschatologie ne concerne pas seulement lâavenir, mais elle porte aussi sur la prĂ©sence actuelle de cet avenir. Si lâavenir, câest la nouvelle crĂ©ation et la rĂ©surrection des morts, alors cette prĂ©sence est dĂ©jĂ remplie par lâexpĂ©rience de la rĂ©surrection. Nous expĂ©rimentons cette prĂ©sence de vie avant la mort dans lâesprit de la rĂ©surrection : ĂȘtre nĂ© Ă nouveau dans une espĂ©rance vivante selon le Nouveau Testament. Cela nous donne la certitude de ressusciter aprĂšs la mort. Ainsi ce nâest pas une spĂ©culation. Ce nâest pas un dĂ©sir non fondĂ©, une imagination issue de notre dĂ©sir (« wishful thinking ». Câest le pouvoir de tenir bon.
#
Non au catastrophisme
#
Si nous nous attendons Ă une catastrophe Ă la fin du monde, comment pourrions-nous sauvegarder le monde dâaujourdâhui ? AprĂšs nous, le dĂ©luge ! Nos attentes modĂšlent toujours notre expĂ©rience du prĂ©sent et les dĂ©cisions que nous prenons. Câest pourquoi lâattente apocalyptique dâune catastrophe Ă la fin de lâHistoire est particuliĂšrement dangereuse, car elle dĂ©truit ce qui doit ĂȘtre prĂ©servĂ© au nom de Dieu, ici et maintenant.
 #
Une espĂ©rance Ă lâĆuvre dans lâhistoire humaine .
 #
Les aspirations humaines Ă un Ă©panouissement de lâhumanitĂ© constituent une attente ancienne qui est importante parce quâelle reprĂ©sente un pont entre lâhistoire humaine et la nouvelle crĂ©ation du monde. LâespĂ©rance chrĂ©tienne sâinscrit dans lâHistoire : travailler pour un monde meilleur ici et maintenant. Il y a un but dans lâHistoire parce que lâunicitĂ©Â de Dieu sâincarne en Christ. Christ est le royaume de Dieu en personne. Il ne vient pas dans le temps, il le transforme. Suivre Christ, câest travailler pour le royaume, partager sa mission messianique dâapporter lâEvangile aux pauvres, de guĂ©rir les malades, de libĂ©rer les opprimĂ©s.
 #
Comment JĂŒrgen Moltmann lit la Bible
#
Dans la Bible, il y a la prĂ©sence de la Parole de Dieu dans un langage humain. Je ne dirai pas que chaque mot dans la Bible est une parole de Dieu. La Bible est un tĂ©moignage humain Ă la prĂ©sence de la Parole de Dieu. Je lis et jâĂ©coute ce que disent les psaumes, les prophĂštes, les apĂŽtres et les Ă©vangĂ©listes. Jây pense. Je compare. Puis je converse avec les auteurs pour trouver une solution Ă mes problĂšmes. Jâai un grand respect pour la prĂ©sence de Dieu dans la Bible. Jâai aussi du respect pour ma conscience et le travail de mon intelligence. Je cherche une solution par rapport Ă mes questions.
 #
Comment JĂŒrgen Moltmann Ă©labore sa pensĂ©e thĂ©ologique .
#
La premiĂšre vertu thĂ©ologique est la curiositĂ©. Quand je rĂ©flĂ©chis sur un thĂšme, par exemple lâespĂ©rance, jâapplique cette perspective Ă diffĂ©rents sujets. Par exemple : A quoi ressemble la crĂ©ation dans une perspective dâespĂ©rance ? Ou bien comment envisager lâhistoire humaine sur ce registre ? Et comment considĂ©rer lâĂȘtre humain sous cet angle ? Câest une approche un peu centrĂ©e, mais elle permet de dĂ©couvrir de nouvelles choses. De mĂȘme si vous pensez Ă la souffrance de Christ et de Dieu sur la croix, vous pouvez, Ă partir de lĂ , explorer le thĂšme de la souffrance. Dix ans plus tard, jâai dĂ©veloppĂ© une doctrine sociale de la TrinitĂ©. La vie sociale, la sociabilitĂ© humaine devraient reflĂ©ter lâimage de Dieu comme un Dieu relationnel, trois en un, trine .
 #
La représentation du temps
 #
Notre expĂ©rience du temps est celle dâun temps qui passe, un temps transitoire qui sâĂ©coule nous laissant dĂ©pourvu. Câest ce que lâon dĂ©signe par le terme de « chronos  » Mais Christ ne vient pas dans le temps. Il vient pour transformer le temps. Il transforme le temps en « kairos  », une vie pleine, un temps qui dure en sa prĂ©sence. Nous faisons lâexpĂ©rience de chronos. Ce que nous attendons dans lâEsprit de Dieu, câest kairos . Ce que nous attendons, câest une vie Ă©ternelle .En Christ, nous expĂ©rimentons un passage de chronos Ă kairos . Chronos est en train de sâĂ©loigner. Kairos est en train de venir.
 #
Le Royaume de Dieu : une réalité holistique .
#
Dans le Royaume de Dieu, le divin et lâhumain, le cĂ©leste et le terrestre sâentrelacent et sâinterpĂ©nĂštrent. Câest la vision des prophĂštes dâIsraĂ«l et des apĂŽtres. Aucun aspect de la vie nâest sĂ©parĂ© de Dieu. Si on se focalise sur le salut de lâĂąme, alors on nĂ©glige le salut social et le salut de la nature. Nous avons besoin dâune comprĂ©hension holistique du Royaume de Dieu qui est prĂ©sent partout. « Voici, je fais toutes choses nouvelles », peut-on lire dans le chapitre 21 de lâApocalypse. Câest la promesse dâune nouvelle crĂ©ation.
#
Le jugement dernier
 #
Dans le Nouveau Testament, il y a deux courants de pensĂ©e Ă propos du jugement. Dâune part, Matthieu et Marc, dâautre part lâapĂŽtre Paul. Ce dernier a globalement une pensĂ©e universaliste. A la fin, « toutes langues confesseront que JĂ©sus est Seigneur Ă la gloire de Dieu le PĂšre ». Face Ă ces diffĂ©rences dâapprĂ©ciation, on doit donc se former son propre jugement. Je pense que le jugement final nâa pas grand chose Ă voir avec le Bien et le Mal, ou les bons et les mĂ©chants mais bien plus avec les victimes et les bourreaux. Nous devrions attendre ce jugement final avec joie parce que ce sera la victoire de la justice de Dieu. Cette justice, nâest pas une dĂ©nonciation : ceci est bon et ceci est mauvais, mais câest une justice crĂ©atrice. Elle apporte la justice Ă ceux qui ont souffert de la violence et elle apporte la justification aux pĂ©cheurs pour transformer les pĂ©cheurs en personnes justes. Câest un grand chantier thĂ©ologique que de christianiser la reprĂ©sentation du jugement final.
 #
Nous ne sommes pas Ă©trangers sur cette terre .
#
LâespĂ©rance chrĂ©tienne, ce nâest pas dâaller au ciel, mais câest la « rĂ©surrection de la chair et la vie du monde Ă venir ». Le monde Ă venir, câest une nouvelle terre et un ciel nouveau, une situation oĂč la terre et le ciel se rencontrent. Cette espĂ©rance, ce nâest pas quitter le monde pour aller au ciel, parce que cette conception dĂ©tache les gens de la terre, de ce qui se passe ici et maintenant. Si notre patrie, notre « chez moi », nâest pas dans ce monde, mais au ciel, nous nâavons plus Ă nous soucier de la terre. Nous sommes des hĂŽtes de passage, des Ă©trangers sur cette terre. Alors nous pouvons faire ce que nous voulons : exploiter la terre, dĂ©truire la terre. Cela nâest pas lâespĂ©rance chrĂ©tienne. Câest une autre religion.
#
Le christianisme : non pas la condamnation, mais la vie
 #
Qui sommes-nous pour condamner quelquâun ? Est-il possible de dire Ă propos dâun fils incrĂ©dule: malheureusement, il ira en enfer. Je ne suis pas universaliste, car il y a quelques personnes que je nâaimerais pas retrouver. Mais Dieu peut lâĂȘtre. Naturellement, il ne va pas abandonner une de ses crĂ©atures, mĂȘme si elle est pervertie. Il ne va pas abandonner sa crĂ©ature, mais la transformer. La religion chrĂ©tienne, ce nâest pas la condamnation. Câest la vie, la puissance de la vie, la puissance de lâamour.
 #
Une bonne nouvelle
 #
Nous recevons ces propos de JĂŒrgen Moltmann comme une bonne nouvelle. Dans un monde religieux oĂč, dans telle ou telle configuration, on peut percevoir de lâĂ©troitesse de vue et de la violence, ces propos nous proposent une vision unifiante, pacifiante, une dynamique dâespĂ©rance et de vie.  « Que le Dieu de lâEspĂ©rance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi pour que vous abondiez en espĂ©rance par la puissance du Saint-Esprit ! ». JĂŒrgen Moltmann Ă©voque cette citation de lâĂ©pĂźtre aux Romains (15, 13) au dĂ©but dâun chapitre de son livre : « De commencements en recommencements ». Il Ă©crit : « Lâavenir nâest pas un aspect du christianisme mais lâĂ©lĂ©ment de la foi qui se veut chrĂ©tienneâŠLa foi est chrĂ©tienne lorsquâelle est la foi de PĂąques. Avoir la foi, câest vivre dans la prĂ©sence du Christ ressuscitĂ© et tendre vers le futur royaume de Dieu. Câest dans lâattente crĂ©atrice de la venue de Christ que nous faisons les expĂ©riences quotidiennes de la vie⊠La foi quâun autre monde est possible rend les chrĂ©tiens durablement capables de se tourner vers lâavenir » (6).
 #
J H
#
(1)           Pourquoi ce blog ? https://vivreetesperer.com/?page_id=2  Sur ce blog, articles en rapport direct avec la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann : https://vivreetesperer.com/?tag=jurgen-moltmann
(2)           On pourra suivre le développement de la pensée théologique de Moltmann dans son autobiographie : « A broad place  ». Mise en perspective de ce livre : « Une théologie pour notre temps » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695
(3)           Interview de JĂŒrgen Moltman dans une vidĂ©o prĂ©sentĂ©e par le « Trinity Institute  » Ă lâoccasion dâune 37Ăš confĂ©rence thĂ©ologique nationale aux Etats-Unis : « Godâs unfinished future. Why it matters now » : http://www.trinitywallstreet.org/video/gods-unfinished-future-jurgen-moltmann-interview  Cette interview, rĂ©alisĂ©e au domicile de JĂŒrgen Moltmann dans son cadre familier nâexprime pas seulement quelques rĂ©flexions profondes. Elle nous permet aussi dâentrer en contact avec une personnalitĂ© empathique.
(4)           Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique dâespĂ©rance . Empreinte Temps prĂ©sent, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et dâespĂ©rance » https://vivreetesperer.com/?p=572
(5)           Voir le blog : « LâEsprit qui donne la vie. RĂ©flĂ©chir et mĂ©diter avec JĂŒrgen Moltmann » : http://www.lespritquidonnelavie.com/
(6)           In : « De commencements en recommencements » p 110
par jean | Mai 5, 2021 | ARTICLES , Vision et sens |
Une approche psycho-spirituelle de Thomas dâAnsembourg
Si on compte sept Ă©motions de base parmi lesquelles la peur, la colĂšre, la tristesse, la joie, la peur est lâune de celles qui est la plus difficile Ă gĂ©rer. Dans une sĂ©rie de courtes vidĂ©os interview chez les « dominicains de Belgique », Thomas dâAnsembourg dont on sait sur ce blog combien son apport (1) est innovant et encourageant, parle de plusieurs Ă©motions et ici de la peur (2). Son enseignement est prĂ©cieux.
https://youtu.be/ujFSylfXkJA
La peur, un indicateur Ă prendre en compte
 « La peur est une des Ă©motions les plus rĂ©currentes. Elle indique bien sĂ»r un besoin de sĂ©curitĂ©. Lorsque nous avons peur, câest que nous ne nous sentons pas en sĂ©curitĂ© . Le besoin de sĂ©curitĂ© est fondamental pour tout ĂȘtre vivant et, bien sur, particuliĂšrement pour nous, ĂȘtres humains qui sommes assez fragiles et donc, nous avons besoin de savoir comment prendre soin de notre besoin de sĂ©curitĂ© qui peut se vivre sur diffĂ©rents plans. Ce peut-ĂȘtre un besoin de sĂ©curitĂ© physique, un besoin de sĂ©curitĂ© matĂ©rielle ou un besoin de sĂ©curitĂ© affective et relationnelle ».
Thomas dâAnsembourg envisage la peur comme un clignotant (un clignotant sur un tableau de bord), « un clignotant par rapport Ă un besoin qui nâest pas satisfait, le besoin de sĂ©curité ». « Pour pouvoir dĂ©passer la peur, cela nous demande de pouvoir lâĂ©couter ». Thomas nous invite Ă visualiser cette attitude dâĂ©coute par le geste de rapprocher une chaise, « pouvoir nous asseoir Ă cotĂ© de notre peur » et dialoguer avec elle. « Viens ici ma peur. Quâest ce que tu as Ă me dire ? Câest quoi ton message ? ». « Et la plupart du temps, si jâĂ©coute, je vais recevoir son message : jâaurais besoin de faire confiance dans la vie, de faire confiance dans les gens, de faire confiance Ă mon âenfantâ, de faire confiance Ă moi ». Elargir notre champ de. discernement⊠« Assez souvent, la peur renseigne sur un besoin dâestime de soi . Lâestime de soi, ce nâest pas un petit besoin. 90% de la population Ă©prouve un besoin dâestime de soi. Câest un besoin que jâai eu moi-mĂȘme Ă travailler en entrant en thĂ©rapie : trouver une juste estime de moi. Pour ce qui est dâavoir peur de la pression sociale des jugements, des critiques et dâarriver Ă trouver sa façon, son autonomie, nous avons besoin dâapprendre ».
La peur peut ĂȘtre apprivoisĂ©e Ă travers des dialogues rĂ©guliers. « La peur est comme un chien de garde dans une maison. Elle nous avertit dâun danger . Peut-ĂȘtre que tu vas trop vite, peut-ĂȘtre trop lentement. Fais attention Ă ceci. Fais attention Ă cela. On va Ă©couter le message du chien de garde. Cela, câest le dialogue intĂ©rieur. Et ensuite, jâai compris le message et alors je renvoie la peur parce que jâai compris.
Ce qui est prĂ©cieux, ce nâest pas de ne pas avoir peur. Câest ne pas avoir peur dâavoir peur . Nous pouvons acquĂ©rir une plus grande capacitĂ© de cohabiter avec cette Ă©motion, Ă la dĂ©passer. Le risque, câest que le chien de garde prenne toute la place. Beaucoup de gens sont terrorisĂ©s par la peur. Ecouter le message, ajuster le comportement, reconnaĂźtre la peur pour sa fonction, cela ne tombe pas du ciel. Ce sont des apprentissages Ă faire petit Ă petit ».
Â
Une confiance à développer
 Thomas dâAnsembourg nous propose une vision positive : « Dans mon expĂ©rience dâaccompagnement des personnes⊠je rĂ©alise que lâenjeu est de taille : Nous avons Ă faire confiance dans la beautĂ© et la bontĂ© de la Vie . La maman qui a peur de tout, qui a peur que tout arrive, qui interdit aux enfants de sortir, est bien intentionnĂ©e, mais elle est tellement terrorisĂ©e quâelle nâa pas confiance dans la vie. Elle pourrait Ă©touffer ses enfants et casser leur confiance en soi. Elle a donc besoin, pour encourager leur confiance en soi, de retrouver elle-mĂȘme la confiance en elle. Jâai besoin dâapprendre Ă faire confiance dans la Vie. La Vie ne veut pas du mal. La Vie veut du bien. Et donc, il y a une dimension spirituelle de la peur. Plus nous entrerons dans une connaissance profonde de nous-mĂȘme, la dimension du souffle qui nous habite, la dimension dâappartenance Ă ce projet magnifique qui va bien au delĂ de nous et quâon appelle la Vie, plus nous frĂ©quenterons les rĂ©gions quâon appelle Dieu, mais quâon peut appeler lâInfini ou le Tout, plus nous sentirons que tout cela est soutenant, aimant et nous veut du bien . Inversement, en pensant Ă ma pratique, quand on nâa pas conscience de cela, quand nous nous sentons seuls, coupĂ©s, sans appartenance, alors nous commençons Ă avoir peur de tout. Il y a donc une dimension dâouverture psycho-spirituelle qui nous permet⊠de tabler profondĂ©ment de tout son ĂȘtre sur le fait que la vie nous veut du bien et dâentrer dans une voie dâexpansion de nous-mĂȘme ».
Des chemins différents
 Lâinterviewer pose alors une question Ă Thomas dâAnsembourg : « Certains dâentre nous ont plus peur que dâautres . Comment peut-on expliquer cela ? Câest notre histoire personnelle ? Ce sont nos blessures ? ». « Il y a tout un cocktail dâĂ©lĂ©ments dans ce genre de choses : notre histoire personnelle, la maniĂšre dont on a grandi. Il y a les modĂšles quâont donnĂ© les parents (plutĂŽt inquiets ou plutĂŽt confiantsâŠ). Cela est trĂšs impressionnant, cela fait impression ». Les parents peuvent se demander « quels modĂšles ils donnent Ă leurs enfants : modĂšles de peur ou modĂšles de confiance, dâexpansion, dâouverture »âŠ
« Arrivons-nous complĂštement indemnes ?… Je trouve intĂ©ressant dâouvrir cette possibilitĂ©. Peut-ĂȘtre que je peux observer cela pour le dĂ©manteler petit Ă petit. Nous avons un libre examen. Et si nous prenons conscience de nos peurs, nous pouvons les dĂ©manteler » . Lâinterviewer Ă©voque la psychologie transgĂ©nĂ©rationnelle . « Effectivement, nous pouvons reproduire des scĂ©narios qui ont Ă©tĂ© vĂ©cu par nos grands-parents, nos arriĂšre grands-parents et mĂȘme des grands oncles. Donc câest intĂ©ressant de ne pas subir lâavenir, de ne pas dire : je suis comme cela, je ne changerai pas. Non, nous avons un pouvoir de transformation considĂ©rable si nous portons les choses Ă la conscience et câest cela lâenjeuâŠÂ »
Un message de confiance
« LâidĂ©e que je porte chĂšrement dans mon cĆur, câest que nous avons la capacitĂ© de traverser les dĂ©fis qui nous gĂȘnent . Jâen suis convaincu. Lâimage de lâoiseau sur la branche peut nous aider. Lâoiseau sur la branche nâa pas tellement confiance dans la branche parce quâelle pourrait casser Ă tout moment, car fragile, un peu pourrie⊠Lâoiseau a surtout confiance dans sa capacitĂ© de reprendre son envol si jamais la branche tombe. Câest Ă cela que jâinvite les personnes : prendre conscience dans notre capacitĂ© Ă reprendre notre envol , Ă rouvrir nos ailes Ă dĂ©passer les risques, si jamais risque il y avait.
LĂ , il y a vraiment la capacitĂ© dâun citoyen beaucoup plus inspirĂ© et donc inspirant, un citoyen beaucoup plus pacifiĂ© et donc pacifiant parce quâil a acquis cette confiance en soi, quâil nâest plus dans le stress, lâagitation qui gĂ©nĂšrent tellement de confusion aujourdâhui. »
La peur sâexprime parfois collectivement. Ainsi lâinterviewer Ă©voque le racisme . Nâest-ce pas la peur de lâaltĂ©ritĂ©, de la diffĂ©rence ? « Oui, bien sur, câest une forme de peur : racisme, intĂ©grisme, radicalisme, retour Ă la lettre du texte, aux traditions du passé⊠Tout cela câest la peur de lâouverture, du cheminement, de lâĂ©veil, de la transformation⊠Câest une difficultĂ© Ă accepter la nouveautĂ©, le changement, la vie telle quâelle et non pas telle quâon voudrait quâelle soit, accepter le cours des choses , ĂȘtre joyeux de ce qui est plutĂŽt que de ce qui nâest pas… Donc on voit bien quâil y a un travail psycho-spirituel de connaissance de soi, dâĂ©largissement du discernement, dâancrage dans nos valeurs , dâouverture Ă la vie spirituelle qui peut nous aider Ă dĂ©passer la peur sans la nier, mais Ă la dĂ©passer, pour mieux vivre, une vie plus valide, plus gĂ©nĂ©reuseâŠÂ ».
Cette interview de Thomas dâAnsembourg est une ressource qui vient nous aider Ă affronter nos ressentis de peur. Elle est accessible et ouverte Ă tous. Le message chrĂ©tien nous invite Ă©galement Ă ne pas craindre et Ă faire confiance. « Ne crains pas » est un des appels les plus rĂ©pandus dans la parole biblique. Il est trĂšs prĂ©sent dans lâĂvangile. Ainsi parle JĂ©sus  : « Ne crains pas. Crois seulement » (Marc 5.36)(3). Ici, le remĂšde Ă la peur, câest la confiance, cette derniĂšre Ă©tant prĂ©sente dans lâĂ©tymologie du mot croire (4). Sur ce blog, on trouvera un tĂ©moignage dâOdile Hassenforder qui raconte, combien, dans une Ă©preuve de santĂ©, elle a Ă©tĂ© encouragĂ©e par quelquâun qui ne disait pas aux autres : « bon courage », mais « confiance », « Dame confiance »⊠(5). LâĂ©lan de vie dont parle Thomas dâAnsembourg rejoint cette inspiration. Cette interview sur la peur comme Ă©motion nous entraine dans une dĂ©marche psycho-spirituelle.
J H
Thomas dâAnsembourg, sur le blog : Vivre et espĂ©rer : « Face Ă la violence, apprendre la paix » (avec des liens aux autres interviews de Thomas dâAnsembourg sur ce blog) : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-apprendre-la-paix/
Interview de Thomas dâAnsembourg sur la peur chez les dominicains de Belgique : https://www.youtube.com/watch?v=ujFSylfXkJA
« Ne crains pas. Crois seulement » Un commentaire : https://passlemot.topchretien.com/ne-crains-pas-crois-seulement-mc-536-la-foi-nechou/
A propos du verbe croire : https://www.rabbin-daniel-farhi.com/ambiguite-du-verbe-croire/1021
« Dame confiance » sur : Vivre et espérer : https://vivreetesperer.com/dame-confiance/ Un écho à cet article : « Un message qui passe à travers les rencontres » : https://vivreetesperer.com/odile-hassenforder-sa-presence-dans-ma-vie-un-temoignage-vivant/
par jean | Jan 25, 2013 | ARTICLES , Beauté et émerveillement , Expérience de vie et relation , Hstoires et projets de vie , Vision et sens |
Si tu vis, câest beau que tu existes !
LâĂ©merveillement est le fondement de lâexistence .
Propos de Bertrand Vergely
Dans son livre : « Retour Ă lâĂ©merveillement » (1), Bertrand Vergely ouvre notre regard et notre horizon : « Qui sâĂ©merveille nâest pas indiffĂ©rent. Il est ouvert au monde, Ă lâhumanitĂ©, Ă lâexistence. Il rend possible un lien Ă ceux-ci » (p 9). InvitĂ© par le rĂ©seau Picpus (2) dans le cadre dâune sĂ©ance : « Lire aux Eclats », dans une courte intervention enregistrĂ©e en vidĂ©o, Bertrand Vergely revient sur cet ouvrage (3) . Et, en termes passionnĂ©s, il nous communique sa vision de la vie. Câest une vision qui rompt avec le marasme ambiant, une invitation Ă la vie et lâespĂ©rance (4).
Ainsi, en quelques mots, nous retrace-t-il son parcours. Venant dâune enfance heureuse et Ă©clairĂ©e, il sâest trouvĂ© ensuite confrontĂ© à « un monde en colĂšre, malheureux, triste, rĂ©volté » . (Dans mon enfance et ma premiĂšre jeunesse), jâai vĂ©cu dans un monde qui Ă©tait marquĂ© par la joie de vivre, par une mĂšre formidable. Jâai grandi dans la beautĂ© de lâĂ©glise orthodoxe. Jâai eu le sentiment incroyable de la beautĂ© de la vie âŠÂ »
Et ensuite, ce fut un choc : « Jâai dĂ©barquĂ© avec effroi dans un monde qui ignorait tout de la beautĂ© de la vie, dans un monde trĂšs en colĂšre contre lâexistence. Jâai vu des gens tellement fĂąchĂ©s Ă lâĂ©gard de lâexistence quâils Ă©taient totalement fĂąchĂ©s avec Dieu⊠Jâai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ© par le nihilisme, le dĂ©sespoir de notre Ă©poque ». Dans cette colĂšre, Bertrand Vergely perçoit aussi une recherche de sens : « Quâest ce que nous faisons sur terre ? Pourquoi est-ce que nous sommes lĂ Â ? DâoĂč venons-nous ? OĂč allons-nous ? Est-ce que lâhomme a une identitĂ©Â ? Est-ce quâil est porteur de quelque chose ?
Et, comme philosophe , il entre en mouvement pour y rĂ©pondre. « Il faut absolument dire Ă ce monde que la vie vaut la peine dâĂȘtre vĂ©cue. Jâai revisitĂ© la tradition philosophique. Jâai essayĂ©Â dâexpliquer pourquoi il fallait absolument revenir aux fondamentaux de lâexistence. Jâai essayĂ© de dire une chose que Platon a trĂšs bien expliquĂ© au livre 6 de « La RĂ©publique », câest que lâĂ©merveillement est le fondement de lâexistence. En termes mĂ©taphysiques, Platon a exprimĂ© une vĂ©ritĂ© qui est une vĂ©ritĂ© religieuse. Lâessence du monde, câest la beautĂ©. Câest cela qui tient le monde en Ă©quilibre ».
Pourquoi Dieu a-t-il crĂ©Ă© le monde ? Parce que câest beau ! Si tu vis, câest beau que tu existes ! Pourquoi fait-on des enfants ? Parce que câest beau ! Nous venons de la beautĂ©. LâĂ©merveillement devant la beautĂ©, câest ce qui donne du sens au monde ».
Alors, dans un milieu marquĂ©Â par le pessimisme, Bertrand Vergely interpelle ses interlocuteurs. « Tu vas avoir une vie Ă construire. Tu vas avoir des enfants Ă Ă©lever. Quâest ce que tu vas leur dire ?: « Tu viens de rien. Tu vas vers rien. Tu es porteur de rien » ou bien : « Tout est foutu, mais il faut y aller quand mĂȘme ». Et, en regard, il proclame : « Moi, je dis une chose. Tu viens de choses extraordinaires. Tu vas vers des choses extraordinaires. Tu es porteur de choses tout Ă fait extraordinaires ».
Bien sĂ»r, dans la vie, il y a des difficultĂ©s Ă traverser, des Ă©preuves Ă affronter. Mais, « avant toute chose, la vie est bonne ! Avant toute chose, il est magnifique que nous soyons lĂ Â ! Ensuite, on peut discuter parce quâil arrive quantitĂ© de choses dans lâexistence. Et, Ă un moment, tout nâest pas merveilleux, tout nâest pas magnifique ! » . Alors, pour faire face, « il convient de retrouver nos racines ». « Il est trĂšs important de retrouver les sources de notre existence » (5). « Nous sommes dans un monde qui a perdu la connaissance de lui-mĂȘme ». A certains moments, « nous avons Ă©tĂ© Ă©merveillĂ©s par la vie ». « Nous avons en nous une part dâĂ©merveillement ». « Si nous luttons contre le mal qui existe Ă lâintĂ©rieur du monde, câest parce que, quelque part, nous avons en nous ce souvenir de lâĂ©merveillement ». Saint Augustin a dit : « Si tu ne te souvenais pas de ton bonheur, tu ne te souviendrais pas de toi mĂȘme ».
Bertrand Vergely nous invite Ă revisiter « la magnifique tradition biblique, Ă©vangĂ©lique oĂč Dieu crĂ©e le monde ». « Dâabord, il y a un Dieu. On ne vient pas de rien. On vient dâune volontĂ© qui veut que le monde soit et dâun Dieu qui se rĂ©jouit que le monde soit ». Il y a « quelque chose de magnifique qui veut que la joie se perpĂ©tue ». « Vivre, câest cĂ©lĂ©brer lâexistence ! ».
Ce sont lĂ des propos percutants. On aime entendre ce parler direct dans la bouche dâun philosophe, auteur de nombreux livres concernant la philosophie. Celle-ci nâest plus seulement une affaire dâintellectuels ou de spĂ©cialistes, elle est aujourdâhui de plus en plus en prise avec les questions de la vie quotidienne. Et Bertrand Vergely poursuit Ă©galement une rĂ©flexion sur le bonheur (6). Les propos que nous venons dâentendre nous invitent Ă revisiter son livre : « Retour Ă lâĂ©merveillement ». Bertrand Vergely nous appelle Ă entrer dans une dynamique de vie (7). « Avant toute chose, la vie est belle ! Il est magnifique que nous soyons lĂ Â ! La vie vaut la peine dâĂȘtre vĂ©cue ! ».
J H
(1)           Vergely (Bertrand). Retour Ă lâĂ©merveillement. Albin Michel, 2010 (Essais clĂ©s). Voir sur ce blog : « Emerveillement. Un regard nouveau » : https://vivreetesperer.com/?p=17 Bertrand Vergely est lâauteur de nombreux livres. Il expose sa pensĂ©e Ă travers une interview dans un livre rĂ©cent : « Regards sur notre monde ». Entretiens dâAnne Christine Fournier avec RĂ©my Brague, Jean-Luc Marion, Edgar Morin, Eric de Rosny, Bertrand Vergely. (Mame, 2012)
(2)           « RĂ©seau Picpus, mouvement picpusien des jeunes, est nĂ© Ă lâintuition de religieux de la  CongrĂ©gation des SacrĂ©s-CĆurs de Picpus qui ont souhaitĂ© offrir Ă des Ă©tudiants et jeunes professionnels un espace dâenrichissement mutuel Ă partir de leurs attentes. Ainsi, Ă partir dâun panel dâentrĂ©es possibles (artistiques, culturelles, spirituelles) sâouvre lâoccasion dâune appropriation personnelle de la foi ». Ce rĂ©seau est trĂšs actif sur internet en y prĂ©sentant de nombreuses vidĂ©os : gospel, rencontre avec des personnalitĂ©sâŠ. http://www.reseau-picpus.com/
(3)           VidĂ©o : Echange et dĂ©bat avec Bertrand Vergely dans le cadre de la sĂ©ance : « Lire aux Eclats » du dimanche 11 dĂ©cembre 2011 Ă partir de son livre sur lâĂ©merveillement. Mise en ligne le 18 fĂ©vrier 2012 :
VIDEO
(4)           Sur un autre plan, cette révolte contre la pessimisme ambiant et cette dynamique de vie se trouvent dans le récent livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible ». Mise en perspective sur ce blog : « Quel avenir pour la France et pour le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=937
(5)           Dans un article prĂ©cĂ©dent : « La vie est un cadeau », nous rapportons lâexpĂ©rience dâOdile Hassenforder qui, face Ă une dure Ă©preuve de santĂ©, a continuĂ© Ă recevoir la vie comme un cadeau en puisant Ă la source : un Dieu bon, puissance de vie : https://vivreetesperer.com/?p=1085 .
(6)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Vergely (Bertrand). Petite philosophie du bonheur. Milan, 2012
(7)           Dans la mĂȘme perspective, nous trouvons une inspiration dans la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann qui nous fait entrer dans une thĂ©ologie de lâespĂ©rance qui met en Ă©vidence une puissance de vie. LâEsprit de Dieu est « lâEsprit qui donne la vie » . Voir le blog : « LâEsprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com « Le Dieu vivant appelle toujours Ă la vie, que nous vivions ou que nous mourions. Sa proximitĂ© vivifie toujours et partout ». Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements Une dynamique dâespĂ©rance. Empreinte, 2012. PrĂ©sentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et dâespĂ©rance » : https://vivreetesperer.com/?p=572