par jean | Août 8, 2015 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Hstoires et projets de vie , Société et culture en mouvement |
Une campagne du mouvement Colibris pour une (r)évolution intérieure .
Face aux dysfonctionnements de notre sociĂ©tĂ©, le mouvement Colibris, qui puise son inspiration tout particuliĂšrement chez Pierre Rabhi , appelle ses membres Ă des voies alternatives de reconstruction. « Soyons le changement ! ». Et « si la plus importante rĂ©volution Ă mener Ă©tait votre (r)Ă©volution intĂ©rieure ! ». Le mouvement Colibris vient donc de lancer une nouvelle campagne citoyenne dans ce sens. « Dans la continuitĂ© du travail rĂ©alisĂ© autour des principaux leviers de la sociĂ©tĂ©Â : Ă©conomie, agriculture, dĂ©mocratie, Ă©nergie, Colibris souhaite passer un message fort et montrer que la vraie (r)Ă©volution est celle qui nous amĂšne Ă nous transformer nous mĂȘmes pour transformer le monde  » (1). Le mouvement Colibris a donc suscitĂ© une rencontre oĂč une douzaine de participants ont apportĂ© leur tĂ©moignage sur leur Ă©volution intĂ©rieure. Ces messages ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s sur de courtes vidĂ©os que nous pouvons regarder avec respect et reconnaissance (2).
On trouvera parmi ces tĂ©moignages une intervention de Thomas dâAnsembourg. Sur ce blog, Ă deux reprises, nous avons fait connaĂźtre des vidĂ©os de Thomas dâAnsembourg particuliĂšrement Ă©clairantes (3). Thomas sait nous parler de son expĂ©rience de vie et des clĂ©s de comprĂ©hension et de transformation dont il fait usage en psychothĂ©rapie. On trouvera ces mĂȘmes qualitĂ©s dans la vidĂ©o que nous prĂ©sentons ici, et qui, en quelques minutes, nous ouvre un chemin (4).
LâitinĂ©raire de Thomas dâAnsembourg est rappelĂ© au prĂ©alable en ces termes : « Thomas dâAnsembourg a exercĂ© la profession dâavocat. ParallĂšlement, il sâest engagĂ© dans une association dâaide concrĂšte aux jeunes qui connaissent des problĂšmes de dĂ©linquance, violence, prostitution et dĂ©pendances de toutes sortes. Par cette double approche juridique et sociale, il sâest impliquĂ© dans la gestion des conflits et la recherche de sens. Dans le souhait de comprendre la difficultĂ© dâĂȘtre en gĂ©nĂ©ral et particuliĂšrement la violence, Thomas a entrepris une psychothĂ©rapie. Il dĂ©couvre alors la libertĂ© de prendre du champ sur lâinconscient et mesure quâil aurait pu passer sa vie, se croyant libre, alors quâil Ă©tait pris au piĂšge de ses conditionnements Ă©ducatifs, habitudes de pensĂ©e et systĂšmes de croyances. Il dĂ©cide de devenir psychothĂ©rapeute pour partager ces prises de conscience et accompagner dâautres personnes dans ces processus de cĆur et de conscience. Il se forme Ă diffĂ©rentes approches et particuliĂšrement Ă la mĂ©thode de communication non violente (CNV) avec son fondateur Marshall Rosenberg.
Quel est le message de cette vidĂ©o ? Nous prĂ©sentons ici quelques citations qui en sont extraites pour quâelles nous accompagnent dans le chemin de rĂ©flexion ouvert par Thomas dâAnsembourg.
Evoquant son expĂ©rience dâavocat, Thomas dâAnsembourg Ă©voque un manque de formation pour lâexercice de cette profession : « Nous Ă©viterions bien des conflits si nous avions quelques clĂ©s de connaissance de soi, de comprĂ©hension des Ă©motions, de capacitĂ© Ă mieux les gĂ©rer et les exprimer sans agresser, Ă exprimer ses besoins et Ă ĂȘtre Ă lâĂ©coute des besoins des autres dâune façon ouverte et empathique et que cela faisait trĂšs clairement dĂ©faut dans nos Ă©ducations . Moi-mĂȘme comme avocat, je nâai pas reçu une clĂ© dâĂ©coute, pas une clĂ© de comprĂ©hension de la mĂ©canique relationnelle, pas une clĂ© de gestion des Ă©motions. JâĂ©tais Ă©duquĂ© pour faire des contrats, des plaidoiries, mais pas pour ĂȘtre Ă lâĂ©coute dâun humain en difficulté ».
En sâorientant, parallĂšlement Ă son travail dâavocat, vers lâaccompagnement de jeunes en difficultĂ©s, il sâest « vite rendu compte que quelques clĂ©s de connaissance de soi faciliteraient la vie collective : Apprendre Ă connaĂźtre ses Ă©motions, Ă les dĂ©mĂ©langer les unes des autres, Ă identifier nos besoins, Ă leur donner des prioritĂ©s, Ă ne pas les confondre avec nos envies, nos dĂ©sirs qui sont changeants, multiples et dispersants, Ă ĂȘtre capables dâexprimer cela par des demandes tout en Ă©tant en empathie avec le besoin de lâautre dans la capacitĂ© dâĂ©couter ce besoin mĂȘme si il est diffĂ©rent, tolĂ©rer le dĂ©saccord et la diffĂ©rence et chercher ensemble des solutions nĂ©gociĂ©es qui seraient satisfaisantes pour chacun ».
Thomas sâest alors engagĂ© dans une psychothĂ©rapie . Il a senti « un pivotement intĂ©rieur » en prenant du champ sur lâinconscient : « Jâaurais pu passer ma vie dans des enfermements » avec la prise de conscience que le mot : « enfer » peut sâappliquer Ă ceux-ci. Thomas dâAnsembourg est maintenant psychothĂ©rapeute depuis plus de vingt ans. Il encourage le dĂ©veloppement dâune « intĂ©rioritĂ© citoyenne », une vie intĂ©rieure qui peut sâexprimer au service de la vie communautaire. « Je fais le lien avec ce que la plupart des spiritualitĂ©s nous disent de façon concordante : si nous prenons du temps dâĂ©coute intĂ©rieure, de discernement et dâentrer dans un puits de connaissance universelle qui est, semble-t-il, au cĆur de chacun de nous, nous nous relions, nous appartenons ». « Et voilĂ , il mâest donc apparu quâun citoyen pacifiĂ© devient un citoyen pacifiant (5). Il sâimplique. Il laisse un sillage de bienveillance, de bienfaisance, de douceur, de gĂ©nĂ©rositĂ©, de collaboration, de synergie. Il donne envie quâon aille avec lui. En se sentant pacifiĂ©, il donne envie dâĂȘtre pacifiant Ă notre tour ».
Jâai la conviction que cette vie intĂ©rieure peut se nourrir de multiples façons. Bien sĂ»r, je recommande de porter rĂ©guliĂšrement des moments de gratitude (6). Toutes les personnes qui pratiquent rĂ©guliĂšrement des moments de gratitude sentent une Ă©nergie, une vitalitĂ©, une joie dâĂȘtre au monde ». Cela ne vient pas nĂ©cessairement immĂ©diatement, mais cela « ne manque pas de venir si on jardine cette vie intĂ©rieure avec suffisamment de bienveillance et dâattention ».
Dans ce travail, je propose Ă©galement un exercice, câest de se poser cette simple petite question que lâon pose autour de soi une dizaine de fois par jour : Comment cela va ? Comment te sens-tu ? Se poser Ă soi cette question : Comment vas-tu ? Comment te sens-tu ? Quâest-ce qui est heureux dans ton cĆur ? CĂ©lĂ©brer ce qui va bien .  Commencer par ce qui va bien. Il y a des chose qui vont bien mĂȘme si nos vies sont tragiques ». RepĂ©rons ce qui correspond Ă nos aspirations profondes et qui nous procurent du contentement. Quand ces aspirations sont nourries en moi, je vais bien. « Je tend donc vers cela. Si ce qui me correspond, câest « le partage, lâĂ©coute et la sincĂ©rité », je vais chercher Ă crĂ©er ces conditions. « Ainsi nous apprenons Ă nous centrer. Il y a les choses joyeuses qui vont bien dans mon cĆur. Je les honore, les cĂ©lĂšbre et jâoriente ma vie dans ce sens. Et puis il y a les choses moins joyeuses, plus difficiles, plus Ă©prouvantes. Je les accueille, je les Ă©coute et jâessaie de les comprendre. Petit Ă petit, jâoriente ma vie pour ne plus retomber dans les circonstances dont je sais par expĂ©rience quâelles ne mâapportent pas de bien-ĂȘtre. Et ainsi, je rĂ©cupĂšre les manettes de mon existence .
Quâest ce qui arrive Ă la plupart de nos contemporains ? Ils nâont pas les manettes pour orienter leur vie. Or ce nâest pas compliquĂ©. Cela demande juste un peu de jardinage intĂ©rieur ».
VIDEO
Ce message est porteur car il se dĂ©veloppe Ă partir dâune expĂ©rience et il sâexprime sur un ton qui suscite la sympathie. Il aide Ă mieux interprĂ©ter nos situations de vie et Ă y faire face. Il nous encourage. Un changement est possible. Oui, nous pouvons !
Bien sĂ»r, dans ce court message, Thomas dâAnsembourg nâa pas le temps dâaborder des situations critiques ou dâentrer dans une rĂ©flexion approfondie sur la maniĂšre dont nous percevons le sens profond de nos existences, lequel a tant dâimportance dans la dynamique de notre vie.
Il sâexprime cependant sur le rapport entre psychologie et spiritualitĂ© .
« Je fais le lien avec ce que la plupart des spiritualitĂ©s nous disent de façon concordante. Si nous prenons un temps dâĂ©coute intĂ©rieure, de discernement et dâentrer dans un puits de connaissance universelle qui est, semble-t-il, au cĆur de chacun de nous, nous nous relions, nous appartenons  ».
Cette conscience dâune relation, dâune appartenance Ă plus grand que soi, nous paraĂźt essentielle. Et il en est de mĂȘme du fil conducteur que nous pouvons suivre dans le monde. Sommes-nous inspirĂ©s par la sympathie et lâamour ? A certains moments et dans certaines conditions, certains milieux religieux ont pu ĂȘtre polluĂ©s par des reprĂ©sentations nĂ©gatives. Mais aujourdâhui ce nâest pas le courant principal. Thomas dâAnsembourg Ă©voque les bienfaits de la gratitude . A ce sujet, un remarquable article est paru dans Wikipedia. Free encyclopedia (anglophone) (6). « LâĂ©tude systĂ©matique de la gratitude Ă lâintĂ©rieur de la psychologie a commencĂ© seulement autour des annĂ©es 2000, peut-ĂȘtre parce ce que la psychologie traditionnellement se focalisait sur les situations de dĂ©tressesâŠÂ ». Des Ă©tudes rĂ©centes suggĂšrent que les gens reconnaissants sont aussi plus altruistes et vivent dans un Ă©tat de bien ĂȘtre subjectif plus Ă©levĂ©. Cependant cet article met Ă©galement lâaccent sur la maniĂšre dont la gratitude et la reconnaissance sont au cĆur des pratiques de vie chrĂ©tiennes et juives. « Dans le judaĂŻsme, la gratitude est une part essentielle de lâacte dâadoration et de la vie du croyant. De mĂȘme lâexpression de la gratitude modĂšle et donne sa forme Ă la pratique de vie chrĂ©tienne ». Ainsi, sur des registres diffĂ©rents, lâexpression de la gratitude est bien une dĂ©marche fondamentale. Elle Ă©claire la relation positive et dĂ©bouche sur une harmonie.
Dans la gratitude comme dans la dĂ©marche de prendre soin de nous-mĂȘme, il y a un mouvement commun qui est la bienveillance . Dans son livre : « Oser la bienveillance », Lytta Basset a mis en valeur cette dimension essentielle de notre existence : « Bienveillance humaine, bienveillance divine » (7).
Cette vidĂ©o de Thomas dâAnsembourg nous invite Ă frĂ©quenter ses autres enseignements et notamment les deux autres vidĂ©os rapportĂ©es sur ce blog (3). Dans ce monde oĂč nous pouvons ĂȘtre tentĂ© par le pessimisme, lâagressivitĂ© ou le repli, cette vidĂ©o contribue Ă la campagne du mouvement Colibris : « Faisons notre part ! Soyons le changement ! Engageons-nous dans une (r)Ă©volution intĂ©rieure ». Thomas dâAnsembourg nous apporte un message tonique. Oui, cette Ă©volution positive est possible. Il y a de lâespoir !
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Jean Hassenforder
(1)           « Une (r)évolution intérieure » : https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/une-revolution-interieure
Sur ce blog, un regard sur le mouvement Colibris : « une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable » : https://vivreetesperer.com/?p=1780
(2)           « Entretiens : ma Ÿévolution intérieure » : https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/une-revolution-interieure/entretiens-ma-revolution-interieure
(3)           « Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » : https://vivreetesperer.com/?p=1791 « Vivant dans un monde vivant. Changer intérieurement pour vivre en collaboration » : https://vivreetesperer.com/?p=1371
(4)           « Thomas dâAnsembourg : ma (r)Ă©volution intĂ©rieure » : vidĂ©o You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=gWLoMcVoHaU
(5)           Dans son livre : « la guĂ©rison du monde», FrĂ©dĂ©ric Lenoir met en Ă©vidence le dĂ©veloppement dâun courant spirituel qui allie intĂ©rioritĂ© et engagement collectif. Sur ce blog : « Un chemin de guĂ©rison pour lâhumanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048
(6)           « Gratitude. From Wikipedia. The free encyclopedia » : https://en.wikipedia.org/wiki/Gratitude Sur ce blog, « Avaaz : Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair » : des moments de gratitude sont envisagés dans ce processus : https://vivreetesperer.com/?p=2034
(7)           Sur ce blog : Lytta Basset. « Oser la bienveillance ». « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » : https://vivreetesperer.com/?p=1842
par jean | Sep 18, 2012 | ARTICLES , Société et culture en mouvement |
Pour réformer la finance, il faut changer les finalités et créer des institutions nouvelles incarnant le bien commun.
DâaprĂšs le livre de James Featherby: « Of markets and men ».
Comment faire face aux dérives et aux ravages du systÚme financier dominant ? Comment refonder la finance ?
Une voix britannique vient nous rĂ©pondre. James Featherby , membre de lâĂ©quipe du « London Institute for Contemporary Christianity (LICC)  » (Institut de Londres pour le Christianisme Contemporain), juriste pendant trente ans dans une grande firme de la « City » de Londres, vient dâĂ©crire un livre passionnant Ă ce sujet : « Of markets and men. Reshaping finance for a new season » (1). (Des marchĂ©s et des hommes. RĂ©organiser la finance pour une nouvelle Ă©poque »). Et il nous fait part de son approche dans un article qui vient de paraĂźtre sur le site du LICC (2).
En passant en revue les travaux de plusieurs chercheurs, James Featherby met lâaccent sur lâimportance des institutions . Dans la sĂ©rie de confĂ©rences de Reith (Ecosse), en 2012, Niall Ferguson affirme que le plus grand danger pour lâOccident rĂ©side dans son autosatisfaction (« complacency ») vis Ă vis des institutions (3). Dans « The origins of political order » (Les origines de lâordre politique) (4), Francis Fukuyama dĂ©clare que la soumission de lâĂ©tat aux rĂšgles de droit est fondamentale. Dans un livre intitulĂ©Â : « Why nations fall » (Pourquoi des nations Ă©chouent » (5), Daron Acemoglu et James Robinson nous disent que lâexistence dâinstitutions destinĂ©es Ă servir lâintĂ©rĂȘt public plutĂŽt que lâexploitation privĂ©e, explique pourquoi certains pays rĂ©ussissent et dâautres sâeffondrent . Dans un ouvrage : « To change the world » (Changer le monde) (6), James Davison Hunter appelle les chrĂ©tiens Ă une « prĂ©sence loyale » (« faithful presence ») dans les institutions civiques, en se consacrant en premier Ă lâaccompagnement du changement culturel.
Face aux dĂ©rives actuelles, « la « bonté » (« goodness » a besoin de sâincarner dans des institutions si nous voulons que des cultures et conduites positives se maintiennent et grandissent .  De bonnes institutions, me semble-t-il, peuvent Ă la fois conduire (« channel ») nos Ă©nergies positives et limiter nos excĂšs. Lâalternative est claire ».
James Featherby propose quatre dĂ©marches radicales pour institutionnaliser le bien (« goodness » dans lâĂ©conomie et la finance :
° Changer le contrat social entre les grandes entreprises (« large business ») et la sociĂ©tĂ© en leur assignant un but civique autant quâun but privĂ©.
° Défaire le mécanisme par lequel une dette excessive a été créée dans la vie collective et personnelle.
° RĂ©duire les opĂ©rations spĂ©culatives dans les marchĂ©s financiers sans rapport avec lâĂ©conomie rĂ©elle.
° Donner aux Ă©pargnants et aux retraitĂ©s la capacitĂ© de mettre en oeuvre leur capital pour une fonction productive plutĂŽt que dâavoir en vue seulement un rendement financier maximum.
« Si nous ne changeons pas les finalitĂ©s des entreprises (« corporate objectives of the business ») qui contrĂŽlent la maniĂšre dont nous vivons, incluant les structures bancaires, mais sans nous limiter Ă celles-ci, alors le volume de leurs budgets de publicitĂ© et la puissance de leurs plans continueront Ă accabler (« overwhelm ») Ă la fois ceux qui travaillent pour elles et le reste dâentre nous ».
Il est bon dâentendre cette voix qui, Ă partir dâune expĂ©rience professionnelle au sein mĂȘme du systĂšme financier actuel, sâĂ©lĂšve pour proclamer la nĂ©cessitĂ© dâun changement majeur dans les finalitĂ©s et le fonctionnement du systĂšme financier et Ă©conomique.
« Notre finance reflĂšte notre philosophie . Nous avons besoin de penser et dâagir dâune maniĂšre qui soit plus relationnelle, holistique, en proximitĂ©, audacieuse, humble, inspirĂ©e par des finalitĂ©s et des principes, tout cela en harmonie avec une vision biblique de la vie. Et puis, nous avons besoin de rĂ©organiser nos institutions pour quâelles reflĂštent notre nouvelle philosophie . Nous lâavons fait dans le passĂ©. Nous pouvons le faire encore ».
Cette voix converge avec dâautres, entre autres, celles qui nous parlent aujourdâhui dâĂ©conomie positive (7) ou dâĂ©conomie solidaire (8) . Le chantier de la rĂ©forme est en train de se mettre en route.
J H
(1)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Featherby (James). Of markets and men. Reshaping finance for a new season. Tomorrow company, 2012. http://www.licc.org.uk/shop/product/of-markets-and-men-reshaping-finance-for-a-new-season
(2)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â James Featherby. Reshaping finance for a new season. http://www.licc.org.uk/engaging-with-culture/connecting-with-culture/business/reshaping-finance-for-a-new-season-1389
(3)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Niall Ferguson.The rule of law and its Enemies. Reith lectures, 2012Â http://www.bbc.co.uk/podcasts/series/reith
(4)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Francis Fukuyama. The origins of political order. From prehuman times to the French Revolution. Profile books, 2011. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846682575/
(5)Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Daron Acemoglu, James A. Robinson. Why nations fail. The origins of power, prosperity and poverty. Profile books, 2012. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846684296/
(6)           James Davison Hunter. To change the world. The irony, tragedy and possibility of Christianity in the late modern world. Oxford University Press, 2010 http://ukcatalogue.oup.com/product/9780199730803.do#.UFTcza7j5Zp
(7)           Voir sur ce blog : « Changement dans les esprits. Nouvelles finalitĂ©s, nouvelles approches. LâĂ©conomie positive ».
Voir sur le site de TĂ©moins : « LâĂ©conomie sociale et solidaire. Ses valeurs et ses enjeux » http://www.temoins.com/en-bref/leconomie-sociale-et-solidaire-ses-valeurs-et-ses-enjeux.html
par jean | Juin 4, 2013 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Société et culture en mouvement |
Le livre de SégolÚne Royal : « Cette belle idée du courage ».
Si elle attire enthousiasme ou contradiction, SĂ©golĂšne Royal a effectuĂ© en France un parcours politique qui ne peut ĂȘtre ignorĂ© (1). Dans cette entrĂ©e en matiĂšre, nous nâavons donc pas Ă le rappeler. A la suite dâautres livres qui ont ponctuĂ© son itinĂ©raire politique, elle vient dâĂ©crire un nouvel ouvrage : « Cette belle idĂ©e du courage » (2).
Pourquoi ce livre ?
Et elle nous dit pourquoi : « LâidĂ©e de ce livre est nĂ©e de la question quâon mâont tant de fois posĂ©e des proches comme des inconnus, des militants et des citoyens, en France et hors de France. « Comment faites-vous pour continuer malgrĂ© tout ? » (p 13). Ce « malgrĂ© tout » nous rappelle les Ă©preuves que SĂ©golĂšne Royal a vĂ©cu au cours de ces derniĂšres annĂ©es : un dĂ©chirement dans sa vie privĂ©e et des dĂ©boires politiques qui se sont succĂ©dĂ©s, mais qui ne lâont pas empĂȘchĂ© de poursuivre son parcours comme prĂ©sidente de la RĂ©gion Poitou-Charentes (3), vice-prĂ©sidente de lâInternationale Socialiste et aujourdâhui vice-prĂ©sidente de la Banque publique dâinvestissement. Le titre mĂȘme de son chapitre introductif est explicite : « Panser ses plaies et repartir ».
Oui, « pourquoi continuer ? » « La dĂ©faite est une violence dont on ne se relĂšve pas par un dĂ©ni⊠Accuser le coup nâoblige pas Ă en rester lĂ . Lâeffet dĂ©capant dâune dĂ©faite peut Ă©roder jusquâaux raisons de se battre, ou, au contraire, les fortifier et aider Ă faire le tri entre lâessentiel et lâaccessoire , permettre dâinscrire le moment douloureux dans une perspective plus large, en cherchant Ă faire primer le destin collectif sur la mĂ©saventure personnelle et en regardant la part qui nous incombe (p 17).
Et, dans ce chemin, SĂ©golĂšne Royal nous dit combien elle a Ă©tĂ© aidĂ©e par de grands tĂ©moins de pays divers et dâĂ©poques diffĂ©rentes. Elle sâest ainsi nourrie « de rencontres, de rĂ©voltes partagĂ©es et de combats menĂ©s » auxquels elle dĂ©clare « devoir une bonne part de lâendurance et de la persĂ©vĂ©rance dont on la crĂ©dite ». « Ce livre », nous dit-elle, « exprime une reconnaissance Ă lâĂ©gard des « passeurs de courage ». Leurs leçons sont universelles. Elles peuvent servir Ă dâautres qui pourront, je lâespĂšre, y puiser, elles et eux aussi, des raisons de tenir bon face Ă lâadversitĂ©, car câest ainsi quâon se relĂšve et quâon avance » (p 18).
Les formes de courage sont multiples et elle en Ă©numĂšre quelques unes :
° « Le courage de dire non, cet acte inaugural dont tous les autre procÚdent.
° Le courage de penser à rebours des conformismes ambiants.
° Le courage de vouloir la vérité et celui de briser, à ses risques et périls, les omertas tenaces.
° Le courage du quotidien aussi, le courage de tenir bon et de se tenir droit quand la vie est rude et nous malmĂšneâŠ
° Le courage de vaincre la peur.
° Le courage de se risquer sur des piste inĂ©dites et dâoser des rĂ©ponses neuves » (p 18-19).
Quelles intentions ?
         Dans une interview à « Femme actuelle » (4), SégolÚne Royal nous éclaire sur ses intentions.
        Oui, elle a choisi des « personnes capables dâagir et de se mettre en harmonie entre leur comportement et la recherche dâun idĂ©al.
Et, quand on lui demande pourquoi elle apparaĂźt « si sereine, presque hilare, les yeux fermĂ©s » sur la photo qui illustre la couverture, elle rĂ©pond : « Jâai voulu un livre profond, mais aussi plein dâespoir et de gaĂźtĂ©. En effet, on ne peut quâĂȘtre frappĂ© par un point commun, Ă ces diffĂ©rents portraits que je propose, cette capacitĂ© Ă ĂȘtre joyeux malgrĂ© des Ă©preuves trĂšs fortes, Que ce soit Nelson Mandela, Louise Michel ou StĂ©phane Hessel etc, ils ont conservĂ© malgrĂ© de terribles Ă©preuves, cette aptitude au bonheur , cette capacitĂ© Ă capter la sensibilitĂ© des gens, à se rĂ©galer dâun paysage, dâune musique, dâun moment de paix. Ils y puisent aussi leurs forces.
Quels sont ses espoirs ? « Mon espoir, câest que justement les gens retrouvent de lâespoir et ne cĂšdent pas au dĂ©couragement . Le livre nâest pas une projection personnelle. Câest la transmission de leçons de vie enthousiasmantes ».
Ainsi, dans le climat de morositĂ© qui est si rĂ©pandu aujourdâhui, SĂ©golĂšne Royal nous offre un livre qui transmet une expĂ©rience de vie positive et qui tĂ©moigne de valeurs.
Une vision politique .
SĂ©golĂšne Royal nous prĂ©sente ainsi une galerie de portraits . Ces personnalitĂ©s sont certes exemplaires par leur courage, mais le choix qui en est fait, tĂ©moigne Ă©galement dâune vision politique.
Dans cette pĂ©riode oĂč lâunification du mode sâaccĂ©lĂšre, dans quelle mesure la France est-elle capable dâentrer pleinement dans ce mouvement ? Manifestement, ici, la vision est rĂ©solument internationale . La plupart des chapitres tĂ©moignent de cet horizon ; Des personnalitĂ©s dâautres pays, dâautres continents : Nelson Mandela, Dilma Rousseff, Franklin Roosevelt y rayonnent, mais aussi les personnalitĂ©s françaises citĂ©es sont, pour la plupart, trĂšs impliquĂ©es, Ă un titre ou un autre, dans la vie internationale. JaurĂšs nâest pas seulement un grand rĂ©publicain engagĂ© dans les luttes sociales, il est aussi lâhomme de la paix, assassinĂ© parce quâil a luttĂ© de toutes ses forces contre la guerre de 1914-1918 qui va plonger lâEurope dans le malheur et le chaos. François Mitterrand peut ĂȘtre rangĂ© dans les constructeurs de lâEurope. AimĂ© CĂ©saire, StĂ©phane Hessel, SĆur Emmanuel sont des acteurs Ă lâĂ©chelle internationale.
Le choix des personnalitĂ©s tĂ©moigne Ă©galement de leur engagement dans un mouvement qui, dans diffĂ©rents domaines, Ćuvre pour une libĂ©ration , pour la reconnaissance de la dignitĂ© humaine et de la justice.
Un premier aspect est la lutte contre ce qui a Ă©tĂ© lâesclavage et la domination vis-Ă -vis des peuples dâautres couleurs : Nelson Mandela, AndrĂ© CĂ©saire, Olympe de Gouges, Lincoln .Â
Un deuxiĂšme aspect est la lutte pour la justice sociale couplĂ©e Ă©ventuellement avec une politique Ă©conomique orientĂ©e dans le mĂȘme sens : Lula, Dilma Rousseff, Franklin D Roosevelt, François Mitterrand, JaurĂšs . Et puis, il y a les actions menĂ©es par les ouvriers dâHeuliez et les ouvriĂšres de la confection , avec le soutien de la prĂ©sidente de la RĂ©gion Poitou-Charentes.
Enfin, la prĂ©sence des femmes en politique et la lutte pour la reconnaissance de la place et de la dignitĂ© de la femme dans notre sociĂ©tĂ© est fortement reprĂ©sentĂ©es comme il se doit quand on pense Ă lâitinĂ©raire de SĂ©golĂšne Royal , trĂšs consciente des oppositions quâelle a, elle-mĂȘme, rencontrĂ©es : Leyla Zana, Dilma Rousseff, SĆur Emmanuel, Louise Michel, Olympe de Gouges, Jeanne dâArc, Ariane Mnouchkine.
Cette action politique est fondĂ©e sur des valeurs explicitĂ©es et assumĂ©es qui proclament la dignitĂ© et le respect de lâĂȘtre humain dans toutes ses dimensions, Ă la fois personnelle et sociale . Lâhomme nâest pas un moyen, mais une fin. Il a droit Ă la considĂ©ration,Ă la justice. Au BrĂ©sil, Lula Ă©met un slogan : « Lula, paix et amour » (p 63). En Afrique du Sud, Nelson Mandela remportant la victoire aprĂšs trente ans de pĂ©nible dĂ©tention, ne cĂšde pas Ă lâesprit de vengeance. « Il ose lâespoir dâun pays fraternel. Il y engage tout son prestige moral et tout son poids politique, tout son pouvoir de conviction » (p 27). « Etre libre », Ă©crit-il, « ce nâest pas seulement se dĂ©barrasser de ses chaĂźnes. Câest vivre dâune façon qui respecte et renforce la libertĂ© des autres » (p 21). Dans une dynamique de vie, il y a le geste de pardon. Affreusement torturĂ©e pendant la pĂ©riode de la dictature militaire, des annĂ©es plus tard, lorsquâelle accĂšde Ă la prĂ©sidence du BrĂ©sil, Dilma Rousseff Ă©crit : « Jâai endurĂ© les souffrances les plus extrĂȘmes. Je ne garde aucun regret, aucune rancune ». VoilĂ un Ă©tat dâesprit qui fait contraste avec lâengrenage de la vengeance et de la mort qui caractĂ©rise dâautres Ă©pisodes de lâhistoire. Ce respect portĂ© Ă lâĂȘtre humain est une exigence qui sâinscrit dans la vie quotidienne. Comme Ministre de lâenseignement scolaire, SĂ©golĂšne Royal a eu le courage dâengager la lutte contre le bizutage, une pratique dĂ©gradante implantĂ©e dans de nombreux Ă©tablissements ou les bas instincts trouvaient Ă se manifester avec la complicitĂ© active ou passive des autoritĂ©s. Face aux prĂ©jugĂ©s, aux habitudes, aux traditions, on imagine les rĂ©sistances auxquelles SĂ©golĂšne Royal sâest heurtĂ©e. Ainsi consacre-t-elle un chapitre Ă lâaudience de la Cour de justice de la RĂ©publique, le 15 mai 2000, qui lâa lavĂ©e dâune accusation calomnieuse (p 281-304). Oui, dĂ©terminĂ©e, elle lâa Ă©tĂ© face à « des rituels rĂ©pugnants dâavilissement et de domination infligĂ©s Ă des jeunes sous les prĂ©textes fallacieux de la tradition et de lâintĂ©gration au groupe » (p 285).
Finalement, cette lutte partout engagĂ©e pour la libĂ©ration des ĂȘtres humains par rapport au mal qui leur est infligĂ© par des structures et des forces sociales dominatrices, trouve son fondement dans un sens de la justice qui, lui-mĂȘme, sâenracine dans une capacitĂ© dâempathie, dans une capacitĂ© dâamour . La conclusion du chapitre sur JaurĂšs nous le dit excellemment : « JaurĂšs Ă©tait un ami du peuple, sincĂšre, sans postures ni facilitĂ©s. Les gens, les pauvres gens lâaimaient, car ils le sentaient du cĂŽtĂ© de ceux qui souffrent . Personne ne lâa mieux dit que Jacques Brel :
« Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois sâappelaient dĂ©cembre
Quelle vie ont eue nos grands-parentsâŠ
Ils Ă©taient vieux avant que dâĂȘtre
Quinze heures par jour, le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendre.
Oui, notre monsieur, notre bon maĂźtre
Pourquoi ont-ils tué JaurÚs ? » (p 192).
La France en chemin
Ce livre ne traite pas de la conjoncture politique actuelle en France. Il tĂ©moigne dâun Ă©tat dâesprit qui a pris de la hauteur en se situant dans la durĂ©e et dans le vaste espace du monde. La seule rĂ©fĂ©rence Ă des actions prĂ©sentes concerne les luttes pour lâemploi entreprises par les ouvriers et les ouvriĂšres dâHeuliez et dâAubade en Poitou, soutenues par SĂ©golĂšne Royal, prĂ©sidente de la rĂ©gion. Mais celle-ci nâa pas oubliĂ© tous ceux qui lâont accompagnĂ©e dans son itinĂ©raire politique et particuliĂšrement dans la campagne prĂ©sidentielle de 2007. « Merci Ă toutes et Ă tous, correspondants amicaux, Ă©pistoliers fraternels. Ensemble, osons le courage. Voici lâurgence du temps prĂ©sent⊠» (p 305-310).
Dans le cadre de ce blog, nous nâentrons pas dans les pĂ©ripĂ©ties politiques . Comme dans ce livre, notre regard se porte sur les fondements et cherche Ă sâinscrire dans la durĂ©e. Mais il y a une relation profonde entre ressenti et comprĂ©hension. Et câest pourquoi nous ne pouvons pas passer sous silence la maniĂšre dont nous avons vĂ©cu la campagne prĂ©sidentielle de 2007 . Des expressions comme « ordre juste, dĂ©mocratie participative, intelligence collective, politique par la preuveâŠÂ » continuent aujourdâhui Ă nous inspirer. Lâappellation donnĂ©e Ă lâassociation qui a soutenu SĂ©golĂšne Royal : « DĂ©sirs dâavenir » (5) a Ă©tĂ© pour nous extrĂȘmement Ă©vocatrice. En effet, elle exprime bien ce qui monte dans les consciences, une aspiration Ă un avenir meilleur. Ce nâest pas une idĂ©ologie qui descend dâen haut, câest une parole qui naĂźt en chacun. Et, de surcroĂźt, cette approche a su sâappuyer sur les sciences humaines pour prendre en compte la rĂ©alitĂ© (6). Ainsi, nous avons perçu dans cette campagne un enthousiasme qui rĂ©pondait Ă la capacitĂ© dâempathie de la candidate. Ce nâest pas un hasard si les quartiers populaires, oĂč les cultures du Sud sont bien reprĂ©sentĂ©es, ont votĂ© pour elle en masse. La fraternitĂ©, la convivialitĂ©, des rĂ©alitĂ©s humaines dont la France a bien besoin, sâĂ©veillaient et devenaient tangibles . Des amis chers ont pu sâinquiĂ©ter de cette veine Ă©motionnelle et sâen dĂ©tourner, mais il y avait lĂ une dynamique qui ne peut ĂȘtre oubliĂ©e. On pourrait formuler lâappel qui a Ă©tĂ© formulĂ© Ă cette Ă©poque dans les termes suivants : Français, entrons ensemble dans le monde dâaujourdâhui dans un esprit de solidaritĂ© et de justice. SĂ©golĂšne Royal regarde vers lâavenir, hors des rĂ©flexes sĂ©curitaires. Les avant-gardes ne sont pas toujours bien reçues, mais, dans la durĂ©e, la culture nouvelle parvient Ă se frayer un chemin.
Des sociologues, des Ă©conomistes nous appellent aujourdâhui Ă prendre conscience dâun hĂ©ritage du passĂ© qui handicape notre pays . Michel Crozier a Ă©crit autrefois un livre sur « La sociĂ©tĂ© bloquĂ©e  » (7). Aujourdâhui, un Ă©conomiste Yann Algan nous avertit en publiant un livre : « La fabrique de la dĂ©fiance » (8). Il y a dans notre histoire et la maniĂšre dont elle pĂšse encore sur nos institutions, en particulier le systĂšme scolaire, une empreinte de hiĂ©rarchisation et dâuniformitĂ©. Les enquĂȘtes internationales montrent combien la France est en retard en terme de confiance . Bien sĂ»r, ce nâest pas une fatalitĂ©. Et câest lĂ que le message de ce livre peut exercer une influence. Car une vision originale contribue Ă modifier et Ă rĂ©orienter les reprĂ©sentations . Et il est possible dâagir Ă diffĂ©rents niveaux . En une dĂ©cennie, grĂące Ă des dirigeants hors pair, le BrĂ©sil est sorti du sous-dĂ©veloppement pour entrer dans le concert des pays Ă©conomiquement dynamiques. Et dans un plus lointain passĂ©, Franklin D. Roosevelt, malgrĂ© un grave handicap physique, a permis aux Etats-Unis de faire face Ă une grande crise. Ces exemples tĂ©moignent de lâimpact du politique. Ce livre porte une dynamique.
Un idéal de vie
Si ce livre sâapplique surtout Ă lâexpression du courage dans la vie publique, il nâoublie pas les Ă©preuves de la vie privĂ©e : « Je comprends le courage quâil faut pour surmonter les accidents de la vie, cette impression douloureuse dâamputation dans les ruptures affectives, la cassure due Ă la perte dâemploi ou encore ce sentiment de diminution sans retour causĂ© par la maladie ou le dĂ©cĂšs dâun ĂȘtre cher, un toboggan sans fin. Tout cela appelle une rĂ©silience, une force Ă aller chercher pour repartir ». « Se sentir « haĂŻ par la vie sans haĂŻr Ă son tour », continuer à « lutter et se dĂ©fendre » sans devenir « sceptique ou destructeur » pour reprendre Rudyard Kipling (dont le texte : « Tu seras un homme, mon fils » est prĂ©sentĂ© en introduction) et, sans dire un seul mot, se mettre Ă rebĂątir », si un peu de tout cela est transmis au lecteur qui souffre, alors cet ouvrage nâaura pas Ă©tĂ© inutile » (p 14-15).
Pour SĂ©golĂšne Royal, le courage trouve son inspiration dans la participation Ă un mouvement qui nous dĂ©passe. Elle lâexprime en ces termes : « RĂ©ussir sa vie dâhomme ou de femme nâest pas le but ultime, il y a des idĂ©aux qui nous transcendent , des luttes quâon se doit de mener en mĂ©moire de ceux qui crurent. Il faut avoir confiance dans lâhomme, et ne pas le croire seulement rationnel, calculateur, court-termiste, car nous avons un labeur qui nâattend pas : le progrĂšs, solidaire et fraternel de tous » (p 192).
Chez SĂ©golĂšne Royal, cette conscience est si affirmĂ©e que les sacrifices consentis dans cette marche ne sâaccompagnent pas dâune expression de tristesse, de mĂ©lancolie. Et, dans les personnalitĂ©s quâelle dĂ©crit, elle met lâaccent sur leur goĂ»t de vivre et leur bonheur dâĂȘtre. Quelque part, il y a tout au long de ce livre une forme de joie. Rappelons son interview à « Femme actuelle » : « On ne peut quâĂȘtre frappĂ© par un point commun Ă ces diffĂ©rents portraits que je propose, cette capacitĂ© Ă ĂȘtre joyeux malgrĂ© des Ă©preuves trĂšs fortes ».
Et, dans bien des cas, cette ouverture sâaccompagne de bontĂ© envers les autres. Ainsi, Nelson Mandela , depuis sa prison, Ă©crit en 1981 : « Câest une vertu prĂ©cieuse que de rendre les hommes heureux et de leur faire oublier leurs soucis ». Et ce conseil Ă retenir : « Prenez sur vous, ou que vous viviez, de donner de la joie et de lâespoir autour de vous » (p 29).
En chemin
Il y a dans ce livre, un souffle, un mouvement. Câest un ouvrage qui dissipe le pessimisme, un livre tonique. A cet Ă©gard, on peut le comparer au livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible  » (9). Les genres sont diffĂ©rents. Mais, dans les deux cas, le lecteur est appelĂ© Ă aller de lâavant. Dans son livre, Jean-Claude Guillebaud analyse les origines du pessimisme actuel. Et, Ă juste titre, il Ă©voque les grands massacres qui ont accompagnĂ© les deux grandes guerres du XXĂš siĂšcle. Lâhistoire nous rappelle ainsi de temps Ă autre la fragilitĂ© de la sociĂ©tĂ© humaine.
En sâadressant Ă un vaste public, SĂ©golĂšne Royal sâexprime sur un registre de parole quâelle souhaite pouvoir ĂȘtre reçu par tous les lecteurs. Elle prend mĂȘme des prĂ©cautions puisque, lorsquâelle parle de Jeanne dâArc, elle Ă©crit sur le ton de lâhumour : « Moi, je nâai pas le droit de vous parler de Jeanne dâArc, car, si je le fais, je sais bien quâaussitĂŽt on parlera de « religiositĂ© », de « foi », dâĂ©vangĂ©lisme »⊠  SĂ©golĂšne Royal nous invite au courage. Quand on sait les Ă©preuves quâelle a affrontĂ©es, on reçoit ses paroles avec humilitĂ© . Oui, ce sont lĂ des paroles authentiques. Elle peut nous parler sur le registre de lâexpĂ©rience, et ce quâelle dit, porte. Chacun donc reçoit son message selon son itinĂ©raire et en fonction de son cheminement. Pour nous, si nous recevons pleinement cette expĂ©rience communicative, nos questionnements nous appellent Ă aller plus loin dans la recherche de sens.
Sur ce blog, dans une contribution : « les malheurs de lâhistoire . Mort et rĂ©surrection » (10), un poĂšme exprime ces interrogations.
« O, temps de lâavenir, brillante citĂ© terrestre
A quoi te servirait-il que nous te connaissions
Si nos yeux devaient Ă jamais mourir
Et dans les cimetiĂšres, nos corps pourrirâŠ
A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent
Si tous nos cimetiĂšres recouvraient la terreâŠÂ »
Ainsi, pour nous, le courage, pour sâexercer sereinement a besoin de sâancrer dans un espoir, dans une espĂ©rance. Il a besoin de sâinscrire dans la conviction que la mort nâa pas le dernier mot , câest Ă dire lâanĂ©antissement des ĂȘtres et des collectivitĂ©s humaines, et quâil y a, par delĂ , une rĂ©ussite ultime de la vie .
Dans de grands tourments, câest plus que de courage que nous avons besoin, mais de confiance, comme lâĂ©crit Odile Hassenforder dans son histoire de vie (11). JĂŒrgen Moltmann , un thĂ©ologien auquel nous avons souvent recours sur ce blog inscrit sa rĂ©flexion sur la dynamique de la libĂ©ration dans une thĂ©ologie de lâespĂ©rance, la vision dâune nouvelle crĂ©ation qui se prĂ©pare dans lâĆuvre du Christ ressuscitĂ© et le souffle de lâEsprit (12). Ce nâest plus une religion statique qui sâadresse aux seuls individus et lĂ©gitime un statu-quo social et politique. Câest une dynamique de vie et dâespĂ©rance qui concerne tout lâhomme et tous les hommes et qui nous inspire en nous permettant dâaller « De commencements en recommencements » (13).
En confiant ainsi au lecteur ce cheminement de pensĂ©e, nous apportons notre contribution personnelle Ă la rĂ©flexion sur la vie et sur lâhumanitĂ©, ou plutĂŽt pour la vie et pour lâhumanitĂ© Ă laquelle SĂ©golĂšne Royal nous convie dans son beau livre sur le courage. Oui, il y a dans cet ouvrage, un souffle, une dynamique de vie pour la vie. Elle nous appelle Ă persĂ©vĂ©rer, Ă poursuivre notre action « dans des idĂ©aux qui nous transcendent », et plus simplement dans cette empathie, cet amour en acte qui transparaĂźt dans son message et quâelle Ă©voque si bien lorsquâelle nous fait entrer dans la vie de personnalitĂ©s comme Nelson Mandela, Louise Michel ou JaurĂšs. Avec SĂ©golĂšne Royal, Ă©coutons ces « passeurs de courage » qui sont aussi des « passeurs dâĂ©nergie ».
JH
(1)           On pourra sâinformer sur le parcours politique de SĂ©golĂšne Royal dans un article sur Wikipedia . Ce texte bien documentĂ© nous montre lâampleur et la fĂ©conditĂ© de son parcours, tout en mentionnant les critiques et les reproches qui ont pu ĂȘtre exprimĂ©s vis-Ă -vis de cette personnalitĂ©. Une information rĂ©cente montre que la rĂ©daction de cet article cristallise les tensions entre partisans et adversaires. http://fr.wikipedia.org/wiki/SĂ©golĂšne_Royal
(2)           Royal (SégolÚne). Cette belle idée du courage. Grasset, 2013.
(3)           Présidente de la Région Poitou-Charentes, SégolÚne Royal y a entrepris une action innovante dans de nombreux domaines, notamment la politique écologique et la transition énergétique. http://www.presidente.poitou-charentes.fr/
(4)           « Pourquoi ce livre ? » : Interview sur « Femme actuelle » http://www.femmeactuelle.fr/actu/dossiers-d-actualite/interview-segolene-royal-livre-cette-belle-idee-du-courage-02568
(5)           Site de DĂ©sirs dâavenir : http://www.desirsdavenir.org/
(6)           Ainsi a-t-elle dialoguĂ© avec de grands chercheurs comme Edgar Morin et Alain Touraine . Elle a mĂȘme Ă©crit un livre avec ce dernier : Royal (SĂ©golĂšne), Touraine (Alain). Si la gauche veut des idĂ©es. Grasset, 2008
(7)           Michel Crozier est lâauteur dâune Ćuvre sociologique particuliĂšrement Ă©clairante pour comprendre la sociĂ©tĂ© française : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Crozier            On pourra lire notamment: Crozier (Michel) ; la sociĂ©tĂ© bloquĂ©e. Le Seuil, 1971
(8)           Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zylbergerg (André). La fabrique de la défiance, Grasset, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » https://vivreetesperer.com/?p=1306
(9)           Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible.Comment retrouver lâespĂ©rance ? Lâiconoclaste, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Quel avenir pour la France et pour le monde ?  » https://vivreetesperer.com/?p=937
(10)     « Les malheurs de lâhistoire. Mort et rĂ©surrection » https://vivreetesperer.com/?p=744
(11)     Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte, 2011. Présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html . Le thÚme de la confiance est trÚs présent dans ce livre : https://vivreetesperer.com/?p=1246
(12)     Un blog : « LâEsprit qui donne la vie » est destinĂ© Ă faire connaĂźtre la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann aux lecteurs francophone. http://www.lespritquidonnelavie.com/  On y trouvera notamment une mise en perspective de son livre de synthĂšse : Moltmann (JĂŒrgen.) Sun of rightneousness. Arise ! Godâs future for humanity and earth. Fortress Press, 2010 : « Lâavenir de Dieu pour lâhumanitĂ© et la terre » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=798 . Une rĂ©flexion sur notre rĂŽle dans lâhistoire : « En marche. Dans le chemin de lâhistoire, un processus de rĂ©surrection » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=848
(13)     Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique dâespĂ©rance. Empreinte Temps prĂ©sent, 2012. Voir : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=844  et https://vivreetesperer.com/?p=572
par jean | Oct 2, 2023 | Emergence Ă©cologique |
Dans le mouvement de le transition intérieure, co-créer une culture régénératrice.
ConsĂ©quence dâune ambition dĂ©mesurĂ©e de lâhumanitĂ© en recherche de richesse et de puissance, exploitant sans vergogne les ressources de la planĂšte, malgrĂ© des avertissements personnels et collectifs remontant Ă plusieurs dĂ©cennies, la crise climatique appelle aujourdâhui un changement de cap, un changement de paradigme, un changement de vision. Ce changement radical requiert une mobilisation des esprits fondĂ©e sur une nouvelle maniĂšre de voir le monde et dĂ©bouche sur un changement Ă©conomique et social. Câest un processus qui sâeffectue dans le temps. Câest pourquoi nous devons envisager une transition. Et lorsquâil sâagit de promouvoir un nouvel Ă©tat dâesprit, une autre façon de sentir et dâagir, une nouvelle maniĂšre dâenvisager lâavenir, on peut parler de « transition intĂ©rieure ». Michel Maxime Egger, Tylie Grosjean, Elie Wattrelet viennent dâĂ©crire un « Manuel de transition intĂ©rieure » (1) publiĂ© en 2023 aux Editions Actes Sud en partenariat avec le mouvement Colibris dans la collection âDomaine du possibleâ. Ce livre, de prĂšs de 500 pages, est un ouvrage de rĂ©fĂ©rence qui se dĂ©cline en plusieurs sĂ©quences : fondements, mĂ©tamorphoses, intĂ©gration, praxis, ressources pour aller plus loin⊠Et il affiche en premier un titre hautement significatif, le terme : « Reliance  ». Comme dĂ©jĂ , Ă plusieurs reprises (2), nous constatons que tout se tient, tout se relie et nous sommes invitĂ©s Ă affronter les perturbations qui compromettent cette unitĂ© potentielle , dans un travail de reliance . Ce livre couvre un champ trĂšs vaste et nous nous arrĂȘterons ici sur un des aspects: « Une culture du soin pour un monde plus sain ».
Une culture du soin dans un monde plus sain (p 180-181).
Promouvoir la transition intĂ©rieure, « implique de remettre le soin au cĆur de notre façon dâĂȘtre au monde en tant quâindividu, collectif et sociĂ©tĂ©  ». Le mouvement de la transition accorde au soin une grande attention. « Il est alors possible de contribuer Ă la co-crĂ©ation dâune sociĂ©tĂ© de soin, souvent nommĂ©e sociĂ©tĂ© du care  » (3) Pour la politologue fĂ©ministe, Joan Tonto , « le care est une activitĂ© gĂ©nĂ©rique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpĂ©tuer et rĂ©parer notre monde de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». La philosophe Cynthia Fleury Ă©voque Ă©galement une « sociĂ©tĂ© du care ». Assez naturellement, la notion de soin renvoie au secteur de la santĂ© et de tous les mĂ©tiers associĂ©s au « prendre soin  ». Cependant, ici on Ă©largit la perspective en englobant toutes les composantes de la sociĂ©tĂ©. Et, considĂ©rant le courant du dĂ©veloppement personnel , on y perçoit une approche trop individualiste « avec pour risque de sâadapter au monde tel quâil est, sans jamais sâinterroger sur son bien fondĂ©, sa lĂ©gitimitĂ©, ses travers et ses consĂ©quencesâŠÂ ». A lâinverse, dans la transition intĂ©rieure, les dĂ©marches visant Ă prendre soin de soi, des autres, et du monde, sont clairement indiquĂ©es, dans la conscience critique et aussi politique de leur impact sur la toile du vivant ».
Co-créer une culture régénératrice (p 181-183).
Nous vivons dans lâambiance dâune vie pressĂ©e qui ne favorise pas une vie pacifiĂ©e. « Une sociĂ©tĂ© qui fonctionne en sollicitant exagĂ©rĂ©ment les ĂȘtres humains et les Ă©cosystĂšmes quâelle sâapproprie gĂ©nĂšre forcĂ©ment des phĂ©nomĂšnes dâĂ©puisement . Le consumĂ©risme saisit la biosphĂšre et lâĂȘtre humain . Il les Ă©puise en excĂ©dant leurs limites et capacitĂ©s de rĂ©gĂ©nĂ©ration  ». Comme nous nous inscrivons dans ce genre de vie, nous sommes influencĂ©s par ces travers jusque dans nos efforts pour y remĂ©dier. « Le monde de la transition nâĂ©chappe pas Ă cette logique ; si le systĂšme nous extĂ©nue, nous pouvons aussi nous Ă©puiser Ă tenter dâen sortir et de crĂ©er du neuf ». Comment vivons-nous ces dĂ©pressions et pouvons-nous en tirer parti ? « Un grand nombre de transitionnaires vivent leurs burn-out et dâautres soucis de santĂ© comme des signaux dâalarme, des opportunitĂ©s pour franchir des Ă©tapes dâĂ©volution plus radicales. En dĂ©couvrant âle potentiel de mĂ©tamorphoseâ des Ă©puisements, nous pouvons progressivement les accueillir et nous laisser transformer par eux, avec un soutien du collectif ». Cependant, il est important dâenvisager Ă©galement les causes structurelles de ces Ă©puisements : « les logiques de rentabilitĂ© et de course Ă la performance, qui sont inhĂ©rentes Ă nos cultures modernes occidentales. Elles sont aussi Ă dĂ©noncer et Ă dĂ©construire ». Comme lâĂ©crit Martine Simon, « Lâenjeu dâobtenir des rĂ©sultats coĂ»te que coĂ»te domine dans notre culture tandis que lâenjeu de prendre soin est relĂ©guĂ© Ă tenter de rĂ©parer les dĂ©gĂąts ». Dans une perspective inspirĂ©e par la permaculture , trois orientations : « prendre soin, prendre soin pour obtenir des rĂ©sultats, et obtenir des rĂ©sultats qui prennent soin ». Il nây a pas de travaux de seconde zone. « Prendre la mesure de lâimportance du care pour la vie humaine nous rappelle que nous dĂ©pendons tous des services dâautrui pour satisfaire des besoins primordiaux ».
Vers un soin de soi juste et engagé (p 183-187)
La conscience de lâimportance de âprendre soin de soiâ sâest aujourdâhui rĂ©pandue. Les auteurs envisagent Ă©galement cette attitude dans une perspective plus large : « âLe prendre soin de soiâ doit ĂȘtre envisagĂ© dans ses dimensions politiques ». Certaines personnes y voient une passivitĂ© redoutable. « IdĂ©alement, le care intĂ©grerait et transcenderait Ă la fois la lutte et le repos en dĂ©montant ainsi les frontiĂšres qui les sĂ©parent ». âPrendre soin de soiâ peut ĂȘtre vĂ©cu de diverses maniĂšres. Ce nouvel adage nâest pas sans travers : « Quand nous tentons de maintenir les apparences en renvoyant une image de rĂ©ussite ou dâindividu autonome, quand nous cherchons Ă nous remettre sur pied pour faire plus de la mĂȘme chose, nous peinons Ă crĂ©er les conditions pour nous sentir mieux et contribuer Ă un vĂ©ritable changement ». Nous voici ici appelĂ©s Ă©galement Ă un rapport nouveau Ă lâĂ©coulement du temps. Le militantisme en faveur de la transition peut lui-mĂȘme ĂȘtre entachĂ© par une excitation dans la recherche dâune rapiditĂ© dans lâobtention des rĂ©sultats. « Dans nos projets novateurs, nous plaçons parfois inconsciemment la mĂȘme exigence de rentabilitĂ© ou la mĂȘme soif de reconnaissance quâavant . Câest le cas aussi lorsque nous intĂ©grons les pratiques de transition intĂ©rieure avec fĂ©brilitĂ©Â : nous faisons beaucoup de choses pour apprendre Ă âĂȘtreâ ». « Il nâest pas toujours facile dâaccepter que la pacification de notre relation au temps⊠prenne justement du temps ». Les auteurs Ă©voquent, entre autre, « la notion de temps juste proposĂ©e par le journaliste Carl HonorĂ©. On peut notamment explorer diffĂ©rentes formes de âslowâ en adoptant des rythmes adaptĂ©s Ă chaque contexte. Cela suppose, Ă chaque instant, une Ă©coute de plus en plus fine de la vie qui sâexprime en nous et autour de nous. Cela demande aussi de connaĂźtre et choisir de consacrer du temps Ă ce qui nous nourrit et nous rĂ©gĂ©nĂšre ».
Nous entrainer Ă lâouverture du cĆur (p 188-192)
Etre ouvert de cĆur, câest ĂȘtre attentif aux autres, câest-Ă -dire ne pas sâenfermer dans un train de vie fondĂ© sur ses propres forces. Câest donc accepter de reconnaĂźtre notre vulnĂ©rabilitĂ©. « Quand on a appris Ă se protĂ©ger en sâisolant, un lien est Ă retisser pour se sentir Ă nouveau en sĂ©curitĂ© avec lâautre. MĂȘme sans avoir vĂ©cu un traumatisme particulier, il importe de transformer les croyances qui associent la vulnĂ©rabilitĂ© Ă la passivitĂ© et Ă la faiblesse. Nous dĂ©couvrons alors trĂšs souvent, que son acceptation nous donne de la force. Accepter et reconnaitre notre vulnĂ©rabilitĂ© nous permet peu Ă peu dâoser demander du soutien Ă un entourage de confianceâŠ
Que ce soit au cĆur du soin, de la santĂ©, et plus gĂ©nĂ©ralement dans une relation avec les autres, Cynthia Fleury (4) nous invite Ă poser une double exigence : « rendre la vulnĂ©rabilitĂ© capacitaire et porter lâexistence de tous comme un enjeu propre dans toutes les circonstances de la vie  ». En dĂ©fendant une approche plus globale du soin, elle encourage par exemple Ă prendre en compte la vulnĂ©rabilitĂ© dâun patient « sans jamais la renforcer, ni la considĂ©rer comme synonyme dâincapacité ».
Dans un magnifique tĂ©moignage, Pascale FrĂšre, mĂ©decin spĂ©cialiste en hĂ©matologie, explique lâimportance dâavoir pu sâouvrir Ă sa propre vulnĂ©rabilitĂ© au fil des Ă©preuves de la vie. Dans ses Ă©preuves, elle a compris que « le cĆur ouvert du soignant amenait autant de guĂ©rison que la technique dâexĂ©cution du geste, car la vie circulant chez le soignant contactait la mienne, cette part de douceur dont jâavais mĂȘme oubliĂ© lâexistence ». Ces prises de conscience lui ont permis de « retrouver la voie dâune mĂ©decine humaniste, rĂ©invitant dans la relation thĂ©rapeutique une qualitĂ© de prĂ©sence tissĂ©e dâamour et de compassion ».
Nous rencontrer pour Ă©voluer ensemble vers de nouveaux comportements dans la voie de la transition intĂ©rieure requiert une ambiance « dâempathie et de douceur ». Ainsi « la richesse de ce qui est partagĂ© dans la profondeur se met au service tant des personnes que du collectif. Lâempathie, cette posture qui nous rend « capable de nous mettre Ă la place de lâautre », y contribue. LâĂ©loge de la douceur vient nous Ă©veiller Ă une rĂ©alitĂ© parfois encore mĂ©connue. « Dans cette sociĂ©tĂ© qui dĂ©valorise les enjeux du soin, il peut paraĂźtre dĂ©risoire dâencourager la douceur et la tendresse⊠Comme si ces qualitĂ©s Ă©taient rĂ©servĂ©es Ă la sphĂšre privĂ©e⊠On nâaurait ni le temps, ni les moyens pour le reste du monde ». Pour Anne Dufourmantelle , « ĂȘtre doux avec les choses et avec les ĂȘtres⊠câest ne pas vouloir ajouter de la souffrance Ă lâexclusion, Ă la cruautĂ© et inventer lâespace dâune humanitĂ© sensible, dâun rapport Ă lâautre qui accepte sa faiblesse âŠÂ ». « Attenter Ă la douceur est un crime sans nom que notre Ă©poque commet souvent au nom de ses divinitĂ©s : lâefficacitĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilité ». « La philosophe et psychanalyste nâhĂ©site pas Ă affirmer que le dĂ©ni du besoin de douceur se manifeste Ă travers nos dĂ©pressions. « Le manque de douceur est endĂ©mique. Il a crĂ©Ă© un isolement aussi puissant quâun charme ». « Lâangoisse vient dans le corps quand il est dĂ©sertĂ© par la douceur »⊠Il y a donc dans la douceur une puissance de vie : « La douceur est une force de transformation secrĂšte prodiguant la vie, reliĂ©e Ă ce que les anciens appelaient justement puissance ».
Stimuler lâentraide et lâaltruisme (p 192-194)
La culture de la compĂ©tition fait obstacle Ă la culture du care. Mais, en regard, il apparait aujourdâhui que lâentraide est un processus naturel puissamment rĂ©pandu dans la nature . Ainsi, Ă partir de nombreuses recherches, dans un livre innovant, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (5) ont montrĂ© que les ĂȘtres vivants ont une puissante tendance Ă sâassocier. « Lâentraide est non seulement un principe du vivant, mais un mĂ©canisme de son Ă©volution » : « Les organismes qui sâentraident sont ceux qui survivent le mieux ». Les ĂȘtres humains nâĂ©chappent pas Ă cette rĂ©alitĂ©. Ainsi, dans certaines catastrophes, on a pu observer des comportements dâentraide. En plus de lâentrainement Ă lâentraide au « cĆur de lâengagement et de lâaction, nous pouvons choisir dans les collectifs, des pratiques transformant ces gestes en rĂ©flexion ».
Cette propension Ă lâentraide peut ĂȘtre envisagĂ©e dans la perspective de « reliance » qui est la trame de ce livre. « Quand nous nous appuyons dĂ©libĂ©rĂ©ment sur notre connexion Ă la toile du vivant, nous pouvons de plus en plus prendre soin de nous en prenant soin du monde et prendre soin du monde en prenant soin de nous . Nous cultivons alors des habiletĂ©s au service de la vie qui rejaillissent aussi positivement sur nous, mĂȘme si câest plus tard et de façon indirecte. Cette loi de la rĂ©ciprocitĂ© au cĆur de lâentraide, avec son mouvement cyclique, donner â recevoir â rendre, participe Ă un Ă©quilibre vivant : nous sommes nourris en retour par cette façon dâĂȘtre au monde. Il devient ainsi possible de co-crĂ©er et dĂ©ployer notre crĂ©ativitĂ© en composant avec les inĂ©vitables temps oĂč nos fragilitĂ©s affleurent ».
Accroitre notre résilience. Promouvoir la santé (p 195-200)
« Le mot « rĂ©silience » issu de la physique, de la psychologie et de lâĂ©cologie, Ă©voque la capacitĂ© Ă affronter, supporter et traverser des chocs, des crises et des tensions extĂ©rieures en gardant son intĂ©grité ». La transition intĂ©rieure Ă©tudiĂ©e dans ce livre implique la rĂ©silience.
DĂ©velopper la rĂ©silience, câest chercher Ă entretenir un Ă©quilibre dynamique, câest aussi changer notre regard sur la santĂ©.
Nous pouvons considĂ©rer une alternance entre des pĂ©riodes oĂč nous engageons toutes nos forces dans le soin et dâautres oĂč nous prenons soin de nous-mĂȘme. « Lâarticulation entre le chemin personnel, lâengagement pour le collectif, et le choix du mode de vie sera dâautant plus fluide quâelle sera associĂ©e Ă des temps dâintĂ©gration et de respiration ». « Selon les moments et les contextes, nous sommes amenĂ©s Ă consacrer plus ou moins de temps et dâattention Ă lâune ou lâautre voie de restauration des quatre liens Ă soi, aux autres, au vivant, et au plus grand que soi. Lâinterconnexion profonde entre ces dimensions fera que chaque porte dâentrĂ©e vers un des liens pourra se mettre au service de la guĂ©rison des autres . Par ces aspirations, la transition intĂ©rieure permet dâĂ©voluer en soutenant la vie en soi et autour de soi, dâune maniĂšre qui soit adaptĂ©e Ă chaque contexte et Ă chaque instant ».
Nous voici Ă©galement appelĂ©s Ă changer notre regard sur la santĂ©. « Dans la mesure oĂč elle nous invite Ă prendre soin de la santĂ© conjointe de la psychĂ© humaine et de lâĂąme de la Terre, la transition intĂ©rieure implique un changement de regard sur la santé ».
Au total, nous sommes invitĂ©s Ă envisager une approche globale , une approche holistique . « Pour lâOrganisation mondiale de la santĂ© , (OMS), la santĂ© est un concept trĂšs large, dĂ©pendant de nombreuses variables. Plus quâĂ lâabsence de maladie, elle renvoie Ă la recherche dâun bien-ĂȘtre Ă la fois physique, psychique et social â nous ajoutons : Ă©cologique. PrivilĂ©gier une vision holistique permet de sâattacher au lien entre des symptĂŽmes : dâaller aux racines, de laisser une place Ă la psychĂ©, aux systĂšmes familiaux et sociaux, aux Ă©cosystĂšmes plus ou moins dĂ©gradĂ©s dont dĂ©pend le patient, aux liens corps-Ăąme-esprit. Une approche globale et prĂ©ventive de la santĂ© ouvre aussi la possibilitĂ© de recrĂ©er â au besoin avec le soutien de collectifs et de thĂ©rapeutes â les conditions dâune bonne hygiĂšne de vie : alimentation saine et respectueuse, exercice physique ou encore qualitĂ© de sommeil prĂ©servĂ©e ».
Câest Ă©videmment « une approche nouvelle en regard dâune mĂ©decine classique qui Ă©volue encore souvent dans des champs trĂšs Ă©troits ». « La pandĂ©mie a mis en Ă©vidence les limites dâune approche de santĂ© publique centrĂ©e avant tout sur des dimensions techno-industrielles. Non seulement la politique de « tout au vaccin » nâĂ©tait pas complĂ©tĂ©e par des invitations Ă renforcer nos systĂšmes immunitaires, mais en plus elle rejetait des formes de soins alternatifs » .
Notre Ă©poque troublĂ©e compromet la santĂ© psychique . « Dans les temps qui viennent, il sera de plus en plus indispensable de prendre soin de notre santĂ© psychique sans recourir Ă des camisoles chimiques. Un enjeu, durant cette transition, est dâapprendre Ă composer avec deux tendances qui alimentent des cercles vicieux de mal-ĂȘtre : la pathologisation et la stigmatisation . Quand le mouvement dâalternance propre Ă la vie nâest pas reconnu parce quâil ne serait pas dans la norme, ses manifestations spontanĂ©es sont volontiers pathologisĂ©es ».
Nâenfermons pas les gens dans des catĂ©gories. Ainsi Anne Dufourmantell e, en parlant des personnes dites « bipolaires », « dĂ©nonce Ă la fois leur stigmatisation par le corps social et le traitement inhospitalier de leur « folie ordinaire » et de leur souffrance morale par la psychiatrie contemporaineâŠÂ ». La psychanalyste rejoint dâautres praticiens qui sâengagent en faveur dâune Ă©thique mĂ©dicale et thĂ©rapeutique. Lâanthropologie clinique met en Ă©vidence que « les formes pathologiques sont tributaires des formes symboliques Ă lâĆuvre dans une culture ». De mĂȘme, si on perçoit aujourdâhui la diversitĂ© des fonctionnements neurologiques, « heureusement de plus en plus dâĂ©coles alternatives sâouvrent aujourdâhui Ă la notion dâintelligences multiples et proposent des approches Ă©ducatives mieux adaptĂ©es Ă ces diversitĂ©s ».
Cette vision dâune culture du soin dĂ©bouche sur une rĂ©flexion sur les modes dâaccompagnement dans les cheminements de la transition intĂ©rieure. Comme nous avons pu le constater, cette vision est inspirĂ©e par des apports rĂ©cents de psychologues, de philosophes, de sociologues que nous avons dĂ©jĂ souvent croisĂ©s sur ce blog. Ce texte vient donc Ă nouveau rendre compte dâun mouvement de pensĂ©e et dâaction qui se manifeste aujourdâhui de plus en plus et qui appelle notre comprĂ©hension et notre soutien
J H
Michel Maxime Egger. Tylie Grosjean. Elie Wattelet. Reliance. Manuel de transition intérieure. Actes Sud Colibris. 2023 (Domaines du possible)
Tout se tient. Relions-nous ; https://vivreetesperer.com/tout-se-tient/ La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/ Dieu vivant, Dieu prĂ©sent, Dieu avec nous dans un monde oĂč tout se tient :
https://vivreetesperer.com/?s=dieu+vivant+dieu+pr%C3%A9sent
La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/
Une voix différente. Pour une société du care : https://vivreetesperer.com/une-voix-differente/
De la vulnérabilité à la sollicitude et au soin . Le soin est un humanisme https://vivreetesperer.com/de-la-vulnerabilite-a-la-sollicitude-et-au-soin/
Face Ă la violence, lâentraide, puissance de vie dans la nature et dans lâhumanitĂ©Â : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/
Voir aussi :
Des LumiĂšres Ă lâĂąge du vivant : https://vivreetesperer.com/?s=corine+peluchon
Réenchanter notre relation au vivant : https://vivreetesperer.com/reenchanter-notre-relation-au-vivant/
par jean | Mar 2, 2015 | ARTICLES , Expérience de vie et relation , Société et culture en mouvement |
Comment la toxicomanie est liĂ©e Ă lâisolement social et peut trouver remĂšde dans un environnement positif.
 Des Ă©tudes sociologiques ont montrĂ© combien la dĂ©gradation du tissu social engendrait des maux de tous ordres dans les populations concernĂ©es. Et, Ă lâinverse, tout ce qui relie a des effets positifs. Ce regard est confirmĂ© par une Ă©tude rĂ©cente sur la maniĂšre dâaffronter la toxicomanie. Auteur dâun livre tout rĂ©cemment publiĂ©Â : « Chasing the Scream. The first and last days of the war of drugs » (1), Johann Hari (2) nous expose la recherche qui lui a permis de dĂ©monter les conceptions dominantes orientant la lutte contre ce flĂ©au social et de proposer un Ă©clairage nouveau : une approche environnementale (3).
Quâest-ce qui pousse des gens Ă se polariser sur la drogue et Ă dĂ©velopper une dĂ©pendance jusquâĂ ce quâils ne puissent plus sâarrĂȘter ? Comment pouvons aider ces gens Ă revenir avec nous ?
Aux Etats-Unis, dans les annĂ©es 80, une explication de la toxicomanie sâest dĂ©veloppĂ©e dans une perspective individualiste. Ainsi, sâappuyait-on sur une expĂ©rience en psychologie animale : « Mettez un rat seul dans une cage avec deux bouteilles dâeau. Lâune est remplie seulement dâeau. Lâautre contient de lâeau mĂ©langĂ©e avec de lâhĂ©roĂŻne ou de la cocaĂŻne. Dans cette expĂ©rience, presque Ă chaque fois, le rat devient de plus en plus obsĂ©dĂ© par lâeau mĂ©langĂ©e avec de la drogue et en consomme de plus en plus jusquâĂ ce quâil en meure ».
Mais cette explication a complĂštement Ă©tĂ© remise en cause par une autre expĂ©rience mise en oeuvre par Bruce Alexander , professeur de psychologie Ă Vancouver. LâexpĂ©rience prĂ©cĂ©dente, a-t-il observĂ©, se caractĂ©rise par la solitude du rat. Le rat est seul dans une cage et il nâa rien dâautre Ă faire quâĂ sâadonner Ă la drogue. Quâest ce qui arriverait si on procĂ©dait diffĂ©remment ? Alors, le professeur Alexander a construit un parc pour des rats (« Rat park »). Câest une cage dans laquelle les rats ont Ă leur disposition des balles colorĂ©es, des tunnels, une bonne nourriture et plein dâamis. On y a placĂ© les deux bouteilles : eau pure et eau droguĂ©e. Et bien, ces rats pouvant mener une bonne vie ne se sont pas prĂ©cipitĂ© sur lâeau droguĂ©e. Pour la plupart, ils lâont Ă©vitĂ©e. Aucun nâest mort comme ceux qui vivaient dans leur cage, seuls et malheureux.
« On peut en dĂ©duire que la dĂ©pendance est une adaptation. Ce nâest pas vous. Câest votre cage ». Le professeur Alexander avance que cette dĂ©couverte « contredit Ă la fois la pensĂ©e de droite selon laquelle la toxicomanie est une faillite morale provoquĂ© par un laxisme hĂ©doniste et une pensĂ©e libĂ©rale selon laquelle cette dĂ©pendance Ă la drogue est une maladie se dĂ©roulant dans un cerveau chimiquement imprĂ©gné ». Et une autre expĂ©rience a confirmĂ© sa thĂšse. Des rats droguĂ©s ayant sĂ©journĂ© seuls pendant des dizaines de jours dans la premiĂšre cage, sont revenus progressivement Ă une vie normale dans le « parc des rats ».
Mais quâen est-il dans la vie humaine ? Johann Hari a menĂ© lâenquĂȘte. Il a mis en Ă©vidence que durant la guerre du Vietnam , un pourcentage important de soldats amĂ©ricains se droguait Ă lâhĂ©roĂŻne. On se demandait ce qui allait arriver lorsquâils seraient de retour dans la vie civile. De fait, pour la plupart, ils ont repris une vie normale.
Autre exemple : les malades recevant Ă lâhĂŽpital des mĂ©dicaments comprenant de lâhĂ©roĂŻne ne tombent pas dans une dĂ©pendance lorsquâils se retrouvent chez eux. Johann Harli Ă©voque Ă©galement lâexemple du Portuga l qui, il y a quinze ans, a adoptĂ© une politique nouvelle en matiĂšre de lutte contre la drogue. Les dĂ©penses ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es de la rĂ©pression Ă une action pour crĂ©er un environnement favorable en terme de logement et dâemploi. Cette politique a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e positivement.
Ainsi, il y a des alternatives aux politiques traditionnelles. La rĂ©ponse Ă la dĂ©pendance, câest un milieu relationnel bienfaisant.
« Nous avons besoin dâaimer et dâĂȘtre en relation » (« We need to connect and love »). Malheureusement, nous avons crĂ©Ă© un environnement et une culture qui nous coupent de la connexion humaine ou qui offrent seulement une parodie de relation sur internet ⊠La montĂ©e de la toxicomanie est un symptĂŽme dâune maladie plus profonde qui rĂ©side dans la maniĂšre dont nous vivons ».
Johann Hari rapporte les propos de Bruce Alexander : « Pendant trop longtemps, nous avons parlĂ© exclusivement en terme dâune sortie individuelle de la toxicomanie. Nous avons besoin dâenvisager le processus en terme de guĂ©rison collective ». Cependant, « cette vĂ©ritĂ© ne nous remet pas seulement en question sur le plan politique. Elle ne nous oblige pas seulement Ă changer notre maniĂšre de penser. Elle nous appelle aussi Ă changer nos cĆurs  ».
Cette Ă©tude nous invite Ă envisager la lutte contre la toxicomanie dâune façon nouvelle depuis une action de terrain jusquâaux politiques publiques. Cependant, beaucoup plus gĂ©nĂ©ralement et dâune façon presque emblĂ©matique, elle met en Ă©vidence lâinfluence de lâenvironnement humain sur les comportements. Cet environnement dĂ©pend lui-mĂȘme de la qualitĂ© des relations qui lâinduisent. Manifestement, il y a lĂ une rĂ©alitĂ© quâon peut observer Ă diffĂ©rents niveaux et sur diffĂ©rents registres. Câest dire notre responsabilitĂ©. Câest dire aussi combien nous avons besoin dâinspiration pour nous engager en ce sens (4).
Jean Hassenforder
(1)           Hari (Johann). Chasing the scream. The first and last days of the war on drugs. Bloomsberry Publishing, 2015 Ce livre est présenté et mis en perspective sur : Wikipedia. The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Chasing_the_Scream
(2)           Le parcours de Johann Hari a Ă©tĂ© aussi lâobjet de critiques. On pourra consulter sa biographie dans : Wikipedia.The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Hari
(3)           Ce texte prend pour source un article de Johann Hari paru sur un blog du Huffingtonpost : « The likely cause of addiction has been discovered and it is not what you think » : http://www.huffingtonpost.com/johann-hari/the-real-cause-of-addicti_b_6506936.html
(4)           Bien entendu, les inĂ©galitĂ©s et la domination socioĂ©conomique entravent le dĂ©veloppement dâun environnement positif. Cependant, on observe aujourdâhui une montĂ©e des aspirations en quĂȘte dâun environnement relationnel et en demande de convivialitĂ©. Voir : « Emergences dâespaces conviviaux et aspirations contemporaines » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie     On rejoint par lĂ le message dâamour de lâEvangile et une vision de lâĆuvre de lâEsprit. Câest la recherche dâune communautĂ© telle que lâexprime trĂšs bien le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann : « LâexpĂ©rience de la communautĂ© est expĂ©rience de la vie, car toute vie consiste en Ă©changes mutuels de moyens de subsistances et dâĂ©nergie et en des relations de rĂ©ciprocitĂ©. Il nây a pas de vie sans relations de communautĂ© qui lui soient propres. Une vie isolĂ©e et sans relations, câest Ă dire individuelle au sens littĂ©ral du terme⊠est une rĂ©alitĂ© contradictoire en elle-mĂȘme. Elle nâest pas viable et elle meurt. Une absence totale de relations reprĂ©sente la mort totale. Câest pourquoi la « communion de lâEsprit Saint » nâest quâune autre expression pour dĂ©signer « lâEsprit qui donne la vie ». La vie naĂźt de la communautĂ©, et lĂ oĂč naissent des communautĂ©s qui rendent la vie possible et la promeuvent, lĂ lâEsprit de Dieu est Ă lâĆuvre… Instaurer la communautĂ© et la communion est manifestement le but de lâEsprit de Dieu qui donne la vie dans le monde de la nature et dans celui des hommes. Tous les ĂȘtres crĂ©Ă©s existent non par eux-mĂȘmes, mais en dâautres, et ont besoin, pour cette raison, les uns des autres, et ils trouvent leur consistance les uns dans les autres » (Moltmann (JĂŒrgen). LâEsprit qui donne la vie. Seuil, 1999 (p 297-298) Ouverture Ă la pensĂ©e de Moltmann dans le blog : « LâEsprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/ Sur ce blog : « Vivre en harmonie » : https://vivreetesperer.com/?p=43