Thomas d’Ansembourg : « Un citoyen pacifiĂ© devient un citoyen pacifiant »

Une campagne du mouvement Colibris pour une (r)évolution intérieure.

Face aux dysfonctionnements de notre sociĂ©tĂ©, le mouvement Colibris, qui puise son inspiration tout particuliĂšrement chez Pierre Rabhi, appelle ses membres Ă  des voies alternatives de reconstruction. « Soyons le changement ! ». Et « si la plus importante rĂ©volution Ă  mener Ă©tait votre (r)Ă©volution intĂ©rieure ! ». Le mouvement Colibris vient donc de lancer une nouvelle campagne citoyenne dans ce sens. « Dans la continuitĂ© du travail rĂ©alisĂ© autour des principaux leviers de la sociĂ©té : Ă©conomie, agriculture, dĂ©mocratie, Ă©nergie, Colibris souhaite passer un message fort et montrer que la vraie (r)Ă©volution est celle qui nous amĂšne Ă  nous transformer nous mĂȘmes pour transformer le monde » (1). Le mouvement Colibris a donc suscitĂ© une rencontre oĂč une douzaine de participants ont apportĂ© leur tĂ©moignage sur leur Ă©volution intĂ©rieure. Ces messages ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s sur de courtes vidĂ©os que nous pouvons regarder avec respect et reconnaissance (2).

On trouvera parmi ces tĂ©moignages une intervention de Thomas d’Ansembourg. Sur ce blog, Ă  deux reprises, nous avons fait connaĂźtre des vidĂ©os de Thomas d’Ansembourg particuliĂšrement Ă©clairantes (3). Thomas sait nous parler de son expĂ©rience de vie et des clĂ©s de comprĂ©hension et de transformation dont il fait usage en psychothĂ©rapie. On trouvera ces mĂȘmes qualitĂ©s dans la vidĂ©o que nous prĂ©sentons ici, et qui, en quelques minutes, nous ouvre un chemin (4).

L’itinĂ©raire de Thomas d’Ansembourg est rappelĂ© au prĂ©alable en ces termes : « Thomas d’Ansembourg a exercĂ© la profession d’avocat. ParallĂšlement, il s’est engagĂ© dans une association d’aide concrĂšte aux jeunes qui connaissent des problĂšmes de dĂ©linquance, violence, prostitution et dĂ©pendances de toutes sortes. Par cette double approche juridique et sociale, il s’est impliquĂ© dans la gestion des conflits et la recherche de sens. Dans le souhait de comprendre la difficultĂ© d’ĂȘtre en gĂ©nĂ©ral et particuliĂšrement la violence, Thomas a entrepris une psychothĂ©rapie. Il dĂ©couvre alors la libertĂ© de prendre du champ sur l’inconscient et mesure qu’il aurait pu passer sa vie, se croyant libre, alors qu’il Ă©tait pris au piĂšge de ses conditionnements Ă©ducatifs, habitudes de pensĂ©e et systĂšmes de croyances. Il dĂ©cide de devenir psychothĂ©rapeute pour partager ces prises de conscience et accompagner d’autres personnes dans ces processus de cƓur et de conscience. Il se forme Ă  diffĂ©rentes approches et particuliĂšrement Ă  la mĂ©thode de communication non violente (CNV) avec son fondateur Marshall Rosenberg.

 

Quel est le message de cette vidĂ©o ? Nous prĂ©sentons ici quelques citations qui en sont extraites pour qu’elles nous accompagnent dans le chemin de rĂ©flexion ouvert par Thomas d’Ansembourg.

Evoquant son expĂ©rience d’avocat, Thomas d’Ansembourg Ă©voque un manque de formation pour l’exercice de cette profession : « Nous Ă©viterions bien des conflits si nous avions quelques clĂ©s de connaissance de soi, de comprĂ©hension des Ă©motions, de capacitĂ© Ă  mieux les gĂ©rer et les exprimer sans agresser, Ă  exprimer ses besoins et Ă  ĂȘtre Ă  l’écoute des besoins des autres d’une façon ouverte et empathique et que cela faisait trĂšs clairement dĂ©faut dans nos Ă©ducations. Moi-mĂȘme comme avocat, je n’ai pas reçu une clĂ© d’écoute, pas une clĂ© de comprĂ©hension de la mĂ©canique relationnelle, pas une clĂ© de gestion des Ă©motions. J’étais Ă©duquĂ© pour faire des contrats, des plaidoiries, mais pas pour ĂȘtre Ă  l’écoute d’un humain en difficulté ».

En s’orientant, parallĂšlement Ă  son travail d’avocat, vers l’accompagnement de jeunes en difficultĂ©s, il s’est « vite rendu compte que quelques clĂ©s de connaissance de soi faciliteraient la vie collective : Apprendre Ă  connaĂźtre ses Ă©motions, Ă  les dĂ©mĂ©langer les unes des autres, Ă  identifier nos besoins, Ă  leur donner des prioritĂ©s, Ă  ne pas les confondre avec nos envies, nos dĂ©sirs qui sont changeants, multiples et dispersants, Ă  ĂȘtre capables d’exprimer cela par des demandes tout en Ă©tant en empathie avec le besoin de l’autre dans la capacitĂ© d’écouter ce besoin mĂȘme si il est diffĂ©rent, tolĂ©rer le dĂ©saccord et la diffĂ©rence et chercher ensemble des solutions nĂ©gociĂ©es qui seraient satisfaisantes pour chacun ».

Thomas s’est alors engagĂ© dans une psychothĂ©rapie. Il a senti « un pivotement intĂ©rieur » en prenant du champ sur l’inconscient : « J’aurais pu passer ma vie dans des enfermements » avec la prise de conscience que le mot : « enfer » peut s’appliquer Ă  ceux-ci. Thomas d’Ansembourg est maintenant psychothĂ©rapeute depuis plus de vingt ans. Il encourage le dĂ©veloppement d’une « intĂ©rioritĂ© citoyenne », une vie intĂ©rieure qui peut s’exprimer au service de la vie communautaire. « Je fais le lien avec ce que la plupart des spiritualitĂ©s nous disent de façon concordante : si nous prenons du temps d’écoute intĂ©rieure, de discernement et d’entrer dans un puits de connaissance universelle qui est, semble-t-il, au cƓur de chacun de nous, nous nous relions, nous appartenons ». « Et voilĂ , il m’est donc apparu qu’un citoyen pacifiĂ© devient un citoyen pacifiant (5). Il s’implique. Il laisse un sillage de bienveillance, de bienfaisance, de douceur, de gĂ©nĂ©rositĂ©, de collaboration, de synergie. Il donne envie qu’on aille avec lui. En se sentant pacifiĂ©, il donne envie d’ĂȘtre pacifiant Ă  notre tour ».

J’ai la conviction que cette vie intĂ©rieure peut se nourrir de multiples façons. Bien sĂ»r, je recommande de porter rĂ©guliĂšrement des moments de gratitude (6). Toutes les personnes qui pratiquent rĂ©guliĂšrement des moments de gratitude sentent une Ă©nergie, une vitalitĂ©, une joie d’ĂȘtre au monde ». Cela ne vient pas nĂ©cessairement immĂ©diatement, mais cela « ne manque pas de venir si on jardine cette vie intĂ©rieure avec suffisamment de bienveillance et d’attention ».

Dans ce travail, je propose Ă©galement un exercice, c’est de se poser cette simple petite question que l’on pose autour de soi une dizaine de fois par jour : Comment cela va ? Comment te sens-tu ? Se poser Ă  soi cette question : Comment vas-tu ? Comment te sens-tu ? Qu’est-ce qui est heureux dans ton cƓur ? CĂ©lĂ©brer ce qui va bien.  Commencer par ce qui va bien. Il y a des chose qui vont bien mĂȘme si nos vies sont tragiques ».  RepĂ©rons ce qui correspond Ă  nos aspirations profondes et qui nous procurent du contentement. Quand ces aspirations sont nourries en moi, je vais bien. « Je tend donc vers cela. Si ce qui me correspond, c’est « le partage, l’écoute et la sincĂ©rité », je vais chercher Ă  crĂ©er ces conditions. « Ainsi nous apprenons Ă  nous centrer. Il y a les choses joyeuses qui vont bien dans mon cƓur. Je les honore, les cĂ©lĂšbre et j’oriente ma vie dans ce sens. Et puis il y a les choses moins joyeuses, plus difficiles, plus Ă©prouvantes. Je les accueille, je les Ă©coute et j’essaie de les comprendre. Petit Ă  petit, j’oriente ma vie pour ne plus retomber dans les circonstances dont je sais par expĂ©rience qu’elles ne m’apportent pas de bien-ĂȘtre. Et ainsi, je rĂ©cupĂšre les manettes de mon existence.

Qu’est ce qui arrive Ă  la plupart de nos contemporains ? Ils n’ont pas les manettes pour orienter leur vie. Or ce n’est pas compliquĂ©. Cela demande juste un peu de jardinage intĂ©rieur ».

 

 

Ce message est porteur car il se dĂ©veloppe Ă  partir d’une expĂ©rience et il s’exprime sur un ton qui suscite la sympathie. Il aide Ă  mieux interprĂ©ter nos situations de vie et Ă  y faire face. Il nous encourage. Un changement est possible. Oui, nous pouvons !

Bien sĂ»r, dans ce court message, Thomas d’Ansembourg n’a pas le temps d’aborder des situations critiques ou d’entrer dans une rĂ©flexion approfondie sur la maniĂšre dont nous percevons le sens profond de nos existences, lequel a tant d’importance dans la dynamique de notre vie.

Il s’exprime cependant sur le rapport entre psychologie et spiritualitĂ©.

« Je fais le lien avec ce que la plupart des spiritualitĂ©s nous disent de façon concordante. Si nous prenons un temps d’écoute intĂ©rieure, de discernement et d’entrer dans un puits de connaissance universelle qui est, semble-t-il, au cƓur de chacun de nous, nous nous relions, nous appartenons ».

Cette conscience d’une relation, d’une appartenance Ă  plus grand que soi, nous paraĂźt essentielle. Et il en est de mĂȘme du fil conducteur que nous pouvons suivre dans le monde. Sommes-nous inspirĂ©s par la sympathie et l’amour ? A certains moments et dans certaines conditions, certains milieux religieux ont pu ĂȘtre polluĂ©s par des reprĂ©sentations nĂ©gatives. Mais aujourd’hui ce n’est pas le courant principal. Thomas d’Ansembourg Ă©voque les bienfaits de la gratitude. A ce sujet, un remarquable article est paru dans Wikipedia. Free encyclopedia (anglophone) (6). « L’étude systĂ©matique de la gratitude Ă  l’intĂ©rieur de la psychologie a commencĂ© seulement autour des annĂ©es 2000, peut-ĂȘtre parce ce que la psychologie traditionnellement se focalisait sur les situations de dĂ©tresses  ». Des Ă©tudes rĂ©centes suggĂšrent que les gens reconnaissants sont aussi plus altruistes et vivent dans un Ă©tat de bien ĂȘtre subjectif plus Ă©levĂ©.  Cependant cet article met Ă©galement l’accent sur la maniĂšre dont la gratitude et la reconnaissance sont au cƓur des pratiques de vie chrĂ©tiennes et juives. « Dans le judaĂŻsme, la gratitude est une part essentielle de l’acte d’adoration et de la vie du croyant. De mĂȘme l’expression de la gratitude modĂšle et donne sa forme Ă  la pratique de vie chrĂ©tienne ». Ainsi, sur des registres diffĂ©rents, l’expression de la gratitude est bien une dĂ©marche fondamentale. Elle Ă©claire la relation positive et dĂ©bouche sur une harmonie.

Dans la gratitude comme dans la dĂ©marche de prendre soin de nous-mĂȘme, il y a un mouvement commun qui est la bienveillance. Dans son livre : « Oser la bienveillance », Lytta Basset a mis en valeur cette dimension essentielle de notre existence : « Bienveillance humaine, bienveillance divine » (7).

Cette vidĂ©o de Thomas d’Ansembourg nous invite Ă  frĂ©quenter ses autres enseignements et notamment les deux autres vidĂ©os rapportĂ©es sur ce blog (3). Dans ce monde oĂč nous pouvons ĂȘtre tentĂ© par le pessimisme, l’agressivitĂ© ou le repli, cette vidĂ©o contribue Ă  la campagne du mouvement Colibris : « Faisons notre part ! Soyons le changement ! Engageons-nous dans une (r)Ă©volution intĂ©rieure ». Thomas d’Ansembourg nous apporte un message tonique. Oui, cette Ă©volution positive est possible. Il y a de l’espoir !

 

Jean Hassenforder

 

(1)            « Une (r)évolution intérieure » : https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/une-revolution-interieure

Sur ce blog, un regard sur le mouvement Colibris : « une jeunesse engagée pour une société plus humaine et plus durable » : https://vivreetesperer.com/?p=1780

(2)            « Entretiens : ma Ÿévolution intérieure » : https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/une-revolution-interieure/entretiens-ma-revolution-interieure

(3)            « Femmes et hommes. Monde nouveau. Alliance nouvelle » : https://vivreetesperer.com/?p=1791 « Vivant dans un monde vivant. Changer intérieurement pour vivre en collaboration » : https://vivreetesperer.com/?p=1371

(4)            « Thomas d’Ansembourg : ma (r)Ă©volution intĂ©rieure » : vidĂ©o You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=gWLoMcVoHaU

(5)            Dans son livre : « la guĂ©rison du monde», FrĂ©dĂ©ric Lenoir met en Ă©vidence le dĂ©veloppement d’un courant spirituel qui allie intĂ©rioritĂ© et engagement collectif. Sur ce blog : « Un chemin de guĂ©rison pour l’humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048

(6)            « Gratitude. From Wikipedia. The free encyclopedia » : https://en.wikipedia.org/wiki/Gratitude Sur ce blog, « Avaaz : Transformation sociale et transformation personnelle vont de pair » : des moments de gratitude sont envisagés dans ce processus : https://vivreetesperer.com/?p=2034

(7)            Sur ce blog : Lytta Basset. « Oser la bienveillance ». « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

Pour réformer la finance

Pour réformer la finance, il faut changer les finalités et créer des institutions nouvelles incarnant le bien commun.

D’aprĂšs le livre de James Featherby: « Of markets and men ».

Comment faire face aux dérives et aux ravages du systÚme financier dominant ? Comment refonder la finance ?

Une voix britannique vient nous rĂ©pondre. James Featherby, membre de l’équipe du « London Institute for Contemporary Christianity (LICC)  » (Institut de Londres pour le Christianisme Contemporain), juriste pendant trente ans dans une grande firme de la « City » de Londres, vient d’écrire un livre passionnant Ă  ce sujet : « Of markets and men. Reshaping finance for a new season » (1). (Des marchĂ©s et des hommes. RĂ©organiser la finance pour une nouvelle Ă©poque »). Et il nous fait part de son approche dans un article qui vient de paraĂźtre sur le site du LICC (2).

En passant en revue les travaux de plusieurs chercheurs, James Featherby met l’accent sur l’importance des institutions. Dans la sĂ©rie de confĂ©rences de Reith (Ecosse), en 2012, Niall Ferguson affirme que le plus grand danger pour l’Occident rĂ©side dans son autosatisfaction (« complacency ») vis Ă  vis des institutions (3). Dans « The origins of political order » (Les origines de l’ordre politique) (4), Francis Fukuyama dĂ©clare que la soumission de l’état aux rĂšgles de droit est fondamentale. Dans un livre intitulé : « Why nations fall » (Pourquoi des nations Ă©chouent » (5), Daron Acemoglu et James Robinson nous disent que l’existence d’institutions destinĂ©es Ă  servir l’intĂ©rĂȘt public plutĂŽt que l’exploitation privĂ©e, explique pourquoi certains pays rĂ©ussissent et d’autres s’effondrent. Dans un ouvrage : « To change the world » (Changer le monde) (6), James Davison Hunter appelle les chrĂ©tiens Ă  une « prĂ©sence loyale » (« faithful presence ») dans les institutions civiques, en se consacrant en premier Ă  l’accompagnement du changement culturel.

Face aux dĂ©rives actuelles, « la « bonté » (« goodness » a besoin de s’incarner dans des institutions si nous voulons que des cultures et conduites positives se maintiennent et grandissent.  De bonnes institutions, me semble-t-il, peuvent Ă  la fois conduire (« channel ») nos Ă©nergies positives et limiter nos excĂšs. L’alternative est claire ».

James Featherby propose quatre dĂ©marches radicales pour institutionnaliser le bien (« goodness » dans l’économie et la finance :

° Changer le contrat social entre les grandes entreprises (« large business ») et la sociĂ©tĂ© en leur assignant un but civique autant qu’un but privĂ©.

° Défaire le mécanisme par lequel une dette excessive a été créée dans la vie collective et personnelle.

° RĂ©duire les opĂ©rations spĂ©culatives dans les marchĂ©s financiers sans rapport avec l’économie rĂ©elle.

° Donner aux Ă©pargnants et aux retraitĂ©s la capacitĂ© de mettre en oeuvre leur capital pour une fonction productive plutĂŽt que d’avoir en vue seulement un rendement financier maximum.

« Si nous ne changeons pas les finalitĂ©s des entreprises (« corporate objectives of the business ») qui contrĂŽlent la maniĂšre dont nous vivons, incluant les structures bancaires, mais sans nous limiter Ă  celles-ci, alors le volume de leurs budgets de publicitĂ© et la puissance de leurs plans continueront Ă  accabler (« overwhelm ») Ă  la fois ceux qui travaillent pour elles et le reste d’entre nous ».

Il est bon d’entendre cette voix qui, Ă  partir d’une expĂ©rience professionnelle au sein mĂȘme du systĂšme financier actuel, s’élĂšve pour proclamer la nĂ©cessitĂ© d’un changement majeur dans les finalitĂ©s et le fonctionnement du systĂšme financier et Ă©conomique.

« Notre finance reflĂšte notre philosophie. Nous avons besoin de penser et d’agir d’une maniĂšre qui soit plus relationnelle, holistique, en proximitĂ©, audacieuse, humble, inspirĂ©e par des finalitĂ©s et des principes, tout cela en harmonie avec une vision biblique de la vie. Et puis, nous avons besoin de rĂ©organiser nos institutions pour qu’elles reflĂštent notre nouvelle philosophie. Nous l’avons fait dans le passĂ©. Nous pouvons le faire encore ».

Cette voix converge avec d’autres, entre autres, celles qui nous parlent aujourd’hui d’économie positive (7) ou d’économie solidaire (8) . Le chantier de la rĂ©forme est en train de se mettre en route.

J H

 

(1)            Featherby (James). Of markets and men. Reshaping finance for a new season. Tomorrow company, 2012. http://www.licc.org.uk/shop/product/of-markets-and-men-reshaping-finance-for-a-new-season

(2)            James Featherby. Reshaping finance for a new season. http://www.licc.org.uk/engaging-with-culture/connecting-with-culture/business/reshaping-finance-for-a-new-season-1389

(3)            Niall Ferguson.The rule of law and its Enemies. Reith lectures, 2012  http://www.bbc.co.uk/podcasts/series/reith

(4)            Francis Fukuyama. The origins of political order. From prehuman times to the French Revolution. Profile books, 2011. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846682575/

(5)            Daron Acemoglu, James A. Robinson. Why nations fail. The origins of power, prosperity and poverty. Profile books, 2012. http://www.profilebooks.com/isbn/9781846684296/

(6)            James Davison  Hunter. To change the world. The irony, tragedy and possibility of Christianity in the late modern world. Oxford University Press, 2010  http://ukcatalogue.oup.com/product/9780199730803.do#.UFTcza7j5Zp

(7)            Voir sur ce blog : « Changement dans les esprits. Nouvelles finalitĂ©s, nouvelles approches. L’économie positive ».

Voir sur le site de TĂ©moins : « L’économie sociale et solidaire. Ses valeurs et ses enjeux »  http://www.temoins.com/en-bref/leconomie-sociale-et-solidaire-ses-valeurs-et-ses-enjeux.html

Force et joie de vivre dans un engagement politique au service des autres

Le livre de SégolÚne Royal : « Cette belle idée du courage ».

Si elle attire enthousiasme ou contradiction, SĂ©golĂšne Royal a effectuĂ© en France un parcours politique qui ne peut ĂȘtre ignorĂ© (1). Dans cette entrĂ©e en matiĂšre, nous n’avons donc pas Ă  le rappeler. A la suite d’autres livres qui ont ponctuĂ© son itinĂ©raire politique, elle vient d’écrire un nouvel ouvrage : « Cette belle idĂ©e du courage » (2).

Pourquoi ce livre ?

Et elle nous dit pourquoi : « L’idĂ©e de ce livre est nĂ©e de la question qu’on m’ont tant de fois posĂ©e des proches comme des inconnus, des militants et des citoyens, en France et hors de France. « Comment faites-vous pour continuer malgrĂ© tout ? » (p 13). Ce  « malgrĂ© tout » nous rappelle les Ă©preuves que SĂ©golĂšne Royal a vĂ©cu au cours de ces derniĂšres annĂ©es : un dĂ©chirement dans sa vie privĂ©e et des dĂ©boires politiques qui se sont succĂ©dĂ©s, mais qui ne l’ont pas empĂȘchĂ© de poursuivre son parcours comme prĂ©sidente de la RĂ©gion Poitou-Charentes (3), vice-prĂ©sidente de l’Internationale Socialiste et aujourd’hui vice-prĂ©sidente de la Banque publique d’investissement. Le titre mĂȘme de son chapitre introductif est explicite : « Panser ses plaies et repartir ».

Oui, « pourquoi continuer ? » « La dĂ©faite est une violence dont on ne se relĂšve pas par un dĂ©ni
 Accuser le coup n’oblige pas Ă  en rester lĂ . L’effet dĂ©capant d’une dĂ©faite peut Ă©roder jusqu’aux raisons de se battre, ou, au contraire, les fortifier et aider Ă  faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, permettre d’inscrire le moment douloureux dans une perspective plus large, en cherchant Ă  faire primer le destin collectif sur la mĂ©saventure personnelle et en regardant la part qui nous incombe (p 17).

Et, dans ce chemin, SĂ©golĂšne Royal nous dit combien elle a Ă©tĂ© aidĂ©e par de grands tĂ©moins de pays divers et d’époques diffĂ©rentes. Elle s’est ainsi nourrie « de rencontres, de rĂ©voltes partagĂ©es et de combats menĂ©s » auxquels elle dĂ©clare « devoir une bonne part de l’endurance et de la persĂ©vĂ©rance dont on la crĂ©dite ». « Ce livre », nous dit-elle, « exprime une reconnaissance Ă  l’égard des « passeurs de courage ». Leurs leçons sont universelles. Elles peuvent servir Ă  d’autres qui pourront, je l’espĂšre, y puiser, elles et eux aussi, des raisons de tenir bon face Ă  l’adversitĂ©, car c’est ainsi qu’on se relĂšve et qu’on avance » (p 18).

Les formes de courage sont multiples et elle en Ă©numĂšre quelques unes :

° « Le courage de dire non, cet acte inaugural dont tous les autre procÚdent.

° Le courage de penser à rebours des conformismes ambiants.

° Le courage de vouloir la vérité et celui de briser, à ses risques et périls, les omertas tenaces.

° Le courage du quotidien aussi, le courage de tenir bon et de se tenir droit quand la vie est rude et nous malmùne


° Le courage de vaincre la peur.

° Le courage de se risquer sur des piste inĂ©dites et d’oser des rĂ©ponses neuves » (p 18-19).

Quelles intentions ?

          Dans une interview à « Femme actuelle » (4), SégolÚne Royal nous éclaire sur ses intentions.

         Oui, elle a choisi des « personnes capables d’agir et de se mettre en harmonie entre leur comportement et la recherche d’un idĂ©al.

Et, quand on lui demande pourquoi elle apparaĂźt « si sereine, presque hilare, les yeux fermĂ©s » sur la photo qui illustre la couverture, elle rĂ©pond : « J’ai voulu un livre profond, mais aussi plein d’espoir et de gaĂźtĂ©. En effet, on ne peut qu’ĂȘtre frappĂ© par un point commun, Ă  ces diffĂ©rents portraits que je propose, cette capacitĂ© Ă  ĂȘtre joyeux malgrĂ© des Ă©preuves trĂšs fortes, Que ce soit Nelson Mandela, Louise Michel ou StĂ©phane Hessel etc, ils ont conservĂ© malgrĂ© de terribles Ă©preuves, cette aptitude au bonheur, cette capacitĂ© Ă  capter la sensibilitĂ© des gens,  Ă  se rĂ©galer d’un paysage, d’une musique, d’un moment de paix. Ils y puisent aussi leurs forces.

Quels sont ses espoirs ? « Mon espoir, c’est que justement les gens retrouvent de l’espoir et ne cĂšdent pas au dĂ©couragement. Le livre n’est pas une projection personnelle. C’est la transmission de leçons de vie enthousiasmantes ».

Ainsi, dans le climat de morositĂ© qui est si rĂ©pandu aujourd’hui, SĂ©golĂšne Royal nous offre un livre qui transmet une expĂ©rience de vie positive et qui tĂ©moigne de valeurs.

Une vision politique.

SĂ©golĂšne Royal nous prĂ©sente ainsi une galerie de portraits. Ces personnalitĂ©s sont certes exemplaires par leur courage, mais le choix qui en est fait, tĂ©moigne Ă©galement d’une vision politique.

Dans cette pĂ©riode oĂč l’unification du mode s’accĂ©lĂšre, dans quelle mesure la France est-elle capable d’entrer pleinement dans ce mouvement ? Manifestement, ici, la vision est rĂ©solument internationale. La plupart des chapitres tĂ©moignent de cet horizon ; Des personnalitĂ©s d’autres pays, d’autres continents : Nelson Mandela, Dilma Rousseff, Franklin Roosevelt y rayonnent, mais aussi les personnalitĂ©s françaises citĂ©es sont, pour la plupart, trĂšs impliquĂ©es, Ă  un titre ou un autre, dans la vie internationale. JaurĂšs n’est pas seulement un grand rĂ©publicain engagĂ© dans les luttes sociales, il est aussi l’homme de la paix, assassinĂ© parce qu’il a luttĂ© de toutes ses forces contre la guerre de 1914-1918 qui va plonger l’Europe dans le malheur et le chaos. François Mitterrand peut ĂȘtre rangĂ© dans les constructeurs de l’Europe. AimĂ© CĂ©saire, StĂ©phane Hessel, SƓur Emmanuel sont des acteurs Ă  l’échelle internationale.

Le choix des personnalitĂ©s tĂ©moigne Ă©galement de leur engagement dans un mouvement qui, dans diffĂ©rents domaines, Ɠuvre pour une libĂ©ration, pour la reconnaissance de la dignitĂ© humaine et de la justice.

Un premier aspect est la lutte contre ce qui a Ă©tĂ© l’esclavage et la domination vis-Ă -vis des peuples d’autres couleurs : Nelson Mandela, AndrĂ© CĂ©saire, Olympe de Gouges, Lincoln. 

Un deuxiĂšme aspect est la lutte pour la justice sociale couplĂ©e Ă©ventuellement avec une politique Ă©conomique orientĂ©e dans le mĂȘme sens : Lula, Dilma Rousseff, Franklin D Roosevelt, François Mitterrand, JaurĂšs. Et puis, il y a les actions menĂ©es par les ouvriers d’Heuliez et les ouvriĂšres de la confection,  avec le soutien de la prĂ©sidente de la RĂ©gion Poitou-Charentes.

Enfin, la prĂ©sence des femmes en politique et la lutte pour la reconnaissance de la place et de la dignitĂ© de la femme dans notre sociĂ©tĂ© est fortement reprĂ©sentĂ©es comme il se doit quand on pense Ă  l’itinĂ©raire de SĂ©golĂšne Royal , trĂšs consciente des oppositions qu’elle a, elle-mĂȘme, rencontrĂ©es : Leyla Zana, Dilma Rousseff, SƓur Emmanuel, Louise Michel, Olympe de Gouges, Jeanne d’Arc,  Ariane Mnouchkine.

Cette action politique est fondĂ©e sur des valeurs explicitĂ©es et assumĂ©es qui proclament la dignitĂ© et le respect de l’ĂȘtre humain dans toutes ses dimensions, Ă  la fois personnelle et sociale. L’homme n’est pas un moyen, mais une fin. Il a droit Ă  la considĂ©ration,Ă  la justice. Au BrĂ©sil, Lula Ă©met un slogan : « Lula, paix et amour » (p 63). En Afrique du Sud, Nelson Mandela remportant la victoire aprĂšs trente ans de pĂ©nible dĂ©tention, ne cĂšde pas Ă  l’esprit de vengeance. « Il ose l’espoir d’un pays fraternel. Il y engage tout son prestige moral et tout son poids politique, tout son pouvoir de conviction » (p 27). « Etre libre », Ă©crit-il, « ce n’est pas seulement se dĂ©barrasser de ses chaĂźnes.  C’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la libertĂ© des autres » (p 21). Dans une dynamique de vie, il y a le geste de pardon. Affreusement torturĂ©e pendant la pĂ©riode de la dictature militaire, des annĂ©es plus tard, lorsqu’elle accĂšde Ă  la prĂ©sidence du BrĂ©sil, Dilma Rousseff Ă©crit : « J’ai endurĂ© les souffrances les plus extrĂȘmes. Je ne garde aucun regret, aucune rancune ». VoilĂ  un Ă©tat d’esprit qui fait contraste avec l’engrenage de la vengeance et de la mort qui caractĂ©rise d’autres Ă©pisodes de l’histoire. Ce respect portĂ© Ă  l’ĂȘtre humain est une exigence qui s’inscrit dans la vie quotidienne. Comme Ministre de l’enseignement scolaire, SĂ©golĂšne Royal a eu le courage d’engager la lutte contre le bizutage, une pratique dĂ©gradante implantĂ©e dans de nombreux Ă©tablissements ou les bas instincts trouvaient Ă  se manifester avec la complicitĂ© active ou passive des autoritĂ©s. Face aux prĂ©jugĂ©s, aux habitudes, aux traditions, on imagine les rĂ©sistances auxquelles SĂ©golĂšne Royal s’est heurtĂ©e. Ainsi consacre-t-elle un chapitre Ă  l’audience de la Cour de justice de la RĂ©publique, le 15 mai 2000, qui l’a lavĂ©e d’une accusation calomnieuse (p 281-304). Oui, dĂ©terminĂ©e, elle l’a Ă©tĂ© face Ă  « des rituels rĂ©pugnants d’avilissement et de domination infligĂ©s Ă  des jeunes sous les prĂ©textes fallacieux de la tradition et de l’intĂ©gration au groupe » (p 285).

Finalement, cette lutte partout engagĂ©e pour la libĂ©ration des ĂȘtres humains par rapport au mal qui leur est infligĂ© par des structures et des forces sociales dominatrices, trouve son fondement dans un sens de la justice  qui, lui-mĂȘme, s’enracine dans une capacitĂ© d’empathie, dans une capacitĂ© d’amour. La conclusion du chapitre sur JaurĂšs nous le dit excellemment : « JaurĂšs Ă©tait un ami du peuple, sincĂšre, sans postures ni facilitĂ©s. Les gens, les pauvres gens l’aimaient, car ils le sentaient du cĂŽtĂ© de ceux qui souffrent. Personne ne l’a mieux dit que Jacques Brel :

« Ils étaient usés à quinze ans

Ils finissaient en débutant

Les douze mois s’appelaient dĂ©cembre

Quelle vie ont eue nos grands-parents


Ils Ă©taient vieux avant que d’ĂȘtre

Quinze heures par jour, le corps en laisse

Laissent au visage un teint de cendre.

Oui, notre monsieur, notre bon maĂźtre

Pourquoi ont-ils tué JaurÚs ? » (p 192).

La France en chemin

Ce livre ne traite pas de la conjoncture politique actuelle en France. Il tĂ©moigne d’un Ă©tat d’esprit qui a pris de la hauteur en se situant dans la durĂ©e et dans le vaste espace du monde. La seule rĂ©fĂ©rence Ă  des actions prĂ©sentes concerne les luttes pour l’emploi entreprises par les ouvriers et les ouvriĂšres d’Heuliez et d’Aubade en Poitou, soutenues par SĂ©golĂšne Royal, prĂ©sidente de la rĂ©gion. Mais celle-ci n’a pas oubliĂ© tous ceux qui l’ont accompagnĂ©e dans son itinĂ©raire politique et particuliĂšrement dans la campagne prĂ©sidentielle de 2007. « Merci Ă  toutes et Ă  tous, correspondants amicaux, Ă©pistoliers fraternels. Ensemble, osons le courage. Voici l’urgence du temps prĂ©sent
 » (p 305-310).

Dans le cadre de ce blog, nous n’entrons pas dans les pĂ©ripĂ©ties politiques. Comme dans ce livre, notre regard se porte sur les fondements et cherche Ă  s’inscrire dans la durĂ©e. Mais il y a une relation profonde entre ressenti et comprĂ©hension. Et c’est pourquoi nous ne pouvons pas passer sous silence la maniĂšre dont nous avons vĂ©cu la campagne prĂ©sidentielle de 2007. Des expressions comme « ordre juste, dĂ©mocratie participative, intelligence collective, politique par la preuve  » continuent aujourd’hui Ă  nous inspirer. L’appellation donnĂ©e Ă  l’association qui a soutenu SĂ©golĂšne Royal : « DĂ©sirs d’avenir » (5) a Ă©tĂ© pour nous extrĂȘmement Ă©vocatrice. En effet, elle exprime bien ce qui monte dans les consciences, une aspiration Ă  un avenir meilleur. Ce n’est pas une idĂ©ologie qui descend d’en haut, c’est une parole qui naĂźt en chacun.  Et, de surcroĂźt, cette approche a su s’appuyer sur les sciences humaines pour prendre en compte la rĂ©alitĂ© (6). Ainsi, nous avons perçu dans cette campagne un enthousiasme qui rĂ©pondait Ă  la capacitĂ© d’empathie de la candidate. Ce n’est pas un hasard si les quartiers populaires, oĂč les cultures du Sud sont bien reprĂ©sentĂ©es, ont votĂ© pour elle en masse. La fraternitĂ©, la convivialitĂ©,  des rĂ©alitĂ©s humaines dont la France a bien besoin, s’éveillaient et devenaient tangibles. Des amis chers ont pu s’inquiĂ©ter de cette veine Ă©motionnelle et s’en dĂ©tourner, mais il y avait lĂ  une dynamique qui ne peut ĂȘtre oubliĂ©e. On pourrait formuler l’appel qui a Ă©tĂ© formulĂ© Ă  cette Ă©poque dans les termes suivants : Français, entrons ensemble dans le monde d’aujourd’hui dans un esprit de solidaritĂ© et de justice. SĂ©golĂšne Royal regarde vers l’avenir, hors des rĂ©flexes sĂ©curitaires.  Les avant-gardes ne sont pas toujours bien reçues, mais, dans la durĂ©e, la culture nouvelle parvient Ă  se frayer un chemin.

Des sociologues, des Ă©conomistes nous appellent aujourd’hui Ă  prendre conscience d’un hĂ©ritage du passĂ© qui handicape notre pays. Michel Crozier a Ă©crit autrefois un livre sur « La sociĂ©tĂ© bloquĂ©e » (7). Aujourd’hui, un Ă©conomiste Yann Algan nous avertit en publiant un livre : « La fabrique de la dĂ©fiance » (8). Il y a dans notre histoire et la maniĂšre dont elle pĂšse encore sur nos institutions, en particulier le systĂšme scolaire, une empreinte de hiĂ©rarchisation et d’uniformitĂ©. Les enquĂȘtes internationales montrent combien la France est en retard en terme de confiance. Bien sĂ»r, ce n’est pas une fatalitĂ©. Et c’est lĂ  que le message de ce livre peut exercer une influence. Car une vision originale contribue Ă  modifier et Ă  rĂ©orienter les reprĂ©sentations. Et il est possible d’agir Ă  diffĂ©rents niveaux. En une dĂ©cennie, grĂące Ă  des dirigeants hors pair, le BrĂ©sil est sorti du sous-dĂ©veloppement pour entrer dans le concert des pays Ă©conomiquement dynamiques. Et dans un plus lointain passĂ©, Franklin D. Roosevelt, malgrĂ© un grave handicap physique, a permis aux Etats-Unis de faire face Ă  une grande crise. Ces exemples tĂ©moignent de l’impact du politique. Ce livre porte une dynamique.

Un idéal de vie

Si ce livre s’applique surtout Ă  l’expression du courage dans la vie publique, il n’oublie pas les Ă©preuves de la vie privĂ©e : « Je comprends le courage qu’il faut pour surmonter les accidents de la vie, cette impression douloureuse d’amputation dans les ruptures affectives, la cassure due Ă  la perte d’emploi ou encore ce sentiment de diminution sans retour causĂ© par la maladie ou le dĂ©cĂšs d’un ĂȘtre cher, un toboggan sans fin. Tout cela appelle une rĂ©silience, une force Ă  aller chercher pour repartir ». « Se sentir « haĂŻ par la vie sans haĂŻr Ă  son tour », continuer Ă  « lutter et se dĂ©fendre » sans devenir « sceptique ou destructeur » pour reprendre Rudyard Kipling (dont le texte : « Tu seras un homme, mon fils » est prĂ©sentĂ© en introduction) et, sans dire un seul mot, se mettre Ă  rebĂątir », si un peu de tout cela est transmis au lecteur qui souffre, alors cet ouvrage n’aura pas Ă©tĂ© inutile » (p 14-15).

Pour SĂ©golĂšne Royal, le courage trouve son inspiration dans la participation Ă  un mouvement qui nous dĂ©passe. Elle l’exprime en ces termes : « RĂ©ussir sa vie d’homme ou de femme n’est pas le but ultime, il y a des idĂ©aux qui nous transcendent, des luttes qu’on se doit de mener en mĂ©moire de ceux qui crurent. Il faut avoir confiance dans l’homme, et ne pas le croire seulement rationnel, calculateur, court-termiste, car nous avons un labeur qui n’attend pas : le progrĂšs, solidaire et fraternel de tous » (p 192).

Chez SĂ©golĂšne Royal, cette conscience est si affirmĂ©e que les sacrifices consentis dans cette marche ne s’accompagnent pas d’une expression de tristesse, de mĂ©lancolie. Et, dans les personnalitĂ©s qu’elle dĂ©crit, elle met l’accent sur leur goĂ»t de vivre et leur bonheur d’ĂȘtre. Quelque part, il y a tout au long de ce livre une forme de joie. Rappelons son interview Ă  « Femme actuelle » : « On ne peut qu’ĂȘtre frappĂ© par un point commun Ă  ces diffĂ©rents portraits que je propose, cette capacitĂ© Ă  ĂȘtre joyeux malgrĂ© des Ă©preuves trĂšs fortes ».

Et, dans bien des cas, cette ouverture s’accompagne de bontĂ© envers les autres. Ainsi, Nelson Mandela, depuis sa prison, Ă©crit en 1981 : « C’est une vertu prĂ©cieuse que de rendre les hommes heureux et de leur faire oublier leurs soucis ». Et ce conseil Ă  retenir : « Prenez sur vous, ou que vous viviez, de donner de la joie et de l’espoir autour de vous » (p 29).

En chemin

Il y a dans ce livre, un souffle, un mouvement. C’est un ouvrage qui dissipe le pessimisme, un livre tonique. A cet Ă©gard, on peut le comparer au livre de Jean-Claude Guillebaud : « Une autre vie est possible » (9). Les genres sont diffĂ©rents.  Mais, dans les deux cas, le lecteur est appelĂ© Ă  aller de l’avant. Dans son livre, Jean-Claude Guillebaud analyse les origines du pessimisme actuel. Et, Ă  juste titre, il Ă©voque les grands massacres qui ont accompagnĂ© les deux grandes guerres du XXĂš siĂšcle. L’histoire nous rappelle ainsi de temps Ă  autre la fragilitĂ© de la sociĂ©tĂ© humaine.

En s’adressant Ă  un vaste public, SĂ©golĂšne Royal s’exprime sur un registre de parole qu’elle souhaite pouvoir ĂȘtre reçu par tous les lecteurs. Elle prend mĂȘme des prĂ©cautions puisque, lorsqu’elle parle de Jeanne d’Arc, elle Ă©crit sur le ton de l’humour : « Moi, je n’ai pas le droit de vous parler de Jeanne d’Arc, car, si je le fais, je sais bien qu’aussitĂŽt on parlera de « religiositĂ© », de « foi », d’évangĂ©lisme »     SĂ©golĂšne Royal nous invite au courage. Quand on sait les Ă©preuves qu’elle a affrontĂ©es, on reçoit ses paroles avec humilitĂ©. Oui, ce sont lĂ  des paroles authentiques. Elle peut nous parler sur le registre de l’expĂ©rience, et ce qu’elle dit, porte. Chacun donc reçoit son message selon son itinĂ©raire et en fonction de son cheminement. Pour nous, si nous recevons pleinement cette expĂ©rience communicative, nos questionnements nous appellent Ă  aller plus loin dans la recherche de sens.

Sur ce blog, dans une contribution : « les malheurs de l’histoire. Mort et rĂ©surrection » (10), un poĂšme exprime ces interrogations.

« O, temps de l’avenir, brillante citĂ© terrestre

A quoi te servirait-il que nous te connaissions

Si nos yeux devaient Ă  jamais mourir

Et dans les cimetiùres, nos corps pourrir


A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent

Si tous nos cimetiĂšres recouvraient la terre  »

Ainsi, pour nous, le courage, pour s’exercer sereinement a besoin de s’ancrer dans un espoir, dans une espĂ©rance. Il a besoin de s’inscrire dans la conviction que la mort n’a pas le dernier mot, c’est Ă  dire l’anĂ©antissement des ĂȘtres et des collectivitĂ©s humaines, et qu’il y a,  par delĂ , une rĂ©ussite ultime de la vie.

Dans de grands tourments, c’est plus que de courage que nous avons besoin, mais de confiance, comme l’écrit Odile Hassenforder dans son histoire de vie (11). JĂŒrgen Moltmann, un thĂ©ologien auquel nous avons souvent recours sur ce blog inscrit sa rĂ©flexion sur la dynamique de la libĂ©ration dans une thĂ©ologie de l’espĂ©rance, la vision d’une nouvelle crĂ©ation qui se prĂ©pare dans l’Ɠuvre du Christ ressuscitĂ© et le souffle de l’Esprit (12). Ce n’est plus une religion statique qui s’adresse aux seuls individus et lĂ©gitime un statu-quo social et politique. C’est une dynamique de vie et d’espĂ©rance qui concerne tout l’homme et tous les hommes et qui nous inspire en nous permettant d’aller « De commencements en recommencements » (13).

En confiant ainsi au lecteur ce cheminement de pensĂ©e, nous apportons notre contribution personnelle Ă  la rĂ©flexion sur la vie et sur l’humanitĂ©, ou plutĂŽt pour la vie et pour l’humanitĂ© Ă  laquelle SĂ©golĂšne Royal nous convie dans son beau livre sur le courage. Oui, il y a dans cet ouvrage, un souffle, une dynamique de vie pour la vie. Elle nous appelle Ă  persĂ©vĂ©rer, Ă  poursuivre notre action « dans des idĂ©aux qui nous transcendent », et plus simplement dans cette empathie, cet amour en acte qui transparaĂźt dans son message et qu’elle Ă©voque si bien lorsqu’elle nous fait entrer dans la vie de personnalitĂ©s comme Nelson Mandela, Louise Michel ou JaurĂšs. Avec SĂ©golĂšne Royal, Ă©coutons ces « passeurs de courage » qui sont aussi des « passeurs d’énergie ».

JH

(1)            On pourra s’informer sur le parcours politique de SĂ©golĂšne Royal dans un article sur Wikipedia . Ce texte bien documentĂ© nous montre l’ampleur et la fĂ©conditĂ© de son parcours, tout en mentionnant les critiques et les reproches qui ont pu ĂȘtre exprimĂ©s vis-Ă -vis de cette personnalitĂ©. Une information rĂ©cente montre que la rĂ©daction de cet article cristallise les tensions  entre partisans et adversaires. http://fr.wikipedia.org/wiki/SĂ©golĂšne_Royal

(2)            Royal (SégolÚne). Cette belle idée du courage. Grasset, 2013.

(3)            Présidente de la Région Poitou-Charentes, SégolÚne Royal y a entrepris une action innovante dans de nombreux domaines, notamment la politique écologique et la transition énergétique. http://www.presidente.poitou-charentes.fr/

(4)            « Pourquoi ce livre ? » : Interview sur « Femme actuelle » http://www.femmeactuelle.fr/actu/dossiers-d-actualite/interview-segolene-royal-livre-cette-belle-idee-du-courage-02568

(5)            Site de DĂ©sirs d’avenir : http://www.desirsdavenir.org/

(6)            Ainsi a-t-elle dialoguĂ© avec de grands chercheurs comme Edgar Morin et Alain Touraine. Elle a mĂȘme Ă©crit un livre avec ce dernier : Royal (SĂ©golĂšne), Touraine (Alain). Si la gauche veut des idĂ©es. Grasset, 2008

(7)            Michel Crozier est l’auteur d’une Ɠuvre sociologique particuliĂšrement Ă©clairante pour comprendre la sociĂ©tĂ© française : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Crozier            On pourra lire notamment: Crozier (Michel) ; la sociĂ©tĂ© bloquĂ©e. Le Seuil, 1971

(8)            Algan (Yann), Cahuc (Pierre), Zylbergerg (André). La fabrique de la défiance, Grasset, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Promouvoir la confiance dans une société de défiance » https://vivreetesperer.com/?p=1306

(9)            Guillebaud (Jean-Claude). Une autre vie est possible.Comment retrouver l’espĂ©rance ? L’iconoclaste, 2012. Voir sur ce blog une mise en perspective : « Quel avenir pour la France et pour le monde ? » https://vivreetesperer.com/?p=937

(10)      « Les malheurs de l’histoire. Mort et rĂ©surrection »  https://vivreetesperer.com/?p=744

(11)      Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel. Empreinte, 2011. Présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html.  Le thÚme de la confiance est trÚs présent dans ce livre : https://vivreetesperer.com/?p=1246

(12)      Un blog : « L’Esprit qui donne la vie » est destinĂ© Ă  faire connaĂźtre la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann aux lecteurs francophone. http://www.lespritquidonnelavie.com/  On y trouvera notamment une mise en perspective de son livre de synthĂšse : Moltmann (JĂŒrgen.) Sun of rightneousness. Arise ! God’s future for humanity and earth. Fortress Press, 2010 : « L’avenir de Dieu pour l’humanitĂ© et la terre » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=798 . Une rĂ©flexion sur notre rĂŽle dans l’histoire : « En marche. Dans le chemin de l’histoire, un processus de rĂ©surrection » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=848

(13)      Moltmann (JĂŒrgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte Temps prĂ©sent, 2012. Voir : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=844  et https://vivreetesperer.com/?p=572

Une culture du soin pour un monde plus sain

Dans le mouvement de le transition intérieure, co-créer une culture régénératrice.

ConsĂ©quence d’une ambition dĂ©mesurĂ©e de l’humanitĂ© en recherche de richesse et de puissance, exploitant sans vergogne les ressources de la planĂšte, malgrĂ© des avertissements personnels et collectifs remontant Ă  plusieurs dĂ©cennies, la crise climatique appelle aujourd’hui un changement de cap, un changement de paradigme, un changement de vision. Ce changement radical requiert une mobilisation des esprits fondĂ©e sur une nouvelle maniĂšre de voir le monde et dĂ©bouche sur un changement Ă©conomique et social. C’est un processus qui s’effectue dans le temps. C’est pourquoi nous devons envisager une transition. Et lorsqu’il s’agit de promouvoir un nouvel Ă©tat d’esprit, une autre façon de sentir et d’agir, une nouvelle maniĂšre d’envisager l’avenir, on peut parler de « transition intĂ©rieure ». Michel Maxime Egger, Tylie Grosjean, Elie Wattrelet viennent d’écrire un « Manuel de transition intĂ©rieure » (1) publiĂ© en 2023 aux Editions Actes Sud en partenariat avec le mouvement Colibris dans la collection ‘Domaine du possible’. Ce livre, de prĂšs de 500 pages, est un ouvrage de rĂ©fĂ©rence qui se dĂ©cline en plusieurs sĂ©quences : fondements, mĂ©tamorphoses, intĂ©gration, praxis, ressources pour aller plus loin
 Et il affiche en premier un titre hautement significatif, le terme : « Reliance ». Comme dĂ©jĂ , Ă  plusieurs reprises (2), nous constatons que tout se tient, tout se relie et nous sommes invitĂ©s Ă  affronter les perturbations qui compromettent cette unitĂ© potentielle, dans un travail de reliance. Ce livre couvre un champ trĂšs vaste et nous nous arrĂȘterons ici sur un des aspects: « Une culture du soin pour un monde plus sain ».

Une culture du soin dans un monde plus sain (p 180-181).

Promouvoir la transition intĂ©rieure, « implique de remettre le soin au cƓur de notre façon d’ĂȘtre au monde en tant qu’individu, collectif et sociĂ©té ». Le mouvement de la transition accorde au soin une grande attention. « Il est alors possible de contribuer Ă  la co-crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ© de soin, souvent nommĂ©e sociĂ©tĂ© du care » (3) Pour la politologue fĂ©ministe, Joan Tonto, « le care est une activitĂ© gĂ©nĂ©rique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpĂ©tuer et rĂ©parer notre monde de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». La philosophe Cynthia Fleury Ă©voque Ă©galement une « sociĂ©tĂ© du care ». Assez naturellement, la notion de soin renvoie au secteur de la santĂ© et de tous les mĂ©tiers associĂ©s au « prendre soin ». Cependant, ici on Ă©largit la perspective en englobant toutes les composantes de la sociĂ©tĂ©. Et, considĂ©rant le courant du dĂ©veloppement personnel, on y perçoit une approche trop individualiste « avec pour risque de s’adapter au monde tel qu’il est, sans jamais s’interroger sur son bien fondĂ©, sa lĂ©gitimitĂ©, ses travers et ses consĂ©quences  ». A l’inverse, dans la transition intĂ©rieure, les dĂ©marches visant Ă  prendre soin de soi, des autres, et du monde, sont clairement indiquĂ©es, dans la conscience critique et aussi politique de leur impact sur la toile du vivant ».

Co-créer une culture régénératrice (p 181-183).

Nous vivons dans l’ambiance d’une vie pressĂ©e qui ne favorise pas une vie pacifiĂ©e. « Une sociĂ©tĂ© qui fonctionne en sollicitant exagĂ©rĂ©ment les ĂȘtres humains et les Ă©cosystĂšmes qu’elle s’approprie gĂ©nĂšre forcĂ©ment des phĂ©nomĂšnes d’épuisement. Le consumĂ©risme saisit la biosphĂšre et l’ĂȘtre humain. Il les Ă©puise en excĂ©dant leurs limites et capacitĂ©s de rĂ©gĂ©nĂ©ration ». Comme nous nous inscrivons dans ce genre de vie, nous sommes influencĂ©s par ces travers jusque dans nos efforts pour y remĂ©dier. « Le monde de la transition n’échappe pas Ă  cette logique ; si le systĂšme nous extĂ©nue, nous pouvons aussi nous Ă©puiser Ă  tenter d’en sortir et de crĂ©er du neuf ». Comment vivons-nous ces dĂ©pressions et pouvons-nous en tirer parti ? « Un grand nombre de transitionnaires vivent leurs burn-out et d’autres soucis de santĂ© comme des signaux d’alarme, des opportunitĂ©s pour franchir des Ă©tapes d’évolution plus radicales. En dĂ©couvrant ‘le potentiel de mĂ©tamorphose’ des Ă©puisements, nous pouvons progressivement les accueillir et nous laisser transformer par eux, avec un soutien du collectif ». Cependant, il est important d’envisager Ă©galement les causes structurelles de ces Ă©puisements : « les logiques de rentabilitĂ© et de course Ă  la performance, qui sont inhĂ©rentes Ă  nos cultures modernes occidentales. Elles sont aussi Ă  dĂ©noncer et Ă  dĂ©construire ». Comme l’écrit Martine Simon, « L’enjeu d’obtenir des rĂ©sultats coĂ»te que coĂ»te domine dans notre culture tandis que l’enjeu de prendre soin est relĂ©guĂ© Ă  tenter de rĂ©parer les dĂ©gĂąts ». Dans une perspective inspirĂ©e par la permaculture, trois orientations : « prendre soin, prendre soin pour obtenir des rĂ©sultats, et obtenir des rĂ©sultats qui prennent soin ». Il n’y a pas de travaux de seconde zone. « Prendre la mesure de l’importance du care pour la vie humaine nous rappelle que nous dĂ©pendons tous des services d’autrui pour satisfaire des besoins primordiaux ».

Vers un soin de soi juste et engagé (p 183-187)

La conscience de l’importance de ‘prendre soin de soi’ s’est aujourd’hui rĂ©pandue. Les auteurs envisagent Ă©galement cette attitude dans une perspective plus large : « ‘Le prendre soin de soi’ doit ĂȘtre envisagĂ© dans ses dimensions politiques ». Certaines personnes y voient une passivitĂ© redoutable. « IdĂ©alement, le care intĂ©grerait et transcenderait Ă  la fois la lutte et le repos en dĂ©montant ainsi les frontiĂšres qui les sĂ©parent ». ‘Prendre soin de soi’ peut ĂȘtre vĂ©cu de diverses maniĂšres. Ce nouvel adage n’est pas sans travers : « Quand nous tentons de maintenir les apparences en renvoyant une image de rĂ©ussite ou d’individu autonome, quand nous cherchons Ă  nous remettre sur pied pour faire plus de la mĂȘme chose, nous peinons Ă  crĂ©er les conditions pour nous sentir mieux et contribuer Ă  un vĂ©ritable changement ». Nous voici ici appelĂ©s Ă©galement Ă  un rapport nouveau Ă  l’écoulement du temps. Le militantisme en faveur de la transition peut lui-mĂȘme ĂȘtre entachĂ© par une excitation dans la recherche d’une rapiditĂ© dans l’obtention des rĂ©sultats. « Dans nos projets novateurs, nous plaçons parfois inconsciemment la mĂȘme exigence de rentabilitĂ© ou la mĂȘme soif de reconnaissance qu’avant. C’est le cas aussi lorsque nous intĂ©grons les pratiques de transition intĂ©rieure avec fĂ©brilité : nous faisons beaucoup de choses pour apprendre Ă  ‘ĂȘtre’ ». « Il n’est pas toujours facile d’accepter que la pacification de notre relation au temps
 prenne justement du temps ». Les auteurs Ă©voquent, entre autre, « la notion de temps juste proposĂ©e par le journaliste Carl HonorĂ©. On peut notamment explorer diffĂ©rentes formes de ‘slow’ en adoptant des rythmes adaptĂ©s Ă  chaque contexte. Cela suppose, Ă  chaque instant, une Ă©coute de plus en plus fine de la vie qui s’exprime en nous et autour de nous. Cela demande aussi de connaĂźtre et choisir de consacrer du temps Ă  ce qui nous nourrit et nous rĂ©gĂ©nĂšre ».

Nous entrainer à l’ouverture du cƓur (p 188-192)

Etre ouvert de cƓur, c’est ĂȘtre attentif aux autres, c’est-Ă -dire ne pas s’enfermer dans un train de vie fondĂ© sur ses propres forces. C’est donc accepter de reconnaĂźtre notre vulnĂ©rabilitĂ©. « Quand on a appris Ă  se protĂ©ger en s’isolant, un lien est Ă  retisser pour se sentir Ă  nouveau en sĂ©curitĂ© avec l’autre. MĂȘme sans avoir vĂ©cu un traumatisme particulier, il importe de transformer les croyances qui associent la vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la passivitĂ© et Ă  la faiblesse. Nous dĂ©couvrons alors trĂšs souvent, que son acceptation nous donne de la force. Accepter et reconnaitre notre vulnĂ©rabilitĂ© nous permet peu Ă  peu d’oser demander du soutien Ă  un entourage de confiance


Que ce soit au cƓur du soin, de la santĂ©, et plus gĂ©nĂ©ralement dans une relation avec les autres, Cynthia Fleury (4) nous invite Ă  poser une double exigence : « rendre la vulnĂ©rabilitĂ© capacitaire et porter l’existence de tous comme un enjeu propre dans toutes les circonstances de la vie ». En dĂ©fendant une approche plus globale du soin, elle encourage par exemple Ă  prendre en compte la vulnĂ©rabilitĂ© d’un patient « sans jamais la renforcer, ni la considĂ©rer comme synonyme d’incapacité ».

Dans un magnifique tĂ©moignage, Pascale FrĂšre, mĂ©decin spĂ©cialiste en hĂ©matologie, explique l’importance d’avoir pu s’ouvrir Ă  sa propre vulnĂ©rabilitĂ© au fil des Ă©preuves de la vie. Dans ses Ă©preuves, elle a compris que « le cƓur ouvert du soignant amenait autant de guĂ©rison que la technique d’exĂ©cution du geste, car la vie circulant chez le soignant contactait la mienne, cette part de douceur dont j’avais mĂȘme oubliĂ© l’existence ». Ces prises de conscience lui ont permis de « retrouver la voie d’une mĂ©decine humaniste, rĂ©invitant dans la relation thĂ©rapeutique une qualitĂ© de prĂ©sence tissĂ©e d’amour et de compassion ».

Nous rencontrer pour Ă©voluer ensemble vers de nouveaux comportements dans la voie de la transition intĂ©rieure requiert une ambiance « d’empathie et de douceur ». Ainsi « la richesse de ce qui est partagĂ© dans la profondeur se met au service tant des personnes que du collectif. L’empathie, cette posture qui nous rend « capable de nous mettre Ă  la place de l’autre », y contribue. L’éloge de la douceur vient nous Ă©veiller Ă  une rĂ©alitĂ© parfois encore mĂ©connue. « Dans cette sociĂ©tĂ© qui dĂ©valorise les enjeux du soin, il peut paraĂźtre dĂ©risoire d’encourager la douceur et la tendresse
 Comme si ces qualitĂ©s Ă©taient rĂ©servĂ©es Ă  la sphĂšre privĂ©e
 On n’aurait ni le temps, ni les moyens pour le reste du monde ». Pour Anne Dufourmantelle, « ĂȘtre doux avec les choses et avec les ĂȘtres
 c’est ne pas vouloir ajouter de la souffrance Ă  l’exclusion, Ă  la cruautĂ© et inventer l’espace d’une humanitĂ© sensible, d’un rapport Ă  l’autre qui accepte sa faiblesse  ». « Attenter Ă  la douceur est un crime sans nom que notre Ă©poque commet souvent au nom de ses divinitĂ©s : l’efficacitĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilité ». « La philosophe et psychanalyste n’hĂ©site pas Ă  affirmer que le dĂ©ni du besoin de douceur se manifeste Ă  travers nos dĂ©pressions. « Le manque de douceur est endĂ©mique. Il a crĂ©Ă© un isolement aussi puissant qu’un charme ». « L’angoisse vient dans le corps quand il est dĂ©sertĂ© par la douceur »  Il y a donc dans la douceur une puissance de vie : « La douceur est une force de transformation secrĂšte prodiguant la vie, reliĂ©e Ă  ce que les anciens appelaient justement puissance ».

Stimuler l’entraide et l’altruisme (p 192-194)

La culture de la compĂ©tition fait obstacle Ă  la culture du care. Mais, en regard, il apparait aujourd’hui que l’entraide est un processus naturel puissamment rĂ©pandu dans la nature. Ainsi, Ă  partir de nombreuses recherches, dans un livre innovant, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (5) ont montrĂ© que les ĂȘtres vivants ont une puissante tendance Ă  s’associer. « L’entraide est non seulement un principe du vivant, mais un mĂ©canisme de son Ă©volution » : « Les organismes qui s’entraident sont ceux qui survivent le mieux ». Les ĂȘtres humains n’échappent pas Ă  cette rĂ©alitĂ©. Ainsi, dans certaines catastrophes, on a pu observer des comportements d’entraide. En plus de l’entrainement Ă  l’entraide au « cƓur de l’engagement et de l’action, nous pouvons choisir dans les collectifs, des pratiques transformant ces gestes en rĂ©flexion ».

Cette propension Ă  l’entraide peut ĂȘtre envisagĂ©e dans la perspective de « reliance » qui est la trame de ce livre. « Quand nous nous appuyons dĂ©libĂ©rĂ©ment sur notre connexion Ă  la toile du vivant, nous pouvons de plus en plus prendre soin de nous en prenant soin du monde et prendre soin du monde en prenant soin de nous. Nous cultivons alors des habiletĂ©s au service de la vie qui rejaillissent aussi positivement sur nous, mĂȘme si c’est plus tard et de façon indirecte. Cette loi de la rĂ©ciprocitĂ© au cƓur de l’entraide, avec son mouvement cyclique, donner – recevoir – rendre, participe Ă  un Ă©quilibre vivant : nous sommes nourris en retour par cette façon d’ĂȘtre au monde. Il devient ainsi possible de co-crĂ©er et dĂ©ployer notre crĂ©ativitĂ© en composant avec les inĂ©vitables temps oĂč nos fragilitĂ©s affleurent ».

Accroitre notre résilience. Promouvoir la santé (p 195-200)

« Le mot « rĂ©silience » issu de la physique, de la psychologie et de l’écologie, Ă©voque la capacitĂ© Ă  affronter, supporter et traverser des chocs, des crises et des tensions extĂ©rieures en gardant son intĂ©grité ». La transition intĂ©rieure Ă©tudiĂ©e dans ce livre implique la rĂ©silience.

DĂ©velopper la rĂ©silience, c’est chercher Ă  entretenir un Ă©quilibre dynamique, c’est aussi changer notre regard sur la santĂ©.

Nous pouvons considĂ©rer une alternance entre des pĂ©riodes oĂč nous engageons toutes nos forces dans le soin et d’autres oĂč nous prenons soin de nous-mĂȘme. « L’articulation entre le chemin personnel, l’engagement pour le collectif, et le choix du mode de vie sera d’autant plus fluide qu’elle sera associĂ©e Ă  des temps d’intĂ©gration et de respiration ». « Selon les moments et les contextes, nous sommes amenĂ©s Ă  consacrer plus ou moins de temps et d’attention Ă  l’une ou l’autre voie de restauration des quatre liens Ă  soi, aux autres, au vivant, et au plus grand que soi. L’interconnexion profonde entre ces dimensions fera que chaque porte d’entrĂ©e vers un des liens pourra se mettre au service de la guĂ©rison des autres. Par ces aspirations, la transition intĂ©rieure permet d’évoluer en soutenant la vie en soi et autour de soi, d’une maniĂšre qui soit adaptĂ©e Ă  chaque contexte et Ă  chaque instant ».

Nous voici Ă©galement appelĂ©s Ă  changer notre regard sur la santĂ©. « Dans la mesure oĂč elle nous invite Ă  prendre soin de la santĂ© conjointe de la psychĂ© humaine et de l’ñme de la Terre, la transition intĂ©rieure implique un changement de regard sur la santé ».

Au total, nous sommes invitĂ©s Ă  envisager une approche globale, une approche holistique. « Pour l’Organisation mondiale de la santĂ©, (OMS), la santĂ© est un concept trĂšs large, dĂ©pendant de nombreuses variables. Plus qu’à l’absence de maladie, elle renvoie Ă  la recherche d’un bien-ĂȘtre Ă  la fois physique, psychique et social – nous ajoutons : Ă©cologique. PrivilĂ©gier une vision holistique permet de s’attacher au lien entre des symptĂŽmes : d’aller aux racines, de laisser une place Ă  la psychĂ©, aux systĂšmes familiaux et sociaux, aux Ă©cosystĂšmes plus ou moins dĂ©gradĂ©s dont dĂ©pend le patient, aux liens corps-Ăąme-esprit. Une approche globale et prĂ©ventive de la santĂ© ouvre aussi la possibilitĂ© de recrĂ©er – au besoin avec le soutien de collectifs et de thĂ©rapeutes – les conditions d’une bonne hygiĂšne de vie : alimentation saine et respectueuse, exercice physique ou encore qualitĂ© de sommeil prĂ©servĂ©e ».

C’est Ă©videmment « une approche nouvelle en regard d’une mĂ©decine classique qui Ă©volue encore souvent dans des champs trĂšs Ă©troits ». « La pandĂ©mie a mis en Ă©vidence les limites d’une approche de santĂ© publique centrĂ©e avant tout sur des dimensions techno-industrielles. Non seulement la politique de « tout au vaccin » n’était pas complĂ©tĂ©e par des invitations Ă  renforcer nos systĂšmes immunitaires, mais en plus elle rejetait des formes de soins alternatifs ».

Notre Ă©poque troublĂ©e compromet la santĂ© psychique. « Dans les temps qui viennent, il sera de plus en plus indispensable de prendre soin de notre santĂ© psychique sans recourir Ă  des camisoles chimiques. Un enjeu, durant cette transition, est d’apprendre Ă  composer avec deux tendances qui alimentent des cercles vicieux de mal-ĂȘtre : la pathologisation et la stigmatisation. Quand le mouvement d’alternance propre Ă  la vie n’est pas reconnu parce qu’il ne serait pas dans la norme, ses manifestations spontanĂ©es sont volontiers pathologisĂ©es ».

N’enfermons pas les gens dans des catĂ©gories. Ainsi Anne Dufourmantelle, en parlant des personnes dites « bipolaires », « dĂ©nonce Ă  la fois leur stigmatisation par le corps social et le traitement inhospitalier de leur « folie ordinaire » et de leur souffrance morale par la psychiatrie contemporaine  ». La psychanalyste rejoint d’autres praticiens qui s’engagent en faveur d’une Ă©thique mĂ©dicale et thĂ©rapeutique. L’anthropologie clinique met en Ă©vidence que « les formes pathologiques sont tributaires des formes symboliques Ă  l’Ɠuvre dans une culture ». De mĂȘme, si on perçoit aujourd’hui la diversitĂ© des fonctionnements neurologiques, « heureusement de plus en plus d’écoles alternatives s’ouvrent aujourd’hui Ă  la notion d’intelligences multiples et proposent des approches Ă©ducatives mieux adaptĂ©es Ă  ces diversitĂ©s ».

Cette vision d’une culture du soin dĂ©bouche sur une rĂ©flexion sur les modes d’accompagnement dans les cheminements de la transition intĂ©rieure. Comme nous avons pu le constater, cette vision est inspirĂ©e par des apports rĂ©cents de psychologues, de philosophes, de sociologues que nous avons dĂ©jĂ  souvent croisĂ©s sur ce blog. Ce texte vient donc Ă  nouveau rendre compte d’un mouvement de pensĂ©e et d’action qui se manifeste aujourd’hui de plus en plus et qui appelle notre comprĂ©hension et notre soutien

J H

  1. Michel Maxime Egger. Tylie Grosjean. Elie Wattelet. Reliance. Manuel de transition intérieure. Actes Sud Colibris. 2023 (Domaines du possible)
  2. Tout se tient. Relions-nous ; https://vivreetesperer.com/tout-se-tient/ La vie spirituelle comme une conscience relationnelle. La recherche de David Hay : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/ Dieu vivant, Dieu prĂ©sent, Dieu avec nous dans un monde oĂč tout se tient :
  3. https://vivreetesperer.com/?s=dieu+vivant+dieu+pr%C3%A9sent
  4. La grande connexion : https://vivreetesperer.com/la-grande-connexion/
  5. Une voix différente. Pour une société du care : https://vivreetesperer.com/une-voix-differente/
  6. De la vulnérabilité à la sollicitude et au soin . Le soin est un humanisme https://vivreetesperer.com/de-la-vulnerabilite-a-la-sollicitude-et-au-soin/
  7. Face Ă  la violence, l’entraide, puissance de vie dans la nature et dans l’humanité : https://vivreetesperer.com/face-a-la-violence-lentraide-puissance-de-vie-dans-la-nature-et-dans-lhumanite/

Voir aussi :

Des Lumiùres à l’ñge du vivant : https://vivreetesperer.com/?s=corine+peluchon

Réenchanter notre relation au vivant : https://vivreetesperer.com/reenchanter-notre-relation-au-vivant/

 

Un environnement pour la vie.

Comment la toxicomanie est liĂ©e Ă  l’isolement social et peut trouver remĂšde dans un environnement positif.

 Des Ă©tudes sociologiques ont montrĂ© combien la dĂ©gradation du tissu social engendrait des maux de tous ordres dans les populations concernĂ©es. Et, Ă  l’inverse, tout ce qui relie a des effets positifs. Ce regard est confirmĂ© par une Ă©tude rĂ©cente sur la maniĂšre d’affronter la toxicomanie. Auteur d’un livre tout rĂ©cemment publié : « Chasing the Scream. The first and last days of the war of drugs » (1), Johann Hari (2) nous expose la recherche qui lui a permis de dĂ©monter les conceptions dominantes orientant la lutte contre ce flĂ©au social et de proposer un Ă©clairage nouveau : une approche environnementale (3).

Qu’est-ce qui pousse des gens Ă  se polariser sur la drogue et Ă  dĂ©velopper une dĂ©pendance jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus s’arrĂȘter ? Comment pouvons aider ces gens Ă  revenir avec nous ?

Aux Etats-Unis, dans les annĂ©es 80, une explication de la toxicomanie s’est dĂ©veloppĂ©e dans une perspective individualiste. Ainsi, s’appuyait-on sur une expĂ©rience en psychologie animale : « Mettez un  rat seul dans une cage avec deux bouteilles d’eau. L’une est remplie seulement d’eau. L’autre contient de l’eau mĂ©langĂ©e avec de l’hĂ©roĂŻne ou de la cocaĂŻne. Dans cette expĂ©rience, presque Ă  chaque fois, le rat devient de plus en plus obsĂ©dĂ© par l’eau mĂ©langĂ©e avec de la drogue et en consomme de plus en plus jusqu’à ce qu’il en meure ».

Mais cette explication a complĂštement Ă©tĂ© remise en cause par une autre expĂ©rience mise en oeuvre par Bruce Alexander, professeur de psychologie Ă  Vancouver. L’expĂ©rience prĂ©cĂ©dente, a-t-il observĂ©, se caractĂ©rise par la solitude du rat. Le rat est seul dans une cage et il n’a rien d’autre Ă  faire qu’à s’adonner Ă  la drogue. Qu’est ce qui arriverait si on procĂ©dait diffĂ©remment ? Alors, le professeur Alexander a construit un parc pour des rats (« Rat park »). C’est une cage dans laquelle les rats ont Ă  leur disposition des balles colorĂ©es, des tunnels, une bonne nourriture et plein d’amis. On y a placĂ© les deux bouteilles : eau pure et eau droguĂ©e. Et bien, ces rats pouvant mener une bonne vie ne se sont pas prĂ©cipitĂ© sur l’eau droguĂ©e. Pour la plupart, ils l’ont Ă©vitĂ©e. Aucun n’est mort comme ceux qui vivaient dans leur cage, seuls et malheureux.

« On peut en dĂ©duire que la dĂ©pendance est une adaptation. Ce n’est pas vous. C’est votre cage ». Le professeur Alexander avance que cette dĂ©couverte « contredit Ă  la fois la pensĂ©e de droite selon laquelle la toxicomanie est une faillite morale provoquĂ© par un laxisme hĂ©doniste et une pensĂ©e libĂ©rale selon laquelle cette dĂ©pendance Ă  la drogue est une maladie se dĂ©roulant dans un cerveau chimiquement imprĂ©gné ». Et une autre expĂ©rience a confirmĂ© sa thĂšse. Des rats droguĂ©s ayant sĂ©journĂ© seuls pendant des dizaines de jours dans la premiĂšre cage, sont revenus progressivement Ă  une vie normale dans le « parc des rats ».

Mais qu’en est-il dans la vie humaine ? Johann Hari a menĂ© l’enquĂȘte. Il a mis en Ă©vidence que durant la guerre du Vietnam, un pourcentage important de soldats amĂ©ricains se droguait Ă  l’hĂ©roĂŻne. On se demandait ce qui allait arriver lorsqu’ils seraient de retour dans la vie civile. De fait, pour la plupart, ils ont repris une vie normale.

Autre exemple : les malades recevant Ă  l’hĂŽpital des mĂ©dicaments comprenant de l’hĂ©roĂŻne ne tombent pas dans une dĂ©pendance lorsqu’ils se retrouvent chez eux. Johann Harli Ă©voque Ă©galement l’exemple du Portugal qui, il y a quinze ans, a adoptĂ© une politique nouvelle en matiĂšre de lutte contre la drogue. Les dĂ©penses ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es de la rĂ©pression Ă  une action pour crĂ©er un environnement favorable en terme de logement et d’emploi. Cette politique a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e positivement.

Ainsi, il y a des alternatives aux politiques traditionnelles. La rĂ©ponse Ă  la dĂ©pendance, c’est un milieu relationnel bienfaisant.

« Nous avons besoin d’aimer et d’ĂȘtre en relation » (« We need to connect and love »). Malheureusement, nous avons crĂ©Ă© un environnement et une culture qui nous coupent de la connexion humaine ou qui offrent seulement une parodie de relation sur internet
 La montĂ©e de la toxicomanie est un symptĂŽme d’une maladie plus profonde  qui rĂ©side dans la maniĂšre dont nous vivons ».

Johann Hari rapporte les propos de Bruce Alexander : « Pendant trop longtemps, nous avons parlĂ© exclusivement en terme d’une sortie individuelle de la toxicomanie. Nous avons besoin d’envisager le processus en terme de guĂ©rison collective ». Cependant, « cette vĂ©ritĂ© ne nous remet pas seulement en question sur le plan politique. Elle ne nous oblige pas seulement Ă  changer notre maniĂšre de penser. Elle nous appelle aussi Ă  changer nos cƓurs ».

Cette Ă©tude nous invite Ă  envisager la lutte contre la toxicomanie d’une façon nouvelle depuis une action de terrain jusqu’aux politiques publiques. Cependant, beaucoup plus gĂ©nĂ©ralement et d’une façon presque emblĂ©matique, elle met en Ă©vidence l’influence de l’environnement humain sur les comportements. Cet environnement dĂ©pend lui-mĂȘme de la qualitĂ© des relations qui l’induisent. Manifestement, il y a lĂ  une rĂ©alitĂ© qu’on peut observer Ă  diffĂ©rents niveaux et sur diffĂ©rents registres. C’est dire notre responsabilitĂ©. C’est dire aussi combien nous avons besoin  d’inspiration pour nous engager en ce sens (4).

Jean Hassenforder

(1)            Hari (Johann). Chasing the scream. The first and last days of the war on drugs. Bloomsberry Publishing, 2015  Ce livre est présenté et mis en perspective sur : Wikipedia. The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Chasing_the_Scream

(2)            Le parcours de Johann Hari a Ă©tĂ© aussi l’objet de critiques.  On pourra consulter sa biographie dans : Wikipedia.The free encyclopedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Johann_Hari

(3)            Ce texte prend pour source un article de Johann Hari paru sur un blog du Huffingtonpost : « The likely cause of addiction has been discovered and it is not what you think » : http://www.huffingtonpost.com/johann-hari/the-real-cause-of-addicti_b_6506936.html

(4)            Bien entendu, les inĂ©galitĂ©s et la domination socioĂ©conomique entravent le dĂ©veloppement d’un environnement positif. Cependant, on observe aujourd’hui une montĂ©e des aspirations en quĂȘte d’un environnement relationnel et en demande de convivialitĂ©. Voir : « Emergences d’espaces conviviaux et aspirations contemporaines » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie     On rejoint par lĂ  le message d’amour de l’Evangile et une vision de l’Ɠuvre de l’Esprit. C’est la recherche d’une communautĂ© telle que l’exprime trĂšs bien le thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann : « L’expĂ©rience de la communautĂ© est expĂ©rience de la vie, car toute vie consiste en Ă©changes mutuels de moyens de subsistances et d’énergie et en des relations de rĂ©ciprocitĂ©. Il n’y a pas de vie sans relations de communautĂ© qui lui soient propres. Une vie isolĂ©e et sans relations, c’est Ă  dire individuelle au sens littĂ©ral du terme
 est une rĂ©alitĂ© contradictoire en elle-mĂȘme. Elle n’est pas viable et elle meurt. Une absence totale de relations reprĂ©sente la mort totale. C’est pourquoi la « communion de l’Esprit Saint » n’est qu’une autre expression pour dĂ©signer « l’Esprit qui donne la vie ». La vie naĂźt de la communautĂ©, et lĂ  oĂč naissent des communautĂ©s qui rendent la vie possible et la promeuvent, lĂ  l’Esprit de Dieu est Ă  l’Ɠuvre… Instaurer la communautĂ© et la communion est manifestement le but de l’Esprit de Dieu qui donne la vie dans le monde de la nature et dans celui des hommes. Tous les ĂȘtres crĂ©Ă©s existent non par eux-mĂȘmes, mais en d’autres, et ont besoin, pour cette raison, les uns des autres, et ils trouvent leur consistance les uns dans les autres » (Moltmann (JĂŒrgen). L’Esprit qui donne la vie. Seuil, 1999 (p 297-298) Ouverture Ă  la pensĂ©e de Moltmann dans le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : http://www.lespritquidonnelavie.com/ Sur ce blog : « Vivre en harmonie » : https://vivreetesperer.com/?p=43