par jean | Juil 25, 2012 | ARTICLES, Société et culture en mouvement, Vision et sens |
Des fleurs tapissent un coin de la vieille tranchée
La charge des coquelicots monte sur la colline
Des corbeaux noirs croassent sur les champs dépeuplés.
Souvenirs du passé, force d’un renouveau
Le vent de la forêt berce le cimetière
Et des enfants s’en vont sur les chemins boisés.
Pourquoi Ă©tions-nous jeunes au temps de la grande guerre.
Nous sommes née trop tôt et avons tout perdu
Dans le brouillard sombre et le bruit des obus.
Fêtes de la victoire, discours éparpillés un jour par année
Ne nous rendrons jamais les beaux draps blancs que nous avons quittés.
La vue d’un peuplier qui miroite au printemps
L’amour d’une femme, le sourire d’un enfant.
Comme l’orage qui vient est sillonné d’éclairs
Comme la tempête arrache pièce à pièce notre vieille toiture,
Comme le flot débordant emporte la bonne terre
Et comme le tonnerre qui toujours retentit
Porteur de la grĂŞle et de son clapotis,
O guerres maudites, vous parsemez l’histoire
Et quand la guerre finit
Voilà comme une vague du fond de l’océan
La sombre épidémie et ses halètements.
Pourquoi étions-nous jeunes au temps de la variole ?
Nous sommes nés trop tôt au vent du choléra.
Pensez Ă nos chemins, hommes des temps modernes,
Notre passé vaut bien vos lendemains.
Vous tenez votre vie de nos frĂŞles amours
Les tours des cathédrales dominent encore vos cours.
Pourtant étions démunis de ce qui aujourd’hui affranchit votre vie.
O temps de l’avenir, brillante cité terrestre,
A quoi servirait-il que nous te construisions
Si nos yeux devaient Ă jamais mourir
Et dans les cimetières nos corps pourrir
Comme tous ceux-là qui sont morts avant nous ?
La foule immense désarmée, massacré par le temps
Défile devant nos yeux comme l’avenir de nos plans
Et même si demain ils se réalisaient
Alors ne pourrions oublier vos souffrances et vos plaies.
A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent
Si tous vos cimetières recouvraient la terre ?
A quoi servirait donc la roue de la technique
Si pour toujours vos cris Ă©taient des cris
Et vos pleurs des pleurs ?
Dans le désert d’un infini et dans le poids du temps
Planète d’entre milliers au sein du firmament
Le murmure de la vie s’est fait appel.
A quoi bon le festin et Ă quoi bon la fĂŞte
Si demain est la mort et la mort demain ?
Présence salutaire, vivante Eternité,
A nos cœurs douloureux envoie un Messager
Un murmure secret a réveillé nos cœurs,
Partie d’un coin de terre est venue l’Espérance
Comme une onde, atteint les plus lointains rivages,
A travers les siècles, à travers le temps, sans cesse se propage.
C’est la bonne nouvelle, la seule décisive
Résurrection du Christ, résurrection des morts
Et puisqu’en attendant, il faut que l’homme vive
Et que tombent les écailles de nos déchirements
Présence de l’Esprit, renouveau de la terre, résurrection des vivants.
J H
Ce poème, en forme de cri, a été écrit, il y a des années. C’est une question lancinante qui est toujours là . En regard, un théologien, Jûrgen Moltmann, qui a vécu l’enfer du bombardement de Hambourg en 1943, a trouvé le chemin pour nous dévoiler la puissance infinie de Dieu à l’œuvre pour libérer les vivants et les morts, pour nous délivrer du mal.
Délivre-nous du mal !
Jürgen Moltmann entend et se fait le porte parole de tous ceux qui ont souffert de la violence et de l’injustice. Il y a dans ce monde, un grand cri, une grande demande de justice. « S’il n’y avait pas de Dieu, qu’arriverait-il à ceux qui ont faim et soif de justice dans ce monde ? » (p.61).
Ainsi, les différentes séquences de la Bible nous montre comment Dieu vient à notre secours, apporte la justice, nous rend juste.
A travers la résurrection de Jésus-Christ, l’histoire change de visage. A la croix, Jésus devient le compagnon de tous ceux qui se sentent abandonnés de Dieu. Il libère les hommes du péché et de la culpabilité. « A travers la puissance de vie de sa résurrection, Il entraîne à la fois les victimes et les persécuteurs dans une relation juste avec Dieu et les uns avec les autres. Dans cette loi de vie nouvelle, ils peuvent vivre, car elle s’étend à la fois aux vivants et aux morts et met fin aux revendications du mal » (p.76). Nous voici engagés dans un immense processus. « La création nouvelle de Dieu apparaît déjà aujourd’hui au milieu d’un monde encore marqué par la mort. Elle sera accomplie quand, en Christ, « le Royaume sera remis à Dieu » et qu’ainsi le but sera atteint et que Dieu sera tout en tous » (1 Cor 15.28).
J H
Source : Les malheurs de l’histoire. Délivre-nous du mal. Présentation de la pensée de Jürgen Moltmann sur le site : l’Esprit qui donne la vie http://www.lespritquidonnelavie.com/? p=702
« Délivre-nous du mal. La justice de Dieu et la renaissance de la vie », p 71-98. In : Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte, 2012.
Plus largement, « L’espérance des chrétiens n’est pas une espérance exclusive ou particulariste, mais une espérance inclusive et universelle en la vie qui surmonte la mort ». Voir : « La vie par delà la mort » sur le site : « L’Esprit qui donne la vie ». http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=822
par jean | FĂ©v 17, 2020 | ARTICLES |
« The making of the western mind » de Tom Holland
 « Dominion : The making of the western mind » (la formation de la mentalité occidentale », c’est le titre du livre d’un historien britannique, Tom Holland, traduit en français sous un titre plus explicite : « Les chrétiens. Comment ils ont changé le monde » (1). Qu’est-ce à dire ? A une époque où la pratique chrétienne recule dans les pays occidentaux et particulièrement en Europe, le christianisme continue-t-il à inspirer nos sociétés ? C’est la question que s’est posé cet historien. Il y répond dans un volume de plus de 600 pages qui déroule la fil de l’histoire du christianisme à travers vingt siècles comme une véritable épopée, alternant récit épique et analyse historique dans une vingtaine de grands moments répartis entre l’antiquité, la chrétienté et la modernité.
« Le fracas des armes, le choc des ego, les guerres civiles qui scandent l’histoire des religions monothéistes nous le rappellent : la plus grande histoire du monde, l’avènement du christianisme, de l’antiquité jusqu’aux crises migratoires, est une épopée. Une histoire pleine de bruits et de fureurs opposant athées et croyants, islam et chrétienté. Face à la montée du matérialisme, du divorce entre l’Eglise et le message évangélique à la crise de foi et aux nouvelles guerres de religion, la chrétienté maintiendra-t-elle sa suprématie ? Ou, confrontée au recul du sacré, fait-elle partie du monde d’hier ? » (page de couverture).
Sans doute, dans cette affaire, l’usage du mot chrétienté porte à question. Ce que nous dit l’auteur, c’est qu’au long de cette histoire, le message de l’Evangile a été un levain et qu’il a été et reste la matrice des grandes valeurs qui inspirent le monde occidental. Tom Holland nous dit comment personnellement il a été amené à se poser ces questions à partir de son expérience de l’antiquité en prenant conscience de la violence insupportable qui y régnait. Il nous montre en quoi le christianisme a été un choc culturel par rapport à la civilisation romaine, et l’inspiration évangélique, une force transformatrice au cours des siècles, dans le sillage du Christ crucifié, prenant le parti des pauvres face aux riches et aux puissants. Cependant, le christianisme a souvent été desservi et trahi par les institutions. Le reflux du « christianisme organisé » témoigne d’un porte-à -faux. Cette histoire est donc complexe. Cependant, Tom Holland nous montre qu’aujourd’hui encore, l’imprégnation évangélique est toujours active jusque dans des milieux séculiers et éloignés de la religion . Ce sont des valeurs chrétiennes qui inspirent les mouvements contemporains au service du respect de l’humanité et des droits humains quelle qu’en soit la forme.
Comment Tom Holland a pris conscience de l’originalité de l’inspiration chrétienne
 Tom Holland s’est d’abord orienté vers l’étude de l’antiquité . Ses premiers ouvrages d’historien ont porté sur les invasions perses de la Grèce et les ultimes décennies de la civilisation romaine. Au départ, il était fasciné par la civilisation gréco-romaine et ses personnages emblématiques. Et puis, progressivement, il a pris conscience de la barbarie que cette civilisation véhiculait. Et elle lui est apparue comme de plus en plus étrangère : « Les valeurs de Léonidas, dont le peuple avait pratiqué une forme particulièrement atroce d’eugénisme en entrainant les jeunes à assassiner de nuit les « untermenschen », les sous-hommes, n’étaient pas les miennes, ni celles de César qui aurait tué un million de gaulois et réduit en esclavage un million d’autres … Ce n’était pas seulement leur violence extrême qui me troublait, mais leur absence totale de considération pour les pauvres et pour les faibles » (p 27).
Tom Holland, après une enfance pieuse, s’était éloigné de la foi chrétienne, même « s’il continuait vaguement de croire en Dieu ». « Le Dieu biblique lui apparaissait comme l’ennemi de la liberté et du plaisir » ( p 26). Alors, dans cette prise de conscience, il a compris combien les valeurs chrétiennes étaient précieuses. « L’effacement de ma foi chrétienne au cours de l’adolescence ne signifiait pas que j’eus cessé d’être chrétien. Les postulats avec lesquels j’ai grandi sur la meilleure manière de gouverner une société et sur les principes qui devraient être les siens, ne proviennent pas de l’antiquité classique, encore moins d’une quelconque « nature humaine », mais très clairement de son passé chrétien. L’impact du christianisme sur le développement de l’Occident est un fait si profond qu’il en est venu à ne plus être perçu … Ce livre explique ce qui a rendu le christianisme si subversif et perturbateur, comment il a fini par imprégner la mentalité de la chrétienté latine et pourquoi, dans un Occident souvent incrédule à l’égard des prétentions de la religion, nos attitudes restent, pour le meilleur et pour le pire, profondément chrétiennes » ( p 28).
Face à la domination et à la violence, l’élan de la révélation chrétienne
Notre image de l’antiquité gréco-romaine nous renvoie généralement au prestige de grandes œuvres intellectuelles ou monumentales. Nous recevons ainsi un héritage. Mais il s’agit de la meilleure part, car, comme Tom Holland en a pris progressivement conscience, il y a à l’arrière-plan des mœurs barbares où la violence des puissants se déploie au dépens des faibles dans une omniprésence de l’esclavage.
Le châtiment de la crucifixion est emblématique de la puissance romaine. Tom Holland nous décrit cette horreur répandue au cœur de Rome et dans tout l’empire . Ce livre commence par une effroyable description d’un quartier de Rome longtemps réservé à une crucifixion de masse. « Aucune mort ne semblait égaler la crucifixion dans l’ignominie. Cela en faisait le châtiment tout désigné pour les esclaves…. Pour se montrer dissuasif, celui-ci devait s’exécuter en public. Et, rien n’évoquait avec plus d’éloquence l’échec d’une révolte que la vue des centaines et des centaines de corps suspendus à des croix alignées le long d’une voie ou amassées au pied d’une cité rebelle ou encore de collines alentour dépouillées de leurs arbres » ( p 12). Si la cruauté de ce châtiment n’échappait pas à certains esprits, « l’effet salutaire des crucifixions sur ceux qui menaçaient l’ordre républicain ne faisait guère de doute aux yeux des romains » (p 11).
Ainsi, la croix était l’instrument d’un système glorifiant la puissance des hommes de pouvoir et des dieux au détriment des opprimés. En mourant sur une croix, Jésus a bouleversé l’ordre dominant. Et cette subversion s’est répandue dans l’histoire. « Que le fils de Dieu, né d’une femme et condamné à la mort d’un esclave, ait péri sans être reconnu par ses juges était propice à faire réfléchir même le plus arrogant des monarques » Il y avait là la source « d’un soupçon capital que Dieu était plus proche des faibles que des puissants, des pauvres que des riches » ( p 20).
Par ailleurs, à tous égards, en la personne de Paul, la prédication chrétienne s’est avérée révolutionnaire. Dans un chapitre : « Mission », il nous est montré toute la portée de ce message. « Les juifs, tels des enfants soumis à la protection d’un tuteur, avaient reçu la grâce de se faire le gardien de la loi divine. Mais la venue du Christ avait rendu cette mission caduque…. Le caractère exclusif de cette alliance était abrogée. Les anciennes distinctions entre eux et les autres, dont la circoncision masculine constituait le symbole, se voyaient transcendée. Juifs et grecs, galates et scythes, tous égaux dans la foi en Jésus-Christ, formaient désormais le peuple saint de Dieu » ( p 102). « Et la loi du Dieu d’Israël pouvait être lue et inscrite dans le cœur humain par son Esprit » ( p 113). L’universalité de ce message était et est encore révolutionnaire. C’était et c’est encore un message d’amour et de respect. Dans un monde où la domination masculine s’imposait, c’était également proclamer la dignité de la femme. Dans le monde de Néron, un monde où la débauche sexuelle était à son paroxysme, comme l’auteur nous en décrit la réalité suffocante, Paul proclame le respect du corps, « temple du Saint Esprit » ( p 119). Là aussi c’est un message révolutionnaire. Pendant des siècles, ce message a transformé les consciences et il a transformé l’Occident. Si cet idéal a bien souvent été bafoué, il a néanmoins changé les mentalités en profondeur.
Tout au long de ce livre, Tom Holland nous montre comment ce message s’inscrit encore aujourd’hui dans les esprits, chez ceux qui vivent la foi chrétienne, mais aussi dans ceux qui l’ont délaissée et ont quitté les institutions religieuses. « Comment se fait-il qu’un culte inspiré par l’exécution d’un obscur criminel dans un empire disparu ait pu imprimer une marque si profonde et durable dans le monde ? » ; C’est la question à laquelle Tom Holland répond dans ce livre. « Il suit les courants de l’empire chrétien qui se sont répandu le plus largement et ont survécu jusqu’à nous » (p 23). « Aujourd’hui, alors que nous sommes les témoins d’un réalignement géopolitique sismique, que nos principes se révèlent moins universels que certains d’entre nous ne l’auraient imaginé, le besoin de reconnaître à quel point ceux-ci sont culturellement contingents, est plus puissant que jamais. Etre citoyen d’un pays occidental revient à vivre dans une  société toujours saturée de convictions et de supputations chrétiennes » (p 23).
De manière visible ou invisible, l’inspiration de l’Evangile active au fil des siècles et toujours aujourd’hui.
 En rapportant l’histoire de la civilisation chrétienne, Tom Holland a cherché à en montrer les accomplissements et les crimes, mais, comme il nous le dit, son jugement a été lui-même conditionné par les valeurs chrétiennes. Ce sont ces valeurs qui, de fait, ont engendré la proclamation des droits humains, même si cette origine, fut dès l’époque plus ou moins passée sous silence. « Des deux côtés de l’Atlantique, les révolutionnaires considéraient que les droits de l’homme existaient naturellement depuis toujours et qu’ils transcendaient le temps et l’espace » Pour l’auteur, c’est là « une croyance fantastique ». « Le concept des droits de l’homme avait été à ce point médiatisé, depuis la Réforme, par les juristes et les philosophes protestants qu’il en était venu à masquer ses véritables origines. Il ne provenait pas de la Grèce antique, ou de Rome…C’était un héritage de jurisconsultes du Moyen-Age…. ».
Tom Holland nous montre la prégnance des valeurs chrétiennes jusque dans les mouvements qui sont sortis des cadres sociaux du christianisme. Les adversaires du christianisme s’y opposent bien souvent en fonction même de l’esprit de l’Evangile. « Alors même que Voltaire présente le christianisme comme hargneux, provincial, meurtrier, son rêve de fraternité ne faisait que trahir ses origines chrétiennes. De même que Paul avait proclamé qu’il n’y avait ni juif, ni grec dans le Christ Jésus, un avenir baigné dans d’authentiques Lumières ne comporterait ni juif, ni chrétien, ni musulman. Toutes leurs différences seraient dissoutes. L’humanité ne ferait qu’un « ( p 434). Le souci des humbles et des souffrants, qui mobilise aujourd’hui tant d’hommes et de femmes pour de grandes causes, est, lui aussi, directement issu du christianisme. Des adversaires extrêmes du christianisme le montrent bien puisqu’ils rejettent à la fois le vécu chrétien et les idéaux de compassion et d’égalité. Ce fut le cas de Nietzsche ( p 513-514).
Et, aujourd’hui, dans les débats sur les questions de société, des positions adverses s’inspirent de valeurs chrétiennes reprises différemment. « L’idée que la guerre de religion en Amérique se livre entre les chrétiens d’un côté et ceux qui se sont émancipés du christianisme de l’autre, est une exagération que les deux parties ont intérêt à promouvoir.. En réalité, évangéliques comme progressistes sont issus de la même matrice. Si les adversaires de l’avortement héritent de Macine qui avait parcouru les décharges de la Cappadoce à la recherche d’enfants abandonnés à sauver, ceux qui les combattent s’appuient sur la supposition non moins chrétienne que le corps de la femme devrait être respecté comme tel par tout hommes. Les partisans du mariage homosexuel se montrent pour leur part tout autant inspirés par l’enthousiasme de l’Eglise pour la fidélité monogame que ses opposants par les condamnations bibliques des hommes qui couchent avec des hommes » ( p 586).
Si dans l’histoire du christianisme, il y a bien des épisodes qui sont marqués par la violence et la domination, « les normes selon lesquelles ils furent condamnés pour cela restèrent chrétiennes ».
Et, aujourd’hui encore, ces normes, bien souvent non identifiées comme telles, restent vigoureuses. « Même si les Eglises devaient continuer à se vider dans tout l’Occident, il semble peu probable que ces normes changeraient rapidement. « Dieu a choisi les éléments faibles du monde pour confondre les forts ». Tel est le mythe auquel nous persistons à nous accrocher. En ce sens, la chrétienté reste la chrétienté » ( p 592).
Passé, présent et avenir
 Les lectures de l’histoire du christianisme différent selon les regards qui lui sont portés. L’approche d’un historien dépend de son contexte personnel qui, lui-même induit tel ou tel questionnement.
Ainsi Jean Delumeau a exploré le climat de peur engendré par une image de Dieu et un système répressif.. Son oeuvre historique milite en faveur d’un christianisme ouvert à la modernité. Conscient de l’écart entre les propositions du christianisme institutionnel et la culture actuelle, souvent désignée comme ultra-moderne, nous avons cherché un éclairage dans des lectures historiques montrant comment l’élan du premier christianisme s’était figé et emprisonné dans une système hérité de la conjonction entre l’empire romain et l’Eglise et ayant perduré pendant des siècles avant de soulever des vagues de protestation. Quant à lui, Tom Holland s’attache à mettre en évidence le caractère révolutionnaire du message chrétien à son apparition dans le monde antique et la puissance de la matrice chrétienne à travers les siècles jusqu’à aujourd’hui. Il retient notamment son engagement en faveur des pauvres et des faibles et son caractère universaliste . Dans cette entreprise, il accorde une place majeure à la croix alors qu’on pourrait mettre également en évidence la résurrection du Christ, l’œuvre de l’Esprit et l’espérance qui est ainsi déployée. N’est-ce pas cette espérance qui a animé certains mouvements contemporains comme la campagne pour les droits civiques engagée par Martin Luther King contre la discrimination raciale ou la théologie de la libération. C’est la théologie de l’espérance exprimée par Jürgen Moltmann (2)
Ainsi, il y a bien un lien entre passé, présent et avenir
L’importance de ce livre nous paraît résider dans le fil conducteur qui met en valeur l’influence majeure de la matrice chrétienne dans la civilisation occidentale, et, tout particulièrement dans la manière dont cette influence continue à s’exercer dans une société sécularisée, apparemment déchristianisée. Ainsi parle-t-on aujourd’hui d’une « sortie de la religion », mais tout dépend de ce qu’on entend par ce terme. Tom Holland nous dit qu’en réalité le message évangélique est toujours présent et actif dans la profondeur des mentalités. Et, à bien y réfléchir, on mesure les gains accomplis au cours des siècles par rapport aux mœurs barbares qui prédominaient dans l’antiquité. C’est comme si le message chrétien avait agi comme un levain. Si le monde aujourd’hui est en danger, il y a aussi des atouts dans la créativité  scientifique et technologique et les prises de conscience qui se multiplient : conscience écologique, mais aussi conscience de la montée d’une nouvelle donne relationnelle : promotion des femmes, respect des minorités, nouveau regard où prend place l’empathie, la bienveillance, le « care »… Voici un horizon où on peut lire une présence du levain évangélique quel que soit soit le déphasage des institutions. Et, dans une attention et une écoute croyante, ne peut-on y voir l’oeuvre de l’Esprit et regarder ainsi en avant ?
J H
- Tom Holland. Les Chrétiens. Comment ils ont changé le monde. Editions Saint Simon, 2019 . Ce livre a été présenté sur France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/ce-que-lesprit-occidental-doit-au-christianisme Tom Holland a été interviewé en France sur la portée et la pertinence de ce livre :     https://www.youtube.com/watch?v=LMRwkqcl3Lw&feature=emb_logo
- Un accès à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : https://lire-moltmann.com
par | Oct 17, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
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La bibliothèque comme espace de rencontre
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        Au cours de son itinéraire professionnel de bibliothécaire, Blandine Aurenche a joué, entre autres, un rôle de médiatrice.
« La bibliothèque est un carrefour. les gens s’y croisent pour des motifs extrêmement variés. Comme bibliothécaire, j’ai essayé de permettre à des gens qui passent de se sentir bien à l’aise dans ce lieu pour y découvrir ce qu’il offre et croiser leurs découvertes avec celles des autres. Cette attitude requiert beaucoup d’écoute surtout si l’on veut entendre les suggestions des gens ».
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        Comment susciter un climat de convivialité et de partage ?
« Il y a d’abord une rupture avec l’ancienne conception de la bibliothèque. Ce ne sont plus les collections qui sont premières et qui définissent la bibliothèque. La médiathèque publique s’inscrit dans une perspective toute autre. Pour moi, c’est un espace de rencontre entre une population et des supports d’information divers, à travers des échanges et des temps de convivialité. Je ne m’adresse pas à des lecteurs isolés, mais à une population . Et, dans cette population, seule une minorité est initiée à l’usage classique de la bibliothèque . L’essentiel du travail des bibliothécaires, outre l’acquisition de tous les médias, est de faire en sorte que l’ensemble de la population, et en particulier, les habitants qui ne sont pas familiarisés avec le lieu, en découvrent l’usage et puissent se l’approprier ».
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        Blandine Aurenche évoque de nombreuses situations.
« Je pense par exemple à de jeunes mamans d’origine étrangère, accueillies dans un foyer. On est allé lire régulièrement des livres à leurs enfants devant elles. Au bout de quelques mois, ces mamans ont été accueillies à la bibliothèque. On les a vraiment reçues avec un thé à la menthe. On a pris le temps de bavarder, de leur expliquer ce à quoi servait la bibliothèque. La plupart de ces mamans sont ensuite revenues régulièrement pour elles-mêmes. Elles se sont servies de l’ordinateur pour celles qui savaient écrire et lire. Elles se sont mises à emprunter des livres, des CD, des DVD. Elles sont devenues des « clientes » à part entière.
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        Dans la bibliothèque, il y a un rayon important de nouveautés. Nous essayons d’être très réactifs aux nouvelles parutions. Spontanément ;les lecteurs ont très vite donné leur avis en mettant des petits papiers sur les livres. C’est un exemple de la manière dont les lecteurs ont investi le lieu ;
        Autre exemple : un lecteur est venu me voir pour me proposer d’organiser un ciné club. Avec lui, nous avons décidé de faire en sorte que, chaque mois, un habitant vienne animer une séance autour d’ un film choisi par lui. Et cela marche très bien.
        Des lecteurs nous ont également proposé à plusieurs reprises d’inviter un musicien, un auteur qu’ils connaissaient.
        Effectivement, on constate un grand désir de participation. Après l’ouverture d’une médiathèque, une quinzaine de personnes ont proposé spontanément de faire du soutien scolaire ou de la lecture aux enfants sans qu’on les ait le moins du monde sollicitées. A partir de là , nous avons organisé des séances de soutien scolaire.
        Autre exemple d’investissement personnel. Nous avons une table dévolue à un jeu d’échecs. Tous les samedis, sans qu’on le connaisse au début et sans qu’on lui demande, un monsieur d’un certain âge est venu s’installer à cette table d’échec et s’est mis à jouer avec ceux qui le souhaitaient. Et, petit à petit, il a appris aux enfants à jouer aux échecs.
        Nous avons un jardin dans la bibliothèque. Un papa s’est proposé pour venir, tous les samedis, entretenir ce jardin avec ses enfants et tous les autres enfants qui le souhaitaient.
        Aujourd’hui, les mamans étrangères ont pris l’habitude d’entrer dans la bibliothèque et d’y passer un bon moment lorsqu ’elles viennent chercher leurs enfants. J’ai l’impression que les gens se sentent chez eux.
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        Nous réservons le même accueil aux adolescents.
Un garçon qui, en classe de troisième, avait à lire « la Vénus d’Isle » de Prosper Mérimée, difficile pour un garçon de cet âge, cherchait ce livre. Il m’a dit : « J’en ai marre. Je n’arrive jamais à lire ces livres. C’est trop difficile ». En fait, il aurait souhaité que je fasse une fiche de lecture à sa place. Je lui ai proposé de lui lire à haute voix le premier chapitre. Puis, nous avons convenu qu’il revienne pour que je lui lise la suite. Je lui ai lu l’ensemble du livre. Et, en même temps, je l’ai aidé à décrypter certaines expressions difficiles. Cela a changé beaucoup son attitude vis-à -vis de la bibliothèque et peut-être vis-à -vis de la lecture.
        J’ai rencontré un ancien petit lecteur qui est devenu unélu municipal. Je lui lisais souvent le début des livres qu’il devait lire pour la classe. On pouvait en discuter. Il m’a dit que cela l’avait beaucoup aidé. Cela lui avait permis de faire le pas pour s’approprier la lecture . Il me semble que le travail de la bibliothécaire est de faire un petit bout de chemin avec des jeunes pour leur donner des clefs et les aider ainsi à « entrer en littérature »..
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         Comment un climat convivial émerge-t-il ?
« A la bibliothèque Louise Michel, on a créé le café de Louise, un temps d’échange sur les livres que les gens auto-gérent pratiquement. Entre eux, les gens échangent sur leurs lectures. C’est comme dans un ciné club.
        La bibliothèque devient un lieu familier dans le quartier. Les gens qui viennent commencent à parler entre eux. Certains sont devenus amis. Beaucoup viennent tous les jours et y passent un petit moment. Ils viennent lire le journal, bavardent avec d’autres lecteurs ou avec des bibliothécaires.
        A quoi un tel lieu sert-il ? Pour moi, c’est un lieu de gratuité. Les gens ne sont pas forcé de venir. Mais ils sont reconnus et accueillis pour eux-mêmes. C’est donc un lieu de respiration où on peut se poser, se ressourcer. C’est un lieu de vie sociale où on peut entrer en contact avec d’autres dans un climat convivial ».
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Contribution de Blandine Aurenche.
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Sur le même sujet,on pourra lire aussi :
Sur ce blog : « Laissez les lire ! Une dynamique relationnelle et éducative ». https://vivreetesperer.com/?p=523
Sur le site de TĂ©moins : Emergence d’expaces conviviaux et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place ») et nouveaux modes de vie » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1012&catid=4
par jean | Sep 18, 2012 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Changement dans les esprits.
Nouvelles finalités, nouvelles approches.
La grande crise financière et économique, que nous traversons, est en train de susciter des remises en cause et des prises de consciences et aussi d’engendrer des attentes et des approches nouvelles. Comme l’écrit Michel Serres : « Si nous vivons une crise, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut donc inventer du nouveau » (1). Des représentations et des attitudes nouvelles sont en train d’apparaître et de se propager. De l’intérieur, la pratique économique commence à changer.
Parmi les premiers signes de transformation, figure le LHforum, premier forum international sur le thème de l’économie positive et responsable (2), organisé dans la ville du Havre, le 13 et 14 septembre 2012, à l’initiative du groupe PlaNet finance, fondé par Jacques Attali et Arnaud Lentura et devenu la première institution globale de microfinance dans le monde. Le forum a permis de mettre en évidence des initiatives très diverses. Abondamment commentée dans les médias, cette manifestation a fait connaître le courant de l’économie positive .
Dans une vidéo introductive (2 ), Jacques Attali nous introduit dans la dynamique de ce mouvement. Ses propos sont particulièrement éclairants .
Jacques Attali constate que le monde entier prend conscience aujourd’hui de sa fragilité. La précarité n’est plus le lot exclusif des pays pauvres. Elle apparaît comme une menace dans les pays développés. C’est « la prise de conscience d’une situation précaire pour tout le monde ». « Nos civilisations sont mortelles, nos statuts sont fragiles, nos vies sont précaires ». Quel avertissement !
La planète se transforme à vive allure. La mondialisation, en marche depuis 3000 ans, suscite une économie définitivement mondiale, à la fois « nécessaire et inévitable ». Mais si cette mondialisation n’est pas accompagnée par l’affirmation de la « règle de droit », et si possible d’une «règle de droit démocratique », « elle conduira au chaos »
Progressivement, des systèmes de protection sociale sont apparus dans de nombreux pays. Aujourd’hui, on a besoin d’un mouvement analogue à l’échelle mondiale. Il faut « transférer à l’échelle mondiale cette prise de conscience d’une solidarité qui a surgi dans les différents pays ».
L’économie positive est une nouvelle manière d’envisager l’économie. Et, en particulier, le profil y perd son caractère dominateur.  « Le profil n’est plus une fin, mais un outil pour atteindre des valeurs plus élevées : altruisme, éthique, morale, qualité de vie… Les richesses créées ne sont plus une fin en soi, mais un moyen…L’argent doit être considéré comme le pinceau du peintre et non comme l’œuvre d’art … ».
C’est un changement de perspective qui est entrain de se produire et qui commence à se manifester avec vigueur dans des entreprises pionnières. « L’économie peut être retournée de façon positive si elle considère que sa finalité est éthique… »
La transformation du système économique ne se fera pas sans oppositions et sans conflits. Mais une vision nouvelle est en train d’apparaître comme le montre Jérémie Rifkin dans son livre sur la « Troisième Révolution industrielle » (3). Et, si on suit Jacques Lecomte dans son livre sur la bonté humaine (4), des évolutions dans les mentalités sont en cours. Face aux ravages engendrés par un système en crise , la réflexion des chercheurs (5 ) et la montée d’un nouvel état d’esprit vont appuyer les actions réformatrices. Une piste à suivre attentivement…
J H
(1)           Serres (Michel). Le temps des crises . Le Pommier , 2009. Citation en page de couverture.
(2)           Site sur le mouvement et présentation du forum : http://www.lhforum.com/
(3)           Sur ce blog : « Face à la crise, un avenir pour l’économie : la troisième révolution industrielle » https://vivreetesperer.com/?p=354
(4)            Sur ce blog : « La bonté humaine, est ce possible ? » https://vivreetesperer.com/?p=674
(5)           Sur ce blog : « Pour réformer la finance… le livre de James Fatherley : « Of markets and men »
par jean | Jan 1, 2014 | ARTICLES, Beauté et émerveillement, Expérience de vie et relation |
Amour, humour, Ă©merveillement. Les albums de Peter Spier.
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Avec quelques autres illustrateurs comme Quentin Blake (1), Peter Spier rejoint à travers son oeuvre l’esprit d’enfance : humour et émerveillement. Ayant vécu durant sa jeunesse aux Pays-Bas, Peter Spier émigre aux Etats-Unis où il va illustrer des dizaines de livres pour enfants (2). Et son œuvre se répand dans le monde. Elle nous rencontre, enfants comme adultes, à bien des étapes de notre vie.
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Dans la dynamique de son œuvre créatrice, Peter Spier nous est présenté dans une courte vidéo (4). La vidéo commence par un chant traditionnel issu d’un poème anglais du XVème siècle : « The fox went out on a chilly night » (5). C’est Peter Spier qui fredonne le premier couplet :
« Le renard partit la nuit pour chasser.
Il pria pour que la lune lui donne de la lumière
Car il avait plus d’un mile à faire
A parcourir avant d’atteindre la ville ».
Peter Spier reprend ce chant qui l’a inspiré pour illustrer un de ses premiers albums, d’abord pour partie couleur, pour partie noir et blanc, et puis, aujourd’hui, 53 ans après cette publication, complété par l’auteur à l’aquarelle pour une version e-book.
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Peter Spier a fréquenté une école d’art à Amsterdam avant d’émigrer aux Etats-Unis où il a illustré environ 150 livres.
Le premier livre de Peter Spier mis en exergue par l’attribution d’un prix a été son album sur l’Arche de Noé (Noah’s Ark ) paru en 1977. Puisqu’il n’y a pas de texte, c’est à travers l’illustration que la réalité de l’histoire apparaît. Les détails enchantent. Noé ramasse les œufs de ses poules !
Et la seconde réussite de l’auteur, c’est l’album sur la chanson du renard parti chasser à la ville. Peter Spier a également réalisé un grand album sur les gens dans le monde (« People »), lui aussi très connu. Il nous raconte comment il a utilisé la documentation du National Geographic pour réaliser une illustration pleine de pittoresque et d’humour.
La vidéo se termine sur une image d’avenir. Peter Spier apprécie la qualité des images des ses aquarelles sur les e-books où la lumière illumine les photos.
Des commentaires sur l’auteur parsèment la vidéo. « Il permet à notre imagination de travailler ». Il nous entraîne dans une histoire. Mais c’est Peter Spier qui, avec un grand sourire, exprime le mieux l’esprit qui l’anime : « Je le fais pour les enfants et pour l’enfant qui est en moi ».
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Baba, auteur de l’album « Papa arbre » (3), a découvert très tôt les livres de Peter Spier. Dans sa veine artistique et poétique, il nous dit ici l’inspiration que lui apporte Peter Spier.
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Baba, quand et comment as-tu découvert cet auteur ?
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Je ne sais plus très bien, tout jeune, Ă la bibliothèque. J’avais aussi reçu certains de ses albums en cadeau d’amis bien inspirĂ©s. Mais, Ă vrai dire, c’est seulement maintenant, rĂ©ouvrant ces livres avec mes propres enfants, que je mesure combien ils ont jalonnĂ© mon enfance, façonnĂ© mon imaginaire. Il y a d’abord Sept milliards de visages, qui n’Ă©taient d’ailleurs que quatre Ă l’Ă©poque : un album magnifique, Ă la rencontre du monde, de l’humanitĂ©, de son immense diversitĂ©, un dessin florissant, une voix subtile, une vision de l’homme apaisĂ©e. Il y a Christmas, Rain… des albums sans paroles, une cĂ©lĂ©bration du quotidien, de ces instants de grâce qui fondent l’existence. Il y a L’histoire de NoĂ© : le rĂ©cit biblique dĂ©voilĂ© dans toute sa richesse, dans sa chair, avec ses bruits, ses gestes, ses couleurs, ses odeurs, l’arche qui devient le refuge de la vie, de toute la vie.
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Il y a aussi Quand on s’ennuie : l’histoire gĂ©niale de deux frères dĂ©sĹ“uvrĂ©s Ă qui leurs parents reprochent de ne pas savoir s’occuper. Ils dĂ©couvrent de vieux plans, rassemblent tout ce qu’ils trouvent, dĂ©montent la voiture, les haies, les rideaux, pour se fabriquer un avion. Leur envolĂ©e leur vaut de belles Ă©motions et une bonne fessĂ©e de leurs parents ! Chaque histoire, chaque crĂ©ation de Peter Spier est l’histoire mĂŞme d’une crĂ©ation, de ce moment oĂą du rien jaillit le plein, oĂą formes et couleurs nous invitent à « cet Ă©tat d’invention perpĂ©tuelle », selon le mot de Paul Valery, qui n’est peut-ĂŞtre autre chose que l’enfance.
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Quels sont les albums de Peter Spier qui te plaisent le plus ?
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Tous. Je crois qu’aucun ne m’a déçu. Dès ses premiers albums, The Cow who fell in the canal, The Fox went out on chilly night, le talent de Spier Ă©clate : l’Ă©loquence de son dessin, son trait inarrĂŞtable, son amour du dĂ©tail, la tendresse de son regard, sa poĂ©sie, son humour. Spier est un hĂ©ritier des paysagistes hollandais, d’Avercamp, de Van de Velde, de Van Goyen, de Ruysdael, attentifs au dialogue du ciel, de la terre et de l’eau, amoureux des gens, partagĂ©s entre le plaisir d’ĂŞtre chez soi, la douceur de l’intimitĂ© et l’appel du large, l’ivresse du chemin, l’horizon des navires Ă l’assaut de la mer.
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AmĂ©ricain d’adoption, il a consacrĂ© des albums très beaux Ă l’histoire des Etats-Unis, aux pionniers, Ă la naissance de la nation amĂ©ricaine, Ă la fondation de New-York. Il y a chez lui cet imaginaire du « nouveau monde » qui fait contrepoint avec ses origines nĂ©erlandaises. Il a aussi beaucoup travaillĂ© Ă partir de chansons, des traditionnels – London Bridge is falling down, The Erie Canal, To Market, market, Hurrah, we’re outward bound !, And so my garden grows – dont les paroles scandent ses planches, font courir le regard du lecteur et rĂ©vèlent toute la musicalitĂ© de ses visions.
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Quelle inspiration trouves-tu chez Peter Spier ?
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Ce sont des leçons. Tout chez Spier mĂ©rite d’ĂŞtre regardĂ© parce que, lorsqu’il pose son regard sur les choses, rien pour lui n’est indigne d’ĂŞtre regardĂ©. Il y a chez lui un appĂ©tit fabuleux, cette envie de faire l’inventaire du monde, de mettre partout ses yeux et ses pinceaux. La trame est toujours assez simple. Il imprime d’abord un mouvement, on suit un personnage, une rivière, un bateau, une voiture, une voix, ou, Ă l’inverse, on voit le monde, les gens, la nature se dĂ©ployer, aller, venir, revenir, vivre, mourir, autour d’un mĂŞme lieu, d’un mĂŞme Ă©difice, d’un mĂŞme objet.
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Et puis il y a ces moments oĂą tout s’arrĂŞte, oĂą tout cède Ă la contemplation, Ă la couleur, Ă la douceur d’une lune, au parfum d’une prairie, Ă la fantaisie d’un nuage, Ă la fragilitĂ© d’une goutte d’eau, au fouillis d’un garage, au clair-obscur d’une rue … C’est dans ces moments-lĂ que la nature, l’ouvrage des hommes et le dĂ©sordre qu’ils sèment se retrouvent pour toucher au sublime.
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(1) Site de Quentin Blake : http://quentinblake.com/
(2) Itinéraire de Peter Spier sur wikipedia anglophone : http://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Spier
(3) « Sur ce blog : « Papa arbre. Un album intime » : https://vivreetesperer.com/?p=1031
(4) Peter Speer author video : http://www.youtube.com/watch?v=cnR5u7T9F_c
(5) « The fox went out on a chilly night » : histoire et texte de cette chanson sur Wikipedia anglophone : http://en.wikipedia.org/wiki/The_Fox_(folk song)