Non-violence : une démarche spirituelle et politique

Mandela et Gandhi, acteurs de libération et de réconciliation

Selon Eric et Sophie Vinson

518-zvi9UyL._SX319_BO1,204,203,200_ Vaincre une oppression Ă  travers une action non-violente, est-ce possible ? Comment une telle lutte peut-elle l’emporter face Ă  un grand pouvoir ? Lorsqu’on visite l’histoire du XXĂ© siĂšcle, on y rencontre de grands malheurs, mais aussi de grands mouvements de libĂ©ration, qui ont remportĂ© la victoire sans recourir Ă  la violence. De grandes figures jalonnent ce parcours : Gandhi, Mandela, Martin Luther King (1). Sur un registre plus discret, d’autres mouvements ont ƓuvrĂ© pour la paix et la rĂ©conciliation Ă  travers des rencontres bienveillantes. Ce fut le cas du RĂ©armement moral suscitĂ© par Frank Buchman, qui, aprĂšs la seconde guerre mondiale a agi en faveur de la rĂ©conciliation franco-allemande et pour une transition pacifique vers l’indĂ©pendance dans certains pays d’Afrique (2). Aujourd’hui, l’aspiration Ă  rĂ©soudre pacifiquement les conflits se poursuit. Ainsi se dĂ©veloppe actuellement une approche de « Communication non- violente » (CNV), telle qu’elle a Ă©tĂ© conçue par un pionnier, Marshall Rosenberg (3). Cette approche peut s’appliquer dans diverses situations. Aujourd’hui, on prend conscience que « La paix, ça s’apprend », comme nous y invite un livre rĂ©cent de Thomas d’Ansembourg (4).

Face Ă  la violence, ce qui compte en premier, c’est un Ă©tat d’esprit : un choix de paix, une volontĂ© de bienveillance. Cette disposition est source de courage, de patience et de crĂ©ativitĂ©. Elle transforme les relations. Gandhi et Mandela se rejoignent dans l’histoire par la maniĂšre dont ils ont remportĂ© la victoire sur des forces d’oppression. Eric Vinson et Sophie Viguier-Vinson ont consacrĂ© un livre Ă  cette dynamique de paix : « Mandela et Gandhi. La sagesse peut-elle changer le monde ? » (5). Effectivement, ces deux hommes, aujourd’hui cĂ©lĂšbres, ne sont pas sans rapport. En effet, si l’engagement de Gandhi est chronologiquement antĂ©rieur Ă  celui de Mandela, il y a entre eux une forte interconnexion Ă  travers un champ commun : l’Afrique australe, un adversaire semblable : l’impĂ©rialisme colonial occidental, des modes d’action comparables : le primat de la non-violence avec une part d’inspiration chrĂ©tienne. Voici deux personnalitĂ©s qui ont marquĂ© le XXĂš siĂšcle dans des sĂ©quences historiques diffĂ©rentes.

 

Itinéraires

Rappelons briÚvement les itinéraires.

Gandhi demeure aujourd’hui encore une source d’inspiration. Car s’il s’inscrit dans un univers culturel spĂ©cifique, il anticipe Ă©galement Ă  travers une conscience de la non-violence et de l’écologie. Sa culture s’enracine dans un entre-deux entre l’Inde et l’Angleterre Ă  la fin du XIXĂš siĂšcle. Et lorsqu’il rejoint la communautĂ© indienne de l’Afrique Australe, il y dĂ©couvre la sujĂ©tion Ă  laquelle cette communautĂ© est soumise par le pouvoir local. A partir de 1906, Ă  travers sa profession d’avocat, il s’engage dans des campagnes de « dĂ©sobĂ©issance civile » contre les discriminations. De retour en Inde Ă  partir de 1915,  son action pour libĂ©rer le pays du pouvoir colonial va se dĂ©rouler pendant plusieurs dĂ©cennies jusqu’aux annĂ©es de l’aprĂšs-guerre oĂč l’indĂ©pendance l’emporte et oĂč Gandhi est assassinĂ© en 1948. Et pendant toutes ces annĂ©es, Gandhi a menĂ© la lutte en conjuguant plusieurs orientations : spirituelles, sociales, politiques et Ă©cologiques.

NĂ© en 1918, Nelson Mandela grandit dans l’ambiance trĂšs libre d’une communautĂ© rurale africaine. Lorsqu’il arrive en ville, il achĂšve ses Ă©tudes d’avocat et commence Ă  participer Ă  la lutte contre l’apartheid menĂ©e par le CongrĂšs national africain (ANC). Il prend une place grandissante dans ce combat et, en 1962, il est condamnĂ© Ă  un emprisonnement de longue durĂ©e. Il va ainsi restĂ© prisonnier pendant 27 ans, d’abord au pĂ©nitencier de Robben Island, puis bien plus tard, dans une condition plus libĂ©rale, jusqu’à sa libĂ©ration en 1990. Dans sa nĂ©gociation avec le pouvoir dominant, il parvient Ă  imposer la fin de l’apartheid et Ă  initier un processus politique non- violent Ă  travers lequel, en 1994, il accĂšde Ă  la prĂ©sidence par des Ă©lections dĂ©mocratiques. Comme prĂ©sident, il va assurer la transition dĂ©mocratique jusqu’en 1999. Les auteurs du livre Ă©crivent Ă  ce sujet : « C’est un immense et incomparable changement. MultisĂ©culaire,  le rĂ©gime fondĂ© sur la discrimination raciale a donc pris fin, avec sa version la plus achevĂ©e : l’apartheid en place depuis 45 ans. Pas Ă  pas, ce dernier va ĂȘtre remplacĂ© par une dĂ©mocratie reprĂ©sentative, Ă©galitaire en droits. Le tout sans une guerre civile totale » (p 171) .

Ces notations trĂšs schĂ©matiques sur l’itinĂ©raire de ces deux grandes personnalitĂ©s, des gĂ©ants de l’histoire, vont nous permettre d’aborder maintenant les caractĂ©ristiques de l’action non-violente et une initiative de rĂ©conciliation sans Ă©gale : la  Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation organisĂ©e sous l’impulsion de l’archevĂȘque Desmond Tutu. Au passage nous observerons les ressources spirituelles, morales et intellectuelles qui ont permis la victoire de cette action non-violente.

 

Une lutte non-violente

Dans la lutte menĂ©e contre la domination coloniale, Gandhi et Mandela ont mis en Ɠuvre une action non-violente.

Gandhi a ouvert la voie. Pourquoi et comment Gandhi a-t-il choisi ce mode d’action ? Ce livre nous explique son cheminement. C’est tout d’abord une attitude d’inspiration spirituelle qui s’est dĂ©veloppĂ©e dans son milieu familial et culturel. « C’est dans son cadre domestique que Gandhi est sensibilisĂ© Ă  la notion centrale dans le jaĂŻnisme, d’ « ahima » qui revient  Ă  « ne lĂ©ser aucune vie », signifiant littĂ©ralement « non-nuisance » en sanskrit. Ce terme essentiel chez Gandhi, est le plus souvent rendu dans les langues occidentales par le terme de « non-violence ». Norme Ă©thique et spirituelle, ce principe caractĂ©rise la voie mystique et ascĂ©tique, nĂ©e du sous-continent indien  ». D’action en rĂ©action, « la violence conduit Ă  la souffrance de tous ». « La non-nuisance, et Ă  fortiori l’altruisme aimant et compatissant permettent de rompre un cercle vicieux pour conduire Ă  terme tous les ĂȘtres Ă  la sagesse et au bonheur » (p 34). C’est dans cet Ă©tat d’esprit : « un idĂ©al de maitrise de soi bienveillante » qu’en 1888, Gandhi quitte sa patrie pour venir Ă  Londres Ă©tudier le droit. Et, dans cette capitale-monde, il va poursuivre son cheminement spirituel dans la rencontre de diffĂ©rents courants religieux et philosophiques occidentaux, mais aussi orientaux. Ainsi raconte-t-il que le « Sermon sur la Montagne » lui alla droit au cƓur. « Et moi, je vous dis de ne pas rĂ©sister Ă  celui qui vous maltraite  ». Ma jeune intelligence s’efforça d’unir dans un mĂȘme enseignement la GitĂą, la LumiĂšre de l’Asie et le Sermon sur la Montagne » ( p 47).  Et lorsque, avocat diplĂŽmĂ©, il rejoint l’Afrique du Sud, en 1893, il va poursuivre ses lectures et trouver une inspiration chez des auteurs comme H.D. Thoreau, Ruskin et TolstoĂŻ.

En Afrique du Sud, Gandhi subit quelques expĂ©riences humiliantes de discrimination. Cependant, la communautĂ© indienne est prospĂšre et ce n’est qu’au dĂ©but du XXĂš siĂšcle qu’elle se trouve menacĂ©e. En 1906, face Ă  un projet de discrimination des asiatiques, Gandhi s’engage dans une action non-violente. Cette lutte va se poursuivre dans les annĂ©es suivantes : marches de protestation, emprisonnements. Gandhi exprime cette dĂ©sobĂ©issance civile dans un terme indien : « satyagraha » : « idĂ©e de fermetĂ©-vĂ©rité », de « force de la vĂ©rité ». Les auteurs notent la capacitĂ© de Gandhi de nĂ©gocier en accordant une confiance qui a Ă©tĂ© parfois trahie . «  Un satyagrahi » n’a jamais peur de faire confiance Ă  son adversaire
 au nom de la confiance implicite dans la nature humaine qui fait partie de sa philosophie
Une logique comparable Ă  celle de Mandela toujours soucieux de maintenir ou de rĂ©tablir un lien d’humanitĂ©, par delĂ  les antagonismes politiques (p 98). De retour en Inde en 1915, Gandhi, accueilli en hĂ©ro et baptisé Mahatma (la grande Ăąme) s’engage sur plusieurs fronts : « ParallĂšlement aux actions non-violentes, il met en Ɠuvre de  multiples leviers Ă©conomiques, Ă©ducatifs, sanitaires, culturels, permettant aux personnes et communautĂ©s de vĂ©ritablement rompre Ă  long terme avec un systĂšme injuste » (p 103).

Le leadership de Gandhi dans les campagnes d’action non-violente menĂ©es par la communautĂ© indiennes au dĂ©but du XXĂš siĂšcle en Afrique du Sud a exercĂ© une grande influence Ă  long terme et ce mode d’action a Ă©tĂ© repris par le CongrĂšs National Africain et par Mandela aprĂšs la seconde guerre mondiale dans la lutte contre l’apartheid instituĂ© en 1948.

Mandela a grandi en libertĂ© dans un milieu rural inspirĂ© par une spiritualitĂ© traditionnelle et par une foi chrĂ©tienne mĂ©thodiste. Puis il rejoint Johannesburg, la grande ville, en 1941 et ses Ă©tudes dĂ©bouchent sur une profession d’avocat. Ses lectures sont variĂ©es et incluent des oeuvres marxistes. Son engagement dans la lutte menĂ©e par le CongrĂšs National Africain (ANC) contre l’apartheid est de plus en plus marquĂ©. Cette action s’exerce dans une pratique non violente telle qu’elle a Ă©tĂ© inaugurĂ©e par Gandhi dans ce pays et qu’elle a continuĂ© ensuite Ă  inspirer l’organisation africaine. En 1952, une vaste mobilisation dĂ©fiant le gouvernement emprunte ce mode d’action. Mandela expĂ©rimente pour la premiĂšre fois la rĂ©pression et l’incarcĂ©ration.        « Il subit la brutalitĂ© des gardiens, mais goute aussi la camaraderie des codĂ©tenus. Alors que nous allions en prison, les voix des volontaires qui chantaient : « Nkosi sikelel iAfrika » (« Dieu bĂ©nisse l’Afrique ») faisaient vibrer les camions » (p 107). Mandela sort transformĂ© de la campagne de 1952. « Elle m’avait libĂ©rĂ© de tout sentiment de doute ou d’infĂ©rioritĂ© que je pouvais avoir  » (p 107).

Au dĂ©but des annĂ©es 60, dans un climat de grande tension, un dĂ©bat s’ouvre oĂč Mandela en vient Ă  prĂ©coniser la crĂ©ation d’une branche militaire au sein de l’ANC. Il s’en explique par la suite en ces termes : « j’ai suivi la stratĂ©gie Gandhienne autant que j’ai pu, mais notre lutte arrive Ă  un point oĂč la force brutale de l’oppresseur ne pouvait plus ĂȘtre contrĂ©e par la seule rĂ©sistance passive. Nous avons donc fondĂ© une branche militaire. Mais, mĂȘme alors, nous avons choisi le sabotage parce qu’il n’impliquait pas mort d’homme, et que cela mĂ©nageait le meilleur espoir pour les relations raciales Ă  venir » (p 124). Mais trĂšs vite, il est arrĂȘtĂ© Ă  la fin de1962. Il est condamnĂ© Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ©. Il va rester en dĂ©tention plus de 27 ans. DĂšs le dĂ©but, il dĂ©cide de rĂ©sister et d’imposer le respect Ă  ses surveillants. C’est une rĂ©sistance non violente qui prend des formes multiples. Ses armes sont d’abord le droit. La fraternitĂ©, l’étude, l’autodiscipline s’inscrivent dans cette voie militante. Pour Mandela, cette dĂ©tention est aussi une expĂ©rience intĂ©rieure. Et, « capitaine de son Ăąme », Mandela va aussi le rester intellectuellement en lisant et en apprenant (p 131). Cependant, au fil des annĂ©es, ses rapports avec l’administration pĂ©nitentiaire vont Ă©voluer. Ce livre nous dĂ©crit l’influence d’une attitude non violente par rapport aux gardiens et l’évolution intĂ©rieure de Mandela. « La mĂ©tamorphose du prisonnier Mandela a permis une humanisation contagieuse dont il a ensuite bĂ©nĂ©ficiĂ©. Il a lĂąchĂ© prise, s’est apaisĂ©, a puisĂ© au plus profond et s’est renforcĂ© jusqu’à pouvoir s’ouvrir à  ses ennemis dont il partageait alors la vie. Et les regarder avec compassion, ce qui a dĂ©clenchĂ© en eux
 un processus mimĂ©tique. Devenu plus attentif Ă  son humanitĂ©, Ă  son intĂ©rioritĂ©, en les cultivant, il a modifiĂ© ses qualitĂ©s de prĂ©sence et de relation, et, Ă  long terme, cela a fait la diffĂ©rence comme si les autres cƓurs environnants s’étaient mis peu Ă  peu au diapason » (p 152).

Réconciliation, justice, réparation, pacification

 

La Commission Vérité et Réconciliation

A travers une lutte non violente, Gandhi et Mandela sont parvenus Ă  obtenir la libĂ©ration de peuples opprimĂ©s. Sous la direction de Mandela, l’Afrique du Sud a Ă©galement Ă©vitĂ© les affres de la guerre civile.  Cependant, issu des souffrances du passĂ©, un mal intĂ©rieur profond demeurait. « La politique d’apartheid a crĂ©Ă© une blessure profonde dans mon pays et dans mon peuple. Il nous faudra des annĂ©es et peut-ĂȘtre des gĂ©nĂ©rations pour guĂ©rir de ce mal terrible » Ă©crit Mandela Ă  la fin de ses mĂ©moires ( p 177). Ici encore Mandela va jouer un rĂŽle dĂ©cisif : dĂ©passer l’alternative tragique du maitre et de l’esclave thĂ©orisĂ©e par Hegel, selon le commentaire des auteurs du livre. C’est un humanisme spirituel. Barack Obama l’a souligné : Mandela « comprenait les liens qui unissent l’esprit humain  « l’ubuntu » incarne son plus grand don : celui d’avoir reconnu que nous sommes tous unis par des liens invisibles, que l’humanitĂ© repose sur un mĂȘme fondement, que nous nous rĂ©alisons en donnant de nous-mĂȘmes aux autres. Non seulement, il incarnait l’ubuntu, mais il avait aussi appris Ă  des millions d’autres Ă  dĂ©couvrir cette vĂ©ritĂ© en eux. Il fallut un homme comme Mandela pour libĂ©rer non seulement le prisonnier, mais aussi le geĂŽlier » ( p 178).

Dans ce contexte, une innovation va apparaĂźtre : la crĂ©ation de la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation (CVR) sous l’impulsion de l’archevĂȘque anglican Desmond Tutu. C’est la mise en Ɠuvre d’un processus de rĂ©conciliation et de guĂ©rison collective. Dans un contexte de mĂ©diation, puissamment portĂ© par une dimension spirituelle et religieuse d’inspiration chrĂ©tienne, une expression concrĂšte des victimes et des bourreaux va pouvoir advenir. « Les victimes sud-africaines pourront dire Ă  haute voix les coups reçus, les peines vĂ©cues, et les bourreaux d’hier, le mal qu’ils ont fait, en tant qu’agents institutionnels du rĂ©gime » (p 184). « La commission recueille les rĂ©cits des forfaits subis entre 1960 et 1994 dans le cadre de l’apartheid et elle Ă©coute leurs auteurs (perpetrators) sur la base du volontariat. De quoi Ă©tablir la vĂ©ritĂ© des faits en permettant Ă  ceux qui les ont perpĂ©trĂ©s d’avouer publiquement pour les aider Ă  se libĂ©rer de leur culpabilité » (p 185), cette confession pouvant dĂ©boucher sur une amnistie. Le processus va effectivement assainir le climat. « L’amnistie publique accordĂ©e d’un commun accord
 et la « rĂ©conciliation » refondent l’Afrique du Sud d’aprĂšs l’apartheid, constate le spĂ©cialiste du pays, PJ Salazar » (p 188).

Cette innovation spĂ©cifique est aussi un exemple pour l’humanitĂ© d’aujourd’hui. Dans un certain contexte, une forme de rĂ©paration, une rĂ©conciliation peut advenir dans un processus social de mĂ©diation. Les auteurs du livre ont une formule heureuse pour caractĂ©riser les fruits de ce processus : « C’est la refondation Ă©thico-spirituelle d’une nation » (p 188). Ils nous aident Ă©galement Ă  en comprendre les ressorts.

La composante chrĂ©tienne, et plus gĂ©nĂ©ralement religieuse, de ce processus est Ă©vidente. Elle se manifeste notamment Ă  travers le rĂŽle majeur jouĂ© par Desmond Tutu, un pasteur-prĂȘtre anglican, engagĂ© de longue date, dans la lutte non violente contre l’apartheid et dans une vision spirituelle imprĂ©gnĂ©e d’ƓcumĂ©nisme et de dialogue interreligieux. Ainsi, au cours de l’histoire, si la religion a pu ĂȘtre un outil de domination suscitant le rejet, elle a Ă©tĂ© et elle est Ă©galement une force de libĂ©ration.

Un des fruits de ce processus est aussi l’éclosion d’une « justice rĂ©parative ». «  Cette forme de justice cherche Ă  mobiliser tous et chacun, dans la quĂȘte de solutions pragmatiques permettant la rĂ©ponse d’une vie commune apaisĂ©e
 Elle rĂ©sulte d’une combinaison de droit et de politique, de droit et d’anthropologie, de droit et de psychologie » explique le magistrat Garapon (p 191).

Ainsi, l’Ɠuvre de la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation se situe Ă  un confluent. DiffĂ©rents apports s’y croisent et s’y enrichissent mutuellement et des fruits diversifiĂ©s en rĂ©sultent. En cette terre africaine, la sagesse locale de l’ubuntu, c’est la reconnaissance de l’interdĂ©pendance entre les hommes qui s’inscrit dans une transcendance. C’est une approche dans laquelle Mandela et Gandhi se rejoignent et que Desmond Tutu a pu exprimer en termes thĂ©ologiques. C’est bien lĂ  aussi un apport Ă  toute l’humanitĂ©.

Ainsi ce livre d’Eric et de Sophie Vinson se rĂ©vĂšle une prĂ©cieuse contribution. Il nous Ă©claire sur un aspect significatif de l’histoire du XXĂš siĂšcle, un registre de lumiĂšre en regard des ravages engendrĂ©s par des idĂ©ologies totalitaires. Il nous montre le caractĂšre rĂ©aliste d’une approche encore souvent mĂ©connue : la non violence. Cette approche exigeante requiert une inspiration qui s’appuie sur des ressources spirituelles, religieuses, philosophiques. A travers une analyse historique fortement documentĂ©e, ce livre nous en fait part. Enfin cet ouvrage nous permet d’apprĂ©cier le rĂŽle des personnalitĂ©s ; la part des hommes dans l’histoire. Le leadership de Gandhi et de Mandela a permis Ă  des peuples entiers d’accĂ©der Ă  une libĂ©ration et d’échapper Ă  des grands malheurs. En croisant les itinĂ©raires de ces deux leaders, les auteurs nous permettent de mieux comprendre les ressorts de leur action. Et ils nous introduisent dans la dimension spirituelle de la politique. « Chacun Ă  leur façon, Gandhi et Mandela manifestent une certaine maniĂšre de vivre et de faire de la politique. Ils s’imposent comme des figures singuliĂšres, en ce qu’ils connectent le dĂ©bat dĂ©mocratique avec une autre dimension de l’existence Ă  la fois personnelle, universelle et transcendante ». ( p 249) (6). « D’autres figures historiques se sont inscrites dans cette dĂ©marche et forment une mĂȘme famille, celle des dĂ©mocrates spirituels, qui articulent dĂ©mocratie et intĂ©rioritĂ©, intime et collectif, tradition et modernitĂ©. Ces hommes mobilisent le champ sĂ©mantique et pratique du spirituel »  (p 250). Voici  un livre qui appelle une large audience.

J H

 

(1)            Sur ce blog : « la vision mobilisatrice de Martin Luther King «  I have a dream » : https://vivreetesperer.com/?p=1493

(2)            La riche histoire du RĂ©armement moral et de son fondateur Frank Buchman est relatĂ©e sur la « free wikipedia ». C’est l’appel au changement personnel pour contribuer au changement du monde. En 2001, le mouvement prend un nouveau nom : « Initiatives et changement » : https://en.wikipedia.org/wiki/Moral_Re-Armament                 Acteur d’Initiatives et changement, FrĂ©dĂ©ric Chavanne Ɠuvre pour la rĂ©conciliation des peuples, notamment dans la relation France-Maghreb. Sur ce blog : « Construire une sociĂ©tĂ© ou chacun se sentira reconnu et aura sa place » : https://vivreetesperer.com/?p=1240

(3)            Présentation de la Communication non violente par Marshall Rosenberg en trois vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=f99Xvp3yFPg

(4)            « Une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend » : PrĂ©sentation du livre de Thomas d’Ansembourg et de David Reybroucq : La paix, ça s’apprend. GuĂ©rir de la violence et du terrorisme.          https://vivreetesperer.com/?p=2596

(5)            Eric Vinson. Sophie Viguier-Vinson. Mandela et Gandhi. La sagesse peut-elle changer le monde ? Albin Michel, 2018       Voir aussi  une présentation sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/mandela-gandhi-sagesse-changer-monde/

(6)            Ce rapprochement entre Mandela et Gandhi apparaßt à bien des gens sensibilisés à leur engagement. Des vidéos sur You Tube en témoignent. En 2017, aux Pays-Bas, une exposition : « We have a dream » a réuni Martin Luther King, Mandela et Gandhi : https://www.youtube.com/watch?v=48AzHI9_wrk

 

Une mobilisation démocratique face à la violence des pays inégaux

Un chemin vers la sécurité dans les pays mortifÚres

Selon Rachel Kleinfeld

 

Il y a dans le monde une violence meurtriĂšre. Nous prenons part Ă  la souffrance des peuples dĂ©chirĂ©s par la guerre : Syrie, Afghanistan, Irak. Les mĂ©dias nous en parlent abondamment. Mais il y a aussi dans le monde d’autres pays oĂč sĂ©vit une violence meurtriĂšre. Les dĂ©gĂąts sont considĂ©rables, mais le fait est beaucoup moins connu. C’est pourquoi une intervention de Rachel Kleinfeld au sommet Ted 2019 (1) nous paraĂźt particuliĂšrement importante. Rachel Kleinfeld travaille dans un think tank international : le Fond CarnĂ©gie pour la paix internationale (Carnegie Endowment for international peace). Elle a pour mission de conseiller  les gouvernements pour les aider Ă  remĂ©dier Ă  la violence. Et lĂ , elle a dĂ©couvert qu’une bonne partie de la violence meurtriĂšre qui sĂ©vit dans le monde passe inaperçue.  De fait, il y a dans le monde des pays inĂ©galitaires qui sont marquĂ©s par une extrĂȘme violence. Mais cette situation n’est pas irrĂ©mĂ©diable. Rachel Kleinfeld nous montre comment, en certains lieux, une mobilisation dĂ©mocratique a rompu la spirale de la violence. Il y a « un chemin vers la sĂ©curitĂ© dans les pays les plus mortifĂšres (« A path to security for the world deadliest countries).

 

Les pays les plus dangereux

« Le BrĂ©sil est aujourd’hui le pays le plus violent au monde. Dans les trois derniĂšres annĂ©es, il ya plus de gens qui y sont dĂ©cĂ©dĂ©s de mort violente qu’en Syrie. Et, au Mexique, il y a plus de gens qui y sont morts ainsi qu’en Irak ou en Afghanistan . Et, Ă  la NouvelleOrlĂ©ans, il y a plus de morts violents par habitant que dans un pays dĂ©chirĂ© par la guerre comme la Somalie
. De fait, 18% seulement des morts violentes dans le monde sont causĂ©es par la guerre. Aujourd’hui, les probabilitĂ©s de mourir de mort violente est plus grande si vous vivez dans une dĂ©mocratie Ă  niveau de vie moyen avec une grande inĂ©galitĂ© de revenu et une forte polarisation politique.  Sait-on qu’il y a aux Etats-Unis quatre des cinquante villes les plus violentes du monde ? ». Rachel Kleinfeld nous amĂšne ainsi Ă  une prise de conscience. Nous dĂ©couvrons une nouvelle forme de violence. C’est un dĂ©fi, mais ce n’est pas une fatalitĂ©. Un petit nombre de gens peuvent faire beaucoup pour mettre fin Ă  la violence dans nos dĂ©mocraties. Et si le vote fait partie du problĂšme, c’est aussi la clef de la solution.

 

Lorsque la violence meurtriĂšre devient ordinaire.

Le méfait des privilÚges

En comparant des statistiques, Rachel Kleifeld a dĂ©couvert qu’il y a des journalistes assassinĂ©s dans des pays qui ne sont pas dĂ©pourvus Ă©conomiquement. Mais ces pays sont marquĂ©s par une grande inĂ©galitĂ© sociale et les privilĂšges d’une petite minoritĂ© qui tient le pouvoir en s’appuyant sur des groupes mafieux.

A partir de l’exemple du VĂ©nĂ©zuĂ©la oĂč le nombre de morts violents par habitant est aujourd’hui le plus Ă©levĂ© du monde, Rachel Kleinfeld analyse un processus dans lequel le pouvoir politique se maintient au pouvoir Ă  travers des groupes qui finissent par l’emporter sur les autoritĂ©s lĂ©gitimes : justice et police.  Dans ce processus, dans certains pays d’AmĂ©rique latine, en regard les pauvres cherchent Ă  s’organiser, mais ce processus dĂ©gĂ©nĂšre Ă  son tour.

Rachel Kleinfeld pointe un autre aspect du problĂšme. GĂ©nĂ©ralement la violence est concentrĂ©e dans des quartiers dĂ©munis. « Elle affecte les gens du mauvais cĂŽtĂ© de la ville, les gens qui sont pauvres, marginaux, souvent colorĂ©s. Les classes moyennes habitent dans un meilleur environnement. Elles peuvent regarder de loin le phĂ©nomĂšne de la perturbation sociale. « Nous nous disons que la plupart des gens qui sont tuĂ©s sont eux-mĂȘmes des gens probablement impliquĂ©s dans le crime ». On se rassure et on se dĂ©sintĂ©resse.

La violence meurtriĂšre aujourd’hui n’est plus majoritairement le rĂ©sultat d’une guerre. C’est la consĂ©quence d’une politique pourrie dans certaines dĂ©mocraties. Et lĂ , les citoyens qui votent peuvent ĂȘtre la force la plus efficace pour le changement.

 

Lorsqu’une mobilisation dĂ©mocratique renverse la violence.

Ici, Rachel Kleinfeld nous fait part d’un exemple remarquable de mobilisation dĂ©mocratique.

En 1994, la corruption et le pouvoir de la drogue rĂ©gnait en Colombie. Mais, Ă  l’élection municipale de Bogota, une mobilisation  dĂ©mocratique se rĂ©alisa et un candidat indĂ©pendant fut Ă©lu Ă  la mairie par 2/3 des Ă©lecteurs.

Le nouveau maire Mockus reprit en main la police qui  ne rĂ©agissait plus Ă  la violence : « Ce sont juste des criminels qui tuent d’autres criminels ». Une police honnĂȘte finit par rĂ©Ă©merger. Le maire dĂ©veloppa Ă©galement une politique de solidaritĂ©, demandant aux plus riches de verser volontairement 10% d’impĂŽt de plus..

A la fin de la dĂ©cennie, aprĂšs deux mandats, l’homicide Ă  Bogota avait diminuĂ© de 70%.

 

Comment renverser la violence ?

Que ce soit en Colombie ou aux Etats-Unis dans les endroits oĂč rĂšgne la violence, les responsables peuvent agir et faire la diffĂ©rence.

« Ce que nous pouvons faire de plus important, c’est d’abandonner l’idĂ©e qu’il y a des vies qui sont moins importantes que les autres, que certains peuvent ĂȘtre tuĂ©s ou assassinĂ©s parce qu’aprĂšs tout ils sont coupables de quelque chose
 Cette dĂ©valuation de la vie humaine, une dĂ©valuation que nous osons Ă  peine nous avouer Ă  nous mĂȘme, est ce qui permet Ă  la chute vers la violence de commencer ». Partout, les victimes de la violence sont des gens qui sont du mauvais cĂŽtĂ© de la ville au mauvais moment.

Ensuite, nous devons reconnaĂźtre que l’inĂ©galitĂ© dans nos pays est aujourd’hui une cause de violence plus grande que la guerre. Entre autres, l’inĂ©galitĂ© entraine une sĂ©paration entre les quartiers. « Nous devons payer des impĂŽts et demander que nos gouvernants mettent de bons enseignants et une police bien entrainĂ©e dans les quartiers menacĂ©s. Nous savons aujourd’hui beaucoup de choses sur la maniĂšre de rĂ©duire la violence, par exemple mettre davantage de police qualifiĂ©e lĂ  oĂč il y a le plus de violence. C’est la tĂąche des hommes politiques responsables.

Les rĂ©gimes les plus violents tendent Ă  ĂȘtre nourris et entretenus par la drogue Comprendre que le systĂšme a une dimension internationale. Des  rĂ©gimes financiers Ă  rendre plus transparents.

Cette violence n’est pas une fatalitĂ©. L’homicide a baissĂ© au cours des siĂšcles. Des victoires ont Ă©tĂ© remportĂ©es de la Colombie Ă  New-York oĂč l’homicide a baissĂ© de 85% depuis 1990. Rachel Kleinfeld nous adresse un message d’action et et d’espoir. La violence a baissĂ© pendant des siĂšcles et elle pourrait baisser encore plus rapidement.

Certes, les situations varient. La dimension idĂ©ologique est une autre variable qui induit des formes diffĂ©rentes (2), mais il y a lĂ  une inspiration qui en rejoint d’autres et vaut dans diffĂ©rents contextes (3).

J H

  1. Rachel Kleinfeld TEDSummit 2019 A path to security for the world’s deadliest countries https://www.ted.com/talks/rachel_kleinfeld_a_path_to_security_for_the_world_s_deadliest_countries/transcript?utm_source=newsletter_daily&utm_campaign=daily&utm_medium=email&utm_content=button__2020-01-17
  2. « Un silence religieux » : https://vivreetesperer.com/un-silence-religieux/
  3. « Un environnement pour la vie. Comment la toxicomanie est liĂ©e Ă  l’isolement social et peut trouver un remĂšde dans un environnement positif » : https://vivreetesperer.com/un-environnement-pour-la-vie/ « Le secret d’une rĂ©sistance non- violente efficace » : https://vivreetesperer.com/le-secret-dune-resistance-non-violente-efficace/

 

Comment dimension écologique et égalité hommes-femmes vont de pair et appellent une nouvelle vision théologique

Une approche de JĂŒrgen Moltmann

La crise actuelle va de pair avec une crise sociale et Ă©cologique. De fait, on prend conscience qu’elle rĂ©vĂšle l’inadĂ©quation croissante d’un ordre Ă©tabli de longue date. C’est un changement de civilisation qui s’annonce et se dessine. L’ordre patriarcal ancien est en train de s’affaisser. Or, au cours des derniers siĂšcles, cet ordre avait privilĂ©giĂ© un modĂšle mĂ©canique autour de la fabrication des biens. Aujourd’hui, on prend conscience que ce monde allait de pair avec la conception d’un Dieu Ă©minemment transcendant et dominant. TrĂšs tĂŽt, dans les annĂ©es 1980, JĂŒrgen Moltmann, Ă  travers un livre : « Dieu dans la crĂ©ation » (1), a su analyser cette situation et proposer un traitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation » . Nous reprenons briĂšvement ici un aspect Ă©clairant de la prise de conscience qui nous est proposĂ©e (2) avec les consĂ©quences libĂ©ratrices qui en dĂ©coulent.

 

La maniÚre de se représenter le monde.

« Le monde , nous dit JĂŒrgen Moltmann, a Ă©tĂ© perçu Ă  travers un certain nombre de symboles. La pensĂ©e biblique, la pensĂ©e thĂ©ologique sont entrĂ©es en dialogue avec ces symboles en intĂ©grant certains Ă©lĂ©ments. JĂŒrgen Moltmann Ă©numĂšre ainsi diffĂ©rents symboles advenus au cours du temps : la mĂšre du monde ; la terre mĂšre ; les symboles de la fĂȘte, de la danse, du thĂ©Ăątre, de la musique et du jeu ; le symbole du monde comme ouvrage et comme machine.

Lorsque le monde est conçu comme ouvrage et comme machine, Dieu est envisagĂ© comme un maitre d’ouvrage. « L’imaginaire de ce  symbole comprend le monde de l’action, du travail et des Ɠuvres. C’est, avant tout, le monde de l’homme au sens masculin ». « Un enfant surgit dans le ventre de sa mĂšre et est enfantĂ© par elle. Mais l’homme travaille sur quelque chose qui est extĂ©rieur et crĂ©e une Ɠuvre qui subsiste en dehors de lui. Il connaĂźt la distance qui le sĂ©pare de « l’Ɠuvre de ses mains » Le « monde comme ouvrage divin » reflĂšte, malgrĂ© toute la diffĂ©rence, la vision du monde de l’homme travailleur. LĂ  oĂč cette vision s’impose
 elle repousse les mythes humains de la mĂšre du monde, de la terre mĂšre et de la fĂȘte du ciel et de la terre » (p 387-398). A partir du symbole du monde comme ouvrage divin, se sont dĂ©veloppĂ©s Ă  l’époque des LumiĂšres, les symboles modernes du monde :  le monde comme machine, le monde comme atelier, le monde comme expĂ©rience » ( p 398).

 

Les impasses d’une thĂ©ologie fondĂ©e sur une reprĂ©sentation du monde comme ouvrage et comme machine

A partir d’une analyse historique, JĂŒrgen Moltmann peut mettre en Ă©vidence l’impasse oĂč nous a entrainĂ© un monothĂ©isme Ă©troit, une pensĂ©e thĂ©ologique fondĂ©e sur une vision du monde comme ouvrage et comme machine. « Au terme d’une longue histoire de la culture et de l’esprit, la vision du monde comme  « entente secrĂšte », la mĂ©taphysique des puissances vitales, de leurs accords et de leurs dĂ©saccords, a Ă©tĂ© dĂ©truite, et cela, d’une part, par le monothĂ©isme, et, d’autre part, par le mĂ©canisme scientifico-technique, par lequel, d’ailleurs, le monothĂ©isme a conquis la place, en dĂ©sacralisant et en dĂ©senchantant la nature. Dieu et la machine ont survĂ©cu au monde archaĂŻque et se rencontrent maintenant seuls » (A Gehlen). Si ceci devait ĂȘtre le but du dĂ©veloppement, ce serait aussi, en raison de la destruction de la nature, la fin de l’homme » ( p  401). En regard, Moltmann nous propose une autre vision thĂ©ologique. « La foi chrĂ©tienne de la crĂ©ation est la foi messianique en la crĂ©ation. La foi messianique en la crĂ©ation est une connaissance du monde et de l’homme dans la lumiĂšre messianique de leur avenir de salut »  (p 402).  Nous sommes engagĂ©s dans « une histoire cosmique inachevĂ©e » (p 254).

Les diffĂ©rents symboles du monde  Ă©numĂ©rĂ©s par Moltmann peuvent nous permettre d’y percevoir la prĂ©sence d’un Dieu immanent. Seul, le symbole du monde comme ouvrage et comme machine, dĂ©bouche sur une transcendance de Dieu sans partage. « Le monothĂ©isme du Dieu transcendant et  la mĂ©canisation du monde suppriment toutes les reprĂ©sentations d’une immanence divine. Avec ce dĂ©veloppement , a commencĂ© le dĂ©membrement du divin du monde de l’homme. Le  dĂ©isme a fait de Dieu un Dieu lointain. L’athĂ©isme devait suivre, car il faut que cette machine du monde fonctionne aussi par elle-mĂȘme sans Dieu » (p 403)

Le déclin du patriarcat

« Une seconde comparaison s’attache aux intĂ©rĂȘts et aux expĂ©riences humaines qui sont liĂ©s Ă  ces symboles du monde. C’est pourquoi on peut reconnaĂźtre dans leur histoire le passage du matriarcat des civilisations primitives au patriarcat des civilisations historiques.  A l’apparition des symboles patriarcaux du monde est liĂ©e la prise de pouvoir et de possession par les hommes » (p 404).

En regard de la domination patriarcale, « est nĂ© le messianisme, c’est Ă  dire le messianisme de l’enfant .« En vĂ©ritĂ©, je vous le dis, si vous ne retournez Ă  l’état d’enfant,  vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux » (Matthieu 18.3). Les visions messianiques de l’avenir surmontent la puissance des symboles archaĂŻque et rendent les hommes libres » (p 405). «  Le don messianique de l’Esprit, qui surmontent la primautĂ© religieuse de l’homme ou de la femme, est symbolisĂ©, en christianisme, par le  baptĂȘme des hommes et des femmes, qui remplacent la circoncision purement masculine d’IsraĂ«l ». ( p 406).

 

Vers une civilisation nouvelle : écologie et égalité des genres 

Nous assistons aujourd’hui Ă  une transformation profonde de la sociĂ©tĂ© qui peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e en terme d’un mouvement vers une civilisation Ă©cologique. La pression des Ă©vĂšnements va dans ce sens et les mentalitĂ©s Ă©voluent en profondeur. Or, au  mĂȘme moment, d’autres changements interviennent. Ainsi se manifeste un mouvement en faveur de l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes. On pourrait se demander en quoi ce mouvement a-t-il un lien avec la mobilisation Ă©cologique. L’analyse de Moltmann nous apporte une rĂ©ponse.

« Il paraĂźt raisonnable de chercher Ă  remplacer la vision mĂ©caniste du monde, car c’est image marquĂ©e d’une façon unilatĂ©rale par le patriarcat. Le passage Ă  une vision Ă©cologique du monde fait davantage justice, non seulement aux environnements naturels du monde humain, mais au caractĂšre naturel de ce monde humain lui-mĂȘme – hommes et femmes.  C’est pourquoi il implique de nouvelles formes Ă©galitaires de communautĂ©, dans laquelle la domination patriarcale est abolie et une communautĂ© fraternelle est construite. Les centralisations de la conception mĂ©caniste du monde cĂšdent le pas Ă  des ententes dans le rĂ©seau des relations rĂ©ciproques  » (p 409).

 

Une nouvelle expression chrétienne

Un changement de civilisation induit de nouvelles exigences, de nouvelles attentes, de nouvelles aspirations. Il appelle en regard une nouvelle dimension spirituelle. Ici, la reconnaissance du Vivant Ă©voque respect, Ă©merveillement, dĂ©passement. Nous voici en demande  d’un renouvellement des pratiques et des reprĂ©sentations religieuses.

Les Ă©glises qui s’attarderont dans un style patriarcal, en subiront les consĂ©quences. Cependant, l’enjeu majeur, c’est bien une transformation de la vision thĂ©ologique. DĂšs les annĂ©es 1980, JĂŒrgen Moltmann a esquissĂ© une rĂ©ponse : une thĂ©ologie Ă©cologique. Son livre : « Dieu dans la crĂ©ation » est prĂ©sentĂ© en ces termes : « Dans ce traitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation, JĂŒrgen Moltmann formule, de façon nouvelle, la foi chrĂ©tienne en la crĂ©ation de telle sorte que celle-ci ne continue pas Ă  ĂȘtre elle-mĂȘme  un facteur de la crise, mais devienne un facteur de paix avec la nature.  Il s’agit d’une doctrine chrĂ©tienne de la crĂ©ation, c’est Ă  dire qu’elle prend au sĂ©rieux le temps messianique qui a commencĂ© avec JĂ©sus et qui tend vers la libĂ©ration des hommes, la pacification de la nature et la dĂ©livrance de notre environnement Ă  l’égard des puissances du nĂ©gatif et de la mort. Il s’agit d’une doctrine trinitaire de la crĂ©ation (un Dieu communion). L’insistance sur la crĂ©ation dans l’Esprit et pas seulement par la parole, nous invite Ă  dĂ©passer une conception typiquement moderne de la subjectivité  et de la domination mĂ©canique du monde. Ecologie signifie le monde de la « maison » (oikos). Une telle doctrine de la crĂ©ation est une thĂ©ologie de l’inhabitation de Dieu par son Esprit dans l’ensemble de la crĂ©ation ». Si la rĂ©cente encyclique du pape François : « Laudato si’ » converge (3), il reste du chemin Ă  faire : reconnaitre et accompagner l’Ɠuvre de l’Esprit dans cette sortie de la civilisation patriarcale, l’entrĂ©e dans la dimension Ă©cologique, la confrontation avec les menaces assorties au changement,  le chemin vers une nouveautĂ© de vie .

J H

  1. JĂŒrgen Moltmann. Dieu dans la crĂ©ation. TraitĂ© Ă©cologique de la crĂ©ation . Traduit de l’allemand par Morand Kleiber. Cerf, 1988 (Ă©dition originale en 1985).   Voir aussi sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : « Dieu dans la crĂ©ation » : https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/                 Sur ce blog, la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann est trĂšs prĂ©sente : https://vivreetesperer.com/?s=Moltmann+&et_pb_searchform_submit=et_search_proccess&et_pb_include_posts=yes&et_pb_include_pages=yes
  2. L’analyse de la succession des symboles du monde n’est qu’un aspect de l’évolution gĂ©nĂ©rale de la maniĂšre de concevoir les rapports entre l’homme et la nature dans le contexte de la relation entre science et thĂ©ologie. JĂŒrgen Moltmann met en Ă©vidence l’évolution de la reprĂ©sentation de Dieu depuis la Renaissance : « L’omnipotence est devenu un attribut prĂ©Ă©minent de la Divinité  Comme image de Dieu sur terre, l’ĂȘtre humain a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  se voir lui-mĂȘme en correspondance comme maĂźtre et seigneur et Ă  s’élever au dessus du monde et Ă  le subjuguer ». https://vivreetesperer.com/vivre-en-harmonie-avec-la-nature/ La remise en cause de cette domination se poursuit aujourd’hui. Ainsi, au « Center for action and contemplation », Richard Rohr rapporte qu’au Moyen Age, l’univers Ă©tait perçu comme centrĂ© autour de l’homme et de la terre. C’était une conception anthropocentrique. Dieu comme le monde Ă©tait envisagĂ© dans un ordre stable et hiĂ©rarchique. Evidemment, notre reprĂ©sentation de l’univers a complĂštement changĂ©. « Nous ne sommes plus au centre de rien . Nous avons besoin d’une cosmologie et d’une vision du monde entiĂšrement nouvelle »  ( 26 aoĂ»t 2019)                     https://cac.org/a-new-cosmology-2019-08-26/
  3. « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

Voir aussi
« Comment entendre les principes de la vie cosmique pour entrer en harmonie »
https://vivreetesperer.com/comment-entendre-les-principes-de-la-vie-cosmique-pour-entrer-en-harmonie/

« Vers une économie symbiotique »
https://vivreetesperer.com/vers-une-economie-symbiotique/

Barack Obama : un homme de bonne volonté

A la recherche d’une humanitĂ© plus solidaire.

 

Dans ce monde fragile et instable, le rĂŽle des Etats-Unis d’AmĂ©rique, qui reste la premiĂšre puissance mondiale, est Ă©videmment considĂ©rable. Ainsi, dans une planĂšte,  de plus en plus interdĂ©pendante, l’élection du prĂ©sident des Etats-Unis retient aujourd’hui l’attention de tous les habitants du monde, au moins de ceux qui ont conscience de cette interrelation. Ainsi, avions-nous vĂ©cu avec consternation la dĂ©faite d’Al Gore face Ă  George W. Bush, il y a douze ans. Nous avions comme un  pressentiment que ce choix du peuple amĂ©ricain Ă©tait dangereux. HĂ©las, la guerre d’Irak a suivi.

 

Ainsi, avons-nous saluĂ© la victoire de Barack Obama en 2008 avec d’autant plus d’enthousiasme qu’à notre sens ce choix ouvrait un nouvel horizon pour les Etats-Unis et pour notre planĂšte. Dans cette « nation-monde » que sont devenus les Etats-Unis, microcosme de notre univers par la participation de cultures issues de l’Afrique, de l’AmĂ©rique latine et de l’Asie, cette Ă©lection marquait en effet une grande victoire contre la discrimination raciale et ouvrait un chemin vers la « modernitĂ© mĂ©tisse » dont nous parle Jean-Claude Guillebaud dans une belle analyse du monde nouveau qui s’annonce (1). Dans le mĂȘme mouvement, la politique internationale des Etats-Unis retrouvait le sens du respect mutuel. C’était aussi une victoire de valeurs qui Ă©largissent la vie dĂ©mocratique en mettant l’accent sur la solidaritĂ© dans la lutte contre des inĂ©galitĂ©s qui engendrent le malheur de beaucoup de gens et le dĂ©sordre dans la sociĂ©tĂ© et dans l’économie. C’était aussi une prise de conscience Ă©cologique, le souci d’assurer le respect de la nature et la survie de la planĂšte. Nous nous sommes expliquĂ© sur la maniĂšre dont nous avons perçu le grand tournant qu’a Ă©tĂ© l’élection de Barack Obama. (2)

 

Depuis, les annĂ©es ont passĂ©, avec tout un lot de dĂ©sillusions. Les commentateurs ont mis en Ă©vidence les limites de l’action engagĂ©e par ce prĂ©sident. Mais celui-ci a du faire face Ă  la grande crise Ă©conomique et aux forces conservatrices qui ont fait barrage dans d’autres instances. On peut enregistrer des dĂ©saccords, constater un passif, mais la longue bataille pour un Ă©largissement de la protection de la santĂ© et la relative victoire qui a Ă©tĂ© remportĂ©e, ont manifestĂ© la persĂ©vĂ©rance de ce prĂ©sident. Et lorsque, Ă  l’occasion de cette campagne, on peut prendre du recul, il apparaĂźt que Barack Obama a poursuivi un dessein dans un contexte difficile avec les erreurs humaines qui sont le lot de chacun.

 

Ainsi, sans parti pris et sans nous attacher au dĂ©tail d’un programme sur lequel nous n’avons pas Ă  nous prononcer, nous avons Ă  nouveau considĂ©rĂ© les enjeux. Un examen des forces en prĂ©sence nous a rappelĂ© le clivage qui existe dans ce pays entre un choix de solidaritĂ© sociale et un individualisme conservateur. Et dans une relation profonde avec le message de l’Evangile, nous ne pouvons approuver un socle de pensĂ©e que l’on pourrait exprimer dans les termes : « Chacun pour soi et Dieu pour tous » !

 

Lorsqu’on considĂšre la motivation de  Barack Obama, on constate Ă  travers son parcours et son expression qu’il est imprĂ©gnĂ© des paroles du Christ qui nous appelle Ă  porter attention aux pauvres et aux dĂ©shĂ©ritĂ©s (3). Bien sĂ»r, en admettant que le message chrĂ©tien peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© avec des accents diffĂ©rents, nous sommes nĂ©anmoins attristĂ© que Barack Obama suscite tant d’allergie dans plusieurs milieux chrĂ©tiens amĂ©ricains (4). On peut entendre en partie cette mĂ©fiance comme l’expression d’une mentalitĂ© qui est attachĂ©e Ă  l’ordre et Ă  l’autoritĂ©. A propos de cette Ă©lection, un commentateur chrĂ©tien, Jay Butcher (5), rappelle les paroles de JĂ©sus sur l’exercice du pouvoir : « Vous savez que les chefs de nations les tyrannisent et que les grands les asservissent. Il n’en sera pas de mĂȘme parmi vous. Mais quiconque veut ĂȘtre grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (Matthieu 20 . 25-26). Lorsque nous regardons la personne de Barack Obama, sa sensibilitĂ© (6), son empathie, son respect vis Ă  vis des autres, son intelligence comprĂ©hensive, on se dit qu’à sa mesure et dans son contexte, il s’efforce de suivre une Ă©thique caractĂ©risĂ©e par une attention Ă  l’autre et un esprit de service. Ainsi, dans l’humanitĂ© qui se rĂ©vĂšle Ă  travers son parcours, on peut dire de lui qu’il est « un homme de bonne volonté ».  C’est un encouragement dans la recherche d’un monde plus humain et plus solidaire.

 

J H

 

(1)            Guillebaud (Jean-Claude).  Le commencement d’un monde. Vers une modernitĂ© mĂ©tisse . Seuil, 2008. Mise en perspective : «Vers une modernitĂ© mĂ©tisse » http://www.temoins.com/societe/vers-une-modernite-metisse-le-commencement-d-un-monde-selon-jean-claude-guillebaud./toutes-les-pages.html

(2)            « Le phénomÚne Obama . Un signe des temps » http://www.temoins.com/societe/le-phenomene-obama.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html

(3)            Pendant la campagne, un site : « People of faith for Obama » a exprimĂ© l’inspiration spirituelle du candidat : « Le prĂ©sident Obama est un chrĂ©tien engagĂ© (« committed christian ») qui sait que la foi et les valeurs ne sont pas seulement un ancrage personnel. Elles sont aussi une force puissante pour le bien commun ». Ce texte met l’accent sur la solidaritĂ© et l’attention pour les plus dĂ©favorisĂ©s.  Voir la vidĂ©o
 http://www.barackobama.com/people-of-faith/  Diana Butler Bass, historienne, sociologue et thĂ©ologienne, dĂ©crit Barack Obama comme tĂ©moignant d’une foi chrĂ©tienne oĂč convergent la conviction passionnĂ©e de l’église afro-amĂ©ricaine, l’ouverture oecumĂ©nique du protestantisme contemporain et le christianisme social qui remonte Ă  la fin du XIXĂš siĂšcle. C’est une synthĂšse originale. http://www.freerepublic.com/focus/f-news/2948039/posts

(4)            Un site : « Pew forum of religion and public life » est une source rĂ©guliĂšre d’information statistique et sociologique sur les attitudes religieuses et la vie publique. La rĂ©partition des votes n’a pas beaucoup changĂ© depuis la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle. Le candidat rĂ©publicain recueille une majoritĂ© substantielle de votes chez les Ă©vangĂ©liques blancs et chez les pratiquants assidus. Obama recueille une majoritĂ© substantielle de votes chez les protestants noirs, les catholiques hispaniques, les juifs et les personnes sans affiliation religieuse. http://www.pewforum.org/Politics-and-Elections/How-the-Faithful-Voted-2012-Preliminary-Exit-Poll-Analysis.aspx

(5)            «The best is yet to come » par Jay Butcher, du « London Institute for Contemporary Christianity. http://us5.campaign-archive1.com/?u=2d890204e49f49d788e3a0b12&id=d46d3887bd&e=6d2a513188

Cette sensibilitĂ© se manifeste dans une vidĂ©o Ă©mouvante oĂč Obama, remerciant ses jeunes supporters, essuie quelques larmes : http://www.youtube.com/watch?v=6pB6vqb2fnY

Pour une vision holistique de l’Esprit

Avec JĂŒrgen Moltmann et Kirsteen Kim

Selon les chemins que nous avons parcouru, le mot Esprit peut Ă©voquer une rĂ©sonance diffĂ©rente. Ce peut ĂȘtre l’évocation d’un groupe de priĂšre oĂč l’Esprit porte le dĂ©sir de vivre en harmonie avec JĂ©sus, avec Dieu et d’entrer dans un mouvement de louange. Pour d’autres, c’est ce qui est dit du Saint Esprit dans la vie d’une Ă©glise. Et puis, pour ceux qui se disent « spirituels et pas religieux », ce peut ĂȘtre reconnaitre une prĂ©sence au delĂ  de la surface des choses, une expĂ©rience de vie. Quoiqu’il en soit, dans une perspective chrĂ©tienne, il y aujourd’hui une attention croissante portĂ©e Ă  l’Esprit Saint. Et on sort des sentiers battus. L’Esprit Saint n’est plus seulement  observĂ© dans l’Eglise. On le voit Ă  l’Ɠuvre dans l’humanitĂ©, dans la nature, dans toute la crĂ©ation.

Partager le mouvement actuel de la thĂ©ologie qui dĂ©passe les cloisonnements et les barriĂšres et met en Ă©vidence l’Ɠuvre de l’Esprit, c’est nous aider Ă  reconnaĂźtre la prĂ©sence divine dans le monde, dans l’univers, porteuse d’amour, de vie, de libĂ©ration. Cette prise de conscience d’une prĂ©sence active de l’Esprit, bien au delĂ  des frontiĂšres des Ă©glises est relativement rĂ©cente. Dans cette transformation du regard, un rĂŽle majeur a Ă©tĂ© exercĂ© par le thĂ©ologien, JĂŒrgen Moltmann, Ă  travers la publication de son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (1). Sa pensĂ©e est prĂ©sente sur ce blog (2). Pourquoi donc revenir ici sur ce thĂšme ? De fait, Moltmann ayant ouvert la porte d’une thĂ©ologie de l’Esprit (3). Celle-ci se dĂ©veloppe aujourd’hui Ă  l’échelle mondiale. Un livre vient Ă  nous informer Ă  ce sujet en mettant en valeur des mouvements significatifs. LĂ  aussi, c’est un dĂ©passement des frontiĂšres. Ce livre : « Holy Spirit in the world. Global conversation » (4) est Ă©crit par Kirsteen Kim ; une thĂ©ologienne dont l’itinĂ©raire est lui-mĂȘme international puisqu’elle-mĂȘme, anglaise, s’est mariĂ©e Ă  un corĂ©en, a enseignĂ© en CorĂ©e et en Inde, et, de retour en Angleterre, a Ă©tĂ© invitĂ©e Ă  enseigner Ă  la facultĂ© Fuller aux Etats-Unis.

Le livre de Moltmann sur l’Esprit est paru d’abord en allemand en 1991 : « Das Geist des lebens. Eine Ganzheiliche pneumatologie », puis en anglais : « Spirit of life. An universal affirmation » (1992), enfin en 1999 en français : « L’Esprit qui donne la vie. Une pneumatologie intĂ©grale » (1). Le terme : pneumatologie, bizarre Ă  priori pour le non spĂ©cialiste, est issu de « pneuma », en grec, esprit. Les diffĂ©rents titres, dans leur spĂ©cificitĂ© linguistique rendent compte du contenu de l’ouvrage. Nous retenons ici le terme : « ganzheitlich » qui peut ĂȘtre traduit en terme de : « holistique », une approche globale, unifiante. Cette dĂ©marche est mise en valeur par Kirsteen Kim lorsqu’elle Ă©crit : « Moltmann Ă©largit la thĂ©ologie de l’Esprit lorsqu’il associe l’Esprit avec la vie, non pas « la vie contre le corps », mais « la vie qui apporte la libĂ©ration et la transfiguration du corps » et en considĂ©rant le rĂŽle de l’Esprit dans toutes ses dimensions de salut : libĂ©ration, justification, renaissance, sanctification, puissance charismatique, expĂ©rience mystique et fraternitĂ©. En reliant tout ceci au politique aussi bien qu’au personnel, au matĂ©riel aussi bien qu’au spirituel, il essaie de montrer le caractĂšre holistique de la thĂ©ologie de l’Esprit, un point qui est mis en valeur par le sous-titre de l’édition allemande originale » (p 61).

 

L’Esprit qui donne la vie

https://m.media-amazon.com/images/I/41Y7SDSBMGL.jpg De fait, cette dimension holistique est Ă©galement exprimĂ©e dans le descriptif du livre : « L’Esprit qui donne la vie ». La pensĂ©e de Moltmann est une pensĂ©e qui relie. « Se plaçant dans une perspective oecumĂ©nique, Moltmann intĂšgre les apports de la thĂ©ologie orthodoxe, mais Ă©galement les expĂ©riences « pentecostales » des jeunes Ă©glises. Il entend honorer l’expĂ©rience du sujet et de son expĂ©rience Ă  l’époque moderne ainsi que les prĂ©occupations Ă©cologiques d’aujourd’hui
 L’auteur cherche Ă  Ă©laborer une thĂ©ologie de l’Esprit Saint susceptible de dĂ©passer la fausse alternative souvent rĂ©itĂ©rĂ©e dans les Eglises, entre la RĂ©vĂ©lation divine qu’elles ont pour mission de sauvegarder et les expĂ©riences humaines de l’Esprit. Il entend mettre ainsi en valeur les dimensions cosmiques et corporelles de l’Esprit « crĂ©ateur et recrĂ©ateur » qui transgresse toutes les frontiĂšres prĂ©Ă©tablies ».

DĂ©jĂ  dans la « ThĂ©ologie de l’espĂ©rance », Moltmann avait rĂ©alisĂ© une Ɠuvre pionniĂšre en mettant en phase plusieurs courants de pensĂ©e. A nouveau, dans « L’Esprit qui donne la vie », il abaisse des frontiĂšres et permet de nouvelles synthĂšses. Ce mouvement est dĂ©crit et mis en valeur par D. Lyle Dabney dans un remarquable article : « L’avĂšnement de l’Esprit. Le tournant vers la thĂ©ologie de l’Esprit dans la ThĂ©ologie de JĂŒrgen Moltmann » (3). Lyle Dabney nous permet de comprendre le chemin de libĂ©ration suivi par Moltmann. JĂŒrgen Moltmann a pris progressivement conscience que la thĂ©ologie occidentale, catholique et protestante, Ă©tait dans une impasse historique par la mĂ©connaissance de la personnalitĂ© propre de l’Esprit. Celui-ci Ă©tait envisagĂ© en situation de subordination par rapport au PĂšre et au Fils. Dans son livre sur la TrinitĂ© et le Royaume (paru en 1980 dans sa version anglophone), Moltmann fait mouvement pour sortir de cette subordination. « Nous voyons une thĂ©ologie qui s’éloigne de la subordination illĂ©gitime de la pneumatologie Ă  la christologie qui a marquĂ© la tradition occidentale » et il en rĂ©sulte que, pour la premiĂšre fois, la thĂ©ologie peut sĂ©rieusement considĂ©rer l’Esprit comme « un sujet de l’activitĂ© divine Ă  cotĂ© du PĂšre et du Fils ce qui permet une comprĂ©hension nouvelle ». « L’histoire de JĂ©sus est aussi incomprĂ©hensible sans l’action de l’Esprit qu’elle ne le serait sans le Dieu qu’il appelle mon PĂšre ». On entre ainsi dans une vraie thĂ©ologie trinitaire. Cinq ans plus tard dans « La thĂ©ologie de la crĂ©ation », Moltmann parle de l’Esprit de Dieu prĂ©sent dans toute la crĂ©ation. Il sort d’une thĂ©ologie qui met en contradiction Dieu et le monde et oppose la rĂ©demption et la crĂ©ation. « L’Esprit de Dieu n’est pas actif seulement dans la rĂ©demption, mais dans la crĂ©ation ». « Si l’Esprit cosmique est l’Esprit de Dieu, alors l’univers ne peut ĂȘtre conçu comme un systĂšme fermĂ©. Il doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un systĂšme ouvert, ouvert Ă  Dieu et Ă  son futur ». Dans son livre suivant, « Le chemin de JĂ©sus-Christ », Moltmann met en Ă©vidence combien la vie de JĂ©sus-Christ est interconnectĂ©e au PĂšre et Ă  l’Esprit. Finalement Moltmann Ă©crit « L’Esprit qui donne la vie », consacrant ainsi un livre entier Ă  la thĂ©ologie de l’Esprit. C’est une exploration qui rĂ©capitule Ă©galement tous les acquis de l’évolution antĂ©rieure.

 

Le Saint Esprit dans le monde

 Si Moltmann a ainsi ouvert la voie Ă  la fin du XXe siĂšcle, le livre de Kirsteen Kim : « The Holy Spirit in the world » (4) paru au dĂ©but du XXIe tĂ©moigne d’une expansion rapide de la thĂ©ologie de l’Esprit Ă  travers une « conversation » internationale comme le suggĂšre le sous-titre : « A global conversation ». Mais Ă  quoi tient donc l’engagement de Kirsteen Kim ? Elle nous le dit dans sa prĂ©face. L’inspiration initiale provient de son expĂ©rience du renouveau charismatique dans sa jeunesse : « La premiĂšre chose que j’ai compris de la thĂ©ologie de l’Esprit a Ă©tĂ© celle-ci : quand Dieu nous appelle Ă  suivre JĂ©sus, il n’est pas seulement attendu de nous que nous reproduisions la conduite d’une figure historique lointaine en « étant bon », mais il nous est donnĂ© le pouvoir de devenir comme JĂ©sus. L’Esprit me semblait une Ă©nergie invisible et un genre de moyen surnaturel qui me connectait Ă  Dieu et Ă  mes amis chrĂ©tiens » (p V). Cependant, son entourage a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© rĂ©fractaire Ă  cette vision. Plus tard, Kirsteen a entendu diffĂ©rentes interprĂ©tations de l’Esprit. Puis elle s’est mariĂ©e Ă  un corĂ©en, et en CorĂ©e dans son Ă©glise, elle a dĂ©couvert une grande confiance dans la puissance de l’Esprit. Au cours de son sĂ©jour en Inde, elle a rencontrĂ© un grand intĂ©rĂȘt pour la spiritualitĂ© et a pu se rĂ©fĂ©rer Ă  des thĂ©ologiens indiens dont la pensĂ©e sur l’Esprit est en phase avec la culture indienne. Puis, de retour en Angleterre, elle a constatĂ© une ouverture nouvelle aux expĂ©riences spirituelles de tous genres. Mais, dans l’universitĂ©, le monde semblait se rĂ©duire Ă  la matiĂšre et Ă  l’humain. « Ce livre est donc une consĂ©quence de mon effort pour faire apparaĂźtre le sens de ces expĂ©riences variĂ©es de l’Esprit et la signification du concept correspondant. C’est aussi l’expression du dĂ©sir que, dans l’Occident actuel, nous puissions ĂȘtre capables de porter le message de l’Evangile d’une façon plus significative en nous appuyant sur l’Esprit
 N’est-ce pas le rĂŽle de l’Esprit de prĂ©parer le monde pour recevoir Christ ?» (p VI).

Ce livre nous entraine donc dans une prĂ©sentation de la thĂ©ologie de l’Esprit et de son dĂ©veloppement durant la prĂ©cĂ©dente quinzaine d’annĂ©es. Il expose les fondements exĂ©gĂ©tiques, la pensĂ©e des thĂ©ologiens, la conversation sur l’Esprit dans le mouvement ƓcumĂ©nique, la maniĂšre d’envisager l’Esprit dans la Mission, la thĂ©ologie de l’Esprit telle qu’elle s’est dĂ©veloppĂ©e dans deux pays d’Asie, l’Inde et la CorĂ©e, en phase avec leur culture. Kirsteen Kim nous invite Ă  une rĂ©flexion thĂ©ologique internationale. A cet Ă©gard, la contribution de l’Inde et de la CorĂ©e est particuliĂšrement instructive.

 

La thĂ©ologie de l’Esprit en CorĂ©e : diversitĂ© et ouverture

 Lorsqu’on apprend Ă  connaitre la thĂ©ologie en CorĂ©e, on en perçoit une grande originalitĂ©. Elle apporte des rĂ©ponses aux questions que nous pouvons nous poser sur la maniĂšre dont nous envisageons de rĂŽle du Saint Esprit. Nous avons dĂ©couvert la thĂ©ologie corĂ©enne Ă  travers des publications de Kirsteen Kim accessibles sur internet, telle que : « Le passĂ©, le prĂ©sent, le futur de la thĂ©ologie corĂ©enne. Perspectives pneumatologiques » (5). Nous nous sommes ensuite reportĂ© Ă  son livre sur « le Saint Esprit dans le monde » et au chapitre correspondant sur la CorĂ©e. Ces textes trĂšs informĂ©s et trĂšs denses ne peuvent ĂȘtre rĂ©sumĂ©s ici. Nous chercherons simplement Ă  rĂ©pondre aux questions suivantes : Quel est le contexte de cette thĂ©ologie ? Quelle en est l’originalité ? En quoi, nous pouvons y trouver des enseignements fondamentaux ?

Le christianisme a commencĂ© Ă  prendre son essor en CorĂ©e au dĂ©but du XXe siĂšcle. Cependant, le paysage religieux corĂ©en est marquĂ© par des influences historiques. En arriĂšre plan, il y a le chamanisme et sa relation avec les esprits. Venues Ă  travers la Chine, il y a deux grandes civilisations religieuses : le bouddhisme et le confucianisme. On peut reconnaĂźtre des influences culturelles de ces pratiques religieuses dans des courants du christianisme corĂ©en. Ainsi on pourra dire que tel courant a un mode paternel parce qu’il se meut socialement et culturellement dans une dimension patriarcale issue du confucianisme et que telle autre a un aspect maternel et fĂ©minin en y percevant un hĂ©ritage du chamanisme. La thĂ©ologie reflĂšte Ă©galement ces influences.

Le christianisme corĂ©en s’inscrit dans l’histoire politique et Ă©conomique de la CorĂ©e. Pendant les premiĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle, la CorĂ©e a subi la tutelle dominatrice du Japon. Les chrĂ©tiens corĂ©ens ont participĂ© activement Ă  la lutte pour l’indĂ©pendance nationale. Ce fut le cas lors du « rĂ©veil », du mouvement dans l’Esprit en 1907. Aujourd’hui le grand problĂšme est celui de la division entre les deux CorĂ©es, la CorĂ©e du Nord Ă©tant sous une domination communiste totalitaire. Les chrĂ©tiens corĂ©ens participent activement aux tentatives de dialogue et de rĂ©conciliation. Aujourd’hui, la CorĂ©e du sud est un des pays du monde les plus dĂ©veloppĂ©s technologiquement et Ă©conomiquement. Ce remarquable essor est intervenu dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle. Tout au long de ce dernier siĂšcle, l’image des chrĂ©tiens a Ă©tĂ© associĂ©e Ă  la modernisation.

Il y a eu également une participation importante des chrétiens dans les luttes pour le progrÚs social, ce dont témoigne la théologie Minjung.

En 2005, 30% de la population corĂ©enne est chrĂ©tienne, dans une version protestante ou catholique, la version protestante Ă©tant quelque peu majoritaire. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, les chrĂ©tiens Ă©taient trĂšs peu nombreux. Cet essor rapide du christianisme, exceptionnel en Asie, est donc remarquable. Dans la premiĂšre moitiĂ© du siĂšcle, il s’est opĂ©rĂ© Ă  travers de grands mouvements dans l’Esprit, des « rĂ©veils ». L’histoire du christianisme corĂ©en est marquĂ©e par l’inspiration de l’Esprit et une dimension pentecĂŽtisante. Aujourd’hui, une des plus grandes Ă©glises en CorĂ©e se rĂ©clame directement du pentecĂŽtisme : l’Église Yoido Full Gospel, dont la figure rĂ©putĂ©e est celle de David Yonggi Cho, une megachurch avec plusieurs centaines de milliers de membres. Mais ce n’est lĂ  qu’une des manifestations, dans une expression spĂ©cifique, du dynamisme suscitĂ© en CorĂ©e par l’inspiration de l’Esprit.

Dans ce contexte, la thĂ©ologie tĂ©moigne d’une rĂ©flexion riche et diverse qui s’est dĂ©veloppĂ©e tout au long du XXe siĂšcle. En fonction du rĂŽle jouĂ© par l’inspiration de l’Esprit dans la vie des Ă©glises en CorĂ©e, « la ‘ pneumatologie ’ est centrale dans la thĂ©ologie corĂ©enne ». C’est ce que nous dĂ©crit Kirsteen Kim : « C’est parce que le rĂ©veil corĂ©en de 1907, qui est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme le point oĂč le protestantisme est devenu une religion corĂ©enne, est presque toujours interprĂ©tĂ© comme l’Ɠuvre du Saint Esprit qui a Ă©tĂ© dĂ©versĂ© sur la CorĂ©e, une PentecĂŽte corĂ©enne. Le rĂ©veil a dotĂ© le protestantisme corĂ©en d’un sens profond du mouvement dynamique de l’Esprit dans l’histoire et le monde matĂ©riel qui constitue une matrice pour la rĂ©flexion thĂ©ologique en CorĂ©e. Bien plus, les thĂ©ologiens corĂ©ens ont, dans beaucoup de cas, rĂ©flĂ©chi au delĂ  des restrictions portant sur l’Ɠuvre de l’Esprit chez leurs homologues occidentaux. Ils ont vu l’importance du dĂ©veloppement de la thĂ©ologie de l’Esprit dans le contexte de la reconnaissance des nombreux esprits des diffĂ©rentes religions et de l’expĂ©rience de vivre dans le troisiĂšme Ăąge de l’Esprit. Ils apprĂ©cient l’importance du discernement de l’Esprit et la pertinence de la pneumatologie dans la vie politique, la subsistance, la culture et le genre » (5) (p 9-10).

Kirsteen Kim nous expose les courants actuels de la thĂ©ologie en CorĂ©e dans une description qui en montre la richesse et la profondeur ; Nous rapportons ici son exposĂ© introductif. «A partir des annĂ©es 1960, la thĂ©ologie corĂ©enne a commencĂ© Ă  s’épanouir comme une fleur de lotus et s’est dĂ©veloppĂ©e en plusieurs courants. Cela incluait une aile conservatrice qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la continuation d’un Ă©vangĂ©lisme « mainstream ». Les nouveaux mouvements ont Ă©tĂ© une thĂ©ologie progressiste mettant l’accent sur la libĂ©ration politique et centrĂ©e sur les problĂšmes socio-historiques qui s’est fait connaĂźtre sous l’appellation de la thĂ©ologie Minjung ; un courant pentecĂŽtiste connu comme le mouvement du plein Évangile ; un courant libĂ©ral qui pense chercher Ă  inculturer l’Évangile en CorĂ©e en dialogue avec les autres traditions religieuses de la nation ; et une combinaison radicale de thĂ©ologie fĂ©ministe et d’éco-thĂ©ologie ». Kirsteen Kim nous montre comment ces diffĂ©rentes thĂ©ologies sont fondamentalement pneumatologiques. Chacune d’elles s’appuient sur les diffĂ©rentes significations bibliques de l’Esprit dans la tradition corĂ©enne. Suh a dans l’esprit « Ki », la force de vie (GenĂšse 1.2) ; Cho est centrĂ© sur « shin », Dieu, le Grand Esprit (Actes 2 ; Mathieu 12.28) ; Ryu pense à « ol », l’ñme primordiale du peuple (GenĂšse 2.7) et Chung traite avec le monde de « kuishin », les esprits (Romains 8.19-23)(5) (p 12).

En regardant vers l’avenir, Kirsteen Kim s’interroge sur les apports potentiels de la thĂ©ologie corĂ©enne Ă  la conversation thĂ©ologique internationale. Elle identifie quatre domaines dans lesquels la contribution des thĂ©ologiens corĂ©ens serait importante : « la rĂ©conciliation, la cyberthĂ©ologie, la thĂ©ologie de la puissance et la thĂ©ologie du pluralisme » (p 15). On se reportera Ă  ses analyses. A partir de ce qu’on sait maintenant de l’Ɠuvre de l’Esprit en CorĂ©e, on imagine combien l’expĂ©rience chrĂ©tienne corĂ©enne dans une sociĂ©tĂ© plurielle et les tensions qu’elle comporte peut nous Ă©clairer dans les voies de la rĂ©conciliation. DiffĂ©rents approches se manifestent : humanisation, guĂ©rison, harmonisation
 C’est un esprit de paix qui se manifeste aussi dans le discernement des esprits, une reconnaissance de ceux-ci qui ne dĂ©bouche pas sur les confrontations brutales qui sont, un moment, apparues en Occident, dans les proclamations de Peter Wagner et John Wimber. Ici le discernement s’allie Ă  un esprit de paix et Ă  une approche thĂ©rapeutique (5) (p 19-20).

Grace Ă  la recherche et Ă  la rĂ©flexion de JĂŒrgen Moltmann dans « L’Esprit qui donne la vie », et de Kirsteen Kim dans ses nombreuses publications et particuliĂšrement celles sur la CorĂ©e, nous avons maintenant accĂšs Ă  une thĂ©ologie de l’Esprit. Cette thĂ©ologie a le grand mĂ©rite de nous prĂ©munir contre les tendances sectaires, les enfermements dans un individualisme spirituel, les idĂ©ologies fondamentalistes que l’on peut observer dans certains milieux. Mais, plus encore, elle nous ouvre un horizon non seulement par la confiance nourrie en nous par la prĂ©sence active de l’Esprit, mais aussi par une vision holistique en phase avec une thĂ©ologie de l’espĂ©rance.

J H

  1. JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Seuil, 1999
  2. « Un Esprit sans frontiÚres » : https://vivreetesperer.com/un-esprit-sans-frontieres/
  3. « D Lyle Dabney. The advent of the Spirit. The turn to pneumatology in the theology of JĂŒrgen Moltmann (The Ashbury theological journal. Spring 1993) : https://place.asburyseminary.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://www.google.fr/&httpsredir=1&article=1474&context=asburyjournal
  4. Kirsteen Kim. The Holy Spirit in the world. A global conversation. SPCK, 2007. Kirsteen Kim est Ă©galement l’auteure avec son mari, Sebastian Kim du livre : « Christianity as a world religion. Bloomsbury, 2016 (2e Ă©d).
  5. Kitsteen Kim. The Past, Present and Future of Korean Theology. Pneumatological perspectives. 2010 (Kirsten Kim a Ă©tĂ© coordinatrice de la recherche Ă  la confĂ©rence d’Edinbourg, en centiĂšme anniversaire de la premiĂšre confĂ©rence mondiale missionnaire en 1910) : http://www.pcts.ac.kr/pctsrss/js_rss/zupload/학술발표3-컀슀틎êč€(영얎).pdf