Méditer avec Moltmann

Une vision d’espérance mise à la disposition de tous.

Au fil des années, nous avons pu constater combien la théologie de Jürgen Moltmann répondait aux aspirations et aux questionnements d’un vaste public. Ce recueil : Méditer avec Moltmann (1) s’inscrit dans cette approche. Par son accessibilité, il met la théologie de Moltmann à la portée de tous. Et pour quoi donc? L’avertissement en quatrième de couverture nous le dit :

« Dans l’histoire dont nous faisons l’expérience, il nous est plus facile de désigner le négatif dont nous voulons nous libérer que d’exprimer le positif en vue duquel nous espérons devenir libre. Mais c’est l’expérience d’un avenir plus grand qui nous mène vers des expériences  toujours nouvelles ».

Le secret de la force mobilisatrice de la pensée de Moltmann se trouve dans la profondeur des réflexions existentielles qu’il nous propose. Mais, pour que cette force nous rejoigne et nous transforme à notre tour, elle doit être méditée, digérée, expérimentée, confrontée aux joie et aux peines de notre existence. L’incarnation de l’espérance s’inscrira alors dans notre parcours de vie ».

Les textes rassemblés ici (2) proviennent du blog : « L’Esprit qui donne la vie », créé en 2011, pour communiquer la pensée de Moltmann à tous ceux qui sont à la recherche d’un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. Il n’est pas anodin que l’éditeur ait, de lui-même choisi comme titre : « Le sourire de Dieu ».

Ce livre nous ouvre à une nouveauté de vie. Dans son adresse aux étudiants de Prétoria, qui introduit le recueil, Jürgen Moltmann déclare : « Celui qui croit au « Dieu vivant », voit le monde non seulement selon la réalité… mais aussi selon les possibilités. « Tout est possible à celui qui croit », parce que « tout est possible avec Dieu » . Toute la réalité est une possibilité réalisée. La possibilité vient en premier, la réalité vient après » (p 13). Ce livre regarde à la promesse de Dieu et nous ouvre un avenir. Dans le témoignage sur lequel s’achève ce recueil, homme de foi et d’action engagé dans de grandes causes humanitaire, Guy Aurenche nous confie une notation personnelle : « En refermant provisoirement ce livre de méditation, me vient l’appétit d’un commencement caché » ( p 156).

Au fil des années, nous avons pu constater combien la théologie de Jürgen Moltmann était libératrice, féconde et éveillait des échos chez des amis de formations et de cultures très différentes. La théologie de Moltmann est un continent. Chacun vient y chercher une réponse à ses questionnements. C’est un dialogue à partager.

J H

  1. Jean Hassenforder. Méditer avec Moltmann. Le sourire de Dieu. Préface : Discours de Jürgen Moltmann aux étudiants de Pretoria, traduit par David Gonzalez. Postface par Guy Aurenche. Empreinte Temps présent. 2019 (Collection : l’art de méditer dirigé par David Gonzalez).
  2. Issus du blog : « L’Esprit qui donne la vie », les textes sont entrés ensuite dans un processus d’édition, dans lequel, à notre regret, le référencement initial n’a pas été retranscrit. A ce sujet, on se reportera donc au blog originel : https://lire-moltmann.com

Ressembler à Jésus ?

Accueillir l’œuvre de Christ en nous

 

En relisant le cahier dans lequel Odile Hassenforder écrivait ses réflexions et ses méditations, on trouve un ensemble de trois textes au sujet de la ressemblance à Jésus, à Christ, écrits en début novembre 2006. Le premier d’entre eux a été publié dans un chapitre du livre : « Sa présence dans ma vie » (1) sous le titre : « Accueillir l’œuvre de Christ en nous » (p 121) : « Jésus n’est pas extérieur à nous comme un modèle à suivre, mais il demeure en nous. C’est l’œuvre de Dieu dans un mouvement de vie ». Nous poursuivons ici cette réflexion à travers des extraits des deux textes suivants, inédits.

 

 1 Il s’agit de se laisser transformer.

 

Accueil de la bonté de Dieu : Parce que je la reçois, je me sens habitée. Alors, je peux et désire en vivre davantage.

 

Romains 12. 2 A cause de la bonté que Dieu vous a témoigné,

« Ne suivez pas les coutumes du monde où vous vivez

Mais,

laissez Dieu vous transformer

en vous donnant une intelligence nouvelle

Ainsi, vous pourrez savoir :

ce qu’il veut

ce qui est bon

ce qui lui plait

ce qui est parfait »

 

Offrir sa vie : consacrer son être tout entier : que notre corps, nos forces, nos facultés soient à sa disposition pour le renouvellement de notre mentalité.

 

Adopter une attitude intérieure différente. Donner à nos pensées une nouvelle orientation

Inspiration de nos pensées renouvelée. Coeur transformé. Attitude mentale et spirituelle changée.

Ephésiens 4.23 :

« Comprenez les choses

d’une façon nouvelle

selon l’Esprit de Dieu

Devenez une personne nouvelle

créée comme Dieu veut.

La vérité la rend juste et sainte ».

C’est à dire :

Ne mentez plus : dire la vérité à son prochain

Ne commettez plus de péché : votre colère cesse avant la nuit

Ne plus voler : travailler honnêtement

Pas de paroles mauvaises : paroles utiles qui aident les autres, qui font du bien

Ne pas garder de rancunes

Ne pas s’énerver ; pas de cris, d’insultes…

 

Cherchez les mots qui aident et encouragent

Que chaque parole contribue au progrès spirituel.

Dite à propos, cette parole sera le moyen par lequel

Dieu bénira celui qui vient, entend.

 

Faites disparaître toute mauvaise humeur : aigreurs, rancune, esprit de revendication, explosion de colère, raillerie, paroles blessantes.

 

Soyez aimables

Compréhensifs les uns pour les autres

Aidez vous les uns les autres

Toujours prêts à pardonner

 

Marcher dans l’amour de Christ.

 

2 Recevoir une force de vie

 

Jésus n’a pas apporté un enseignement extérieur.

Ses paroles sont force de vie.

pénètrent, transforment le cœur

Provoquent de l’enthousiasme parce qu’elles éveillent un désir profond

Alors, il s’agit de s’ouvrir à la force de vie, de résurrection-renouveau en Christ.

 

Touché au fond du cœur, c’est dans la joie et l’enthousiasme

que nous désirons changer

devenir++

en sachant que c’est possible

que l’Esprit agit en nous

 

Il ne s’agit plus d’observer une loi

mais de s’ouvrir à l’Esprit de Jésus

de se laisser conduire par Lui

en s’engageant dans la voie de l’amour.

 

Cela dépasse nos forces morales

Alors devenons lumière : bonté, justice, vérité.

 

Une telle expérience suscite en nous la louange (Ephésiens 5.18-20)

 

Odile Hassenforder

 

(1)            Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Empreinte temps présent. 2011. Sur ce blog, des textes issus de ce livre ou inédits : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder

Redressez-vous et relevez la tête !

 

Dans un monde où les menaces abondent, et, à notre échelle personnelle, une circulation de nouvelles qui nous rappellent la fragilité de notre existence terrestre, nous sommes aujourd’hui comme en d’autres temps bien plus sombres, confrontés à l’adversité. Et pourtant, ce n’est qu’une part de la réalité. Car nous sommes portés par un mouvement de vie et nous sommes à même de pouvoir ressentir constamment des expressions de générosité, de bonté et de beauté. Pour faire route dans cet univers contrasté, pour adopter un regard juste, pour porter de bons fruits, nous avons besoin d’éclairages qui suscitent en nous des dispositions positives. Anne Faisandier nous appelle ainsi à l’accompagner dans une méditation à partir d’un texte d’évangile (Luc 21. 25-33) qui, en décrivant des évènements catastrophiques, nous appellent à la vigilance. A vrai dire, ce texte peut donner lieu à bien des interprétations selon les pulsions et les humeurs. Ainsi, au long des années, on a entendu à propos de ce texte des propos nébuleux et, pire, des commentaires engendrant la peur et la culpabilité. Au contraire, à partir de ce texte, Anne Faisandier apporte un discernement, appelle à une vigilance positive et ouvre à l’espérance : « « Redressez-vous et relevez la tête ». Nous avons relevé les paroles de Anne Faisandier dans une vidéo (1) de la série « Pasteur du dimanche » (2) et nous en soulignons certains passages.

 

« L’apocalypse, cela nous fait toujours peur parce que cela met sous nos yeux la réalité terrifiante d’un monde en train de se déconstruire, un univers ébranlé et des catastrophes naturelles, et aussi la violence, l’homme contre l’homme et le règne de la mort. Si ce texte fait cela, ce n’est pas pour nous menacer de quelque chose qui pourrait nous arriver demain, C’est, je crois, au contraire pour prendre tout à fait au sérieux ce qui nous arrive aujourd’hui, parce que c’est notre réalité aujourd’hui que de devoir traverser ces angoisses, ces frayeurs, cette déconstruction du monde.

Mais le mot : apocalypse ne veut pas dire : catastrophe. Non, il veut dire : révélation. Et je crois que s’il nous met cette réalité là sous les yeux, c’est pour nous révéler trois choses.

La première, c’est qu’il ne faut pas être dans le déni. Parce que le déni de cette réalité difficile, compliquée, terrifiante est pire que de la regarder en face et de prendre en compte la réalité.

La deuxième chose, c’est que, si nous sommes dans le déni, alors il y a de fortes chances que nous soyons soumis à ces forces du mal qui sont à l’œuvre et qui déconstruisent le monde, ces forces qui sèment la terreur, qui profèrent la haine, qui prônent le repli sur soi, qui érigent l’injustice en loi, l’égoïsme en principe de base au risque de détruire l’univers qui est autour ce nous.

La troisième chose que fait ce texte, c’est qu’il nous indique une espérance : « Redressez-vous et relevez la tête quand vous verrez cela arriver », nous dit le texte. Redressez-vous et relevez la tête, parce que c’est dans cette réalité-là, dans ce monde-là que vous verrez celui qui vient vers vous en Jésus-Christ. C’est là que Dieu a choisi d’établir son royaume pour vous, avec vous, pour le monde entier. Le monde de l’apocalypse est le même que celui où vient s’établir le royaume de Dieu.

 

Alors ce texte nous indique que nous avons devant nous un choix, le choix de voir la réalité en face ou de la refuser, le choix de nous engager ou de baisser  la tête comme si de rien n’était. Et il nous dit clairement que le choix de la vie, c’est le choix du veilleur, de celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie… ».

 

Dans un  monde qui « souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8.23), nous croyons qu’en Christ ressuscité, une nouvelle création est en route. Ce processus est déjà opérant. Et c’est donc bien dans la réalité actuelle que « Nous voyons Celui qui vient vers nous en Jésus-Christ » et que « Dieu a choisi d’établir son Royaume pour nous, avec nous et pour le monde entier ». Alors nous pouvons regarder en avant et nous appuyer sur des signes positifs comme nous y invite le théologien de l’espérance, Jürgen Moltmann (3) : « L’attente de l’avenir du Christ situe le présent dans la lumière de ce qui vient, et fait faire l’expérience de la vie corporelle dans la force de la résurrection. C’est ainsi qu’elle devient une vie « la tête haute » (Luc 21. 28) et « une marche debout » (Ernst Bloch)…. Vivre dans l’espérance, c’est vivre dans l’anticipation de ce qui vient, dans « une attente créatrice »… C’est à une telle vie vécue dans l’anticipation qu’avait appelé l’Assemblée du conseil œcuménique des Eglises à Upsal en 1968 : « Assurés de la puissance de Dieu, nous vous adressons cet appel : prenez part à l’anticipation du royaume de Dieu et rendez visible dès maintenant quelque chose de la création nouvelle que le Christ accomplira lors de son jour » (4).

 

 

Ainsi, dans ce monde où nous rencontrons menaces et souffrances, « Faisons le choix du veilleur, de  celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie ».

 

J H

 

(1)            Anne Faisandier. L’apocalypse aujourd’hui : vidéo sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=NBjo9KTXpB4

(2)            Site de « Pasteur du dimanche » : http://www.pasteurdudimanche.fr

(3)            Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com

(4)             P. 462-463, in : Jürgen Moltmann. Jésus. Le Messie de Dieu (Cerf, 1993)

 

Sur ce blog, voir aussi : « Face à la détresse du monde » : https://vivreetesperer.com/?p=1643

« Les malheurs de l’histoire. Mort et résurrection » : https://vivreetesperer.com/?p=744

« En eau profonde » : https://vivreetesperer.com/?p=409

« Une vie intérieure qui croit et que rien ne peut détruire » : https://vivreetesperer.com/?p=888

« L’avenir inachevé de Dieu. Pourquoi c’est important pour nous ! » https://vivreetesperer.com/?p=1884

« Confiance ! Le message est passé » https://vivreetesperer.com/?p=1246

Bienveillance humaine. Bienveillance divine : une harmonie qui se répand

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Lytta Basset : Oser la bienveillance

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         Nous avons en mémoire ou dans notre vécu immédiat, la présence d’une personne bienveillante. Et quand nous y pensons, nous ressentons paix et joie. Cette présence transforme notre perception des situations. Ainsi, lors d’un enterrement, j’ai souvenir d’un prêtre âgé qui accueillant chacun avec bonté, dans une conversation toute simple, a suscité un ressenti positif de la célébration. Je me rappelle une directrice de mon institut qui savait reconnaître et encourager le travail de chacun par des petits mots à l’occasion de telle ou telle production. Respectée par tous, elle facilitait le développement d’un climat de collaboration. Et, en famille, j’ai tant reçu de la bienveillance d’êtres chers qui m’ont permis de vivre et de me transformer. La bienveillance peut également se manifester dans des figures publiques et elle entraîne alors une ouverture des coeurs au delà des barrières sociales et religieuses. La bienveillance est communicative. Elle se répand. Contrairement à ce que peuvent penser ceux qui, pour des raisons religieuses ou philosophiques, ont une vision très sombre de la nature humaine, elle est reconnue par un grand nombre de gens, car elle correspond à une attente de leurs cœurs. Dans l’Evangile, Jésus ne dit-il pas ? : « Que votre lumière luise devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mat 5.16).

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Lytta Basset : Oser la bienveillance

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         Une théologienne, Lytta Basset, vient de publier un livre : « Oser la bienveillance » (1). Il y a eu en effet dans la culture de la chrétienté, une représentation pervertie de la nature humaine dans la doctrine du péché originel. « Lytta Basset écrit la généalogie et l’impact de cette notion profondément nocive qui remonte à Saint Augustin et qui contredit les premiers Pères de l’Eglise. Elle montre comment ce pessimisme radical est totalement étranger à l’Evangile. Tout au contraire, les gestes et les paroles de Jésus nous appellent à développer un autre regard sur l’être humain, fondé sur la certitude que nous sommes bénis dès le départ et le resterons toujours. Appuyé sur le socle de cette bienveillance originelle, chacun de nous peut oser la bienveillance envers lui-même et envers autrui, et passer ainsi de la culpabilité à la responsabilité ».          Le livre de Lytta Basset ouvre de nombreuses pistes de réflexion sur notre héritage religieux, sur le problème du mal, sur la culpabilité et le péché, et sur la réalité de la bienveillance. Dans cette contribution, nous évoquerons l’approche de Lytta Basset dans sa description de la bienveillance et dans son commentaire d’épisodes de la vie de Jésus dans lesquels la bienveillance s’exprime et se répand.

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Lytta Basset : un chemin

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         Lytta Basset nous parle à partir de son histoire personnelle où elle a vécu, pendant des années, un enfermement : au départ, hantise de la question de la culpabilité, de la faute et du péché, et puis, à la suite d’« une violente irruption et invasion du mal jadis souffert », la préoccupation lancinante du mal commis ». « Autre préoccupation qui appartient à la préhistoire de ce livre : dans les déclarations publiques comme dans les accompagnements spirituels, je suis frappée par l’image négative que les gens ont d’eux-mêmes et des humains en général » (p 9). « Ma réflexion a donc eu pour point de départ mon propre malaise par rapport à la question du péché et à l’image désastreuse qu’elle nous avait donné de nous-mêmes » (p 9). « Nos contemporains ont un besoin brûlant d’être valorisés pour qui ils sont. Mais si la voix qu’ils entendent n’est pas celle d’un Dieu inconditionnellement bienveillant, faut-il s’en étonner ? J’ai trouvé utile de chercher du côté de ce qui, trop longtemps, a parasité la ligne. Je veux parler de ce dogme du péché originel qui, adopté au Vè siècle grâce à Saint Augustin, a « plombé » l’Occident de manière ininterrompue jusqu’au XXè siècle avec sa vision catastrophique de la nature humaine » (p 11) (2).

         Il y a dans ce livre un parcours particulièrement utile pour engager un processus de libération par rapport à des représentations qui emprisonnent et détruisent. A partir de cette perspective, Lytta Basset propose ensuite une vision nouvelle fondée sur son expérience de la relation humaine et sur sa lecture de l’Evangile.

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         Ainsi Lytta Basset nous invite à examiner les paroles et les comportements de Jésus. « Avec cette personne, je peux être moi-même… elle me voit comme quelqu’un de précieux et se réjouis que j’existe… Tel était le regard de Jésus sur chaque personne qu’il rencontrait, adulte ou enfant. Un regard tout à fait insolite, en ce qui concerne les enfants. C’est à cela, entre autres, que je le vois incarner la Bienveillance. A rebours de la mentalité de son époque, il les bénissait et les présentait comme les êtres les plus proches de Dieu, ceux dont l’image divine est la plus perceptible à qui sait regarder » (p 313) (3). Et, à contre-courant de l’état d’esprit dominant, Jésus porte également « un regard inconditionnellement bienveillant sur l’adulte dysfonctionnant en rupture de relation, « pécheur » (p 316).

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Vivre et reconnaître la bienveillance.

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         Mais comment Lytta Basset envisage-t-elle la bienveillance ? « Etre bien-veillant, c’est veiller sur quelqu’un dans une bonne intention, lui vouloir du bien sans lui imposer quoique ce soit ».

« Jamais une abstraction… la Bienveillance s’expérimente entre nous bien avant que nous en ayons conscience. Et sans avoir besoin que nous nous déclarions croyants. Elle se contente de nous pousser chaque jour à être attentifs à cette bienveillance que nous vivons de la part d’autrui et/ou à l’égard d’autrui » (p 317). De fait, lorsqu’elle parle de la Bienveillance avec un grand B, Lytta Basset y voit une manifestation de Dieu : « Je mets la majuscule quand je désire me laisser habiter et traverser par le regard du Tout-Autre. Sans m’imaginer que j’en suis l’initiatrice… Il me saute aux yeux qu’elle vient d’ailleurs en ces occasions où je ne l’attendais pas du tout : quand je m’entends et me perçoit bienveillante envers une personne qui m’avait contrariée, mise hors de moi, traitée en ennemie » (p 317-318). Dans les moments difficiles, « un bon entraînement est à notre portée : être attentif à la bienveillance qui circule entre les autres, y compris les inconnus, et dont nous sommes témoins tous les jours, dans la rue, le train, se réjouir de cette Bienveillance qui s’immisce dans nos relations incognito, suppléant inlassablement à nos carences individuelles… » (p 319)

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La Bienveillance : Jésus dans les évangiles.

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         C’est ainsi que Lytta Basset est amenée à nous présenter un commentaire éclairant de plusieurs textes des évangiles : Luc 19, 1-10 ; Luc 5, 17-26 ; Jean 8, 1-11.

         Elle nous montre la Bienveillance à l’oeuvre et cette vision renouvelle notre lecture. Ainsi commente-t-elle la rencontre « fortuite » de Jésus avec Zachée : à elle seule, la Bienveillance dont Jésus est porteur va inciter son vis-à-vis à reprendre le chemin de la relation et devenir responsable de ses actes !

         Le récit fait partie d’une section qu’on a appelé « l’Evangile des exclus », de toutes ces personnes considérées comme irresponsables… » (p 319) (4). « Cela se passe à Jéricho. Jésus vient de guérir un aveugle qui l’a appelé au secours. Juste après, « voilà qu’un autre homme : Zachée, cherche aussi à voir Jésus. La similitude me frappe : tous les deux sont des exclus, parce que des « pécheurs »… or tous les deux sont en demande, plus ou moins consciente, plus ou moins explicite, de relation » (p 319-320). « La Bienveillance qui traverse la ville, ce jour là, va faire fond sur le désir d’un homme Zachée, qui « cherchait (simplement) à voir qui était Jésus » (p 320).

         Lytta Basset nous invite donc à reconnaître dans cette rencontre différents aspects de la bienveillance : « La bienveillance à l’affût du désir d’autrui. Une bienveillance qui traite d’égal à égal. Une bienveillance désireuse de relations qui durent. Une bienveillance qui pousse à des actes responsables. Une bienveillance qui accueille autrui dans les limites du moment. Une bienveillance qui rend clairvoyant. Une bienveillance qui réveille en l’humain sa capacité relationnelle. Une bienveillance qui fait lâcher culpabilité et perfectionnisme. Une bienveillance restauratrice du tissu social… » (p 321-335) ». Ces titres évocateurs balisent le commentaire du texte de Luc qui décrit la rencontre entre Jésus et Zachée. A travers cette grille de lecture que nous pouvons nous aussi appliquer à ce texte, Lytta Basset excelle à nous montrer les éclairages qu’on peut y découvrir. Ecoutons par exemple ce qu’elle écrit à propos de « la bienveillance qui traite d’égal à égal ». Dans sa rencontre avec Zachée, elle voit en Jésus une parfaite humilité « comme pour mieux nous encourager à nous identifier avec lui : n’importe quel être humain, marqué dans sa plus grande humanité du sceau de la Bienveillance, peut offrir à un semblable, aussi emmuré soit-il, son propre désir de lien, peut se mettre à la « recherche » en lui, de « ce qui était perdu » pour la relation, le sauver du repli mortel sur lui-même. Quand nous faisons cela, nous ne faisons que laisser la Bienveillance agir à travers nous : plus nous sommes humains (fils et fille de l’humain) et tendons la perche aux autres, plus nous incarnons ce Dieu qui est en démarche constante de relation » (p 323).

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Un livre pionnier

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         Ce livre ouvre notre regard. En phase avec le tournant des sciences humaines qui découvrent en l’homme un potentiel positif (5), dans une période où un changement profond intervient dans les mentalités, où la prégnance des enfermements du passé est en voie de décrue, Lytta Basset prend appui sur son expérience spirituelle et sur une lecture renouvelée des textes bibliques pour mettre en valeur la bienveillance, une manière d’être, de sentir et d’agir, qui a toujours existé, mais qui, aujourd’hui, répond à une aspiration nouvelle telle qu’on peut l’entendre aujourd’hui dans des expressions de convivialité ou des démarches collaboratives (6).

         Il y a aussi aujourd’hui une quête spirituelle de plus en plus répandue (7). En regard, le livre aborde très concrètement des questions existentielles majeures. La réponse se situe dans une approche relationnelle (8). « Ce qui concerne par dessus tout les auteurs bibliques, c’est d’être en lien avec le Vivant, de l’écouter et de l’entendre pour s’orienter dans la vie » (p 230). La relation avec Dieu va de pair avec la relation avec les humains. Le mal se trouve là où la relation est en péril ou interrompue, dans des situations énoncées par Lytta Basset en terme « d’enfermement, d’errance, d’aveuglement, de maladie, de division, d’exclusion, d’idolâtrie, de dette.. ». L’exigence, c’est de « ne pas nous couper les uns des autres »  (p258).

         Ce livre embrasse un champ très vaste. L’auteur a donc effectué un grand travail de documentation et de synthèse. Certains points peuvent parfois être discutés, mais ce qui compte ici, c’est le mouvement et l’état d’esprit. Ce livre ne parle pas seulement à notre intelligence,  il parle également à notre cœur. Et en élargissant notre vision, il nous libère de nos limites et de nos enfermements. C’est une ressource dans laquelle on peut venir et revenir puiser.

         Nous avons orienté cette contribution sur un des aspects du livre qui en est aussi l’inspiration directrice : la bienveillance. Quand nous interrogeons notre mémoire, il nous vient de multiples échos d’une bienveillance reçue qui a engendré et engendre encore aujourd’hui paix et joie. Au cœur de nous même, nous savons en vérité qu’accueillir la Bienveillance, la manifester envers ceux qui nous entourent dans un regard, dans un sourire, dans un geste, c’est nous sentir en harmonie avec Dieu, avec les humains, avec nous-même et percevoir le bonheur d’être qui réside dans cette harmonie.

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J.H.

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(1)            Basset (Lytta). Oser la bienveillance. Albin  Michel, 2014

Présentation du livre par Lytta Basset en vidéo : http://www.albin-michel.fr/Oser-la-bienveillance-EAN=9782226253880

Lytta Basset est une théologienne réputée qui ouvre de nouveaux horizons : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lytta_Basset

(2)            Dans un livre sur la post chrétienté, Stuart Murray décrit bien le tournant intervenu au Vè siècle à la suite de la théologie d’Augustin d’Hippone (doctrine du péché originel et conception très sombre de l’humanité) et aussi le devenir de l’Eglise comme pouvoir. Sur le site de Témoins, voir : http://www.temoins.com/etudes/faire-eglise-en-post-chretiente.html

(3)            « Découvrir la spiritualité des enfants. Un signe des temps ? » : http://www.temoins.com/etudes/decouvrir-la-spiritualite-des-enfants.-un-signe-des-temps/toutes-les-pages.html  Depuis une quinzaine d’années, on constate un tournant dans le regard concernant la spiritualité des enfants. La recherche met en évidence la dimension spirituelle de l’enfant, ainsi la recherche de Rebecca Nye : Nye (Rebecca). Children’s spirituality. Church House publishing, 2004. Des théologiens trouvent une inspiration dans les paroles de Jésus sur les enfants. Sur ce blog : « L’enfant : un être spirituel » https://vivreetesperer.com/?p=340

(4)            Sur ce blog : « Dedans…dehors ! Face à l’exclusion, vivre une commune humanité ! ». Entre autres, une réflexion sur Jésus et le phénomène de l’exclusion, par le théologien : Jürgen Moltmann. https://vivreetesperer.com/?p=439

(5)            En février 2011, le magazine : « Sciences Humaines » publie un dossier sur le « Retour de la solidarité, empathie, altruisme, entraide ». Sur ce blog : « Quel regard sur la société et sur le monde. Un changement de perspective » : https://vivreetesperer.com/?p=191 Un livre de Jérémie Rifkin : Rifkin (Jérémie). Vers une civilisation de l’empathie. Les liens qui libèrent, 2011. Après une critique sévère et utile des thèses opposées, comme celle de Freud, Jérémie Rifkin met en évidence des tendances convergentes vers une montée de l’empathie. Sur le site de Témoins, une mise en perspective : http://www.temoins.com/etudes/vers-une-civilisation-de-l-empathie.-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkin.apports-questionnements-et-enjeux.html Le livre de Jacques Lecomte sur la bonté humaine est plusieurs fois cité par Lytta Basset : Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. https://vivreetesperer.com/?p=674

(6)            Novel (Anne-Sophie), Riot (Stéphane). Vive la CO-révolution. Pour une société collaborative. Alternatives, 2012. Mise en perspective sur ce blog : « Une révolution de l’être ensemble » : https://vivreetesperer.com/?p=1394

Sur le site de Témoins : « Emergence d’espace conviviaux et aspirations contemporaines : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1012&catid=4

(7)            La manière dont la quête spirituelle se développe et s’oriente aujourd’hui est mise en évidence par Frédéric Lenoir dans son livre : « Chemin de guérison ». Mise en perspective sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité. La fin d’un monde. L’aube d’une renaissance » : https://vivreetesperer.com/?p=1048

A travers une recherche méthodique, Davif Hay met en évidence la dimension spirituelle de l’homme : Hay (David). Something there. The biology of human spirit. Darton, Longman and Todd, 2006. « La vie spirituelle comme une conscience relationnelle » : mise en perspective sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/etudes/la-vie-spirituelle-comme-une-conscience-relationnelle-.-une-recherche-de-david-hay-sur-la-spiritualite-aujourd-hui./toutes-les-pages.html. Sur ce blog: « Les expériences spirituelles » : https://vivreetesperer.com/?p=670

(8)            Cette approche relationnelle est également développée dans la pensée théologique de Jürgen Moltmann. Sur ce blog : « Dieu suscite la communion » : https://vivreetesperer.com/?p=564

« Amitié ouverte » : https://vivreetesperer.com/?p=14 Voir une présentation de la pensée de Jürgen Moltmann sur le blog : L’Esprit qui donne la vie : http://www.lespritquidonnelavie.com/

Pour poursuivre notre méditation sur la bienveillance, on pourra se reporter à plusieurs contributions sur ce blog, entre autres :

« Développer la bonté en nous : « un habitus de bonté » ».

https://vivreetesperer.com/?p=1838

« Comme les petits enfants ».

https://vivreetesperer.com/?p=1640

« Entrer dans la bénédiction ».

https://vivreetesperer.com/?p=1420

« La beauté de l’écoute ».

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« Geste d’amour ».

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Rencontre avec des détenus

L’expérience de Patrick.

 

Patrick a suivi des études supérieures dans le domaine de la médiation culturelle. Il a notamment réalisé un mémoire sur la perception des arts africains en France. A la suite de ces études, il s’oriente vers des activités professionnelles dans le domaine de l’éducation. Parallèlement, entre 20 et 25 ans, il découvre progressivement la Parole de Dieu et la foi chrétienne. Il se marie avec Nicole qui l’encourage dans cette évolution. Ils ont aujourd’hui trois enfants.

Aujourd’hui, Patrick travaille dans le domaine associatif au service de l’enfance. Patrick a toujours eu un désir d’apprendre au contact des autres. Dans cette perspective, à travers le milieu chrétien qu’il fréquente, il a accédé à un service d’aumônerie dans une prison. Quelle a été sa motivation ?: partager la foi qui a transformé sa vie pour que son expérience puisse bénéficier à ceux qu’il rencontre ; répondre à la demande de Christ qui nous appelle à visiter les prisonniers.

Ce qui est important, nous dit Patrick, c’est être vrai, exprimer avec sincérité les expériences vécues, ne pas jouer un rôle. En toutes circonstances, Patrick cherche à fonder sa réflexion sur la parole biblique. Pour lui, la Parole de Dieu est avant tout un message d’amour : Dieu nous aime chacun comme on est. Dieu nous encourage à nous aimer les uns les autres et nous exhorte à lui manifester notre amour.

On pourrait se demander en quoi les prisonniers ont besoin d’un tel message. De fait, ils ressentent souvent un besoin de considération, d’estime d’eux-mêmes. Au cours de leur vie, ils ont manqué d’affection et d’amour et la parole de Jésus retentit chez eux avec d’autant plus de force. Patrick leur rappelle aussi qu’aux yeux de Dieu, il n’y a aucun péché qui ne puisse être pardonné. Cette affirmation du pardon est source de libération, d’autant qu’elle va bien au-delà de la justice humaine.

Il y a  là pour les prisonniers un horizon de vie parce que la plupart d’entre eux ressentent un sentiment d’injustice et de persécution dans l’attitude qu’ils ont perçue chez les représentants de la justice, considérant que leur cas personnel n’a pas été examiné dans toute sa profondeur et toute sa dimension. Ainsi, ils estiment ne pas avoir été suffisamment entendus et écoutés. Ils ont donc besoin d’avoir une oreille attentive à ce qu’ils ont vécu. Pour autant, le rôle de Patrick n’est pas de s’associer à leur critique de la justice, mais de leur proposer une autre dimension de la justice qui inclut le renouvellement à travers le pardon des péchés et la reconstruction que propose Jésus à travers sa résurrection.

Le changement apporté par la réception du message de Christ leur permet de s’affranchir d’une culpabilité qui est entretenue par le système judiciaire. Comme en prison des gens ayant accompli  des délits ou des crimes très différents se mélangent et se côtoient, la transformation apportée par l’Evangile appelle également un changement de regard les uns sur les autres. C’est-à-dire que puisque nous sommes tous aimés de Dieu, nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres. L’expérience de Patrick lui permet de dire qu’il a vu des détenus changer de regard et de comportement.

Cette intervention de Patrick s’inscrit dans une volonté de dialogue, d’échange. Il ne s’agit pas d’apporter un enseignement. C’est la relation qui compte. Dans cet esprit, Patrick nous dit qu’il a reçu des prisonniers au moins autant qu’il a pu leur apporter. « Ainsi, nous dit-il, aux yeux de Dieu et connaissant la trajectoire des uns et des autres, je me rends compte que je ne suis pas supérieur, ni même à l’abri d’une défaillance. Ce qui est important, c’est que nous sommes tous aimés de Dieu. »

 

Contribution de Patrick