Un fil conducteur : l’épopée d’un cheval témoigne de la puissance de la bonté et de la vie face au déchaînement du mal.
Cheval de guerre : c’est un des nombreux romans de Michael Morpurgo traduits en français dans la collection folio junior (1). Lorsqu’un auteur qui a du cœur et du talent écrit pour la jeunesse, son œuvre atteint également les adultes. C’est le cas pour Michael Morpurgo et cela apparaît dans la reprise de cet ouvrage en terme d’un film destiné à un grand public.
Dans les livres de Michael Morpurgo, la communion en la vie se manifeste fréquemment à travers la présence d’un animal et ses relations avec les hommes. Dans des situations très diverses, et en particulier la confrontation à des épreuves collectives comme la guerre, on y voit la force de l’amitié et une noblesse d’humanité. Face au mal, quelque part une lumière brille. Et lorsque la bonté se révèle ainsi dans les épreuves, elle appelle une émotion qui peut se manifester jusqu’aux larmes. On se réjouit que le grand cinéaste qu’est Steven Spielberg ait décidé de réaliser un film à partir d’un roman de Michael Morpurgo (2). Il a su reconnaître la beauté et la grandeur de cette œuvre.
« Cheval de guerre », c’est une histoire. A la veille de la première guerre mondiale, le jeune Albert mène une existence paisible dans une ferme anglaise avec son cheval Joey. Mais le père d’Albert décide de vendre Joey à la cavalerie britannique et le cheval aboutit bientôt sur le front français. L’officier britannique qui le monte est tué dans une charge de cavalerie et le cheval se retrouve employé dans l’armée allemande. Dans un épisode meurtrier, il s’échappe et échoue entre les deux lignes de front. Une trêve s’instaure brièvement et il est récupéré par un jeune soldat britannique et retrouve ensuite Albert, son ancien maître et ami qui s’est engagé avec l’arrière pensée de rencontrer à nouveau ce cheval tant aimé.
En comparant un film à l’œuvre écrite qui lui a donné naissance, on éprouve parfois un malaise. Personnellement, dans ce cas, je n’éprouve pas du tout cette impression, car l’image sobre et belle enrichit la trame, et les aménagements dans l’intrigue vont de pair avec une puissance d’évocation. Il y a bien sûr dans ce film un déroulement qui tient en haleine, mais à travers le héros qui est ici le cheval Joey, il y a de plus, quelque part, un souffle épique.
Cependant, pour nous, ce qui fait la profondeur de ce film tel qu’il nous émeut et se grave dans notre mémoire, c’est la relation entre l’animal et les êtres humains nombreux et divers avec lesquels il va se trouver en relation.
Bien sûr, une puissance de vie se manifeste dans ce cheval. C’est un cheval qui suscite l’admiration des connaisseurs et l’estime qu’on lui porte, s’accompagne d’une affection. Il y a un courant qui passe entre l’homme et l’animal.
Ce cheval met en évidence la diversité des comportements humains à son égard. Il est parfois soumis à des brimades, à des maltraitances ou tout simplement à l’indifférence humaine. Mais, en regard, combien il suscite chez beaucoup d’hommes, empathie, bonté, et on pourrait ajouter parfois un sentiment d’amitié. Son jeune maître et compagnon, Albert, a su l’apprivoiser à travers une communication intuitive. Et, par la suite, il va rencontrer des hommes de cœur dans les différents milieux où ils va évoluer depuis l’officier britannique qui le monte au départ jusqu’à des soldats anglais et allemands qui se détachent du lot en prenant soin de lui, jusqu’à un grand-père et sa petite-fille qui l’accueillent un moment dans une ferme française.
L’épisode dans lequel Joey se retrouve prisonnier des barbelés entre deux lignes de front est lui-même particulièrement émouvant. Car il montre, de part et d’autre chez les allemands et chez les britanniques, un sentiment d’humanité qui s’éveille à la vue de ce cheval perdu, une forme de tendresse qui apparaît dans la barbarie ambiante. La conscience humaine se manifeste à travers deux hommes qui se lèvent et vont à sa rencontre malgré tous les dangers. On sait aujourd’hui que cet épisode est plausible parce qu’il y a eut, dans cette guerre, des essais de fraternisation (3). Oui, cette grande guerre a été un massacre collectif, un enfer. Dans plusieurs de ses livres, Michael Morpurgo a dénoncé les horreurs de ce conflit. Dans le film, une scène symbolise la puissance du mal : l’énorme canon hissé sur une colline au prix de la souffrance de nombreux chevaux et qui envoie à l’horizon le feu de la mort. En regard, il y a tout ce que Joey révèle en éveillant des sentiments d’humanité dans cet enfer, et, en fin de parcours, la solidarité qui porte des soldats britanniques à venir à son aide.
Le film témoigne de ces vertus que sont l’empathie, la bonté, l’humanité, la solidarité en contraste avec le déchaînement des forces du mal. Quelque part, il révèle la puissance du bien. Nous avons besoin de ce message et la manière dont il nous est proposé suscite une émotion profonde. Merci à Michael Morpurgo et à Steven Spielberg !
JH
(1) Morpurgo Michael). Cheval de guerre. Gallimard Jeunesse (Folio junior). Edition originale : War horse (1982)
(2) Le film : « Cheval de guerre » est d’abord sorti en anglais : « War horse ». On peut aujourd’hui l’acheter en dvd
En évoquant la bonté que beaucoup ont manifesté vis à vis du cheval Joey, ce film peut éveiller le désir de lire le livre de Jacques Lecomte sur la bonté humaine. On y trouve une description de la fraternité dans les tranchées durant la guerre 1914-1918 (La fraternité dans les tranchées p 97-101. Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, mars 2012. Mise en perspective sur ce blog : « La bonté humaine. Est-ce possible ? » https://vivreetesperer.com/?p=674
Une approche « optimiste » pour une action positive Selon Rutger Bregman
Lorsqu’on remonte le cours de l’histoire, notre attention est attirée par les massacres qui la jalonnent, autant de malheurs engendrés par les ambitions, les égoïsmes, les fureurs collectives. Dans son livre sur la ,
philosophie de l’histoire, « Darwin, Bonaparte et le Samaritain », Michel Serres nous parle d’un âge dur symbolisé par la figure guerrière de Bonaparte (1). Il y a donc là la matière d’une dépréciation de l’homme. Dans une généralisation abusive, il peut nous apparaître comme violent et égoïste. Ce regard engendre la méfiance et cette méfiance alimente les tensions. Ainsi l’homme est perçu comme dangereux. Alors ses instincts présumés néfastes doivent être réprimés et il doit être encadré par un pouvoir fort, autoritaire et hiérarchique. En Occident, cette vision sombre de l’homme a été religieusement cautionnée par la théologie du péché originel (2), mais on la retrouve également chez ses penseurs matérialistes comme Freud (3). Cette vision négative de l’homme n’est pas sans conséquences. Loin de faire barrage, elle amplifie le mal. Elle ouvre la voie au fatalisme et à la résignation. Elle influe sur nos comportements. Ce problème a été abordé en France par un pionnier de la psychologie positive Jacques Lecomte (4). En psychologie aussi, si nous nous attardons uniquement sur nos dysfonctionnements, cette orientation fera barrage à une dynamique positive. Nous avons déjà présenté sur ce blog le beau livre de Jacques Lecomte : « La bonté humaine ». L’homme n’est pas monolithique. Il y a en lui des inclinations différentes.
Dans son récent livre : « Humanité. Une histoire optimiste » (5), le chercheur néerlandais, Rutger Bregman, s’engage dans la même voie à partir d’une recherche approfondie qui prend souvent la forme d’enquêtes. Il démonte le mythe que les gens sont « égoïstes » et « agressifs » et il ouvre la voie à une autre perception : « Les gens sont des gens bien » (p 21). On connaît de mieux en mieux les effets positifs de l’effet placebo. Notre imagination transforme les situations en bien, mais ce peut être aussi en mal, ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « effet Nocebo ». Voici la raison d’être du livre de Rutger Bregman : « Une vision négative de l’humanité n’a-t-elle pas aussi un effet nocebo ? Si nous croyons que la plupart des gens sont mauvais, c’est ainsi que nous allons nous traiter mutuellement. Du coup, nous allons flatter chez chacun et chacune les plus vils instincts. Après tout, peu d’idées ont autant d’influence sur le monde que notre vision de l’humanité. Ce que l’on présuppose chez l’autre, c’est ce que l’on suscite. Quand il s’agit des plus grands défis de notre époque, du réchauffement climatique au déclin de la confiance que l’on porte au prochain, je pense que la réponse commence par une autre perception du genre humain. Je ne compte pas prétendre dans ce livre que l’homme est naturellement bon. Nous ne sommes pas des anges. Nous avons tous une bonne et une mauvaise jambe. La question, c’est de savoir laquelle nous exerçons. Je souhaite simplement montrer que nous avons tous et toutes naturellement depuis l’enfance -que ce soit sur une ile inhabitée, lorsqu’une guerre éclate ou que les digues se rompent- une forte préférence pour notre bonne jambe. Ce livre rassemble un grand nombre d’éléments scientifiques.Il en ressort qu’il est réaliste d’avoir une vision plus positive de l’être humain. D’ailleurs, je pense que cela peut devenir encore plus réaliste si nous nous mettons à y croire » (p 28-29).
Tout au long de ce livre, Rutger Bregman relate des faits historiques ou des histoires. Il analyse les interprétations, et bien souvent, pour en diminuer les biais, il effectue des enquêtes en remontant le temps. Comme un détective, il découvre les dessous des faits étudiés. Rutger Bregman allie ainsi la démarche d’un auteur de roman policier et celle d’un historien et d’un sociologue. Il met sa grande culture au service d’une cause : la mise en évidence d’une nouvelle vision de l’humanité.
Un nouveau regard à propos de situations sociales en tension
Pour démonter les préjugés et introduire un nouveau regard, ce livre nous entraine dans un parcours. Et, tout d’abord, à partir d’exemples saisissants, il contredit des représentations négatives de situations sociales et nous apporte en regard une vision positive. Comme l’affirme Gustave Thibon dans « la psychologie des foules », est-il vrai que, dans des situations d’urgence, « l’homme descend de plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation » ? (p 11). L’expérience dément cette prédiction. Lorsqu’en septembre 1940, les bombardiers allemands s’attaquèrent à la ville de Londres et commencèrent leur œuvre de destruction, la population, loin de s’effondrer sous le choc, résista. « Gustave Le Bon, le fameux psychologie des masses, n’aurait pas pu être plus éloigné de la vérité. La situation d’urgence ne convoquait pas le pire chez les êtres humains. Le peuple britannique s’était précisément élevé de quelques degrés sur l’échelle de la civilisation » (p 14). Etait-ce là un phénomène spécifiquement britannique ? Pas vraiment puisque lorsque par la suite des bombardements écrasèrent les villes allemandes, la population résista.
Rutger Bregman apporte d’autres exemples. Ainsi lorsque l’ouragan Katrina dévasta La Nouvelle Orléans aux Etats-Unis, il n’en résulta pas une sauvage anarchie comme cela fut rapporté par certains medias , mais au contraire un mouvement de solidarité et d’amour du prochain, un démenti au commentaire d’un historien britannique : « Retirez les éléments de base de la vie organisée et civilisée et nous retournerons en quelques heures à un état de nature hobbesien (à l’image de la théorie d Hobbes), celui d’une guerre de tous contre tous » (p 23). D’autres chercheurs montrent au contraire que, dans les situations d’urgence, c’est ce que les gens ont de meilleur qui revient à la surface (p 26). Le pessimisme dominant sur la nature humaine apparait dans un roman de William Golding : « Sa majesté de mouches » (Lord of the flies). C’est la désintégration d’un groupe d’écoliers britanniques ayant échoué dans une ile déserte. Cette histoire est une pure invention. Elle témoigne du parti pris de l’auteur : « L’homme produit le mal comme l’abeille produit le miel ». Ce livre a connu un grand succès. « Il a été traduit en plus de trente langues et est devenu un des plus grands classiques du XXè siècle » (p 42). En fait, il a rejoint et conforté un pessimisme ambiant . Rutger Bregman nous raconte combien ce livre l’avait attristé. Aussi lorsque le temps de sa recherche est arrivé, il a découvert un auteur « assez torturé » (p 43) et surtout, à sa manière de détective, il s’est mis à chercher si, en vrai, on avait des récits d’enfants naufragés et comment ils avaient réagi. Et, à partir d’internet, cette enquête a finalement abouti. Dans le Pacifique, six enfants avaient échoué sur une ile déserte. Ils s’étaient bien entendu et finalement ils avaient pu être libérés (p 41-57). Au total, Rutger Bregman nous rapporte les effets négatifs des récits cyniques sur notre vision du monde.
La nature humaine à travers l’histoire
Mais d’où vient l’humanité ? Quel est notre héritage ? Comment notre vie en société a-t-elle évolué jusqu’à aujourd’hui ? L’auteur s’engage dans une recherche anthropologique. Son chapitre sur l’état de nature commence par une évocation de la vision opposée de Hobbes et de Rousseau. « Hobbes, le pessimiste croyait que l’homme était naturellement mauvais. Seule la civilisation, pensait-il, pouvait nous sauver de nos instincts bestiaux. En face, Rousseau était convaincu que nous étions profondément bons. Mais il pensait que la civilisation nous avait abimé » (p 61) . L’auteur envisage l’évolution de l’humanité de l’homme de Néanderthal à l’Homo Sapiens. Si on a pu soupçonner l’Homo Sapiens d’avoir éliminé ses prédécesseurs, Rutger Bregman répond à cette accusation en mettant en valeur la spécificité positive de notre espèce : la sociabilité. Et, pour cela, il nous rapporte une expérience entreprise en Sibérie montrant la possibilité d’évolution de renards argentés d’une redoutable agressivité à une sensibilité extrême et à toutes les qualités attenantes. Cette extraordinaire expérience nous aide à percevoir les caractéristiques positives de l’Homo Sapiens : « Les êtres humains sont des machines à apprendre hypersensibles. Nous sommes nés pour apprendre, pour nouer des liens et pour jouer » (p 87).
Et cependant, la violence meurtrière est un fait historique. L’auteur n’élude pas le problème. Il y répond d’abord par un chapitre qui montre que, même dans l’armée, les soldats ne sont pas prédisposés à tirer pour tirer. Et de plus il semble que le phénomène de la guerre ait eu un commencement. « La guerre ne remonte pas à des temps immémoriaux. Selon l’éminent archéologue, Brian Ferguson, elle a eu un début ». « Disposons-nous de preuves archéologiques pour étayer l’existence de formes de guerre primitives antérieures à la domestication du cheval, à l’invention de l’agriculture et aux premières colonies de peuplement ? Quelles sont les preuves que nous sommes d’une nature belliqueuses ? Réponse : il n’y en a pratiquement pas… » (p 111).
Nous voici donc engagé dans une recherche historique. Selon Rutger Bregman, la guerre n’a guère prospéré chez les chasseurs cueilleurs, des sociétés portées au partage.
Cependant, le climat se réchauffant après la dernière période glaciaire, il y a environ 15000 ans, la lutte commune contre le froid a cessé. Les populations se sont installées. « Plus important encore, les gens ont commencé à accumuler des biens » (p 120). Le patrimoine s’est accru. Des pouvoirs autoritaires se sont mis en place. « Ce qui est fascinant, c’est que c’est justement à cette époque après la fin de la période glaciaire qu’ont eu lieu les premières guerres » (p 121). Il y a une corrélation entre le développement des états et des empires et l’expansion de la guerre. « Notre vision de l’histoire a été déformée. La civilisation est devenue synonyme de paix et de progrès tandis que la vie sauvage équivalait à la guerre et au déclin. En réalité, pendant la majeure partie de notre histoire, cela a été plutôt le contraire (p 131). De fait, « le véritable progrès est en fait très récent ». « Il ne s’agit donc pas d’être fataliste face à la civilisation. Nous pouvons choisir de réorganiser nos villes et nos Etats dans l’intérêt de chacun et de chacune… » (p 133).
Au nom de préjugés pessimistes, comment des expérience en psychologie sociale ont été dévoyées.
Dans les années 1950 et 1960, la psychologie sociale a grandi. C’est alors que dans l’humeur dominante de l’époque, de jeunes psychologues ont réalisé des expérimentations qui partaient de postulats négatifs sur la nature de l’homme. Certaines d’entre elles ont exercé une grande influence, par exemple une expérience menée par Stanley Milgram à l’université Yale. Des moniteurs étaient chargés d’envoyer des électrochocs (en réalité factices) à des cobayes donnant de mauvaises réponses. De fait, la majorité des moniteurs suivirent les consignes de l’expérimentateur jusqu’à de grandes décharges. Ces résultats furent abondamment diffusés. « Pour Milgram, tout tournait autour de l’autorité. Il décrit l’humain comme un être qui suivait des ordres sans broncher » (p 183). Un écho aux atrocités nazies… Comme pour d’autres expérimentations mettant en valeur le côté sombre de la nature humaine, Rutger Brugman a enquêté, remontant dans les archives et dans la mémoire humaine. Et, à partir de là, il met en évidence les biais de ces expériences. Ici, il montre les résistances larvées des participants. « Si vous pensez qu’une telle résistance ne sert à rien, lisez donc l’histoire du Danemarkpendant la secondeguerre mondiale. C’est l’histoire de gens ordinaires témoignant d’un courage extraordinaire. Une histoire qui montre que cela a toujours un sens de résister même dans les circonstances les plus sombres » (p 196).
La violence meurtrière est un fait. Comment en comprendre les ressorts ?
Pendant la seconde guerre mondiale, on a pu constater les performances de l’armée allemande. Une contre propagande a été organisée. Les effets ont été limités. La recherche a montré quelles raisons bien plus simples permettaient d’expliquer les performances presque surhumaines de l’armée allemande. Kameradschaft : l’amitié… En fin de compte, les soldats ne se battaient pas pour un Reich millénaire, pour « le sang et le sol ». Ils se battaient pour leurs camarades qu’il ne fallait pas laisser tomber. « En fait, nos ennemis souvent nous ressemblent » (p 228). Même pour les terroristes, les liens sociaux comptent beaucoup. « Cela n’excuse pas leurs crimes, mais cela les explique » (p 230).
Ensuite, l’auteur rappelle les études qui montrent la répugnance de beaucoup de soldats à tirer sur leurs ennemis. « Il y a une aversion atavique des êtres humains pour la violence » (p 241). « La plupart du temps, on ne tire pas de près, mais de loin » (p 241). « Les guerres, de mémoire d’homme, se gagnent donc en employant le plus de gens possible pour tirer à distance » (p 241). « Enfin, il y a un groupe pour lequel il est aisé de garder une distance avec l’ennemi, c’est le groupe qui se trouve au sommet » (p 243). Alors comment se fait-il que les égoïstes, « les bandits, les personnalités narcissiques, les sociopathes pervers parviennent si souvent à se hisser au sommet de la hiérarchie ? » (p 204). Rutger Bregman s’interroge donc sur le pouvoir et, à cet égard, il rappelle les écrits de Machiavel : « la théorie selon laquelle il vaut mieux mentir et tricher si l’on veut parvenir à quelque chose » (p 216). L’auteur se montre très critique vis à à vis du pouvoir, de ses effets et de ses conséquences. Il rappelle le mot célèbre de lord Acton : « Tout pouvoir corrompt et le pouvoirabsolu corrompt absolument » (p 254). Par ailleurs le pouvoir va de pair avec le développement ou le maintien des inégalités. « Certaines sociétés ont donc monté quelque chose pour mieux distribuer le pouvoir. Nous appelons cela la démocratie ». Mais il y a des limites.
L’héritage des lumières
Le siècle des lumières : une étape majeure dans l’histoire occidentale. Rutger Bregman nous en montre les apports décisifs. Les lumières ont posé les fondements du monde moderne de la démocratie à l’état de droit, de l’éducation à la science » (p 265). Cependant certains philosophes des lumières comme Hobbes posaient sur l’homme un regard très pessimiste. « Face à la corruption de l’homme, ils s’appuyaient sur la raison ». « Ils se sont persuadés que nous pouvions développer des institutions intelligentes qui tiendraient compte de notre égoïsme inné » (p 266). L’économie a été envisagée comme la mise en œuvre des intérêts. Dans la première démocratie occidentale, les Etats-Unis, la constitution posait des contrôles et des contre-pouvoirs. « On doit faire jouer l’ambition contre l’ambition » (p 267).
Lorsqu’on dresse l’héritage des lumières, on y voit de grands bienfaits. Mais aussi, il y a une part d’ombre. Et, dès lors, on peut s’interroger pourquoi les institutions héritières des lumières (démocratie, état de droit, vie économique) se fondaient-elles sur une conception aussi pessimiste de la nature humaine. Pourquoi s’attachaient-elles à une vision si négatives de l’humanité ? Ces négations n’ont-elles pas nuit à une bonne marche des institutions ? « Pourrions-nous miser sur la raison et utiliser notre entendement pour créer de nouvelles institutions qui s’appuieraient sur une toute autre conception de l’humanité ? » (p 271). La recherche de Rutger Brugman va s’orienter dans ce sens.
L’influence des représentations sur les attitudes et les comportements. Les effets placebo et nocebo
Si, dans sa recherche de la vérité, l’auteur en était venu à se méfier des croyances, à un moment, il a commencé à douter du doute lui-même. C’est ici qu’il nous rapporte les célèbres recherches de BobRosenthal. « Les rats, dont les étudiants pensent, en fonction des informations qui leur ont été données, qu’ils sont plus intelligents et plus vifs, réussissent effectivement mieux » (p 277). Rosenthal découvre que « la façon dont les étudiants manipulaient les rats « intelligents »- plus chaleureuse, plus douce et plus chargée d’attentes- changeait la façon dont les rats se comportaient » (p 278). Et cette influence d’une image positive sur les réalisations de ceux à qui elle est affectée s’est confirmée brillamment dans une école. Les élèves dont il était cru qu’ils étaient plus doués que les autres, réussissaient beaucoup mieux. Rosenthal appelle sa découverte l’effet Pygmalion. L’effet Pygmalion rappelle l’effet placebo. Seulement, « il ne s’agit pas ici d’une attente d’un effet sur nous-même. Cette fois, c’est une attente qui produit un effet sur les autres » (p 279). Contrairement à d’autres, cette découverte a été validée maintes fois. Mais en a-t-on tiré tous les enseignements ? « Si nos attentes peuvent devenir réalité, c’est aussi le cas de nos hantises. Le jumeau maléfique de l’effet Pygmalion est appelé « l’effet Golem » (p 279). « Notre monde est tissé d’effets Pygmalion et d’effets Golem… L’homme est une antenne qui s’ajuste à la fréquence des autres » (p 280-281). C’est dire l’influence de nos représentations collectives et notamment du regard que nous portons sur la condition humaine d’autant qu’il y a des effets induits. On adopte ce que les autres adoptent. Les gens se laissent souvent entrainer par ce qui leur apparaît l’opinion dominante. Dès lors, Rutger Bregman s’interroge. « Notre conception négative de l’humanité relève-t-elle aussi de l’ignorance collective. Craignons-nous que la plupart des gens soient égoïste parce que nous pensons que c’est ce que pensent les autres ? Et nous conformons-nous à ce cynisme alors que nous aspirons en réalité à une vie plus riche en gentillesse et en fraternité » (p 283). Ne nous laissons pas enfermer dans des spirales négatives. « La haine n’est pas la seule à être contagieuse. La confiance l’est aussi » (p 283).
Puissance de la motivation intrinsèque
La conviction d’un homme peut susciter la confiance et des réalisations à contre-courant qui sortent de l’ordinaire. L’auteur nous donne l’exemple de Jos de Blok, fondateur de la Fondation Boutsorg, une organisation néerlandaise de soins à domicile ou prévaut l’entraide en dehors d’une tutelle hiérarchique (p 285). A cette occasion, Rutger Bregman met en valeur « une motivationintrinsèque ». « Pendant longtemps, on a cru que le monde du travail dépendait du « bâton et de la carotte ». Ainsi Frédéric Taylor, dans son « organisation scientifique du travail » assure que « ce que les employés attendent par dessus tout de leurs employeurs, c’est un bon salaire » (p 282). Cependant, en 1969, un jeune psychologue, EdwardDeci rompt avec la psychologie behaviouriste où les être sont considérés comme passifs en montrant que l’effort n’est pas toujours proportionné à une récompense matérielle. Une prise de conscience de la motivation intrinsèque émerge. Mais elle tarde à se répandre dans les organisations. Cependant, il y a aujourd’hui beaucoup d’innovations qui vont dans ce sens. L’auteur nous en décrit plusieurs. Il y a bien une motivation intrinsèque. « Edward Deci, le psychologue américain grâce auquel notre façon d’envisager la motivation a été transformée de fond en comble, estime que la question n’est plus de savoir comment nous motiver les uns les autres. La vraie question est plutôt de savoir comment créer une société dans laquelle les gens se motivent eux-mêmes » (p 299-230). Rutger Bregman poursuit : « Et si nous fondions la société toute entière sur la confiance ? ». Ainsi évoque-t-il un mouvement de transformation sociale qui s’exprime dans des expériences éducatives et politiques. Il y a bien une évolution des mentalités. Ainsi prend-on conscience aujourd’hui de tout ce dont nous disposons en commun. C’est le terme anglais : « commons ». Pendant longtemps, tout ce qu’il y avait au monde faisait partie des « commons ». Cependant au cours des dix mille dernières années, la propriété s’est développée. Mais aujourd’hui, il y a de nombreuses situations où les « commons » prospèrent et il y a là un horizon nouveau.
Face à la violence
Dans la dernière partie du livre, Rutger Brugman envisage différentes stratégies pour diminuer la violence et résoudre les conflits. Le titre est significatif : « L’autre joue », en référence à une parole de Jésus. Et il commence en rapportant une anecdote. Agressé par un jeune qui s’empare de son porte-monnaie, un travailleur social lui propose de manger avec lui. Une relation s’établit. Rutger Bregman ne cache pas sa stupéfaction en entendant cette histoire. Elle lui fait penser aux clichés qu’enfant il entendait à l’église. Et il réfléchit. « Ce dont je me rend compte maintenant, c’est qu’en fait Jésus décrivait un principe très rationnel. Les psychologues modernes parlent ainsi de « comportement non complémentaire »… Il est facile de faire le bien autour de soi lorsqu’on est soi-même bien traité. Ou comme le disait Jésus : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? ». La question est de savoir si on peut aller un cran plus loin. Et si nous partions du principe que non seulement nos enfants, nos collègues et nos concitoyens, mais aussi nos ennemis ont un bon fond. Le mahatma Gandhi et Martin Luther King, les plus grands héros du XXè siècle brillaient par leurs comportements non complémentaires, mais c’étaient des figures presque surhumaines. D’où la question : en sommes-nous capables ? Et cela fonctionne-t-il aussi à grande échelle dans les prisons et les commissariats de police, après les attentats et en temps de guerre ? ». Dans ce livre, le lecteur découvrira quelques exemples. Ainsi l’auteur décrit des prisons norvégiennes ou l’engrenage de la violence est rompu par un climat de confiance. Et puis, il analyse des situations où un renouveau de compréhension résulte d’une réduction de l’isolement social et d’un abaissement des barrières entre les groupes. Il y a là un autre apport original de ce livre qui mérite une lecture approfondie.
Un nouveau regard
La richesse de cet ouvrage nous a incité à écrire un long compte-rendu pour en partager l’apport et inviter à la lecture d’un livre qui, de bout en bout se lit passionnément. En effet, non seulement il nous invite à un regard neuf, mais il nous entraine dans un chemin d’exploration. Bien sur, nous ne suivons pas nécessairement l’auteur dans certaines de ses affirmations, il y a d’autres approches dans l’histoire qui mériteraient d’être mentionnées (6), mais il nous offre un livre facilement accessible qui nous permet d’accéder à un ensemble de recherches et d’innovations. C’est un livre qui ouvre notre regard. Ce n’est pas rien d’entendre un historien israélien renommé Yuval Noah Harari affirmer : « L’ouvrage de Rutger Brugman m’a fait voir l’humanité sous un nouveau jour ». Et, ce livre nous invite aussi à changer dans nos comportements comme il énonce « dix préceptes » en conclusion. « Le monde serait meilleur si nous portions sur l’autre un regard bienveillant et si nous cherchions à le comprendre. Le bien est contagieux » (p 420). Le sous-titre : « Une histoire optimiste » nous avait au départ déconcerté et amené à vérifier le sérieux du livre en nous renseignant sur l’auteur à travers un moteur de recherche. Le titre en anglais nous paraît plus approprié : « A hopeful history » (une histoire qui incite à l’espoir). Oui, la période actuelle est particulièrement difficile. Cependant, il y a aussi des courants, parfois encore peu visibles, qui se développent pour affronter les menaces et construire d’autres possibles. Pour y participer, cette lecture nous paraît très utile.
Dans un monde où les menaces abondent, et, à notre échelle personnelle, une circulation de nouvelles qui nous rappellent la fragilité de notre existence terrestre, nous sommes aujourd’hui comme en d’autres temps bien plus sombres, confrontés à l’adversité. Et pourtant, ce n’est qu’une part de la réalité. Car nous sommes portés par un mouvement de vie et nous sommes à même de pouvoir ressentir constamment des expressions de générosité, de bonté et de beauté. Pour faire route dans cet univers contrasté, pour adopter un regard juste, pour porter de bons fruits, nous avons besoin d’éclairages qui suscitent en nous des dispositions positives. Anne Faisandier nous appelle ainsi à l’accompagner dans une méditation à partir d’un texte d’évangile (Luc 21. 25-33) qui, en décrivant des évènements catastrophiques, nous appellent à la vigilance. A vrai dire, ce texte peut donner lieu à bien des interprétations selon les pulsions et les humeurs. Ainsi, au long des années, on a entendu à propos de ce texte des propos nébuleux et, pire, des commentaires engendrant la peur et la culpabilité. Au contraire, à partir de ce texte, Anne Faisandier apporte un discernement, appelle à une vigilance positive et ouvre à l’espérance : « « Redressez-vous et relevez la tête ». Nous avons relevé les paroles de Anne Faisandier dans une vidéo (1) de la série « Pasteur du dimanche » (2) et nous en soulignons certains passages.
« L’apocalypse, cela nous fait toujours peur parce que cela met sous nos yeux la réalité terrifiante d’un monde en train de se déconstruire, un univers ébranlé et des catastrophes naturelles, et aussi la violence, l’homme contre l’homme et le règne de la mort. Si ce texte fait cela, ce n’est pas pour nous menacer de quelque chose qui pourrait nous arriver demain, C’est, je crois, au contraire pour prendre tout à fait au sérieux ce qui nous arrive aujourd’hui, parce que c’est notre réalité aujourd’hui que de devoir traverser ces angoisses, ces frayeurs, cette déconstruction du monde.
Mais le mot : apocalypse ne veut pas dire : catastrophe. Non, il veut dire : révélation. Et je crois que s’il nous met cette réalité là sous les yeux, c’est pour nous révéler trois choses.
La première, c’est qu’il ne faut pas être dans le déni. Parce que le déni de cette réalité difficile, compliquée, terrifiante est pire que de la regarder en face et de prendre en compte la réalité.
La deuxième chose, c’est que, si nous sommes dans le déni, alors il y a de fortes chances que nous soyons soumis à ces forces du mal qui sont à l’œuvre et qui déconstruisent le monde, ces forces qui sèment la terreur, qui profèrent la haine, qui prônent le repli sur soi, qui érigent l’injustice en loi, l’égoïsme en principe de base au risque de détruire l’univers qui est autour ce nous.
La troisième chose que fait ce texte, c’est qu’il nous indique une espérance : « Redressez-vous et relevez la tête quand vous verrez cela arriver », nous dit le texte. Redressez-vous et relevez la tête, parce que c’est dans cette réalité-là, dans ce monde-là que vous verrez celui qui vient vers vous en Jésus-Christ. C’est là que Dieu a choisi d’établir son royaume pour vous, avec vous, pour le mondeentier. Le monde de l’apocalypse est le même que celui où vient s’établir le royaume de Dieu.
Alors ce texte nous indique que nous avons devant nous un choix, le choix de voir la réalité en face ou de la refuser, le choix de nous engager ou de baisser la tête comme si de rien n’était. Et il nous dit clairement que le choix de la vie, c’est le choix du veilleur, de celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie… ».
Dans un monde qui « souffre les douleurs de l’enfantement » (Romains 8.23), nous croyons qu’en Christ ressuscité, une nouvelle création est en route. Ce processus est déjà opérant. Et c’est donc bien dans la réalité actuelle que « Nous voyons Celui qui vient vers nous en Jésus-Christ » et que « Dieu a choisi d’établir son Royaume pour nous, avec nous et pour le monde entier ». Alors nous pouvons regarder en avant et nous appuyer sur des signes positifs comme nous y invite le théologien de l’espérance, Jürgen Moltmann (3) : « L’attente de l’avenir du Christ situe le présent dans la lumière de ce qui vient, et fait faire l’expérience de la vie corporelle dans la force de la résurrection. C’est ainsi qu’elle devient une vie « la tête haute » (Luc 21. 28) et « une marche debout » (Ernst Bloch)…. Vivre dans l’espérance, c’est vivre dans l’anticipation de ce qui vient, dans « une attente créatrice »… C’est à une telle vie vécue dans l’anticipation qu’avait appelé l’Assemblée du conseil œcuménique des Eglises à Upsal en 1968 : « Assurés de la puissance de Dieu, nous vous adressons cet appel : prenez part à l’anticipation du royaume de Dieu et rendez visible dès maintenant quelque chose de la création nouvelle que le Christ accomplira lors de son jour » (4).
Ainsi, dans ce monde où nous rencontrons menaces et souffrances, « Faisons le choix du veilleur, de celui qui relève la tête, de celui qui s’engage et qui choisit la vie ».
A la rencontre de Dieu en dedans et en dehors de nous
Notre manière de prier dépend pour une part de nos représentations de Dieu, mais aussi de la relation qu’il a avec nous et avec le monde. De plus en plus, nous percevons aujourd’hui la réalité dans une perspective d’interrelation, d’interconnection. Cette perspective s’appuie sur des convergences scientifiques (1). Elle se manifeste sur le plan spirituel. Tout se tient (2). Et aujourd’hui, par rapport à d’anciens clivages, elle s’inscrit dans une pensée théologique comme celle de Jürgen Moltmann qui développe une pensée holistique, particulièrement dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (3). Tout simplement, « En Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l’Etre » (Actes 17.27).
Très tôt, dès la fin de la première moitié du XXè siècle, puisque son livre le plus diffusé : « The Healing Light » date de 1957, Agnès Sanford (4), pionnière de la prière de guérison, a anticipé cette perspective holistique. Ce livre nous montre comment l’énergie divine suscite la guérison dans tout notre être si nous nous ouvrons à Dieu et faisons appel à lui. Cependant, ce n’est pas ce thème qui retient ici notre attention. Nous voulons seulement mettre en évidence comment Agnès Sanford reconnaît la présence de Dieu et en quoi cette reconnaissance oriente sa prière. Pour cela, nous avons extrait de son livre deux textes significatifs (5
« Nous vivons en Dieu, c’est en lui que nous respirons. Que nous le voulions ou non, il en est ainsi. Mais nous absorbons plus ou moins de sa force de vie selon que nos âmes sont plus ou moins réceptives. Trop souvent, nous fermons nos ouïes spirituelles, sans les laisser, ou si peu, pénétrer par cette force, et notre chair demeure sans vie et semble comme se rétracter…. ». Ce processus d’affaiblissement et de rigidification a des conséquences pour notre santé.
« Le remède à tout cela, c’est plus de vie, plus de lumière.Et c’est là précisément ce que nous apportent nos prières pour la santé et nos actes de pardon, un afflux de lumière et de vie. Cette vie spirituelle stimule la circulation, libère dans le corps l’énergie naturelle. Elle accroit aussi la vigueur de notre pensée, elle la rend plus calme, forte de cette paix qui naît d’une activité non pas ralentie, mais augmentée. Et elle accroît aussi notre réceptivité spirituelle, en nous rendant sensible à l’action divine, non seulement au dedans de notre corps, mais dans le monde qui nous entoure ».
« A mesure que nos prières, jointes à notre discipline mentale et à nos actes de pardon, créent en nous le sentiment toujours plus vivant et plus assuré de la présence de Dieu en nous, nous sommes toujours plus sûrs de posséder une source intérieure où nous pouvons puiser à volonté et nous sommes toujours plus conscient aussi qu’il existe en dehors de nous une source de puissance ; c’est une influence qui nous protège et nous guide, qui enveloppe de sa bénédiction notre travail de chaque jour et qui conduit nos pas sur le chemin de la paix.
Comme on l’a dit : Dieu est à la fois transcendant et immanent. Et son immanence est la clé de sa transcendance. En d’autres termes, la lumière de Dieu brille en nous et hors de nous et c’est en apprenant à la recevoir en nous que nous commençons à l’apercevoir hors de nous.
Puisqu’il en est ainsi, cherchons le avec joie en dehors et au dedans. Comme chaque matin, nous sommes inondés de sa lumière, remplissons de même nos journées de sa suprême direction, de son secours, de sa protection. Rendons grâce de ce que sa puissance est à l’œuvre non seulement en nous, mais dans le monde qui nous entoure. Soyons reconnaissant pour la journée qui est devant nous et plaçons-la d’avance dans la lumière de l’amour divin… ».
Ainsi, pour Agnès Sanford, il y a interrelation entre Dieu et l’homme, et, en l’être humain, entre l’esprit et le corps. Quelques décennies plus tard, cette vision intégrée est éclairée par l’approche théologique de Jürgen Moltmann.. Dieu n’est pas éloigné et distant de notre expérience. Il est proche de nous, actif en nous et dans le monde. « Il y a immanence de Dieu dans l’expérience humaine et transcendance de l’homme en Dieu ». Dans le christianisme, « L’Esprit de Dieu est la puissance de vie de la résurrection qui, à partir de Pâques, est répandue sur toute chair pour la rendre vivante à jamais… le corps devient « le temple de l’Esprit Saint ». Comme Agnès Sanford, Jürgen Moltmann voit en Dieu une force agissante, une force de vie. « L’expérience de l’Esprit de Dieu est comme l’inspiration de l’air. L’Esprit de Dieu est le champ vibrant et vivifiant des énergies de la vie. Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. Les mouvements de notre vie sont ressentis par Dieu et nous ressentons les énergies vitales de Dieu »
Ainsi, lorsque nous prenons conscience de la présence de Dieu dans tout notre être, Christ en nous, nous pouvons prier non seulement en regardant à Dieu au delà de nous–même, mais aussi à partir de sa présence transformatrice en nous. Comme l’écrit, Agnès Sanford, « nous cherchons Dieu en dehors et en dedans ». Et nous recevons de Lui une vie abondante.
J H
(1 Dans une préface au livre majeur de Jean Staune : Staune (Jean). Notre existence a-t-elle un sens ? Presses de la Renaissance, 2007, l’astrophysicien, Trinh Xuan Thuanh, écrit : « En physique, après avoir dominé la pensée occidentale pendant trois cent ans, la vision newtonienne d’un monde fragmenté, mécaniste, déterministe a fait place à celle d’un monde holistique, indéterminé et débordant de créativité ». On pourra voir, entre autres : « La dynamique de la conscience et de l’esprit humain. Un nouvel horizon scientifique. D’après le livre de Mario Beauregard : « Brain wars », traduit en français : « les pouvoirs de la conscience » (2013) : http://www.temoins.com/la-dynamique-de-la-conscience-et-de-lesprit-humain-un-nouvel-horizon-scientifique-dapres-le-livre-de-mario-beauregard-l-brain-wars-r/
« Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Guérir autrement : Thierry Janssen. La solution intérieure. Fayard, 2006) :
(2) « Assez curieusement, ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est développée à travers la découverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment notre représentation du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie à tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans une interrelation. Dans cette représentation, Dieu reste le même toujours présent et agissant à travers le temps (Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie »). Voir : « Dieu, puissance de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1405
(3) Moltmann (Jürgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf , 1999. Citations présentées dans cet article : p 24 et 123. Introduction à la pensée théologique de Jürgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : https://lire-moltmann.com
(4) Dans la dernière édition du livre : « The Healing Light », Agnès Sanford est présentée en ces termes : « Agnès Sanford apparaît comme une enseignante et une praticienne majeure du ministère de guérison au sein de l’Eglise. Son message est même encore plus actuel aujourd’hui comme le don de guérison a gagné une large reconnaissance dans la communauté chrétienne toute entière. Ses écrits ont eu une grande influence sur le développement de ministères de guérison tels que ceux de Francis MacNutt et Ruth Carter Stapleton… ». On a pu la considérer comme « la grand-mère du mouvement de guérison ». On pourra consulter le site qui lui est dédié : http://heyjoi.tripod.com
(5) Sanford (Agnès). The Healing Light. Ballantine, 1983. Quelques années après sa première parution en 1947, le livre a été traduit en français : Sanford (Agnès). La lumière qui guérit. Delachaux et Niestlé, 1955 (Cette édition est épuisée , mais parfois accessible en occasion). Les deux citations : p 62 et 66 dans « The Healing light » ; p 66 et 70 dans « La lumière qui guérit » (Nous avons repris cette traduction).
Sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie », on pourra voir aussi :
« Quelle est notre représentation de l’être humain » :
Une vision d’espérance mise à la disposition de tous.
Au fil des années, nous avons pu constater combien la théologie de Jürgen Moltmann répondait aux aspirations et aux questionnements d’un vaste public. Ce recueil : Méditer avec Moltmann (1) s’inscrit dans cette approche. Par son accessibilité, il met la théologie de Moltmann à la portée de tous. Et pour quoi donc? L’avertissement en quatrième de couverture nous le dit :
« Dans l’histoire dont nous faisons l’expérience, il nous est plus facile de désigner le négatif dont nous voulons nous libérer que d’exprimer le positif en vue duquel nous espérons devenir libre. Mais c’est l’expérience d’un avenir plus grand qui nous mène vers des expériences toujours nouvelles ».
Le secret de la force mobilisatrice de la pensée de Moltmann se trouve dans la profondeur des réflexions existentielles qu’il nous propose. Mais, pour que cette force nous rejoigne et nous transforme à notre tour, elle doit être méditée, digérée, expérimentée, confrontée aux joie et aux peines de notre existence. L’incarnation de l’espérance s’inscrira alors dans notre parcours de vie ».
Les textes rassemblés ici (2) proviennent du blog : « L’Esprit qui donne la vie », créé en 2011, pour communiquer la pensée de Moltmann à tous ceux qui sont à la recherche d’un Dieu, communion d’amour et puissance de vie. Il n’est pas anodin que l’éditeur ait, de lui-même choisi comme titre : « Le sourire de Dieu ».
Ce livre nous ouvre à une nouveauté de vie. Dans son adresse aux étudiants de Prétoria, qui introduit le recueil, Jürgen Moltmann déclare : « Celui qui croit au « Dieu vivant », voit le monde non seulement selon la réalité… mais aussi selon les possibilités. « Tout est possible à celui qui croit », parce que « tout est possible avec Dieu » . Toute la réalité est une possibilité réalisée. La possibilitévient en premier, la réalité vientaprès » (p 13). Ce livre regarde à la promesse de Dieu et nous ouvre un avenir. Dans le témoignage sur lequel s’achève ce recueil, homme de foi et d’action engagé dans de grandes causes humanitaire, Guy Aurenche nous confie une notation personnelle : « En refermant provisoirement ce livre de méditation, me vient l’appétit d’un commencementcaché » ( p 156).
Au fil des années, nous avons pu constater combien la théologie de Jürgen Moltmann était libératrice, féconde et éveillait des échos chez des amis de formations et de cultures très différentes. La théologie de Moltmann est un continent. Chacun vient y chercher une réponse à ses questionnements. C’est un dialogue à partager.
J H
Jean Hassenforder. Méditer avec Moltmann. Le sourire de Dieu. Préface : Discours de Jürgen Moltmann aux étudiants de Pretoria, traduit par David Gonzalez. Postface par Guy Aurenche. Empreinte Temps présent. 2019 (Collection : l’art de méditer dirigé par David Gonzalez).
Issus du blog : « L’Esprit qui donne la vie », les textes sont entrés ensuite dans un processus d’édition, dans lequel, à notre regret, le référencement initial n’a pas été retranscrit. A ce sujet, on se reportera donc au blog originel : https://lire-moltmann.com