Charleston : face aux fanatismes, un message qui s’adresse au monde entier

 Alors que les fanatismes font rage dans le monde, à Charleston, Barack Obama a su exprimer la puissance de la solidarité et de l’amour.

« Si Barack Obama avait pu résumer les évènements tragiques de Charleston, il n’aurait sans doute utiliser qu’un terme : grâce. C’est sur la notion de grâce qu’il a entonné, à la surprise générale le chant « Amazing grace » qui accompagna de nombreuses actions du mouvement civique », commente Stéphane Brossard, dans « Le Temps ». Et il poursuit : « Barack Obama a parlé avec le cœur, une sincérité et une passion qui ont fait de ce discours un moment de rassemblement national , un moment permettant un début de guérison et offrant surtout une chance de voir les relations interraciales aux Etats-Unis sous un autre jour ».

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http://www.letemps.ch/Page/Uuid/fcd13e1a-1c8f-11e5-9d4e-1dfb5906ea79/Charleston_Barack_Obama_prononce_et_chante_une_inouïe_oraison_funèbre

#A Charleston : un moment de grâce. Face à la violence et à la haine, un message qui, au delà des Etats-Unis, s’adresse au monde entier.

J H

 

Sur ce blog, voir aussi :

 

« Barack Obama : un homme de bonne volonté »

https://vivreetesperer.com/?p=1000

« De Martin Luther King à Obama »

https://vivreetesperer.com/?p=2065

Appel à la fraternité

Pour un nouveau vivre ensemble.

La France traverse aujourd’hui un passage difficile. Affectées par un chômage massif, des populations sont affectées par le précarité et le mal être. Les frustrations engendrent l’agressivité et la défiance. Dans un univers mondialisé, le manque de point de repères, la perte de cadres de vie stables, une fragmentation du tissu social engendrent l’insécurité qui se mue en crainte de l’autre, en peur de l’étranger. Tout est donc aujourd’hui en question : une économie qui peine à se renouveler, mais aussi les séquelles d’un passé, celui d’un pays hiérarchisé, marqué par la longue opposition des deux France issues de la Révolution française. Des personnalités et des associations viennent d’appeler à une mobilisation pour une société plus fraternelle (1). C’est une juste intuition. Sans vision, un peuple meurt (2). Pour permettre le vivre ensemble, nous avons besoin de référents nouveaux en terme de valeurs et de récits, et de pratiques nouvelles en terme d’attitudes et de comportements.

Mais nous dira-t-on, dans les conditions actuelles, appeler à la fraternité, en promouvant une dynamique, n’est ce pas faire preuve  d’un idéalisme éthéré ? On peut déjà répondre. La fraternité n’est pas un simple supplément d’âme, c’est une inspiration qui, en fin de compte, fonde la vie sociale. En effectuant pour cet article, une recherche documentaire sur internet, nous avons visionné une courte vidéo qui relate la fête de la fraternité organisée par Ségolène Royal, le 29 septembre 2008 (3). Le temps était dur puisque la crise économique venait d’éclater. Cette fête était mal perçue dans les arènes politiques. C’était une initiative à contre courant. C’était un pari d’espérance et aujourd’hui on peut en redécouvrir le caractère pionnier. Nous avons noté ainsi cette parole de Ségolène Royal : « On commence à comprendre qu’il faut changer radicalement de système autour de la fraternité. La fraternité pour moi, c’est encore mieux que la solidarité parce que c’est la fraternité qui la fonde et qui lui donne le sentiment d’humanité sans lequel la politique serait un simple métier sans âme, une simple transaction entre des intérêts bien compris. Parce que ce qui arrive de mauvais à l’autre où qu’il soit, finit par générer quelque chose de mauvais pour soi-même et aussi parce  que ce qui arrive de bon à l’autre, finit par créer du bonheur chez soi ».

Si notre société traverse aujourd’hui un passage difficile, l’appel à la fraternité témoigne d’une prise de conscience qui s’appuie sur la vitalité du tissu associatif et humanitaire en France, mais qui s’inscrit aussi dans un mouvement en profondeur à l’échelle internationale.

Ces évolutions en cours sont parfois bien visibles. D’autres sont en germination comme des « signaux faibles » (4) qui demandent attention. Dans son livre : « Chemin de guérison » (5), Frédéric Lenoir traite des différentes étapes de l’individualisme dans les sociétés modernes. Après la montée de l’autonomie dans des sociétés encore structurées, on est entré pendant quelques décennies dans une période où s’est affirmé un individualisme égocentré. Aujourd’hui, une nouvelle phase apparaît : de plus en plus, l’exercice de l’autonomie s’inscrit dans un désir croissant de relation, d’interrelation. Des études sociologiques mettent en  évidence le développement d’une culture nouvelle où la convivialité est désormais une pratique et une aspiration. Ainsi apparaît la notion de « Tiers lieu », un espace nouveau entre la vie institutionnelle et la vie privée. Des milieux conviviaux et informels apparaissent dans différents domaines (6), dans une dynamique internationale. Ce mouvement se répand et il y a aujourd’hui sur facebook, un  groupe intitulé : « Tiers lieu. Open source » (7). Dans le contexte du web qui permet le partage à grande échelle, dans les années récentes en France, à partir de nombreuses initiatives, un mouvement en faveur de l’économie collaborative (8) grandit rapidement. On peut ainsi apprécier l’essor rapide d’une communauté comme « OuiShare » (9). Cependant, il semble bien que les esprits bougent à tous les niveaux. Ainsi les sciences humaines sont plus attentives aux sentiments altruistes (10). La notion d’empathie, bien mise en évidence dans un grand panorama historique et sociologique de Jérémie Rifkin (11) gagne du terrain dans les consciences. Ces différents signes témoignent d’une évolution dans l’esprit du temps. Voici un contexte favorable pour la réception d’un appel à la fraternité.

« Dimanche 11 janvier s’est exprimée dans un immense élan collectif la prise de conscience qu’une société désunie est une société désarmée. Mais ce mouvement, pour être durable, doit s’organiser et impliquer chacun d’entre nous, bien au delà de notre conception actuelle de la démocratie qui privilégie l’action politique en négligeant l’action citoyenne. C’est pourquoi si l’on ne veut pas décevoir, le moment est venu de changer de paradigme en faisant de l’action politique le levier de l’action citoyenne comme nous y invite le pacte républicain qui projette la liberté et l’égalité vers la fraternité… C’est pourquoi nous appelons les plus hautes autorités de l’Etat, mais aussi les responsables locaux à affirmer avec force leur intention d’inscrire le volet fraternité de la République dans leurs toutes premières priorités… L’objectif est notamment de favoriser toutes les dynamiques individuelles, associatives et institutionnelles aptes à construire de nouvelles relations d’écoute, d’entraide et de respect entre les cultures, les âges et les territoires… Pour illustrer au plus vite cette ambition, il pourrait par exemple, comme le propose également l’observatoire de la laïcité, être organisé dès cette année, une semaine nationale de la Fraternité… » (1). On lira avec un particulier intérêt la liste des premiers signataires qui témoigne d’une grande diversité des participants et d’un engagement important du mouvement associatif dans ses différentes composantes (12).

Dans le même esprit, le journal « Libération » à publié une tribune (13) de deux personnalités : Abdennour Bidar, philosophe, spécialiste de l’Islam et Patrick Viveret, philosophe et sociologue. Ce texte va plus loin dan une analyse philosophique et spirituelle de l’enjeu. « Le défi de notre société est de se donner à elle-même un grand cap, un horizon d’espérance et d’action collective, une direction porteuse d’un véritable projet de civilisation et d’une véritable vision de l’homme. Au beau milieu de tous ces gouffres qui s’élargissent, un abime plus immense encore s’est ouvert qui menace de nous engloutir tous : celui de la différence entre les conceptions du sacré… Nous devons tout faire pour apprendre d’urgence à cultiver ensemble le sens et la jouissance concrète d’un sacré partageable. D’un sacré constitué et enrichi par tous nos héritages, que l’on soit croyant ou non croyant. Notre chance est que ce sacré partageable a déjà un premier nom, un visage dessiné, celui de la fraternité… La fraternité est une valeur républicaine et une valeur religieuse et une valeur ancienne et une valeur moderne, et une valeur à réinventer, dont il faut avoir enfin collectivement l’audace ».

Comment vivre ensemble entre êtres humains ? A travers l’histoire, on peut observer la mise en oeuvre de l’inspiration de l’Evangile telle que Michel Clévenot nous la rapporte dans sa série historique : « Les hommes de la fraternité » (14). Si, en Occident, le thème de la liberté a été moteur, aujourd’hui il mérite d’être explicité. Sur ce blog (15), le théologien Jürgen Moltmann nous fait entrer dans une dimension plus vaste de cette valeur. « Dans une perspective historique, on constate que la liberté s’est affirmé fréquemment en terme de lutte pour le pouvoir. Il y a des vainqueurs et des vaincus. Cela a été le  cas dans la société antique. La liberté apparaît comme une « maîtrise ». Celui qui comprend la liberté comme maîtrise ne peut être libre qu’au détriment des autres hommes… Au fond, il ne connaît que lui-même et ce qu’il possède. Il ne voit pas les autres comme des personnes… » . Mais la liberté peut être conçue différemment comme participation. « C’est le concept de la liberté communicative. C’est dans l’amour mutuel que la liberté humaine trouve sa réalité. Je suis libre et me sens libre lorsque je suis respecté et reconnu par les autres et lorsque, de mon côté, je respecte et reconnais les autres… Si je partage ma vie avec  d’autres, l’autre n’est plus la limite, mais le complément de ma liberté… La vie est communion dans la communication. Nous nous communiquons mutuellement de la vie… ». C’est bien là que la liberté rejoint la fraternité. Il y a des moments de l’histoire française où la fraternité a été prise en compte. Ce fut le cas en 1848.    Aujourd’hui, c’est la tempête en politique, mais nous sommes appelés à voir plus loin. L’appel à la fraternité est un point de repère qui se manifeste à partir de la société civile comme une aspiration à un autre genre de vie et comme une interpellation au monde politique pour une autre manière de faire société.

J H

 

(1)            Appel : Maintenant, construisons la fraternité : http://odas.net/IMG/pdf/appel_fraternite_2015_-.pdf

(2)            Proverbes 29.18

(3)            Sur youtube : Fraternité avec Ségolène Royal : https://www.youtube.com/watch?v=sOx5i95wPGM

(4)            Sur wikipedia : « En intelligence économique, les signaux faibles sont les éléments de perception de l’environnement, opportunités ou menaces qui doivent faire l’objet d’une attention anticipative, appelé veille.. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Signaux_faibles

(5)            Frédéric Lenoir. Chemin de guérison. Fayard, 2012

Sur ce blog : « Un chemin de guérison pour l’humanité » : https://vivreetesperer.com/?p=1048

(6)            « Emergences d’espaces conviviaux et aspirations contemporaines. Troisième lieu (« Third place ») et nouveaux mode de vie » : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/recherche-et-innovation/etudes/emergence-despaces-conviviaux-et-aspirations-contemporaines-troisieme-lieu-l-third-place-r-et-nouveaux-modes-de-vie

(7)            Tiers lieux. Open source francophone. Sur facebook : https://www.facebook.com/groups/tilios/

(8)             A propos de l’économie collaborative : « Une révolution de l’être ensemble » (« Vive la co-révolution ! Pour une société collaborative : Anne-Sophie Novel et Stéphane Rioux ») : https://vivreetesperer.com/?p=1394

« Anne-Sophie Novel, militante écologiste et pionnière de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1975

(9)            « Ouishare. communauté leader dans le champ de l’économie collaborative » : https://vivreetesperer.com/?p=1866

(10)      « Quel regard sur la société et sur le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=191

(11)      « Vers une civilisation de l’empathie. A propos du livre de Jérémie Rifkin » : http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux

(12)      Sur le site de l’Observatoire national de l’action sociale délocalisée, liste des premiers signataires qui montre l’étendue du champ couvert : http://odas.net/L-Odas-soutien-l-appel-a-la-fraternite-lance-par

(13)      Sur le site de Libération : « Le 11 mars, faites de la    fraternité ! » (Abdennour Bidar, Patrick Viveret) : http://www.liberation.fr/societe/2015/03/10/le-11-mars-faites-de-la-fraternite_1218112 Patrick Viveret est l’auteur d’un recueil intitulé : « De la convivialité. Dialogue sur la société conviviale à venir ». Et un « Manifeste convivialiste » est paru en 2013 (Voir : note 15)

(14)      Michel Clévenot : les hommes de la fraternité. Voir : « Un historien de la fraternité » : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1993_num_19_2_2101

(15)      « Une vision de la liberté… La liberté comme maîtrise… La liberté comme participation… La liberté comme avenir… Egalité, liberté, fraternité… Vers une civilisation conviviale » : https://vivreetesperer.com/?p=1343

 

Voir aussi, sur le site de Témoins, la vision de Guy Aurenche : « La fraternité sauvera le monde » : http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/la-fraternite-sauvera-le-monde.html

 

De Martin Luther King à Obama

Un mouvement de libération qui se poursuit et s’universalise.

Il y a cinquante ans, à Selma, une petite ville de l’Alabama, animés par la vision de Martin Luther King, des afro-américains s’engageaient dans des luttes pour les droits civiques. Le 7 mars 1965, quelques six cent manifestants qui défilaient pacifiquement, étaient pris à partie par les forces de l’ordre dans une brutale répression policière. Pourtant ces marches non violentes se sont poursuivies. Deux semaines plus tard, plusieurs milliers de personnes emmenées par le pasteur Martin Luther King quittaient Selma pour rejoindre la capitale de l’Alabama, Montgomery, à prés de 90 kilomètres. L’opinion publique était touchée par ce mouvement pacifique. Et la victoire était remportée au plus haut niveau politique. Désormais les afro-américains pourraient voter sans entraves. La ségrégation allait également disparaître. Aujourd’hui, si les inégalités sociales et économiques demeurent très prégnantes et si le racisme n’a pas disparu, une nouvelle donne est intervenue.  Les afro-américains ont une place dans la société, et, pour la première fois dans l’histoire, le président des Etats-Unis, Barack Obama, participe à cette culture. Aujourd’hui, cinquante ans après les évènements de Selma, c’est le temps de la commémoration et, pourrait-on dire plutôt, un moment de célébration. Une cinéaste vient de réaliser un film à ce sujet. Et, le 7 mars 2015, le président des Etats-Unis, Barack Obama, accompagnée de son épouse, Michèle, et de ses deux enfants, s’est rendu à Selma et y a prononcé un discours dont l’inspiration a été reconnue bien au delà de son milieu politique.

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En entendant cette parole, en lisant le texte de ce discours (1), nous ressentons une émotion, nous percevons un grand souffle, nous recevons une vision. Barack Obama évoque le courage et la foi de tous ceux qui ont participé à cette première marche  et ont été confrontés, de plein fouet, à la violence policière. Un cantique les accompagnait : « Quelques soit l’épreuve, Dieu prendra soin de vous » (What may be test, God will take care of you »). Et puis, à partir de là, il met en évidence la signification de ce combat en inscrivant cette lutte pour l’égalité et la justice dans l’histoire américaine, et, au delà,  dans le monde d’aujourd’hui. « Combien ces hommes et ces femmes ont fait preuve d’une grande foi. Foi en Dieu, mais aussi foi en l’Amérique… Ils ont prouvé qu’un changement non violent est possible, que l’amour et l’espérance peuvent vaincre la haine… ». Ils ont lutté pour affirmer la vraie signification de l’Amérique : « L’idée d’une Amérique juste,d’une Amérique équitable, d’une Amérique inclusive, d’une Amérique généreuse a finalement triomphé… ». C’est la victoire de la solidarité. « Le mot le plus puissant dans notre démocratie, c’est le mot «  nous » (« we »). « We shall overcome.. .Yes, we can … ». ( « Nous l’emporterons.. Oui, nous pouvons…). Il y a là un élan qui traverse les frontières. Dans sa vision d’une Amérique inclusive et généreuse, Barack Obama salue les diverses immigrations de tous ceux qui sont venus aux Etats-Unis parce qu’ils cherchaient la liberté politique ou  la possibilité de sortir de la misère pour gagner une vie décente. Il égrène les mouvements qui ont permis aux minorités de conquérir le respect et de voir leurs droits reconnus. Et, au delà encore, Barack Obama proclame combien cet esprit inspire les luttes pour la démocratie qui se déroulent dans le monde entier. C’est un discours qui manifeste dynamisme et espérance.  Ainsi reprend-il une parole du prophète Esaïe : « Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force… Ils marchent et ne fatiguent point » ( Esaïe 40.31).

La figure de Martin Luther King inspire ce grand mouvement pour la justice et les droits civique. une jeune réalisatrice américaine, Ava DuVernay vient de réaliser un film sur cette grande personnalité en situant son action et sa présence dans le contexte des évènements de Selma. Tel que nous le décrit Jean-Luc Gadreau sur son blog (2), ce film rend bien compte de la dimension épique et charismatique de cette présence et de cet événement et de la puissante émotion qui s’y manifeste.

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Dans son discours, Barack Obama inscrit ce mouvement dans le courant démocratique jalonné par de grandes personnalités comme Abraham Lincoln et F D  Roosevelt. Cette pensée généreuse, à laquelle nous avons personnellement  goûté et qui été pour nous un point de repère, associe une spiritualité d’inspiration biblique à l’action politique. Hélas, il y a aussi dans l’histoire américaine d’autres moments ou conservatisme et impérialisme vont de pair avec l’influence exercée par  de groupes religieux fondamentalistes. Dans son discours, Barack Obama exprime une dynamique de justice dans un processus de libération qui prend toute sa dimension dans une perspective universaliste. Dans un monde tourmenté, il y a là comme un rayon de lumière d’autant plus appréciable qu’il se manifeste dans une des plus grandes nations du monde. Ce discours peut s’appuyer sur la victoire remportée Martin Luther King dans sa lutte pour les droits civiques (3). Et, si son action peut être contestée sur certains points, nous percevons en Barack Obama (4) un homme de bonne volonté, un dirigeant intelligent et responsable qui contribue à rendre ce monde un peu moins dangereux. La vision positive qui s’exprime dans ce discours, vient à l’appui d’une théologie de l’espérance (5).

Dans un monde où les replis identitaires se manifestent, où des extrémismes religieux menacent la paix et débouchent sur la violence et le terrorisme, il est bon d’entendre qu’une spiritualité chrétienne peut inspirer une action politique qui se manifeste dans un processus de libération et la promotion de la justice et de la liberté. « Sans vision, le peuple meurt ». Cette parole biblique (Proverbes 29.18) rejoint notre expérience humaine. Nous avons besoin d’entrevoir un chemin. Nous avons besoin de motivation et de confiance. Puissent des chrétiens témoigner d’un Evangile libérateur ! Puissent-ils, en regard du désarroi et de ce qu’il engendre, témoigner d’une espérance, source de confiance et réponse à la recherche de sens !

J H

 

(1)            Sur le site du Huffington post, vidéo du discours d’Obama et transcription en anglais de ce discours : http://www.huffingtonpost.com/2015/03/07/obama-selma-bloody-sunday-transcript_n_6823642.html                         Présentation de l’événement en français : « Le discours d’Obama sur les droits civiques à Selma salué comme le plus important de son mandat » : http://www.huffingtonpost.fr/2015/03/08/discours-barack-obama-selma-droits-civiques-mandat_n_6825764.html

(2)            Sur le blog : ArtSpi’in : « Selma, pour se mettre en marche ». Commentaire sur le film et bande annonce en français : http://artspiin.eklablog.com/selma-pour-se-mettre-en-marche-a114847768

(3)            Sur ce blog : « la vision mobilisatrice de Martin Muther King  « I have a dream » : https://vivreetesperer.com/?p=1493

(4)            Sur ce blog : « Obama : un homme de bonne volonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1000  Et, sur le site de Témoins : « Le phénomène Obama : un signe des temps ? » : http://www.temoins.com/societe/culture-et-societe/societe/jean-hassenforder-le-phenomene-obama-un-signe-des-temps/all-pages.html

(5)            Dans les années 60, le théologien Jürgen Moltmann publie son premier livre : la théologie de l’espérance. Dans sa version anglophone : Theology of hope, ce livre exerce une grande influence jusque à être présenté en première page du New York Times.  Une présentation de la vie et de la pensée de Moltmann sur le blog : « l’Esprit qui donne la vie » : « une théologie pour notre temps » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=695

Philippe Molla, un ami de Jésus

 

Si je suis debout, c’est grâce à l’Evangile !

 

Il y a quelques années, j’ai reçu un appel téléphonique de Philippe Molla qui m’appelait au cours d’un déplacement professionnel. Dans une période difficile marquée par la solitude d’un récent veuvage, cette reprise de contact m’est apparue comme un don providentiel. Car, après plusieurs années où notre relation s’était interrompue, l’amitié était là, immédiate et source de compréhension réciproque. Et puis nos conversations sont devenues quasiment hebdomadaires au rythme des déplacements professionnels de Philippe, et chacun pouvait y exprimer ses joies et ses peines, ses questions et ses découvertes. Nos vies quotidiennes étaient bien différentes, mais nous pouvions partager nos préoccupations dans un partage et dans une prière commune. Quelle grâce !

Un jour, la conversation s’est interrompue. Le 16 décembre 2014, j’apprend qu’en fin de nuit, sur le plateau de Langres, en se rendant à son travail d’Alsace à la région parisienne, Philippe a été  tué dans un accident de la route. J’ai reçu cette nouvelle comme un tremblement de terre. Je pensais à Philippe, à Martine, son épouse et à leurs cinq enfants. Et, pour moi, qui recevait tant de ces partages, la sonnerie du téléphone ne retentirait plus. Il n’y aurait plus ce moment de proximité, de compréhension réciproque, de prière, source d’encouragement et de paix.

Et pourtant, si la conversation est interrompue, je reçois toujours le message qui inspirait Philippe : la présence de Dieu dans la vie quotidienne. Je peux revivre ces moments. Et puis, il n’y a pas un mur de séparation entre Philippe et nous. Si sa présence physique nous est retirée, si la communication verbale n’est plus possible, je crois qu’en la présence de Dieu, la communion se poursuit (1). Les compagnons de Jésus, éclairés par l’Esprit, après sa mort et sa résurrection, ont, dans l’Esprit, approfondi leur compréhension du message de Jésus. De même, aujourd’hui, je commence à percevoir plus clairement le sens du message de Philippe.

 

Quel a été le chemin de Philippe ? A plusieurs reprises, Philippe a raconté combien il avait souffert de l’influence d’un milieu où la religion se vivait trop souvent en terme de conditionnements. Voici quelques lignes significatives d’un mail envoyé le 6 novembre 2013 : « Après avoir été touché par l’amour de Jésus à l’âge de cinq ans (1975), mon but était de plaire à Dieu. J’ai reçu cette foi inaltérable en Jésus-Christ . Mais je me suis construit dans une croyance admise, « l’opinion » du milieu chrétien où j’ai grandi « sous l’emprise des idées reçues ». Sans m’en rendre  compte, j’ai reçu une éducation de ce fruit défendu : bien/mal. Je me suis donc identifié à ma capacité de faire le bien ou pas. Aimer ne puise pas sa source dans l’arbre du bien ou du mal. Notre prochain ne supporte pas un robot qui a un programme amour. Notre prochain est, comme nous, œuvre d’art signée de la main du Maître. Il ne change intérieurement que par l’Amour. J’ai été éduqué dans la loi…. Cela ne m’a jamais permis de changer intérieurement, mais m’a amené à soigner l’extérieur. Les seules fois que j’ai changé intérieurement, c’et quand l’amour de Jésus-Christ a percé mon coeur… ». Le parcours de Philippe est présenté dans un article publié sur le site de Témoins : « Philippe Molla, témoin de l’amour de Jésus pour les gens d’aujourd’hui, notre ami, notre frère » (2).

 

Aujourd’hui, je repense à nos conversations. Je relis nos échanges de mails. En raison de sa conscience du dévoiement de certaines attitudes religieuses, Philippe s’était écarté de ceux qui les entretenaient. Il se posait beaucoup de questions sur les origines de ces attitudes, notamment dans l’usage des Ecritures. Mais il était enraciné dans une relation avec Jésus et Abba, notre bon Père céleste. De temps en temps, il envoyait des messages spirituels à ses amis, qui témoignaient de son enracinement et du fruit qui en ressortait : une attitude d’écoute et d’amour à l’égard d’autrui.

Dans un message envoyé à quelques amis, le 22 septembre 2014, Philippe pose la question : « Je me laisse attirer ou je me laisse convaincre ? ». Jésus n’impose pas une doctrine. Il attire les êtres par sa présence :

« Jean 6.44 :

« Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire (helkuo) et je le ressusciterai au dernier jour ».

Jean 12.32 :

« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai (helkuo) tous les hommes à moi ».

Attirer, helkuo en grec. On pourrait le traduire : être attiré par une puissance intérieure.

Le propre d’un enfant est d’être attiré par une puissance intérieure. En grandissant, on peut lui construire une échelle de valeurs. Après cela, se laisse-t-il attirer ou convaincre ?

La particularité de Jésus dans sa communication : une communication qui libère, qui attire.

Il ne cherche pas de la reconnaissance auprès des hommes.

Il ne juge pas, mais rapproche le royaume des Cieux tout près des hommes pour que les hommes aient la capacité de juger eux-mêmes.

Il ne rentre pas (ne se cache pas) dans une fonction pour imposer une autorité « spirituelle » ou « sacerdotale ». Une autorité ne se démontre pas, ne s’argumente pas, c’est un don. Il ne menace pas pour susciter la crainte, mais dit la vérité.

D’abord, Jésus se construit dans sa relation avec son Père. Il reçoit l’amour. Il est rempli pour déborder. De ce fait, dans sa relation à l’autre, il n’attend pas d’être reconnu, d’être accepté et ne démontre aucune autorité. Son prochain ne se sent pas piégé, ni contraint. Il n’y a aucune ombre empêchant quelqu’un de se sentir libre pour être attiré par une puissance intérieure.

Jésus se sent rempli et comblé quand il est accueilli par un enfant, une femme, un homme sans imposer quoique ce soit : la raison d’être de l’amour ».

 

Evidemment, la présence et l’œuvre de Jésus se poursuit aujourd’hui à travers sa résurrection.  Dans un message envoyé à ses amis le 29 mars 2012,  Philippe évoque les conséquences de la résurrection à travers des textes bibliques et une incitation chaleureuse :

Jérémie 31.33 :

« Le Seigneur déclare encore : Voici l’alliance que je vais établir avec le peuple d’Israël à ce moment là.  Je mettrai mes enseignements au fond d’eux-mêmes. Je les écrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple ». Le Seigneur déclare : « Personne n’aura plus besoin d’instruire son prochain ou son frère en disant : « Connaissez le Seigneur ». En effet, tous me connaîtront, du plus petit jusqu’au plus grand . Je pardonnerai leurs fautes et je ne me souviendrai plus de leurs péchés ».

Parole de Jésus-Christ :

« Le Père enverra en mon nom l’Esprit Saint, celui qui doit vous aider. Il vous enseignera tout et il vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14.26)

Commentaire de Philippe à ses amis :

Recherchons notre Parole personnelle que notre Papa céleste veut inscrire avec amour et délicatesse, sans convaincre ni argumenter ».

En relisant les messages d’encouragement que Philippe m’a envoyé durant des années, je retrouve la même capacité de parler naturellement de Jésus et du Père :

« Je te souhaite une année de renouveau portée par l’amour et la douceur de Jésus dans tous tes projets » (mail 1er janvier 2014).

« Je te souhaite un week-end dans la paix et l’amour du merveilleux papa qui nous révèle que nous sommes une créature merveilleuse remplie de trésors cachés » (mail 24 janvier 2014).

Oui, à travers ces messages, je perçois la présence du Christ à travers l’expression de Philippe et je rend grâce.

 

Un soir de septembre 2014, dans une conversation téléphonique avec Philippe, je me sentis incité à interviewer Philippe sur le fondement de sa foi en vue d’en faire part aux amis de ce blog. Je n’ai pas immédiatement retranscrit mes notes et j’ai égaré les dernières lignes, mais voici le message que Philippe nous donne en partage :

« Si je suis debout aujourd’hui, c’est grâce à l’Evangile.

Ce qui m’a bouleversé dans l’Evangile et que je n’ai pas trouvé ailleurs, c’est un homme qui montre qu’il a un certain pouvoir. Il ne l’utilise pas pour lui, mais pour les gens qui l’entourent. Il aurait pu faire une démonstration de son pouvoir auprès des hommes du pouvoir religieux, du pouvoir romain et il n’en fait rien. Il n’est pas impressionnant aux yeux des hommes comme les stars d’Hollywood, mais il impressionne parce que le pouvoir écrasant de vie et de mort qu’il a en face de lui, n’a aucune prise sur ses choix. Et d’ailleurs, cela déstabilise Ponce Pilate. Et c’est là un personnage que je n’ai trouvé dans aucune histoire.

En ce Jésus, j’ai trouvé un ami qui, dans des situations très difficiles, m’a toujours communiqué la non crainte, qui m’a permis quand je me suis trouvé au pied du mur, de continuer tranquillement quoiqu’il arrive. Bien sûr, mon corps sensible est facilement troublé. Mais j’apprend à ne pas dépendre des circonstances. Bien sûr, cela m’arrive de me laisser piéger par la crainte, mais de m’entretenir avec mon ami me permet de prendre du recul par rapport aux situations. Avant, on m’apprenait à rechercher une certaine « perfection spirituelle » et maintenant je découvre le chemin de la nature. Je ris de mes imperfections, de mes sottises et, si elles sont blessantes, je l’accepte. J’apprend à être une personne responsable. J’apprend à être au cœur de la situation que je vis. J’apprend à ne plus fuir… ».

Philippe, naturel, authentique dans sa vie spirituelle comme dans son écoute des autres. C’est le fruit d’une relation avec Jésus exprimable et exprimée . Philippe, ami de Jésus. Je relis cette Parole en Jean : « Je ne vous appelle plus serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, mais je vous ai appelé amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père… Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (Jean 15 15-17).

En Dieu, communion d’amour, avec nous, Philippe, ami de Jésus.

 

J H

 

1 « Une vie qui ne disparaît pas » : https://vivreetesperer.com/?p=336

« Sur la terre comme au ciel » : https://vivreetesperer.com/?p=338

« Une dynamique de vie et d’espérance. De commencements en recommencements » : https://vivreetesperer.com/?p=572

2 « Philippe Molla, témoin de l’amour de Jésus pour les gens d’aujourd’hui. Notre ami, notre frère » : http://www.temoins.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1101:philippe-molla,-témoin-de-l’amour-de-jésus-pour-les-gens-d’aujourd’hui,-notre-ami,-notre-frère&catid=15:parole-ouverte&Itemid=79

 

Contributions de Philippe Molla sur ce blog :

« Un chantier peut-il être convivial ? » : https://vivreetesperer.com/?p=133

« Dedans… Dehors !… Un chemin de liberté » : https://vivreetesperer.com/?p=444

« Changer ! Oui, mais comment ? Des prescriptions à suivre à l’ouverture du cœur par la relation » : https://vivreetesperer.com/?p=1227

« D’une religion enfermante à la vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1931

Une communauté enfantine fondée sur l’amour

 

 

Comment je suis devenue « maman » de soixante orphelins à Brazzaville

 

Sœur Marie-Thérèse nous raconte comment son amour des enfants l’a conduite à tout quitter pour recueillir des orphelins et enfants des rues à Brazzaville. Au sein de la maison Notre Dame de Nazareth, tous se voient offrir une chance de vivre dans une famille d’adoption régie par l’amour. Sœur Marie-Thérèse nous présente cette grande aventure dans un « talk » diffusée par TEDx Paris (1) : « Comment je suis devenue « maman » de 60 orphelins de Brazzaville ».

 

En effectuant une visite quotidienne en prison, Sœur Marie-Thérèse a rencontré un petit garçon de trois ans, Albert, qui y vivait avec sa maman incarcérée. Bouleversée par cet enfant, elle l’a accueilli et gardé jusqu’à la libération de sa mère. A partir de là, Marie-Thérèse nous rapporte combien elle a été poussée par une forte motivation : « Cette étincelle est devenue en moi un feu dévorant. Ce feu pousse à prendre des décisions déroutantes, voire scandaleuses pour l’entourage, une folie pour les sages. Ce feu est impérieux. Il bannit la peur… Le 5 septembre 1998, pour être plus disponible aux enfants en détresse, j’ai tout quitté. Je suis partie de ma congrégation avec une vingtaine d’enfants. Je n’avais ni maison, ni argent, ni santé. Ma seule richesse était ma confiance en Dieu ».

 

C’est une grande aventure qui commence : « Les enfants et moi, étions au même niveau. Nous sommes toujours au même niveau. Je n’ai pas la fierté, la satisfaction et l’orgueil de celui qui donne. Nous vivons de dons. Ce n’est pas toujours facile, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour donner de la joie aux enfants ! Aujourd’hui, ils sont une soixantaine, filles et garçons. Ils m’appellent maman ».

 

Cette communauté est organisée dans un esprit d’entraide et de soutien mutuel. « Le travail est le pilier de la maison et notre prière quotidienne en est le ciment ». Il y a quatre groupe de travail qui ont pour tâche : le ménage, la cuisine, la vaisselle, le soin porté aux enfants (toilette et sécurité). « A la tête de chaque groupe, il y a un aîné qui supervise le travail et me donne un compte-rendu. Tous les groupes se permutent chaque semaine de telle sorte que les responsabilités soient partagées en tenant compte des capacités de chacun. Ainsi, personne n’est laissé au bord du chemin. Chacun  a sa place et se sent valorisé ».

 

Cette grande famille est fondée sur la confiance mutuelle : « Il n’y a pas de famille s’il n’y a pas de confiance mutuelle les uns envers les autres. Pour cela, il faut que le dialogue ait une place de choix.  Dans le dialogue, la confiance prend racine. La confiance que je leur fais, peut leur permettre d’avoir confiance en eux. Je pense ainsi travailler à l’autonomie. L’entraide est une vertu cardinale de la maison. Les plus grands aident les plus petits. Ils les consolent quand ils ont des chagrins. Les bien portants aident les malades ».

 

 

Cette famille est une aventure fondée sur l’amour. « Comme toutes les familles, la  nôtre n’est pas parfaite. Il y a beaucoup de problèmes et de soucis. Notre famille est fragile, mais elle est fantastique. Elle est soudée et les aînés donnent le meilleur d’eux-mêmes dans l’adversité, dans la joie comme dans le malheur. Notre famille avance. Elle espère. Elle croit en la vie. Elle remercie. Elle dit toute sa reconnaissance à ceux qui l’aide.

Ce que j’apprend aux enfants lors de leur passage dans la famille est de bien faire ce qu’ils ont à faire et ce, jusqu’au bout, coûte que coûte.

L’amour est le socle de tout sans lequel toute entreprise est vide et stérile ».

 

J H

 

(1)            « Comment je suis devenue « maman » de soixante orphelins de Brazzaville » : un talk en vidéo sur le site de TED x Paris : http://www.tedxparis.com/comment-je-suis-devenue-maman-de-60-orphelins-de-brazzaville/

 

Sur ce blog, voir aussi : « De la décharge publique à la musique » : https://vivreetesperer.com/?p=1603

 

« Sur le chemin de l’école » : https://vivreetesperer.com/?p=1556

 

Plus généralement, sur la question de l’éducation :

« Et si nous éduquions nos enfants à la joie ? » : https://vivreetesperer.com/?p=1872