par | Fév 21, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Hstoires et projets de vie |
Une piste spirituelle.
En dehors de tout circuit institutionnel, durant ses années de jeunesse, de l’adolescence à la vie étudiante et à l’âge de jeune professionnelle, Sara, à partir d’une enfance vécue avec des parents croyants, a suivi une piste spirituelle. Pour manifester cet enracinement, elle a récemment demandé à être baptisée dans une église réformée. Ce cheminement témoigne d’un fil conducteur.
Sara nous parle de ses parents. « J’ai grandi avec des parents protestants où la foi était très présente au quotidien : prière avant le déjeuner, prière familiale avant de se coucher, présence obligatoire à l’église le dimanche matin. J’ai fréquenté des églises protestantes différentes et, à travers mes grands-parents, j’ai connu la religion catholique. Donc, j’ai vécu une grande ouverture et tolérance par rapport aux différentes confessions chrétiennes. Ainsi, j’ai participé à la catéchèse catholique quand j’étais enfant, tout en participant à des groupes de jeunes protestants. Selon la doctrine protestante, mes frères et moi, nous n’avons pas été baptisés enfant afin que nous puissions faire par la suite notre propre choix. Au moment de l’adolescence, j’ai commencé à prendre un peu de distance par rapport à l’église. Ainsi, à partir de la classe de quatrième, j’ai commencé à ne plus fréquenter régulièrement le culte du dimanche. J’ai commencé mon propre cheminement personnel, notamment à travers la prière ».
Comment cette évolution a-t-elle continué quand Sara est devenue étudiante ? « J’ai poursuivi mon parcours personnel. J’ai cessé d’aller à l’église, mais j’ai toujours trouvé très réconfortant de savoir que Dieu était là et nous accompagnait tous les jours au quotidien . Cela me donnait de la force pour affronter les difficultés , les aléas de la vie que l’on rencontre quand on est jeune adulte. Je priais pour moi, mais aussi pour mes frères dans leurs difficultés et également pour celui qui est devenu mon fiancé. Dans mon itinéraire étudiant, j’ai beaucoup voyagé et j’ai donc poursuivi un chemin individuel ».
Sara ayant terminé ses études a éprouvé le besoin de se situer. « Au cours de ce parcours, j’ai assumé le fait que j’étais croyante en n’hésitant pas à le dire dans des conversations. A la fin de mes études, cela m’a paru naturel de me faire baptiser afin d’affirmer mon identité. C’était aussi une façon pour moi de remercier Dieu pour toutes les façons dont il m’a béni au cours de ma vie. C’est vrai que j’ai fait très souvent appel à Lui à travers la prière et je trouvais juste de lui exprimer ma reconnaissance. J’ai donc été baptisée dans une église réformée ».
Aujourd’hui, Sara prépare son mariage avec Pierre. « Ce sera un mariage œcuménique avec un pasteur et un prêtre qui fera honneur à nos deux confessions. Dans le cadre de la préparation au mariage, on est amené à se poser des questions sur la foi, et sur la foi dans le couple. Sur quelles valeurs voulons-nous bâtir notre couple ? C’est pour moi un cheminement nouveau puisque jusqu’ici j’avais une attitude dans laquelle je vivais ma foi de façon intime et personnelle ».
Ainsi Sara a suivi discrètement une piste spirituelle et celle-ci apparaît aujourd’hui au grand jour : « Mon cheminement avec Pierre m’amènera, j’espère, vers de belles rencontres et découvertes avec d’autres croyants ».
Contribution de Sara
par jean | Jan 25, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Vision et sens |
Admirer, m’émerveiller, adorer c’est gratuit !
Propos d’Odile Hassenforder
dans son livre : Sa présence dans ma vie.
Dans son livre : « Sa présence dans ma vie ? », (1) Odile Hassenforder nous rapporte une dynamique de vie qu’elle puise en Dieu et qui la porte jusque dans l’épreuve de la maladie. Dans ce mouvement, elle reçoit la vie comme un don, un cadeau. Et elle entre naturellement dans une attitude d’émerveillement et d’adoration. C’est une attitude profondément ancrée dans les différents moments de la vie quotidienne, comme celui-ci marqué par une grande fragilité.
« Je me sentais si bien hier. Pourquoi ce vague à l’âme au réveil ce matin ? Un retour de bâton ? Je me sens vide, pas d’envie, pas d’énergie, inutile… Je sens, par expérience, qu’il n’est pas bon de ruminer ainsi.
Du fond de mon lit, je regarde par la fenêtre le ciel, l’arbre qui gigote, et ma pensée s’envole vers des souvenirs. Des paysages défilent à toute allure avec des sensations de plaisir. Que c’est beau ! Que c’est bon ! Le créateur me donne cela gratuitement. C’est gratuit, oui, gratuit. C’est pour moi. Je n’ai qu’à prendre. Et ce don, ce cadeau vient humecter mon cœur comme une douce pluie bienfaisante dans mon désert.
Une sensation de contentement m’envahit. Je respire doucement, profondément avec délice… Le balancier de mon cœur se débloque et trouve peu à peu le mouvement calme et régulier du rythme de mon cœur. J’accueille cette paix imprégnée de sécurité, une joie d’exister reliée au créateur m’est donnée.
Que c’est bon d’exister pour admirer, m’émerveiller, adorer ! C’est gratuit. Je n’ai qu’à recevoir, en profiter sans culpabilité sans besoin de me justifier. (Justifier quoi ? de vivre ?)
D’un sentiment de reconnaissance, jaillit une louange joyeuse, une adoration au créateur de l’univers dont je fais partie, au Dieu qui veut le bonheur de ses créatures. Alors mon « ego » n’est plus au centre de ma vie. Il tient tout simplement sa place relié à un « tout », sans prétention ( Psaume 131). Je respire le courant de la vie qui me traverse et poursuit son chemin.
Comme il est écrit dans un psaume : « Cette journée est pour moi un sujet de joie… Une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel auprès de toi, mon Dieu… Louez l’Eternel car il est bon. Son amour est infini. » (Psaume 16.118..)
La vie est vraiment trop belle pour être triste. Alleluia ! »
Odile Hassenforder
(1) Hassenforder (Odile). Sa présence dans ma vie . Parcours spirituel. Empreinte, 2011. Le texte ci-dessus est paru dans ce livre : p. 179-180. Rédigé par Odile dans les derniers mois précédant son départ de la vie terrestre, il a également été mis en ligne très tôt, en mars 2009, sur le site : relation-aide.com http://www.relation-aide.com/forum/viewtopic.php?t=4285&view=previous&sid=86e477ecc0372fe31b050dbbb5864aae . Une présentation de « Sa présence dans ma vie » sur le site de Témoins : http://www.temoins.com/evenements-et-actualites/sa-presence-dans-ma-vie.html. On trouvera sur ce blog plusieurs textes présentant la pensée d’Odile : https://vivreetesperer.com/?tag=odile-hassenforder
par | Jan 23, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation |
La traversée en voiture de la grande banlieue parisienne nous a préparées peu à peu au changement de paysage culturel dont nous faisons l’expérience en approchant du collège où nous devons intervenir. Arrivées en avance, nous avons le temps de faire une halte dans un petit café tout proche. Pas une femme à l’intérieur. Nous amadouons le patron en lui disant que nous venons prendre un réconfort avant d’attaquer notre tâche délicate dans le collège voisin : il nous fait apporter deux tasses de café, déposées sur le comptoir à côté d’un tronc marqué « Pour l’entretien de la mosquée ». « Vous êtes enseignantes ? », nous demande-t-il – Non, nous animons des séances d’éducation à la paix – Ah mesdames, il faut venir nombreuses, » répond-il, une expression soudainement triste sur le visage, « ici on est dépassé par nos jeunes ! »
Quelques instants plus tard Marie Lou et moi traversons la cour du collège, surplombée par des barres d’immeubles où logent la plupart des élèves avec leur famille. Trois jeunes garçons, d’une douzaine d’années, nous sont amenés par l’éducatrice spécialisée. Nous sommes bientôt rejoints par Myriam, qui fait aussi partie du groupe, mais qui finissait juste de tresser les cheveux d’une amie !
Nous sommes conduits dans une salle accueillante, de taille réduite, réservée au travail de l’éducatrice qui, dans le cadre d’un Dispositif Nouvelle Chance agréé par l’Education nationale, accompagne des petits groupes d’élèves ayant décroché, pour motifs divers, de la scolarité courante.
Depuis quelques mois deux d’entre nous, engagées avec le programme Education à la paix, viennent une fois par semaine pour contribuer à ce processus, avec nos propres activités.
Nous consacrons trois heures d’affilée à quatre de ces jeunes, différents d’une fois sur l’autre.
En début de séance, nous nous présentons puis nous invitons les enfants à visionner une courte vidéo, intitulée Caméra café, qui se veut drôle mais induit des situations de tensions entre les protagonistes de l’histoire. Nous remettons ensuite à chacun le texte imprimé du scénario pour le relire ensemble, ayant distribué les rôles. Nous constatons chez les jeunes de réels talents d’interprétation. Ils seront prompts, ensuite, à identifier les situations qui génèrent sentiments de violence ou d’injustice.
On en vient à parler de la vie au collège. Les jeunes nous font vite sentir qu’il y a un grand décalage entre les idées de notre programme et ce qu’ils vivent ici. Myriam prend respectueusement la parole ; elle s’exprime dans un français qui m’impressionne pour une fillette de onze ans « en difficulté scolaire » : « Vous savez, la plupart des jeunes ici n’ont pas ce langage que vous tenez. D’ailleurs c’est pas bien d’être ici, nous dit-elle, il y a beaucoup de grossièreté. Et puis, il n’y a pas de solidarité. » « Oui, ajoute un garçon, sur le mur d’entrée on voit liberté égalité fraternité, mais ici on vit pas ça. Et pour se défendre il faut savoir se battre. » Marie Lou acquiesce à l’idée qu’il faut se défendre, que c’est important, mais se défendre veut-il dire nécessairement frapper ? « On se voit pas faisant autrement, Madame, sinon on se ferait traiter de tapettes. Et puis il y a les grands frères qui s’en mêlent quelques fois. » Marie Lou demande : « Est-ce que vous êtes contents que ça marche comme ça ici, qu’on ne crée des relations que par la peur, et que ça devienne une habitude ? » Silence. « Vous voudriez d’un monde où c’est partout comme ça ? – Ben non bien sûr … – Et bien, reprend Marie Lou, je vous assure que pour régler des conflits, il faut être hyper créatifs, hyper intelligents. – Oui mais justement nous on n’est pas vraiment … intelligents. – Qu’est ce que c’est être intelligent ? – C’est … être des intellos. » Et Myriam de nous expliquer que, par exemple, elle n’a pas de bons résultats scolaires. Marie Lou rétorque qu’il y a bien d’autres signes d’intelligence que les résultats scolaires.
Et nos quatre jeunes en seront bien la preuve. Lors d’une séquence de l’animation, une trentaine de photos, représentant des situations ou des objets les plus divers, seront étalées sous leurs yeux. Il leur sera demandé d’en choisir en silence deux chacun : une représentant un objet ou une situation qu’ils aiment, la seconde au contraire quelque chose qui leur déplait.
Les deux choix de Myriam et Kevin seront les mêmes, mais pour des raisons opposées ! Une photo représente quatre vieilles femmes parlant ensemble sur un banc au soleil : Myriam aime cette photo qui lui fait penser à ses conversations avec sa grand-mère, au Maroc. Cette grand-mère qui dit à sa petite fille que même si elle n’aime pas l’école, elle a de la chance d’apprendre à lire et écrire. « J’aime parler avec les vieilles personnes, on apprend toujours des choses intéressantes », insiste Myriam malgré les moqueries de ses camarades que cette scène de vieillards révulse franchement. Ce n’est pas pour rien que Kevin l’a choisie comme le dernier endroit où il voudrait être. « C’est vrai que quelquefois les vieux disent des choses pas intéressantes, dit Myriam, mais ça m’est égal, et dans ce cas là je m’endors à côté d’eux, je me sens en sécurité. » Quant à la scène des amoureux, c’est celle-là qui la révulse : « C’est dégoûtant, c’est violent, j’aurais honte qu’un membre de ma famille me voit dans cette position ! – Ouais, tu dis ça, mais dans quelques années tu changeras d’avis », s’esclaffent les garçons. Et d’ailleurs Kevin ne cache pas du tout que lui rêverait de vivre déjà une histoire amoureuse, c’est pour cela qu’il a choisi cette photo comme sa préférée ! Les choix des autres jeunes seront aussi des occasions d’échanges animés, les images interpellant vivement leurs imaginaires et leur univers émotionnel.
La fin de la séance approche. On distribue à chacun une feuille de papier qui préfigure une lettre qu’il va s’écrire à lui-même. Celle-ci sera ensuite glissée dans une enveloppe sur laquelle sera inscrite l’adresse de l’auteur. Dans un mois nous expédierons les lettres. Marie Lou va d’un garçon à l’autre pour les aider à entrer dans le jeu. La démarche est prise au sérieux. Chacun se concentre dans son coin. Quant à Myriam, elle me confie qu’elle n’est « pas bonne à l’écrit » et me demande si je peux écrire ce qu’elle va me dire. « Mais c’est personnel, c’est secret », lui dis-je. « Je n’ai rien à cacher », rétorque la fillette. Puis elle regarde droit devant elle et après un petit silence me dicte les réponses qu’elle veut donner aux trois questions pré imprimées sur sa feuille : Chère Myriam, … Voilà ce que tu as retenu de l’animation à laquelle tu as participé le … juin au collège : (Réponse de Myriam) ce que je pense de moi-même est plus important que ce que les autres pensent de moi. Je peux régler mes problèmes autrement que par la bagarre.
Voici ce que tu aimerais voir changer dans le collège : (Réponse de Myriam) qu’il y ait moins de grossièreté, plus de respect et que les gens arrêtent d’avoir des préjugés les uns sur les autres d’après les vêtements qu’on porte ou comme on parle.
Voici ce que tu es prête à faire pour aider les choses à changer : (Réponse de Myriam) plutôt que de taper, je parlerai avec les autres pour comprendre la cause du problème. Je serai plus coopérante pour les aider Je ferai comme je sens qui est bien au fond de moi et qui m’apporte la paix. Je devrais être plus concentrée en classe. »
Pardon Myriam de divulguer ainsi tes pensées : j’ai changé ton nom pour préserver l’anonymat. J’ai une grande excuse : faire savoir que dans des milieux difficiles grandissent des enfants comme toi qui ont plein de pépites au fond du cœur et dont l’intelligence vibre déjà très fort à l’interpellation de valeurs qui ne sont pas celles du milieu ambiant. Ton répondant à notre animation justifie tous les efforts entrepris pour mettre au point des programmes d’éducation à la paix dans tous les milieux. Et il constitue un grand message d’espoir!
Nathalie CHAVANNE
Le Programme Education à la Paix, est un des programmes portés par l’Association Initiatives et Changement.
Il met au point des espaces structurés de réflexion et d’expression, où, dans des contextes divers, les jeunes peuvent développer leurs compétences sociales en faveur d’un meilleur vivre ensemble et d’une ouverture à l’initiative citoyenne.
Programme : Education à la paix
Dialoguer, apprendre à vivre ensemble, agir en citoyen.
7 bis, rue des Acacias
92130 Issy-les-Moulineaux
http://www.fr.iofc.org/
par jean | Jan 3, 2013 | ARTICLES, Expérience de vie et relation, Hstoires et projets de vie, Société et culture en mouvement |
Susciter un espace de collaboration dans une entreprise hiérarchisée.
Ingénieur, Faubert travaille depuis quinze ans dans une entreprise de nouvelle technologie.
Quelles sont les caractéristiques de ce milieu professionnel ? « Tout d’abord, c’est un secteur en mouvement, en l’espèce la technologie de l’information. Comment pouvoir accéder à un contenu sous toutes les formes possibles ? Il y a différents médias. On doit pouvoir accéder aux contenus dans ces différents supports : téléphone mobile, télévision connectée, Ipad, PC portable, voiture connectée, maison connectée…
Pour répondre à ce besoin, nous devons développer de nouvelles technologies. Cela requiert de nouveaux types de compétences et nécessite une veille permanente sur les innovations. Le cycle de renouvellement de ces différents supports est assez bref. Dans ce domaine, la concurrence mondiale est très forte. Le mouvement est constant et rapide ».
Comment Faubert a-t-il commencé à travailler dans ce secteur d’activité ?
« J’étais passionné par les technologies. J’ai reçu une proposition pour un travail dans le domaine des technologies de l’information.
J’avais des idées claires sur les tendances des marchés. Mais tout était nouveau pour moi dans le métier où je m’engageais. Je découvrais qu’il y avait des contraintes industrielles qui limitaient ma capacité d’approfondissement. Passant du monde de la recherche au monde industriel, je ressentais des limitations et une certaine frustration. C’est un monde où on apprend différemment.
Et d’autre part, je découvrais l’importance des relations sociales : avec mes collègues, avec mes supérieurs, avec d’autres partenaires industriels ? C’est un éco système complexe. J’ai commencé à réaliser la distinction entre savoir-faire et savoir-être. Dans un secteur où les relations ont une grande importance, le savoir- être est très important.
Dans son travail, Faubert a vécu une expérience concernant l’organisation du travail. Il a pu jouer un rôle innovant.
« J’ai constaté que la structure des entreprises françaises est très hiérarchisée. En France, ceux qui dirigent, viennent de formations prestigieuses : Polytechnique, Normale Sup, ENA, HEC… Beaucoup d’entre eux n’ont pas cheminé comme la majorité des travailleurs. Ils ont peu d’expérience de terrain : une certaine durée dans le temps pour intégrer la réalité professionnelle. Certains paraissent parachutés. Beaucoup d’entre eux ont le sentiment de tout savoir puisqu’ils sont les meilleurs. Pour eux, être intelligent, c’est réfléchir rapidement et trouver très vite des solutions. Mais si cela peut valoir dans les études, dans le monde professionnel, la réalité est différente. Car, dans cette réalité, les relations sociales sont très importantes. Dans ce système, tout vient d’en haut. Et il y a une sorte de mimétisme par lequel ce modèle se propage à tous les niveaux. Une évolution commence à se manifester. En marge de ce système dominant,apparaissent de nouvelles formes d’entreprise où le management est moins hiérarchisé : Google, Facebook… »
Comment faire évoluer la manière de travailler dans ce contexte très hiérarchisé ?
« A l’époque, accédant à une rôle de manager , j’espérais peser dans les décisions et pouvoir diriger librement mon équipe. J’ai été confronté rapidement à la réalité de ma direction et dans ce contexte, j’ai ressenti que j’étais seulement le porte-parole de celle-ci. J’avais très peu de marge de manœuvre. Aussi, j’étais déçu dans l’exercice de ma nouvelle fonction. En parallèle, je souhaitais quand même ouvrir un espace de liberté au sein de mon équipe.
J’ai agi en conséquence. J’ai formé un noyau de trois personnes pendant deux ou trois ans aussi bien sur le métier et sur le savoir-être. Je les ai aidé à bien comprendre le cycle de développement d’un produit. D’autre part, j’ai développé une relation confiante entre ce noyau et moi. J’ai voulu leur permettre d’avoir un sens critique. Qu’ils puissent me confier ce qui n’allait pas dans le service : cela pouvait être en rapport avec moi, avec l’équipe ou avec l’entreprise. C’était aussi leur donner la possibilité de faire des propositions et d’en parler ensemble. Pour moi, ce qui était important, c’est que chacun puisse s’exprimer. Certes, les propositions n’étaient pas toujours retenues, mais les choix, qui étaient faits en tenant compte des contraintes de l’entreprise, étaient expliqués. L’équipe a grandi dans ce mode de relation et cela a engendré un sens de la responsabilité beaucoup plus grand chez mes collègues, et parallèlement une vraie autonomie.
Cette période a été enthousiasmante, mais très difficile. Je voyais le fruit de ce travail de formation, mais je subissais de fortes pressions de ma direction. On m’imposait des décisions qui ne correspondaient pas à la réalité. Je devais m’adapter, essayer de trouver un compromis entre ces décisions imposées d’en haut et la réalité de l’équipe. Il n’y avait pas de possibilité de retourner un feedback vers la direction. Cela suscitait chez moi de la souffrance. Cela m’épuisait ».
Après cette période de recherche et d’innovation sociale, comment la situation a-t-elle évolué ?
« Tout simplement, il y a eu des résultats très positifs au sein de mon équipe qui ont permis à la direction de me donner plus d’autonomie. La direction a perçu une très forte implication de mon équipe. Petit à petit, j’ai gagné une marge de liberté. J’avais réussi à ce que mon équipe soit motivée et responsable. Cela se voyait à l’extérieur. Nous réalisions une activité beaucoup plus grande en volume et en qualité que celle qui advenait dans d’autres groupes de l’entreprise.
Plus on avançait dans le temps, plus l’ensemble de l’équipe prenait des responsabilités. Ce n’était plus seulement le noyau qui était particulièrement actif. Tous les collègues étaient également impliqués. Pour que cela se passe, il fallait partager l’information. Chaque collègue était informé sur l’ensemble des activités et des projets. Dans cette période de transition, le noyau a perdu son privilège, mais, en même temps, son périmètre s’est étendu, car les responsabilités de ses membres se sont accrues, par exemple à travers des délégations. Une confiance réciproque s’est instaurée.
Récemment, il y a eu un changement de direction dans mon entreprise. Le nouveau directeur a essayé de comprendre les manières de fonctionner. A ce moment là, il m’a fallu constamment expliquer, convaincre pour qu’il se fasse sa propre opinion. Dans ce travail d’explication, mon équipe a été en première ligne. L’aventure se poursuit ».
Où Faubert a-t-il puisé la force d’aller ainsi à contre-courant pour réaliser cet espace de liberté et ce climat de confiance ?
« Dans tout cet itinéraire, j’ai été inspiré par des valeurs chrétiennes. Face à la pression que j’ai rencontrée, face à la nécessité de gérer ce grand écart, j’avais le choix entre deux attitudes : soit démissionner, soit poursuivre l’approche que j’avais engagée. Au fond de moi-même, j’étais convaincu que l’approche, que j’avais adoptée, était juste, mais, à ce moment là, je ne pouvais pas l’expliciter. Je savais simplement au fond de moi-même que, dans les difficultés, je pouvais beaucoup apprendre et également grandir. En parallèle, j’ai senti en moi une force pour supporter les grandes pressions auxquelles j’étais confronté. Je subissais de grands stress avec quelques conséquences physiques, mais j’avais la force de continuer mon œuvre. S’il y avait ainsi en moi cette force de continuer, c’est parce que je pensais que le travail que je réalisais, était juste. Cette pensée me donnait de la force. Quand je repense aujourd’hui à cette période qui a duré plusieurs années, je me dis : comment ai-je pu faire ? Je me rend compte que Dieu a agi en moi et m’a transformé en me permettant de m’affirmer, par exemple en étant capable de dire non, le cas échéant.
J’ai vu les fruits de mon travail dans le développement d’un climat de confiance au sein de mon équipe. Aujourd’hui, je suis en meilleure position par rapport à la direction pour pouvoir faire passer des messages. M’exprimant en vérité, je me sens de plus en plus en paix.
Contribution de Faubert.
par jean | Oct 21, 2012 | ARTICLES, Société et culture en mouvement |
Des raisons d’espérer.
Jean-Claude Guillebaud : Une autre vie est possible
Ce livre commence par un témoignage qui porte. En effet, grand reporter au « Monde », Jean-Claude Guillebaud a été confronté à de grandes catastrophes. Mais il n’a pas succombé à la tentation du désespoir. Il n’a pas baissé les bras. « Du Biafra (1969) à la Bosnie (1994), j’ai vu mourir et s’entretuer les hommes. En toute logique, cet exil consenti dans les tragédies du lointain aurait du faire de moi un tourmenté sans illusion sur la nature humaine… On attend de moi des propos sombres, voire un dégoût de la vie… Ce n’est pas le cas… Mon optimisme n’a pas « survécu » aux famines éthiopiennes, aux assassinats libanais ou aux hécatombes du Vietnam. Tout au contraire, il leur doit d’exister. Quand je me remémore ces années là, c’est l’énergie des humains, l’opiniâtreté de leur espérance, l’ardeur de leurs recommencements qui me viennent en tête… Des hommes continuaient à penser qu’au delà des souffrances et des dévastations, un demain demeurait possible. A cette espérance droite et forte s’ajoutait une solidarité instinctive, un réflexe d’entraide qui en était à la fois la cause et la conséquence » (p 22-23). Présumons que si l’auteur a su voir cette face de la vie, c’est que son regard était bien disposé pour le reconnaître. Aujourd’hui, sa réflexion s’est approfondie et il évoque pour nous des raisons d’espérer.
La manière dont nous vivons dépend largement de nos représentations. L’auteur évoque le concept de « représentations collectives » formulé par Emile Durkheim. Et pour lui, ces représentations collectives consistent en des convictions. « Elles appartiennent au registre de la croyance dans une acception large du terme » (p 110). Et c’est pourquoi dans les raisons d’espérer, nous reprendrons ici en premier la pensée de l’auteur. Dans le chapitre consacré à la vision du futur telle qu’elle apparaît dans la Bible hébraïque et chez les prophètes juifs. « Souviens-toi du futur ! », cette injonction est empruntée au quatrième commandement (Deutéronome 25. 17-19). « Se rappeler le futur, c’est ne pas oublier que nous sommes en chemin vers lui, en marche vers un avenir dont nous pensons qu’il sera meilleur » (p 165). « Ainsi l’espérance a une histoire. Et l’histoire elle-même a une histoire ». D’une certaine manière, elle se fonde sur la parole des prophètes juifs. « Le messianisme des prophètes a brisé net avec la représentation circulaire du temps des grecs et des orientaux… L’histoire des hommes ne doit plus se vivre comme calquée sur la circularité du cosmos. Elle s’enracine dans un passé, une mémoire, une tradition et se déploie vers un futur, un projet, un dessein individuel ou collectif » (p 166) ». De l’adaptation au monde postulée par les diverses formes de la sagesse grecque, on passe à une action volontaire pour réparer le monde. Ce dernier a une histoire. La méchanceté qu’il porte en lui n’est ni fatale, ni inguérissable. La tâche des humains est de ne plus abandonner le monde aux méchants, c’est à dire aux plus forts et aux plus riches » (p 167). Jésus déclare heureux ceux qui placent au centre de leur vie le souci de la justice ». L’espérance chrétienne s’inscrit dans le sillage de la Bible juive. Dans la religion instituée, elle a souvent été négligée sous l’influence de l’installation de l’Eglise dans l’empire terrestre ou d’une évasion de l’âme inspirée par la philosophie grecque. Ainsi, sans la citer, la pensée de Jean-Claude Guillebaud rencontre celle de Jürgen Moltmann dans sa refondation d’une théologie de l’espérance (1). Jürgen Moltmann, comme l’auteur, se référent au « maître livre » du philosophe Ernst Bloch, « Le principe espérance » (p 16). Le concept laïque de progrès théorisé par Condorcet dans son « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain » (1975) s’inscrit dans une conception de l’histoire qui va du passé à l’avenir. Par la suite, une dérive est intervenue. « Le concept d’histoire a été absolutisé… Le messianisme originel a été travesti par le communisme qui a engendré la violence et les massacres qui en ont résulté ». Il y a bien une « tentation de l’impatience ». Au contraire, l’espérance chrétienne fait toute sa place à l’attente » (p173).
Cette attente implique un sens de l’écoute et de l’observation. Et aujourd’hui, cette disposition d’esprit nous permet de percevoir la grande mutation dans laquelle nous sommes engagés. « Un changement radical est bel et bien à l’oeuvre, un de ces basculements comme il s’en produit une ou deux fois par millénaire, et peut être moins souvent encore… » (p 121). Jean-Claude Guillebaud est bien placé pour nous en parler, car, au milieu des années 1980, quittant le journalisme pour devenir éditeur et s’occuper de sciences humaines, il a voulu analyser, l’une après l’autre, les mutations bien réelles qui nous « embarquent » (p 121). Ainsi a-t-il écrit huit livres à ce sujet. « De 1995 à 2012, ces dix sept années de travail, de lecture et d’écriture m’ont convaincu d’une chose : la métamorphose que nous vivons est prodigieuse » (p 121). Et, comme les transmutations en cours sont porteuses à la fois de menaces et de promesses, « notre devenir dépend de notre discernement, puis de notre détermination… L’avenir, en somme, a besoin de nous… Nous sommes appelés à une espérance engagée » (p 122).
Si les mutations en question se mêlent, et, invisiblement, se conjuguent, Jean-Claude Guillebaud en dénombre cinq : « Une mutation géopolitique : le décentrement du monde ; une mutation économique : la mondialisation ou globalisation ; une mutation qui touche à la biologie : le pouvoir d’agir directement sur les mécanismes de la vie ; une mutation induite par les technologies les plus avancées : la révolution numérique ou informatique ; et enfin la prise de conscience écologique. « Partout, autour de nous, un monde germe » et comme l’auteur intitule ce chapitre, « cet autre monde respire déjà ».
C’est le moment de voir plus grand, plus loin, d’inscrire notre réflexion dans la longue durée. Nous pourrons alors percevoir des évolutions positives, et, à partir de là, adopter un regard nouveau et évaluer différemment les situations. Ainsi, nous dit l’auteur, contrairement à ce qu’on peut imaginer à partir du bruit médiatique, les historiens nous montrent que le niveau de violence n’a cessé de diminuer dans nos sociétés » (p 191).
Et les démentis apportés au « paradigme du pessimisme », à « l’inespoir dominant », ne viennent plus seulement des milieux « humanistes ». « Ils prennent source sur le terrain des sciences expérimentales ». « Quantité d’universitaires et de chercheurs s’intéressent aujourd’hui à des expériences qui remettent en cause la vision pessimiste des institutions humaines. Des réalités jamais prises en compte auparavant sont aujourd’hui examinées de près, y compris de manière scientifique ; plaisir de donner, préférence pour l’action bénévole, choix productif de la confiance, dispositions empathiques du cerveau, stratégies altruistes, importance du don dans le fonctionnement de l’économie… » (p 203). Nous rejoignons la pensée de Jean-Claude Guillebaud puisque ces recherches ont souvent été présentées dans ce blog : « Vivre et espérer » (2), notamment le livre de Jérémie Rifkin sur l’empathie et celui exprimant sa vision d’une nouvelle économie, le livre de Jacques Lecomte sur la bonté humaine ou encore la réflexion de Michel Serres dans « Petite Poucette »… Et nous partageons la même vision que l’auteur lorsqu’il écrit : « A l’intérieur d’un groupe humain, la confiance partagée est plus productive que la défiance généralisée… Le meilleur atout dont puisse disposer une économie nationale, c’est la cohésion sociale. Or cette dernière est rendue possible grâce à deux ingrédients immatériels : un sentiment de justice et un degré minimal de confiance. L’un comme l’autre sont inatteignables des lors que prévaut une vision dépréciative de l’être humain » (p 206).
Jean-Claude Guillebaud se confronte aux réalités de notre temps. Il ne méconnaît pas les dangers. Mais il reprend en conclusion un vers de Friedrich Holderlin : « Quand croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». « Pour une communauté comme pour un individu, l’espérance n’est pas seulement reçue, elle est décidée » (p 214).
Une vision à partager
Plaidoyer passionné pour l’espérance, ce livre nous apporte également un éclairage visionnaire, car l’espérance n’est pas seulement mobilisatrice, elle ouvre le regard.
Jean-Claude Guillebaud nous propose un horizon pour notre devenir social. Pour nous, cette approche rejoint sur beaucoup de points celle du théologien de l’espérance, Jürgen Moltmann auquel nous avons souvent recours sur ce blog : Vivre et espérer.
Jean-Claude Guillebaud évoque le pessimisme qui règne dans certains milieux. Cet état d’esprit traduit un désarroi collectif. Mais cette inquiétude est-elle seulement un effet de la crise du progrès ? Ne traduit-elle pas aussi un trouble existentiel, avoué ou non, en rapport avec une incertitude sur la destinée personnelle ? Quoiqu’il en soit, pour nous, pour d’autres, une espérance qui se limiterait à animer une démarche sociale et politique n’est pas suffisante.
Nous avons exprimé cette pensée dans une forme poétique :
« O temps de l’avenir, brillante cité terrestre
A quoi servirait-il que nous te construisions
Si nos yeux devaient à jamais mourir
Et dans les cimetières nos corps pourrir
Comme tous ceux qui sont morts avant nous…
A quoi serviraient-ils les lendemains qui chantent
Si tous vos cimetières recouvraient la terre… » (3)
Ainsi, pour nous, l’espérance requiert un fondement qui nous permette de la vivre à la fois sur un registre personnel et dans une vision collective. La théologie de l’espérance selon Jürgen Moltmann répond à ces questionnements en proclamant, en Christ ressuscité, la victoire de la vie sur la mort : « La théologie de la vie doit être le cœur du message chrétien en ce XXIè siècle. Jésus n’a pas fondé une nouvelle religion. Il a apporté une vie nouvelle dans le monde et aussi dans le monde moderne. Ce dont nous avons besoin, c’est une lutte partagée pour la vie, la vie aimée et aimante, la vie qui se communique et est partagée, en bref la vie qui vaut d’être vécue dans cet espace vivant et fécond de la terre » (4).
Ainsi l’espérance nous permet d’envisager notre existence personnelle et celle des autres humains, comme une vie qui ne disparaît pas avec la mort (5) et donc qui peut être perçue aujourd’hui en terme « de commencements en recommencements (9). Et, dans le même mouvement, nous sommes appelés à participer dans l’espérance à la mutation sociale et culturelle dans laquelle nous sommes engagés. Nous suivons le fil conducteur de l’Esprit : « L’ « essence » de la création dans l’Esprit est la « collaboration » et les structures manifestent la présence de l’Esprit dans la mesure où elles manifestent « l’accord général » (6).
C’est dans cette inspiration que nous lisons le livre de Jean-Claude Guillebaud. Il y a dans cet ouvrage un mouvement de vie, une dynamique où la réflexion et le vécu sont associés. « L’espérance est lucide, mais têtue. J’y repense chaque matin à l’aube, quand je vois rosir le ciel au dessus des toits de Paris ou monter la lumière derrière la forêt, chez moi, en Charente… L’espérance a partie liée avec cet infatigable recommencement du matin. Elle vise l’avenir, mais se vit aujourd’hui… » (p 15). Ce livre nous entraîne. Il éclaire notre chemin. Ensemble, nous pouvons partager cette vision : « Une autre vie est possible ».
Jean Hassenforder
Suite de :
Quel avenir pour le monde et pour la France ? / 1 : Choisir l’espérance, c’est choisir la vie.
Quel avenir pour le monde et pour la France ? / 2 : La montée du pessimisme et de la négativité.
(1) La vie et la pensée de Jürgen Moltmann : « Une théologie pour notre temps » http://www.temoins.com/etudes/une-theologie-pour-notre-temps.-l-autobiographie-de-jurgen-moltmann/toutes-les-pages.html La pensée théologique de Jürgen Moltmann est présenté sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » http://www.lespritquidonnelavie.com/
(2) Sur ce blog : « la force de l’empathie » https://vivreetesperer.com/?p=137 . « Face à l’avenir. Un avenir pour l’économie. La troisième révolution industrielle » https://vivreetesperer.com/?p=354 « La bonté humaine » https://vivreetesperer.com/?p=674 « Une nouvelle manière d’être et de connaître . « Petite Poucette » de Michel Serres » https://vivreetesperer.com/?p=820. Le magazine : Sciences humaines a présenté la prise en compte des orientations positives dans les recherches actuelles. « Quel regard sur la société et sur le monde » https://vivreetesperer.com/?p=191
(3) Sur ce blog : « les malheurs de l’histoire . Mort et résurrection » https://vivreetesperer.com/?p=744
(4) « Sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : « la vie contre la mort » http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=841
(5) Sur ce blog : « Une vie qui ne disparaît pas » https://vivreetesperer.com/?p=336 « Sur la terre comme au ciel » https://vivreetesperer.com/?p=338
(6) Citation (p 25) extraite du livre : Moltmann (Jürgen). Dieu dans la création . Traité écologique de la création, Seuil, 1985. Sur ce blog : « Dieu suscite la communion ». https://vivreetesperer.com/?p=564.