Je suis entré à facebook, il y a quelques années, en 2011. Comment cette activité s’est-elle développée et comment se déroule-t-elle aujourd’hui ? Quel rôle joue-t-elle actuellement dans mon existence quotidienne ? Quelles sont les convictions et les valeurs qui m’inspirent dans la participation à ce réseau ? Quel bilan puis-je établir aujourd’hui ? C’est un essai d’observation en vue de partager mon expérience.
Qu’est ce qui m’a incité à m’inscrire à facebook ? Il y avait un désir de relation. Et, comme je venais de créer un blog : Vivre et espérer, j’avais le désir d’en partager les expressions. Bref, ma motivation, c’était un désir de dialogue et de partage. Ma pratique facebook a-t-elle répondu à ce besoin ?
Aujourd’hui, en septembre 2017, avec qui suis-je en contact ? Si je compte 220 « amis », je puis répartir en trois groupes l’origine des messages que je reçois.
Dans un premier groupe, il y a des relations qui s’expriment plus familièrement et qui communiquent facilement au sujet des évènements de leur vie quotidienne. Dans ce groupe, il y a quelques personnes que je connais personnellement. Il y aussi des relations qui se sont ajoutées au cours du temps. L’implication est plus ou moins directe. Ces expressions portent sur le ressenti de la vie quotidienne. Elles apportent de la fraicheur et éveillent la sympathie. On peut parfois y percevoir un appel. Ce sont souvent de belles et bonnes choses qui sont partagées : la vie de famille, des goûts de nature, des intérêts artistiques, et plus avant, des convictions. Facebook appelle à souhaiter les anniversaires. Ce peut être un geste conventionnel. Pour ma part, par rapport aux amis que je connais personnellement, j’essaie, à chaque fois, d’exprimer ce que je ressens en profondeur. Au total, il y a là une forme de convivialité à partir de laquelle le terme ambitieux d’ « ami » peut se trouver plus ou moins validé.
Le deuxième groupe est composé de relations qui interviennent dans le champ social, politique, intellectuel et religieux, pour moi, chrétien en l’occurrence. La communication qui en résulte m’apporte des réflexions et des informations qui sont très précieuses pour mon entendement.
Au cours du temps, il s’y est ajouté un ensemble de médias très variés qui forment un troisième groupe. Il s’y ajoute le partage d’articles et de vidéos par des personnes avec qui je suis en relation. Ces ressources couvrent de nombreux domaines, entre autres, l’actualité politique. C’est à travers facebook et, plus généralement, sur internet que j’ai suivi la campagne présidentielle en allant directement aux sources. Cette information a également une dimension internationale et j’ai pu suivre ainsi des évènements de la vie politique anglaise et américaine. En fonction de mon inclination, je suis également bien informé des pratiques innovantes dans le domaine écologique.
Au total, on apprend beaucoup. Il ne se passe pas une semaine sans que je trouve sur facebook plusieurs textes ou vidéos qui sont pour moi des apports originaux auquel je n’aurais pas eu accès sans cette fréquentation. Ces apports peuvent être à l’origine d’articles sur mon blog (1). Et pour d’autres, moins conséquents, je les partage sur mon journal pour en accroitre la diffusion et les mémoriser. C’est un choix qui se reproduit plusieurs fois par semaine (2). Cependant, en contrepartie, on doit prendre garde de ne pas se laisser fasciner par cette proposition incessante, par ce flux abondant, constamment renouvelé.
Pour ma part, je suis venu et je viens sur facebook dans un désir de participation et non de consommation. Alors qu’est-ce que je partage sur mon journal ? J’y partage des textes renvoyant aux articles sur les blogs et sites où j’interviens : Vivre et espérer ; L’Esprit qui donne la vie ; Témoins. Je reprends fréquemment, pour les partager des vidéos et des textes appréciés dans la fréquentation de mon mur. Et, par ailleurs, je me suis constitué une collection de photos issues de sites flickr. J’y puise régulièrement pour partager une photo belle et signifiante.
Je viens à Facebook dans le désir d’apporter une contribution positive qui est aussi l’expression d’une conviction profonde, une contribution positive exprimant un désir de partage. De la même façon, tout en veillant à l’authenticité de mon expression, je clique abondamment sur la mention : j’aime, et parfois même j’adore. Et bien sûr, je m’attriste parfois aussi. Je joins également des commentaires exprimant approbation, sympathie et encouragement. Manifester de l’empathie, exprimer de la bienveillance, c’est contribuer à un état d’esprit positif, à un climat de confiance. Par les uns et par les autres, à travers Facebook, nous pouvons également accéder à des campagnes pour peser en faveur de causes sociales ou écologiques. Je participe à certaines.
Sur Facebook, des opinions différentes s’expriment. Parfois j’entre en dialogue. Mais je ressens les limites pour la réalisation d’un dialogue construit. La dimension des commentaires rend difficile l’expression d’un point de vue nuancé. Et l’on rencontre parfois des opinions abruptes et passionnées. Aller plus avant demanderait beaucoup de temps. Par ailleurs, il y a des lieux où la violence affleure. Je cherche à ne pas entrer dans ces confrontations. Lorsqu’il me semble que la réception est possible, j’essaie un commentaire réfléchi.
Je ne suis pas expert dans l’usage d’internet. Je n’utilise pas pleinement le potentiel de facebook, et, par exemple, la messagerie. Je sais aussi l’existence de groupes. Depuis peu, je fréquente : « La paix, ça s’apprend » et « TranscendArts ». J’y découvre positivement une réception accueillante. Des contacts peuvent se présenter. Je vais poursuivre mon exploration. J’ai donc beaucoup à apprendre.
Si maintenant, je fais le point sur la manière dont j’ai pu réaliser mes intentions initiales, le bilan est mitigé . Si il y a parfois de nouvelles rencontres, globalement, je ne me suis pas engagé en profondeur dans des relations amicales nouvelles. Les affinités ne sont pas là nécessairement. Mes limites m’incitent à la prudence. Mais je n’ai pas non plus trouvé une grande audience pour les productions du blog que j’anime. Si mon public est assez nombreux et varié, il m’arrive de m’interroger sur la capacité d’écoute de mes « amis ». Ne vient-on pas parfois sur facebook pour s’exprimer plutôt que pour entendre ce que les autres ont à vous dire ? Je puis m’interroger moi aussi sur mon attitude. Certes il faut compter sur le souhait de chacun de ne pas s’engager dans une pratique trop couteuse en temps dans le rapport avec des propositions qui paraissent trop éloignées des vôtres. Mais pourquoi y a-t-il parfois si peu d’écho pour de simples expressions de beauté et de bonté ? Les chemins se croisent sans toujours se rencontrer. Cela peut être ressenti comme une source de frustration.
Cependant, il y a un autre aspect du bilan qui lui, est très, trèspositif. J’ai beaucoup appris à travers facebook. Aujourd’hui, c’est pour moi une source d’information essentielle. A travers facebook, je peux non seulement suivre l’actualité, mais trouver des ressources originales auxquelles je n’aurais pas accès sans ce potentiel qui s’offre à moi. Et puis, je bénéficie de la tonalité positive que me renvoie en général cet ensemble d’ « amis » avec lesquels je suis associé. Cette tonalité tient pour beaucoup au cadre bienveillant que Facebook nous propose avec l’intention de susciter sympathie et dialogue comme en témoigne les mentions mises à notre disposition. C’est le choix dominant entre le « j’aime » et l’abstention. En dehors des commentaires où une hostilité peut s’exprimer , les promoteurs ont exclu toute réaction exprimant un rejet. J’apprends aussi la diversité des réactions pour les prendre en considération et y réfléchir. Au total, c’est une éthique dupositif. J’apprécie ce choix de la bienveillance (3). Ainsi globalement, Facebook induit de la convivialité, une convivialité qui se traduit parfois uniquement par un voisinage, mais un bon voisinage.
Quoiqu’il en soit, grâce à Facebook, je puis être « citoyen » du net, témoin de mon espérance. Je puis adopter une attitude qui se veut empathique, bienveillante, encourageante ; et mon désir, c’est d’aller plus loin dans le partage. Au total, plus je fréquente Facebook, plus je me rend compte combien ce réseau compte pour moi.
(2) Quelques messages issus de facebook retransmis en partage à travers mon journal facebook : °15 septembre 2017. Une prière formulée par Pierre LeBel lors d’un concert organisé pour célébrer le 10è anniversaire de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. °14 sept. Une approche pour aider les couples à vivre unis. Avec Vincent Hulin, Imago au Bénin (vidéo). °13 sept. Michèle Jeunet sur la douceur de Jésus dans l’Evangile de Matthieu (11.28-30). 9 sept. °Jean Viard, sociologue engagé, présente l’économie circulaire (Vidéo). ° 9 sept. Jean-Michel Blanquer assure une aide aux devoirs au sein même des établissements scolaires (vidéo). ° 9 sept. A Bogota, le pape François met en valeur la culture de la rencontre familière aux jeunes. _° 8 Sept. Magnificence des fleurs poussant dans le désert d’Atacama (vidéo). ° 6 sept. Cantique à Ouagadougou (vidéo). ° 6 sept. La ferme du Bec Hellouin, pionnière en permaculture (vidéo). ° 6 sept. Une vision de la nouvelle économie par Nicolas Hulot (vidéo)… Lien avec mon journal facebook : https://www.facebook.com/jean.hassenforder?ref=tn_tnmn
Face à nos questions existentielles, une théologie pour la vie en dialogue avec la culture contemporaine
Aujourd’hui, dans la lignée de ses nombreux ouvrages , le nouveau livre de Jürgen Moltmann publié par le Conseil Œcuménique des Eglises, s’intitule : « The living God and the fullness of life » (Le Dieu vivant et la plénitude de vie ») (1). Comme le souligne un commentateur, James M Brandt (2), Moltmann poursuit son projet théologique : mettre en valeur la réalité du Dieu vivant et montrer ce à quoi la vie humaine ressemble lorsqu’elle prend forme dans une rencontre avec le Dieu d’Israël et Jésus-Christ. Brandt rappelle à cette occasion la place occupée par Jürgen Moltmann dans la théologie chrétienne depuis les années 60. « Dans ces années là, de pair avec Wolfhart Pannenberg, Moltmann a développé une théologie de l’espérance en mettant l’eschatologie au centre de la pensée et de la vie chrétienne et en participant significativement à la construction d’une théologie de l’engagement politique, particulièrement la théologie de la libération. En 1972, son livre : « Dieu crucifié » a fait progresser la théologie de la croix développée par Luther en affirmant combien la souffrance de Dieu est primordiale pour comprendre qui est Dieu. L’œuvre de Moltmann sur le Saint Esprit et sur le Dieu trinitaire a été une grande contribution au renouveau de la pneumatologie et de la pensée trinitaire. Un seul de ces apports aurait suffi à nous permettre de percevoir Moltmann comme un géant de la théologie, ajoute Brandt. Toutes ces contributions font peut-être de lui, le théologien le plus important de notre époque ».
Alors que la plupart des ouvrages précédents traitaient d’une grande question théologique, « The living God and the fullness of life » est davantage un livre de synthèse qui cherche à répondre aux questions existentielles de l’homme contemporain à partir des acquis d’une recherche fondamentale. L’auteur s’adresse en premier à un public marqué par une culture moderne qui ferait appel à « des concepts humanistes et matérialistes » de la vie, une culture dans laquelle Dieu serait absent. Cette vie sans transcendance engendre un manque et induit ce que Moltmann appelle une « vie diminuée ».
Si une forme de christianisme a pu apparaître comme un renoncement à une vie pleinement vécue dans le monde, Moltmann nous présente au contraire un Dieu vivant qui suscite une plénitude de vie. Dieu n’est pas lointain. Il est présent et agissant. « Avec Christ, le Dieu vivant est venu sur cette terre pour que les humains puissent avoir la vie et l’avoir en abondance (Jean 10.10). Moltmann nous propose une spiritualité dans laquelle « la vie terrestre est sanctifiée » et qui se fonde sur la résurrection du Christ. Dans la dynamique de cette résurrection, « L’horizon de l’avenir, aujourd’hui assombri par le terrorisme, la menace nucléaire et la catastrophe environnementale, peut s’éclairer. Une lumière nouvelle est projetée sur le passé et ceux qui sont morts. La vie entre dans le présent pour qu’on puisse l’aimer et en jouir… Ce que je désire, écrit Moltmann, c’est de présenter ici une transcendance qui ne supprime, ni n’aliène notre vie présente, mais qui libère et donne vie, une transcendance par rapport à laquelle nous ne ressentions pas l’envie de lui tourner le dos, mais qui nous remplisse d’une joie de vivre » (p X-XI).
Ce livre se développe en trois mouvements.
Dans le premier, en introduction, Moltmann décrit le visage du monde moderne tel qu’il est issu de l’époque des Lumières dans une diversité de trajectoires selon les histoires nationales. Et il entre en dialogue avec deux penseurs de cette période : Lessing et Feuerbach, critiquant ainsi les racines de l’agnosticisme et de l’athéisme contemporain.
Mais à quel Dieu pouvons-nous croire ? La représentation de Dieu telle qu’elle ressort de l’expression des mentalités et de la réflexion des théologiens a une influence considérable sur notre pensée et sur notre vie. En proclamant un Dieu vivant, le Dieu de l’Exode et de la Résurrection, Moltmann réfute l’image d’un Dieu lointain, mais nous présente au contraire un Dieu qui s’implique en notre faveur. Dans ce second mouvement, en première partie, le livre nous introduit dans la compréhension de ce que la Bible veut nous dire par l’expression : « Le Dieu vivant » (« The living God ». L’auteur se propose de « libérer le Dieu d’Israël et Jésus-Christ de l’emprisonnement des définitions métaphysiques qui sont issues de la philosophie grecque et de la conception religieuse des Lumières » (p XI). Elle interpelle une conception de Dieu immuable, impassible, dominatrice qui fait obstacle à un engagement aimant et libérateur de Dieu dans l’humanité.
Dans un troisième mouvement, en deuxième partie, le livre porte sur le déploiement et l’épanouissement de la vie humaine dans la vie de Dieu. « Mon but est de montrer comment une plénitude de vie (fullness of life) procède du développement de la vie humaine dans la joie de Dieu, dans l’amour de Dieu, dans le vaste espace de la liberté de Dieu, dans la spiritualité des sens et dans une puissance imaginative et créative de la pensée qui traverse les frontières » (p XI). Les deux-tiers de l’ouvrage sont ainsi consacrés à des chapitres qui viennent éclairer notre existence : la vie éternelle dans la communion avec la vie divine ; celle des vivants et des morts ; la communion de la terre ; la vie dans le grand espace de la joie en Dieu ; la liberté vécue dans la solidarité ; la liberté vécue dans une société ouverte ; la vie aimée et aimante ; une spiritualité des sens : espérer et penser ; la vie, une fête sans fin. C’est toute la vie humaine qui est concernée.
Ecrit à l’intention d’un vaste public, ce livre nous paraît néanmoins particulièrement dense, notamment dans son argumentation philosophique. C’est pourquoi dans cette mise en perspective, il est exclu d’en rendre compte d’une façon linéaire et exhaustive. Ainsi faisons-nous le choix de nous centrer sur le chapitre qui ouvre le troisième mouvement : la vie éternelle.
La vie éternelle
La vie éternelle ne tourne pas le dos à la condition terrestre de l’homme, mais elle l’anime. Elle ne s’adresse pas à des individus qui seraient polarisés sur le salut de leur âme. Elle s’inscrit dans un univers interrelationnel. « L’être humain n’est pas un individu, mais un être social… Il meurt socialement lorsqu’il n’a pas de relations » (3). Ainsi, selon Moltmann, le vie éternelle s’inscrit dans trois dimensions : « Comme enfants de Dieu, les êtres humains vivent une vie divine. Comme parents et enfants, ils s’inscrivent dans la séquence des générations humaines. Comme créatures terrestres, ils vivent dans la communauté de la terre » (p 73). Dès lors, le chapitre s’articule en trois parties : « In the fellowship of the divine life » (Dans la communion de la vie divine) ; « In the fellowship of the living and of the dead » (Dans la communion entre les vivants et les morts » ; « In the fellowship of the earth » (Dans la communion avec la terre)
Dans la communion de la vie divine
« On entend dire que la vie sur terre n’est rien qu’une vie mortelle et finie. Dire cela, c’est accepter la domination de la mort sur la vie humaine. Alors cette vie est bien diminuée. Dans la communion avec le Dieu vivant, cette vie mortelle et finie, ici et maintenant, est une vie interconnectée, pénétrée par Dieu et ainsi, elle devient immédiatement une vie qui est divine et éternelle » (p73). « La vie humaine est enveloppée et acceptée par le divin et le fini prend part à l’infini. La vie éternelle est ici et maintenant. Cette vie présente, joyeuse et douloureuse, aimée et souffrante, réussie ou non, est vie éternelle. Dans l’incarnation du Christ, Dieu a accepté cette vie humaine. Il l’interpénètre, la réconcilie, la guérit et la qualifie pour l’immortalité. Nous ne vivons pas simplement une vie terrestre, ni seulement une vie humaine, mais nous vivons aussi simultanément une vie qui est remplie par Dieu, une vie dans l’abondance (Jean 10.10)… Ce n’est pas la foi humaine qui procure la vie éternelle. La vie éternelle est donnée par Dieu et elle est présente dans chaque vie humaine, mais c’est le croyant qui en a conscience. On la reconnaît objectivement et subjectivement, on l’intègre dans sa vie comme la vérité. La foi est une joie vécue dans la plénitude divine de cette vie. Cette participation à la vie divine présuppose deux mouvements qui traversent les frontières : l’incarnation de Dieu dans la vie humaine et la transcendance de cette vie humaine dans la vie divine… » (p74).
« La Parole est devenue chair et elle a habité parmi nous…et nous avons contemplé sa gloire » (Jean 1.14). « La Parole a pris notre condition humaine fragile, corruptible, mortelle. Ce qui a été pris par Dieu est guéri de tout ce qui le séparait de lui. L’incarnation de Dieu en Christ est un miracle de guérison de portée universelle pour l’humanité et pas pour l’humanité seulement » (p 74). « L’incarnation a également uns signification, une dimension cosmique » (« Jean-Paul II).
Et, par ailleurs, l’Esprit de Dieu est venu résider dans l’humanité. « Votre corps est le temple du Saint Esprit. Aussi glorifiez Dieu dans votre corps » (1 Corinthiens 6.19-20). Alors, dans les êtres humains, dans leurs esprits (Rom 8.15), dans leurs cœurs (Rom 5.5) et même dans leurs corps, on trouve la puissance de la vie divine. Dans leur être fini, imparfait et mortel, réside ce qui est infini, parfait et immortel, ce qu’on appelle l’Esprit de Dieu ». « Comme Karl Rahner, nous dit Moltmann, « on peut voir là une « auto-transcendance » de l’existence humaine, qui est une conséquence de l’auto-immanence de l’Esprit dans l’existence humaine » ( p 75).
Jürgen Moltmann nous ouvre ainsi un grand horizon : « Nous sommes nés dans cette vie ouverte et divine. Même avant notre naissance, le vaste espace de Dieu était là pour nous » (p 75) : « Je te connaissais avant de t’avoir formé dans le sein de ta mère » (Jérémie 1.5). Chaque enfant naît dans un grand oui de Dieu à la vie ». Ainsi, dans nos difficultés, nous pouvons avoir « une ferme assurance au sujet de notre existence, une assurance qui peut résister au doute et à la dépression parce qu’elle est plus forte…
Nous mourrons dans cette vie ouverte et divine. Pour nous, la mort est la fin de la vie mortelle, mais pour la vie divine dans laquelle nous avons vécu, aimé et souffert, c’est une transition d’une condition mortelle à l’immortalité et de ce qui est passager à ce qui est éternel » (1 Cor 15. 42-44) (p 76).
La communion avec les vivants et les morts
Nous prenons davantage conscience aujourd’hui de l’interrelation qui prévaut dans tous les domaine. Ainsi « l’être humain est un être en relation ». Cette réalité se manifeste également dans la succession des générations. « Les êtres humains participent à une communauté des vivants et des morts même s’ils n’en ont pas toujours conscience ». Ainsi, dans les sociétés modernes occidentales, l’individualisme fait obstacle à cette conscience collective. Cela réduit la conscience de la communion entre les vivants et les morts. A cet égard, les sociétés traditionnelles, en particulier celles d’Extrême Orient, ont quelque chose à nous rappeler, car elles vivent actuellement cette communion entre les vivants et les morts. Dans le monde moderne occidental, nous avons besoin d’une culture nouvelle du souvenir « de manière à ne pas vivre seulement comme individus pour nous-même, mais en vue de regarder au delà de nous-même ». C’est seulement si nous percevons notre durée de vie dans le cadre plus vaste de la succession des générations que nous pouvons entrer « dans la mémoire du passé et dans l’avenir en espérance de ce qui est à venir ».
Pour réaliser cette communion entre les vivants et les morts, une transcendance de la vie et de la mort est requise… La foi chrétienne envisage cette communion des vivants et des morts dans le Christ qui est mort dans une mort humaine et a été ressuscité dans la vie divine. En conséquence, la communauté chrétienne est une communauté non seulement des vivants, mais des morts. « Le Christ est mort et ressuscité pour qu’il puisse être le Seigneur à la fois des morts et des vivants » Rom 14.9) (p 78). « Depuis qu’il est « descendu dans le royaume des morts », comme le déclare le symbole des apôtres », Christ a brisé la puissance de la mort et il a ramené les morts dans le partenariat de la vie divine. La barrière de la mort qui séparait les morts des vivants a été brisée dans la résurrection du Christ en vie éternelle. Dans la communauté du Christ, les morts ne sont pas « morts », selon la représentation courante, mais ils sont grandement présents (« present in a highly personal sense »).
Communion avec la terre
Très tôt, dès les années 1980, Jürgen Moltmann s’est engagée dans une réflexion théologique qui est venu éclairer et accompagner le mouvement écologique ; Son livre : « Dieu dans la création » (1988) porte en sous-titre : « Traité écologique de la création ». Ce que Motmann écrit dans ce chapitre : « In the fellowship of the earth » s’inscrit ici dans une pensée très vaste et très élaborée.
Moltmann nous rappelle qu’au cours des derniers siècles, l’humanité a fait preuve d’un esprit dominateur en exploitant la terre jusqu’à une véritable dévastation. Cette attitude s’est inspirée, pour une part, d’une compréhension partiale de la Bible selon laquelle l’être humain était « la couronne de la création » parce qu’il était seul à avoir été créé à l’image de Dieu, et, par suite, en charge de gouverner la terre (p 81). Cependant, on pourrait dire, à l’inverse, que l’être humain est une créature qui vient en dernier, et que, par suite, l’humanité dépend pour sa vie de tout ce qui a été créé par ailleurs.
« Selon le premier récit de la création, la terre n’est pas assujettie par l’être humain. La terre est un être grand, unique, créatif qui engendre la vie : plantes, arbres et animaux de toute espèce (Genèse 1.24). On ne dit rien de semblable pour d‘autres êtres créés, y compris pour l’homme » (p 81). La terre n’est pas seulement un abri pour les êtres vivants. Elle les engendre. Ainsi Moltmann en est venu à se faire une haute idée de la terre. « La terre est plus que vivante parce qu’elle engendre la vie. Elle est plus qu’un organisme parce qu’elle produit des organismes. Elle est plus qu’intelligente, car elle engendre de l’intelligence. Elle est plus grande que l’humanité. Elle survivra à l’humanité, même si celle-ci met fin à son existence » (p 82).
Et, sur le plan biblique, dans l’épisode de Noé, Dieu fait alliance avec la terre. L’arc en ciel est un signe de cette alliance entre Dieu et la terre (Genèse 9.13). Les droits de la terre sont exprimés dans les règles du Sabbat. Ainsi la terre a un droit au repos du sabbat pour qu’elle puisse régénérer ses forces vitales. Pour la foi chrétienne, le salut de la terre vient du Christ cosmique.Dieu a « réconcilié » (Col 1.20) l’univers en unissant toute chose en Christ : « les choses dans le ciel et les choses sur la terre » (Eph 1.10) . Le Christ ressuscité a été aussi exalté… et le Christ exalté est le Christ cosmique. Il est présent en toutes choses. Finalement, il est aussi celui qui vient et qui remplira le ciel et la terre de sa justice » (p 83).
A nouveau, Moltmann critique la religion gnostique qui privilégie le départ vers le ciel et déconsidère la terre. La participation à la vie de la terre conduit au ressenti d’une vie universelle. La nouvelle spiritualité de la terre éveille une « humilité cosmique ». Elle suscite également un amour cosmique tel que le Staretz Sosima l’exprime dans le roman de Dostoevski : « les frères Karamazov » : « Aime toute la création, l’ensemble et chaque petit grain de sable. Aime les animaux, les plantes, chaque petite chose. Si tu aimes chaque petite chose, alors le mystère de Dieu en elle, te sera révélé. Une fois qu’il t’est révélé, alors tu le percevras de plus en plus chaque jour. Et à la fin, tu aimeras l’univers entier d’un amour sans limite (« all comprehensive ») ».
Les chapitres qui s’inscrivent dans l’approche sur la plénitude de vie (fullness of life) sont particulièrement riches et denses. En effet, sur des thèmes majeurs comme la joie, la souffrance, la liberté, la solidarité, l’amitié, l’amour, la vie sensorielle, l’espérance, la fête et la célébration, ils apportent une réflexion originale qui, parfois, sur certains points, peut être contestée, mais élève toujours notre pensée dans une expression à même de susciter la méditation et d’éveiller l’émerveillement. Cependant, comme dans ce livre, la pensée de Moltmann se développe souvent à partir d’un débat philosophique, sa lecture requiert un effort particulier de la part de ceux qui ne sont pas habitués à cette approche. De plus, dans un volume limité en nombre de pages, la brièveté du propos ne rend pas toujours bien compte de la densité de la pensée. Ce livre est néanmoins non seulement important, mais original, car il est écrit à l’intention de tous ceux qui vivent aujourd’hui dans la culture occidentale. Il nous aide à répondre aux objections auxquelles nous sommes confronté. Et il nous ravit en montrant tout ce que nous pouvons recevoir de la foi chrétienne pour notre existence. A une époque marquée par l’inquiétude, Jürgen Moltmann nous apporte un message de vie, une vision d’avenir en traduisant également cet apport dans ce qu’il peut éclairer notre vie concrète.
Ce livre nous invite à nous référer aux autres ouvrages du même auteur pour mieux comprendre l’ampleur et le sens de sa recherche. En dehors de la suite des ouvrages de fond traduits en français et publiés aux éditions du Cerf, nous suggérons la lecture d’un livre publié en 2010 dans une traduction en anglais et qui présente, en des termes accessibles, les avancées théologiques de Moltmann : « Sun of rigtneousness, arise. God’s future for humanity and the earth » (4). En français, nous disposons depuis 2012, d’un livre qui, à partir d’une approche existentielle, peut également nous introduire dans la démarche de Moltmann. « De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance » (5). Voici de quoi accompagner ce nouveau livre : « The living God and the fullness of life » qui nous apporte aujourd’hui une réflexion bienvenue sur les fondements d’une approche chrétienne dans la culture d’aujourd’hui
(2) Sur le site : Journal of Lutheran Ethics, compte-rendu détaillé de « The living God and the fullness of life », par James M Brandt, professeur de théologie historique à la Saint Paul School of Theology. Nous recommandons la lecture de cette remarquable présentation. L’auteur conclut ainsi son analyse : « Perhaps the signal contribution of this book, in an age drawn to spirituality and action but leary of doctrine, is the way it links deep theological reflection with a vibrant vision of life. Life that is given meaning by the joy od God’presence in, with, and under the sensual goodness of the world, and community that overcomes barriers and create new relationships in anticipation of God’s future. In The Living God, there is inspiration aplenty for the thinking and the living » : http://elca.org/jle/articles/1143
(4) Moltmann (Jürgen). Sun of righteousness, arise ! God’s future for humanity and the earth. Fortress Press, 2010
(5) Moltmann (Jürgen). De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte Temps présent, 2012. Présentation sur ce blog : « Une dynamique de vie et d’espérance » : https://vivreetesperer.com/?p=572
Notre société se caractérise par une individualisation croissante. C’est un processus de longue durée qui se réalise par étapes. Aujourd’hui, cette individualisation est manifeste dans tous les domaines de la vie. Elle appelle en regard une responsabilité accrue à travers une extension des choix. Dans le même temps, on prend conscience des interrelations qui interviennent à tous les niveaux de notre existence. Ces deux mouvements se traduisent dans des phénomènes différents, mais concomitants : la prise de conscience écologique et la révolution numérique. Cette évolution dans les mentalités influence notre manière de voir dans différents domaines d’activité. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de l’éducation. C’est aussi le cas dans le domaine de la médecine. Dans ces deux domaines, les usagers, aspirent à être considérés comme des personnes et à participer à un mouvement de vie. Cependant, cette évolution se heurte à la fois à des représentations anciennes et au poids des appareils. Les organisations peinent à se défaire de la massification héritée de la précédente révolution industrielle. La pensée écologique, dans sa vision holistique, consciente de la complexité et respectueuse de la diversité, se heurte à l’héritage d’une conception dominatrice. Ainsi, la part donnée aux mathématiques dans l’accession aux études de médecine traduit un état d’esprit technocentré. Nous sommes donc engagés dans un changement qui rencontre des oppositions. Mais ce changement peut s’appuyer sur la transformation actuelle des mentalités.
Aujourd’hui, l’apparition d’unemédecine endobiogénique qui s’appuie sur l’usage des plantes médicinales est une innovation pionnière qui s’inscrit dans la transformation de notre culture et de notre société. C’est une médecine personnalisée qui prend en compte la diversité dans une relation participative. C’est une médecine intégrative qui met en œuvre une vision globale, holistique d’un organisme humain en mouvement dans l’exercice des fonctions hormonales et neuro-végétatives. Le recours aux plantes médicinales pour une œuvre de régulation et de remédiation se révèle particulièrement efficace parce qu’il participe au monde du vivant et multiplie, dans une approche scientifique, les acquis d’une expérience traditionnelle. C’est un aspect remarquable de la prise en compte de la biodiversité. Dans son originalité, la médecine endobiogénique est née en France, sous l’impulsion de deux médecins, Christian Duraffour et Jean-Claude Lapraz et elle est portée par une communauté innovante (1), même si elle se heurte encore aujourd’hui à un manque de moyens et un manque de reconnaissance. Dans ce contexte, la publication d’un ouvrage de référence, sous la direction de Jean-Claude Lapraz et d’Alain Carillon : « Plantes médicinales. Phytothérapie clinique intégrative et médecine endobiogénique » (2) est un pôle de ressources qui vient conforter une dynamique scientifique. Pour en situer la portée, il est bon de rappeler quelques jalons permettant d’ouvrir à tous la compréhension de cet apport.
Une médecine personnalisée
En 2012, paraît un livre intitulé : « La médecine personnalisée », écrit par le docteur Jean-Claude Lapraz en collaboration avec une journalise : Marie-Laure de Clermont-Tonnerre (3). Ce livre explique les fondements de la médecine endobiogénique et nous introduit ensuite dans un vécu personnel de sa pratique. Cet ouvrage demeure aujourd’hui la porte d’entrée pour la compréhension de cette médecine. On en trouvera une présentation détaillée sur ce blog (4). Nous renvoyons à cette analyse en rappelant néanmoins les grands principes qui y sont exposés.
Une vision nouvelle de la médecine : la médecine de terrain.
Selon notre constitution, nous réagissons chacun différemment à telle ou telle agression. « Une seule explication possible : l’état de notre terrain : « L’ensemble des facteurs génétiques, physiologiques, tissulaires ou humoraux qui, chez un individu, favorisent la survenue d’une maladie ou en conditionne le pronostic » (Larousse). C’est dans cette perspective que cette nouvelle approche médicale est mise en œuvre : « L’être humain ne se limite pas à un simple assemblage de fonctions ou d’organes sans lien entre eux. Il est un être vivant autonome et complet qui réagit à chaque instant comme un tout cohérent et doit sans cesse s’adapter… La médecine actuelle a fait éclater le corps en ses multiples composants. En négligeant de replacer chacun d’eux dans ses relations complexes avec les autres, elle a perdu la capacité d’établir un diagnostic global de l’état du patient. Il est donc temps aujourd’hui de proposer une approche médicale qui mette en évidence les liens qui unissent le local au global et qui donnent une véritable vision scientifique intégrale du patient. C’est ce que nous désignons comme la conception endobiogénique du terrain » (p 68).
On prend conscience aujourd’hui des limites d’une médecine en miettes pour se diriger vers une médecine globale, « intégrative ».
Effectivement, nous dit-on, « le tout est plus que la somme des parties ». Le corps est perçu comme un ensemble de niveaux : « Chaque niveau, du gêne au chromosome, du chromosome au noyau, du noyau à la cellule, de la cellule à l’organe, de l’organe à l’organisme, possède ses propres mécanismes de fonctionnement, mais ils sont intégrés et sous contrôle du niveau supérieur, et, en fin de compte sous celui de l’ensemble de l’organisme. Si un niveau se dérègle, il est important d’identifier ce qui, en amont, a généré le dérèglement et de comprendre comment celui-ci agira à son tour sur l’aval » (p 68-69).
Tout se tient. « Pour maintenir l’harmonie, il existe nécessairement une communication permanente entre chacun des éléments, chacune des parties qui nous constitue. Il faut donc qu’en notre corps, ensemble vivant infiniment complexe, existe un coordonnateur qui gère en permanence les liens qui unissent la cellule à l’organe, l’organe aux autres organes et les fonctions entre elles (p 70-71)… La vie ne peut se maintenir s’il n’existe pas une cohérence et une finalité qui permette de faire fonctionner de façon harmonieuse les cellules et les organes de notre corps pour qu’ils se maintiennent en équilibre » (p 70-71).
De fait, il existe bien une forme de « chef d’orchestre ». « Si l’organisme est une maison, il a pour architecte, pour coordonnateur, pour régulateur, le système hormonal ». Selon l’endobiogénie, « l’approche endocrinienne du terrain est fondée sur la reconnaissance du rôle primordial et incontournable du système hormonal à tous les niveaux du corps humain. C’est lui qui gère le métabolisme, c’est à dire la succession permanente et dynamique des phénomènes de destruction (catabolisme), de reconstruction et de synthèse (anabolisme) qui se déroulent à chaque seconde en nous… » (p 71).
L’approche endobiogénique s’appuie sur une interprétation nouvelle du fonctionnement du corps humain. Elle propose également de nouveaux outils pour en comprendre concrètement le fonctionnement et pour pouvoir en conséquence intervenir pour corriger et réguler.
« En partant d’une simple prise de sang comportant douze données biologiques (comme la numération formule sanguine, le nombre des plaquettes sanguines, le dosage de deux enzymes…), on peut construire un système établi sur des algorithmes, tous basés sur des données incontestées de la physiologie qui font apparaître de nouveaux chiffres conduisant à une compréhension beaucoup plus large des phénomènes à l’œuvre dans le corps que ne le permet l’approche purement analytique actuellement en vigueur. C’est la biologie des fonctions… Ce système complexe, conçu par le Docteur Christian Duraffourd, a permis d’établir quelques 172 index d’activité endocrine, métabolique, tissulaire, etc (par exemple : nécrose cellulaire, résistance à l’insuline, remodelage osseux, immunité, stress oxydatif, développement anormal cellulaire) (p 81-83). « Dans une goutte de sang, on peut voir l’individu et son terrain ». La production de cet ensemble est un bond en avant impressionnant pour la compréhension de l’état du patient.
Mais, dans la consultation, telle qu’elle est pratiquée par les médecins qui se réclament de cette approche, d’autres données recueillies à travers l’écoute et l’examen clinique, viennent encore s’y ajouter. Ces données viennent s’inscrire en regard de l’interprétation endobiogénique. A partir de là, le médecin peut prescrire un traitement approprié en faisant appel principalement aux plantes médicinales. L’usage de celles-ci permet d’éviter la nocivité des effets secondaires que peuvent entraîner certains médicaments de synthèse. Par ailleurs, la combinaison d’un certain nombre de plantes à activité synergique ou complémentaire induit un effet global important : « La sommation des petits effets que chacun va générer dans l’organisme permet d’apporter une amélioration, puis une vraie guérison ».
Soigner autrement, c’est possible
En 2013, le docteur Jean-Christophe Charrié, médecin généraliste et praticien de l’endobiogénie à la Rochelle explique l’approche de la médecine endobiogénique dans la vidéo d’une intervention TEDx : « Soigner autrement, c’est possible » (5). Jean-Christophe Charrié fait partie du groupe de médecins qui militent pour la progression de l’endobiogénie en France et il a apporté une contribution au livre de fond qui vient de paraître sur les plantes médicinales (6). Cette intervention, alliant beaucoup de compétence et un grand talent pédagogique, nous familiarise avec cette pratique médicale.
Après avoir esquissé une définition de l’endobiogénie (endo : intérieur ; bio : la vie ; génie : organisation) : une science de l’organisation de la vie intérieure », Jean-Christophe Charrié nous expose au préalable les vertus de la plante médicinale :
« Quelque chose qui appartient à toute l’humanité, car elle n’est pas brevetable.
Quelque chose qui est actuellement la seule source de soin pour 4 humains sur 5.
Quelque chose dont l’Organisation Mondiale de la Santé fait la promotion.
Quelque chose qui a été reconnu en France par l’Académie de Médecine, mais qui a été rejeté en 2007 par la Sécurité Sociale.
Cela fait 7 000 ans au moins que l’homme utilise la plante médicinale. C’est un outil aux propriétés multiples, exceptionnelles, qu’il convient d’utiliser à bon escient.
C’est un outil thérapeutique qui répond aux exigences de la politique de santé de demain, en terme de réduction des coûts, en terme d’accessibilité aux soins, en terme de respect de l’individu et de l’environnement. C’est un outil thérapeutique qui prend sa pleine puissance quand il est utilisé dans le cadre de la science médicale qu’est l’endobiogénie ».
Il y a effectivement un potentiel considérable. « Il y a sur terre un peu plus de 500 000 plantes. La moitié a été répertoriée. L’Organisation Mondiale de la Santé a relevé 29 000 plantes comme faisant partie de celles utilisées traditionnellement dans le soin. Un peu plus de 2 500 plantes ont bénéficié d’études approfondies pour savoir comment elles fonctionnent. Et dans ma pratique, j’en utilise un peu plus de 200. Ainsi, nous avons un potentiel énorme de recherche et de développement. L’industrie pharmaceutique l’a bien compris, puisque dans le gros dictionnaire rouge des médecins, le Vidal, 70% des médicaments trouvent leur source dans la plante médicinale ».
Si la plante médicinale est un outil majeur de la médecine endobiogénique, elle est négligée par la médecine dominante. Jean-Christophe Charriè nous apporte un aperçu très éclairant sur la manière dont la médecine s’est développée depuis 150 ans.
Comment en est-on arrivé à la médecine d’aujourd’hui ?
Au milieu du XIXè siècle, « la science médicale était dans une impasse, car elle n’arrivait pas à soigner et guérir les grandes épidémies. En ce temps-là, il y a eu deux montées d’approche théorique de la recherche qui s’incarnent dans deux figures emblématiques : Claude Bernard et Louis Pasteur. Pour ClaudeBernard, qui est médecin, il s’agit d’étudier la fonctionnalité de l’organisme. La maladie est la résultante d’une dysfonction. C’est grâce à ses travaux qu’on peut aujourd’hui interpréter une prise de sang. Pour Louis Pasteur qui est physicien, mais qui n’est pas médecin, la maladie est la conséquence de l’agression de l’organisme par un événement extérieur, que cet événement soit un microbe, un poison et aujourd’hui un gène défectueux. C’est parce que cette approche avait des résultats visibles, reproductibles et finalement très simples : à une maladie correspond un traitement, que la science médicale s’est engouffrée dans cette seule voie de recherche.
Il a fallu créer de nouveaux médicaments, des médicaments à la puissance extrême pour gérer des maladies extrêmes. Et, ainsi ; on a effectivement maitrisé de grandes épidémies telle que la peste, la tuberculose, la variole. Et c’est ainsi qu’on est entré dans la logique des anti : antihypertenseur, anticholestérol, antidiabétique, antibiotique. Avec ces outils à la puissance extrême, pour lutter contre des maladies extrêmes, on a cru qu’on allait tout guérir. Force est de constater, que ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, du fait d’un mésusage en utilisant ces outils extrêmes qui sont là pour prendre la place de l’organisme afin d’entrainer la guérison de celui-ci dans des situations extrêmes, on a utilisé ces outils pour soigner des maladies du quotidien et cela davantage pour l’intérêt de l’industrie pharmaceutique que pour l’intérêt du patient. Par cette stratégie, on a vu apparaître des maladies induites par ces médicaments, on a vu apparaitre une explosion des coûts de santé et, plus grave encore, des maladies qu’on pouvait traiter avec ces médicaments, aujourd’hui ne répondent plus. Par exemple, dans la maladie infectieuse, vous avez des bactéries qui ont développé des résistances aux antibiotiques, c’est à dire que l’antibiotique n’a plus de prise sur la bactérie, ne peut plus la détruire…
Nous sommes donc à nouveau dans une impasse. Avec cette approche médicale qui a résumé l’organisme à un foie malade, un cœur malade, un intestin malade, un cerveau malade, bref avec cette approche qui a éclaté l’homme, comment peut-on recoller les morceaux ? Comment reconsidérer le tout ? L’endobiogénie apporte une réponse. Et comment respecter le tout ? Les plantes médicinales apportent une réponse ».
Jean-Claude Charrié nous raconte ensuite comment, dans son itinéraire médical, il a rencontré l’endobiogénie et comment il la met en œuvre aujourd’hui. « Je suis un médecin généraliste qui, de façon prioritaire, utilise les plantes médicinales quand il est possible d’accompagner l’organisme dans des mécanismes d’autoréparation. Je ne m’interdis pas d’utiliser les médicaments anti dont nous avons parlé, mais je les garde pour des situations exceptionnelles. Et j’utilise la plante médicinale selon l’endobiogénie. L’endobiogénie est une médecine qui vous sort de la masse, qui vous sort de la statistique. C’est une médecine qui s’intéresse à chacun de vous individuellement. Et qui construira pour vous un traitement sur mesure qui est adopté à vous seulement.
L’endobiogénie, c’est une approche qui essaie de comprendre comment fonctionnent les mécanismes de réparation et de restauration. La restauration : par exemple, votre peau. Tous les matins, quand vous faites votre toilette, vous enlevez de la poussière, de la crasse et des cellules mortes. Cette peau, il faut la restaurer en permanence. L’autoréparation : Quand vous avez un petit chat qui vous griffe, vous avez une plaie. Et l’organisme sait réparer. Il fait cela tout seul. Il n’a pas besoin de médecine pour faire cela. Parce que vous êtes vivant. Parfois, il y a des phénomènes qui apparaissent et qui ont du mal à se restaurer et à se réparer. Et là, vous avez besoin du médecin. Le rôle du médecin en endobiogénie est de comprendre comment vous fonctionnez, aller voir ce qu’on peut soutenir et d’étayer votre organisme pour qu’il puisse se réparer lui-même ;
L’endobiogénie est une science. Comme toute science, elle repose sur une théorie. Pour que cette dynamique de réparation et de restauration fonctionne, il faut un gestionnaire et ce gestionnaire repose essentiellement sur le système endocrinien et le système neurovégétatif. Comment vos hormones s’organisent entre elles, comment elles entrent en interrelation pour coordonner cette dynamique ? Et comment votre système nerveux inconscient, celui qui gère votre digestion, votre respiration, le battement de votre cœur, comment ce système là vient aider le premier pour obtenir des phénomènes de réparation ? Quand vous allez voir le médecin en consultation, vous lui parlez. Il vous écoute et il vous examine. Pour le médecin endobiogéniste, ces trois temps là sont fondamentaux, car il va chercher des petits signes qui peuvent paraître infimes, sans sens, mais qui, associés les uns aux autres, peuvent permettre de construire l’histoire de votre vie jusqu’à aujourd’hui, permettre de comprendre les dysfonctionnements qui ont abouti à la maladie que vous exprimez. S’il en a besoin, mieux encore, le médecin peut faire une prise de sang simple. Quand les paramètres sont dans les normes, tout va bien. Quand ils sont hors des normes, il y a un problème. Vous n’avez pas assez de globules rouges, vous avez une anémie. On peut s’arrêter à cela. Mais grâce à la théorie de l’endobiogénie, on peut comprendre que tous ces chiffres ne sont pas liés au hasard. Ces paramètres apportent une sorte de photographie de votre fonctionnement intérieur. Avec l’endobiogénie, on peut relier ces chiffres entre eux, et mesurer, de la façon la plus fine, comment vous fonctionnez. Cela apporte une aide considérable au médecin. Car, pour étayer, il faut avoir les bons étais pour les mettre à une bonne place. Et, pour faire cela, le médecin va utiliser les plantes médicinales. Il va les utiliser en fonction des données de la science moderne qui a démontré que la plante a la capacité de réguler les systèmes endocriniens et neurovégétatifs ».
Plantes médicinales et médecine endobiogénique
Un ouvrage ressource. Un ouvrage de référence
Sur des registres différents, le livre de Jean-Claude Lapraz et Marie-Laure de Clermont-Tonnerre et l’interview en vidéo de Jean-Christophe Charrié introduisent un vaste public dans la prise de conscience du caractère original de l’approche endobiogénique et de son apport précieux et irremplaçable. Et cette approche s’appuie sur l’utilisation des plantes médicinales. C’est dire l’importance et l’utilité d’un ouvrage de référence consacré à cette ressource.
L’ouvrage sur les plantes médicinales récemment publié sous la direction de Jean-Claude Lapraz et Alain Carillon présente effectivement les connaissances correspondantes issues de la pharmacologie et des données de la tradition. Il offre « 45 monographies de plantes médicinales dont l’intérêt thérapeutique est confirmé par de nombreuses publications scientifiques récentes ».
Cependant, « l’originalité et la spécificité de cet ouvrage reposent sur un abord nouveau de l’usage de la plante médicinale fondé sur l’évaluation clinique du patient placé au cœur de la réflexion diagnostique.Cette approche permet l’utilisation intégrative et personnalisée des plantes… La plante médicinale, par la complexité des éléments qui la composent et de leurs effets spécifiques, répond au mieux aux exigences d’une thérapeutique plus physiologique et peut alors devenir un moyen de traitement de premier plan si elle est utilisée selon les règles médicales et prescriptives… La médecine endobiogénique propose une réflexion originale qui permet de mettre en évidence les déséquilibres des systèmes endocriniens gestionnaires de l’organisme. Elle aide le médecin à les identifier et leur permet d’établir un traitement régulateur et physiologiques où la plante médicinale joue un rôle prioritaire afin d’aider l’individu à retrouver l’état d’équilibre antérieur à la maladie : l’état de santé ».
Vers une nouvelle approche médicale
Ce livre sur les plantes médicinales et la médecine endobiogénique prend place dans l’univers scientifique et professionnel. Ainsi cette nouvelle approche médicale progresse sur différents registres. Elle rencontre une opinion plus favorable, comme en témoigne un intérêt croissant pour les médecines alternatives et complémentaires, dans un contexte de plus en plus sensible à la dimension écologique et en demande de participation. Elle est portée par un courant militant : médecins généreux et patients reconnaissants (6). Et ce livre témoigne d’une maturité scientifique.
Tout au long de cet article, on a pu percevoir une vision nouvelle, un nouveau paradigme et a pu apprécier la fécondité de cette approche. On attendrait qu’elle se répande dans le corps médical. En ce sens, des propositions accrues de formation sont nécessaires. Il serait opportun que les pouvoirs publics apportent leur soutien.
Dans un système de santé qui comporte de nombreuses rigidités, comment promouvoir cette nouvelle pratique ? A cet égard, un article paru dans Le Monde, le 14 mars 2012, est toujours pertinent aujourd’hui (8). Sous la signature de Luc Montagnier, prix Nobel demédecine en 2008 et Frédéric Bizard, consultant et maitre de conférences à Sciences-Po, cet article ouvre la voie : « Anticipons le passage d’une médecine curative à une médecine préventive ». On peut y lire : « D’une approche verticale et segmentée, nous devons passer à une vision transversale de la santé. D’une médecine curative du siècle dernier, nous devons passer à la médecine 4p : préventive, prédictive, personnalisée, partipative, ce qui modifie considérablement le logiciel du système. L’approche transversale de la médecine 4p doit s’accompagner d’une rénovation de notre système de santé avec une approche holistique des soins fondée sur la personne et les relations interpersonnelles. D’un système centré sur la maladie, il faut évoluer vers un système centré sur la personne, sur la santé ». La médecine endobiogénique s’inscrit dans cette grande transformation.
J H
(1) Société internationale de médecine endobiogénique et de physiologie intégrative : https://www.simepi.info
(2) Jean-Claude Lapraz. Alain Carillon, dir. Plantes médicinales. Phytothérapie clinique intégratives et médecine endobiogénique. Lavoisier Tec et doc. 2017
(3) Jean-Claude Lapraz. Marie-Laure de Clermont-Tonnerre. La médecine personnalisée. Retrouver er garder la santé. Odile Jacob. 2012
(4) Présentation du livre : « La médecine personnalisée » : « Médecine d’avenir. Médecine d’espoir » : https://vivreetesperer.com/?p=475
(6) Le docteur Jean-Christophe Charrié est un des contributeurs du livre : « Plantes médicinales. Phytothérapie clinique intégrative… » Il a écrit plusieurs livres de conseil médical, dans une perspective endobiogénique, en collaboration avec Marie-Laure de Clermont Tonnerre : « Se soigner toute l’année au naturel » (2017) ; « Objectif santé : à chaque besoin, sa cure » (2017) ; « Soigner au naturel les maux de l’automne et de l’hiver » (2014) ; il vient de publier un livre sur « les clés de l’alimentation anti-cancer et maladies inflammatoires, infectieuses, auto-immunes » (2017). Voir : https://www.amazon.fr/s/ref=nb_sb_noss_2?__mk_fr_FR=ÅMÅŽÕÑ&url=search-alias%3Dstripbooks&field-keywords=Jean-Christophe+Charrié
(8) Texte cité dans l’article présentant le livre : « La médecine personnalisée » (note 4). Ce texte publié en 2012 nous paraît garder toute son actualité.
Dans le contexte de la violence qui sévit entre israéliens et palestiniens, exacerbée par l’appareil répressif d’Israël, un mouvement s’est levé pour proclamer un esprit de paix. Ce mouvement : « Womenwage peace » (Les femmes font campagne pour la paix) est apparu en 2014 à l’occasion du conflit armé à Gaza. Il a pris son essor et a réalisé en 2016 une marche pacifique qui s’est imposée par sa dynamique et sa visibilité.
Le 4 octobre 2016, ce mouvement pour la paix a commencé une marche de l’espérance qui a duré deux semaines. Pendant ces deux semaines, des milliers de femmes juives et arabes israéliennes ont marché du nord d’Israël vers Jérusalem, en réclamant un accord de paix Israël-Palestine qui serait respectueux, non violent et accepté par les deux parties. La marche a culminé le 19 octobre avec plus de 4 000 femmes réalisant une prière conjointe juive et musulmane pour la paix au Qasr el Yahud à l’extrémité nord de la Mer morte. Ce même soir, 15 000 personnes se sont rassemblées pour protester et appeler à l’action devant la résidence du Premier ministre israélien (1).
Un chant de marche : « The prayer of the mothers »
Cette grande manifestation a trouvé son chant de marche dans un hymne : « The prayer of the mothers » (la prière des mères). Ce chant a été réalisé par une jeune et talentueuse musicienne israélienne, Yael Deckelbaum, interprète et compositrice qui s’est engagée dans le mouvement et l’a accompagné dans son action (2). Reconnue dans son pays et à l’étranger comme une artiste d’excellence, fondatrice et membre du légendaire trio : Habanot Nechama, Yael a écrit le chant : « Prayer of the mothers » et l’a enregistré avec des responsables de « Women wage peace ». Yael a travaillé également avec Lehmah Gbowee, une femme libériane qui a reçu le prix Nobel de la paix pour sa mobilisation des femmes en faveur de la paix ayant débouché sur la fin de la seconde guerre civile au Libéria en 2003.
« Prayer of the mothers » est chanté dans des contextes divers et sous des formes différentes (3).
Ses paroles nous entrainent sur le chemin de la fraternité et de la paix comme en témoignent ces quelques extraits.
« Chuchotement du vent de l’océan
Qui souffle très loin
Le linge qui flotte
Contre l’ombre d’un mur
Entre le ciel et la terre
Il y a des gens qui veulent vivre en paix
Ne baisse pas les bras
Continue à rêver
De paix et de prospérité
Quand est-ce que les murs de la peur fondront ?
Quand retournerais-je de l’exil
Et nos portes s’ouvriront
A ce qui est vraiment bon ?
Les murs de la peur fondront un jour
Et je rentrerai de l’exil
Les portes s’ouvriront
A ce qui est vraiment bon
Du Nord au Sud
De l’Ouest à l’Est
Ecoute la prière des mères
Apporte leur la paix
Ce chant a accompagné la marche de la paix. Il porte de bout en bout le clip réalisé par « Women wage Peace » (4) pour communiquer le message et l’esprit de cet événement. Ce clip transmet une symbolique forte à travers ses différentes séquences :
° Des jeunes femmes, de blanc vêtues, se rassemblant dans le désert, et exprimant une convivialité fraternelle dans un chant partagé, expression de paix.
° Dans le même élan et dans le même esprit, des femmes de toutes origines manifestant leur solidarité et leur fraternité en des gestes significatifs de tendresse et de reconnaissance.
° L’intervention de Lehmah Gbowee, prix Nobel de la paix, pour encourager ce mouvement : « Je voulais vous faire savoir que la paix est possible dans le monde où nous vivons quand des femmes intègres et de foi se manifestent pour le futur de leurs enfants ».
° De bout en bout, la dynamique de cette marche commune revêt une dimension épique et nous entraine dans un dépassement de nous-même.
Dans cette démarche, convergent des femmes dans une pleine humanité d’amour, d’empathie, de respect. Pour nous, nous percevons dans cet événement un souffle, le souffle de l’Esprit. L’Esprit abolit les barrières et unifie comme nous l’apprend l’expérience de la Pentecôte (6). Comme en d’autres évènements historiques, l’espérance ouvre les portes de la libération. Nous accueillons ce chant dans un mouvement d’émotion, de sympathie et d’émerveillement.
A notre époque, un moment où la conjoncture internationale s’est assombrie, pour y faire face, aller de l’avant, nous avons besoin d’une dynamique d’espérance. Nous pouvons donc nous tourner à nouveau vers la pensée théologique de Jürgen Moltmann (1) qui commence à émerger avec la parution en 1964 d’un livre révolutionnaire à l’époque : « La théologie de l’espérance » (2).
Bien entendu, ce livre est intervenu dans un contexte social différent du notre, un moment où le vieux monde commençait à se fissurer et où un nouvel horizon apparaissait. C’est l’époque où Martin Luther King exprime son rêve d’une Amérique libérée de la domination raciale. JF Kennedy regarde en avant dans l’esprit d’une nouvelle frontière. En Tchécoslovaquie, apparaît un essai de socialisme à visage humain, bientôt écrasé par les chars soviétiques. Jean XXIII et le concile Vatican II entreprennent une révolution des esprits dans l’Eglise catholique. Mais c’est aussi l’époque marquée par la guerre du Vietnam, par l’affrontement Est-Ouest et la menace de la destruction nucléaire.
Plus de vint ans après la parution de la « Théologie de l’espérance », en 1988, l’Eglise de la Trinité à New York a invité Jürgen Moltmann et son épouse Elisabeth Moltmann-Wendel, une des premières théologiennes féministes à intervenir dans un forum de théologiens réputés. Après deux décennies, il était possible et nécessaire de faire le point. En quoi l’apport de Jürgen Moltmann avait-il marqué un tournant dans la vision de Dieu, du monde et de l’humanité ? En quoi cet apport avait-il joué un rôle majeur dans l’univers chrétien ? Avec le recul, vingt ans plus tard, comment cet apport continuait-t-il à éclairer les représentations des acteurs chrétiens ? Aujourd’hui, trente ans plus tard, cette conférence n’a pas perdu sa pertinence. En effet, elle nous aide à mieux comprendre comment une réflexion théologique peut nous aider à répondre à nos questionnements dans toute leur dimension et leuractualité. Aujourd’hui, nous avons conscience de l’ampleur des mutations en cours. Une dynamique d’espérance, la conscience de l’œuvre créatrice et libératrice de Dieu est à même de nous éclairer dans notre recherche et dans notre action. Voici pourquoi cette conférence n’appartient pas seulement au passé. Elle nous apparaît comme un épisode d’une histoire en marche.
Ce colloque a donné lieu à une série de quatre vidéos (3) réalisées par la « Trinity church » de New York et impulsées par deux théologiens de cette Eglise : Frederic Burnham et Leonard Freeman. Elles présentent à la fois interviews et interventions de Jürgen Moltmann et questionnements et commentaires de théologiens réputés. La première vidéo présente la théologie de l’espérance dans son contexte. La seconde vidéo est consacrée à un débat sur cette théologie. La troisième porte sur la théologie féministe telle qu’elle est présentée par Elisabeth Moltmann-Wendel. Enfin la quatrième concerne le rôle de l’Eglise dans le monde. Notre compte-rendu ne sera pas exhaustif. Nous nous bornerons à mettre en évidence quelques affirmations majeures de la théologie de Jürgen Moltmann et la manière dont certaines d’entre elles apparaissent à beaucoup de théologiens comme une réponse attendue et libératrice. De la même façon, aujourd’hui encore, par rapport aux aspirations et aux questionnements de nos contemporains, nous avons besoin de réponses adéquates. En mettant en scène le débat autour de la pensée de Jürgen Moltmann, ces vidéos nous permettent de mesurer l’importance de la réflexion théologique pour éclairer nos représentations et le cours de notre pensée.
La théologie de l’espérance
Moltmann est interrogé sur son parcours. Qu’est-ce qui l’a amené à s’engager dans la réflexion théologique et à écrire « La théologie de l’espérance » ?
Effectivement, au départ, Jürgen Moltmann était davantage intéressé par les sciences. « Quand j’avais quatorze ans, mon intention était d’étudier les mathématiques et la physique parce que j’étais fasciné par Einstein ». Et puis, Jürgen Moltmann a été saisi par la tourmente de la guerre à Hambourg, l’anéantissement de la ville par un bombardement destructeur, son enrôlement dans la Wehrmacht, sa condition de prisonnier de guerre en Grande-Bretagne pendant plusieurs années. « Pourquoi ai-je survécu ? » s’est interrogé Moltmann. Et c’est dans un camp de prisonniers qu’il a découvert la voie chrétienne en la personne de Jésus. Ainsi la théologie de l’espérance n’est pas le produit d’une construction progressiste ; c’est un chemin de foi. « Je pense que je suis un optimiste parce qu’autrement je serais un pessimiste. Je ne suis pas un optimiste par ce que je vois, mais par ce que à quoi je fais confiance lorsque j’écoute l’Evangile. C’est le triomphe de la grâce sur le péché, de l’espérance sur la haine ».
Jürgen Moltmann est donc « l’inventeur » d’une théologie de l’espérance dont on peut étudier le contexte de formation. Ecoutons simplement la dynamique qui a porté cette théologie. « Quand au début, j’ai écrit la théologie de l’espérance, il y a maintenant plus de vingt ans, j’ai commencé avec le postulat que, depuis Augustin, l’espérance chrétienne avait été réduite par l’Eglise au salut des âmes dans le Ciel par delà la mort, et que, dans cette réduction, cette espérance avait perdu sa puissance de changement et de renouvellement de la vie. Mais, dans la théologie de l’espérance, j’ai essayé de présenter l’espérance chrétienne non plus comme une espérance pour l’au delà, mais plutôt comme une puissance de vie quinous fait vivre. Pour développer cette vision, je me suis fondé sur les promesses bibliques de la nouvelle création, de la résurrection du corps, du ciel nouveau et particulièrement de la terre nouvelle dans laquelle la justice de Dieu habitera ». Jürgen Moltmann répond au désarroi du christianisme à une époque, qui, comme celle d’aujourd’hui, se caractérise par des changements profonds dans la société et par une transformation des mentalités. « Parce qu’il n’y avait plus d’espérance pour la société dans la tradition chrétienne, nous avons négligé la société. Parce qu’il n’y avait plus d’espérance pour la terre, nous avons négligé la terre et nous l’avons abandonnée aux forces de destruction que nous voyons autour de nous. Il est grand temps d’ouvrir l’expérience chrétienne à sa puissance de vie universelle (all embracing power).
Cette nouvelle inspiration théologique est venue dans un moment de crise. Comme le note un participant : A l’époque, « dans les années 60, on pouvait se demander où était l’espérance et si le christianisme était capable de faire face à la crise ». Cette théologie de l’espérance est un nouvel horizon. « C’est une théologie messianique qui nous donne de regarder en avant ». Cela nous permet de sortir de l’individualisme égocentré et complaisant d’une idéologie existentialiste ». « Comme pasteur, il était difficile pour moi de prêcher sur la fin des temps et le jugement final. Moltmann nous a permis de découvrir qu’il y avait bien plus dans les Ecritures que nous le pensions ». Cette séquence nous permet de mieux comprendre la réception de la pensée de Moltmann. A certains moments, en regard de l’évolution des mentalités, on éprouve le besoin d’un nouveau regard, d’une nouvelle vision théologique. Cet exemple reste instructif pour aujourd’hui.
Débat autour de la théologie de Jürgen Moltmann
Ce colloque a permis un partage et un débat autour de la théologie de Moltmann. En réponse aux interrogations, Jürgen Moltmann a pu s’expliquer sur certains points donnant lieu à controverse. Une seconde vidéo rapporte cette explication qui porte sur trois questions : la nature du pouvoir ; la nature de la Trinité ; la nature de la vie après la mort. On se reportera aux différents dialogues pour un suivi complet. Voici quelques aperçus.
Toute réflexion s’inscrit dans un contexte. Jürgen Moltmann en a bien conscience. « Je puis avoir une certaine obsession par rapport au pouvoir à cause de mon expérience personnelle d’un pouvoir aliénant ». Moltmann a subi le régime de l’Allemagne hitlérienne. Il note qu’un contexte allemand est bien différent d’un contexte anglais. Dans sa théologie, Moltmann s’est élevé contre la représentation d’un pouvoir dominateur attribué à Dieu. Il nous dit que la puissance de Dieu s’exerce dans son auto-détermination. Personne ne peut limiter Dieu excepté lui-même dans une auto-limitation. « Les hommes ont l’amour du pouvoir, mais Dieu a le pouvoir de l’amour ».
A travers son attention au récit évangélique, Jürgen Moltmann nous décrit le Dieu trinitaire comme une communion d’amour. « Selon ma compréhension, on doit partir de l’histoire de Jésus dans sa relation avec Celui qu’il appelait « Abba », cher père, et avec l’Esprit. L’histoire biblique est l’histoire de la collaboration entre Jésus, Abba et l’Esprit ». C’est une vision qui ne vient pas d’en haut, mais d’en bas. L’unité de Dieu s’exerce dans la « périchorésis », une habitation de l’un dans l’autre. « Le Père est en moi. Je suis dans le Père », dit Jésus.
L’approche eschatologique tournée vers l’avenir de Dieu, présente dans la théologie de l’espérance s’est appliquée largement à la dimension sociale et politique de la vie. Aussi on a pu se demander si la dimension personnelle : la vie après la mort, n’était pas négligée. Dans ce bilan, Moltmann reconnaît qu’il avait effectivement trop peu étudié cette question. Interpellée sur cette question par l’épouse d’un ami décédé, il s’est d’autant plus mis à la tâche. « Il s’agissait d’achever ce qui avait été commencé avec la théologie de l’espérance, non pas de changer, mais de compléter ». « Dans la grande perspective du Nouveau Testament, les vivants et les morts sont en communion avec le Christ… « Soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous appartenons au Seigneur, car il est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants » (Romains 14.8-9)(4).
Ces dialogues nous montrent la théologie de Moltmann à un moment de son évolution. C’est une pensée en mouvement qui évolue, se rééquilibre, s’enrichit et va à la découverte. Ici, questions, commentaires et réponses de Moltmann se complètent et font ressortir la dynamique d’une pensée à l’écoute.
La réponse féministe.
Epouse de Jürgen Moltmann et pionnière d’une théologie féministe, Elisabeth Moltmann-Wendel s’est également exprimée dans ce colloque dédié à la théologie de l’espérance. Son œuvre s’inscrit en effet dans la même perspective. Elle a retravaillé les données chrétiennes classiques dans une perspective nouvelle. Elle s’est appuyée sur la sagesse de l’Ancien Testament et sur l’ouverture de Jésus envers les femmes pour créer un modèle biblique inclusif. Elle s’inspire de la justification par la foi pour promouvoir la libération des femmes. Et par rapport à un état d’esprit répressif, elle ose proclamer la valeur de la femme en des termes percutants : « I am good. I am full. I am beautiful » : « Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle ». De fait, par rapport à une représentation restrictive de l’œuvre de Dieu, elle ouvre le regard en citant un verset du Sermon sur la Montagne (Matthieu 5.45) : « Votre Père céleste fait luire son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons. Il fait pleuvoir sur ceux qui lui sont fidèles comme sur ceux qui ne le sont pas ». Elle proclame un Dieu inconditionnellement aimant.
Cependant, la puissante devise destinée à libérer le potentiel des femmes : « Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle » est venue à l’esprit d’Elisabeth en voyant les dégâts engendrés par une éducation chrétienne traditionnelle. Elle fréquentait « des femmes chrétiennes bien éduquées, exerçant un grand contrôle sur elles-mêmes, bonnes, faisant du bon travail dans l’Eglise. Je me suis rendu compte qu’elles ne parvenaient pas à s’aimer elles-mêmes. Alors, en réaction, j’ai proclamé ces trois affirmations : Je suis bonne. Je suis unifiée. Je suis belle. J’empruntais l’idée d’unité, de complétude, de plénitude (wholeness) à la théologie féministe qui assume la femme, corps et âme. La référence à la beauté m’est venue en pensant à la devise : « Black is beautiful » empruntée au mouvement de libération afro-américain ». Mais pourquoicette « haine de soi » ? En quoi est-elle associée au christianisme ? « Au commencement du christianisme, dans l’Eglise primitive, la femme était pleinement acceptée. Jésus avait une relation étroite avec des femmes de tout bord : pauvres, discriminées… » Plus tard, le christianisme est retombé dans le sillage d’une société et d’une culture patriarcale. Aujourd’hui, dans l’esprit d’une justification par la foi, un Evangile de libération est à nouveau à l’oeuvre et permet aux femmes de changer, de passer d’une haine de soi à un amour de soi et de s’accepter holistiquement. Ce changement a bien entendu d’autres aspects : nouveau rapport avec la création, proclamation du partenariat et de la communauté dans les relations de pouvoir.
Jürgen Moltmann, interrogé sur cette question, a certes confirmé le caractère innovant et authentiquement chrétien de cette théologie, mais il s’est exprimé aussi d’une façon plus personnelle.
Il rappelle combien l’éducation des jeunes garçons, des hommes a, elle aussi été entâchée par la négativité et la violence. « Vous n’êtes rien… vous ne pouvez rien… vous devez faire. Vous n’êtes pas bon… Vous n’êtes pas unifié… vous n’êtes pas beau…vous devez faire. Quelle terrible éducation ! ». Alors Jürgen Moltmann apprécie le signe de libération venant de la théologie féministe.
Ainsi, en 1988, malgré l’ébranlement culturel des années 1960, on enregistrait encore beaucoup de rigidité dans des milieux chrétiens. Les filles et les femmes en étaient particulièrement victimes, mais cela touchait aussi les garçons et les hommes. En étudiant aujourd’hui la communication non violente, on peut constater un impact négatif à long terme de cette éducation associée à une culture patriarcale et chrétienne. Aujourd’hui encore, une approchepositive du potentiel humain se heurte à un inconscient hérité. Ainsi la théologie féministe, exprimée dans cette vidéo par Elisabeth Moltmann et Letty Russel, en affinité avec Jürgen Moltmann, garde sa pertinence aujourd’hui.
Une théologie en mouvement.
Depuis 1988, Jürgen Moltmann a été invité à de nombreuses rencontres théologiques et ses interventions sont parfois également rapportées dans des vidéos. Alors pourquoi avoir rendu compte de ce colloque organisé par l’Eglise de la Trinité autour de la théologie de l’espérance ? Il nous semble que ce compte-rendu nous permet de mieux comprendre la production et la réception de l’œuvre fondatrice de Jürgen Moltmann dans son contexte historique. Nous découvrons comment cette œuvre a répondu aux questionnements et aux aspirations des chrétiens dans un sérieux désarroi à cette époque. Et certains thèmes abordés dans ce colloque, comme une approche positive du potentiel humain, est encore pertinente aujourd’hui. En écoutant ces interventions, nous percevons une dynamique qui nous interpelle encore aujourd’hui, car, dans un autre contexte, la conjoncture actuelle est troublée et nous avons besoin de regarder en avant.
Tout est redit par Moltmann dans un livre plus récent (5) : « Le christianisme est résolument tourné vers l’avenir et invite au renouveau. Avoir la foi, c’est vivre dans la présence du Christ ressuscité et tendre vers le futur Royaume de Dieu… De son avenir, Dieu vient à la rencontre des hommes et leur ouvre de nouveaux horizons qui débouchent sur l’inconnu et les invite à un commencement nouveau ».
Ajoutons que le fonctionnement même de ce colloque dans les interactions entre les organisateurs, Frederic Burnham et Leonard Freeman, le questionnement et le commentaire des théologiens et les réponses de Jürgen Moltmann nous permet de mieux comprendre la nature de la réflexion théologique au carrefour entre le donné des Ecritures et les manières de penser engendrées par l’évolution de la culture. C’est un éclairage pour le monde d’aujourd’hui.
(2) « La théologie de l’espérance », dans sa version allemande, est paru en 2004 et dans sa version anglaise en 2007. Dans sa version française, il est paru au Cerf en 1970
(5) Jürgen Moltmann. De commencements en recommencements. Une dynamique d’espérance. Empreinte. Temps présent, 2012 Citation : p 109-110 Sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=572