Pourquoi et comment donner priorité au sens dans notre vie quotidienne ?

Victor Frankl, survivant de l’holocauste et psychiatre bien connu, nous suggĂšre que la  recherche de sens est une motivation premiĂšre chez les ĂȘtres humains. « C’est une part essentielle de nos existences, des jeunes enfants qui posent la question du pourquoi aux adultes qui rĂ©clament davantage de sens au travail ou dans une crise du milieu de la vie ». A travers l’histoire, chercheurs, philosophes, thĂ©ologiens, poĂštes, ont abordĂ© cet enjeu primordial du sens. Sur ce site, nous avons prĂ©sentĂ© un livre d’Emily Esfahani Smith : « There is more to life than being happy » : « Une vie pleine, c’est une vie qui a du sens » (1).

Il existe, aux Etats-Unis, un Centre  de recherche qui explore les activitĂ©s et pratiques de vie en rapport avec la question du sens. Un site : « Greater good magazine . Science-based insights for a meaningful life » (2) nous prĂ©sente des recherches sur ces attitudes et pratiques de vie que sont l’émerveillement, la compassion, l’empathie, le pardon, la gratitude, le bonheur, la conscience, la connexion sociale.

Ces attitudes et ces pratiques ont Ă©galement des effets positifs pour nous-mĂȘmes. Ce sont des clefs pour notre bien-ĂȘtre (« Keys for our well-being »). « Aujourd’hui, de plus en plus de recherches montrent qu’éprouver du sens peut nous aider Ă  amĂ©liorer notre bien ĂȘtre et nous aider Ă  mieux vivre ». Les transformations actuelles de notre sociĂ©tĂ© rendent ces questions existentielles d’autant plus pressantes.

 

Une recherche : Est-ce que de simples activités quotidiennes peuvent rendre la vie plus signifiante ?

Prinit Russo-Meyer publie sur ce site un article sur notre rapport avec le sens dans notre vie quotidienne (3).

« Frankl n’a-t-il pas Ă©crit : « Ce qui importe, ce n’est pas le sens de la vie en gĂ©nĂ©ral, mais plutĂŽt le sens spĂ©cifique vĂ©cu par une personne dans un moment donnĂ© de sa vie » . En d’autres mots, le sens se manifeste dans ce que nous choisissons de faire activement et consciemment dans nos vies ». « Eprouver du sens dans la vie est une question concrĂšte qui a tout Ă  voir avec nos prioritĂ©s, avec la maniĂšre dont nous passons le temps dans le travail ou dans les loisirs, seul ou avec d’autres ».

Prinit Russo-Meyer a donc entrepris une  recherche pour rĂ©pondre Ă  la question. « Pouvons-nous dĂ©velopper davantage de  sens et de bien-ĂȘtre Ă  travers une simple action quotidienne ? ». Elle a conduit une enquĂȘte pour savoir comment des personnes recherchent des expressions pleines de sens dans leur vie quotidienne, ce qu’elle a appelé : « mettre le sens en priorité » (« prioritizing meaning ».

Sa recherche, publiĂ©e dans le « Journal of happiness studies », montrent que « les gens qui mettent du sens en prioritĂ© dans leurs actions, tendent Ă  dĂ©velopper une plus grande conscience du sens dans leur vie, et ensuite Ă  Ă©prouver moins d’émotions nĂ©gatives et plus d’expressions positives : gratitude, cohĂ©rence (optimisme et contrĂŽle), bonheur et satisfaction dans leur vie » .

« Ce qui veut dire que lorsque nous dĂ©sirons une vie plus signifiante sans dĂ©velopper des activitĂ©s en ce sens, nous n’irons probablement pas trĂšs loin ». Prinit Russo Ritzer s’est inspirĂ©e d’une autre recherche auprĂšs des gens donnant prioritĂ© Ă  la positivitĂ©. Dans la stratĂ©gie correspondante, on essaie d’agir sur les actions plutĂŽt que sur les sentiments. Cette stratĂ©gie est une approche qui se rĂ©vĂšle plus efficace. Comment privilĂ©gier le sens dans notre vĂ©cu ? Prinit observe que nous ne traduisons pas toujours nos prioritĂ©s donnĂ©es au sens, en activitĂ©s concrĂštes. Par exemple, si nous valorisons la famille, mais nous n’accordons pas plus de temps aux enfants, cette valeur peut ne pas se rĂ©vĂ©ler bĂ©nĂ©fique. Combler le fossĂ© (the gap) est vital. Chaque journĂ©e nouvelle est une opportunitĂ© pour faire des chose qui comptent vraiment pour nous dans notre dĂ©sir de vivre une vie signifiante et qui mĂ©rite d’ĂȘtre vĂ©cue ». Nous pouvons donc nous demander quelles activitĂ©s signifiantes nous devons privilĂ©gier dans la journĂ©e qui s’annonce  et quelles activitĂ©s nous devons supprimer ou modifier. Nous pouvons Ă©galement nous interroger sur la maniĂšre dont nous avons utiliser le temps passĂ© rĂ©cemment. « Comme nous passons nos journĂ©es, nous passons Ă©galement notre vie ». Albert Camus a Ă©crit un jour : « La vie est la somme de tous nos choix ».

J H

  1. Une vie pleine, c’est une vie qui a du sens » : https://vivreetesperer.com/une-vie-pleine-cest-une-vie-qui-a-du-sens/
  2. Greater Good Magazine. Science-based insights for a meaningful life : https://greatergood.berkeley.edu
  3. Why you should prioritize meaning in your everyday life . Can simple, everyday actions make life more meaningful ? https://greatergood.berkeley.edu/article/item/why_you_should_prioritize_meaning_in_your_everyday_life?fbclid=IwAR3BNe71vZrAPDgA3ISkT-VXoiARYe8cXJsoTZqf7ma2vIc0fxYmV45azHQ

 

 

 

 

Entrepreneuriat social et foi chrétienne

J’ai dĂ©couvert SIFE (Students In Free Entreprise) il y a 3 ans, alors que des Ă©tudiants de 4Ăšme annĂ©e lançaient SIFE Sciences Po Lille. L’objectif est, pour les Ă©tudiants, de s’investir dans des projets d’entreprenariat au service de la sociĂ©tĂ©. En prenant en compte le contexte Ă©conomique, environnemental et social, il s’agit de « renforcer les capacitĂ©s des personnes dans le besoin afin d’amĂ©liorer leurs qualitĂ©s et leur niveau de vie ».

 

SIFE est une aventure humaine extraordinaire. En Ă©quipe nous nous montons des projets contribuant Ă  rendre le monde un peu meilleur, un peu plus juste. On apprend Ă©normĂ©ment les uns des autres et aussi de tous les acteurs que nous rencontrons pour mener nos projets : associations, entreprises, personnes ĂągĂ©es, jeunes dĂ©favorisĂ©s, militants
 Faire partie de SIFE, c’est Ă©galement rentrer dans une communautĂ©. En France plus de 25 Ă©quipes SIFE d’environs 20 personnes sont actives et mĂšnent des projets locaux et internationaux. Cette annĂ©e l’Ă©quipe SIFE Sciences Po Lille, composĂ©e de 30 membres s’investit dans 5 projets: atelier de thĂ©Ăątre avec des jeunes roms et non roms, ateliers culturels intergĂ©nĂ©rationnel, commercialisation de soieries et de thĂ©s produits par des laotiens issus des minoritĂ©s, renforcement de l’agriculture dans un village bĂ©ninois.

Dans le monde ce sont plus de 15 000 étudiants qui se mobilisent pour changer des situations révoltantes et proposer un autre modÚle

 

L’entrepreneuriat social se distingue de l’assistanat en ce qu’il donne une place, un rĂŽle et des responsabilitĂ©s aux bĂ©nĂ©ficiaires. L’entrepreneuriat social met en Ɠuvre des solutions innovantes pour rĂ©pondre Ă  des besoins sociĂ©taux et se veut pĂ©renne de par son modĂšle Ă©conomique (ne dĂ©pendant pas de subventions). L’argent est un moyen pour rĂ©soudre des dĂ©fis sociaux, mais non pas une fin en soi.

 

Pour moi SIFE fut l’opportunitĂ© de m’investir en tant qu’étudiante pour mettre ma foi et mes valeurs en action. Ayant soif d’alternatives, je trouve dans SIFE, un moyen concret de me mettre au service des autres et de transformer un petit peu ce qui ne va pas autour de moi. Loin des grands dĂ©bats et grandes rhĂ©toriques sur ce qui pourrait ĂȘtre fait diffĂ©remment, je suis heureuse de contribuer avec tant d’autres personnes Ă  un changement ancrĂ© dans la rĂ©alitĂ© .

 

Anneline

Une philosophie de l’histoire, par Michel Serres

Au sortir de massacres séculaires, vers un ùge doux portant la vie contre la mort.

 004060553A travers une culture encyclopĂ©dique, Michel Serres a dĂ©veloppĂ© une pensĂ©e crĂ©ative et originale dans un style imagĂ©. Il ouvre de nouvelles comprĂ©hensions plus vastes, plus profondes. Les ouvrages de Michel Serres nous entraĂźnent dans une vision nouvelle du monde. C’est le cas dans son livre : « darwin, bonaparte et le Samaritain. Une philosophie de l’histoire » (1).

En page de couverture, quelques lignes explicitent le titre  concernant ce regard nouveau sur l’histoire de l’humanitĂ©.

« Darwin raconte l’ouverture de Faune et de Flore. Devenu empereur, Bonaparte, parmi les cadavre sur le champ de bataille, prononça, dit-on, ces mots : « Une nuit de Paris rĂ©parera cela ». Quant au Samaritain, il ne cesse, depuis deux mille ans, de se pencher sur la dĂ©tresse du blessĂ©. VoilĂ  trois personnages qui scandent sous mes yeux, trois Ăąges de l’histoire.

Le premier ñge est plus long qu’on ne croit, le deuxiùme est pire qu’on ne pense, le dernier meilleur qu’on ne dit.

Histoire ou utopie ? Il n’y a pas de philosophie de l’histoire sans un projet, rĂ©aliste et utopique. RĂ©aliste : contre toute attente, les statistiques montrent que les hommes pratiquent l’entraide plutĂŽt que la concurrence. Utopique : puisque la paix devint notre souci ainsi que la vie. Tentons de les partager avec le plus grand nombre. Voici un projet aussi rĂ©aliste et difficile qu’utopique, possible et enthousiasmant ».

 

Le livre se rĂ©partit en trois parties : « Premier Ăąge, long : le Grand rĂ©cit. DeuxiĂšme Ăąge, dur : trois morts. TroisiĂšme Ăąge, doux : trois hĂ©ros. » et se termine par une rĂ©flexion sur « les sens de l’histoire ». Le regard de Michel Serres renouvelle notre vision du passĂ© dans une approche si dense, si riche, si originale qu’elle ne peut ĂȘtre rĂ©sumĂ©e. Nous mettrons l’accent sur l’émergence actuelle d’un nouvel Ăąge, cet « ùge doux » Ă©voquĂ© par l’auteur. Et nous commenterons cette prise de conscience.

 

Le Grand RĂ©cit

Au dĂ©part, l’auteur montre comment les progrĂšs rĂ©cents de la science, Ă  travers une capacitĂ© nouvelle de dater les phĂ©nomĂšnes, nous ouvrent Ă  une mĂ©moire de l’univers, Ă  une mĂ©moire de la terre dans laquelle l’histoire humaine vient s’inscrire. Une nouvelle synthĂšse peut ainsi s’élaborer. Nous voici en prĂ©sence d’un « Grand RĂ©cit ».

 

C’est une situation nouvelle. Michel Serres dĂ©gage quelques caractĂ©ristiques fondamentales de ce temps long. « Le couple Ă©nergie-entropie rĂ©git le monde physique ; analogue, le couple vie-mort rĂ©git le monde vivant » (p 33). Ainsi, dans l’évolution, pendant que la vie irrĂ©sistible perpĂ©tue son dĂ©veloppement, la mort frappe espĂšces et individus. Dans notre humanitĂ©, on observe une Ă©volution analogue. « D’une part, l’énergie et la vie prennent des figures nouvelles comme l’invention et la paix, d’autre part, l’entropie et la mort rĂ©apparaissent en guerres et rĂ©pĂ©titions » et menacent l’existence de l’humanitĂ© (p 33).

 

Cependant, en regard, l’auteur distingue deux formes, deux pratiques : les pratiques dures qui mobilisent des hautes Ă©nergies et les pratiques douces qui font appel Ă  des basses Ă©nergies, Ă  l’échelle informationnelle. ParallĂšlement, Michel Serres oppose deux Ăąges : un « ùge dur » caractĂ©risĂ© par la violence et par la guerre, et un « ùge doux » convivial et inventif en lutte contre la mort.

 

Un Ăąge dur

Dans son regard sur la plus grande part de l’histoire humaine, Michel Serres fait ressortir les composantes d’un Ăąge dur. C’est la prĂ©pondĂ©rance de la guerre avec les massacres qui l’accompagnent. Cette importance des conflits militaires ne nous avaient sans doute pas Ă©chappĂ©, mais l’auteur Ă©veille en nous une prise de conscience de cette rĂ©alitĂ© dĂ©vastatrice. « Toute notre culture baigne dans le sang versĂ© au cours de violences qui s’enchainent et nous enchainent Ă  la guerre perpĂ©tuelle » (p 47). Ainsi a-t-on calculĂ© qu’au cours des derniers millĂ©naires, moins de 10% des annĂ©es ont Ă©tĂ© consacrĂ©es Ă  la paix, c’est Ă  dire Ă  la vie (p 48). Et l’auteur Ă©voque les massacres tels qu’ils apparaissent dans des textes littĂ©raires comme l’Iliade et se manifestent dans des donnĂ©es chiffrĂ©es que nous ignorons bien souvent. Sait-on par exemple que les guerres de la RĂ©volution Française et celles de NapolĂ©on ont engendrĂ© la mort d’un million cinq cent mille français plus que le million trois cent mille victimes provoquĂ©es par la PremiĂšre Guerre Mondiale entre 1914 et 1918
 (p 79). Dans ce contexte, un culte a Ă©tĂ© vouĂ© Ă  l’hĂ©roĂŻsme patriotique. « Chacun doit donner sa vie pour sa patrie » ( p 53). Les religions ont participĂ© Ă  cette idĂ©ologie mortifĂšre. Michel Serres nous rappelle les analyses de RenĂ© Girard. La violence se manifeste jusque dans le sacrifice animal.

 

L’auteur nous amĂšne Ă©galement Ă  entrevoir les rapports entre Ă©conomie et violence. Et il nous invite Ă  rĂ©flĂ©chir au phĂ©nomĂšne de la dette. « Avoir et Dû : voilĂ  le titre de deux colonnes dans un bilan comptable. « Je dois » signifie Ă  la fois une obligation morale et une dette Ă  restituer » (p 64). Si la dette asservit les gens et les peuples, elle s’exprime aussi en termes religieux. C’est ici que Michel Serres met l’accent sur le pouvoir libĂ©rateur de la Passion du Christ. « A partir du Vendredi saint, nous n’aurons plus jamais de vains devoirs, ni de dettes
 Ces pĂ©chĂ©s nous sont remis  » (p 67). Et plus encore, « le caractĂšre intĂ©gral de la remise de nos dettes s’efface devant l’annonce triomphale que cesse le rĂšgne mĂȘme de la dette, c’est Ă  dire de la mort
De mĂȘme que la RĂ©surrection du Christ ne marque pas une vengeance sur ceux qui l’ont tuĂ©, mais positivement une victoire sur la mort elle-mĂȘme » (p 67) ». Il y a lĂ  un tournant. Mais, dans un monde dominĂ© par la violence et par la mort, le potentiel de la libĂ©ration se fraye difficilement un chemin.

 

Et, de mĂȘme, dans son inventaire des raisons d’espĂ©rer, l’auteur se refuse Ă  croire Ă  une mĂ©chancetĂ© irrĂ©mĂ©diable de l’homme. Les recherches (2) vont Ă  l’encontre des thĂ©ories et concepts abstraits prĂ©tendant l’homme, en gĂ©nĂ©ral mauvais, en gĂ©nĂ©ral, Ă©goĂŻste et violent, incapable d’empathie
 En la plupart d’entre nous, une maniĂšre d’amour l’emporte sur la haine
 l’humain est humain » (p 87).

 

Pendant des millĂ©naires, la « thanocratie » a prĂ©valu. « DĂ©clinĂ©e trois fois dans la religion, longtemps sacrificielle, les armes, lĂ©tales toujours, et l’économie, exploitant les faibles et blessant le monde, la mort me paraĂźt le moteur de l’histoire » ( p 72). Il a fallu la menace d’anĂ©antissement collectif Ă©veillĂ©e par l’usage de la bombe atomique en 1945 Ă  Hiroshima et Nagasaki pour qu’une prise de conscience s’effectue. Mais dans la pĂ©riode sombre qui a prĂ©cĂ©dĂ©, on peut entrevoir un mouvement de libĂ©ration qui s’est frayĂ© un chemin. Ce mouvement dĂ©bouche aujourd’hui. Dans cette histoire, Michel Serres, Ă©voque la part du christianisme : « Sa leçon majeure n’enseigne-t-elle pas l’incarnation, l’allĂ©gorie vive de la Naissance, enfin la RĂ©surrection, soit une victoire non pas contre nos ennemis, comme pendant le rĂšgne de la Mort, mais contre la Mort elle-mĂȘme ? Par ce rĂ©Ă©quilibrage, un tout autre monde semble annoncĂ©, promis, espĂ©ré  » (p 77).

 

Un Ăąge doux

Nous voici aujourd’hui au dĂ©but d’un nouvel Ăąge : un Ăąge doux. Michel Serres y voit la mise en Ɠuvre de la nĂ©guentropie, selon Wikipedia : « Une entropie nĂ©gative, un facteur d’organisation des systĂšmes physiques et, Ă©ventuellement sociaux et humains, qui s’oppose Ă  la tendance naturelle Ă  la dĂ©sorganisation ». « Comme la vie produit des individus nouveaux, l’esprit inventif et novateur, effet de la nĂ©guentropie, devient source de nouveautĂ©s, produit Ă  nouveau de la nĂ©guentropie. Puisque celle-lĂ  se trouve dĂ©jĂ  lĂ  ensemencĂ©e dans l’Univers et au sein du rĂ©seau Ă©volutif, l’ñge de l’Esprit, doux par rapport aux hautes Ă©nergies, dites entropiques, perdure donc  en tous temps, travaillant Ă  se libĂ©rer d’un Ă©tranglement mortel » (p 92). « L’ñge doux, celui des esprits, advient dĂšs que ceux-ci se mettent Ă  lutter contre la mort de maniĂšre efficace. Nous y sommes. De mĂȘme qu’il y eut trois maniĂšres de s’entre Ă©gorger durement, armĂ©e, religieuse, Ă©conomique, de mĂȘme l’ñge que j’appelle doux se dĂ©cline de trois maniĂšres, portant sur la vie et l’esprit : mĂ©dicale, pacifique et numĂ©rique » (p 93).

 

Un  premier fait est le dĂ©veloppement de la mĂ©decine et son efficacitĂ© accrue. C’est un Ă©tat d’esprit. « En refusant les lois de la jungle, nos pratiques combattent l’évolution, la sĂ©lection naturelle » (p 103). « Il y a deux Ăąges : assassin-victime ; malade-mĂ©decin » (p 104). Par sa faiblesse et le fait qu’il dĂ©tienne, miraculeusement, parmi la violence usuelle, d’ĂȘtre pansĂ© par et parmi les siens, le malade est un personnage emblĂ©matique dĂ©cisif, rare, faible, mourant mĂȘme, mais producteur d’humanité » (p 103).

Dans cette perspective, la parabole du Samaritain rĂ©sonne avec une force particuliĂšre, comme une injonction rĂ©volutionnaire Ă  l’encontre d’un univers de violence. L’émotion nous gagne lorsque nous entendons ces paroles. Michel Serres cĂ©lĂšbre la figure du mĂ©decin : « Celle qui se penche sur les blessĂ©s ; celui qui Ă©coute les plaintes de l’agonie ; celle qui s’incline ; l’attentive qui cherche Ă  comprendre et peut-ĂȘtre guĂ©rira
. Non, il ou elle, n’est pas seulement le hĂ©ros de ce temps, mais sans doute, celle et celui de toute l’histoire » (p 107).

 

TrĂšs concrĂštement, l’auteur met l’accent sur l’espace de paix qui s’est crĂ©Ă© en Europe occidentale aprĂšs 1945 au sortir d’une guerre dĂ©vastatrice. « De 1945 Ă  2015, comptons soixante-dix ans de paix, laps de temps exceptionnel, inconnu en Europe depuis au moins la guerre de Troie ». Bien sĂ»r, il y a un abcĂšs au Moyen-Orient, mais au total dans le monde, homicides et violences ne cessent de reculer. L’industrie du tabac est bien  plus meurtriĂšre que le terrorisme (p 122). On assiste Ă  des changements profonds comme le recul de la peine de mort. « Sortant Ă  peine de l’enfer, nous avons construit une sorte d’utopie dont nous ne pouvons connaĂźtre la nouveautĂ© que par comparaison avec ce qui se passe alentour qui ressemble trait pour trait Ă  ce qui se passait chez nous avant cette Ăšre nouvelle ».

 

Cependant la paix est constamment Ă  maintenir et Ă  construire. L’auteur Ă©voque une figure exemplaire, celle de François de CalliĂšres (1645-1717) qui publia un livre dĂ©cisif : « De la maniĂšre de nĂ©gocier avec les souverains ». Conseiller de Louis XIV, un roi qui ne cessa de faire la guerre – plus de trois cent mille morts- , François de CalliĂšres sait de quoi il parle. Il dĂ©finit le rĂŽle du nĂ©gociateur : Ă©viter au maximum les conflits. « Tout prince chrĂ©tien doit avoir pour maxime principale de n’employer la voie des armes pour soutenir et faire valoir ses droits qu’aprĂšs avoir tentĂ© et Ă©puisĂ© celle de la raison et de la persuasion (p 126). Promouvoir la paix, c’est aussi construire un vivre ensemble. Michel Serres Ă©voque les rĂ©alisations coopĂ©ratives du « socialisme utopique » qui ont portĂ© du fruit alors que les thĂ©ories prĂ©tendument « scientifiques » du socialisme ont durement Ă©chouĂ©. « Pas un seul mort de leur fait, du concret, de la continuité » (p 134). Et aujourd’hui, on peut se rĂ©jouir de toutes les rĂ©alisations du mouvement associatif. L’auteur nous appelle Ă  prendre en compte, Ă  prendre en charge : « le personnage commun, banal, minuscule, individuel, faible, malade, infirme, virtuel, oui, miraculeux, si dĂ©laissĂ© dans son fossĂ©, si oubliĂ© dans sa bontĂ©, si concret dans son humilitĂ© qu’il passe pour inexistant  » (p 135).

 

Ainsi, trois sens au terme « doux » : la vie prolongĂ©e par le biologiste et le mĂ©decin ; la paix nouvelle, mais qui dure, les basses Ă©nergies. Voici les trois composantes de l’ñge doux » (p 138). Les nouvelles technologies qui ouvrent l’ùre du virtuel s’inscrivent dans cet univers de basses Ă©nergies. Face aux puissants qui prĂ©dominent, face au dĂ©ploiement de la violence, un texte biblique « prophĂ©tise exactement le troisiĂšme Ăąge, celui lĂ  mĂȘme que nous vivons aujourd’hui et qui, Ă  l’écart du feu et des hautes Ă©nergies, destructrices, cultive les basses, l’information, les signaux, les signes, les paroles
 que le tonnerre rend inaudible » : « Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de YahvĂ©, mais YahvĂ© n’était pas dans l’ouragan
AprĂšs le feu, le bruit d’une brise lĂ©gĂšre. DĂšs qu’Elie l’entendit, il se voilĂ  le visage avec son manteau, il sortit et se tint Ă  l’entrĂ©e de la grotte. Alors une voix lui parvint qui dit  » (I Rois  19, 11-13) (p 139).

En se rappelant les effets dĂ©mocratiques de l’imprimerie, l’émergence d’internet peut nous Ă©merveiller. C’est lĂ  que Michel Serres Ă©voque Petite Poucette, cette jeune fille emblĂ©matique des usages rĂ©volutionnaires d’internet qu’il a brillamment Ă©voquĂ©e dans un prĂ©cĂ©dent livre (3). « Face Ă  l’aristocratie des puissants, des riches, des reprĂ©sentants, le portable dans la paume, Petite Poucette annonce : « Maintenant, tenant en main le monde  ». Elle a accĂšs Ă  tout. Tout lui appartient. « TroisiĂšme hĂ©roĂŻne de l’ñge doux, Petite Poucette monte ainsi sur la plus haute marche du podium, entre le mĂ©decin et le nĂ©gociateur. Elle incarne une nouvelle dĂ©mocratie du savoir  dont l’utopie fait peur aux anciens  » (p 142).

Le paysage de la communication change. Tout se lie, tout se relie. « Il me paraĂźt prĂ©visible que la main du marchĂ© devra un jour adapter sa puissance relationnelle Ă  celle, concrĂšte, du monde et, sans doute, s’adapter, voire obĂ©ir Ă  sa loi. Nous entrons dans un temps oĂč se joue un « mano a mano » dĂ©cisif pour notre survie entre l’homme individuel ou global et la planĂšte entiĂšre » (p 147).

 

Quel avenir ?

Nous voyons bien aujourd’hui des menaces s’élever Ă  l’encontre de la civilisation nouvelle en train de grandir (4). Michel Serres est bien conscient de ce danger. « Je ne suis ni sourd, ni aveugle aux forces atroces qui pendant cet Ăąge si court s’opposent Ă  la prĂ©gnance neuve de la paix ». Pour faire face aux attitudes passĂ©es qui remontent parfois, « nous devons trouver des stratĂ©gies propres Ă  notre temps et dĂ©laisser celles que nous venons de quitter. Secourir, soigner, partager, nĂ©gocier, dialoguer, suivre les trois modĂšles qui nous guident pour vivre dans notre Ăąge  » (p 118).

Cependant, lorsqu’on voit la violence se propager jusque sur internet, on peut s’inquiĂ©ter. L’auteur est attentif Ă  ce danger. « LibĂ©rer le nombre impose des risques
 Combien de temps faut-il pour qu’une multiplicitĂ© dĂ©sordonnĂ©e s’organise et forme une communautĂ© d’autant plus nouvelle que ce type de libĂ©ration, inattendu, n’a aucun Ă©quivalent dans le passé ? Peut-on Ă©viter une violence interminable avant de parvenir Ă  une cohĂ©sion ? ConfirmĂ© par l’advenue du troisiĂšme Ăąge oĂč le multiple se libĂšre vraiment, mon utopie espĂšre Ă©chapper Ă  cet Ă©tau (p 145).

 

Ce livre ouvre pour nous une comprĂ©hension originale de l’histoire humaine. Il met en Ă©vidence une dynamique qui suscite l’espĂ©rance. Ainsi, Michel Serres nous y parle de survie dans un triple sens :

« Survivre : laisser survivre ou conserver

Survivre : mettre l’accent sur une nouvelle histoire, un nouveau sens de l’histoire

Survivre : vivre mieux que la vie, accĂ©der avec joie Ă  l’esprit.

CrĂ©er ces trois survies en compagnie du plus grand nombre possible, voilĂ  le projet aussi rĂ©aliste, dangereux, difficile qu’utopique, possible et enthousiasmant » (p 161).

 

Une vision prophétique

Ces derniĂšres annĂ©es, le ciel s’est assombri. Des orages Ă©clatent. Mais, comme en toute navigation, il importe de garder le cap. Dans ce temps de crise, on a besoin de ne pas perdre confiance, mais de discerner les courants porteurs, parfois peu visibles et souterrains. « Sans vision, le peuple meurt », nous dit un verset de la Bible  (Proverbes 29.18). Le livre de Michel Serres nous communique une telle vision. C’est l’émergence d’un Ăąge doux oĂč la paix l’emporte sur la guerre et la vie sur la mort. Et, si on perçoit bien les menaces envers cette nouvelle maniĂšre de vivre, Michel Serres met en valeur la dynamique du processus.

 

Il se trouve que d’autres chercheurs mettent Ă©galement en Ă©vidence un changement positif intervenu au cours de ces derniĂšres dĂ©cennies. Ainsi, d’une certaine façon, le livre de JĂ©rĂ©mie Rifkin : « Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie » (5) converge avec le texte de Michel Serres. En effet, Ă  partir d’une rĂ©trospective  historique approfondie, JĂ©rĂ©mie Rifkin perçoit, dans ces derniĂšres dĂ©cennies, « la plus grande poussĂ©e empathique de l’histoire de l’humanité » . Et d’aprĂšs la recherche de Ronald Inglehart sur les valeurs dans le monde (World values survey) (6), on enregistre depuis 1981, une Ă©volution, certes diversifiĂ©e, mais rapide vers une valorisation de l’expression personnelle et la recherche d’une qualitĂ© de vie. Une autre recherche a montrĂ© l’expansion du courant des « culturels crĂ©atifs » (6) qui valorise ce qu’on pourrait appeler une sobriĂ©tĂ© heureuse et conviviale.

JĂ©rĂ©mie Rifkin nous montre une Ă©volution vers une pacification des esprits. Ainsi rejoint-il Michel Serres sans encourir le reproche qu’on peut parfois faire Ă  celui-ci de prĂ©senter une catĂ©gorisation trop tranchĂ©e entre « ùge dur » et « ùge doux » . Il est Ă©galement trĂšs attentif au potentiel de changement Ă  travers et dans l’économie.

Dans son analyse, Ă  plusieurs reprises, Michel Serres met en lumiĂšre l’incidence du rĂ©cit Ă©vangĂ©lique et de la foi qui s’en inspire sur l’évolution des esprits Ces passages nous paraissent particuliĂšrement importants. Au cƓur de l’histoire, nous percevons la singularitĂ©, l’originalitĂ©, le potentiel de vie et d’espĂ©rance de cette inspiration. Si, pendant les siĂšcles de l’ñge dur, les institutions religieuses ont souvent pactisĂ© avec l’idĂ©ologie ambiante, on voit bien ici combien les textes Ă©vangĂ©liques ont jouĂ© le rĂŽle de ferment. Et, aujourd’hui dans ce livre, ils contribuent Ă  interprĂ©ter l’histoire.

Rappelons cette citation : « La leçon majeure du christianisme n’enseigne-t-elle pas l’incarnation, l’allĂ©gresse vive de la naissance, enfin la RĂ©surrection, soit une victoire non plus contre les ennemis comme pendant le rĂšgne de la Mort, mais contre la Mort elle-mĂȘme » (p 77).

 

Ici, Michel Serres est en phase avec JĂŒrgen Moltmann, le thĂ©ologien de l’espĂ©rance . Leurs pensĂ©es se rejoignent Ă  plusieurs Ă©gards

EngagĂ© trĂšs tĂŽt dans une thĂ©ologie Ă©cologique (7), Moltmann inscrit l’histoire de l’humanitĂ© dans celle de la nature.

« La nouvelle vision du monde Ă©cologique part de l’idĂ©e que la terre est notre maison. L’humanitĂ© fait partie d’un grand univers en Ă©volution. La terre, notre maison, est vivante avec une communautĂ© de vie singuliĂšre
  La protection de la vitalitĂ©, de la diversitĂ© et de la beautĂ© de la terre est une responsabilitĂ© sacrĂ©e
. Cela rejoint la richesse des traditions bibliques concernant la terre » (8).

Cependant, c’est aussi sur la question de l’attitude vis-Ă -vis de la mort que la pensĂ©e thĂ©ologique de Moltmann appuie la recherche de Michel Serres. En effet, dans une civilisation dominĂ©e par la guerre et par la mort, cet « ùge dur » qui nous a Ă©tĂ© dĂ©crit, la religion a pu se rĂ©signer dans une acceptation de la mort comme une fatalitĂ©, dĂ©tournĂ©e vers une Ă©migration de l’ñme vers l’au delĂ . Au contraire, avec force, Moltmann proclame la lutte contre la mort. « La rĂ©surrection du Christ porte le « oui » de Dieu Ă  la vie et son « non » Ă  la mort et suscite nos Ă©nergies vitales. Les chrĂ©tiens sont des gens qui refusent la mort ( « Protest people against death »)
.L’origine de la foi chrĂ©tienne est, une fois pour toutes, la victoire de la vie divine sur la mort. « La mort a Ă©tĂ© engloutie dans la victoire » (1 Corinthiens 15.54). C’est le cƓur de l’Evangile. C’est l’Evangile de la vie ».

Et JĂŒrgen Moltmann poursuit : « Cette thĂ©ologie de la vie doit ĂȘtre le cƓur du message chrĂ©tien en ce XXIĂš siĂšcle. JĂ©sus n’a pas fondĂ© une nouvelle religion. Il a apportĂ© une vie nouvelle dans le monde, aussi dans le monde moderne. Ce dont nous avons besoin, c’est une lutte partagĂ©e pour la vie, la vie aimĂ©e et aimante qui se communique et est partagĂ©e, en bref la vie qui vaut d’ĂȘtre vĂ©cue dans cet espace vivant et fĂ©cond de la terre » (9).

Comme Michel Serres, JĂŒrgen Moltmann  porte Ă©galement attention aux Ă©mergences : « L’histoire prĂ©sente des situations qui contredisent le Royaume de Dieu et sa justice. Nous devons nous y opposer. Mais il existe Ă©galement des situations qui correspondent au Royaume de Dieu et Ă  sa justice. Nous devons les soutenir et les crĂ©er lorsque c’est possible. Il existe ensuite dans le temps prĂ©sent des paraboles du Royaume futur et nous y voyons ce qui arrivera au jour de Dieu. Nous entrevoyons dĂ©jĂ  maintenant quelque chose de la guĂ©rison et de la nouvelle crĂ©ation de toutes chose que nous attendons. Nous le traduisons par une attente crĂ©atrice  » (10).

 

Si la vision de Michel Serres est particuliĂšrement originale, elle est aussi en convergences avec la pensĂ©e de quelques autres penseurs contemporains. Son livre nous appelle Ă  un regard nouveau. La pensĂ©e de Michel Serres nous ouvre Ă  la reconnaissance d’une civilisation nouvelle en train d’apparaĂźtre et de s’étendre, cet « ùge doux » dĂ©jĂ  suffisamment avancĂ© pour que Michel Serres puisse le dĂ©crire et le caractĂ©riser. Il y a dans ce discernement un aspect prophĂ©tique. Michel Serres nous invite Ă  entrer dans une nouvelle maniĂšre de vivre.

 

J H

 

(1)            Serres (Michel). darwin, bonaparte et le samaritain. Une philosophie de l’histoire. Le Pommier, 2016                                           Une conversation particuliĂšrement Ă©clairante avec Michel Serres sur cet ouvrage au Monde Festival en vidĂ©o : http://www.lemonde.fr/festival/video/2016/09/20/le-monde-festival-en-video-conversation-avec-michel-serres_5000685_4415198.html

(2)            Lecomte (Jacques). La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Odile Jacob, 2012. Mise en perspective sur ce blog :   https://vivreetesperer.com/?p=674

(3)            Serres (Michel). Petite Poucette. Le Pommier, 2012. Mise en perspective sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=820

(4)            Menaces multiples et mĂȘme, menaces de guerres, comme en traite Pierre Servent dans son livre : « Extension du domaine de la guerre » (Robert Laffont, 2016)

(5)            Rifkin (JĂ©rĂ©mie). Une nouvelle conscience pour le monde. Vers une civilisation de l’empathie. Les liens qui libĂ©rent, 2010.  Mise en perspective sur le site de TĂ©moins :  http://www.temoins.com/vers-une-civilisation-de-lempathie-a-propos-du-livre-de-jeremie-rifkinapports-questionnements-et-enjeux/

(6)            « Emergence d’une nouvelle sensibilitĂ© spirituelle et religieuse », sur le site de TĂ©moins :  http://www.temoins.com/emergence-dune-nouvelle-sensibilite-spirituelle-et-religieuse-en-regard-du-livre-de-frederic-lenoir-l-la-guerison-du-monde-r/

(7)            « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/?p=2151

(8)            « In the fellowship of the earth », p 80-85, in : JĂŒrgen Moltmann. The Living God and the fullness of life. World Council of Churches, 2016.   PrĂ©sentation du livre sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=2413

(9)            Sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : « la vie contre la mort » : http://www.lespritquidonnelavie.com/?p=841

(10)      Moltmann (JĂŒrgen) . De commencements en recommencements. Une dynamique d’espĂ©rance. Empreinte temps prĂ©sent, 2012 (p 115)                                               PrĂ©sentation sur ce blog : https://vivreetesperer.com/?p=572

 

Vivre la dĂ©couverte thĂ©ologique Ă  l’échelle du monde

L’anniversaire de JĂŒrgen Moltmann cĂ©lĂ©brĂ© en Chine

Aujourd’hui, Ă  travers les nouveaux moyens de communication, nous sommes de plus en plus proches les uns des autres. Ce rapprochement s’accĂ©lĂšre. C’est une magnifique opportunitĂ© pour davantage de collaboration. Mais cela peut engendrer aussi confrontation et conflictualitĂ©. Ainsi, Ă  l’échelle internationale, nous avons de plus en plus besoin de nous comprendre. A partir des diffĂ©rentes cultures, des diffĂ©rents contextes nationaux, les cheminements de pensĂ©e varient.  Mais dans le grand brassage des hommes et des idĂ©es, face Ă  des problĂšmes  communs de plus en plus prĂ©gnants, ces cheminements sont de plus en plus appelĂ©s Ă  se rapprocher. Et c’est bien dĂ©jĂ  le cas dans certains domaines, par exemple dans le champ des sciences.

Sur le plan religieux, si les grandes religions se sont longtemps installĂ©es dans telle ou telle aire gĂ©ographique, elles ont cependant Ă©té  toujours en mouvement, dans des  conjonctures d’expansion. Aujourd’hui, des formes d’expression et de pratique se manifestent dans des courants qui traversent les frontiĂšres des religions existantes (1). Et, par ailleurs, les diffĂ©rentes religions sont Ă©galement confrontĂ©es aux transformations culturelles et aux problĂšmes sociaux et politiques. Et, par exemple, elles sont toutes interpellĂ©es par la prise de conscience Ă©cologique (2).  On peut observer ces divers mouvements dans le monde chrĂ©tien et dans ses divers composantes confessionnelles. Ici donc, la thĂ©ologie est appelĂ©e Ă  Ă©clairer les questions nouvelles qui apparaissent en fonction des transformations de mentalitĂ© et des environnements culturels et sociaux qui forgent ces transformations. A cet Ă©gard, un thĂ©ologien, aujourd’hui reconnu parmi les plus grands et les plus innovants, JĂŒrgen Moltmann, nous paraĂźt apporter une contribution majeure. Ainsi, ce blog recourt-il frĂ©quemment Ă  ses Ă©clairages (3).

JĂŒrgen Moltmann vient d’avoir 93 ans. Une vidĂ©o rĂ©alisĂ©e en Chine cĂ©lĂšbre son anniversaire. C’est un signe remarquable de la reconnaissance et de l’audience de sa thĂ©ologie Ă  l’échelle du monde.

Effectivement, si cette thĂ©ologie suscite un Ă©cho dans diffĂ©rentes parties du monde, de l’Europe dont elle est issue, jusqu’aux AmĂ©riques et en Afrique, elle est particuliĂšrement apprĂ©ciĂ©e en ExtrĂȘme-Orient : CorĂ©e, Japon, Chine
 C’est peut-ĂȘtre  parce que JĂŒrgen Moltmann apporte Ă  la fois une double signification : une orientation dans le monde d’aujourd’hui Ă  travers une thĂ©ologie de l’espĂ©rance (4) et, dans les civilisations d’ExtrĂȘme-Orient attentive Ă  l’unitĂ© de la crĂ©ation et aux Ă©nergies qui l’animent, une reconnaissance de la prĂ©sence de Dieu dans l’immanence Ă  travers une thĂ©ologie de l’Esprit, cet « Esprit qui donne la vie » (5).

Dans cette Ă©mergence d’une culture mondiale, oĂč des questions apparaissent et convergent, la thĂ©ologie de Moltmann est une thĂ©ologie pour notre temps.

Cette vidĂ©o tĂ©moigne de la reconnaissance de la thĂ©ologie de Moltmann en Chine. En consultant les informations  sur les institutions reprĂ©sentĂ©es par les intervenants,  on en perçoit la diversitĂ© et donc la vaste dimension de l’audience qui est accordĂ©e Ă  cette pensĂ©e. Nous rapportons donc ici le message de la vidĂ©o (6).

https://www.youtube.com/watch?v=9z4nzf–7E0&fbclid=IwAR020hV7ceZZmGe2JhUNfdl_L_zw5fXSLROcYpq9G0Qv0b6juEcnQoFLYoY

Joyeux anniversaire au professeur Moltmann.
Bénédictions de Chine

Professeur Zhang Xu.  Renmin China University. Pékin
J’espĂšre que je pourrais vous rencontrer dans l’avenir et Ă©couter votre enseignement

Professeur You Bin.  Minzu university of China. Pékin
Qu’il soit bĂ©ni ! Une vie pleine de vitalitĂ© et qui porte beaucoup de fruits. Son influence ne s’étend pas seulement Ă  l’aspect acadĂ©mique du christianisme. Ses Ɠuvres jaillissent de son cƓur dans la contemplation de la marche du monde. Alors elles touchent tous ceux qui cherchent la vĂ©ritĂ© honnĂȘtement. Je le fĂ©licite profondĂ©ment pour son oeuvre formidable et je lui souhaite une bonne santĂ© et une bonne longĂ©vitĂ©.

Professeure Song Xuhong  Minzu University of China  Pékin
Dans une perspective chinoise, ĂȘtre ĂągĂ© de 93 ans, c’est  entrer dans un Ăąge de bonheur et de longĂ©vitĂ©, mais je prĂ©fĂšre l’envisager selon la personnalitĂ© et le charme du professeur Moltmann.  Je souhaite que professeur Moltmann puisse rester jeune et actif pour qu’il puisse toujours habiter dans ses pensĂ©es inspirĂ©es et nous guider par sa profonde sagesse

Professeur Hsuch Hsin Chow  China Evangelical Seminary
Je bĂ©nis le professeur Moltmann, ce gĂ©ant qui est utilisĂ© constamment par Dieu comme une voix qui s’adresse aux Eglises partout dans le monde.  Par une inspiration particuliĂšre, il peut continuer Ă  aider les Ă©glises chinoises. Que Dieu le bĂ©nisse abondamment !

Docteur Wang Wenfeng  Fondateur du Consensus d’Oxford
Le docteur Wenfeng déploie une calligraphie qui exprime ses pensées de bénédiction pour la vie du professeur Moltmann

Docteure Yang Huaming  Chinese Academy of Social science
Joyeux anniversaire et une vie toujours jeune

Cette vidĂ©o met en Ă©vidence l’importance et la pertinence de la vision de Moltmann dans le contexte de la culture chinoise.  Mais elle est aussi un hommage du cƓur avec une Ă©mouvante dĂ©licatesse. Et, comme les intervenants sont issus de diffĂ©rentes institutions, c’est le produit d’une belle collaboration. Elle exprime remarquablement l’amitiĂ© envers JĂŒrgen Moltmann avec une expression de tendresse et une grande justesse de ton. Elle tĂ©moigne d’une harmonie. Elle Ă©veille une Ă©motion. Dans cet anniversaire, l’Esprit divin se manifeste dans l’amour et la bĂ©nĂ©diction. Une lumiĂšre nous vient de Chine.

J H

  1. « Dynamique culturelle et vivre ensemble dans un monde globalisĂ©. « La guerre des civilisations n’aura pas lieu » de RaphaĂ«l Liogier » : https://vivreetesperer.com/dynamique-culturelle-et-vivre-ensemble-dans-un-monde-globalise/
  2. « Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, Pape François et Edgar Morin » : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/
  3. Pour une vue d’ensemble sur la vie et la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann : « Une thĂ©ologie pour notre temps. L’autobiographie de JĂŒrgen Moltmann » : https://www.temoins.com/une-theologie-pour-notre-temps-lautobiographie-de-juergen-moltmann/ Quelques articles sur : Vivre et espĂ©rer : « Le Dieu Vivant et la plĂ©nitude de la vie » : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie-2/   « Le Dieu vivant et la plĂ©nitude de vie. Eclairages apportĂ©s par la pensĂ©e de JĂŒrgen Moltmann » : https://vivreetesperer.com/le-dieu-vivant-et-la-plenitude-de-vie/
  4. La rĂ©ception de la thĂ©ologie de l’espĂ©rance Ă  travers un colloque organisĂ© Ă  New York en 1988 : https://vivreetesperer.com/quelle-vision-de-dieu-du-monde-de-lhumanite-en-phase-avec-les-aspirations-et-les-questionnements-de-notre-epoque/
  5. « Un Esprit sans frontiĂšres. ReconnaĂźtre la prĂ©sence et l’Ɠuvre de l’Esprit » : https://vivreetesperer.com/un-esprit-sans-frontieres/
  6. https://www.youtube.com/watch?v=9z4nzf–7E0&fbclid=IwAR020hV7ceZZmGe2JhUNfdl_L_zw5fXSLROcYpq9G0Qv0b6juEcnQoFLYoY
Spiritualité et psychiatrie

Spiritualité et psychiatrie

La vision spirituelle du mĂ©decin psychiatre, Jacques Besson dans la dĂ©couverte de nouveaux horizons : les neurosciences, les synchronicitĂ©s, la lutte contre les addictions, l’usage des psychĂ©dĂ©liques, le chamanisme


Auteur d’un livre sur : Addiction et spiritualitĂ© (1), Jacques Besson, mĂ©decin psychiatre, addictologue, ancien chef du dĂ©partement de psychiatrie communautaire du dĂ©partement de psychiatrie du centre hospitalier universitaire vaudois, professeur honoraire de l’UniversitĂ© de Lausanne, a Ă©tĂ© frĂ©quemment interviewĂ© dans des vidĂ©os sur You tube (2). Il y met en Ă©vidence des relations sensibles entre spiritualitĂ©, prĂ©sence d’une conscience, lutte contre les addictions, usage des psychĂ©dĂ©liques, expĂ©rience de mort imminente, expĂ©rience du chamanisme. En mĂȘme temps, Jacques Besson se prĂ©sente comme un croyant enracinĂ© dans une foi chrĂ©tienne d’inspiration protestante. En Ă©coutant Jacques Besson, nous dĂ©couvrons des rĂ©alitĂ©s qui se manifestent aujourd’hui et sur la signification desquelles nous nous interrogeons. A partir de son expĂ©rience et des connaissances, il nous apporte un Ă©clairage prĂ©cieux. Voici donc quelques aperçus Ă  partir d’une interview de jacques Besson par Didier Reinach : « SpiritualitĂ© et crĂ©ativitĂ© de soi – l’esprit du bonheur » (3).

 

Cheminement professionnel et spirituel de Jacques Besson

Au dĂ©part, l’intervieweur rappelle les intĂ©rĂȘts de Jacques Besson : « la psychiatrie communautaire, la santĂ© mentale, les rapports entre la psychiatrie, la religion, la spiritualitĂ© et les neurosciences ». Il pose donc une premiĂšre question : « Pourquoi la spiritualitĂ© est-elle un chemin de guĂ©rison ? » Et il l’interroge sur ses motivations : « Qu’est-ce qui te pousse, qu’est-ce qui te porte Ă  introduire la dimension spirituelle ? ». La rĂ©ponse porte d’abord sur les racines : « Je viens d’une longue tradition protestante. Comme enfant, j’ai eu des visions, des intuitions, des aspirations sur l’invisible, sur la lumiĂšre du monde. Cela m’a toujours intriguĂ© et passionnĂ©. Depuis l’ñge de cinq ans environ, je m’intĂ©resse Ă  l’individu, Ă  la question de l’esprit ». Jacques Besson s’est donc dirigĂ© vers la mĂ©decine ; puis, il s’est intĂ©ressĂ© Ă  la neurologie. Il est passĂ© ensuite Ă  la psychiatrie, puis Ă  la psychanalyse. Et de la psychanalyse, il s’est dĂ©vouĂ© pour des populations vulnĂ©rables, pour la mĂ©decine des pauvres au Centre Saint-Martin qui a accueilli des milliers toxicomanes. C’était une mĂ©decine communautaire, gĂ©nĂ©reuse. De lĂ , Jacques Besson est devenu un expert en addictologie, une science interdisciplinaire qui rassemble un ensemble de savoirs pour faire face Ă  la complexitĂ© du problĂšme de l’addiction. Il s’est engagĂ© dans des psychothĂ©rapies et c’est lĂ  qu’il s’est rendu compte petit Ă  petit que « la question du sens Ă©tait centrale ». Jacques Besson a Ă©galement Ă©tĂ© mĂ©decin dans l’ArmĂ©e du Salut. Il a vu lĂ  un tĂ©moignage magnifique et il y a beaucoup appris. C’est lĂ  qu’il a rencontré « les alcooliques anonymes », un mouvement spirituel et non religieux qui a commencĂ© dans les annĂ©es 1930, oĂč les participants se remettent Ă  une puissance supĂ©rieure, Ă  plus grand qu’eux-mĂȘmes, pour leur rĂ©tablissement. Les « alcooliques anonymes » ont actuellement plusieurs dizaines de millions d’adeptes en traitement qui vont bien. Jacques Besson, bien au fait de la biologie molĂ©culaire, a considĂ©rĂ© les bienfaits engendrĂ©s par l’approche des alcooliques anonymes : les diffĂ©rentes Ă©tapes, le lĂącher-prise et la conscience dans l’univers. Il s’est alors demandé : est-ce qu’il y aurait une neuroscience des alcooliques anonymes ? La rĂ©ponse est oui. Il y a eu beaucoup de recherches en imagerie sur l’impact de la priĂšre, de la mĂ©ditation. Dans les annĂ©es 1990, au cours d’une annĂ©e sabbatique Ă  Harvard, il a pu suivre les dĂ©buts de l’imagerie fonctionnelle cĂ©rĂ©brale et il a dĂ©couvert la puissance de l’instrument. « Entre addiction et spiritualitĂ©, il y a un rapport trĂšs Ă©troit. D’un cĂŽtĂ©, l’addiction est une impasse de sens. De l’autre cĂŽtĂ©, la spiritualitĂ© est une ouverture Ă  plus grand que soi. Donc la spiritualitĂ© est un instrument puissant pour la prĂ©vention et le rĂ©tablissement des addictions ». AprĂšs avoir fait une thĂšse sur la correspondance Ă©changĂ©e entre Freud et le pasteur Pfister oĂč les fondements du dialogue entre psychanalyse et religion Ă©taient posĂ©s, Jacques Besson s’est engagĂ© dans une Ă©tude de la pensĂ©e de Carl Jung et, pendant une dizaine d’annĂ©es, il s’est formĂ© Ă  la psychanalyse jungienne en autodidacte, puisque celle-ci n’est pas agrĂ©Ă©e dans l’enseignement officiel. Il y a trouvĂ© les ingrĂ©dients dont il avait besoin pour Ă©tablir un lien entre science et spiritualitĂ©. « Il peut y avoir une science de l’esprit qui est plus grande que celle du cerveau ou de la psychologie, et la question de l’inconscient collectif, la question du Dieu inconscient, la question de ce qui nous transcende et de ce qui nous traverse sont des questions qui ont habitĂ© les humains depuis toujours et Jung a Ă©tĂ© un investigateur de gĂ©nie sur ces questions ». Par la suite, Jacques Besson s’est tournĂ© vers l’Ɠuvre du sociologue mĂ©dical, rescapĂ© d’Auschwitz, Aaron Antoniovsy. Il a observĂ© la vie dans les camps et « il en a tirĂ© la conclusion que les humains avaient besoin de sens et de cohĂ©rence, de cohĂ©rence permettant d’aligner le somatique, le psychique et le spirituel, et d’ĂȘtre droit dans ses bottes, d’avoir un sens dans la vie. VoilĂ  ce qui est gĂ©nĂ©rateur de ce qu’il a appelĂ© lui-mĂȘme la salutogenĂšse. La salutogenĂšse, Ă  travers ses origines latines entend le salut Ă  la fois comme santĂ© et comme salut. La salutogenĂšse est le concept gĂ©nial qui crĂ©Ă© la promotion de la santĂ©. Les mĂ©decins obsĂ©dĂ©s par les causes des maladies s’intĂ©ressent beaucoup moins aux attracteurs de santĂ© et je me suis passionnĂ© pour le ‘solutionnisme’, c’est Ă  dire conjuguer toutes les approches disponibles dans un champ comme les addictions oĂč la mĂ©decine Ă©tait trĂšs pauvre et pouvoir venir ainsi Ă  l’aide de populations vulnĂ©rables ».

Mais, si l’on peut distinguer des groupes vulnĂ©rables, « nous sommes tous aujourd’hui vulnĂ©rables d’une certaine maniĂšre
 Nous avons tous des carences, nous avons tous des maltraitances
 la condition humaine fait que la vie est imparfaite et que nous sommes sur un chemin entre l’inaccompli et l’accompli. C’est une voie mystique qui ne me fait pas peur parce qu’elle est compatible avec la vision scientifique d’un monde Ă©volutionnaire ».

Aujourd’hui, « l’humanitĂ© est traumatisĂ©e et elle n’accĂšde pas, pas encore, aux instruments de guĂ©rison, cet alignement entre le physique, le psychique et le spirituel, entre la science de la nature, la science humaine et, peut-ĂȘtre la science de l’esprit. Donc, j’ai toujours cherchĂ© cette cohĂ©rence, cet alignement
 Je n’ai jamais quittĂ© cette ligne et je suis ‘le capitaine de mon Ăąme’ » (cette expression en Ă©cho Ă  celle du poĂšme rĂ©citĂ© en priant, par Nelson Mandela dans sa prison).

 

L’ĂȘtre humain et la spiritualitĂ©

L’entretien se poursuit au sujet de la nature humaine. Nous ressentons aujourd’hui les effets nocifs du matĂ©rialisme. « Ce matĂ©rialisme, dans lequel nous sommes dĂ©sespĂ©rĂ©ment plongĂ©s, nous coupe de ce que les peuples premiers savaient trĂšs bien
 C’est que le monde est un. Nous sommes dans une totalité ». En demandant Ă  ses Ă©tudiants en mĂ©decine : oĂč est l’esprit, Jacques Besson les amenait Ă  penser qu’il n’était pas seulement dans le cerveau, dans le corps, mais que, pour vivre, l’ĂȘtre humain avait besoin d’un langage, de relations, d’une culture ; « il faut une humanitĂ©, il faut une planĂšte, il faut un univers. Pour un seul ĂȘtre humain, il faut la totalitĂ© de l’univers et le grand mystĂšre, c’est que chaque ĂȘtre humain reprĂ©sente une singularité ». Mais cette singularitĂ© se vit en complĂ©mentaritĂ©, dans un ensemble. « Plus on va vers soi-mĂȘme, disent les sages du premier millĂ©naire chrĂ©tien, plus on s’approche de Dieu, mais il s’agit de soi-mĂȘme, au sens de Jung, c’est Ă  dire d’une individuation. Il s’agit de bien comprendre le rapport entre le soi et la totalité ».

C’est un apport de la psychanalyse jungienne qui, elle-mĂȘme, peut ĂȘtre envisagĂ©e comme une Ă©tape pour aller plus haut. A partir d’un Ă©pisode vĂ©cu et rapportĂ© par Jung, du ‘rĂȘve d’un scarabĂ©e par un patient et l’apparition de cet insecte Ă  la fenĂȘtre’, la conversation s’engage sur le phĂ©nomĂšne des synchronicitĂ©s. Jacques Besson a vĂ©cu de nombreuses synchronicitĂ©s dans sa carriĂšre et « il est convaincu que ce phĂ©nomĂšne introduit une fenĂȘtre sur un rapport diffĂ©rent au temps, au temps qui nous dĂ©passe, au temps vertical, le grand temps, celui qui s’est dĂ©ployĂ© avec le big bang  ». L’accueil des synchronicitĂ© requiert « une grande ouverture au monde, Ă  l’univers, Ă  la conscience, qui est bien plus grande que ce qu’on peut imaginer, et pour les scientifiques, beaucoup d’humilité », vertu trop peu rĂ©pandue  « Il faut ĂȘtre bien conscient des limites de la science pour accĂ©der Ă  un monde plus grand
 La foi et la science ne s’oppose pas. On peut ĂȘtre scientifique et mystique. La science s’occupe des ‘comments’. Elle propose des modĂšles. La mĂ©taphysique propose des intuitions, des visions ».

La conversation se poursuit sur les ressources du cerveau humain. « Le cerveau a de nombreuses fonctions
 Le cerveau est un univers Ă  lui tout seul. C’est un microcosme. L’univers du cerveau est un univers infiniment complexe ». Ainsi, s’il y a un infiniment petit et un infiniment grand, « comme l’a intuitivement prĂ©dit, le gĂ©nial Blaise Pascal, l’homme est le milieu de toutes choses et l’ĂȘtre humain est entre les deux infinis, le petit et le grand, et je suis arrivĂ© Ă  la conclusion qu’il dĂ©tient le troisiĂšme infini qui est l’infiniment complexe
 La science se prĂ©occupe d’objectiver. La ligne de la science, c’est bien l’objectivitĂ©, mais nous autres, ĂȘtres humains, nous vivons aussi d’une subjectivitĂ© et la science du sujet est extrĂȘmement importante. C’est la science de la conscience prĂ©cisĂ©ment
 La totalitĂ© implique d’avoir recours Ă  la science et Ă  la conscience, Ă  la science et Ă  la spiritualité ».

 

Spiritualité, soin, médecine

Une question de l’interviewer : Est-ce que la spiritualitĂ© peut soigner des Ă©gos blessĂ©s, des Ă©gos malades ? Jacques Besson rĂ©pond en Ă©voquant « une nouvelle science qui a fait d’énormes progrĂšs depuis une quinzaine d’annĂ©es : la psycho-traumatologie. La psycho-traumatologie est l’étude interdisciplinaire des traumatismes psychiques. Nous avons tous un certain capital de santĂ© mentale et nous pouvons supporter ainsi un certain nombre de souffrances. Mais s’il y a effraction, un abus trop fort, une agression trop violente, la blessure psychique qui en rĂ©sulte est un traumatisme. La question du traumatisme est trĂšs importante parce qu’elle participe au diagnostic d’une vulnĂ©rabilitĂ© particuliĂšre chez certaines personnes qui peut ĂȘtre investiguĂ©e et surtout peut ĂȘtre traitĂ©e.

Puis, une grande question se pose : pourquoi moi ? Pourquoi Ă  moi, m’est-il arrivĂ© tel accident, tel malheur ? Et le ‘pourquoi moi’, est un grand mystĂšre. C’est une blessure parce que c’est incomprĂ©hensible. Le monde est imparfait. L’arrivĂ©e d’un accident nous dĂ©passe et la spiritualitĂ© nous aide Ă  redonner du sens, Ă  recouvrir notre Ăąme
 C’est la technique chamanique. C’est l’extraction d’esprit et le recouvrement d’ñme. Les chamans sont spĂ©cialistes du trauma Ă  leur maniĂšre. L’extraction d’esprit, c’est se dĂ©tourner de ce qui nous a blessĂ©, peut-ĂȘtre l’extraire ou tout au moins s’en dĂ©tacher. Le recouvrement d’ñme, c’est aller vers plus grand que soi. Et voilĂ  un mouvement salutogĂ©nique. Et voilĂ , les peuples premiers ont cette intuition qu’il y un rĂ©tablissement possible. La santĂ© mentale est le fruit d’une plasticitĂ©. Et cela, c’est tout l’espoir que peut avoir un psychiatre, un psychiatre psychothĂ©rapeute en l’occurrence. Le cerveau est plastique. C’est Ă  dire que les connexions s’adaptent Ă  l’environnement, Ă  la culture. Les neurones dialoguent entre eux et se connectent. Et cela laisse de la trace.

Donc, du coup, l’expĂ©rience spirituelle, cela laisse de la trace. Pour en donner un exemple, la mĂ©ditation en pleine conscience, qui s’est occidentalisĂ© rĂ©cemment, se rĂ©vĂšle modifier la connectivitĂ© cĂ©rĂ©brale, ainsi que montre les nouvelles techniques d’imagerie. On devient plus autonome affectivement et cognitivement, plus souple. Ce sont des encouragements trĂšs forts pour relier la mĂ©decine psychiatrique, la mĂ©decine somatique et la psychothĂ©rapie. Depuis plusieurs annĂ©es, j’ai eu la chance d’introduire la santĂ© spirituelle Ă  la facultĂ© de mĂ©decine, notamment Ă  la suite de la rencontre publique avec le DalaĂŻ Lama en 2013.

Je lui ai posĂ© la question des trois ordres de la mĂ©decine et il m’a rĂ©pondu avec beaucoup de chaleur que c’était une question qu’il fallait absolument explorer en Occident, car, pour la mĂ©decine tibĂ©taine, il est Ă©vident que le premier rang de la santĂ© est la santĂ© spirituelle. En dĂ©coule la santĂ© psychique dont dĂ©coule la santĂ© physique. Or, en Occident, nous faisons trĂšs exactement le contraire. Nous avons jetĂ© les bases d’une santĂ© somatique, nous avons Ă©laborĂ© correctement une psychiatrie qui tient la route, mais nous somme encore trĂšs loin de la singularitĂ© du sujet, de la question du lien, de la question du sens qui sont les vraies questions qui mobilisent la salutogenĂšse et le rĂ©tablissement ».

Une crĂ©ation de sens ? suggĂšre l’interviewer. C’est innĂ© ou cela se travaille ? demande-t-il. « Les deux Ă  la fois » rĂ©pond Jacques Besson. « Je crois qu’il y a du divin dans l’homme, pour citer les PĂšres de l’Église ». En reprenant une expression latine, « l’homme est capable de Dieu. C’est-Ă -dire, il a une intuition du beau, du bien, du vrai, du juste, et il peut suivre ce chemin. C’est un possible. Alors cela nĂ©cessite Ă©videmment un travail. Le Bouddha a dit : « Le bonheur est sur le chemin ». Alors, cheminons.

 

Psychédéliques, chamanisme, médecine ouverte

Jacques Besson envisage son approche de la guĂ©rison sous diffĂ©rents angles. Ainsi, dans un cadre psychiatrique, il participe Ă  « la rĂ©habilitation des psychĂ©dĂ©liques (champignons hallucinogĂšnes, Lsd, certaines formes d’ecstasy) », Ă  des fins thĂ©rapeutiques. Historiquement, ces substances ont Ă©tĂ© stigmatisĂ©es aprĂšs le premier dĂ©veloppement de leur usage aux Etats-Unis, mais on observe aujourd’hui un retour parce qu’on a compris que ce n’est pas le mĂȘme groupe de drogues que les opiacĂ©s, la cocaĂŻne ; un groupe diffĂ©rent qui a la capacitĂ© de perturber l’ordre psychique, mais Ă  petites dose, bien contrĂŽlĂ©es et dans un cadre thĂ©rapeutique, cela peut permettre de modifier un ordre Ă©tabli dans le sens d’ouvrir certaines mĂ©moires qui Ă©taient dans des tiroirs. Lorsqu’un traumatisme dĂ©sorganisateur infecte une existence, il vaut mieux le sortir, l’aĂ©rer. Et cela, c’est l’extraction d’esprit et le recouvrement d’ñme opĂ©rĂ©s par les chamans, c’est ce que la psychanalyse essaie de faire laborieusement avec de longs processus, c’est ce que l’hypnose essaie de faire par des conditionnements, mais les psychĂ©dĂ©liques sont aujourd’hui le moyen le plus prometteur pour accĂ©der aux souvenirs traumatiques dans un contexte sĂ©curisĂ© et Ă©largir la conscience
 On pense que les psychĂ©dĂ©liques ont le pouvoir d’accroitre la plasticitĂ© neuronale, et notamment les champignons, ce que les peuples premiers savaient trĂšs bien. Aujourd’hui les mĂ©dicaments les plus prometteurs en psychiatrie sont ceux qui ont Ă©tĂ© les plus ostracisĂ©s et maudits quand j’étais jeune. Le cannabis ouvre des perspectives intĂ©ressantes en mĂ©decine curative et les psychĂ©dĂ©liques ouvrent des pistes intĂ©ressantes pour la santĂ© mentale ».

Jacques Besson critique les prĂ©jugĂ©s engendrĂ©s par un matĂ©rialisme rĂ©ductionniste vis-Ă -vis des pratiques des peuples premiers. « J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs personnes qui se sont intĂ©ressĂ©es scientifiquement au chamanisme. Ainsi le docteur Olivier Chambon en France qui a Ă©crit un texte de rĂ©fĂ©rence : « PsychothĂ©rapie et chamanisme ». Il Ă©voque la psychologie transpersonnelle, notamment StĂ©phane Gros. Ce sont des psychologues qui acceptent qu’on puisse communiquer d’inconscient Ă  inconscient et communiquer avec plus grand que soi. Le chamanisme, c’est aussi une communication avec un monde plus grand. Le chamane et Ă  la fois prĂȘtre et mĂ©decin. Aujourd’hui, nous avons rejetĂ© le prĂȘtre et garder le mĂ©decin.

Il est grand temps de rĂ©concilier le prĂȘtre et le mĂ©decin, le spirituel et le scientifique ». il y a un fossĂ© Ă  combler. Cependant, en mĂ©decine scientifique, on enseigne la psychologie mĂ©dicale, les fondements de la relation mĂ©decin-malade, l’alliance thĂ©rapeutique et il y a maintenant une science Ă©tablie de l’effet placebo. Le mĂ©decin revient au prĂȘtre par des voies dĂ©tournĂ©es. Et il utilise trĂšs largement, souvent inconsciemment, le chemin de la suggestion (suggestion que Freud n’aimait pas trop). Pour ma part, je pense que le mĂ©decin de famille est un homme de confiance. Il a le manteau du druide. Il fait de la suggestion. Et c’est une bonne chose ! Les mĂ©dicaments parfois peuvent avoir un effet placebo sans le savoir ». Jacques Besson Ă©voque une recherche sur les antidĂ©presseurs qui montre qu’il n’y a que 5% de variance entre le placebo et le mĂ©dicament. « Cela rend modeste quand on pense qu’on a dĂ©pensĂ© des milliards pour des antidĂ©presseurs.

« Je crois qu’il faut ĂȘtre juste et humble. Il y a un ordre somatique de la mĂ©decine. Il y a des gĂšnes. Il y a des molĂ©cules. Il y a un dĂ©terminisme biologique. Il y a une gĂ©nĂ©tique. Mais il y a aussi une Ă©pigĂ©nĂ©tique. Les gĂšnes dialoguent avec l’environnement. Le sujet a une histoire dans sa nature, dans son contexte. Et c’est toute la force de l’ordre psychique. Nous avons une Ă©ducation, un environnement, une culture, des valeurs et cela produit de la plasticité ». Il y a des intuitions. L’intuition est une dimension de l’appareil psychique qui n’est pas Ă©tudiĂ©e en psychothĂ©rapie. Elle est souvent destinĂ©e aux « bonnes femmes » alors que la femme a beaucoup plus d’intuition que l’homme.

C’est probablement avec les femmes que l’on a eu les plus grandes dĂ©couvertes de la sacralitĂ©. Certes, il y a des diffĂ©rences biologiques entre les hommes et les femmes, mais ces diffĂ©rences ne sont pas absolues. « Il y a l’ordre psychique, les apprentissages, les valeurs qui ont Ă©tĂ© transmises. Mais je pense que la rĂ©ponse la plus appropriĂ©e est dans la psychĂ©, les archĂ©types, l’animus et l’anima
 La santĂ© psychique, c’est le dialogue, le mariage entre l’animus et l’anima. C’est la rencontre des opposĂ©s. Pour atteindre la totalitĂ©, l’individuation, il faut avoir mariĂ© l’anima et l’animus  ». Cette analyse se poursuit au niveau de l’univers. « La rencontre du ciel et de la terre se fait pour que l’homme puisse accĂ©der Ă  plus grand que lui. Henri Bergson disait : « la terre est un incubateur de Dieu ». Tout se passe comme si la matiĂšre voulait ĂȘtre spiritualisĂ©e  ». C’est une vision de rĂ©conciliation.

Puis, Jacques Besson Ă©voque l’amour des autres comme l’amour de soi. » Pour les bouddhistes, pas de sagesse sans compassion. Pour les chrĂ©tiens, pas de vĂ©ritĂ© sans charitĂ©. La conscience ne suffit pas
 il faut passer par le don de soi ; par la crĂ©ativitĂ©, par le nouveau. Si nous sommes dans un univers Ă©volutionnaire, alors nous faisons partie de l’évolution. Nous avons une responsabilitĂ©. Nous sommes des co-crĂ©ateurs ».

« La mĂ©ditation, la priĂšre, la sagesse des peuples premiers et la religion peuvent nous apporter quelque chose. La spiritualitĂ© n’a pas besoin d’ĂȘtre religieuse ; mais je pense qu’il y a des religions qui peuvent ĂȘtre spirituelles. Personnellement, j’ai beaucoup d’admiration pour le soufisme
 Soyons humble. Gandhi a dit : « celui qui va au fond de sa religion, va au fond de toutes les religions ». Le noyau dur des religions, c’est la spiritualitĂ©, c’est la sacralitĂ©, c’est le rapport entre la vĂ©ritĂ© et la charitĂ©. C’est cela le noyau dur ».

 

Quelles lectures éclairantes ? Une inspiration biblique

L’intervieweur demande Ă  Jacques Besson de nous conseiller. Et, entre autres, quelles lectures comptent pour lui ? La rĂ©ponse va Ă  l’encontre de la mode. C’est « lire la Bible ». « Parce que c’est, quand mĂȘme, un livre incroyable. Ce sont des centaines d’auteurs qui Ă©crivent ensemble dans des moments diffĂ©rents, dans des contextes diffĂ©rents, pour exprimer une forme de vĂ©ritĂ© profonde dont ils ont eu l’inspiration, la rĂ©vĂ©lation pour le bien de la communautĂ©. Il y a, bien sĂ»r, des chapitres plus difficiles, mais lire la Bible avec la psychologie des profondeurs, avec de l’éveil, avec un regard chamanique, c’est trĂšs riche de sens, de lien, d’expĂ©rience d’autres humains, d’autres situations. Quand MoĂŻse va chercher les tables de la loi et qu’il trouve les « couillons » avec le veau d’or, c’est une modernitĂ© effrayante. Et le Christ sur sa croix qui est plus fort que la mort – aprĂšs, on peut l’interprĂ©ter de plusieurs maniĂšres – c’est actuel, je pense. Si on ne s’occupe pas trop de la mort, on devient tellement plus vivant. Il faut vivre l’instant ». Et donc, si la Bible n’est plus toujours apprĂ©ciĂ©e, Jacques Besson s’écrie : « moi, je la lis ». Certains passages le touchent davantage ; « Ma petite prĂ©fĂ©rence va Ă  l’Évangile de Jean. Dans l’Ancien Testament, j’aime beaucoup le Livre de Job, le malheur de l’innocent
 Il y a les psaumes qui sont merveilleux aussi et bien sĂ»r les Évangiles. Septante trois guĂ©risons du Christ. Le Christ est un exorciste. C’est un immense chaman. Le Saint-Esprit, vu par la spiritualitĂ© et les neurosciences, c’est le Grand Esprit, c’est l’ñme du monde ». Paracelse est citĂ© en Ă©voquant ‘la lumiĂšre, l’ñme du monde’. « Lisez Paracelse, lisez Jung, lisez la Bible, regardez la biographie de Gandhi ».

InterrogĂ© sur l’esprit qui l’anime, Jacque Besson revient Ă  son enfance : « Quand j’avais quatre ans, mon grand-pĂšre est mort dans des conditions assez tristes et ma mĂšre a fait une assez grave dĂ©pression ; je me suis mis Ă  avoir peur du noir. C’était assez angoissant. Un jour que ma nourrice s’occupait de moi, elle a remarquĂ© que j’avais peur du noir et elle s’est adressĂ©e Ă  moi avec beaucoup de gentillesse et beaucoup d’humanitĂ©, elle m’a dit : Jacques, il ne faut pas avoir peur du noir. Non, il ne faut pas avoir peur du noir parce que, dans le monde, il y a une lumiĂšre invisible. Oui, c’est une lumiĂšre qui Ă©claire et qui rĂ©chauffe le cƓur des enfants. C’est un enfant aussi qui la donne. Il s’appelle JĂ©sus. Cela m’a intĂ©ressé : il y aurait une lumiĂšre invisible et un autre enfant qui la donne. Et il est d’un autre ordre
 Donc, Ă  partir de quatre-cinq ans, je me suis intĂ©ressĂ© Ă  cette figure. On m’a envoyĂ© Ă  l’école du dimanche. Je me suis passionnĂ© pour les personnages de la Bible : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph et les pharaons, MoĂŻse, David, Goliath et puis, aprĂšs, le Christ. J’ai toujours eu cette intuition qu’il y a du visible dans l’invisible. Et plus tard, j’ai dĂ©couvert, avec les PĂšres du premier millĂ©naire chrĂ©tien ce qu’ils appellent l’intelligible, non pas au sens de l’intelligence, mais au sens que dans l’invisible, il y a des choses qu’on peut comprendre, auxquelles on peut accĂ©der, c’est une grĂące divine. Alors, toute ma vie a Ă©tĂ© Ă©clairĂ©e, d’un cĂŽtĂ© par mon intĂ©rĂȘt sincĂšre et rigoureux pour la science et mon intĂ©rĂȘt sincĂšre et rigoureux pour la spiritualitĂ©. Et, un jour j’ai dĂ©couvert, je crois que c’est Jean Calvin qui l’a dit, « la science permet l’émerveillement ». J’avais une passerelle
.

Cette contribution de Jacques Besson nous parait particuliĂšrement Ă©clairante et innovante. Elle reconnait et prend en compte des rĂ©alitĂ©s Ă©mergentes comme par exemple les rĂ©sultats de l’imagerie cĂ©rĂ©brale, les synchronicitĂ©s et le chamanisme. Des courants de pensĂ©e et de recherche, encore minoritaires sont pris en compte. Un nouveau paysage apparait.

Cette contribution nous parait doublement prĂ©cieuse. A l’encontre d’un matĂ©rialisme encore puissant, elle instaure une nouvelle comprĂ©hension de la nature humaine et de l’ordre du monde d’autant qu’en plus des phĂ©nomĂšnes mentionnĂ©s dans cet interview, on peut en ajouter d’autres comme les expĂ©riences de mort imminente prĂ©sentĂ©es par l’auteur dans une autre vidĂ©o. En mĂȘme temps, elle installe la spiritualitĂ© dans la prĂ©servation et le recouvrement de la santĂ©.

On peut ajouter un autre apport qui nous parait prĂ©cieux dans la configuration religieuse actuelle oĂč certains courants fondamentalistes manifestent une Ă©troitesse d’esprit en considĂ©rant nĂ©gativement des phĂ©nomĂšnes Ă©mergeants jusqu’à les condamner et Ă  les rejeter avec violence au nom d’une interprĂ©tation littĂ©rale de la Bible. Or, ici, Jacques Besson conjugue la reconnaissance de ces phĂ©nomĂšnes avec un tĂ©moignage de foi chrĂ©tienne et une lecture de la Bible Ă  la fois instruite et enthousiaste.

Ainsi, Ă  tous Ă©gards, cette contribution nous parait appeler une particuliĂšre attention.

Rapporté par J H

 

1.Jacques Besson. Addiction et spiritualitĂ©. Spiritus contre spiritum. ErĂšs, 2017. « L’auteur propose un voyage depuis l’aube de l’humanitĂ© en compagnie des substances psycho-actives jusqu’à l’épidĂ©mie addictive contemporaine. Il montre comment l’addiction reprĂ©sente une pathologie du lien et du sens. Les relations entre addiction et spiritualitĂ© sont explorĂ©es par les derniĂšres recherches neuroscientifiques sur la mĂ©ditation et la priĂšre, dans ce qui est devenu une nouvelle science, la neurothĂ©ologie »
2. La CONSCIENCE , moteur de la prochaine REVOLUTION : https://www.youtube.com/watch?v=-bA52VG7wZg
Expériences de mort imminente : la science face à une énigme : https://www.youtube.com/watch?v=REoY0EwwnMM
3.SpiritualitĂ© et crĂ©ativitĂ© de soi. L’esprit du bonheur : https://www.youtube.com/watch?v=M7C1FXvMzSA

Voir aussi :
The Awakened brain  ( Cerveau et spiritualité) : https://vivreetesperer.com/the-awakened-brain/
La nouvelle science de la conscience : https://vivreetesperer.com/la-nouvelle-science-de-la-conscience/
Comment nos pensées influencent notre réalité : https://vivreetesperer.com/comment-nos-pensees-influencent-la-realite/
Les expériences spirituelles : https://vivreetesperer.com/les-experiences-spirituelles/
Une rĂ©volution spirituelle. Une approche nouvelle de l’au-delĂ  (Lytta Basset) : https://vivreetesperer.com/une-revolution-spirituelle-une-approche-nouvelle-de-lau-dela/
Jésus le guérisseur (Tobie Nathan) : https://vivreetesperer.com/jesus-le-guerisseur/