Ubuntu : une vision du monde relationnelle

Ubuntu : une vision du monde relationnelle

Au sein de la culture occidentale, en fonction de diffĂ©rents facteurs comme la perception des effets nĂ©fastes d’un extrĂȘme individualisme et la montĂ©e d’une vision Ă©cologique, on prend de plus en plus conscience d’une rĂ©alitĂ© jusque-lĂ  mĂ©connue : la relation, la reliance, la connexion. (1) Tout se tient. Cependant, cette Ă©volution des esprits doit surmonter et dĂ©passer une culture individualiste qui s’est installĂ©e dans le monde occidental depuis des siĂšcles.

En regard, issue de la culture bantou, et par extension, africaine, « L’Ubuntu met l’accent sur le vivre ensemble, et l’interdĂ©pendance des individus au sein de la communautĂ©. Des relations positives et une harmonie communautaire rehaussent notre humanitĂ©. L’idĂ©e force est de valoriser l’empathie, la compassion, la dignitĂ© et la valeur intrinsĂšque de chaque personne. Dans la philosophie de l’Ubuntu, le bien de la communautĂ© est essentiel pour le bien de chaque individu. Être dans l’esprit de l’Ubuntu, c’est aussi apprĂ©cier la valeur de la coopĂ©ration, le soutien mutuel, et le bien commun dans la prise de dĂ©cision
 Ubuntu est fondĂ©e sur la comprĂ©hension que chaque personne possĂšde une valeur et une dignitĂ© intrinsĂšque. Elle renforce l’idĂ©e qu’étant un ĂȘtre social, un individu n’est pas intrinsĂšquement une entitĂ© solitaire, existant tout seul sur son Ăźle comme Robinson CrusoĂ©. En vĂ©ritĂ©, l’ĂȘtre d’une personne est tissĂ© avec celui des autres dans un tissu complexe de connexions sociales. Ubuntu se rĂ©alise dans un environnement social inclusif et des relations interconnectĂ©es. Une communautĂ© rĂ©gie par Ubuntu favorise le respect, la compassion, et une responsabilitĂ© partagĂ©e. En Afrique, la philosophie de l’Ubuntu se manifeste dans de nombreuses expressions culturelles, notamment dans la musique, les processus de prise de dĂ©cision, qui promeuvent l’inclusivitĂ©, la construction de consensus, des systĂšmes de gouvernance et de rĂ©solution de conflits » (p 229-230).

Un homme, l’archevĂȘque Desmond Tutu a fait connaitre la philosophie de l’Ubuntu dans le monde Ă  travers son Ɠuvre de rĂ©conciliation dans la pĂ©riode post-apartheid de l’Afrique du Sud
 « L’archevĂȘque Desmond Tutu, comme ancien prĂ©sident de la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation, a incarnĂ© l’esprit de l’Ubuntu dans le processus de rĂ©conciliation. Il a mis l’accent sur la valeur du pardon, de la guĂ©rison et du dialogue en se confrontant aux divisions et aux cicatrices du passé » (p 220).

Un livre, paru en 2024, aux Presses Universitaires de l’UniversitĂ© de Louvain se prĂ©sente comme un recueil de textes examinant la vision de l’Ubuntu dans ses rapports avec la philosophie occidentale et ses contributions innovantes dans diffĂ©rents champs de la sociĂ©tĂ© et de la culture : « Ubuntu. A comparative study of an african concept of justice » (2). Parmi les autres livres portant sur Ubuntu, nous nous rĂ©fĂ©rons Ă©galement ici Ă  un livre publiĂ© Ă  l’Harmattan : « Comprendre Ubuntu » (3) qui porte en sous-titre les noms de deux personnalitĂ©s : Placide Tempels, un prĂȘtre qui a mis en Ă©vidence l’originalitĂ© de la philosophie de l’Ubuntu en provenance de la culture Bantou et L’archevĂȘque Desmond Tutu, grand acteur de la mise en Ɠuvre de cette philosophie dans le champ politique et judiciaire.

Nous nous interrogerons d’abord sur l’origine de cette philosophie et ses caractĂ©ristiques ainsi que sur la vision qui en dĂ©coule. Nous reviendrons sur la mise en Ɠuvre de l’esprit Ubuntu dans le processus de libĂ©ration post-apartheid en Afrique du sud. Nous Ă©voquerons la comparaison entre Ubuntu et la philosophie occidentale.

 

De la culture bantou à la philosophie de l’Ubuntu : Une vision du monde

Pour « comprendre Ubuntu » l’auteur du livre, Kaumba Lafunda Samajiku, envisage la culture bantu Ă  partir d’une approche linguistique. Un prĂȘtre missionnaire, Placide Tempels « a Ă©tudiĂ© les langages, les comportements, les institutions et les coutumes des bantu » A partir de lĂ , il a rapportĂ© un systĂšme de pensĂ©e bantu. Son livre : « la philosophie bantu », publiĂ© en 1945 et traduit en anglais en 1959 a beaucoup favorisĂ© la comprĂ©hension occidentale de la philosophie africaine. Il y traite de mĂ©taphysique, de sagesse, d’anthropologie, d’éthique et de restauration de la vie (p 15). « Pour Tempels, les bantu ont une conception essentiellement dynamique de l’ĂȘtre. Alors que pour la pensĂ©e occidentale, l’ĂȘtre est ‘ce qui est’, conçu de maniĂšre statique, la philosophie bantu conçoit l’ĂȘtre comme ‘ce qui possĂšde la force, l’ĂȘtre est force’
. Tous les ĂȘtres sont des forces : Dieu, les hommes vivants et trĂ©passĂ©s, les animaux, les plantes, les minĂ©raux » (p 16). Chez Tempels, le contenu de la philosophie bantu se rĂ©sume autour du « concept fondamental de force vitale  ». Des valeurs fondamentales de vie, fĂ©conditĂ© et union vitale fondent l’ontologie des Bantu, l’idĂ©e qu’ils se font de l’ĂȘtre, ainsi que la formulation des rĂšgles Ă©thiques et socio-juridiques » (p 21). Cette philosophie bantu est Ă  la source de Ubuntu. Selon Wikipedia, « le mot Ubuntu issu de langues bantues d’Afrique centrale, orientale et australe, dĂ©signe une notion proche des concepts d’humanitĂ© et de solidarité ». Selon Kaumba Lufunda Samajiku, au cours de ces derniĂšres dĂ©cennies, l’esprit Ubuntu n’a pas seulement inspirĂ© le processus de reconstruction de l’Afrique du sud dans la justice et la rĂ©conciliation, mais il exerce une influence plus gĂ©nĂ©rale, ainsi que l’hermĂ©neutique dĂ©ployĂ©e par Barbara Cassin et Philipe Joseph Salazar ou la rĂ©alisation d’un logiciel open-source et gratuit construit Ă  partir d’un noyau linux portant le nom d’Ubuntu et que des millions d’utilisateurs peuvent utiliser.

Selon un thĂ©ologien zambien, Teddy Chalwe Sakupapa (4), le cadre conceptuel met bien en Ă©vidence « la centralitĂ© de la vie et des interrelations entre les ĂȘtres dans la vision africaine du monde ». « Le cadre conceptuel de l’ontologie et de la cosmologie bantu, telle qu’exprimĂ©e par Tempels et interprĂ©tĂ©e et appropriĂ©e par les thĂ©ologiens africains, indique un sens fort du respect de la vie. C’est une mise en valeur de la centralitĂ© de la vie et de l’interrelation entre les ĂȘtres. Dans cette rĂ©alitĂ© interreliĂ©e, il n’y a pas de sĂ©paration entre le sĂ©culier et le sacré » ; La relationalitĂ© est au cƓur de l’ontologie africaine ». Teddy Chalwe Sakupapa ouvre une rĂ©flexion thĂ©ologique. La vie et la relationalitĂ© sont des thĂšmes centraux dans l’Écriture aussi bien que dans la rĂ©cente rĂ©flexion pneumatologique de thĂ©ologiens comme JĂŒrgen Moltmann. La relationalitĂ© est Ă©galement devenue particuliĂšrement centrale dans les discours sur la TrinitĂ© et l’écologie (5).

 

Ubuntu pour la vĂ©ritĂ© et la rĂ©conciliation dans le processus de liquidation de l’apartheid et la construction d’une nouvelle sociĂ©tĂ© africain

A travers une lutte non violente, Gandhi et Mandela sont parvenus Ă  obtenir la libĂ©ration de peuples opprimĂ©s (6). Sous la direction de Mandela, l’Afrique du Sud a Ă©galement Ă©vitĂ© les affres de la guerre civile. Son rĂŽle a Ă©tĂ© dĂ©cisif. Barack Obama a rendu hommage Ă  son humanisme spirituel. Mandela « comprenait les liens qui unissent l’esprit humain
 ‘L’Ubuntu’ incarne son plus grand don : celui d’avoir reconnu que nous sommes tous unis par des liens invisibles, que l’humanitĂ© repose sur un mĂȘme fondement, que nous nous rĂ©alisons en donnant de nous-mĂȘme aux autres ». L’action de Nelson Mandela a Ă©tĂ© de pair avec celle de Desmond Tutu. Celui-ci a recouru au concept d’Ubuntu qui a inspirĂ© la Constitution provisoire de la Transition de l’Afrique du Sud (1993), ainsi que la loi de 1995 relative Ă  la promotion de l’unitĂ© nationale et de la rĂ©conciliation. C’est dans ce contexte que va apparaĂźtre la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation sous l’impulsion de l’archevĂȘque anglican Desmond Tutu. C’est la mise en Ɠuvre d’un processus de rĂ©conciliation et de guĂ©rison collective. Dans un contexte de mĂ©diation, puissamment portĂ©e par une dimension spirituelle et religieuse d‘inspiration chrĂ©tienne, une expression concrĂšte des victimes et des bourreaux va pouvoir advenir. Les victimes sud-africaines pourront dire Ă  haute voix les coups reçus, les peines vĂ©cues, et les bourreaux d’hier, le mal qu’ils ont fait, en tant qu’agents institutionnels du rĂ©gime. Dans ce processus, Ă©clot une « justice rĂ©parative ». Cette forme de justice cherche Ă  mobiliser tous et chacun dans la quĂȘte de solutions pragmatiques permettant la rĂ©ponse d’une vie commune apaisĂ©e (5). Kaumba Lufunda Samajiku voit dans tout ce processus la mise en Ɠuvre d’une « vision du monde Ubuntu » (p 23). « La rĂ©paration est une restauration de la vie, une restauration de l’ordre ontologique
 La rĂ©paration consiste toujours, en fait, Ă  Ă©loigner le mal
 La question de la vĂ©ritĂ© comme Ă©tape obligĂ©e de la rĂ©conciliation se comprend dans la mesure oĂč la rĂ©conciliation est une reconstitution des relations entre les forces vitales dans leur intĂ©grité  » De mĂȘme, l’auteur rappelle l’importance majeure de l’interrelation entre les ĂȘtres humains. « L’ĂȘtre humain ne peut pas ĂȘtre solitaire. Il est insĂ©rĂ© dans un rĂ©seau de relations en tant que membre liĂ© Ă  d’autres membres  ». Ainsi, « la restauration des liens sociaux apparait dans le processus mis en Ɠuvre par la Commission VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation. Elle met dans une mĂȘme continuitĂ© la conception de la nature de l’homme et la conception de la nature de la justice  » (p 27-30).

 

Ubuntu : la dimension internationale

Le livre :  « A comparative study of an african concept of justice », prĂ©sente une comprĂ©hension internationale et systĂ©matique d’Ubuntu en examinant les nuances Ă  travers les diffĂ©rentes cultures africaines. De plus, il juxtapose Ubuntu avec des concepts dominants des philosophies occidentales, incluant « la justice comme Ă©quité » de John Rawls, la justice sociale, l’individualisme libĂ©ral, l’éthique des relations et des affaires et les droits humains » (p 231).

Les auteurs mettent en Ă©vidence « une distinction entre Ubuntu et l’individualisme libĂ©ral occidental ». « Ce sont deux perspectives philosophiques diffĂ©rentes en ce qui concerne la nature des ĂȘtres humains et les relations entre individus et sociĂ©té ». « Par exemple, le philosophe amĂ©ricain John Rawls dĂ©clare dans une « Theory of Justice » que chacun a des droits inaliĂ©nables fondĂ©s sur la justice, que mĂȘme l’intĂ©rĂȘt collectif de la sociĂ©tĂ© ne peut outrepasser
 Ainsi, les individus sont envisagĂ©s comme des entitĂ©s indĂ©pendantes et autonomes avec des droits et des libertĂ©s inhĂ©rentes Ă  ce que Michael Sadler considĂšre comme « un soi libre de toute entrave ». « Pour le soi libre de toute entrave, ce qui importe au-dessus de tout, ce qui est le plus essentiel pour notre personnalitĂ©, ce ne sont pas les fins que nous choisissons, mais notre capacitĂ© de les choisir ». De mĂȘme, Alasdair MacIntyre pense que l’individualisme libĂ©ral occidental dĂ©forme les relations sociales. L’histoire de ma vie est toujours incluse dans l’histoire des communautĂ©s dont dĂ©rive mon identitĂ©. Je suis nĂ© avec un passĂ©. Et essayer de se couper soi-mĂȘme de ce passĂ©, dans une approche individualiste, c’est dĂ©former ma relation actuelle ». En regard, Ubuntu tourne autour de la communautĂ© et de l’interdĂ©pendance parmi ses membres. Il reconnait une nature humaine communautaire et met l’accent sur notre bien-ĂȘtre partagé ». « Alors que l’éthique des droits est Ă  la base de la philosophie de l’individualisme libĂ©ral, Ubuntu se fonde sur la mise en Ɠuvre de relations positives et la rĂ©alisation d’une harmonie parmi les gens. Selon Ubuntu, une conduite Ă©thique dĂ©coule de la comprĂ©hension des relations intersubjectives et des obligations des individus les uns envers les autres ». C’est une perspective bien diffĂ©rence de celle de l’individualisme libĂ©ral occidental oĂč prĂ©vaut le gain et l’intĂ©rĂȘt personnel. Les auteurs citent l’économiste anglais du XVIIIe siĂšcle, Adam Smith, auteur du livre : « Wealth of Nations » : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre repas, mais de la maniĂšre dont il met en Ɠuvre son propre intĂ©rĂȘt. Nous nous adressons nous-mĂȘme, non pas Ă  leur humanitĂ©, mais Ă  leur amour pour eux-mĂȘmes et nous ne leur parlons jamais de notre nĂ©cessaire, mais de leur intĂ©rĂȘt ». L’ethos d’Ubuntu est fondĂ© sur la croyance dans l’intĂ©rĂȘt collectif et dans la coopĂ©ration. Les individus peuvent amĂ©liorer leur humanitĂ© en contribuant au collectif et en Ă©tablissant des relations positives (p 231-232).

Cependant, on doit dire que Ubuntu ne se limite pas Ă  une dichotomie entre communautarisme et individualisme ; sinon, nous aurions perdu de vue des Ă©lĂ©ments fondamentaux du discours sur l’humanisme africain. La philosophie de l’Ubuntu maintient qu’un accomplissement et une prospĂ©ritĂ© individuelle dĂ©pend d’une communautĂ© soutenante
 Mais ainsi, au lieu de nier une identitĂ© individuelle, en fait, Ubuntu la renforce » (p 233). En regard d’une conception abstraite du soi et de la rationalitĂ©, Ubuntu met en valeur le rĂŽle des relations et de la communautĂ© dans la formation de l’identitĂ© personnelle et la croissance Ă©thique.

Si les conceptions de Ubuntu et de la philosophie de la justice diffĂ©rent, elles s’accordent pour dĂ©fendre la dignitĂ© des individus et soutenir les plus vulnĂ©rables. Cependant, « en intĂ©grant les principes de l’Ubuntu, la philosophie occidentale pourrait Ă©tendre son cadre Ă©thique, adopter des interprĂ©tations relationnelles et contextuelles de la personnalitĂ©, et explorer de nouvelles mĂ©thodes pour l’éthique sociale, la justice, et la construction d’une communautĂ©. Ubuntu pourrait enrichir la philosophie occidentale en portant son attention sur des aspects nĂ©gligĂ©s de l’existence humaine, en cultivant une comprĂ©hension plus intĂ©grĂ©e de l’éthique, et en plaidant pour des valeurs d’empathie, de compassion et de bien-ĂȘtre communautaire » (p 233).

Cependant, Ubuntu intervient Ă©galement dans d’autres domaines. Ainsi, elle porte des idĂ©es concernant « la richesse sociale et un capitalisme inclusif ». Comme on peut l’imaginer, elle introduit un principe de responsabilitĂ© dans la vie Ă©conomique. De mĂȘme, Ubuntu est particuliĂšrement propice Ă  une politique Ă©conomique et environnementale. « Ubuntu envisage les individus, les communautĂ©s et le monde naturel dans un mode symbiotique. La mise en Ɠuvre d’Ubuntu dans le dĂ©veloppement durable s’appuie sur une vision holistique qui reconnait l’interdĂ©pendance des systĂšmes sociaux, Ă©conomiques et environnementaux ». C’est « le passage d’une vision anthropocentrique Ă  une vision Ă©cocentrique, la reconnaissance de la corrĂ©lation entre le bien-ĂȘtre humain et la santĂ© environnementale. La philosophie d’Ubuntu met Ă©galement en valeur le systĂšme de connaissance indigĂšne qui offre des approches pertinentes pour une gestion durable des ressources et la prĂ©servation Ă©cologique (p 234).

Si, au cours des derniers siĂšcles, la globalisation du monde a rĂ©sultĂ©, pour une part d’une activitĂ© effrĂ©nĂ©e et d‘une prĂ©tention insensĂ©e de vastes portions de la sociĂ©tĂ© occidentale, en regard, elle a Ă©galement permis la rencontre de civilisations qui ont exercĂ© une influence envers elle, comme le montrent David Graeber et David Wengrow dans leur livre sur l’histoire de l’humanitĂ© (7). Aujourd’hui, Ă  une Ă©poque, oĂč l’impĂ©rialisme antĂ©rieur s’est largement effondrĂ©, l’influence des cultures autochtones, en Afrique comme en Asie, peut tĂ©moigner de leurs sagesses et s’exercer Ă  l’échelle du monde. Il en va ainsi pour la sagesse bantu : Ubuntu, qui a donnĂ© lieu Ă  plusieurs publications. Ainsi, aux prĂ©cĂ©dentes dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es, on peut rajouter un livre Ă©crit par la petite-fille de Desmond Tutu, Mungi NgomanĂ© ,aujourd’hui trĂšs active sur la scĂšne internationale : « Ubuntu. Leçons de sagesse africaine » (8). Cet ouvrage porte en sous-titre une maxime qui caractĂ©rise la philosophie d’Ubuntu : « Je suis, car tu es ». En regard d’un individualisme qui se suffit Ă  lui-mĂȘme, c’est la relation humaine qui, ici, est premiĂšre. Or, aujourd’hui, dans la culture europĂ©enne, un courant de pensĂ©e, qui va en grandissant, met l’accent sur l’importance et la nĂ©cessitĂ© de la relation (1). Le terme de « reliance » commence Ă  apparaitre. La spiritualitĂ© est envisagĂ©e en terme de relation entre les humains, avec soi-mĂȘme, avec la nature et avec Dieu. Et, Dieu lui-mĂȘme est un Dieu trinitaire, un Dieu relationnel. Cette approche apparait frĂ©quemment sur ce blog dans les Ă©crits de thĂ©ologiens comme Richard Rohr et JĂŒrgen Moltmann. La rĂ©fĂ©rence Ă  ce dernier apparait chez des thĂ©ologiens africains qui apprĂ©cient la philosophie de Ubuntu. Ainsi envisager Ubuntu aujourd’hui, ce n’est pas considĂ©rer un phĂ©nomĂšne exotique, mais prĂȘter attention Ă  un Ă©tat d’esprit qui est source d’inspiration.

J H

 

  1. Relions-nous ! Un livre et un mouvement de pensĂ©e : https://vivreetesperer.com/tout-se-tient/ La vie spirituelle comme une conscience relationnelle ; une recherche de David Hay sur la spiritualitĂ© d’aujourd’hui : https://www.temoins.com/la-vie-spirituelle-comme-une-l-conscience-relationnelle-r/ Reliance ; une vision spirituelle pour un nouvel Ăąge : https://vivreetesperer.com/reliance-une-vision-spirituelle-pour-un-nouvel-age/ ReconnaĂźtre et vivre la prĂ©sence d’un Dieu relationnel : https://vivreetesperer.com/reconnaitre-et-vivre-la-presence-dun-dieu-relationnel/
  2. A comparative study of an African concept of justice. Edited by Paul Nnodim and Austin C. Okigbo. Leuven University Press. 2024
  3. Kaumba Lufunda Samajiku; Comprendre Ubuntu. R.P. Placide Tempels et Mgr Desmond Tutu Sur une toile d’araignĂ©e. L’Harmattan, 2020
  4. Esprit et écologie dans le contexte de la théologie africaine : https://www.temoins.com/esprit-et-ecologie-dans-le-contexte-de-la-theologie-africaine/
  5. Pour une vision holistique de l’Esprit : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/
  6. Mandela et Gandhi, acteurs de libération et de réconciliation : https://vivreetesperer.com/non-violence-une-demarche-spirituelle-et-politique/
  7. David Graeber, Davis Wengrow. Au commencement Ă©tait
 Une nouvelle histoire de l’humanitĂ©. Les liens qui libĂ©rent, 2023
  8. Mungi Ngomane. Ubuntu. Leçons de sagesse. Je suis, car tu es. Harper Collins, 2019

La priÚre selon AgnÚs Sanford, une pionniÚre de la priÚre de guérison

  A la rencontre de Dieu en dedans et en dehors de nous

Notre maniĂšre de prier dĂ©pend pour une part de nos reprĂ©sentations de Dieu, mais aussi de la relation qu’il a avec nous et avec le monde. De plus en plus, nous percevons aujourd’hui la rĂ©alitĂ© dans une perspective d’interrelation, d’interconnection. Cette perspective s’appuie sur des convergences scientifiques (1). Elle se manifeste sur le plan spirituel. Tout se tient (2). Et aujourd’hui, par rapport Ă  d’anciens clivages, elle s’inscrit dans une pensĂ©e thĂ©ologique comme celle de JĂŒrgen Moltmann qui dĂ©veloppe une pensĂ©e holistique, particuliĂšrement dans son livre : « L’Esprit qui donne la vie » (3). Tout simplement, « En Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l’Etre » (Actes 17.27).

TrĂšs tĂŽt, dĂšs la fin de la premiĂšre moitiĂ© du XXĂš siĂšcle, puisque son livre le plus diffusé : « The Healing Light » date de 1957, AgnĂšs Sanford (4), pionniĂšre de la priĂšre de guĂ©rison, a anticipĂ© cette perspective holistique. Ce livre nous montre comment l’énergie divine suscite la guĂ©rison  dans tout notre ĂȘtre si nous nous ouvrons Ă  Dieu et faisons appel Ă  lui. Cependant, ce n’est pas ce thĂšme qui retient ici notre attention. Nous voulons seulement mettre en Ă©vidence comment AgnĂšs Sanford reconnaĂźt la prĂ©sence de Dieu et en quoi cette reconnaissance oriente sa priĂšre.  Pour cela, nous avons extrait de son livre deux textes significatifs (5

« Nous vivons en Dieu, c’est en lui que nous respirons. Que nous le voulions ou non, il en est ainsi. Mais nous absorbons plus ou moins de sa force de vie selon que nos Ăąmes sont plus ou moins rĂ©ceptives. Trop souvent, nous fermons nos ouĂŻes spirituelles, sans les laisser, ou si peu, pĂ©nĂ©trer par cette force, et notre chair demeure sans vie et semble comme se rĂ©tracter
. ». Ce processus d’affaiblissement et de rigidification a des consĂ©quences pour notre santĂ©.

« Le remĂšde Ă  tout cela, c’est plus de vie, plus de lumiĂšre. Et c’est lĂ  prĂ©cisĂ©ment ce que nous apportent nos priĂšres pour la santĂ© et nos actes de pardon, un afflux de lumiĂšre et de vie. Cette vie spirituelle stimule la circulation, libĂšre dans le corps l’énergie naturelle. Elle accroit aussi la vigueur de notre pensĂ©e, elle la rend plus calme, forte de cette paix qui naĂźt d’une activitĂ© non pas ralentie, mais augmentĂ©e. Et elle accroĂźt aussi notre rĂ©ceptivitĂ© spirituelle, en nous rendant sensible Ă  l’action divine,  non seulement au dedans de notre corps, mais dans le monde qui nous entoure ».

« A mesure que nos priĂšres, jointes Ă  notre discipline mentale et Ă  nos actes de pardon, crĂ©ent en nous le sentiment toujours plus vivant et plus assurĂ© de la prĂ©sence de Dieu en nous, nous sommes toujours plus sĂ»rs de possĂ©der une source intĂ©rieure oĂč nous pouvons puiser Ă  volontĂ© et nous sommes toujours plus conscient aussi qu’il existe en dehors de nous une source de puissance ; c’est une influence qui nous protĂšge et nous guide, qui enveloppe de sa bĂ©nĂ©diction notre travail de chaque jour et qui conduit nos pas sur le chemin de la paix.

Comme on l’a dit : Dieu est Ă  la fois transcendant et immanent. Et son immanence est la clĂ© de sa transcendance. En d’autres termes, la lumiĂšre de Dieu brille en nous et hors  de nous et c’est en apprenant Ă  la recevoir en nous que nous commençons Ă  l’apercevoir hors de nous.

Puisqu’il en est ainsi, cherchons le avec joie en dehors et au dedans. Comme chaque matin, nous sommes inondĂ©s de sa lumiĂšre, remplissons de mĂȘme nos journĂ©es de sa suprĂȘme direction, de son secours, de sa protection. Rendons grĂące de ce que sa puissance est Ă  l’Ɠuvre non seulement en nous, mais dans le monde qui nous entoure. Soyons reconnaissant pour la journĂ©e qui est devant nous et plaçons-la d’avance dans la lumiĂšre de l’amour divin  ».

Ainsi, pour AgnĂšs Sanford, il y a interrelation entre Dieu et l’homme, et, en l’ĂȘtre humain, entre l’esprit et le corps. Quelques dĂ©cennies plus tard, cette vision intĂ©grĂ©e est Ă©clairĂ©e par l’approche thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann.. Dieu n’est pas Ă©loignĂ© et distant de notre expĂ©rience. Il est proche de nous, actif en nous et dans le monde. « Il y a immanence de Dieu dans l’expĂ©rience humaine et transcendance de l’homme en Dieu ». Dans le christianisme, « L’Esprit de Dieu est la puissance de vie de la rĂ©surrection qui, Ă  partir de PĂąques, est rĂ©pandue sur toute chair pour la rendre vivante Ă  jamais
 le corps  devient « le temple de l’Esprit Saint ». Comme AgnĂšs Sanford, JĂŒrgen Moltmann voit en Dieu une force agissante, une force de vie. « L’expĂ©rience de l’Esprit de Dieu est comme l’inspiration de l’air. L’Esprit de Dieu est le champ  vibrant et vivifiant des Ă©nergies de la vie. Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. Les mouvements de notre vie sont ressentis par Dieu et nous ressentons les Ă©nergies vitales de Dieu »

Ainsi, lorsque nous prenons conscience de la prĂ©sence de Dieu dans tout notre ĂȘtre, Christ en nous, nous pouvons prier non seulement en regardant Ă  Dieu au delĂ  de nous–mĂȘme, mais aussi Ă  partir de sa prĂ©sence transformatrice en nous. Comme l’écrit, AgnĂšs Sanford, « nous cherchons Dieu en dehors et en dedans ». Et nous recevons de Lui une vie abondante.

 

J H

 

(1 Dans une prĂ©face au livre majeur de Jean Staune : Staune (Jean). Notre existence a-t-elle un sens ? Presses de la Renaissance, 2007, l’astrophysicien, Trinh Xuan Thuanh, Ă©crit : « En physique, aprĂšs avoir dominĂ© la pensĂ©e occidentale pendant trois cent ans, la vision newtonienne d’un monde fragmentĂ©, mĂ©caniste, dĂ©terministe a fait place Ă  celle d’un monde holistique, indĂ©terminĂ© et dĂ©bordant de crĂ©ativité ». On pourra voir, entre autres : « La dynamique de la conscience et de l’esprit humain. Un nouvel horizon scientifique. D’aprĂšs le livre de Mario Beauregard : « Brain wars », traduit en français : « les pouvoirs de la conscience » (2013) :  http://www.temoins.com/la-dynamique-de-la-conscience-et-de-lesprit-humain-un-nouvel-horizon-scientifique-dapres-le-livre-de-mario-beauregard-l-brain-wars-r/

« Vers une nouvelle mĂ©decine du corps et de l’esprit. GuĂ©rir autrement : Thierry Janssen. La solution intĂ©rieure. Fayard, 2006) :

http://www.temoins.com/vers-une-nouvelle-medecine-du-corps-et-de-lespritguerir-autrement/

(2) «  Assez curieusement, ma foi en notre Dieu, qui est puissance de vie, s’est dĂ©veloppĂ©e Ă  travers la dĂ©couverte des nouvelles approches scientifiques qui transforment notre reprĂ©sentation du monde. Dans cette nouvelle perspective, j’ai compris que tout se relie Ă  tout et que chaque chose influence l’ensemble. Tout se tient. Tout se relie. Pour moi, l’action de Dieu s’exerce dans une interrelation. Dans cette reprĂ©sentation, Dieu reste le mĂȘme toujours prĂ©sent et agissant Ă  travers le temps (Odile Hassenforder. Sa prĂ©sence dans ma vie »). Voir : « Dieu, puissance de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=1405

(3) Moltmann (JĂŒrgen). L’Esprit qui donne la vie. Cerf , 1999.  Citations prĂ©sentĂ©es dans cet article : p 24 et 123. Introduction Ă  la pensĂ©e thĂ©ologique de JĂŒrgen Moltmann sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie » : https://lire-moltmann.com

(4) Dans la derniĂšre Ă©dition du livre : « The Healing Light », AgnĂšs Sanford est prĂ©sentĂ©e en ces termes : « AgnĂšs Sanford apparaĂźt comme une enseignante et une praticienne majeure du ministĂšre de guĂ©rison au sein de l’Eglise. Son message est mĂȘme encore plus actuel aujourd’hui comme le don de guĂ©rison a gagnĂ© une large reconnaissance dans la communautĂ© chrĂ©tienne toute entiĂšre. Ses Ă©crits ont eu une grande influence sur le dĂ©veloppement de ministĂšres de guĂ©rison tels que ceux de Francis MacNutt et Ruth Carter Stapleton  ». On a pu la considĂ©rer comme « la grand-mĂšre du mouvement de guĂ©rison ». On pourra consulter le site qui lui est dĂ©dié : http://heyjoi.tripod.com

(5)  Sanford (AgnÚs). The Healing Light. Ballantine, 1983. Quelques années aprÚs sa premiÚre parution en 1947, le livre a été traduit en français : Sanford  (AgnÚs). La lumiÚre qui guérit. Delachaux et Niestlé, 1955 (Cette édition est épuisée , mais parfois accessible en occasion). Les deux citations : p 62 et 66 dans « The Healing light » ; p 66 et 70 dans « La lumiÚre qui guérit » (Nous avons repris cette traduction).

 

Sur le blog : « L’Esprit qui donne la vie », on pourra voir aussi :

« Quelle est notre reprĂ©sentation de l’ĂȘtre humain » :

https://lire-moltmann.com/quelle-est-notre-representation-de-letre-humain/

« Vivre l’expĂ©rience de la prĂ©sence de Dieu » :

https://lire-moltmann.com/vivre-lexperience-de-la-presence-de-dieu/

 

Voir, dire et recevoir le bien

Face aux pensées négatives, Dieu nous visite et nous libÚre.

MĂ©ditation de CĂ©cile de Broissia Ă  propos du Cantique de Zacharie (1)

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         CĂ©cile de Broissia nous introduit dans un univers relationnel porteur d’une vie pleine et abondante. Rejoignant d’autres contributions publiĂ©es sur ce blog (2), elle nous appelle Ă  entrer dans la confiance et dans la bienveillance en voyant le bien, disant le bien, recevant le bien : « La premiĂšre parole que Zacharie prononce s’adresse Ă  Dieu pour le bĂ©nir, dire du bien de Lui. N’est-ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire qu’ils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisqu’il n’est qu’amour ». Dieu est Ă  notre cĂŽtĂ© dans notre combat contre les pensĂ©es nĂ©gatives qui font obstacle et viennent ternir notre vie. « Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cƓur, que nous lui demandions se nous aider et par la brĂšche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis ».  VoilĂ  une mĂ©ditation qui vient Ă  notre rencontre dans le concret de notre existence, une parole qui sonne juste et qui nous encourage.

J H

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Cantique de Zacharie (Luc 1, 67-79)

Zacharie, son pĂšre, fut rempli de l’Esprit Saint et prononça ces paroles prophĂ©tiques :

« BĂ©ni soit le Seigneur, le Dieu d’IsraĂ«l, parce qu’il a visitĂ© son peuple pour accomplir sa libĂ©ration.

Dans la maison de David, son serviteur, il a fait se lever une force qui nous sauve.

C’est ce qu’il avait annoncĂ© autrefois par la bouche de ses saints prophĂštes :

Le salut qui nous délivre de nos adversaires, des mains de tous nos ennemis.

Il a montrĂ© sa misĂ©ricorde envers nos pĂšres, il s’est rappelĂ© son Alliance sainte :

Il avait jurĂ© Ă  notre pĂšre Abraham qu’il nous arracherait aux mains de nos ennemis,

Et nous donnerait de célébrer sans crainte notre culte devant lui,

 Dans la piété et la justice, tout au long de nos jours.

Et toi, petit enfant, on t’appellera prophùte du Trùs-haut,

Car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer le chemin,

Pour rĂ©vĂ©ler Ă  son peuple qu’il est sauvĂ©, que ses pĂ©chĂ©s sont pardonnĂ©s.

Telle est la tendresse du cƓur de notre Dieu.

Grùce à elle, du haut des cieux, un astre est venu nous visiter ;

Il est apparu Ă  ceux qui demeuraient dans les tĂ©nĂšbres et l’ombre de la mort,

Pour guider nos pas sur le chemin de la paix. »

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         Zacharie vient de faire l’expĂ©rience du doute et de l’incroyance qui l’ont rendu muet. Quand il retrouve la parole, il partage aux autres ce qu’il a longuement contemplĂ© dans le silence et sa parole jaillit en un chant de bĂ©nĂ©diction et d’action de grĂące.

La premiĂšre parole que Zacharie prononce s’adresse Ă  Dieu pour le bĂ©nir, dire du bien de Lui.  N’est ce pas le propre de tout croyant de dire du bien ? Croire en soi et dire du bien de soi, croire en les autres et croire qu’ils nous veulent du bien et enfin croire en Dieu qui ne nous veut que du bien puisqu’il n’est qu’amour.

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         Nous passons tous par des moments de doute, d’incroyance, de mĂ©fiance, de jalousie, de peur, de soupçon dans nos relations avec nous-mĂȘmes, les autres et Dieu. Ces pensĂ©es nĂ©gatives nous empĂȘchent de vivre et nous font du mal, ce sont lĂ  nos ennemis intĂ©rieurs et nos adversaires qu’il nous faut combattre. Dieu est Ă  notre cĂŽtĂ© dans notre combat. Il attend que nous lui ouvrions la porte de notre cƓur, que nous lui demandions de nous aider et par la brĂšche ouverte, avec la force de son bras, il vient nous visiter et nous arracher aux mains de nos ennemis.

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         Zacharie annonce un Dieu proche, incarnĂ©, qui s’intĂ©resse Ă  nous et vient nous visiter aujourd’hui comme il a visitĂ© autrefois son peuple. Tout Ă  coup, il lui est donnĂ© de comprendre ce qui lui arrive et de relier son histoire personnelle Ă  celle de son peuple. Comme Dieu a libĂ©rĂ© son peuple de l’esclavage et conduit en terre promise, Dieu a libĂ©rĂ© Zacharie de son incroyance et de son mutisme. Zacharie nous invite Ă  relire notre histoire et Ă  faire mĂ©moire de toutes les fois oĂč nous sommes visitĂ©s. Dieu nous fait signe par un Ă©vĂšnement, une rencontre, une joie, une Ă©preuve


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         Zacharie bĂ©nit encore le Seigneur : Il a montrĂ© sa misĂ©ricorde envers nos pĂšres, il s’est rappelĂ© son Alliance Sainte. Oui, Dieu est un Dieu bon et fidĂšle. Il est le seul en qui nous pouvons avoir totalement confiance car il ne nous oubliera jamais et nous relĂšvera mĂȘme si nous l’oublions. Il nous l’a promis : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 20). Il nous a promis  de nous donner de cĂ©lĂ©brer sans crainte notre culte devant lui dans la piĂ©tĂ© et la justice tout au long de nos jours. Tout simplement vivre notre vie dans le rĂ©el de son existence en n’ayant pas peur, puisant notre force, notre courage de vivre, dans la certitude  que le Seigneur nous accompagne. Et pour avoir cette certitude de la prĂ©sence de Dieu Ă  nos cĂŽtĂ©s, il nous est bon de prendre un moment dans la journĂ©e pour nous relier Ă  Dieu : prendre conscience et le remercier pour les bienfaits reçus des autres et aussi pour tout le bien qu’il nous a permis de faire. Accepter notre vie telle qu’elle est avec le bon et le moins bon, surtout avoir confiance en la bontĂ© de Dieu pour nous tels que nous sommes et demander de l’aide pour ĂȘtre tout au long de nos jours plus humain,  plus vivant, plus aimant, plus juste avec nous-mĂȘmes, les autres et Dieu.

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         Imaginons ensuite Zacharie, ce prĂȘtre ĂągĂ©, s’adressant Ă  son enfant avec tendresse et le prenant dans ses bras. Et toi, petit enfant, on t’appellera prophĂšte du TrĂšs-Haut.

Devenir tout petit pour laisser Ă  Dieu toute sa place. Ne pas se prendre pour Dieu mais marcher devant le Seigneur pour lui prĂ©parer le chemin, pour rĂ©vĂ©ler Ă  son peuple qu’il est sauvĂ©, que ses pĂ©chĂ©s sont pardonnĂ©s. Se  montrer tendre et bienveillant envers nous-mĂȘmes, les autres et Dieu afin que chacun croie en lui-mĂȘme, en les autres et en Dieu.

Croire et témoigner de la tendresse de Dieu qui ne nous abandonne pas à nos ténÚbres et à nos chemins de mort et se laisser guider par Jésus, lumiÚre intérieure, vers un chemin de paix.

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CĂ©cile de Broissia

Le samedi 26 avril 2014, invitĂ©e sur le blog : « Au bonheur de Dieu », animĂ©e par MichĂšle Jeunet, SƓur MichĂšle au CĂ©nacle de Versailles.

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(1)            Méditation du Cantique de Zacharie, sur le blog « aubonheurdedieu-soeurmichele » : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-invite-es-cecile-de-broissia-11-cantique-de-zacharie-123445316.html

(2)            Voir aussi sur le blog : Vivre et espérer : « Bienveillance humaine. Bienveillance divine. Une harmonie qui se répand. Lytta Basset : Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842      

               « Développer la bonté en nous, un habitus de bonté » : https://vivreetesperer.com/?p=1838                 

               « Quelle est notre image de Dieu ? » : https://vivreetesperer.com/?p=1509                                                

               « Comme les petits enfants » : https://vivreetesperer.com/?p=1640                                                 

               « Entrer dans la bénédiction » : https://vivreetesperer.com/?p=1420                                                      

               « La beautĂ© de l’écoute » : https://vivreetesperer.com/?p=1219

 

Voir aussi une autre méditation de Cécile de Broissia présentée sur le site de Témoins : « Une invitation à la confiance. Annonce à Zacharie » : http://www.temoins.com/ressourcement/une-invitation-a-la-confiance-annonce-a-zacharie

 

Mon expérience de facebook

Un apport positif et un dĂ©sir d’aller plus loin

160103_FT_Facebook-Spot-Like.jpg.CROP.original-originalJe suis entrĂ© Ă  facebook, il y a quelques annĂ©es, en 2011. Comment cette activitĂ© s’est-elle dĂ©veloppĂ©e et comment se dĂ©roule-t-elle aujourd’hui ? Quel rĂŽle joue-t-elle actuellement dans mon existence quotidienne ? Quelles sont les convictions et les valeurs qui m’inspirent dans la participation Ă  ce rĂ©seau ? Quel bilan puis-je Ă©tablir aujourd’hui ? C’est un essai d’observation en vue de partager mon expĂ©rience.

         Qu’est ce qui m’a incitĂ© Ă  m’inscrire Ă  facebook ? Il y avait un dĂ©sir de relation. Et, comme je venais de crĂ©er un blog : Vivre et espĂ©rer, j’avais le dĂ©sir d’en partager les expressions. Bref, ma motivation, c’était un dĂ©sir de dialogue et de partage. Ma pratique facebook a-t-elle rĂ©pondu Ă  ce besoin ?

Aujourd’hui, en septembre 2017, avec qui suis-je en contact ? Si je compte 220 « amis », je puis rĂ©partir en trois groupes l’origine des messages que je reçois.

Dans un premier groupe, il y a des relations qui s’expriment plus familiĂšrement et qui communiquent facilement au sujet des Ă©vĂšnements de leur vie quotidienne. Dans ce groupe, il y a quelques personnes que je connais personnellement. Il y aussi des relations qui se sont ajoutĂ©es au cours du temps. L’implication est plus ou moins directe. Ces expressions portent sur le ressenti de la vie quotidienne. Elles apportent de la fraicheur et Ă©veillent la sympathie. On peut parfois y percevoir un appel.  Ce sont souvent de belles et bonnes choses qui sont partagĂ©es : la vie de famille, des goĂ»ts de nature, des intĂ©rĂȘts artistiques, et plus avant, des convictions. Facebook appelle Ă  souhaiter  les anniversaires. Ce peut ĂȘtre un geste conventionnel. Pour ma part, par rapport aux amis que je connais personnellement, j’essaie, Ă  chaque fois, d’exprimer ce que je ressens en profondeur.  Au total, il y a lĂ  une forme de convivialitĂ© Ă  partir de laquelle le terme ambitieux d’ « ami »  peut se trouver plus ou moins validĂ©.

Le deuxiĂšme groupe est composĂ© de relations qui interviennent dans le champ social, politique, intellectuel et religieux, pour moi, chrĂ©tien en l’occurrence. La communication qui en rĂ©sulte m’apporte des rĂ©flexions et des informations qui sont trĂšs prĂ©cieuses pour mon entendement.

Au cours du temps, il s’y est ajoutĂ© un ensemble de mĂ©dias trĂšs variĂ©s qui forment un troisiĂšme groupe. Il s’y ajoute le partage d’articles et de vidĂ©os par des personnes avec qui je suis en relation. Ces ressources couvrent de nombreux domaines, entre autres, l’actualitĂ© politique. C’est Ă  travers facebook et, plus gĂ©nĂ©ralement, sur internet que j’ai suivi la campagne prĂ©sidentielle en allant directement aux sources. Cette information a Ă©galement une dimension internationale et j’ai pu suivre ainsi des Ă©vĂšnements de la vie politique anglaise et amĂ©ricaine. En fonction de mon inclination, je suis Ă©galement bien informĂ© des pratiques innovantes dans le domaine Ă©cologique.

Au total, on apprend beaucoup. Il ne se passe pas une semaine sans que je trouve sur facebook plusieurs textes ou vidĂ©os qui sont pour moi des apports originaux auquel je n’aurais pas eu accĂšs sans cette frĂ©quentation. Ces apports peuvent ĂȘtre Ă  l’origine d’articles sur mon blog (1). Et pour d’autres, moins consĂ©quents, je les partage sur mon journal pour en accroitre la diffusion et les mĂ©moriser. C’est un choix qui se reproduit plusieurs  fois par semaine (2). Cependant, en contrepartie, on doit prendre garde de ne pas se laisser fasciner par cette proposition incessante, par ce flux abondant, constamment renouvelĂ©.

Pour ma part, je suis venu et je viens sur facebook dans un dĂ©sir de participation et non de consommation. Alors qu’est-ce que je partage sur mon journal ? J’y partage des textes renvoyant aux articles sur les blogs et sites oĂč j’interviens : Vivre et espĂ©rer ; L’Esprit qui donne la vie ; TĂ©moins. Je reprends frĂ©quemment, pour les partager des vidĂ©os et des textes apprĂ©ciĂ©s dans la frĂ©quentation de mon mur. Et, par ailleurs, je me suis constituĂ© une collection de photos issues de sites flickr. J’y puise rĂ©guliĂšrement pour partager une photo belle et signifiante.

Je viens Ă  Facebook dans le dĂ©sir d’apporter une contribution positive qui est aussi l’expression d’une conviction profonde, une contribution positive exprimant un dĂ©sir de partage. De la  mĂȘme façon, tout en veillant Ă  l’authenticitĂ© de mon expression, je clique abondamment sur la mention : j’aime, et parfois mĂȘme j’adore. Et bien sĂ»r, je m’attriste parfois aussi. Je joins Ă©galement des commentaires exprimant approbation, sympathie et encouragement.  Manifester de l’empathie, exprimer de la bienveillance, c’est contribuer Ă  un Ă©tat d’esprit positif, Ă  un climat de confiance. Par les uns et par les autres, Ă  travers Facebook, nous pouvons Ă©galement accĂ©der Ă  des campagnes pour peser en faveur de causes sociales ou Ă©cologiques. Je participe Ă  certaines.

Sur Facebook, des opinions diffĂ©rentes s’expriment. Parfois j’entre en dialogue. Mais je ressens les limites pour la rĂ©alisation d’un dialogue construit. La dimension des commentaires rend difficile l’expression d’un point de vue nuancĂ©. Et l’on rencontre parfois des opinions abruptes et passionnĂ©es. Aller plus avant demanderait beaucoup de temps. Par ailleurs, il y a des lieux oĂč la violence affleure. Je cherche Ă  ne pas entrer dans ces confrontations. Lorsqu’il me semble que la rĂ©ception est possible, j’essaie un commentaire rĂ©flĂ©chi.

Je ne suis pas expert dans l’usage d’internet. Je n’utilise pas pleinement le potentiel de facebook, et, par exemple, la messagerie. Je sais aussi l’existence de groupes. Depuis peu, je frĂ©quente : « La paix, ça s’apprend » et « TranscendArts ».  J’y  dĂ©couvre positivement une rĂ©ception accueillante. Des contacts peuvent se prĂ©senter. Je vais poursuivre mon exploration. J’ai donc beaucoup Ă  apprendre.

Si maintenant, je fais le point sur la maniĂšre dont j’ai pu rĂ©aliser mes intentions initiales, le bilan est mitigé .  Si il y a parfois de nouvelles rencontres, globalement, je ne me suis pas engagĂ© en profondeur dans des relations amicales nouvelles. Les affinitĂ©s ne sont pas lĂ  nĂ©cessairement. Mes limites m’incitent Ă  la prudence. Mais je n’ai pas non plus trouvĂ© une grande audience pour les productions du blog que j’anime. Si mon public est assez nombreux et variĂ©, il m’arrive de m’interroger sur la capacitĂ© d’écoute de mes « amis ». Ne vient-on  pas parfois sur facebook pour s’exprimer plutĂŽt que pour entendre ce que les autres ont Ă  vous dire ? Je puis m’interroger moi aussi sur mon attitude. Certes il faut compter sur le souhait de chacun de ne pas s’engager dans une pratique trop couteuse en temps dans le rapport avec des propositions qui paraissent trop Ă©loignĂ©es des vĂŽtres. Mais pourquoi y a-t-il parfois si peu d’écho pour de simples expressions de beautĂ© et de bonté ? Les chemins se croisent sans toujours se rencontrer. Cela peut ĂȘtre ressenti comme une source de frustration.

Cependant, il y a un autre aspect du bilan qui lui, est trĂšs, trĂšs positif. J’ai beaucoup appris Ă  travers facebook. Aujourd’hui, c’est pour moi une source d’information essentielle. A travers facebook, je peux non seulement suivre l’actualitĂ©, mais trouver des ressources originales auxquelles je n’aurais pas accĂšs sans ce potentiel qui s’offre Ă  moi. Et puis, je bĂ©nĂ©ficie de la tonalitĂ© positive que me renvoie en gĂ©nĂ©ral cet ensemble d’ « amis » avec lesquels je suis associĂ©. Cette tonalitĂ© tient pour beaucoup au cadre bienveillant que Facebook nous propose avec l’intention de susciter sympathie et dialogue comme en tĂ©moigne les mentions mises Ă  notre disposition. C’est le choix dominant entre le « j’aime » et l’abstention. En dehors des commentaires oĂč une hostilitĂ© peut s’exprimer , les promoteurs ont exclu toute rĂ©action exprimant un rejet. J’apprends aussi la diversitĂ© des rĂ©actions pour les prendre en considĂ©ration et y rĂ©flĂ©chir. Au total,  c’est une Ă©thique du positif. J’apprĂ©cie ce choix de la bienveillance (3). Ainsi globalement, Facebook induit de la convivialitĂ©, une convivialitĂ© qui se traduit parfois uniquement par un voisinage, mais un bon voisinage.

 Quoiqu’il en soit, grĂące Ă  Facebook, je puis ĂȘtre « citoyen » du net, tĂ©moin de mon espĂ©rance. Je puis adopter une attitude qui se veut empathique, bienveillante, encourageante ; et mon dĂ©sir, c’est d’aller plus loin dans le partage. Au total, plus je frĂ©quente Facebook, plus je me rend compte combien ce rĂ©seau compte pour moi.

J H

 

(1)            Quelques articles rĂ©cents parus sur Vivre et espĂ©rer ayant pour origine une rencontre sur facebook :  « Prayer of the mothers ». Un chant mobilisateur de Yael Deckelbaum pour la marche des femmes juives et arabes pour la paix » : https://vivreetesperer.com/?p=2681  – « Plus proches sur facebook. Plus solidaires dans le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2657  –  « La joie : une force de vie » : https://vivreetesperer.com/?p=2660  – « La raison pour laquelle le seul futur qui mĂ©rite d’ĂȘtre conçu inclut tout le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2634 –  « Une bonne nouvelle : la paix, ça s’apprend » : https://vivreetesperer.com/?p=2596

(2)            Quelques messages issus de facebook retransmis en partage Ă  travers mon journal facebook :  °15 septembre 2017. Une priĂšre formulĂ©e par Pierre LeBel lors d’un concert organisĂ© pour cĂ©lĂ©brer le 10Ăš anniversaire de la dĂ©claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. °14 sept. Une approche pour aider les couples Ă  vivre unis. Avec Vincent Hulin, Imago au BĂ©nin (vidĂ©o). °13 sept. MichĂšle Jeunet sur la douceur de JĂ©sus dans l’Evangile de Matthieu (11.28-30). 9 sept. °Jean Viard, sociologue engagĂ©, prĂ©sente l’économie circulaire  (VidĂ©o). ° 9 sept. Jean-Michel Blanquer assure une aide aux devoirs au sein mĂȘme des Ă©tablissements scolaires (vidĂ©o). ° 9 sept. A Bogota, le pape François met en valeur la culture de la rencontre familiĂšre aux jeunes. _° 8 Sept.   Magnificence des fleurs poussant dans le dĂ©sert d’Atacama (vidĂ©o).  ° 6 sept. Cantique Ă  Ouagadougou (vidĂ©o). ° 6 sept.  La ferme du Bec Hellouin, pionniĂšre en permaculture (vidĂ©o). ° 6 sept. Une vision de la nouvelle Ă©conomie par Nicolas Hulot (vidĂ©o)
   Lien avec mon journal facebook : https://www.facebook.com/jean.hassenforder?ref=tn_tnmn

(3)            « Lytta Basset. Oser la bienveillance » : https://vivreetesperer.com/?p=1842

Voir aussi : « Plus proches sur facebook. Plus solidaires dans le monde » : https://vivreetesperer.com/?p=2657

 

Apprendre à s’aimer

Une expérience de la relation

Selon Camille Syren

 Apprendre Ă  s’aimer. S’aimer soi-mĂȘme. S’aimer toi et moi. S’aimer entre nous, ensemble.

Si on ne s’aime pas soi-mĂȘme, comment peut-on recevoir le flux de l’amour et le rĂ©pandre autour de soi ? C’est une Ă©tape majeure, mais elle ne va pas de soi. Parce qu’elle peut rencontrer des oppositions dans un hĂ©ritage psychologique, et parce que, culturellement et religieusement, cette Ă©tape peut ĂȘtre sous-estimĂ©e, voire dĂ©niĂ©e.

Comment apprendre Ă  s’aimer ? Au fond de notre cƓur, nous savons bien que l’amour partagĂ© est la source qui porte la vie et qui fonde la communautĂ© humaine. Alors, quels chemins pouvons nous emprunter ? Quel bonheur lorsque, Ă  ce sujet, nous pouvons entendre  une parole authentique fondĂ©e sur une expĂ©rience personnelle ! Et justement, c’est ce que nous apprĂ©cions dans l’intervention de Camille Syren, en octobre 2017, Ă  TED X La Rochelle (1). Comment fait-on pour s’aimer soi-mĂȘme, toi et moi et tous ensemble ? C’est une question qui a Ă©tĂ© et qui est au cƓur de Camille. Il y a, dans ses paroles, non seulement une expĂ©rience murie et une rĂ©flexion construite, mais aussi un engagement affectif. Et, dans cette expression d’un amour vĂ©cu, il y a un courant qui passe. Accompagnons l’écoute de cette vidĂ©o par des notes qui vont nous permettre de mĂ©diter doublement Ă  partir de cette contribution.

 

 

Un chemin

« S’aimer (m’aimer), S’aimer (toi et moi). S’aimer (les uns les autres), c’est pareil. Et je crois que dans la vie, c’est pareil ». C’est tout un chemin. Pour Camille Syren, « Cela fait 43 ans de recherche appliquĂ©e. Le voyage certainement le plus intĂ©ressant et le plus utile que j’ai jamais fait. Ce qui m’amĂšne Ă  vous dire aujourd’hui que le bien le plus utile et le plus prĂ©cieux que j’ai, c’est justement mon aptitude Ă  aimer. Et la bonne nouvelle, c’est que cette aptitude s’apprend. Il n’y a pas ceux qui naissent avec et ceux qui naissent sans
 Apprendre Ă  tisser des relations de qualitĂ©, c’est de l’or en barre. On n’y croit pas assez. C’est puissant. Si il y avait une seule chose Ă  cultiver, c’est bien celle-ci ».

Dans la vie de Camille, il y a eu un dĂ©clic et puis, tout un processus s’est mis en marche. « Quand j’avais 14 ans, j’ai reçu de son auteur, un autocollant : « DĂ©claration des droits Ă  l’amour ». Quand j’ai lu cela, je me suis dit : « Ouah, je rĂȘve ! Si un jour, j’arrive Ă  faire cela ! ». Et du coup, je me suis dit : Si quelqu’un l’a Ă©crit, donc c’est possible. Et je dĂ©cide d’y croire. Je me suis dit aussi : je dĂ©cide d’y avoir droit. MĂȘme moi, qui avait Ă©tĂ© abimĂ©e, pour bien savoir aimer ou me laisser aimer. Et puis, troisiĂšme chose que je me suis dit : je veux savoir comment on fait. Et, depuis, je n’ai jamais arrĂȘtĂ© de chercher  ».

 

« La cabane à gratter » : une association de quartier

 Camille nous donne un premier exemple de l’esprit qui l’anime : sa participation à une association de quartier.

« La cabane Ă  gratter », c’est une petite association dans mon quartier que j’ai rencontrĂ© pour la premiĂšre fois, il y a quelques annĂ©es. InstallĂ©e sur le trottoir, une petite cahute en bois de toutes les couleurs. Quand j’ai fait connaissance, elle Ă©tait tenue par Gervais, un grand « black » avec un cƓur d’or, qui savait trĂšs bien s’y prendre pour faire de la place Ă  chacun, qui qu’il soit, d’oĂč qu’il vienne. Cette rencontre a accrochĂ© mon cƓur. Moi qui ai toujours eu Ă  cƓur de mettre de la diversitĂ© dans ma vie, dĂ©jĂ  pour mourir moins bĂȘte, car la rĂ©alitĂ© est toujours complexe. Alors, moi aussi, j’ai commencĂ© Ă  frĂ©quenter la cabane comme ces gens isolĂ©s du quartier, comme les personnes dĂ©racinĂ©es, en transition, loin de chez elle, comme il peut y en avoir dans un quartier de la gare.

Ce que j’ai aimĂ© dans « la cabane Ă  gratter », ce sont deux choses. Une petite phrase d’une habituĂ©e de la cabane : « Quand on ne gratte pas, on ne peut pas savoir ». Et bien, je trouve que c’est vrai pour tout. Ne jamais se contenter des apparences. En ce qui me concerne, en ce qui te concerne, en ce qui nous concerne. Toujours gratter un peu derriĂšre. On y trouve des pĂ©pites
 A la fin d’une fĂȘte de NoĂ«l, une des plus belles fĂȘtes de NoĂ«l que j’ai passĂ©, je rentre chez moi Ă  la maison avec mes enfants qui vont Ă  l’école, qui sont au chaud
 Depuis ma place Ă  moi, il n’est pas si simple d’ĂȘtre Ă  paritĂ©, de passer une fĂȘte de NoĂ«l avec quelqu’un qui a une histoire Ă  coucher dehors, pour de vrai, avec quelqu’un qui n’a plus rien, avec quelqu’un qui n’a personne autour de lui pour l’aimer
 Cette capacitĂ© d’ĂȘtre profondĂ©ment connectĂ© d’humain Ă  humain, quelque soient les statuts, ĂȘtre ensemble, c’est un plaisir profond. Des moments comme cela, il devrait y en avoir plus souvent ».

 

Apprendre Ă  vivre la rencontre

 Cependant, si on peut ĂȘtre prĂ©disposĂ© Ă  cette expĂ©rience de la rencontre, on a besoin aussi de s’y familiariser, de dĂ©velopper en nous cette aptitude, car « cette aptitude lĂ , elle se cultive ». Camille nous fait part de son apprentissage. Comment a-t-elle appris Ă  s’aimer, Ă  se rencontrer, Ă  rencontrer l’autre ?

« Je parle de traversĂ©e. Il ne suffit pas d’avoir des bottes de sept lieues. Il y a quelques passages obligĂ©s. Et la premiĂšre rencontre Ă  faire, c’est soi. Cela tombe bien, car pour se rencontrer, on a la matiĂšre premiĂšre la plus infinie qui existe, renouvelable, gratuite, hyperperformante, disponible tout le temps et chez tout le monde. Tout est lĂ  et tout est juste. C’est ma sensibilitĂ©. C’est votre sensibilitĂ©. RĂ©apprendre Ă  sentir. Apprendre quelque chose que je sens. Comprendre quelque chose que je sens et agir.

Mais il y a deux idées reçues qui me révoltent.

La premiĂšre, c’est qu’il y aurait des Ă©motions nĂ©gatives. Or, toutes les Ă©motions sont importantes. Cela rappelle le petit jeu pour guider une recherche : « Tu brĂ»les. Tu refroidis ». Si on ne disais que « tu brĂ»les » Ă  celui qui cherche, il pourrait chercher  longtemps ! De mĂȘme, dans la vie, on a besoin  des autres indications : traces de peur, de colĂšre, de tristesse. Toutes ces indications sont juste celles dont on a besoin pour aller vers la satisfaction suffisante de nos besoins. Et lĂ  est le plaisir. On appelle cela le plaisir chez les humains. Pas d’émotions nĂ©gatives. Elles sont toutes bonnes Ă  prendre. Et quand cela prend le tour d’une Ă©motion destructrice, voire violente, que ce soit pour soi-mĂȘme ou pour les autres, ce n’est pas une Ă©motion, c’est un mĂ©canisme de dĂ©fense. Ce n’est pas la mĂȘme chose. Et en gĂ©nĂ©ral, cela nous vient de loin et mĂȘme de trĂšs loin. Et les mĂ©canismes de dĂ©fense, on en a tous. C’est un court-circuit. Et cette zone d’ombre vulnĂ©rable, nous devons ĂȘtre capable de la respecter, de la regarder avec tendresse, car il n’y a que comme cela qu’elle nous dĂ©livrera l’information dont on a besoin pour pouvoir faire diffĂ©remment.

DeuxiĂšme idĂ©e reçue : Cela ne peut pas changer. Entendre cela me dĂ©sespĂšre. Quand j’entendais dire, Ă  14 ans, on ne peut pas changer, quelle bonne excuse pour ne pas bouger les lignes. Et les siennes d’abord ! »

Toi et moi

Apprendre à s’aimer, c’est un processus. C’est s’aimer soi, mais c’est aussi s’aimer, toi et moi.

« Une seconde rencontre Ă  faire : toi et moi. Que ce soit mon conjoint, mon voisin, mon boss, ma boulangĂšre
 Or, parfois, la diversitĂ© nous agace. Je ne sais pas si vous avez dĂ©jĂ  rempli le coffre d’une voiture avec votre compagne, votre compagnon
 On n’a pas la mĂȘme façon ! Cette deuxiĂšme rencontre, c’est dĂ©passer le « ou toi, ou moi » pour penser : « tout moi et tout toi ». Cela m’émerveille, car je vois que cela marche. Quand je suis « tout moi » et que je ne lĂąche pas ce moi, cela me laisse assez tranquille pour permettre Ă  l’autre d’ĂȘtre « tout toi ». Il y a quelque chose qui arrive que jamais je n’aurais inventĂ© tout seul et qu’il (elle) n’aurait jamais inventĂ© tout seul. C’est encore mieux qu’on aurait pu l’imaginer. Bienvenue dans la vraie vie, mais en mieux. C’est la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e.

Assumer la diversitĂ©. Mais se rencontrer comme cela, c’est du courage. La premiĂšre chose dont vous devez vous Ă©quiper, c’est la sensibilitĂ©. Et puis, pour moi, j’aime quand cela marche et j’aime les gens. Et quand je dĂ©cide d’aimer quelqu’un, et bien, je dĂ©cide de ne pas lĂącher si facilement. Et, du coup, je m’occupe du « entre » en mettant de l’énergie dans le courage d’aller au contact et dire le bien. Quand vous voyez quelque chose de bon et que vous ne le dites pas, un compliment que vous retenez, il manque Ă  l’univers. C’est quelque chose de perdu pour l’univers.

Et puis, bien sĂ»r, il y a toujours des choses qui restent en touche, des tensions dont on ne s’est pas occupĂ© parce que : pas de temps, parce que : pas si important, parce que : autre chose Ă  faire. Et bien, quand cela reste en travers, c’est qu’il y a quelque chose Ă  faire. Sinon, cela pourrait bien se mettre en travers de ma santĂ©, en travers de notre relation, mettre Ă  distance »

 

Se rencontrer entre nous, ensemble

 Cette dynamique interpersonnelle débouche sur un mouvement de convivialité,  de vie commune, un vrai savoir-faire pour le vivre ensemble

« Se rencontrer, c’est se rencontrer soi-mĂȘme, se rencontrer toi et moi, se rencontrer entre nous. Quand on sait faire cela de mieux en mieux, cela se pratique, cela se dĂ©cide, cela se tisse. Se rencontrer entre nous, c’est plus complexe encore, car il y a un lien entre plusieurs personnes, toutes celles qui participent au collectif. Il va falloir s’occuper de chaque personne et s’occuper du « entre ». Si on sait bien faire cela, le rĂ©sultat dĂ©passe nos espĂ©rances.

Pourquoi cela se complique au moment oĂč on devient un collectif ? Parce qu’on vit lĂ  avec une question. On vient au monde avec une question. Quelle est ma place ? Trouver ma place dans ma famille mĂȘme si elle est toute petite, trouver ma place dans mon collectif d’amis, dans mon job, dans mon entreprise, dans mon association
 Et dĂšs que j’ai peur pour ma place, dĂšs que je ne suis pas sĂ»r d’en avoir une, les choses se crispent. Quand chacun dans un groupe ose prendre sa place, s’occupe du « entre » pour que chacun ait la permission rĂ©elle de prendre sa place, alors il y a un espace, un « truc magique » qui se passe, qui est : « il y a de la place pour tout le monde ».

         A partir de cette intelligence lĂ , Ă  la fois Ă©motionnelle, relationnelle, mais aussi une forme de saut dans le vide, ne pas avoir de plan prĂ©Ă©tabli au dĂ©part, quand on mise sur ce qu’on a, sur ce chacun aime, ses limites, ses handicaps, ses « pas possible », la complĂ©mentaritĂ© fera forcĂ©ment quelque chose de bien. C’est un sacrĂ© lĂącher prise par rapport Ă  notre envie de contrĂŽler, de savoir Ă  l’avance. Et cette attitude est valable aussi bien quand je pilote la campagne Ă  gratter que quand j’élabore ma stratĂ©gie d’entreprise : faire de la place Ă  chacun et, pour le reste, laisser faire l’univers. Et bien, ces choses lĂ , jamais l’intelligence artificielle ne pourra le faire Ă  notre place.

Savoir s’aimer, cela s’apprend, c’est notre bien le plus prĂ©cieux, alors cultivons-le ! ».

 

Un message Ă©mouvant, Ă©clairant, mobilisateur

 En rapportant les propos de Camille Syren dans les termes familiers oĂč elle nous communique son expĂ©rience personnelle, nous accompagnons ici sa parole par un Ă©crit pour nous permettre de mieux en apprĂ©cier la portĂ©e. Apprendre Ă  s’aimer dans tous les registres de la rencontre : s’aimer soi-mĂȘme, s’aimer toi et moi, s’aimer entre nous ensemble, pour Camille, cette visĂ©e se rĂ©alise Ă  travers un engagement personnel qui allie Ă©motion, observation et rĂ©flexion. C’est une dynamique qui se rĂ©pand, car si on apprend Ă  s’aimer, l’affection reçue peut y contribuer.

Nous sentons bien qu’il y a dans l’expĂ©rience de l’amour une dimension qui nous dĂ©passe et que nous pouvons Ă©voquer en des termes diffĂ©rents, par exemple, cet « univers » que Camille Syren nous invite Ă  « laisser faire » ou bien nous le prĂ©sente comme « nous appelant Ă  exprimer tout ce qui est bon ». Pour nous, nous nous reconnaissons dans la vision du monde du thĂ©ologien JĂŒrgen Moltmann lorsqu’il nous parle de « l’Esprit qui donne la Vie » : « L’essence de la crĂ©ation dans l’Esprit est « la collaboration » et les structures manifestent la prĂ©sence de l’Esprit dans la mesure oĂč elles font connaĂźtre « l’accord gĂ©nĂ©ral ». « Au commencement Ă©tait la relation » (Martin Buber) (2). L’amour est au coeur du message de JĂ©sus.

Cette intervention nous instruit sur bien des obstacles dont nous n’avons pas toujours conscience. Sans se rĂ©fĂ©rer directement Ă  des savoirs, comme des connaissances psychologiques ou l’approche de la communication non violente, Camille nous Ă©claire par une rĂ©flexion Ă  partir de son expĂ©rience personnelle, une rĂ©flexion que nous recevons d’emblĂ©e. Il y a dans ce tĂ©moignage l’expression d’une Ă©motion qui Ă©veille la nĂŽtre et nous met en mouvement. En suivant le chemin de l’amour vĂ©cu : s’aimer, toi et moi,  s’aimer entre nous, nous entrons dans une dynamique. C’est un souffle de vie.

J H

 

(1)            Comment on fait pour s’aimer ? Camille Syren TED x La Rochelle https://www.youtube.com/watch?v=i6ZmfE15LhY

(2)             Dans ce blog, nous faisons souvent appel Ă  l’éclairage de JĂŒrgen Moltmann. Citation p 25 (Dieu dans l’Univers, Cerf, 1988). JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Cerf, 1999

 

Sur ce blog, voir aussi :

Lytta Basset. Oser la bienveillance : https://vivreetesperer.com/?p=1842

La raison pour laquelle le seul futur qui mĂ©rite d’ĂȘtre conçu inclut tout le monde (Pape François TED) : https://vivreetesperer.com/?p=2634

Une belle vie se construit avec de belles relations

https://vivreetesperer.com/?p=2491

On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime

https://vivreetesperer.com/?p=2224

Devenir plus humain. Une culture de l’amour, de l’accueil de l’autre, d’acceptation de la diffĂ©rence (Jean Vanier) : https://vivreetesperer.com/?p=2105

Se sentir aimĂ© pour s’accepter (Luc-Olivier Bosset) : https://vivreetesperer.com/?p=2100

Des petits riens de grande portée. La bienveillance au quotidien (Odile Hassenforder) : https://vivreetesperer.com/?p=1849