Une amitié avec Dieu

Si Dieu ne se laisse pas enfermer dans une reprĂ©sentation. S’il Ă©chappe Ă  nos catĂ©gories humaines, ĂȘtres humains, nous avons besoin pour nous adresser Ă  lui, d’une image guide en lien avec notre affectivitĂ© et notre intelligence. Ainsi, dans le « Notre PĂšre », JĂ©sus nous invite Ă  accĂ©der Ă  Dieu en terme de PĂšre et, plus prĂ©cisĂ©ment, de Abba, papa, notre bon pĂšre cĂ©leste. Dieu nous appelle Ă  l’amour, et, s’il est lui-mĂȘme amour, il entend que son Ă©vocation puisse Ă©veiller en nous l’amour. Une priĂšre qui s’adresse Ă  Dieu, en terme d’ami, mobilise tout ce que ce mot Ă©veille en nous.

Le grand Ami

Dans le message qui nous est communiquĂ© dans le livre : « Dieu appelle » (1), une voix se fait entendre en ce sens (p 180-181). « Ce que l’on entend par « conversion », n’est souvent que la dĂ©couverte d’un Grand Ami. Ce que l’on entend par « religion » est la connaissance de ce Grand Ami. Ce que l’on entend par la « sainteté » est l’imitation de ce Grand Ami
 La perfection, cette perfection Ă  laquelle j’ai appelĂ© tous les hommes : « Soyez parfaits comme votre PĂšre est parfait (Math 5-48), consiste en somme Ă  ĂȘtre comme votre Grand Ami, afin de devenir Ă  votre tour un ami semblable pour les autres ». « Je suis votre Ami. Songez un peu Ă  tout ce que signifient les termes d’Ami et de Sauveur. Un ami est toujours disposĂ© Ă  venir en aide. Il prĂ©vient vos besoins, s’avance la main tendue pour soutenir et encourager, ou pour Ă©carter le danger. Sa voix est celle de la tendresse
 Pensez Ă  ce qu’est pour vous un tel ami et tachez de vous reprĂ©senter ce que doit ĂȘtre l’Ami Parfait, celui que rien ne dĂ©courage, qui se donne sans rĂ©serve, qui a triomphĂ© de tout et qui peut tout. Je suis pour vous cet Ami. Je le suis mĂȘme au delĂ  de ce que peut attendre votre cƓur » (p 180-181).

MĂ©ditation biblique

Dans les mĂ©ditations publiĂ©es journellement sur le site : « Center for action and contemplation », Richard Rohr nous apporte un message qui s’étend bien au delĂ  de l’expression franciscaine qui l’accompagne. Richard Rohr rĂ©cemment consacrĂ© une sĂ©quence hebdomadaire au thĂšme de « la rencontre de Dieu Ă  travers la Bible » (Encountering God through the Bible). Et une des mĂ©ditations inscrites dans ce cycle s’intitule : « Pouvons-nous ĂȘtre amis avec Dieu ? » (2). Cette mĂ©ditation est un texte de Diana Butler Bass issu de son livre : « Freeing Jesus. Rediscovering Jesus as Friend, Teacher, Savior, Lord, Way and Presence » (3). L’auteure se rĂ©fĂšre Ă  diffĂ©rentes images de JĂ©sus et, entre autres, elle s’inspire de celle oĂč prĂ©vaut l’amitiĂ©. Ainsi, « l’auteure et la chercheuse Diana Butler Bass dĂ©crit quelque chose qui est la marque d’une foi mure, Ă©chappant ainsi Ă  des prĂ©jugĂ©s populaires. « Effectivement, l’amitiĂ© avec Dieu est au cƓur de l’histoire biblique ».

L’amitiĂ© avec Dieu au cƓur de l’histoire biblique

« La Bible nous raconte une histoire originale sur l’amitiĂ© avec Dieu, particuliĂšrement dans les Ă©critures hĂ©braĂŻques. L’amitiĂ© n’a rien d’une immaturité ; elle est un don de sagesse. « Dans chaque gĂ©nĂ©ration, la sagesse passe dans les Ăąmes saintes et elle les rend amies de Dieu et des prophĂštes (Sagesse de Salomon 7.27). Deux des plus grands hĂ©ros d’IsraĂ«l, Abraham, le pĂšre de la foi, et MoĂŻse, le prophĂšte libĂ©rateur, sont appelĂ©s spĂ©cifiquement amis de Dieu. En EsaĂŻe (41.8), Dieu envisage Abraham comme « mon ami », une tradition qui entre dans le Nouveau Testament (Jacques 2.23). De MoĂŻse, l’Exode dĂ©clare : « Le Seigneur avait l’habitude de parler Ă  MoĂŻse face Ă  face, comme on parle Ă  un ami (31.11), une intimitĂ© trĂšs rare, car une telle proximitĂ© divine impliquait d’habitude la mort (33.20).

Le point essentiel est que l’amitiĂ© avec Dieu fonde l’alliance et qu’IsraĂ«l est libĂ©rĂ© de l’asservissement pour entrer dans une famille nouvelle Ă  travers la loi donnĂ©e par MoĂŻse. L’amitiĂ© avec Dieu n’est pas une histoire biblique secondaire. PlutĂŽt, elle est centrale dans les promesses et la foi d’ĂȘtre un peuple appelĂ©, dans lequel tous sont amis, compagnons, intimes, frĂšres et sƓurs et ĂȘtre aimĂ©s.

Les premiers chrĂ©tiens qui Ă©taient pour la plupart des juifs, savaient tout cela et ont Ă©tendu Ă  JĂ©sus cette idĂ©e d’une amitiĂ© divine. Le Nouveau Testament rappelle intensĂ©ment la proximitĂ© rĂ©gnant dans le cercle d’amis de JĂ©sus, hommes et femmes transformĂ©s Ă  travers leur relation avec lui.

Le Notre PĂšre

Diana Butler Bass comprend la priÚre du Notre PÚre apportée par Jésus comme conduisant à une amitié mutuelle avec Dieu.

« JĂ©sus enseigne Ă  ses amis de prier Abba (comme nous assumons qu’il priait lui-mĂȘme), un terme le plus souvent traduit en anglais par pĂšre, mais qui contient des notes de sens indiquant l’intimitĂ© et la familiaritĂ©, incluant celle d’une relation fraternelle comme « frĂšre » et « compagnon ». Ce terme est reliĂ© au mot hĂ©breu dĂ©signant un ami (ahab), utilisĂ© pour dĂ©crire Abraham ».

Ainsi JĂ©sus prĂ©sente ses amis (les disciples) Ă  son autre ami (Dieu) dans la priĂšre quotidienne connue comme le « notre PĂšre », peut-ĂȘtre dans ce qui peut ĂȘtre le mieux compris comme « Notre PĂšre-Ami » ou simplement « notre Ami ». Cette idĂ©e de « Notre Ami a Ă©tait une idĂ©e rĂ©volutionnaire comme JĂ©sus intervenant comme mĂ©diateur du compagnonnage divin, abolissait une distance sacrĂ©e entre Dieu et nous ».

L’amitiĂ© est liĂ© Ă  l’amour, un amour vrai : compassion, empathie, aide, aller au delĂ  de ce qu’on estime possible. C’est le commandement de l’amour. Si nous nous rejoignons dans l’amour, l’amitiĂ© est le rĂ©sultat, mĂȘme l’amitiĂ© avec Dieu. L’amitiĂ© est mutuelle… C’est un rapprochement incessant l’un de l’autre qui nous fortifie et nous donne la joie.

Une amitié ouverte

ThĂ©ologien, dans « L’Esprit qui donne la vie », JĂŒrgen Moltmann nous fait entrer dans une amitiĂ© ouverte (4). « Tout simplement, un ami, c’est quelqu’un qui t’aime bien ». « De cette amitiĂ© ouverte qui partage et qui libĂšre, JĂ©sus nous donne l’exemple. Son attitude tranche avec celle des religieux de son temps. « Il a Ă©tĂ© dit de lui : Il est l’ami des pĂ©cheurs et des publicains » (Luc 7.34). « La raison profonde en Ă©tait sa joie dĂ©bordante en raison de la proximitĂ© du Royaume de Dieu. C’est pourquoi, il cĂ©lĂ©brait le repas messianique avec ces exclus… ». L’amitiĂ© est prĂ©sente dans le tĂ©moignage de JĂ©sus. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis
 Je ne vous appelle plus serviteur, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maitre, mais je vous ai appelĂ© ami parce que je vous ai fait connaĂźtre tout ce que j’ai appris de mon PĂšre » (Jean 15. 13-15). Le don que JĂ©sus fait de lui-mĂȘme est prĂ©sentĂ© comme amour pour ses amis. Les disciples sont les amis de JĂ©sus
 « Dans le don que JĂ©sus fait de lui mĂȘme, Dieu devient l’ami des hommes, de mĂȘme ceux qui croient deviennent par-lĂ  amis de Dieu. DĂ©jĂ  Abraham dans son chemin de foi avait Ă©tĂ© appelĂ© lui aussi : ami de Dieu » (Jacques 2.23).

Ressentir l’amitiĂ© de Dieu, « c’est participer Ă©galement Ă  une amitiĂ© divine et cosmique qui prĂ©cĂšde l’amitiĂ© personnelle et qui nous y invite. Dans une communautĂ© de la crĂ©ation ressentie comme amicale, nous nouons une amitiĂ© ouverte. Celui qui croit en la communautĂ© de la crĂ©ation dans l’Esprit de Dieu qui donne la vie, dĂ©couvre la « sympathie de toutes choses » et s’y inscrit de façon consciente ».

J H

 

(1) Dieu appelle. A la BaconniĂšre. « A l’écoute d’une voix bienfaisante » : https://vivreetesperer.com/a-lecoute-dune-voix-bienfaisante/

(2) « Can we be « Friends » with God ? » : https://cac.org/can-we-be-friends-with-god-2022-02-02/

(3) Diana Butler Bass. Freing Jesus ; Recovering Jesus as Friend, Teacher, Savior, Lord, Way and Presence. Harper one, 2021

(4) JĂŒrgen Moltmann. L’Esprit qui donne la vie. Seuil, 1999.

« Vivre une amitié ouverte » : https://lire-moltmann.com/vivre-une-amitie-ouverte/

Adolescence, éducation et spiritualité

Dans son livre : « The Spiritual child » (L’enfant spirituel), rĂ©cemment prĂ©sentĂ© sur ce blog (1), Lisa Miller, chercheuse amĂ©ricaine en psychologie, prĂ©sente la dimension spirituelle de l’enfance. Elle envisage le jeune Ăąge en deux pĂ©riodes successives : l’enfance et l’adolescence. Nous revenons ici plus particuliĂšrement sur l’adolescence. Rappelons d’abord la perspective gĂ©nĂ©rale. L’accompagnement de l’activitĂ© spirituelle de l’enfant prĂ©pare la traversĂ©e de l’adolescence dans de bonnes conditions.

« Biologiquement, nous sommes Ă©quipĂ©s pour la connexion spirituelle. Pour notre espĂšce, le dĂ©veloppement spirituel est un impĂ©ratif biologique et spirituel depuis la naissance. L’harmonisation intĂ©rieure spirituelle des jeunes enfants, Ă  la diffĂ©rence des autres voies de dĂ©veloppement comme le langage et la cognition, commence en entier et est mise en Ɠuvre par la nature pour prĂ©parer l’enfant aux dĂ©cennies Ă  venir, y compris le dĂ©fi du dĂ©veloppement dans l’adolescence » (p 3). Lisa Miller nous montre l’enfant engagĂ© dans un processus d’intĂ©gration de sa familiaritĂ© spirituelle avec ses autres capacitĂ©s en dĂ©veloppement, comprenant le dĂ©veloppement cognitif, physique, social et Ă©motionnel
 S’il n’est pas soutenu et encouragĂ© dans son processus spirituel, l’harmonisation spirituelle de l’enfant s’érode et se dĂ©sagrĂšge dans le choc avec une culture Ă©troitement matĂ©rielle » (p 4). Ainsi, la maniĂšre dont se dĂ©veloppe l’enfance va influer sur la pĂ©riode ultĂ©rieure, les annĂ©es de l’adolescence.

« La reconnaissance du dĂ©veloppement spirituel crĂ©e des opportunitĂ©s pour prĂ©parer les jeunes Ă  l’important travail intĂ©rieur requis pour l’individuation, le dĂ©veloppement de l’identitĂ©, la rĂ©silience Ă©motionnelle, un travail signifiant et des relations saines. La spiritualitĂ© est le principe central d’organisation de la vie intĂ©rieure dans la seconde dĂ©cennie de la vie portant les jeunes dans un Ăąge adulte ayant du sens, de l’abondance et de la conscience » (p 3). La  recherche sur « La science de la spiritualité » menĂ©e par Lisa Miller permet de considĂ©rer l’adolescence « sous une lumiĂšre nouvelle portant davantage d’aide et d’espoir ». « Le surgissement universel du dĂ©veloppement durant l’adolescence, prĂ©cĂ©demment considĂ©rĂ© comme un passage risquĂ© vers une maturitĂ© physique et Ă©motionnel est maintenant compris plus largement comme Ă©tant aussi un voyage de recherche et de croissance spirituelle. Ce phĂ©nomĂšne de dĂ©veloppement est observĂ© dans chaque culture et la recherche apporte une preuve clinique et gĂ©nĂ©tique de ce surgissement d’un Ă©veil spirituel dans l’adolescence » (p 4).

 

Transformation

L’adolescence se caractĂ©rise par un bouleversement physiologique. « Au tournant des annĂ©es 2000, on a dĂ©couvert que le cerveau de l’adolescent grandit rapidement et gagne de la matiĂšre grise dans des rĂ©gions spĂ©cifiques, de nouvelles et fraiches cellules commençant Ă  apparaĂźtre Ă  dix ans et continuant Ă  se dĂ©velopper tout au long de l’adolescence. Le surgissement de la croissance des cellules nouvelles intervient dans le lobe frontal, le centre de rĂ©solution des problĂšmes et de dĂ©cision jusqu’à douze ans. Les nouvelles cellules grandissent dans le lobe pariĂ©tal, rĂ©gion sensorielle et spatiale jusqu’à quatorze ans. Le lobe temporal, la rĂ©gion des Ă©motions, grandit jusqu’à seize ans. Et Ă©tonnamment, de nouvelles cellules grandissent jusqu’à vingt ans dans le lobe occipital associĂ© Ă  la perception directe » (p 213).

« A la croissance du cerveau, s’ajoute l’expansion de la dopamine, un neurotransmetteur qui conditionne les centres cĂ©rĂ©braux du plaisir et de la rĂ©compense et affecte la rĂ©gulation des Ă©motions » (p 214).

« Quand votre jeune a une poussée de conduite risquée, une attraction irrésistible pour des gens, des lieux ou des choses, une mécompréhension des gens et de leurs intentions, une lutte pour gérer ses émotions en se sentant submergé dans sa vie intérieure, vous voyez là une expression éclatante de la croissance inégale entre le lobe frontal, le lobe pariétal, le lobe temporal et le lobe occipital (p 213).

« Des recherches montrent que l’accĂ©lĂ©ration rapide de l’activitĂ© et de la rĂ©activitĂ© crĂ©e une forte Ă©motionnalitĂ© et un dĂ©sir de rĂ©compense alors que centre de contrĂŽle et de retenue du cerveau (le cortex prĂ©frontal) croit Ă  un taux linĂ©aire contant. L’écart entre la poussĂ©e Ă©motionnelle
 et une moindre capacitĂ© de retenue et de contrĂŽle explique pourquoi les jeunes ont tendance Ă  agir impulsivement et Ă  rĂ©agir avec une forte Ă©motion en dĂ©pit d’un meilleur jugement » (p 215).

 

Intégration

Les distorsions dans les transformations et les croissances entrainent des dĂ©sĂ©quilibres. En regard, il y a une nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse d’intĂ©gration. « Le cerveau de l’adolescent doit intĂ©grer cette explosion neuronale dans un systĂšme opĂ©rant avec souplesse pour traiter et rĂ©guler les fonctionnements physiques, sociaux, cognitifs et Ă©motionnels. C’est la tĂąche de la seconde dĂ©cennie. A travers un processus dans lequel les connections neuronales les moins utilisĂ©es sont Ă©laguĂ©es et celles qui sont les plus frĂ©quemment utilisĂ©es sont approfondies, le cerveau du jeune modĂšle la profusion des synapses et des rĂ©seaux neuronaux qui sont en train de se dĂ©velopper dans toutes les rĂ©gions du cerveau. Le cerveau rĂ©alise cela Ă  travers un processus appelĂ© myĂ©linisation » (p 214).

Il y a donc un travail de construction qui est important pour le prĂ©sent, mais aussi pour l’avenir. « Le travail de l’adolescence est donc d’affiner la nouvelle matiĂšre grise dans un systĂšme qui fonctionne bien en phase avec l’environnement du jeune » (p 215). Il est, par exemple, trĂšs important que « le cortex prĂ©frontal se relie avec les autres rĂ©gions du cerveau telles que celles qui commandent la motivation et l’émotion » (p 215). Cette construction dĂ©pend de l’usage que les jeunes vont faire de leur cerveau pendant cette pĂ©riode, c’est Ă  dire leurs activitĂ©s et leurs comportements. « L’orientation et la forme du cerveau dĂ©pendent largement de l’usage de celui-ci. Plus les rĂ©seaux neuronaux sont utilisĂ©s, plus leur croissance est grande et profonde. Ainsi, l’adolescence est une pĂ©riode cruciale parce que le cerveau se transforme. Si votre adolescent n’utilise pas telle capacitĂ©, par exemple s’il Ă©vite les mathĂ©matiques et la lecture, ou mĂȘme les aptitudes Ă  la conversation, les connections entre les rĂ©gions correspondantes et les autres commencent Ă  ĂȘtre taillĂ©es. Les connections Ă  l’intĂ©rieur de la rĂ©gion elle-mĂȘme sont taillĂ©es aussi (p 217) ». Et comme c’est une pĂ©riode privilĂ©giĂ©e, ce processus a des consĂ©quences pour l’avenir.

Si les activitĂ©s et les comportements engendrent les transformations neuronales, elles dĂ©pendent elles-mĂȘmes pour une large part de l’environnement Ă©ducatif, c’est Ă  dire de la responsabilitĂ© des parents et des Ă©ducateurs. Selon les recherches du professeur Ronald E Dahl, apparait « l’impact des parents et de la communautĂ© sur le dĂ©veloppement du cerveau de l’adolescent aussi bien sur ses pratiques personnelles et ses habitudes de vie » (p 216). Il appelle « la combinaison de ses facteurs « le chemin neuro-psycho-social du dĂ©veloppement du cerveau ». Dahl soutient que la famille, l’école, la communautĂ© et les choix personnels des enfants crĂ©ent l’environnement qui modĂšle le cerveau de l’enfant. L’adolescent lui-mĂȘme a un impact considĂ©rable sur le dĂ©veloppement de son cerveau selon la maniĂšre dont il choisit d’en faire usage » (p 216).

 

Individuation

L’individuation est la tĂąche majeure des jeunes pendant la seconde dĂ©cennie de leur existence.

« La centration sur lui-mĂȘme de l’adolescent, qui peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme Ă©goĂŻste, ne l’est pas du tout. En fait, il est crucial pour le dĂ©veloppement du soi. Le soi n’est pas simplement un amalgame de j’aime et je n’aime pas. Le soi est l’outil de l’adolescent pour connaĂźtre le monde : qui suis-je ? Qu’est-ce que je dĂ©sire et Ă  quoi j’accorde de la valeur ? RĂ©aliser authentiquement cette tĂąche demande beaucoup de travail Ă  l’adolescent qui forge sa vision de la morale, de la relation, de l’identitĂ©, et de sa passion pour le travail » (p 210). Ainsi, les caractĂ©ristiques de l’adolescent : l’émotionnalitĂ©, une vive sensibilitĂ©, et, par moments, une opposition dĂ©fiante, entrent en service pour le travail intĂ©rieur le plus important de la vie humaine : l’individuation. L’individuation est le processus Ă  travers lequel les adolescents forment le cƓur d’un soi conscient, une carte intĂ©rieure du monde et un projet pour vivre dans ce monde. Le jeune prend tout ce qu’il a appris dans son enfance aussi bien que tout ce qu’il rencontre maintenant et le teste par rapport Ă  ce qu’il envisage comme moi et pas moi. A partir de son expĂ©rience personnelle directe, et un peu d’expĂ©rimentation, le jeune commence Ă  dĂ©velopper un sens du soi qui lui est propre
 L’adolescent embrasse seulement ce qu’il ressent comme vrai pour lui-mĂȘme, authentique ». (p 210).

 

Harmonisation

 Nous entendons ici par harmonisation les effets du dĂ©veloppement spirituel. Lisa Miller envisage la spiritualitĂ© comme majeure dans le processus d’individuation. Si cet aspect est trop souvent ignorĂ©, il est dĂ©crit ici. « L’individuation spirituelle est la rĂ©alisation personnelle des vues spirituelles au sujet du soi, des compagnons humains et de la rĂ©alitĂ©, de l’évaluation de ce qui est moi ou pas moi, tout ce que les jeunes Ă©valuent Ă  travers une expĂ©rience intĂ©rieure, mais maintenant avec des lunettes spirituelles : voici ce que je suis spirituellement ; voici ce que vous ĂȘtes spirituellement ; voici comment je perçois le monde comme lieu spirituel ; voici ce qui est bon, ce qui a de la valeur, ce qui est plein ou vide ; qu’est ce qui est donneur de vie ? Et comment je peux m’y joindre et prendre part Ă  ce qui est bon ? » (p 211). C’est une recherche d’envergure. Parce qu’elle est spirituelle, « elle s’étend dans un champ plus large et ouvre les jeunes Ă  une dimension de plus en plus large de la vie ». « Ils recherchent le sens profond de leur vocation, comment dĂ©ployer leurs talents pour un plus grand bien et peuvent en venir Ă  voir leurs dons comme l’indication d’une mission pour un plus grand projet » (p 211). Lisa Miller poursuit ici sa recherche et sa rĂ©flexion Ă  propos de la spiritualitĂ© dans l’enfance. Les forces spirituelles acquises dans l’enfance deviennent des outils avec lesquels les jeunes s’engagent spirituellement dans leur adolescence. « La soif de transcendance, la quĂȘte de sens et de but, le sens impĂ©rieux de ce qui est mauvais ou hypocrite en contraste avec qui ou quoi est vraiment bon, voici le travail de l’individuation spirituelle.» (p 211). Pour ce processus, l’adolescent a besoin de l’aide de sa famille pour trouver un langage correspondant Ă  l’individuation spirituelle. Juste comme pour les autres langages, celui-ci se construit dans l’enfance, mais l’opportunitĂ© de croissance se poursuit Ă  l’ñge adulte (p 220). Il est essentiel de soutenir cet apprentissage dans l’adolescence.

En regard du bouleversement physiologique qui intervient Ă  cet Ăąge, Lisa Miller met en Ă©vidence la croissance d’un Ă©quipement biologique favorable Ă  la spiritualitĂ©. « Il y a une poussĂ©e de 50% dans l’expression gĂ©nĂ©tique de la spiritualitĂ©, un dĂ©blocage des gĂšnes qui contribuent au potentiel hĂ©ritĂ© pour la spiritualitĂ© » (p 212). « Un dĂ©sir accru pour la sensation et le frisson monte en flĂšche pendant qu’une recherche profonde de sens et de but revĂȘt une intensitĂ© jusque lĂ  jamais atteinte ». « Le processus de l’éveil spirituel est dĂ©clenchĂ© par la pubertĂ©, littĂ©ralement enflammĂ© dans le cerveau par la mĂȘme poussĂ©e d’hormones que celle qui dĂ©clenche la croissance spirituelle » (p 112).

La recherche met en Ă©vidence un problĂšme majeur d’intĂ©gration chez les adolescents. Les jeunes ont souvent des problĂšmes lorsqu’ils ressentent une tension entre leur pensĂ©e intelligente et leurs pulsions. Cela peut ĂȘtre imputĂ© Ă  une « dĂ©connection entre le cerveau frontal et le cerveau arriĂšre » entrainant un manque de dialogue intĂ©rieur. « Quand la tĂȘte et le cƓur sont connectĂ©s, il y une ressource – une voix intĂ©rieure – qui aide Ă  rĂ©pondre aux questions et qui peut activement aider l’adolescent Ă  rĂ©sister Ă  la tentation. L’état de la situation qui se dĂ©gage de la rechercher est clair. La connectivitĂ© front-arriĂšre dans le cerveau est essentielle pour aider les jeunes Ă  gĂ©rer leurs expĂ©riences et leurs sentiments, Ă  moduler leurs impulsions et Ă  prendre de bonnes dĂ©cisions qui soient informĂ©es par leur tĂȘte et par leur cƓur. La spiritualitĂ© enrichit ce processus. La spiritualitĂ© n’est pas seulement utile aux adolescents, mais nous savons que le jeune est en fait prĂ©parĂ© pour avoir une poussĂ©e de recherche spirituelle. C’est la conversation la plus importante pour le cerveau de l’adolescent et une fois que cette connection se myĂ©linise, elle est largement assurĂ©e » (p 218).

A partir des recherches actuelles, Lisa Miller estime que « la spiritualitĂ© est le facteur de protection le plus robuste contre les trois grands dangers de l’adolescence : la dĂ©pression, la drogue et la prise de risque ». « Dans tout le champ de l’expĂ©rience humaine, il n’y a pas un seul facteur qui protĂ©gera votre adolescent autant qu’un sens personnel de la spiritualité » (p 209).

 

Socialisation

Le cerveau se branche et se construit en fonction des expĂ©riences du jeune. Quelle offre correspondante l’environnement propose-t-il aux jeunes ? Encourage t-il la vie intĂ©rieure ? « Le rĂ©flexion consciente, l’introspection, et l’expĂ©rience intĂ©rieure participent Ă  la formation du cerveau du jeune » (p 219). La question du dĂ©veloppement spirituel  de l’adolescent n’est pas seulement une question individuelle. C’est un problĂšme social. « Comme le jeune teste la vie intĂ©rieure en fonction de la thĂ©orie, de la culture et de l’opinion, il a bien plus de chance de succĂšs avec le soutien des parents, des Ă©ducateurs et de la communautĂ©.

Or, dans le contexte actuel des Etats-Unis, Lisa Miller observe des manques dans la culture amĂ©ricaine. Il semble que le nombre de jeunes soutenus dans la tĂąche d’individuation spirituelle soit relativement bas » (p 221). Une recherche a montrĂ© que beaucoup de jeunes habitant dans des banlieues aisĂ©es, et donc bien pourvus matĂ©riellement, se trouvaient dans un Ă©tat de vide spirituel. Cette situation pouvait ĂȘtre imputĂ©e Ă  une culture familiale : pĂšre peu prĂ©sent, mĂšre perfectionniste, recherche des jeunes orientĂ©e vers un succĂšs matĂ©riel et superficiel et une apparence physique. « Elever un enfant dans une ambition crue et extĂ©rieure, sans amour inconditionnel ne mĂšne d’aucune maniĂšre Ă  la rĂ©ussite » (p 225). Tout cela induit « dĂ©pression, anxiĂ©tĂ© et consommation de drogue ». « La recherche confirme l’idĂ©e que l’usage de drogue est un tentative Ă©garĂ©e pour rejoindre une transcendance » (p 227). « Lorsqu’ils manquent de ressources spirituelles, les jeunes recherchent une expĂ©rience de transcendance lĂ  oĂč ils imaginent pouvoir la trouver, ce qui entraine une conduite automobile insouciante, des relations sexuelles sans protection ou un usage de drogues » (p 226). Lisa Miller rappelle le rĂŽle essentiel des parents pour soutenir la vie spirituelle de leurs adolescents : « les aider Ă  prendre l’habitude d’une forte vie intĂ©rieure, une pratique qui rend explicite leur spiritualitĂ©, et un travail continu pour poser et comprendre les grandes questions spirituelles » (p 220).

Ce regard sur l’adolescence s’inscrit dans la dĂ©couverte par Lisa Miller du rĂŽle majeur de la spiritualitĂ© dans une vie humaine accomplie telle qu’on en voit la manifestation dans le cerveau humain, un « cerveau Ă©veillé » (awakened brain), selon le titre de son dernier livre (2). « Chacun de nous est dotĂ© d’une capacitĂ© naturelle de percevoir une rĂ©alitĂ© plus grande et de se connecter consciemment Ă  la force de vie qui se meut Ă  l’intĂ©rieur de nous, Ă  travers nous et autour de nous. Notre cerveau a une capacitĂ© naturelle pour accueillir une conscience spirituelle. Quand nous accueillons cette conscience, nous nous sentons davantage en plĂ©nitude et Ă  l’aise dans le monde. Nous entrons en relation et prenons des dĂ©cisions Ă  partir d’une vision plus large ». Lisa Miller Ă©nonce des expĂ©riences qui Ă©voquent la spiritualité : « un moment de connexion profonde avec un autre ĂȘtre et dans la nature, un sentiment d’émerveillement, de respect, de transcendance, une expĂ©rience de synchronicitĂ©, un moment oĂč vous vous ĂȘtes senti inspirĂ© ou sauvĂ© par quelque chose de plus grand que vous ». Lisa Miller a Ă©tĂ© conduite dans cette recherche pour comprendre la rĂ©silience des ĂȘtres humains et les y aider. Elle a dĂ©couvert ainsi combien la spiritualitĂ© Ă©tait une composante vitale de la guĂ©rison. En succĂ©dant Ă  une enfance disposĂ©e spirituellement, l’adolescence est une pĂ©riode dĂ©cisive de transition vers l’ñge adulte. VoilĂ  qui appelle une comprĂ©hension et une attention active.

J H

  1. Lisa Miller. The spiritual child. The new science on parenting for health and lifelong thriving. Saint Martin Presse, 2015. Présentation : éducation et spiritualité : https://vivreetesperer.com/education-et-spiritualite/
  2. Lisa Miller. The awakened brain . Random House, 2021. Présentation : https://vivreetesperer.com/the-awakened-brain/

La grande connexion

Vivre au ciel maintenant, la grande connexionVivre au ciel maintenant
Selon Richard Rohr

Les reprĂ©sentations du Ciel qui nous sont traditionnellement proposĂ©es nous renvoient au lointain et au futur, et son accĂšs au conditionnel. Cependant, ce paysage est en voie d’évolution.

Dans une sĂ©quence sur « la communion des saints », Richard Rohr nous ouvre une vision Ă©vangĂ©lique en se fondant sur les paroles de JĂ©sus lors de son dernier repas avec ses disciples. Ici des interrelations s’affirment. Des barriĂšres tombent : « JĂ©sus leur dit toutes ces choses, et levant les yeux au ciel, il dit « PĂšre, je ne demande pas pour ceux lĂ  seulement, mais aussi pour ceux qui croient en moi Ă  travers leur parole : qu’ils puissent tous ĂȘtre un, de mĂȘme que toi PĂšre, tu es en moi et moi en toi, qu’ils puissent aussi ĂȘtre en nous de maniĂšre Ă  ce que le monde puisse croire que tu m’as envoyé » (Jean 17. 1, 20-23).

« On peut voir dans cette priĂšre le plus haut niveau de l’enseignement mystique du Nouveau Testament », Ă©crit Richard Rohr. « Ici JĂ©sus se connecte Ă  tout. Il est dans le PĂšre, le PĂšre en vous, vous en Dieu, Dieu en lui, Dieu dans le monde et vous dans le monde. Tout cela est un ».

Pour Richard Rohr, c’est lĂ  le fond des choses. La relation est premiĂšre. Nous ne vivons pas seuls, mais en relation. « Les saints voient les choses dans leur connexion et leur globalité ; ils ne voient pas les choses sĂ©parĂ©es. C’es tout un et cependant, comme la TrinitĂ©, c’est aussi diffĂ©rent. Ce que vous faites Ă  l’autre, vous vous le faites Ă  vous-mĂȘme. Comme vous vous aimez vous-mĂȘme, c’est aussi comme vous aimez votre prochain. Comme vous aimez Dieu, c’est comme vous vous aimez vous mĂȘme. Comme vous vous aimez vous mĂȘme, c’est comme vous aimez Dieu. Comme vous faites une chose, c’est comme vous faites toutes les choses ». Nous pouvons nous interroger dans cette perspective sur notre maniĂšre de vivre.

De mĂȘme, cette approche nous appelle Ă  discerner, Ă  voir la rĂ©alitĂ© en profondeur. « La  foi, ce n’est pas simplement voir les choses en surface, mais Ă  reconnaĂźtre leur signification profonde. Etre une personne de foi signifie que nous voyons les choses – les gens, les animaux, les plantes, la terre – comme intrinsĂšquement connectĂ©s Ă  Dieu, connectĂ©s Ă  nous-mĂȘmes et donc absolument dignes d’amour et de dignitĂ©. C’est pour cela que JĂ©sus a prié : Pour que nous voyons les choses dans leur unitĂ©, dans leur connexion ».

OĂč en sommes nous dans ce regard ? Notre maturitĂ© spirituelle est fonction de notre degrĂ© d’évolution dans la maniĂšre de percevoir notre connexion, nos interrelations. C’est ce que nous dit Richard Rohr : « Plus nous pouvons nous connecter, plus il y a de la saintetĂ© en nous. Moins nous pouvons nous connecter, moins nous sommes transformĂ©s. Si nous ne pouvons pas nous connecter avec des gens d’autres religions, d’autres classes, d’autres races, avec nos « ennemis » ou avec ceux qui sont en souffrance, nous ne sommes pas trĂšs convertis. Les gens vraiment transformĂ©s sont capables d’une reconnaissance universelle  »

Notre maniĂšre de voir a des consĂ©quences quant Ă  notre maniĂšre de voir le « ciel ». « Nous n’allons pas au ciel, nous apprenons Ă  vivre dans le ciel maintenant », Ă©crit Richard Rohr. « Et personne ne vit seul au ciel. Ou nous apprenons Ă  vivre en communion avec d’autres gens et avec tout ce que Dieu a crĂ©Ă©, ou bien, trĂšs simplement, nous ne sommes pas prĂȘts pour le ciel  »

Ainsi quel est le chemin ? « Nous avons Ă©tĂ© invitĂ©s, mĂȘme maintenant, mĂȘme aujourd’hui, mĂȘme en ce moment, Ă  vivre consciemment dans la communion des saints, dans la PrĂ©sence, dans le Corps, dans la Vie du Christ Ă©ternellement Ressuscité ».

J H

  1. Une méditation de Richard Rohr dans son site : Center for action and meditation : Living in Heaven now Vendredi 12 mars 2021 https://cac.org/living-in-heaven-now-2021-03-12/

Voir aussi ces autres méditations de Richard  Rohr

Enlever le voile : https://vivreetesperer.com/enlever-le-voile/

L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/

 

ReconnaĂźtre aujourd’hui un mouvement Ă©mergent pour la justice dans une inspiration de long cours

Et si nous envisagions les paroles qui nous sont confiées par le message biblique comme des semences en train de grandir

Nous trouvons sur le site du « Center for action and contemplation » animé par Richard Rohr, une séquence hebdomadaire intitulée : « Movements of justice and the Spirit » (13-19 novembre 2022) (1).

 

Un mouvement à la rencontre des rejetés

 Au dĂ©part, une premiĂšre mĂ©ditation rappelle que « JĂ©sus a vĂ©cu parmi les rejetĂ©s. Il a exercĂ© son ministĂšre parmi les rejetĂ©s. Il est mort et a Ă©tĂ© crucifiĂ© comme rejetĂ©, comme quelqu’un qui Ă©tait en dehors de la structure du pouvoir politique. Mais, en sortant de la tombe Ă  l’aube d’un dimanche, il entrepris un mouvement de rĂ©surrection – un rĂ©veil d’amour, un rĂ©veil de justice, un rĂ©veil de misĂ©ricorde, un rĂ©veil de grĂące » (2).

 

Le mouvement de Jésus : Un mouvement et non une institution

Et JĂ©sus a lancĂ© un mouvement (3). « Je ne pense vraiment pas que nous puissions renouveler l’Église Ă  moins que nous cessions de la penser comme une institution et commencions Ă  la penser comme un mouvement » (Clarence Jordan ; lettre ; 1967).

Michael Curry, Ă©vĂȘque prĂ©sident de l’Eglise Ă©piscopale (amĂ©ricaine anglicane) s’exprime ensuite ainsi : « JĂ©sus n’a pas Ă©tabli une institution bien que les institutions puissent servir sa cause. Il n’a pas crĂ©Ă© un parti politique, bien que ses enseignements aient un profond impact sur la politique. JĂ©sus n’a mĂȘme pas crĂ©Ă© une religion. Non, JĂ©sus a initiĂ© un mouvement inspirĂ© par son Esprit, un mouvement dont le but Ă©tait et est de changer la face de la terre hors du cauchemar dans lequel elle se trouve souvent, en un rĂȘve dans l’intention de Dieu » 

« Si vous ĂȘtes attentif Ă  la Bible, si vous l’écoutez et si vous observez comment l’Esprit de Dieu se dĂ©voile dans une histoire sacrĂ©e, je crois que vous observerez un dessein. Vous ne pouvez manquer d’observer qu’il y a un mouvement de Dieu dans le monde ».

Et voici plusieurs caractéristiques du mouvement de Jésus :
° D’abord le mouvement est complĂštement centrĂ© sur JĂ©sus et sa voie. Longtemps avant que le christianisme soit appelĂ© l’Église, il Ă©tait appelĂ© la Voie (Actes 9.2).
° Une seconde caractéristique du mouvement : En suivant la voie de Jésus, ils abolissaient la pauvreté et la faim dans leurs communautés
° TroisiĂšmement, ils ont appris Ă  devenir plus qu’une collection d’individualitĂ©s. Ils sont devenus une communautĂ© contre culturelle oĂč les juifs et les grecs, les circoncis et les incirconcis avaient un statut Ă©gal » (Actes 15.1-12).

 

Un mouvement spirituel inclusif tourné vers le futur

Dans une mĂ©ditation : trouver le courant : « Find the flow » (4), Brian McLaren nous invite Ă  participer Ă  un mouvement spirituel tournĂ© vers l’avenir au lieu d’essayer de retourner au passĂ©. Cet article s’inscrit donc dans la perspective de son livre : « The great spiritual migration » (La grande migration spirituelle) (5).

« Depuis il y a trois ou quatre mille ans avant JĂ©sus-Christ, quand les premiĂšres civilisations humaines sont nĂ©es, nous avons fait partie d’un « mĂ©ta-mouvement, d’une maniĂšre commune de pensĂ©e que nous pourrions appeler l’ancienne humanitĂ© ou l’humanitĂ© impĂ©riale. Mais qu’est-ce qui arrive quand un mĂ©ta-mouvement en vient Ă  son terme ?

Qu’est-ce que cela signifie pour nous de vivre pendant le dĂ©clin de la vieille humanitĂ© alors que la nouvelle humanitĂ© est en train de naĂźtre dans un processus fragile et douloureux ? Et comment vivre lorsque la croissance du nouveau mouvement, de la nouvelle humanitĂ©, de la nouvelle crĂ©ation sociale dĂ©pend de la perte d’hĂ©gĂ©monie de l’ancienne ?

Comme j’écris ces mots, je ne peux m’empĂȘcher de ressentir un flot de rĂ©sonances avec les Écritures hĂ©braĂŻques. J’entends des Ă©chos d’EsaĂŻe qui parlent de Dieu faisant une chose nouvelle, un frais jaillissement, annonçant de bonnes nouvelles pour les pauvres, la rĂ©cupĂ©ration de la vue pour les aveugles, la libertĂ© pour les emprisonnĂ©s et pour les opprimĂ©s (L’oppression des pauvres est une caractĂ©ristiques de la vieille humanitĂ©). J’entends le prophĂšte imaginant une Ă©poque promise oĂč les armes seraient recyclĂ©s en Ă©quipements agricoles parce qu’on n’envisagerait plus la guerre (La guerre est une des caractĂ©ristiques de la vieille humanitĂ©). J’entends la prophĂ©tie d’EzĂ©chiel au sujet d’un cƓur nouveau, d’un cƓur de chair qui remplacerait un cƓur de pierre (L’endurcissement des cƓurs en raison des intĂ©rĂȘts est une caractĂ©ristique de la vieille humanitĂ©). J’entends Amos Ă©voquant une Ă©poque oĂč un fleuve de justice descendrait des hauteurs et remplirait les zones basses (Une concentration du pouvoir et de la richesse au sommet est une caractĂ©ristique de la vieille humanitĂ©). J’entend MichĂ©e relativisant tout ce qui est dans sa religion exceptĂ© la justice, l’amour bienveillant et marcher humblement devant Dieu (Accumuler la puissance, aimer l’argent, et marcher dans un orgueil racial, religieux ou national, sont des caractĂ©ristiques de la vieille humanitĂ©).

Ainsi, dans le mĂ©ta-mouvement des empires, dans ce milieu de domination, d’extraction et d’exploitation, je m’imagine ce qui arriverait si nous recevions d’une longue succession de prophĂštes, comprenant Marie, Jean le Baptiste, JĂ©sus, Paul et d’autres, une vision pour un nouveau mouvement en train de naĂźtre ».

Brian McLaren nous fait part de sa vision : « Quelque soit ce nouveau mĂ©ta-mouvement Ă©mergent, il est plus grand qu’une quelconque religion. En fait, il est plus grand que la religion dans son ensemble. Il porte une invitation, peut ĂȘtre mĂȘme un ultimatum Ă  toutes les religions, tous les systĂšmes politiques et Ă©ducatifs, tous les arts et mĂ©tiers, toutes les sciences et technologies, tout. C’est, pourrions-nous dire, un mouvement spirituel qui englobe tout ».

C’est dire Ă  quoi nous sommes appelĂ©s. « OĂč que vous investissiez votre vie, j’espĂšre que ce sera dans ce grand mouvement qui Ɠuvre pour la naissance de quelque chose de nouveau. Embrassez une vue Ă  long terme et entrez dans le profond courant, le flux infini ».

Rapporté par J H

  1. Movements of justice and the Spirit : https://cac.org/daily-meditations/find-the-flow-2022-11-18/
  2. A Movement with the Excluded : https://cac.org/daily-meditations/a-movement-with-the-excluded-2022-11-13/
  3. Jesus started a movement : https://cac.org/daily-meditations/jesus-started-a-movement-2022-11-14/
  4. Find the flow : https://cac.org/daily-meditations/find-the-flow-2022-11-18/
  5. La grande migration spirituelle : https://www.temoins.com/la-grande-migration-spirituelle/
La traversée

La traversée

Un contre récit positif pour traverser le chaos

Nous avons conscience de la grave menace du dĂ©rĂšglement climatique. Mais s’y ajoute une crise Ă©conomique et sociale : la montĂ©e des inĂ©galitĂ©s. Et l’angoisse ambiante contribue Ă  une augmentation de l’agressivitĂ©. Dans un livre rĂ©cent ‘The life after doom’ (1), le pasteur et thĂ©ologien amĂ©ricain Brian McLaren n’hĂ©site pas Ă  nous mettre en garde et Ă  nous inviter au courage et Ă  la sagesse dans un monde qui se dĂ©fait. Cependant, on regarde maintenant gĂ©nĂ©ralement l’avenir en terme de transition, une transition Ă©cologique pour sortir d’une Ă©conomie carbonĂ©e et enrayer ainsi le rĂ©chauffement climatique. Mais est-ce que ce mouvement est suffisamment rapide et profond ? Patrick Viveret (2) et Julie Chabaud ne le pensent pas et proposent une autre approche dans un livre au titre significatif ‘La traversĂ©e’ (3). Leur dĂ©marche est dĂ©crite en ces termes : « la bataille de la transition semble perdue faute d’avoir Ă©tĂ© rĂ©ellement menĂ©e. Il nous faut faire preuve de luciditĂ© et de radicalitĂ© tant dans la perspective que dans le diagnostic. Et, comme la chenille qui se transforme en papillon, raisonner dorĂ©navant en terme de ‘mĂ©tamorphose’. VoilĂ  un exercice qui est loin d’ĂȘtre Ă©vident, car, pour la chenille, l’état de papillon reprĂ©sente la fin d’un monde, en tout cas de son monde ».

Les auteurs estiment que la transition est insuffisante : « Si les principaux responsables Ă©conomiques et politiques avaient pris au sĂ©rieux les avertissements dont ils avaient connaissance dĂšs les annĂ©es 1980, ‘la transition Ă©cologique solidaire’ aurait pu ĂȘtre rĂ©ussie. Mais ils se sont contentĂ©s de greenwashing et de petits gestes au lieu de s’attaquer aux Ă©cocides et aux inĂ©galitĂ©s sociales gĂ©nĂ©rĂ©es par l’hypercapitalisme ». DĂšs lors, les auteurs proposent une perspective nouvelle en employant le terme de traversĂ©e plutĂŽt que celui de transition. « Cette traversĂ©e propose de comprendre et nommer les temps rĂ©gressifs dans lesquels nous sommes entrĂ©s, sans pour autant cĂ©der aux perspectives dĂ©primantes de l’effondrisme. Elle engage au rĂ©alisme sur la situation actuelle tout en orientant l’action civique par un imaginaire positif et en rĂ©vĂ©lant de nouveaux Ă©quipements pour traverser le chaos de la chrysalide sans s’abimer. C’est la projection d’une humanitĂ© en voie d’apparition : plus sage et attentive, mieux connectĂ©e au vivant, faisant coopĂ©rer toutes les intelligences afin d’Ɠuvrer pour l’habitabilitĂ© de la planĂšte Terre, dĂ©fi ultime qui nous relie tous » (page de couverture).

AprĂšs nous avoir proposĂ© une mĂ©taphore Ă©clairante, comparant notre situation au passage de l’état de chenille et de chrysalide Ă  celui de papillon, les auteurs « ouvrent des chantiers aussi bien thĂ©oriques et pluridisciplinaires que pratiques et tournĂ©s vers l’action » (p 41) Se succĂšdent ainsi des chapitres exposant ‘les chantiers de la mĂ©tamorphose’ en cinq grandes parties : «  Comprendre les anticorps des chenilles ; Les ruses de la chenille : pourquoi ne faisons-nous pas ce qu’il faut ; Les travaux de la mĂ©tamorphose ; Traverser le chaos crĂ©ateur de la chrysalide ; Se placer en posture de puissance crĂ©atrice ».

Dans ces chantiers, les auteurs apportent une vaste information nourrie par leurs connaissances sociologiques, mais aussi, tout particuliĂšrement, par une grande expĂ©rience des initiatives innovantes, dans le changement Ă©cologique et dans le changement social, prenant en compte la diversitĂ© et la crĂ©ativitĂ© des territoires. Les auteurs ont une expertise en ce domaine. Ainsi, Patrick Viveret n’est pas seulement un philosophe et un essayiste, une figure de proue dans le mouvement convivialiste, c’est aussi un homme d’action, issu de la Nouvelle Gauche dans un penchant autogestionnaire, ayant ƓuvrĂ© dans l’entourage de Michel Rocard et de Lionel Jospin et, par la suite trĂšs actif dans les mouvements altermondialistes et, aujourd’hui, dans plusieurs associations et collectifs.

 

Une métamorphose de la chenille au papillon

Comparer l’évolution de la chenille et de la chrysalide au papillon Ă  celle de notre humanitĂ© ‘n’est qu’une mĂ©taphore’, prĂ©cise les auteurs Ă  l’entrĂ©e de la sĂ©quence ‘les travaux de la mĂ©tamorphose’ (p 91). « Nous ne sommes pas des chenilles en train de devenir des papillons, mais des ĂȘtres humains. La mĂ©taphore nous est utile pour nous donner de l’espĂ©rance et de l’énergie mais elle doit aussi intĂ©grer des donnĂ©es essentielles : nous ne sommes pas dans l’ordre de la simple programmation dĂ©terministe du vivant. LĂ  oĂč les cellules imaginales de la chenille la mĂšnent inexorablement au papillon, « nos » cellules imaginales sont des possibles, un papillon en latence » (p 91).

AprĂšs avoir rappelĂ© trĂšs prĂ©cisĂ©ment les menaces et exprimer leur analyse d’un insuccĂšs de la Transition, les auteurs nous proposent une perspective : « L’approche en terme de transition induit dans les esprits l’idĂ©e d’une progression linĂ©aire et sans Ă -coups importants. Or, comme elle se heurte Ă  une rĂ©alitĂ© contraire, elle finit par entretenir une vision dĂ©sespĂ©rĂ©e de la situation. On ne connait pas de progression linĂ©aire, mais souvent des rĂ©gressions profondes. Il existe des seuils de bouleversement qui conditionnent la capacitĂ© de l’humanitĂ© Ă  vivre la nouvelle Ăšre Ă©cologique dans laquelle elle est dĂ©sormais rentrĂ©e. En revanche, si l’on prend l’exemple de l’une des mĂ©tamorphoses les plus connues et les plus spectaculaires, celle de la chenille au papillon, nous comprenons que du point de vue de la chenille, le papillon, c’est la fin du monde, ou en tout cas de son monde
 L’hypothĂšse que nous voudrions donc dĂ©velopper dans ce livre est qu’il nous faut nommer et comprendre cette phase critique, si nous voulons saisir les moyens de la surmonter
 L’approche que nous proposons permet de comprendre et de nommer les temps rĂ©gressifs dans lesquels nous sommes entrĂ©s sans pour autant cĂ©der aux dĂ©ni des uns ou aux perspectives dĂ©primantes de l’ ‘effondrisme’ des autres ou de l’ ‘aquabonisme’. Elle intĂšgre la situation de temps sombres tout en orientant l’action civique vers un imaginaire positif » (p 20-21).

Les auteurs nous expliquent le processus de la mĂ©tamorphose de la chenille, puis de la chrysalide au papillon, et comment la comprĂ©hension de ce processus peut nous aider Ă  comprendre et Ă  affronter les diffĂ©rents passages du changement auxquels nous sommes confrontĂ©s. « La chrysalide est une marmite bouillonnante
 oĂč les repĂšres connus disparaissent, fusionnent, se recombinent ou s’hybrident avec des rĂ©fĂ©rences inconnues. La chrysalide est un chaos. S’y affrontent les forces du passĂ© (la chenille) et les forces de la vie et de l’avenir (le papillon) » (p 22). Cette perspective nous aide Ă  modifier nos maniĂšres de voir. « Cela signifie opĂ©rer une rĂ©forme de la pensĂ©e comme le propose Edgar Morin, mais aussi dĂ©poser nos armures lourdes et inadaptĂ©es. Cela signifie prendre soin
 et se doter de nouvelles postures, furtives, crĂ©atives, coopĂ©ratives et apprenantes » (p23).

Les auteurs nous signalent une particularité trÚs éclairante : « De la métaphore de la métamorphose biologique de la chenille en papillon, nous retenons les cellules imaginales, ces cellules déjà présentes dans la chenille qui portent en elles une sorte de code signalant au corps de la chenille la maniÚre de se transformer et de développer les attributs du futur papillon » (p 23). Cependant, « dans le bouillonnement de la chrysalide, les anticorps de la chenille se défendent contre le déploiement des cellules imaginales et donc du papillon ».

Les auteurs prennent appui sur cette image. Il y a des forces en nous et dans l’humanitĂ© que nous pouvons nourrir. « Nous ouvrirons un chantier pour nourrir les cellules imaginales des mĂ©tamorphoses trĂšs-humaines, car les nouveaux imaginaires et leurs Ă©quipements s’expĂ©rimentent partout dĂ©jà
 Il s’agit de les donner Ă  voir, Ă  sentir et Ă  comprendre pour que chacune et chacun d’entre nous puisse les assembler et les rĂ©inventer Ă  notre goĂ»t et dans nos rĂ©alitĂ©s » (p 24).

 

Les chemins de la métamorphose

Voici quelques-unes des pistes que tracent les auteurs :

Ils nous appellent Ă  bien identifier les menaces et les enjeux. « Il y a les menaces qui relĂšvent des dĂ©fis Ă©cologiques ». Mais « il y a aussi la guerre que nous nous faisons avec l’augmentation des violences ». Dans cette double menace, « ce sont les mĂȘmes forces qui sont Ă  l’Ɠuvre, obsĂ©dĂ©es dans les deux cas par la peur de voir disparaitre leur ancien monde organisĂ© autour de formes patriarcales, productivistes et autoritaires » (p 25). Face Ă  ce double risque, il est encore temps d’organiser ce que nous pouvons appeler une grande ‘alliance des forces de vie’, car la grande majoritĂ© des ĂȘtres humains aspirent Ă  vivre dans la paix, la justice et la libertĂ© sur une planĂšte habitable. Il est encore temps de s’appuyer sur le socle positif qui a permis Ă  la planĂšte de renaitre aprĂšs la seconde guerre mondiale, celui notamment de la DĂ©claration universelle des droits humains… (p 26).

L’enjeu est celui d’une ‘civilitĂ© humaine’. Si le temps nous parait critique, nous pouvons l’envisager comme celui d’une « humanitĂ© en travail sur elle-mĂȘme  » (p 27). « Ce travail sur soi (expression souvent utilisĂ© Ă  propos de la quĂȘte de sagesse d’une personne) concerne l’humanitĂ© dans son ensemble et aussi tous les corps collectifs qui la constituent : peuples, nations, Ă©tats, religions, genres, ethnies, cultures, catĂ©gories sociales  »

Les auteurs, conscients des piĂšges du transhumanisme, envisagent la voie du ‘trĂšs-humain’… « La voie du trĂšs-humain conserve le meilleur de l’émancipation de la modernitĂ© sans le pire de la chosification du vivant et des humains eux-mĂȘmes. Elle retrouve le meilleur du lien des sociĂ©tĂ©s de tradition : lien Ă  la nature, lien social, lien de sens, sans cĂ©der Ă  la face sombre de ce lien, celle qui, au lieu de nous libĂ©rer, nous contrĂŽle et nous aliĂšne. Elle nous fait grandir en humanitĂ©, en intelligence crĂ©atrice et en sagesse, mais ne prĂ©tend pas, ne souhaite pas nous faire sortir de l’humanité » (p 30).

Ainsi, les auteurs envisagent une sociĂ©tĂ© en voie d’apparition et non de disparition. Et, en consĂ©quence, ils nous prĂ©sentent un vaste chantier dans la promotion de multiples projets de vie et de nouvelles formes Ă©conomiques
 Un tel projet, qui Ă©carte la violence, est aussi « une source de rĂ©orientation profonde vers l’essentiel de ce qui fait sens pour tout ĂȘtre humain et pour l’humanitĂ© elle-mĂȘme dans son rapport Ă  l’univers. En ce sens, elle est aussi une source de bien vivre
 Nous pouvons nous fixer comme un objectif enthousiasmant celui d’une humanitĂ© qui, pour reprendre expression de Philippe Desbrosses, « ne serait pas une sociĂ©tĂ© en voie de disparition, mais en voie d’apparition » (p 34).

Les auteurs militent en faveur d’une ‘radicalitĂ© crĂ©atrice et dĂ©mocratique’. « La colĂšre est nĂ©cessaire et permet d’échapper au sentiment d’impuissance et de dĂ©pression, lorsqu’on voit le scandale absolu qu’évoque Oxfam, les 1% les plus riches possĂ©der en fortune, l’équivalent de la moitiĂ© de la richesse mondiale et avoir une empreinte carbone Ă©gale Ă  cette hypertrophie » (p 34). Cependant les auteurs mettent en garde vis-Ă - vis des tentations de la violence.

Et mĂȘme, ils appellent Ă  une lutte contre ce qu’ils appellent le ‘brutalisme’, une â€˜Ă©co-convivialitĂ© face au brutalisme’. « La rĂ©sistance est sur deux fronts : celui de l’argent roi qui continue d’ĂȘtre au cƓur de l’irresponsabilitĂ© Ă©cologique et aussi celui de la brutalitĂ© qu’exprime le pouvoir de domination sous toutes ses formes, de la brutalisation de la nature Ă  celle des humains » (p 37).

Face au ‘brutalisme’, les auteurs opposent ‘l’éco-convivialisme’. « ‘Eco’, car Ă  l’évidence, la question Ă©cologique est non seulement centrale mais vitale. ‘Convivialisme’, car ce terme nous parait mieux adaptĂ© que celui historiquement datĂ© de â€˜Ă©co-socialisme’ ou celui de â€˜Ă©co-humanisme’. L’humanisme classique reste marquĂ© par une vision justement peu Ă©cologique
 et sa posture trop occidentale
 Il nous semble donc que, sur ces deux terrains comme ceux aussi de l’alternative au patriarcat, le convivialisme inspirĂ© Ă  l’origine par les travaux de Ivan Illich et dĂ©veloppĂ© dans un manifeste signĂ© par des intellectuels du monde entier, rĂ©pond mieux Ă  ce dĂ©fi » (p 38-39).

Effectivement, le convivialisme, ‘philosophie de l’art de vivre ensemble’ (4) se rĂ©pand dans le monde. En 2020, le mouvement convivialiste a publiĂ© un « ‘second manifeste’ qui Ă©nonce cinq principes et un impĂ©ratif pour prendre soin de la nature et des humains ». « Le but du convivialisme est de contribuer Ă  l’édification d’un monde post-nĂ©olibĂ©ral
 en opĂ©rant des formes de regroupement entre tous les rĂ©seaux qui visent ce mĂȘme objectif  ». Le ‘Second manifeste convivialiste. Pour un monde post-nĂ©olibĂ©ral’ (5) est soutenu par prĂšs de 300 signataires, venant de 33 pays diffĂ©rents, et pour beaucoup d’entre eux des chercheurs rĂ©putĂ©s comme le montre la liste publiĂ©e en fin de manifeste.

Les auteurs poursuivent en marquant une spĂ©cificitĂ© et une originalitĂ© du convivialisme dans un monde en tensions tentĂ© par la violence et par la guerre. « Cette proposition se fonde sur le fait que le contraire de la duretĂ© n’est pas la mollesse, mais la douceur » (p 39). Le projet prĂ©conise de profonds changements dans la vie sociale et Ă©conomique. Ainsi Ă©voque-t-il « uneÂ â€˜Ă©colonomie’, une Ă©conomie rĂ©encastrĂ©e dans les besoins du vivant et des vivants ». « Notre Ă©conomie ne peut perdurer que si elle se ‘rĂ©encastre’ dans l’écologie et donc dans le rapport au vivant » (p 100). On pourra lire en regard le livre d’Eloi Laurent : « Économie pour le XXIe siĂšcle » (6). C’est un projet ambitieux. « Un tel projet allie bien sĂ»r la transformation personnelle et la transformation sociale » (p 40). Ce n’est pas seulement « un projet politique, mais un projet anthropolitique » (p 40), c’est Ă  dire qu’il envisage la vie humaine en profondeur.

Dans ce livre : « La TraversĂ©e » Patrick Viveret et Julie Chabot nous apportent un Ă©clairage pour comprendre et affronter les remous d’une sociĂ©tĂ© confrontĂ©e aux changements climatiques et aux troubles sociaux engendrĂ©s par la montĂ©e des inĂ©galitĂ©s. Ainsi nous permettent-ils d’envisager diffĂ©remment la transition Ă©cologique en nous montrant le chaos dans lequel elle s’effectue, Ă  travers l’image du passage de la chenille et de la chrysalide au papillon et en nous prĂ©sentant ainsi la transition comme une mĂ©tamorphose. En terme de ‘chantiers’, les auteurs nous aident alors Ă  influer sur les processus de la mĂ©tamorphose dans les diffĂ©rents domaines impliquĂ©s. A travers l’expertise des auteurs, ce livre nous apporte des ressources. ConjuguĂ© Ă  la transformation sociale, la transformation personnelle est mise en valeur. A cet Ă©gard, on pourra trouver une inspiration spirituelle dans le livre Ă©crit par Joanna Macy et prĂ©facĂ© par Michel Maxime Egger : ‘L’espĂ©rance en mouvement. Comment faire face au triste Ă©tat du monde sans devenir fou’ (7). Ce livre sur ‘La  traversĂ©e’ est Ă©galement Ă©clairant parce qu’il nous offre un horizon social, politique et Ă©conomique en s’inscrivant dans la dynamique d’un courant de pensĂ©e et d’action en pleine expansion : le convivialisme. Nous pouvons ainsi rĂ©flĂ©chir aux questions actuelles Ă  l’échelle du monde.

J H

 

  1. Brian McLaren. Life after doom. Wisdom and courage for a world falling apart. Hodder and Stouchton, 2024
  2. Patrick Viveret. Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Viveret
  3. Patrick Viveret. Julie Chabaud. La Traversée du temps des chenilles à celui des métamorphoses. Un contre récit positif pour traverser le chaos ; Les liens qui libÚrent, 2023
  4. Mieux vivre ensemble : https://convivialisme.org
  5. Internationale convivialiste. Second manifeste convivialiste. Pour un monde post – nĂ©olibĂ©ral. Actes sud, 2020
  6. Eloi Laurent. Économie pour le XXIe siĂšcle. Face Ă  la crise Ă©cologique, comment rĂ©aliser une transition juste : https://vivreetesperer.com/face-a-la-crise-ecologique-realiser-des-transitions-justes/
  7. Joanna Macy. Chris Johnstone. L’espĂ©rance en mouvement. Comment faire face au triste Ă©tat de notre monde sans devenir fou : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/