Réenchanter notre relation au vivant

Avec Michel Maxime Egger

Sociologue et Ă©cothĂ©ologien, Michel Maxime Egger Ɠuvre activement pour la transition Ă©cologique. Ainsi, a t-il fondĂ© un Laboratoire de transition intĂ©rieure portĂ© par deux ONG suisses. Ses livres jalonnent une prise de conscience psychologique et spirituelle. Nous avons dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© un de ses livres, trĂšs dense, sur l’écospiritualitĂ© (1). Il a prĂ©facĂ© un livre de Joanna Macy, une grande Ă©cologiste amĂ©ricaine : « L’espĂ©rance en mouvement » (2). Dans ses interventions, il nous appelle Ă  une vision spirituelle de l’écologie (3). Michel Maxime Egger vient de publier un nouveau livre : « RĂ©enchanter notre relation au vivant. Ecopsychologie et Ă©cospiritualité » (4). Nous apprĂ©cions dans cet ouvrage les mĂȘmes qualitĂ©s que prĂ©cĂ©demment : accessibilitĂ©, richesse encyclopĂ©dique de l’information, vision thĂ©ologique dynamique.

« Dans quel monde aspirons-nous Ă  vivre ? Les dĂ©rĂšglements Ă©cologiques et climatiques nous prĂ©occupent-ils ? Cet ouvrage nous propose de nouvelles approches pour rĂ©harmoniser les relations avec la toile du vivant : l’écopsychologie et l’écospiritualitĂ©. Deux champs de recherche transdisciplinaires qui permettent d’opĂ©rer la transition vers un monde vĂ©ritablement Ă©cologique, juste et rĂ©silient » (page de couverture). Dans ce livre, Michel Maxime Egger nous entraine dans un parcours : dĂ©couvrir les nouveaux champs de connaissance qui viennent Ă©clairer l’écologie : Ă©copsychologie et Ă©cospiritualitĂ© ; analyser les causes de la menace actuelle  («Aux racines de l’écocide et de l’écoanxiĂ©tĂ© ») ; adopter un nouveau regard sur la nature ; « redonner sa juste place Ă  l’ĂȘtre humain » et transformer l’éducation ; abolir les sĂ©parations et les frontiĂšres en « se reliant Ă  la Terre et au Ciel »; nous engager en devenant une personne mĂ©ditante-militante ».

Par rapport aux Ă©crits prĂ©cĂ©dents de l’auteur, ce livre comporte un nouveauté : une galerie de portraits de personnalitĂ©s trĂšs diverses contribuant Ă  l’écologie, par exemple : Carl Gustav Jung, ThĂ©odore Roszak, John Muir, Thomas Berry, Jacques Ellul, Philippe Descola, Teilhard de Chardin (5), Joanna Macy, David Thoreau


Comme ce livre nous paraĂźt incroyablement riche, nous nous limiterons Ă  la prĂ©sentation d’un chapitre : « RĂ©enchanter notre regard sur la nature » (p 91-131). En Occident, notre attitude vis Ă  vis de la nature Ă©tait devenue de plus en plus omnipotente. Changer notre regard et donc notre attitude est devenu une prioritĂ©. « La nature ne prend de sens et de valeur qu’à travers le regard que nous portons sur elle. La vision – hĂ©ritĂ©e culturellement – que nous en avons, influence, voire dĂ©termine la façon dont nous la traitons et notre maniĂšre d’y habiter et d’y vivre. Ce ne sont pas seulement les rĂ©volutions scientifiques et technologiques qui ont changĂ© l’idĂ©e de la nature, c’est aussi la transformation de cette derniĂšre qui les a rendu possibles. Nous ne sortirons pas du saccage de la planĂšte tant que nous n’aurons pas converti notre regard sur la Terre et la place de l’ĂȘtre humain en son sein » (p 91).

 

Vision plurielle de la nature

Quelles sont les reprĂ©sentations actuelles de la nature ? Une prise de conscience intervient. Ces reprĂ©sentations Ă©voluent. « On assiste depuis une quinzaine d’annĂ©es Ă  un reprise et une intensification d’un large questionnement sur ce qu’est la nature (p 92). « On peut discerner aujourd’hui plusieurs approches :

° La Terre comme objet. Nourri par le rĂ©ductionnisme et le fantasme dĂ©miurgique de maĂźtrise totale issue de la modernitĂ©, l’ĂȘtre humain veut (re)façonner, rĂ©parer le climat, et produire la vie Ă  coups d’exploits technologiques, de biologie de synthĂšse et de gĂ©o-ingĂ©nierie
 La nature est manipulĂ©e et chosifiĂ©e Ă  l’extrĂȘme.

° La Terre comme hybride. A l’ùre de l’anthropocĂšne, la Terre serait tellement marquĂ©e par l’empreinte humaine qu’elle perdrait toute rĂ©alitĂ© en elle-mĂȘme
 Nature et culture seraient si imbriquĂ©es que Bruno Latour propose de remplacer le mot nature par un nouveau concept : « Nat/Cul ».

° La Terre comme toile du vivant. C’est l’hypothĂšse GaĂŻa dĂ©veloppĂ©e dans les annĂ©es 1970 par le biochimiste James Lavelock et la microbiologiste Lynn Margulis. Pour reprendre l’expression du philosophe Baptiste Morizot, notre planĂšte est un tissu d’ĂȘtres vivants – humains et autres qu’humains – en interactions crĂ©atrices et relations d’interdĂ©pendance.

° La Terre comme Domaine « inconstructible » ou « contre- altĂ©rité ». La nature est une rĂ©alitĂ© en soi, autonome que nous n’avons pas créée et qui nous Ă©chappe. La prĂ©server, c’est la respecter dans son altĂ©ritĂ© radicale, sa part sauvage et sa finitude.

° La Terre comme mystĂšre sacrĂ©. Cette vision va se dĂ©cliner de multiples maniĂšres selon les traditions de sagesse Ă  travers des notions comme la Grande DĂ©esse, la Terre MĂšre, l’ñme du monde ou encore la CrĂ©ation. » (p 92-93).

Toutes ces diffĂ©rentes conceptions font l’objet de dĂ©bats. Et, en particulier, certains s’opposent Ă  l’emploi du mot nature comme un terme distinguant l’humanitĂ© de la nature, un terme « trop anthropocentrique, occidental et dualiste en ce qu’il induit une coupure entre l’humain et le non-humain ». La controverse est possible. L’auteur avance l’approche de Baptiste Morizot : « Nous sommes des vivants parmi les vivants, façonnĂ©s et irriguĂ©s de vie chaque jour par les dynamiques du vivant
 Nous ne sommes plus face Ă  face, mais cĂŽte Ă  cĂŽte avec le reste du vivant, face au dĂ©robement de notre monde commun » (p 94).

 

Redonner une Ăąme Ă  la Terre

° Une toile d’interdĂ©pendance

Par rapport aux approches prĂ©cĂ©dentes, « c’est clairement Ă  la Terre comme toile du vivant que la majoritĂ© des Ă©copsychologues se rattachent ». « Ils intĂšgrent les nouveaux paradigmes scientifiques dans leur approche holistique complexe et non dualiste »  « L’ĂȘtre humain est partie intĂ©grante et partenaire coĂ©volutionnaire de la toile du vivant. La coopĂ©ration et l’entraide l’emportent sur la compĂ©tition et la loi du plus fort, chĂšres Ă  Darwin. Les ĂȘtres, autres qu’humains, ne sont pas des ressources, mais des entitĂ©s vivantes  ». Nous voici dans l’approche de l’hypothĂšse GaĂŻa qui s’ouvre Ă  plusieurs interprĂ©tations. « Les milieux issus ou proches de l’écopsychologie ont adoptĂ© une comprĂ©hension qui voit la terre comme un super-organisme vivant, crĂ©atif, symbiotique et autorĂ©gulateur ». D’autres ajoutent parfois une tendance Ă  personnaliser, voire anthropomorphiser GaĂŻa. Cette lecture est contestĂ©e
 « Pour Bruno Latour, l’hypothĂšse GaĂŻa prĂ©sente simplement la Terre comme « un ensemble d’ĂȘtres vivants et de matiĂšre qui se sont fabriquĂ©s ensemble, qui ne peuvent pas vivre sĂ©parĂ©ment et dont l’homme ne saurait s’extraire ».

 

° Le Tao, transformation et harmonie

L’auteur nous introduit Ă  la contribution du taoĂŻsme dans la comprĂ©hension de la nature. « La vision de la nature comme processus, systĂšme organique et ordonnĂ© en transformation constante, entre en rĂ©sonance forte avec des spiritualitĂ©s de l’immanence comme le taoĂŻsme. Du fait de sa perspective holistique, dynamique et relationnelle qui vise Ă  « suivre la nature », ce dernier est particuliĂšrement prisĂ© par les penseurs de l’écologie » (p 99).

 

° L’ñme du monde

La Terre, comme organisme vivant, est-elle animĂ©e par un principe psychique ? L’auteur envisage « le mythe transculturel de l’ñme du monde ». « Le philosophe Mohammed Taleb le dĂ©finit ainsi : « Émanant de l’Un, l’ñme du monde est le liant universel qui donne au cosmos sa cohĂ©rence qui fait que l’univers est justement cosmos et non chaos, organisme et non assemblage » (p 102). Ainsi, « la psychĂ©, ou l’ñme, n’est pas limitĂ©e Ă  l’ĂȘtre humain. Elle traverse les frontiĂšres entre les espĂšces et les rĂšgnes de la nature, l’intĂ©rieur et l’extĂ©rieur, et s’étend au cosmos tout entier ». Et, dans cette perspective, « les animaux et les plantes, les montagnes et les cours d’eau ne sont pas que des agrĂ©gats matĂ©riels ou des ressources psychologiques. Ils ont aussi une voix, une dimension psychique reliĂ©e Ă  l’ñme du monde, comme lieu originel et matriciel, principe fondateur suprapersonnel et cosmique » (p 102). Il arrive que cette conception dĂ©bouche sur une perspective animiste. « Pour Ralph Metzner et Theodore Roszak, par exemple, l’ĂȘtre humain serait « naturellement », animiste, c’est-Ă -dire ouvert Ă  une perception des entitĂ©s non humaines comme vivantes et douĂ©es d’une Ăąme
 Ainsi que nous l’apprennent les peuples premiers
 l’animisme est une maniĂšre empathique de nous relier au monde naturel, en renouant avec nos racines terrestres et animales ainsi qu’avec « la pensĂ©e sauvage » (Claude Levi-Strauss) » (p 103).

 

Vertu Ă©cologique : l’émerveillement

« Une premiĂšre vertu qui participe du rĂ©enchantement de notre relation Ă  la nature est l’émerveillement ». Il y a bien des motifs d’émerveillement. « Être Ă©merveillĂ©, « c’est ĂȘtre saisi par le don permanent du vivant, le mystĂšre de la PrĂ©sence qui conduit Ă  l’amour de la beautĂ© au-delĂ  des apparences ». « L’émerveillement fait partie de ce que Chellis Glendinning appelle « la matiĂšre primitive » de notre ĂȘtre qui se traduit par « une expĂ©rience corporelle, une perception du monde, une maniĂšre d’ĂȘtre vivant caractĂ©risĂ©e par l’ouverture, l’écoute, la volontĂ© de dire oui Ă  la vie ici et maintenant ».

L’émerveillement suppose en particulier de dĂ©velopper l’intelligence contemplative et d’éveiller les sens pour se mettre Ă  l’écoute de notre propre Ăąme et de celle de la Terre » (p 106-107).

 

Redécouvrir la sacralité de la Terre

La Terre aurait-elle Ă©tĂ© dĂ©sacralisĂ©e par la modernité ? Peut-on remĂ©dier « au divorce entre le sacrĂ© et la Terre, non pour diviniser la nature, mais pour lui redonner son mystĂšre, source de respect » ? (p 207). Encore doit-on dĂ©finir ce qu’on entend par sacrĂ©, car, Ă©tant donnĂ© l’hĂ©ritage historique, il y a lĂ  une source de malentendu. « ForgĂ© par l’anthropologie culturelle, le sacrĂ© est une notion complexe lourde d’hĂ©ritage divers. Étymologiquement, il dĂ©signe « ce qui est (mis) Ă  part », sĂ©parĂ© l’impur et du profane. C’est le domaine du « Tout Autre », tissĂ© de rĂšgles et d’interdits. Aujourd’hui, le sacrĂ© change de visage dans une nouvelle conscience. Il ne sĂ©pare plus, mais relie. Il vient moins de l’extĂ©rieur et par le haut (le Ciel) que de l’intĂ©rieur et par le bas (la Terre). Il n’existe plus en soi, mais Ă  travers une relation
 Il n’est pas rĂ©ductible au religieux instituĂ© qui n’en est qu’une des expressions » (p 109). Selon Thomas Berry, le sacrĂ© Ă©voque les profondeurs du merveilleux. « Dans une perspective Ă©cospirituelle, le sacrĂ© est ce qui Ă©merge quand, en communion profonde ave la nature, il y a ouverture Ă  une rĂ©alitĂ© invisible – l’Esprit, la PrĂ©sence, le Souffle – qui s’offre et se rĂ©vĂšle, relie les ĂȘtres et les choses entre eux et Ă  la Source du vivant, les habite d’une dimension de mystĂšre. Cette expĂ©rience est liĂ©e Ă  un Ă©tat intĂ©rieur d’unification corps-Ăąme-esprit ainsi qu’à un alignement Ă©prouvĂ© entre cette RĂ©alitĂ© ultime ineffable, la nature et soi-mĂȘme» ( p 118-119).

° La Terre comme mÚre.

Comme expression de la sacralitĂ© du vivant, une expression prĂ©gnante dans les traditions spirituelles est la Terre MĂšre. Elle symbolise toute la nature comme mystĂšre de la fertilitĂ©. Figure universelle trĂšs ancienne, elle est portĂ©e avec force par les peuples premiers
 Chez les amĂ©rindiens, la plupart des textes n’attribuent pas une essence divine Ă  la Terre MĂšre, mais en font la messagĂšre du Grand Esprit » ( p 110-111). Cette distinction peut ĂȘtre moins patente ailleurs.  Cependant, la Terre MĂšre est cĂ©lĂ©brĂ©e aujourd’hui dans beaucoup de traditions. Elle apparaĂźt dans l’écobouddhisme contemporain. « Cette vision n’est pas absente de la tradition chrĂ©tienne. On en trouve des Ă©chos dans les textes bibliques de la Sagesse. Elle existe dans la thĂ©ologie latino-amĂ©ricaine, mais aussi chez nombre d’auteurs. Dans la mĂȘme veine, Laudato si’ parle de la Terre comme une « mĂšre, belle, qui nous accueille Ă  bras ouverts »

° La création comme don.

« Plus de la moitiĂ© de la population mondiale dĂ©signe la nature par le terme de CrĂ©ation qui englobe l’ensemble du monde créé : minĂ©ral, vĂ©gĂ©tal, animal, humain et mĂȘme angĂ©lique. C’est le cas notamment des trois grandes religions monothĂ©istes – le judaĂŻsme, le christianisme et l’islam – qui proclament la foi en un Dieu crĂ©ateur » (p 119). « La notion de Dieu crĂ©ateur et de CrĂ©ation existent Ă©galement dans d’autres traditions sous des formes diffĂ©rentes. Certains peuples premiers – les AmĂ©rindiens, par exemple, – y recourent avec la figure du Grand Esprit qui n’est autre que la source crĂ©atrice et le principe vital de tout ce qui est ». En Afrique, des peuples croient en un Dieu suprĂȘme qui a créé le monde. On peut entrevoir un Dieu crĂ©ateur dans l’hindouisme ( p 115-116).

Michel Maxime Egger recourt aux textes des religions monothéistes pour montrer en quoi elles peuvent contribuer à réenchanter notre relation avec la nature.

° « La CrĂ©ation trouve la source de son ĂȘtre et de sa vie en Dieu. On accĂšde Ă  cette source en pĂ©nĂ©trant Ă  l’intĂ©rieur de soi-mĂȘme et de la CrĂ©ation, en s’élevant Ă  un autre plan de conscience ».

° « La CrĂ©ation est un mystĂšre
 Elle n’a rien Ă  voir avec la fabrication. Elle est toujours au-delĂ  de ce que nous pouvons en dire et en saisir par nos sens et notre intelligence rationnelle ».

° « La CrĂ©ation est un don libre et gratuit : une manifestation de la bontĂ© de Dieu, de sa gĂ©nĂ©rositĂ©, de son dĂ©sir de se faire connaĂźtre et surtout de son amour qui embrasse jusqu’à chaque grain de sable. Le don, par essence, relie. Il se reçoit et se partage ».

° « La CrĂ©ation est bonne et belle. La GenĂšse clĂŽt chaque jour par ce refrain : « Dieu vit que cela Ă©tait bon »… La CrĂ©ation, dans son ensemble, toutes les espĂšces et chaque crĂ©ature en particulier ont une valeur propre et intrinsĂšque comme partie de la toile du vivant » (p 114).

La notion de création et les écologistes

« La notion de CrĂ©ation n’a pas toujours bonne presse chez les Ă©cologistes. Elle recĂšle pourtant un grand potentiel pour rĂ©enchanter notre relation Ă  la Terre
 mais Ă  trois conditions : D’abord considĂ©rer la CrĂ©ation comme un concept non doctrinaire mais comme un concept « transversal » et « nomade ». « qui invente et dĂ©couvre la rĂ©alitĂ© au lieu de vouloir maitriser et subordonner ». Ensuite Ă©viter le dualisme qui peut naĂźtre quand on accentue la transcendance de Dieu (incréé) au dĂ©triment de son immanence dans la nature (créée). Enfin s’affranchir de certaines thĂ©ologies closes et statiques » (p 116).

 

Une vertu écologique : la gratitude

« Face Ă  la Terre, comme organisme vivant, comme mĂšre et comme don, la plus grande vertu Ă©cospirituelle est la gratitude ». L’auteur cite de nombreuses recommandations allant dans ce sens en provenance de toutes les traditions de sagesse.

« Rendre grĂące, c’est dire merci pour tout ce qui nous est offert Ă  chaque instant, sans quoi nous ne vivrions pas, mais dont nous n’avons pas toujours conscience
 C’est accueillir avec joie la nature et tout ce qui l’habite comme un prĂ©sent gratuit et sacré  ». L’auteur cite Joanna Macy dans le « Travail qui relie ». « Il est capital de nous « enraciner » dans la gratitude ou, mieux encore, de la laisser s’enraciner en nous. Cette disposition intĂ©rieure nous aide Ă  devenir plus rĂ©ceptif Ă  ce qui est dĂ©jĂ  lĂ  et « à devenir encore plus Ă©merveillĂ©s de nous sentir vivant dans ce monde admirable plein de vie »  Antidote au consumĂ©risme, la gratitude accroit la satisfaction pour ce que nous avons par rapport Ă  l’insatisfaction pour tout ce qui nous manquerait  ». L’auteur Ă©voque l’approche spirituelle. « BĂ©nir c’est relier notre ĂȘtre et ce qui nous est offert Ă  l’Être qui en est la source, qui s’offre lui-mĂȘme Ă  travers ce qu’il nous offre » (p 119).

 

Trouver Dieu dans la nature

Évoquer la sacralitĂ© de la nature suscite souvent des crispations dans les Églises qui voient poindre le retour d’un culte de la nature (paganisme) contre lequel le christianisme a luttĂ© pendant des siĂšcles. Les choses sont toutefois en voie de changer. En tĂ©moigne l’encyclique Laudato si’(7) invitant Ă  accorder une attention spĂ©ciale aux communautĂ©s aborigĂšnes et Ă  leurs traditions culturelles qui nous rappellent que la Terre est un espace sacré » (p 120).

Michel Maxime Egger nous invite ici Ă  participer Ă  une approche thĂ©ologique, celle du panenthĂ©isme. « Ce dernier permet d’aller au-delĂ  de deux pĂŽles entre lesquels la question Ă©cologique est souvent enfermĂ©e : le matĂ©rialisme et le panthĂ©isme ». « Comme son Ă©tymologie l’indique, le panenthĂ©isme est la doctrine du « Tout en Dieu et Dieu en nous ». Il existe sous diffĂ©rentes formes dans plusieurs traditions philosophiques et mystiques ainsi que dans la science contemporaine, en particulier dans certains courants de la mĂ©canique quantique. Dans le monde chrĂ©tien, il est au cƓur de la thĂ©ologie orthodoxe, mais aussi prĂ©sent chez des auteurs comme Teilhard de Chardin (5), Thomas Berry, Matthew Fox, JĂŒrgen Moltmann (6), et Leonardo Boff » (p 121). C’est une voie grande ouverte. « Tout est en Dieu, mais tout n’est pas Dieu. Dieu est immanent dans sa transcendance et transcendant dans son immanence. Le panenthĂ©isme permet donc de dĂ©passer le dualisme entre Dieu, l’ĂȘtre humain et la nature. Il redonne Ă  la nature une dimension sacrĂ©e. D’une maniĂšre non pas absolue – par essence – mais « relative », du fait de sa relation au divin. Le panenthĂ©isme unit le divin et la nature sans les confondre
 Dans sa version faible, la nature est le miroir du divin
 Les humains, les animaux, les oiseaux, les arbres, les fleurs sont des manifestations de Dieu, des signes de son amour, de sa sagesse et de sa bontĂ©. Dans sa version forte, la nature n’est pas que la manifestation du divin, mais le lieu de sa prĂ©sence. « En toute crĂ©ature habite un Esprit vivifiant qui nous appelle Ă  une relation avec lui », Ă©crit le pape François » ( p 121-122).

Michel Maxime Egger nous présente ici « trois modalités de panenthéisme fort qui résonnent à travers différentes traditions religieuses : les empreintes du divin, les énergies divines et les esprits invisibles ».

 

Empreintes du divin

« Le premier mode de prĂ©sence de Dieu dans la nature est l’empreinte divine que chaque ĂȘtre – humain et autre qu’humain – porte dans son ĂȘtre profond. Cette empreinte est comme son ADN spirituel
 Dans la tradition chrĂ©tienne, cette conception a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e en particulier par le thĂ©ologien byzantin  Maxime le confesseur (VIIe siĂšcle). Selon la Nouveau Testament, le Logos ou Verbe divin est le « Principe » en qui, par qui et pour qui tout existe et toutes choses ont Ă©tĂ© créées. Il a implantĂ© dans chaque ĂȘtre créé un logos, une « parole », une « idĂ©e – volonté » qui exprime son dessein envers elle. Chaque crĂ©ature porte ainsi en elle comme une information divine ». « C’est un ensemble de potentialitĂ©s Ă  rĂ©aliser en synergie avec la grĂące de l’Esprit » (p 122-123). Michel Maxime Egger Ă©voque la vision du Christ cosmique. « L’écospiritualitĂ© invite Ă  retrouver la dimension cosmique du Christ, qui – Ă  quelques expressions prĂšs comme François d’Assise – a eu tendance Ă  s’effacer en Occident Ă  partir du VIe siĂšcle au profit de la dimension humaine. PrĂ©sente dans le christianisme primitif, cette vision est promue aujourd’hui par des figures comme Leonardo Boff et Matthew Fox. L’un de ses prĂ©curseurs est Pierre Teilhard de Chardin
 « (p 123). L’auteur mentionne « des analogies de cette thĂ©ologie des logoi (pluriel de logos) dans d’autres traditions religieuses », ainsi dans le taoĂŻsme et dans le bouddhisme.

 

Énergies divines

« Un deuxiĂšme mode de la prĂ©sence de Dieu dans la nature se communique Ă  travers ses Ă©nergies qui rayonnent sur toute la Terre
 Elles pĂ©nĂštrent l’univers comme l’eau une Ă©ponge et font de chaque rĂ©alitĂ© naturelle un sacrement de la prĂ©sence de Dieu ». L’auteur nous renvoie ici Ă  la tradition orthodoxe. « GrĂ©goire Palamas, un thĂ©ologien byzantin, Ă  partir de la transfiguration du Mont Thabor, voit dans la crĂ©ation un « buisson ardent des Ă©nergies de Dieu ». Ces Ă©nergies sont ce par quoi Dieu se manifeste  ». L’auteur cite Ă©galement Hildegarde de Bingen (7), une mystique occidentale du XIIe siĂšcle. « Ces Ă©nergies sont la puissance crĂ©atrice et le souffle de feu par lesquels Dieu a créé le monde et continue d’y agir ici et maintenant » (p 124-125). On trouve des analogies des Ă©nergies divines dans d’autres traditions mystiques comme dans la kabbale juive ou dans l’hindouisme.

 

Esprits invisibles

Dans certaines cultures, « le divin se manifeste Ă  travers les esprits qui peuplent le monde invisible d’en bas (proches de la terre, des mondes animal et vĂ©gĂ©tal) et d’en haut (le ciel) en interaction constante dans le grand cercle de la vie ». « Ces entitĂ©s spirituelles sont au cƓur des religions animistes et chamaniques ». « Ces puissances spirituelles sont associĂ©es Ă  des ĂȘtres humains
, des animaux, des arbres, des plantes, mais aussi des lieux et des phĂ©nomĂšnes naturels. Elles les habitent et les animent. Chaque entitĂ© de la nature a ainsi sa vibration propre, sa raison d’ĂȘtre et une intĂ©rioritĂ© qui lui donne une dimension sacrĂ©e
 Souvent, ces esprits multiples Ă©manent d’une puissance supĂ©rieure Ă  l’origine de toutes choses, qui reprĂ©sente le principe d’unitĂ© du cosmos dont elle est le gardien suprĂȘme : un ĂȘtre Ă©ternel, Ă  la fois transcendant et immanent, que l’on peut invoquer, qui entend les humains et leur rĂ©pond » (p 127). L’auteur envisage Ă©galement la chamanisme, « une maniĂšre de vivre en harmonie avec tous les ĂȘtres vivants qui nous entourent, sa spĂ©cificitĂ© Ă©tant que cette visĂ©e se rĂ©alise Ă  travers la cohabitation avec les esprits » (p 128).

 

Vertu écologique : le respect

« La Terre est notre maison commune (Laudato si’) (8) ». Cette affirmation implique le respect. « Être un hĂŽte digne, c’est respecter le lieu qui nous accueille ». « Cette exigence de respect est d’autant plus grande que la Terre a une Ăąme, qu’elle n’est pas seulement la demeure de l’ĂȘtre humain, mais aussi celle de l’Esprit. C’est pourquoi le pape François parle de respect sacrĂ© et que le chef indien, Elan noir affirme que chaque pas sur la Terre-MĂšre devrait « ĂȘtre comme une priĂšre ». L’auteur Ă©voque le respect de la nature comme « étant au cƓur des traditions religieuses ». (p 130)

 

Un lieu de débats

Michel Maxime Egger prend en compte et mentionne ici des visions de la nature qui sont l’objet de critiques (p 131-132) et  invitent donc au dĂ©bat : ambiguĂŻtĂ© de la figure de la mĂšre projetĂ©e sur la Terre, anthropomorphisme, culte romantique de la nature, absolutisation de celle-ci au dĂ©triment de l’ĂȘtre humain, retour Ă  la pensĂ©e magique
 le risque de formes explicites ou larvĂ©es de divinisation de la nature
 une conception « idĂ©aliste » ou « passĂ©iste » de la nature
 A la fin de ce tour d’horizon, c’est en pleine conscience que nous pouvons rĂ©enchanter notre regard sur la nature.

La prise Ă©cologique requiert et entraine un nouveau regard sur la nature. Michel Maxime Egger aborde cette question sous l’angle du rĂ©enchantement. Son approche est globale et particuliĂšrement bien informĂ©e. On imagine la richesse de la pensĂ©e de Michel Maxime Egger quand on pense que ce livre vient Ă  la suite de prĂ©cĂ©dents tout aussi denses et que nous n’en avons prĂ©sentĂ© ici qu’un seul chapitre. RĂ©enchanter notre regard Ă  la nature : un Ă©merveillement constant, l’avĂšnement d’une autre dimension


J H

  1. Ecospiritualité. Une nouvelle approche spirituelle : https://vivreetesperer.com/ecospiritualite/
  2. L’espĂ©rance en mouvement : https://vivreetesperer.com/lesperance-en-mouvement/
  3. Un chemin spirituel vers un nouveau monde : https://vivreetesperer.com/un-chemin-spirituel-vers-un-nouveau-monde/
  4. Michel Maxime Egger. Réenchanter notre relation au vivant. Ecopsychologie et écospiritualité. Jouvence, 2022
  5. Un horizon pour l’humanitĂ©. la NoosphĂšre : https://vivreetesperer.com/un-horizon-pour-lhumanite-la-noosphere/
  6. Dieu dans la création :https://lire-moltmann.com/dieu-dans-la-creation/
  7. Hildegarde de Bingen. L’homme, la nature et Dieu : https://vivreetesperer.com/lhomme-la-nature-et-dieu/
  8. Laudato si’. Convergences Ă©cologiques : Jean Bastaire, JĂŒrgen Moltmann, pape François, Edgar Morin : https://vivreetesperer.com/convergences-ecologiques-jean-bastaire-jurgen-moltmann-pape-francois-et-edgar-morin/

Au réveil, prendre vie

Lorsque la vie est difficile et la santĂ© menacĂ©e, il n’est pas toujours facile de se rĂ©veiller et de commencer la journĂ©e. Dans son livre: « Sa PrĂ©sence dans ma vie » (1), Odile nous fait part de son expĂ©rience quotidienne. Ici, au rĂ©veil, prendre vie dans la participation au Vivant, Ă  la PrĂ©sence divine


« Ce matin au réveil, fatigue immense.
Il me faut faire un trop grand effort pour rassembler mes forces. Je n’en ai pas envie. Me laisser dormir encore un peu.

L’expĂ©rience m’a montrĂ© que cette sensation provenait non pas d’une surcharge extĂ©rieure de trop d’activitĂ©, mais bien plus d’une mauvaise orientation de l’énergie. Alors, peu Ă  peu, je me suis mise Ă  respirer progressivement de plus en plus profondĂ©ment, calmement, accueillant une sensation de dĂ©tente.

La pensée me vient que cet air que je respire est porteur de vie, énergie. Dieu créateur y est présent, car cet air existe animé par Lui. Jésus a dit : Je suis la Vie. Il est tout en tous.
Alors, comme pour la priĂšre du PĂšlerin russe, Ă  chaque longue respiration, je dis JĂ©sus en pensant que je reçois sa Vie, sa puissance de Vie reliĂ©e au PĂšre. Je bloque ma respiration et compte 1.2.3.4 en rĂ©alisant que sa vie imprĂšgne mon ĂȘtre tout entier : mon ĂȘtre physique (l’air dans les poumons. L’oxygĂšne dans le sang circule dans les cellules) ; mon ĂȘtre psychique, Ă©motionnel (sensation de calme, contentement) ; mon ĂȘtre intellectuel (une certaine comprĂ©hension que je m’approprie) ; mon ĂȘtre spirituel (reconnaissance pour cette paix intĂ©rieure, une certaine joie de vivre).

L’énergie revenant peu Ă  peu, tangible, la pensĂ©e me vient que je peux reprendre ma vie en main, faire des projets pour la journĂ©e. Et je rĂ©alise que ces deux derniers jours, je flottais, ne sachant mĂȘme plus quel jour de la semaine je vivais : vendredi, samedi. .. Heureusement que mon mari me demande pour organiser sa journĂ©e quel Ă©tait mon programme . Cela m’a permis d’avoir des repĂšres durant cette pĂ©riode de temps. DrĂŽle de sensation dĂ©sagrĂ©able que celle de ne pas pouvoir saisir le temps. Hors du temps, je me sentais hors de la rĂ©alitĂ© tout en m’activant. Cela provoquait une sorte de dĂ©prime avec une perte d’énergie.

Ce matin, en faisant cet exercice, je rĂ©cupĂšre la notion de temps, l’énergie, la volontĂ© de reprendre ma journĂ©e en main . Je regarde le ciel Ă  travers la fenĂȘtre ouverte, rideau que je ne tire pas le soir, car j’aime me rĂ©veiller avec le jour. Ce regard vers le ciel fait de mon Ă©nergie qui circule en cercle fermĂ© en moi, une ouverture, une spirale vers le cosmos. Je me sens Ă  ma juste place en moi, et moi dans l’univers imprĂ©gnĂ© du CrĂ©ateur.

Je te loue, je t’adore, o Eternel
Toi qui me donne Vie en toi.
Merveille, magnificence, joie de vivre.
« Tout en moi bĂ©nit l’Eternel », maĂźtre du temps et de l’espace
« N’oublie aucun de ses bienfaits », aucun, c’est beaucoup dire, en tout cas, reçois ma reconnaissance.
« C’est toi qui pardonne toutes mes fautes ». Tu as remis en place ce qui Ă©tait faussĂ© en moi. Merci !
« C’est toi qui guĂ©rit toutes mes maladies ».
C’est la consĂ©quence de la remise en place selon les lois de vie. (Psaume 103) ».

Odile Hassenforder
02.07.2006
Extrait d’écrits personnels

Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. ( p 155)

(1)         Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel . Empreinte Temps présent, 2011. Sur ce site : https://vivreetesperer.com/?p=2345

(2)         De nombreux Ă©crits d’Odile Hassenforder sont publiĂ©s sur ce blog, ainsi, parmi les plus rĂ©cents : « la joie jusque dans l’épreuve » : https://vivreetesperer.com/?p=2662  « Ce matin » : https://vivreetesperer.com/?p=2612   « La priĂšre » : https://vivreetesperer.com/?p=2612  « Mon regard en Dieu » : https://vivreetesperer.com/?p=2125   « Ressembler Ă  JĂ©sus ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2060   « Une vie qui a du sens » : https://vivreetesperer.com/?p=2028   




 

 

 

 

 

 

 

 

Au réveil, prendre vie

 

indexLorsque la vie est difficile et la santĂ© menacĂ©e, il n’est pas toujours facile de se rĂ©veiller et de commencer la journĂ©e.

Dans son livre : « Sa prĂ©sence dans ma vie » (1), Odile nous fait part de son expĂ©rience quotidienne. Ici, au rĂ©veil, prendre vie dans la participation au Vivant, Ă  la PrĂ©sence divine


« Ce matin au réveil, fatigue immense.

Il me faut faire un trop grand effort pour rassembler mes forces. Je n’en ai pas envie. Me laisser dormir encore un peu.

L’expĂ©rience m’a montrĂ© que cette sensation provenait non pas d’une surcharge extĂ©rieure de trop d’activitĂ©, mais bien plus d’une mauvaise orientation de l’énergie. Alors, peu Ă  peu, je me suis mise Ă  respirer progressivement de plus en plus profondĂ©ment, calmement, accueillant une sensation de dĂ©tente.

La pensée me vient que cet air que je respire est porteur de vie, énergie. Dieu créateur y est présent, car cet air existe animé par Lui. Jésus a dit : Je suis la Vie. Il est tout en tous.

Alors, comme pour la priĂšre du PĂšlerin russe, Ă  chaque longue respiration, je dis JĂ©sus en pensant que je reçois sa Vie, sa puissance de Vie reliĂ©e au PĂšre. Je bloque ma respiration et compte 1.2.3.4 en rĂ©alisant que sa vie imprĂšgne mon ĂȘtre tout entier : mon ĂȘtre physique (l’air dans les poumons. L’oxygĂšne dans le sang circule dans les cellules) ; mon ĂȘtre psychique, Ă©motionnel (sensation de calme, contentement) ; mon ĂȘtre intellectuel (une certaine comprĂ©hension que je m’approprie) ; mon ĂȘtre spirituel (reconnaissance pour cette paix intĂ©rieure, une certaine joie de vivre).

L’énergie revenant peu Ă  peu, tangible, la pensĂ©e me vient que je peux reprendre ma vie en main, faire des projets pour la journĂ©e. Et je rĂ©alise que ces deux derniers jours, je flottais, ne sachant mĂȘme plus quel jour de la semaine je vivais : vendredi, samedi. .. Heureusement que mon mari me demande pour organiser sa journĂ©e quel Ă©tait mon programme . Cela m’a permis d’avoir des repĂšres durant cette pĂ©riode de temps. DrĂŽle de sensation dĂ©sagrĂ©able que celle de ne pas pouvoir saisir le temps. Hors du temps, je me sentais hors de la rĂ©alitĂ© tout en m’activant. Cela provoquait une sorte de dĂ©prime avec une perte d’énergie.

Ce matin, en faisant cet exercice, je rĂ©cupĂšre la notion de temps, l’énergie, la volontĂ© de reprendre ma journĂ©e en main . Je regarde le ciel Ă  travers la fenĂȘtre ouverte, rideau que je ne tire pas le soir, car j’aime me rĂ©veiller avec le jour. Ce regard vers le ciel fait de mon Ă©nergie qui circule en cercle fermĂ© en moi, une ouverture, une spirale vers le cosmos. Je me sens Ă  ma juste place  en moi, et moi dans l’univers imprĂ©gnĂ© du CrĂ©ateur.

Je te loue, je t’adore, o Eternel

Toi qui me donne Vie en toi.

Merveille, magnificence, joie de vivre.

« Tout en moi bĂ©nit l’Eternel », maĂźtre du temps et de l’espace

« N’oublie aucun de ses bienfaits », aucun, c’est beaucoup dire, en tout cas, reçois ma reconnaissance.

« C’est toi qui pardonne toutes mes fautes ». Tu as remis en place ce qui Ă©tait faussĂ© en moi. Merci !

« C’est toi qui guĂ©rit toutes mes maladies ».

C’est la consĂ©quence de la remise en place selon les lois de vie. (Psaume 103) ».

 

Odile Hassenforder

02.07.2006

Extrait d’écrits personnels

 

Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. ( p 155)

 

(1)            Odile Hassenforder. Sa présence dans ma vie. Parcours spirituel . Empreinte Temps présent, 2011. Sur ce site : https://vivreetesperer.com/?p=2345

(2)            De nombreux Ă©crits d’Odile Hassenforder sont publiĂ©s sur ce blog, ainsi, parmi les plus rĂ©cents : « la joie jusque dans l’épreuve » : https://vivreetesperer.com/?p=2662  « Ce matin » : https://vivreetesperer.com/?p=2612   « La priĂšre » : https://vivreetesperer.com/?p=2612  « Mon regard en Dieu » : https://vivreetesperer.com/?p=2125   « Ressembler Ă  JĂ©sus ? » : https://vivreetesperer.com/?p=2060   « Une vie qui a du sens » : https://vivreetesperer.com/?p=2028   




 

L’Ɠuvre de l’Esprit – Un universalisme rĂ©volutionnaire

https://www.fuller.edu/wp-content/uploads/2018/01/Prof_AmosYong.jpgDans ce monde en voie de globalisation, en voie d’unification, il y a de violentes rĂ©sistances, de violentes oppositions, de violents conflits. En fait, les forces techniques et Ă©conomiques qui sont Ă  l’Ɠuvre sont, Ă  elles seules, incapables d’engendrer une unitĂ©. L’unitĂ© ne peut rĂ©sulter d’une violence impĂ©riale ou de la pression des intĂ©rĂȘts. On pourrait penser qu’elle requiert une harmonisation spirituelle. Et c’est ainsi qu’on peut considĂ©rer l’exemple des premiĂšres communautĂ©s chrĂ©tiennes apparues au premier siĂšcle oĂč nous pouvons entrevoir l’émergence d’un universalisme rĂ©volutionnaire (1). Le Saint Esprit y est puissance de rĂ©conciliation et d’unification.

C’est le mouvement que dĂ©crit Amos Yong (2) dans une sĂ©quence sur le Saint Esprit rĂ©alisĂ©e par Richard Rohr sur le site du Center for action and contemplation. ThĂ©ologien pentecĂŽtiste amĂ©ricain, d’origine malaisienne, Amos Yong est l’auteur d’une Ɠuvre originale et abondante qui se dĂ©cline dans de nombreux livres (3). Amos Yong propose ainsi une thĂ©ologie pionniĂšre oĂč les ressources du pentecĂŽtisme s’inscrivent dans une pensĂ©e chrĂ©tienne ouverte Ă  une dimension ƓcumĂ©nique et interreligieuse, comme Ă  la culture d’aujourd’hui, notamment scientifique. Amos Yong est professeur Ă  la Faculté  ÉvangĂ©lique californienne Fuller oĂč il dirige l’École des Ă©tudes interculturelles, un centre de recherche missiologique. Son Ɠuvre mĂ©rite d’ĂȘtre mieux connue au delĂ  de l’univers anglophone.

La dynamique de la PentecĂŽte

« La vie palestinienne du premier siĂšcle, de beaucoup de maniĂšres, semblable Ă  notre village global d’aujourd’hui, Ă©tait marquĂ©e par des suspicions vis Ă  vis de ceux qui parlaient d’autres langues oĂč qui incarnaient d’étranges genres de vie. Ce fut l’Ɠuvre de l’Esprit de rassembler ceux qui Ă©taient Ă©trangers les uns aux autres et de rĂ©concilier ceux qui auraient pu autrement demeurer Ă  l’écart de ceux qui leur Ă©taient dissemblables ».

La PentecĂŽte ouvre un horizon nouveau. « Elle inaugure un IsraĂ«l restaurĂ© et le royaume de Dieu en Ă©tablissant de nouvelles structures et de nouvelles relations sociales. A noter que le don de l’Esprit n’est pas rĂ©servĂ© aux 120 hommes et femmes qui sont rassemblĂ©s dans la chambre haute (Actes 1. 14-15) : Les langues de feu qui se sont divisĂ©es, se sont posĂ©es sur chacun et ont permis Ă  chacun, soit de parler, soit d’entendre dans des langues Ă©trangĂšres (Actes 2.3-4).

Pour expliquer ce phénomÚne, Pierre cite le prophÚte Joël :

« Vos fils et vos filles prophétiseront
Vos jeunes hommes auront des visions
Vos anciens auront des songes
Et sur mes esclaves, hommes et femmes
Je déverserais mon Esprit
En ces jours, ils prophétiseront »  (Actes 2. 17-18)

 

Un changement de société

Amos Yong Ă©largit la rĂ©ception habituelle. « Les dons de l’Esprit ne sont pas destinĂ©s seulement aux individus.  Ils ont des effets sociaux en mettant en cause les pouvoirs en place, « the powers that be ».

Pierre comprenait bien que, tandis que l’ancienne Ăšre juive avait un caractĂšre patriarcal, la restauration d’IsraĂ«l manifesterait l’égalitĂ© de l’homme et de la femme.  Les deux prophĂ©tiseraient dans la puissance de l’Esprit. Tandis que l’ancienne alliance manifestait la direction des anciens, le royaume restaurĂ© impliquera la responsabilisation (empowerment) d’hommes et de femmes de tous les Ăąges.  En tout ceci, l’Ɠuvre de l’Esprit Ă©tait annoncĂ©e en des langues Ă©tranges, et pas dans les langues conventionnelles du statu quo.

En effet, la restauration du royaume de Dieu par la puissance de l’Esprit renversait effectivement le statut quo. Comme il avait Ă©tĂ© prĂ©dit Ă  Marie et Zacharie, ceux qui Ă©taient au bas de l’échelle sociale, les femmes, les jeunes et les esclaves, Ă©taient les rĂ©cepteurs de l’Esprit et les vĂ©hicules d’un revĂȘtement de puissance (empowerment) de l’Esprit (Luc 1.46-55, 1.67-79). Les gens, autrefois divisĂ©s par la langue, l’ethnie, la culture, la nationalitĂ©, le genre et la classe seraient rĂ©conciliĂ©s par cette nouvelle version du royaume.

Potentiellement, « toute chair » serait incluse .

Une interpellation

Dans cette vision inspirante, Amos Yong interpelle.

Est-ce que ces caractĂ©ristiques continuent Ă  marquer l’église comme une fraternitĂ© inspirĂ©e par l’Esprit ? Est-ce que l’église parle encore les langues de l’Esprit ? Ou bien restons-nous prisonniers d’une division portĂ©e par les langages, les structures et les conventions des empires de ce monde ? (4). Notre priĂšre  devrait ĂȘtre : « Viens Saint Esprit » de telle maniĂšre Ă  ce que la proclamation de l’épanchement de l’Esprit sur toute chair puisse vraiment encore trouver son accomplissement Ă  notre Ă©poque.

Amos Yong

Rapporté en français par J H

  1. « Paul : Sa vie et son oeuvre selon NT Wright » : https://vivreetesperer.com/paul-sa-vie-et-son-oeuvre-selon-nt-wright/
  2. A reconciling power : https://cac.org/daily-meditations/a-reconciling-power-2022-06-09/
  3. Amos Yong . Fuller Seminary : https://www.fuller.edu/faculty/amos-yong/
  4. L’Esprit Saint Ă  l’Ɠuvre dans les sociĂ©tĂ©s et pas seulement Ă  l’échelle individuelle : « Pour une vision holistique de l’Esprit. Avec JĂŒrgen Moltmann et Kisteen Kim » : https://vivreetesperer.com/pour-une-vision-holistique-de-lesprit/

 

 

 

L’angoisse de la mort, la croix et la victoire de la Vie

L’angoisse de la mort, la croix et la victoire de la Vie

Selon Ilia Delio

La rĂ©flexion sur la vie et la mort est au cƓur de notre existence. Dans notre sociĂ©tĂ©, elle est ravivĂ©e au temps de PĂąques. Dans un contexte chrĂ©tien, la rĂ©surrection de JĂ©sus est proclamĂ©e, mais, dans certains milieux, des doctrines et des rites accordent beaucoup d’importance Ă  l’empreinte de la mort. Cependant, c’est bien sur la victoire de la Vie que repose notre espĂ©rance. Dans son site : « Center for Christogenesis », Ilia Delio aborde cette question existentielle dans un essai intitulé : « Death anxiety and the cross » (1) (l’angoisse de la mort et la croix). Ilia Delio est une sƓur franciscaine amĂ©ricaine, Ă  la fois neuroscientifique et thĂ©ologienne (2). InspirĂ©e par la pensĂ©e de Teilhard de Chardin, en phase avec une culture Ă©mergente, elle exprime ici une dynamique spirituelle.

Angoisse de la mort

Selon Ilia Delio, l’angoisse de mort est propre à l’homme.

« La nature vit dans la radicalitĂ© de l’amour en Ă©tant simplement elle-mĂȘme. Les arbres et les fleurs, le poisson et la volaille, et toutes les crĂ©atures vivantes de la terre existent dans leur unique statut de crĂ©ature ». « Un arbre ne fait rien de plus que d’ĂȘtre un arbre, mais en Ă©tant un arbre, il rend gloire Ă  Dieu », Ă©crit Thomas Merton. La nature ne souffre pas d’angoisse de mort ou de peur de la mort comme les humains en souffrent. PlutĂŽt, toute la nature cĂšde Ă  la mort dans un flux de vie. La vie jaillit Ă  travers les restes carbonisĂ©s des arbres morts et dans les cendres de violentes explosions volcaniques. La vie trouve un chemin en poussant Ă  nouveau miraculeusement, en Ă©mergeant triomphalement dans une vie nouvelle. Le dernier mot de la vie est la Vie elle-mĂȘme – et c’est Dieu ».

Au contraire, l’angoisse de mort affecte l’humanitĂ©.

L’homme est confrontĂ© Ă  la peur de la mort. « La violence dĂ©libĂ©rĂ©e de la nature commence avec l’évolution humaine et la montĂ©e d’une conscience auto-rĂ©flexive. Et ce que nous savons, c’est que nous mourrons ». On trouve des traces de cette conscience jusque dans l’art prĂ©historique puisque, entre autres, on trouve des symboles de mort dans la grotte de Lascaux. La mort est prĂ©sente dans l’histoire d’Adam et Eve dans le livre de la GenĂšse. « L’angoisse de mort est un Ă©tat psychologique qui a tourmentĂ© les humains Ă  travers les siĂšcles ».

« Aujourd’hui, le monde moderne est tombĂ© dans une nouvelle angoisse de mort Ă  la pensĂ©e de la guerre nuclĂ©aire et de l’extinction de masse. Notre vie peut disparaitre en un instant. La pensĂ©e d’ĂȘtre personnellement effacĂ© de l’univers par la mort a poussĂ© la personne moderne Ă  faire tout ce qui Ă©tait en son pouvoir pour prĂ©server son empreinte cosmique, depuis des actions hĂ©roĂŻques de dĂ©vouement Ă  l’accumulation de richesses pour bĂątir des monuments, Nous dĂ©sirons qu’on se rappelle de nous pour quelque chose de petit ou grand ».

 

Angoisse de mort et pensée religieuse. Péché originel et expiation

Ilia Delio se demande si l’angoisse de mort ne s’est pas incarnĂ©e dans une pensĂ©e religieuse mortifĂšre. « Je me demande si l’angoisse de mort ne se tient pas derriĂšre la construction de la doctrine du pĂ©chĂ© originel
 Car il y a un Ă©cart logique entre le Nouveau Testament et la formulation tardive de la doctrine chrĂ©tienne. Le thĂ©ologien Paul Tillich faisait remarquer que la doctrine du XIe siĂšcle de Saint Anselme, connue comme la ‘thĂ©orie de la satisfaction’ (dĂ©finition : ‘Christ ayant souffert en tant que substitut de l’humanitĂ©, satisfaisant par son infini mĂ©rite, les exigences requises par l’honneur de Dieu’) retenait l’attention parce qu’elle apaisait le fardeau de la culpabilité  D’autres thĂ©ories de l’expiation, incluant la substitution pĂ©nale ont Ă©galement Ă©tĂ© proposĂ©es pendant des siĂšcles pour apaiser le fardeau de la culpabilitĂ© dans une humanitĂ© difforme qui craint le jugement final et la punition Ă©ternelle ».

Ilia Delio montre combien cette doctrine est contraire au message de JĂ©sus. « La doctrine de l’expiation et les thĂ©ories ultĂ©rieures de la substitution pĂ©nale sont des dĂ©veloppements plutĂŽt tardifs dans le christianisme. En d’autres mots, elles ne sont pas immĂ©diatement associĂ©es Ă  JĂ©sus de Nazareth. Dans les quelques premiers siĂšcles de l’Église, l’accent a Ă©tĂ© mis sur la RĂ©surrection et la vie nouvelle en Dieu plutĂŽt qu’une ‘satisfaction’ due au pĂ©ché ». Ilia Delio explique comment la thĂ©orie de l’expiation a Ă©mergĂ© aprĂšs Augustin. « Comme Dieu s’éloignait de la puissance de la vie, vivante en JĂ©sus-Christ, pour aller vers un Être parfait, immuable, intĂ©rieur, essentiel, de mĂȘme ainsi, le pĂ©chĂ© originel formulĂ© par Augustin, a commencĂ© Ă  forger une humanitĂ© dĂ©chue (3). L’omnipotence divine et la dĂ©pravation humaine devint corrĂ©lĂ©e. Le christianisme a Ă©tĂ© construit sur l’angoisse de mort et la menace existentielle du nĂ©ant de telle façon que nous n’avons jamais pu parvenir Ă  boire Ă  la source de la vie ressuscitĂ©e, la vie spontanĂ©e, fĂ©conde de l’Esprit qui est crĂ©ativement nouvelle, porteuse d’espĂ©rance et orientĂ©e vers le futur ».

 

En Jésus, la conscience divine

« Depuis le dĂ©but de sa vie, il y a eu quelque chose de diffĂ©rent en JĂ©sus. ElevĂ© dans une famille juive et fidĂšle aux rituels et aux fĂȘtes juives, JĂ©sus a fait l’expĂ©rience du Dieu d’Abraham et de MoĂŻse au cƓur de sa propre vie. L’Esprit du Seigneur Ă©tait sur lui de telle façon qu’il ressentait l’expĂ©rience de Dieu en lui. Il Ă©tait un homme simple et probablement sans instruction, et il a travaillĂ© comme charpentier jusqu’à il se soit senti poussĂ© Ă  parler au nom du royaume de Dieu, comme si quelque chose de nouveau faisait irruption Ă  travers lui – ce que Larry Hurtado et d’autres ont appelĂ© une mutation de conscience (4). La puissance de Dieu s’enflamma en lui, et de cette puissance, un nouveau genre de personne, une personne divine (Godly-person) Ă©mergea. La puissance de Dieu brĂ»lait en lui, et de cette puissance, un nouveau genre de personne, une personne divine (Godly-person), a Ă©mergĂ©. JĂ©sus a changĂ© les frontiĂšres humaines, se montrant ĂȘtre humain et divin Ă  la fois. La puissance du Dieu d’Abraham s’exprimait maintenant dans une personne humaine.

L’ ‘incarnation’ Ă©tait si contraire au sens commun qu’elle a dĂ©stabilisĂ© des catĂ©gories chosifiĂ©es. Se montrant dĂ©libĂ©rĂ©ment comme un humain avec une conscience divine, JĂ©sus a rĂ©vĂ©lĂ© l’arbitraire et le caractĂšre construit de ce que d’autres considĂ©raient ĂȘtre la norme. Sa vie et son ministĂšre ont dĂ©stabilisĂ© des valeurs Ă©tablies. La prĂ©sence de Dieu ressentie profondĂ©ment en lui, a poussĂ© JĂ©sus au-delĂ  de la norme. Il devint un perturbateur, un dĂ©rangeur, celui qui choquait les autres en ne rĂ©pondant pas Ă  leurs attentes. ‘N’est-ce pas le fils du charpentier ?’ demandaient-ils ». Ilia Delio nous montre JĂ©sus brouillant les frontiĂšres et les habitudes de pensĂ©e. « JĂ©sus Ă©tait incontrĂŽlable parce qu’il Ă©tait complĂ©tement libre. Il y avait en lui une puissance Ă  l’Ɠuvre, non pas une puissance de domination, mais une puissance d’amour, de pardon, de compassion, un pur dĂ©sir de relever les dĂ©chus, d’aider les blessĂ©s et de soigner les malades. JĂ©sus se sentait concernĂ© par la personne humaine et par son inclusion dans la communautĂ©. Il a dĂ©placĂ© la focalisation sur le Dieu d’en haut Ă  celle sur le Dieu de l’intĂ©rieur
 Il a vĂ©cu de l’énergie spontanĂ©e de l’amour qui vous propulse vers une relation crĂ©ative ».

« JĂ©sus est un formidable modĂšle quant Ă  la maniĂšre d’ĂȘtre une personne humaine ouverte Ă  et en relation avec la puissance de la vie elle-mĂȘme, la puissance de Dieu. JĂ©sus est Dieu vivant et aimant dans la chair. Nous ne pouvons pas nous dĂ©tourner du fait que Dieu est le nom de la Vie elle-mĂȘme, non un Être, mais le dynamisme d’un Être vivant, relationnel, actif, orientĂ© vers davantage de vie. Prier Dieu, ce n’est pas simplement rĂ©aliser un acte d’adoration, mais plutĂŽt prier est ĂȘtre conscient de la vitalitĂ© de Dieu en nous et autour de nous. Adorer requiert une vitalitĂ© nouvelle en cĂ©lĂ©bration et en communautĂ©, anticipant un nouveau futur ensemble et cĂ©lĂ©brant la vie nouvelle Ă©mergeant parmi nous ».

 

La croix et une vie invincible

« Il est important de porter attention aux derniers jours de la vie de JĂ©sus telle qu’elle est racontĂ©e dans les Évangiles. Un homme innocent, trahi, humiliĂ©, injustement accusĂ© de subversion politique, et puis jetĂ© dans une foule en colĂšre qui demande sa mort en Ă©change de la libĂ©ration d’un criminel. ‘Il a Ă©tĂ© conduit comme un agneau Ă  l’abattage’ acceptant le destin de la mort sans rĂ©sistance. Quel genre de personne accepterait volontairement la mort Ă  un Ăąge jeune Ă  moins qu’il ne soit conduit par une croyance ou un engagement plus fort que la mort ? » 

Ilia Delio apporte Ă  cette occasion sa rĂ©flexion sur la mort : « La mort de JĂ©sus Ă©tait dĂ©jĂ  inscrite le jour oĂč il est nĂ©. De la mĂȘme façon que notre mort est dĂ©jĂ  une donnĂ©e quand nous ouvrons nos yeux dans l’univers. Nous vivons dans la perspective de mourir, parce que la mort est la forme finale de notre personnalitĂ©, l’empreinte que nous laissons dans le cosmos pour toute l’éternitĂ©. La mort n’est pas la fin, mais le premier acte plĂ©nier de notre personnalitĂ©. Comment nous vivons jusqu’à ce premier acte plĂ©nier de notre personnalitĂ© est le chemin de la vie elle-mĂȘme. Le plus limitĂ© nous vivons, le plus Ă©goĂŻste nous sommes, moins nous contribuons Ă  l’éternelle crĂ©ativitĂ© cosmique de la vie ».

« JĂ©sus a agi comme celui qui Ă©tait subversif, mais cependant comme celui qui Ă©tait sans ego sĂ©parĂ©. Sa libertĂ© radicale Ă©tait la libertĂ© de l’amour, compassion, pardon, misĂ©ricorde, guĂ©rison et espĂ©rance. Agir dans un amour subversif, c’est savoir que l’amour fait partie de la vie. JĂ©sus commença son ministĂšre sans avoir peur de mourir parce que la puissance de Dieu Ă©tait si forte en lui que la vie elle-mĂȘme ne pouvait ĂȘtre Ă©teinte. L’amour radical vous demande de vivre dans la victoire ultime de la vie, qui est Dieu ».

Ilia Delio envisage la mort de JĂ©sus dans la plĂ©nitude de l’amour. « JĂ©sus est mort dans la plĂ©nitude de l’amour. ‘Tout est accompli’ a-t-il dit. L’amour est complet quand nous avons fait tout ce que nous pouvons pour rĂ©aliser l’amour dans les personnes que nous sommes. JĂ©sus est mort dans une mort terrible parce qu’il croyait que Dieu ne pouvait ĂȘtre anĂ©anti par la terreur d’un pouvoir humain. Et il avait raison ». Notre vĂ©ritable ennemi, « c’est la distorsion du pouvoir, un pouvoir qui s’érige Ă  partir d’un niveau de pensĂ©e enfermĂ© dans nos propres peurs Ă©goĂŻstes ».

Ilia Delio fait le procĂšs de l’intellectualisme : « Nous nous enorgueillissons du pouvoir des idĂ©es, nous pensons qu’elles peuvent nous sauver, mais nous oublions comment ĂȘtre nous-mĂȘmes ».

Au moment des cĂ©lĂ©brations de Paques, Ilia Delio ne se reconnaĂźt pas dans ‘des liturgies interminables ou des priĂšres en termes de formules’. « Cela devait ĂȘtre une cĂ©lĂ©bration tous azimuts de la vie ». Elle appelle des « cris exprimant que la vie ne peut ĂȘtre anĂ©antie par la mort, un engagement dans tout ce nous avons et tout ce que nous sommes, envers la plĂ©nitude de vie, la conviction que Dieu est actif et vivant dans la personne humaine, dans les arbres, les plantes, les petits animaux, les crĂ©atures vivantes de la terre  ». « Si nous nous sentions nous-mĂȘmes remplis par ce Dieu de vie, alors nous nous prĂ©cipiterions dans les chemins oĂč la vie est bloquĂ©e par l’injustice, la guerre, l’insouciance, l’aviditĂ©, la pauvreté ». Ilia Delio Ă©voque le remue-mĂ©nage fĂ©cond qu’on peut observer dans la vie de JĂ©sus. C’est le fruit d’ ‘une vie remplie de l’Esprit’.

Les compĂ©tences conjuguĂ©es d’Ilia Delia, sa rĂ©fĂ©rence Ă  la pensĂ©e de Teilhard de Chardin, sa perception de l’évolution des mentalitĂ©s lui permettent de fonder sa thĂ©ologie dans un champ de vision trĂšs large. Certes, certains de ses points de vue peuvent ĂȘtre contestĂ©s comme comportant trop de distance avec une interprĂ©tation biblique classique, mais, comme dans ce texte, elle apporte des Ă©clairages qui font sens. Ici, en effet, elle aborde une question existentielle : la maniĂšre dont la condition mortelle de l’homme engendre une angoisse profonde qui se manifeste tout au long l’histoire de l’humanitĂ© et qui nous concerne chacun. Il arrive que la religion amplifie cette angoisse, comme ce fut le cas avec la thĂ©orie de l’expiation. Ici, Ilia Delio nous apporte une rĂ©ponse libĂ©ratrice. En effet, elle sait nous prĂ©senter comment, Ă  un tournant de l’histoire juive, JĂ©sus a fait l’expĂ©rience du Dieu d’Abraham et de MoĂŻse au cƓur de sa propre vie. La puissance de Dieu se manifesta en lui et, de cette puissance, un nouveau genre de personne, une personne divine Ă©mergea. Dans une puissance d’amour, de pardon, de compassion, il bouscula les habitudes et les frontiĂšres. Ce mouvement se heurta Ă  une violente opposition qui provoqua sa mort terrible sur la croix. Mais, au total, c’est la dynamique de la vie divine qui l’a emportĂ©. JĂ©sus avait commencĂ© son ministĂšre sans avoir peur de mourir parce que la puissance de Dieu Ă©tait si forte en lui que la vie elle-mĂȘme ne pouvait ĂȘtre Ă©teinte. Il est mort dans une mort terrible parce qu’il croyait que Dieu ne pouvait ĂȘtre anĂ©anti par la terreur d’un pouvoir humain. JĂ©sus est mort dans la plĂ©nitude de l’amour. L’amour radical nous demande de vivre dans la victoire ultime de la vie, qui est Dieu. Le texte d’Ilia Delio se termine sur une affirmation de la victoire finale de la Vie.

J H

 

  1. Death anxiety and the cross (les extraits sont traduits à partir de la version anglaise (traduction personnelle non professionnelle). Il existe une traduction française automatique) https://christogenesis.org/death-anxiety-and-the-cross
  2. Une spiritualitĂ© de l’humanitĂ© en devenir : https://vivreetesperer.com/une-spiritualite-de-lhumanite-en-devenir/
  3. Lytta Basset. Oser la bienveillance : https://vivreetesperer.com/bienveillance-humaine-bienveillance-divine-une-harmonie-qui-se-repand/
  4. Comment la conscience de la divinité de Jésus est apparue : https://vivreetesperer.com/comment-la-conscience-de-la-divinite-de-jesus-est-apparue/